BIBLIOTHEQUE DE L'UNIkL^,, „ SECTION LETTRES 100, Bd Herrlot 06200 NICE " ^ • Communication au Colloque National "L'Interculturel en éducation et en sciences humaines" —. •Toulouse, Juin 1985 '•■■ .emergence de roles religieux feminins : : dans"l'immigration algérienne en France • . .• çk.inW'kr/kirf- mmmm s ■ : : : mm M? • y* l-A.'-,'; Nous avons analysé dans un travail antérieur ( 1 ) les 'y ;• modalités selon "lesquelles se redéfinissent les rôles féminins .... dans les communautés maghrébines en France. Nous awjis^notani- ■•:/■ ment souligné 1 'extension de la sphère d ' activités des femmes ; maghrébines dans de contexte de l'immigration. Celles-ci pren- .'y. • ^'vnênt'-part'dp. jna~riTèrê irès Jactive '.'aux .décisions ^relatives _à _la :P'._ vie familiale (logement, éducation des enfants, choix matrimo¬ niaux, relations avec le pays d'origine, relations avec la so¬ ciété française) . Bien que peu d.'entre elles exercent une pro- i fession salariée à l'extérieur, la plupart sont appelées à en¬ trer en contact avec les institutions françaises (écoles, hôpi¬ taux, services sociaux) pour remplir leur fonction d'épouses et de mères. Aussi, contrairement à l'idée répandue selon laquelle ces femmes seraient confinées à l'espace domestique, on peut penser que l'immigration les conduit nécessairement à occuper une place dans le monde public, c'est-à-dire dans l'univers mas¬ culin. Toutefois, pour ces femmes, leur accès au monde extérieur (1) ANDEZIAN (S.), STREIFF-FENART (J.). Les réseaux sociaux des femmes maghrébines immigrées en Provence-Côte-d'Azur. Thèse de 3ème cycle. Université de Nice, Mars 1981. B.U. NICE imiiiiii 099 0000016 C. 6110 SA 2 n'est pas sous-tendue par l'idéologie occidentale de libération féminine. Leur objectif est d'accomplir les tâches que les hommes, soumis à des conditions de travail très difficiles, ne peuvent plus assurer et de contribuer ainsi au maintien de la cohésion de l'unité familiale. . . ,:Vsituation d'immigration, le rôle des femmes maghrébines , ne se limite pas à l'organisation de la vie quotidienne de leur . f oyerT^.1 Celles-ci prennent également en charge la gestion d'une grande partie de la vie symbolique de leur famille et de leur groupe communautaire. Le rôle des femmes dans la mise en place ■de cadres'pour 1'exercice des pratiques rituelles est fondamental. : : 7, Ce sont ries relations féminines de voisinage qui constituent le support ides ^activités collectives à caractère symbolique.-.L'inser-^- .. ' -'-;.:tion des_ femmes dans les reseaux de relations féminines permet a " ■' î*,V' !tUv* %jjti >■ /• -.-• . t"-'*.' .a .. - ; ';w:- y-j;' ; ïv; V:° leurs/"familles de'bénéficier de l'infrastructure organisée pour ' les célébrations religieuses collectives. D'autre part, on assiste -.-r-à ;1 'émergence de nouveaux rôles féminins (bouchères .qui dispensent r - de la' viande licite, commerçantes qui fournissent des articles ves-/ ./timeritâires à usage rituel, tenancières de bains maures nécessaires'/ aux rituels dë~ purifi c a tion, ouverts~ aussi bien aux "hommes" qu ' aux femmes, à des moments différents certes) et à la professionnalisa- tion de certaines femmes ayant des compétences dans l'exercice de rituels (leaders religieux qui constituent et qui dirigent des groupes d'activités religieuses, musiciennes et chanteuses de chants religieux qui animent des cérémonies familiales, laveuses de mort...) Comment des femmes musulmanes peuvent-elles participer à la vie religieuse de leur communauté quand on sait qu'en Islam les activités religieuses sont publiques, que les connaissances religieuses sont sensées être détenues par les hommes et que les prières ne peuvent être dirigées que par ces derniers. Femmes et religion en Islam Traditionnellement, dans les sociétés arabo-musulmanes, 3 le rôle des femmes dans la reproduction et le développement de l'ordre symbolique est considéré comme négligeable. La ges- .. . ... tion du sacré est le privilège de l'univers masculin, les hommes étant jugés seuls capables d'assumer de telles respon- sabilités. Dans les représentations populaires, les femmes apparaissent comme des êtres impurs, immatures, et leur foi ^.'test mise en doute. Elles sont en marge des savoirs et des pra¬ tiques les plus valorisés. En ce qui concerne la religion, la v+^division du travail entre les sexes se fait de la manière sui- ne peut être dispensé que ieuse des enfants "'au sein de la famille "est assurée par les mères et les grand-mères. Mais celles-ci possèdent des connaissances non formalisées, non cons¬ tituées en "savoir". Par ailleurs ce sont elles qui rappellent aux hommes leurs devoirs religieux et qui veillent à l'applica¬ tion des préceptes élémentaires de l'Islam à la maison. On connaît mal les pratiques religieuses des femmes mu¬ sulmanes dans la mesure où la vie des groupes féminins dans ces pays n'a pas eu encore l'attention qu'elle mérite de la part des chercheurs. On sait que dans tout le monde musulman, les femmes, peu présentes dans le domaine religieux formel, qui comme tout l'univers public est réservé aux hommes, ont organisé leur propre vie religieuse intégrée dans le cadre de leurs acti¬ vités sociales. Au Maghreb, l'Islam confrêrique, mélange d'Islam mystique et de religion populaire, locale,anté-islamique, correspondait 4 parfaitement aux modes d'expression utilisés par les femmes. • •"'Cet Islam a donné lieu à la création d'ordres religieux (Touroug, sing. Tarlqa), fondés par des Maîtres spirituels (Chioukh, sing. Cheikh), détenteurs de la grâce divine (Baraka). \ Des groupes d'adeptes (Foraq, sing. Forqa) se sont formés autour ' •VV^;^,:vde ces Maîtres qui leur proposaient une Voie spirituelle '(Tarîqa) ainsi que des moyens (litanies, techniques de méditation) en ; vue de parvenir à l'Union avec Dieu. L'enseignement était dispen- par r. ^ notamment poui ..celles. ayant admis en leur sein des pratiques .. v./YCr •-•••.•. • ' " •• •• • . . •••. : v * -..considérées comme ".extravagantes pouvant aller du chant et de .. : ". Magtir eb mai s .leur "rôle ne se limitait .pas au domaine religieux, il recouvrait toute la vie sociale et politique. Dans l'hagiographie de ces confréries, dominée par les figures masculines, il existe des personnages saints féminins vénérés aussi bien par les hommes que par les femmes. Alors que la plupart des aspects formels de la religion des confréries sont exécutés par les hommes, les femmes ont leurs propres acti- vités telles que visites aux tombes des saints, pèlerinages, danses extatiques, groupes de prière. Ces derniers sont dirigés par des leaders féminins (Moqadmât, sing. Moqadma), officielle¬ ment désignées par le Cheikh de la confrérie avec l'agrément des adeptes (Fagirât, sing. Faqîra). Ces Moqadmât, issues ou non de lignages saints, deviennent investies de la grâce divine (Baraka) qu'elles transmettent à leur Fagirât en échange d'offrandes. Si l'appartenance à une famille de saints facilite la possession de ce capital symbolique qu'est la Baraka, des qualités person¬ nelles sont nécessaires pour rendre cette Baraka effective. Elles 5 organisent des réunions religieuses hebdomadaires (Jmâ' ) le Vendredi après-midi, dans les Zawâya, pour pratiquer des ri- ... tuels spécifiques à leurs confréries : récitation de litanies, chants laudatifs à l'intention du Prophète et des Saints, dan- . •■V. ;Ses extatiques. Elles ont également un rôle d'écoute, de sou- . ..tien et de conciliation auprès des adeptes en difficulté, mais 'leur fonction essentielle est de transmettre les demandes de V faveur que les adeptes adressent à Dieu à travers la chaîne /. •o -• des saints qui remonte jusqu'au Prophète.. ? ces confréries. Elles s'insèrent "parfaitement en son seir -y"ën jouissant d'une Certaine .autonomie. ' " Aujourd 'Jhui,' lâVec JL "_éclatemënt_des ...structurés .sociales qui soutenaient le mouvement confrérique au Maghreb, le rôle des adeptes féminins connaît un certain développement. Dans beau¬ coup de régions, certains ordres, ne subsistent que grâce à des groupes d'adeptes féminins. Les Moqadmât de ces groupes devien¬ nent les représentantes de leur Cheikh auprès des adeptes mas¬ culins également qui viennent solliciter la Baraka. C'est dans ce contexte que je vais essayer d'analyser le rôle d'un groupe de culte organisé en France par des femmes al¬ gériennes affiliées à la confrérie de 'Isâwa. La confrérie des 'Isâwa, est une des rares confréries recrutant des adeptes féminins, les (Khwatât) qui sont initiées selon les mêmes rites que les hommes. Cela pourrait s'expliquer en partie par la très grande souplesse de l'organisation de la confrérie et un système d'affiliation simple et flexible ainsi que par l'origine populaire de la plupart des adeptes. La Tarîqa 6 'Isâwiya s'inscrit dans la ligne classique du soufisme; elle est basée sur la loi coranique et son but est la mise en con¬ tact de l'individu avec Dieu. Cette communion est réalisée par la répétition de phrases liturgiques, mais aussi par l'exé¬ cution de danses extatiques. Les pratiques qui y sont associées sont considérées comme des plus hérétiques par les détracteurs de cet ordre t rites de possession et d'exorcisme, festins san¬ glants, charme et consommation de serpents venimeux, identifi- cation à des animaux. "W -.Cette confrérie est encore, relativement active dans * ;;cipàles fêtes religieuses et pour célébrer circoncisions et V^ ■■■■ '■'?^irïar i^^sls immigré s se rendent à ces manifestations et parti- . ci périt '*auv'pelërinâge 'annuel de la confrérie à la Zâwiy a-Mère v • , de W. (siège de la confrérie). Au cours de leur séjour estival : dans le village d'origine, certains immigrés organisent des veillées spirituelles (Lîla), animées par un qroupe de 'Isâwa. * acrCheikh Des visites sont effectuées à la Zâwiya de W. pour demandei/ son intercession auprès des Saints en vue de trouver des solutions aux problèmes posés par la vie en France. Pratiques féminines de l'Islam en France La Jmâ* organisée par les femmes algériennes immigrées en France est inspirée du modèle des réunions religieuses fémi¬ nines qui se tiennent dans la société d'origine. Créé à l'ini¬ tiative d'une femme qui en deviendra la responsable, ce groupe de culte a été légitimé par le Chef de la confrérie qui a attri¬ bué à cette dernière le titre de Moqadma lui conférant un pou¬ voir administratif, un pouvoir spirituel et un pouvoir curatif. Celle-ci est chargée de l'organisation du groupe, de la direction *:des cérémonies religieuses, de l'accueil de personnes malades ou en difficulté. "' ' v iv" i;-.Dans . les faits, les fonctions de la Mogadma sont limitées. Son rôle spirituel consiste uniquement à diriger les séances de - J ...prières et de danses et, en ce qui concerne les thérapies, elle est rarement sollicitée, ses interventions se limitant au trai- tement des affections de la gorge. Ses filles expliquent que ce sont elles qui l'empêchent de pratiquer ce qui pourrait être • ^.-assimilé à la sorcellerie . . . . la Jmâ' : ceux de danseuses, serveuse, ne • . ' ;.sence de 'l'un "de ces membres. Musiciennes et chanteuses sont Deux personnes occupent en même temps les fonctions de serveuse et d'assistante, et assurent également l'accueil des nouveaux membres. La Moqadma dispose, en putre, d'une aide (Khoddâma) qui l'accompagne dans tous ses déplacements pour la seconder en musique et en chant et qui est chargée de toutes les tâches su¬ balternes telles que le nettoyage des locaux, la vaisselle, le transport des instruments de musique. L'affiliation effective à la confrérie n'est pas une con¬ dition d'admission dans le groupe. Celui-ci reste ouvert à toute femme immigrée musulmane, sans distinction de nationalité ni d'âge. Dans les faits, il est composé en majorité de femmes ori¬ ginaires de la région de Tlemcen et liées par la parenté ou l'appartenance au même village. C'est ainsi qu'il est fréquent d'observer la présence de trois générations de femmes issues d'une même famille. - ■ Le groupe de prière semble, de ce point de vue, jouer ùn rôle très important dans la socialisation des jeunes femmes. . r;Celles-ci s'y rendent avec leur mère ou leur belle-mère, qui •'•-.en profitent pour les initier non seulement aux pratiques reli- ,'^~-;;.-gieuses, mais plus généralement au mode de sociabilité en " / vigueur dans la société féminine. • * • •" Parmi les activités du groupe, on distingue les séances 'ordinaires, hebdomadaires, séances d'invocation et de danses, et les événements tels .".'::ï?%^5j^^3uàprès le :ftour ,(1) pris en famille pour dire des prières ensemble. -v -• I --:î-ï'." V Le groupé se réunit le Lundi après-midi dans un local •-. d'un centre socia'l fermé vce jour-là aux autres adhérents et bap-^.. * * "tisé "Zâwiya". "lies femmes àrrivent^de tous les quartiers à pa'r-^ tir";de "quatorze'"heures,'^après"avoir, pour la plupart, conduit }#>•. jles énfants "à l'école.-' J.-. ' . - ' *'- La Khoddâmâ sort les matelas et les tapis rangés dans les placards et les dispose parterre. Les assistantes s'affai¬ rent dans la cuisine où elles préparent du café et du thé à la menthe qii'elles serviront avec des gâteaux ou du pain en fin de séance. La Moaadma s'installe sur des coussins moelleux réservés aux Hajjât et invite celles-ci à prendre place à ses côtés. Les autres s'assoient par petits groupes, après avoir salué toutes les personnes présentes. Elles prennent le soin de se déchausser et de recouvrir leurs pieds avec leur longue robe traditionnelle qu'elles ont revêtue à l'entrée. Les nouvelles participantes sont prises en charge par les assistantes qui essaient de leur réserver le meilleur accueil, sous l'oeil vigilant de la Moaadma. (1) Ftour : Repas marquant la rupture du jeûne. 9 Dans les groupes, les discussions sont très animées : échanges d'informations, commentaires des faits survenus dans le quartier ou dans d'autres cités, nouvelles du pays, commé- ' rages... De temps en temps, l'attention est fixée sur un des . ..groupes où il semble se débattre des questions importantes. ... Des femmes s'approchent de la Moqadma et lui font part des in¬ vitations à des fêtes que celle-ci transmettra à la fin de la - séance. ■■ ,;V • . Après cette heure de détente, la Moqadma annonce l'ou- , , verture de la séance et demande aux musiciennes et chanteuses de •*." ' :r-: iâma apporte les instruments de flnnt- e»1 1 (=> -inn o (=1 1 e>— Tn?me . 'Pt un . . V profond recueillement. V On distingue deux séries de rituels entrecoupés de pau- ses "plus ou moins ' longues, au cours desquelles les discussions v : • reprennent. • . . j . ' V*-' ■ .• ;':La première partie, intitulée dhikr (litt. -souvenir) : v' commence par la répétition scandée de la profession de foi (Chahâda) et consiste en la récitation de formules liturgiques c dites ou chantées par la Moqadma et que l'assistance répété. . * Elles sont suivies de litanies psalmodiées (ahzâb), accompagnées de musique mélodique et glorifiant Dieu, le Prophète, le Fonda¬ teur ou d'autres Saints. Puis la Moqadma passe aux invocations en les adaptant aux nécessités des membres du groupe : guérison de malades, travail pour les chômeurs, protection des filles, succès aux examens... Et cette première phase se termine avec la reprise de la Chahâda, chantée les yeux fermés et les paumes levées. Les fidèles prononcent des formules de remerciement en se croisant les bras sur la poitrine. On entend des soupirs de soulagement, et l'assistance se réveille lentement d'un état voisin de la léthargie. Des paroles sont échangées, les visages s'animent peu à peu et les conversations reprennent, recréant bientôt l'atmosphère d'agitation du début. f 10 Quelques instants plus tard, la Moqadma impose le silence et entame la seconde partie, appelée 'imâra, que Dermenghem (1) explique par "plénitude, ivresse mystique, dan¬ ses extatiques" .Ce terme nous a été traduit par les assistan¬ tes par "dire quelque chose". En réalité, il s'agit de l'exé¬ cution de danses extatiques dont l'effet serait, d'après ces -'mêmes personnes, "de chasser les esprits". La Moqadma reprend la direction de l'orchestre et joue des airs plus rythmés. Les ^assistantes se lèvent et se balancent d'avant en arrière en se ' .: cris et tapant dans les mains pour appuyer la musique. seuse entre en'transe, l'atmosphère est surchauffée et La dan- et les par¬ ticipantes attendent avec émotion l'instant d'extase. Parvenue à l'état d'extase (hal), la danseuse s'écroule sur le sol, au pied des femmes qui la massent et la surveillent jusqu'à ce qu'elle reprenne conscience. Le réveil s'effectue progressive¬ ment, la danseuse respire profondément et ouvre les yeux, comme reposée par un long sommeil. Elle rassemble ses affaires disper¬ sées au cours de la danse et regagne sa place, calme et sereine,, sous une pluie de bénédictions. Jusqu'à la fin de la hadra, elle restera dans cet état de quiétude. Après la séance de danse, visiblement très éprouvante pour tout le monde, la Moqadma accorde un moment de répit avant (1) DERMENGHEM (E.). Le culte des Saints dans l'Islam maghrébin. Paris : Gallimard, 1982, 351 pages.' (2) Hadra: réunion spirituelle 11 d'annoncer des informations de tous ordres : réunions extra¬ ordinaires, visites, mariages... Les assistantes apportent v les boissons et les gâteaux, tandis que l'aide fait la quête avec son bendîr. Les dons recueillis sont remis à la Mogadma ' y-gui les remettra au Cheikh. Quelquefois, des femmes /de' retour • "•••' d'un voyage au pays, ramènent des.produits artisanaux qu'elles '..: '.7 • v.;-' essaient de vendre pendant la "jmâ'.J Les femmes qui vivent des situations conflictuelles sont poussées à les exprimer au cours \ v' -.vde' ces réunions : maladie, problèmes familiaux, disputes avec . À:/-- -ï.rles barents. -les voisins, .''La Moqadma sollicite la participa- , " - ,y '-yy ™ ' s/ ;>...;:iV;>i^itv®..^^^ti6n''''dè"--toùté"=lVasseinblee pour aider ces personnes a donner ... ]à sieurs problèmes .existentielsy^Le but ^recherche est de m-.- '••• ;-:e^>^^s^®permettre 51'^extériorisation des .conflits 'mais aussi'de sortir ' > / - y-les femmes ^affligées ^de "leur isolement en leur montrant qu'elles ^ -d'sont 'toutes suiettes aux mêmes'difficultés, qu'elles subissent 'Mi - . :. y,-.. :r y.^:;---::-ies 'mêmes -'conditions de'lyiey .'iqù'.eiles..'partagent JLe.même destin : . . J;. On ne peut que solliciter -1 'aide xles Saints et du Prophète. La -.:. "transe semble être le' meilleur moyen de résoudre "les conflits ..yy ■ ; ■ - y, rAussi -les -pàrtiçipantes -sont-elles instamment invitées par -les y-~ assistantes de la Moqadma à exécuter les danses extatiques. La réunion se termine aux alentours de dix-huit heures^ £e groupe se disperse et l'aide remet de l'ordre dans la salle avec beaucoup de soin. La Moqadma peut recevoir la "visite" des femmes qui en expriment le besoin hors de la jmâl .Des familles lui demandent également des séances spirituelles pour célébrer des fêtes fami¬ liales . La_Ziyâra_du_Cheikh1 est dans le cadre de tournées annuelles auprès de ses Forqa que le Cheikh se rend auprès de la jmâ'. Les femmes sont réunies comme à l'accoutumée dans la salle de prière, mais elles sont plus nombreuses et viennent de tout le département. Le Cheikh est installé dans une pièce atte¬ nante et reçoit l'une après l'autre les femmes venues soit pour le saluer et recevoir sa bénédiction, soit pour lui soumettre 12 un problème familial, soit pour implorer une guérison. Il s'en- ■ • ••; quiert des nouvelles de leurs familles, qu'il semble bien con- ' naître d'ailleurs. Puis il récite des formules religieuses ou • prépare amulettes et talismans^ selon les cas. Les femmes res- sortent après lui avoir baisé le turban en signe de dévotion • ''i'^rèt' laissé sur les' coussins des dons en argent. Une assistante 'v-.' nous fait remarquer qu'il ne faut surtout pas oublier de faire des offrandes à celui qui s'est déplacé jusqu'en France pour . . .. .voir ,ses adeptes. . ■ _ . A "côté, ''la séance de ^ajra sê déroule avec beaucoup d'in-.. ' +■ ûn c i +- o ûf y* "î m tout" T.^ Mnrrp^m^ ' En réalité, il s'agit des membres de la famille de la Moqadma : "ifv a . : u. ■ :y.;: : i r. ~ V.-. :'-v; r:.. > . ses fils, ses gendres, le beau-père de sa petite-fille".. : A la fin, le Cheikh se met à l'entrée de la salle, pour réciter quelques versets du Coran. Il formule des invocations en insis- ... .. . v. ■ . C tant sur le cas d'une femme malade, et bénit toute l'assemblée. » * • ■ . .. La Zivara se termine et cette fois-ci le Cheikh pénètre dans la salle et poursuit les discussions avec quelques femmes qui restent, en essayant de s'informer sur les nouvelles partici¬ pantes. L'accueil qu'il a réservé à ces dernières est un indice de son acceptation ou refus de ces nouveaux membres, et déter¬ minera par la suite l'attitude du groupe à leur égard. La Ziyâra lui permet d'évaleur la situation du groupe et de s'assurer de son fonctionnement. L'existence de cette imâ' contribue en effet au renforcement de la confrérie, menacée comme beaucoup d'autres de disparition. Pour les femmes, elle remplace les pèlerinages qu'elles ne peuvent effectuer régulièrement. Elles espèrent y trouver les remèdes contre tous les maux physiques et moraux, liés en grande partie à l'immigration. C'est aussi l'occasion d'exprimer 13 leur dévotion à leur chef spirituel et d'affirmer leur apparte- nance à une communauté spécifique, celle des 1 Isâwa. Signification des activités religieuses féminines en France. ..y' •" 'Ces activités présentent un caractère social très fort.'.. : : . Elles s'intègrent dans le cadre de la vie sociale féminine et v ■ sont soumises du même coup aux fluctuations des relations fémi- lieu et un présence 'régulière pratiques réli- ' * "'"temps libre" pour se reposer ou se" livrer à des activités socia¬ les : visites, démarches administratives, courses. La participa¬ tion aux réunions de la jmâ's'inscrit dans le contexte des visi¬ tes et ces.réunions constituent donc un lieu de relations socia¬ les. Si une des fonctions de la jmâ' est d'assurer la régula¬ tion et la résolution de conflits qui peuvent opposer des parti¬ cipantes, la prégnance de l'aspect relationnel est souvent un motif de refus de la part d'adeptes qui recherchent un lieu de pratique religieuse. Parmi les femmes issues de familles de 'Isâwa hostiles à la jmâ', la plupart soutiennent que ce n'est pas un lieu de prière : "Quelle prière ? C'est un lieu de criti¬ ques, oui! Si vous les entendiez parler, vous auriez honte! Il n'y a que les vieilles qui y vont. Quand il y a la vieille qui dirige la prière, elles la font, sinon elles ne font que parler les unes des autres". Si elles contestent la légitimité de la 14 jmâî elles sont néanmoins obligées de régler leurs comportements : en fonction du modèle dominant véhiculé par ce groupe. C'est au cours de ces réunions que sont redéfinis et codifiés les nouveaux modes de comportements qui seront transmis aux plus jeunes. La ■y, jmâ' constitue également une structure où sont élaborées des ré- . ponses communes aux situations de changement rencontrées au cours ;?,• ' /•' ;:':jde 1 ' expérience migratoire. ; f- ' : ."Dans quelle mesure peut-on parler d'une fonction religieuse les expressions de l'Islam et plus seulement à un besoin de piété pour obtenir les faveurs h \ les problèmes liés à adeptes un cadre mythico- . /Trïtuel~)^ùr~;art£cûier "les contradictions sociales inhérentes à la situation migratoire. En partageant les mêmes expressions sym¬ boliques, invocations, litanies, musique, danse, les participan¬ tes sont toutes liées entre elles de telle façon que chacune ex¬ périmente "une subjectivité collective". Les connaissancesde chacune de ces femmes en matière reli¬ gieuse sont très limitées; elles leur ont été transmises oralement au sein de leur famille ou au cours des manifestations de la con¬ frérie. Traditionnellement,ce savoir religieux est détenu par les femmes âgées. La Moqadma, recrutée habituellement parmi ces der¬ nières, est supposée connaître les prières, les airs musicaux qui favorisent les états de transe, les gestes rituels à effectuer. L'initiation et la formation des adeptes aux pratiques rituelles, voire à la doctrine de l'ordre, relèvent de ses attributions. Dans les faits fil est difficile de trouver des Moqadmât cumulant toutes ces compétences. D'après mes observations, ce savoir est 15 - j "'^v^reconstitué, comme toutes les pratiques culturelles dans l'immi- . .V: ,r gration, à partir de fragments de connaissances que possèdent les femmes de tous âges. Si l'on admet que le savoir religieux n'est pas uniquement celui contenu dans les livres sacrés, on '•>. • -cice collectif des pratiques rituelles de la confrérie traduit - 'confréries' est 'à même "de favoriser les relations' commùnautaires JvJ- - ' * eritr è les à\ 18 "Elle n'a rien fait aujourd'hui. Elle n'a • pas fait réciter toutes les prières. Elle ne fait les choses comme il faut que lors- <3u'.il. y a .de l'argent"., En effet, les séances de hadra ne sont pas toujours ani- '• 5.. ' 'iiiées avec la même intensité. Lorsque le nombre des participan- ; v'.'tes est réduit, les cérémonies sont simplifiées et les séances écourtées / la Mogadmâ se contentant de réciter quelques prières notamment de chants et ... .-.sans assurer la .deuxième phase, composée notamme . V ■. V- J3 ^ ' j •« «« m a m ' T 1 /> ' n ri r« -t -î ■ÇA o 1 vm /n 4- r> r\n +• *• c Ellefait donc .partie d'une tiche famille, et cette aisance maté¬ rielle rend d'autant .plus inadmissible la rémunération de sa fonction religieuse. . "Elle n'a pas le droit de toucher de l'ar¬ gent. Elle n'a pas besoin de ça pour vivre. Ses enfants sont tous commerçants, ils peu¬ vent bien la faire vivre".Ql) Cela explique que si la rémunération de la fonction de . Moqadma est sévèrement jugée, les dons qui vont à son assis¬ tante, une veuve sans ressources, ne font jamais l'objet d'aucun commentaire. Il semble donc, qu'au-delà des critiques qui s'at¬ tachent à la profanation d'une activité considérée comme sacrée, c'est l'exercice même d'une activité salariée par les femmes qui est débattu. Hélène Balfet (1) montre à ce sujet, dans une étude (1) BALFET (H.). "Travail féminin et communauté villageoise au Maghreb". Communication au Colloque : La Communauté en Médi¬ terranée. Marseille, 28-30 Mai 1980. (.0 it à! - \:r. ; >19 sur le travail des femmes en grande Kabylie, que si l'exercice -l1 -.rd'.uhe activité rémunérée par les femmes est mal vu de façon .'• générale/ la communauté villageoise non seulement admet, mais - prévoit des possibilités de rémunérer certaines tâches féminines/' ! V^/'conféraiit aux femmes veuves ou privées d'appui familial un sta- • :; • '.S')':- ■ 'tut de "spécialistes". Ce n'est que dans ce cas précis des fem-' -.; des activités a: mes privées de soutien masculin> que la rétribution ■ ■■{''ïir.'tî?7'.-*î eana 1 ûc " HP om 4 r\ ■? -n o c a iin e-f-a-f-n-f* ropnrinn c 1 d c - •" . —-.ca'dre des activités rituelles. JDans les discussions informelles V . -5 nnf "'.1 -ion o n +- r-o coancoQ ol lo'1 ?"înforwi pnt- rarpmpn t" . (=* f" _ i-vqui ont "iieu entre -les séances , elle' intervient rarement,: et ---. .lorsqu' elle le Sait ce n'est jamais pour imposer un 'point de vue'^ " ou porter un jugement, mais pour concilier des positions opposées ou pour aider à résoudre des conflits. Son rôle dans le groupe consiste avant tout à assurer une-fonction "d'arbitre", et est v/0 inspiré par le souci de maintenir la cohésion du groupe et de ne pas perdre des adeptes. Représentante de l'autorité spirituel¬ le, la Mogadma est une intermédiaire indispensable pour obtenir des faveurs en cas de difficultés. Mais si les femmes considèrent qu'elle transgresse les règles de neutralité que doit observer toute Mogadma, elles peuvent contester sa place à la tête du groupe et demander au Cheikh à ce qu'elle soit remplacée. Il n'existe pas de groupe d'adeptes masculins au sein de cette communauté en France : wianque de temps, faute de "spécia¬ listes des exercices rituels masculins", mode de socialisation différent.On pourrait avancer que c'est le caractère informel des activités religieuses féminines qui leur permet de s'adapter plus 20 •/•T: J a ;• • r$ facilement à de nouveaux contextes socioculturels. Par exemple, . ^l'accès au centre social, difficile au début, le centre refusant ^ .tout groupement religieux dans ses locaux, a été rendu possible -v^^parce qu'il s'agissait d'un groupe de femmes dont les activités quelques autres membres du groupe ont obtenu des "caftes d'adhé- & ■•■■■ •• -v-rents ^.--beaucoup d'égards par :1a" hiérarchie de la confrérie.et des prières .7.^^ spéciales sont récitées à l'intention des " ' Isâwa de France". V:"'; :'777 On ne peut parler de "nouvelles activités religieuses" des -'^femmes dans l'immigration. Il s'agit plutôt de la mise en évidence • de l'importance du rôle des femmes au sein de la confrérie et de l'influence qu'elles exercent auprès des adeptes masculins. Sossie ANDEZIAN Chargée de Recherche CNRS IDERIC, Nice Le 1er Avril 1985 BIBLIOGRAPHIE ALEM (J.P.). L'Arménie. Que-Sais-je ? : P.U.F., 4e éd. 1933, 127 p. ARMENIA, n° 80, Janvier 1984. BOUDJIKANIAN-KEUROGHLIAN (A.). Les Arméniens dans la Région Rhône-Alpes. In Revue de Géographie de Lyon, n° Hors . Série, Lyon 1978, 214 p. CARRERE D'ENCAUSSE (H.). L'Empire éclaté. Paris : Flammarion, 1978, 308 p. DEDEYAN (G.), sous la dir de. Histoire des Arméniens. Toulouse : Privât, 1982, 693 p. FISHMAN (J.A.). Language and Ethnicity. In Giles (H.), ed. : Language, Ethnicity and Intergroup Relations, Euro- pean Monographs in Social Psychology 13, London, New York and San Francisco : Académie Press, 1977, pp. 15-57. GIORDAN (H.). Démocratie culturelle et droit à la différence. Paris : La Documentation Française, 1982, 108 p. GRAU (R.). 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