UNIVERSITÉ DE NICE Institut d'Etudes et de Recherches Interethniques et Interculturelles Commissariat Général du Plan Groupe de travail sur l'évaluation des politiques sociales locales Thème de la cohabitation interethnique POUR UN OBSERVATOIRE DES SITUATIONS MIGRATOIRES Victor BORGOGNO Lise VOLLEINWEIDER-ANDP.ESF.il. BjBLIOTHEQUE DE L'UNIVERSITE SECTION LETTRES 100, Bd Herrlot 06200 NICE Avril 1985 099 0000051 IDERIC 33, bd de la Madeleine - OôOOO Nice - Téléphone : (93) 44.82.44 e,é>°M8 1 I L'EMPIRE DU POLITIQUE En préalable à toute réflexion sur les problèmes d'évaluation, il nous a paru intéressant de poser la question de la relation entre démarche du chercheur et démarche de l'acteur en l'éprouvant concrète¬ ment, pour notre thème de recherche, à partir de ce qu'en disait la pla¬ quette : "Développement social des quartiers : bilans et perspectives 1981-1984"(1). Nous avons donc essayé de discerner dans le texte les grandes li¬ gnes de la démarche appliquée par la Commission au problème de la cohabi¬ tation interethnique. L'approche décrite (passim et p. 99 et suivantes : "Un quartier riche de ses différences"), notamment au plan de l'identification des pro¬ blèmes, pous semble marquée par plusieurs types de réductions. . La première de ces réductions procède de la tendance à faire prévaloir, dans les "entrées" de classement ou de catégorisa¬ tion des populations, les critères sociaux, génêrationnels, voire sexuels, sur les critères d'appartenance ethnique ou culturelle : ainsi les jeunes d'origine étrangère se con¬ fondent avec "les jeunes" (dont la sur-représentation dans ces Quartiers nose Droblème") : ainsi nour les "femmes en difficulté" ; ainsi encore pour les "catégories en situation de précarité". (1) La Documentation française. 2 On peut voir là une sorte de négation (dénégation?) des tota¬ lités pourtant souvent surdéterminantes au plan des conditions de vie, du statut symbolique, des référents subjectifs, que représentent les appartenances ethniques. Cette occultation qui, pour nous, est d'essence politique, a souvent sa contrepartie au plan des politiques sociales locales, où, dans bien des cas observables, les populations immigrées (leur nombre excessif) jouent intrinsèquement le rôle d'indica¬ teurs pour argumenter les demandes de soutien financier, puis disparaissent comme populations spécifiques, appelant des dis¬ positifs spécifiques, quand il s'agit de définir les politiques d'aval. . Deuxième point : seule la cohabitation inter-(ou pluri-)ethnique (i.e. la coexistence résidentielle entre populations immigrées ou étrangères et populations nationales) semble faire question. La présence de populations différentes au plan ethnique semble ainsi relever de ces caractéristiques excédentaires qui, avec quelques autres singularités (mais elles "dédoublent", nous l'avons vu, en bien des cas celle-là !...) comme la sur-repré¬ sentation des jeunes, affecterait l'équilibre de ces zones de logement, sans remettre en cause l'image d'une population majo¬ ritairement homogène et intégrée -ce qui se traduit par l'usage constant de l'entité abstraite, "l'habitant", 1"usager'-ou en co-existant avec cettre représentation. La question des effets de la différenciation sociale interne résultant des caractéristiques objectives des habitants, mais aussi comme processus inter-subjectif, qui marque ces quartiers en dépit, ou à cause, de la proximité sociale apparente de leurs divers groupes d'habitants (1), et qui n'est jamais que l'ex¬ pression de phénomènes sociaux universels et globaux, est éva¬ cuée . (1) Voir à ce sujet l'article déjà ancien mais toujours actuel de Jean-Claude CHAMBOREDON et Madeleine LEMAIRE : "Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement", Revue Française de Sociologie, XI-1970. Nous pensons quant à nous qu'il faut reconnaître le caractère irréductible et spécifique de la question de la cohabitation interethnique, tout en reconnaissant en même temps que les deux questions, cohabitation interethnique et processus et effets de différenciation sociale, s'interpénétrent et conver¬ gent, en particulier, vers la question du rapport entre groupes de condition sociale identique ou voisine (mais cette proximit ou ce voisinage sont eux-mêmes en question) et d'appartenances ethniques et culturelles différentes. Enfin, s'il y a, dans les conditions décrites ci-dessus, foca¬ lisation sur la question de la cohabitation interethnique, les difficultés que celle-ci susciterait font l'objet d'une cer¬ taine minimisation. Ainsi, par exemple, en fonction de la ré¬ duction signalée au paragraphe précédent, certains conflits ne seraient interethniques qu'en apparence, ils sont "en réalité" des conflits entre générations... Ou bien, encore, la conflic- tualité est grossie par une presse plus attentive aux côtés spectaculaires d'incidents ponctuels qu'aux "mouvements de fond de sens positif... L'impression générale prévaut, à la lecture, que ce qui est appelé "les composantes socio-ethniques du quar¬ tier, sont en voie d'intégration à un "tout" dont l'intégration ne semble guère faire question. . Troisième type de réduction : les auteurs situent l'origine des difficultés de cohabitation interethnique qu'ils évoquent, près que exclusivement dans deux sortes de facteurs : l'inadéquation des modes de vie et des expressions culturelles d'une part, les réactions xénophobes suscitées par la crise économique, de l'au tre ; deux interprétations qui ont l'avantage de supposer aux conflits un caractère techniquement réparable dans le premier cas, ou de leur conférer le statut de l'exceptionnel et presque du pathologique,dans le second. Il ne saurait être question de nier l'importance de ces deux facteurs, mais pour nous la question se pose de savoir s'ils n'ont pas pour seule propriété de rendre plus intenses des situations de tension qui ont des origines plus structurelles. f 4 Ce qui est occulté, selon nous, par cette évocation un peu rituelle des causes traditionnnelles des difficultés, c'est la question plus fondamentale du type de rapport proprement et pleinement social, qui est appelé à s'instaurer entre les populations de travailleurs immigrés, et leurs voisins sociaux et spatiaux des classes populaires nationales ; un rapport qui ■ I dëbordre largement le domaine de 1'"habiter" et du culturel, et qui renvoie à la question des conditions structurelles et sociales de l'insertion des immigrés. . Enfin, d'une manière voisine, cette présence immigrée, évoquée en même temps que voilée, à propos de la cohabitation inter¬ ethnique, est coupée conceptuellement du processus d'immigra¬ tion qui l'a produite, et de la question théorique, histori¬ que et politique de l'insertion des populations immigrées (différenciées,entre elles, d'ailleurs, sous toutes sortes d'aspects) dans les cadres sociaux et économiques du pays d'immigration. Processus étendant ses effets dans les champs les plus divers et présentant de multiples dimensions, et qui est l'objet d'une "gestion" politique et économique largement extérieure au quartier et au niveau local. Sur ce point comme pour le précédent on note qu'une pleine appréhension de tout ce qui est en jeu dans les situations, et les difficultés, de cohabitation interethniques réclame que l'on prenne en compte des logiques, des processus et des poli¬ tiques, excédant largement les cadres réel et conceptuel du quartier et les possibilités des politiques sociales locales. Les éléments que nous avons critiqués appartiennent à un document qui cons¬ titue une forme d'évaluation (Bilans), et c'est du point de vue de la déter¬ mination de meilleures conditions scientifiques pour l'évaluation que nous les avons critiquées. Sur ce point les difficultés ne sont pas insurmonta¬ bles ; les critiques convergeant finalement vers un élargissement du cadre d'évaluation au-delà de ce que Nicole TABARD a appelé "le résiduel", et dans les termes qu'elle propose. 5 Mais une autre caractéristique de 1 "'évaluâtion" que nous avons évoquée est pour nous frappante, c'est son versant politique. La valorisa¬ tion de certains indicateurs -ceux qui jouent en faveur de l'hypothèse intégrative pour dire cela très vite- suggère une prise en compte très attentive du débat politique actuel sur le thème traité. De plus des précisions sont données sur les formes de "localisation" de ce débat. Des grandes orientations, ou "perspectives", indiquées dans notre domaine, qui sont d'ailleurs tout à fait positives (il s'agit, pour les résumer sommairement, d'assurer la promotion de ce que les auteurs appellent la composante socio-ethnique des quartiers et l'amélioration de ses conditions de vie). On nous dit qu'elles rencontrent des "blocages" (politique des quotas dans les logements, sous-représentation dans les processus participatifs...) qui sont tous situés au niveau local (ou com¬ munal). Tout se passe comme s'il y avait opposition ; sur cette question, entre un paradigme national (ou central) et un paradigme largement dominant au niveau local. Et nous savons que cette contradiction ne renvoie pas seulement à des divergences dues aux différences de niveau territorial de compétence et de responsabilité, mais coïncide, au moins partiellement, avec un clivage de nature politique, au sens le plus traditionnel du terme. Ces "blocages" indiquent moins une sorte de "résistance au changement" propre à l'échelon local, que l'existence et le développement, parfois, d'une autre politique sociale, diversement présente suivant les régions, tout autrement orientée, et dont les finalités, plus ou moins conscientes d'elles-mêmes peuvent être aisément identifiées (évoquons brièvement : pression à la di¬ minution de la présence immigrée -ou à son "assimilation"- discrimination, dans certains cas, au profit des nationaux...) Le domaine de la cohabitation interethnique (qui est pour nous in¬ dissociable de la question globale de l'insertion des immigrés dans notre société) est donc un domaine où les "politiques sociales" sont, plus in¬ tensément que d'autres, habitées par le politique, et où les positions poli¬ tiques surdéterminent, ou refoulent, avec plus de force qu'ailleurs, la neu¬ tralité gestionnaire. Si bien que la question de la position indissociable- ment politique et territoriale des utilisateurs du plan d'évaluation (ou de ceux qu'il s'agit d'aider à construire un tel plan selon la proposition de M. PINÇON-CHARLOT et Paul RENDU) devient essentielle. 6 Des deux questions (posées notamment par N. TABARD, d'une part, et M. PINÇON-CHARLOT et P. RENDU, de l'autre) : - Comment évaluer ? Quelle extension donner à l'entreprise ? Doit-on cir¬ conscrire un environnement plus large et jusqu'à quel point. Comment inté¬ grer les processus expliquant la situation, comment situer le rôle de la politique locale dans cette situation... - Et pour qui (ou avec qui) évaluer ? Question qui ne renvoie pas seulement dans notre cas à la simple variabilité des contextes, des enjeux, des inté¬ rêts et des acteurs locaux, mais à des oppositions politiques (et sans doute aussi, profondément, culturelles..)majeures... ...C'est la seconde question qui "surplombe" pour nous la première. Peut-on la régler en proposant que s'instaure un débat démocratique autour de l'élaboration du plan d'évaluation, débat réunissant "les acteurs de la politique étudiée" et les "populations concernées par cette politique", com¬ me le proposent M. PINÇON-CHARLOT et P. RENDU ? Ce choix se heurte dans notre cas, s'agissant des populations con¬ cernées, à une double difficulté : tout d'abord il rencontre le problème des capacités sociales et culturelles de toute nature, nécessaires pour partici¬ per, en pratique, à un tel débat, ce dont les groupes dominés risque souvent d'être les plus dépourvus. En second lieu, on ne peut méconnaître que la participation ou la non-participation des immigrés au "débat démocratique" , voire au simple dialogue social, constitue, sur un mode plus ou moins conscient de lui- même selon les acteurs, un des enjeux mêmes de la politique débattue ou évaluée. Le problème qui sous-tend cette difficulté - circulaire - peut s'exprimer d'une manière plus large : la position symbolique des populations immigrées dans le champ des politiques locales est, en règle générale, celle d"'objet" non de "sujets"virtuels. 7 Tout processus concertatif à propos de l'insertion des immigrés pose une double question : celle du traitement de 1'"objet" d'abord, et d'une manière plus distincte quoique indissociable, ce traitement serait-il le plus bienveillant du monde, celle de leur accession au rang de "sujets" de la concertation ayant pour objet ce traitement. On le voit clairement à propos des politiques de "déconcentration", "quotas", "dëghettoïsation" -peu importe l'euphémisme employé- : la question que posent de telles poli¬ tiques est double. Il y a d'abord celle de leur pertinence en tant que mesu¬ res de "social-engeneering" (à supposer qu'il ne s'agisse pas comme dans bien des cas de pures et simples mesures d'exclusion), mais il y a aussi la ques¬ tion des effets intrinsèques du processus dêlibératif ou participatif con¬ duisant à ces mesures, et qui est de manifester et de pérenniser les fron¬ tières excluant les immigrés de la sphère des débats civiques, à propos des dispositions les concernant. (Ceci permet de comprendre, entre autres raisons que de nombreux jeunes descendants d'immigrés, déplacent le débat et le por¬ tent sur le terrain de la revendication politique directe, ce que saluent à juste titre les auteurs du rapport "bilans et perspectives" sans, peut-être, bien discerner à quel point cette émergence de la pratique politique directe marque, en quelque façon, les limites de la politique sociale locale, dans le domaine considéré). Les difficultés auxquelles nous conduit la question "pour qui et avec qui évaluer ?" nous rappellent donc que les politiques sociales qu'il s'agit d'évaluer ne sont pas simplement marquées par l'hétérogénéité qu'elles doivent à la diversité des situations locales auxquelles elles s'appliquent, mais qu' elles se structurent, avant tout peut-être, en fonction des grandes tendances parfois antagoniques, qui reflètent le débat suscité par la ques¬ tion historique et politique de l'insertion des vagues migratoires des deux dernières décennies. Par ce qu'il dit comme par ce qu'il ne dit pas le document "bilans et perspectives" rappelle l'existence et la prégnance de ce débat. De plus il suggère l'idée que toute évaluation, dans le domaine considéré, tend à revêtir, presque consubstantiellement, un statut praxéologique, qu'elle tend à être indissociablement une démarche politique, malgré que ses auteurs en aient, ou quelle que soit la conscience qu'ils en prennent. 8 Dans ces conditions, on peut se demander si la politique n'est pas au centre de la question du choix et de l'interprétation des indicateurs plutôt qu'à sa marge. Et ce qu'il faut affirmer c'est que cette question se pose au chercheur de ce domaine, en toute occurrence, et qu'elle est, aussi, de nature épistémologique. Que l'on songe à l'exemple maintes fois cité du dénombrement des étrangers (ou bien faut-il dire "immigrés" ? Le choix du terme comporte dé¬ jà un enjeu qui, à la limite, est politique...). Le chercheur s'efforcera certes d'affiner ses catégories, de signaler les problèmes que pose leur usage, mettre en doute 1 'ntérêt scientifique même (ou le sens) de dénom¬ brements statistiques globaux. Toutes ces précautions n'empêcheront pas que le nombre des étrangers, à quelque niveau territorial qu'il soit référé, demeure, et peut-être d'abord pour le chercheur lui-même, un indicateur im¬ portant, investi, résiduellement mais tenacement, d'une sorte de sens absolu, par le politique : il est ce qu'on pourrait appeler la mesure de l'altérité. (On peut songer aussi à des indicateurs du domaine dit "qualitatif". Comment interpréter la conflictualitë interethnique : signe de structuration des composantes socio-ethniques" ? ou atteintes intolérables à la paix civile ?). De ce point de vue, la distancequi sépare chercheurs et acteurs serait alors moins grande qu'il n'y paraît, et les clivages politiques (ou peut-être de "culture politique") opèrent sans doute ces partages aussi dé¬ cisifs que ceux qui sont dus à la spécialisation des tâches. On aura compris qu'il ne s'agit pas pour nous d'évoquer, rituelle¬ ment, le risque de la "récupération" ou de 1'"utilisâtion" du chercheur par les politiques, mais d'identifier clairement quelle est la position du poli¬ tique dans le problème de l'évaluation de notre domaine, et de poser la question des dispositions communes que pourraient prendre chercheurs et ac¬ teurs pour surmonter les problèmes posés par cette position. L'effort pour donner la meilleure réponse à cette question consti¬ tue un préalable indispensable à l'élaboration du plan d'évaluation. 9 Sans préjuger des résultats de cette réflexion, il nous semble que ce que devraient rechercher en commun chercheurs et acteurs c'est de créer des conditions d'une démarche tendant à la "neutralité axiologique",(1) en réservant ou en retardant le moment de 1'"appropriation" de ses résultats par la sphère politique, ou en pensant les divers modes possibles de cette appropriât ion. C'est en supposant ce problème résolu, tout en sachant qu'il s'agit là d'un idéal bien difficile à atteindre, que nous esquissons ci-dessous les grandes lignes d'un observatoire des "situations migratoires". II POUR UN OBSERVATOIRE DES SITUATIONS MIGRATOIRES Nous l'avons dit, la question de la cohabitation interethnique renvoie pour nous au.(ou connote le)phénomène global de l'insertion des po¬ pulations immigrées dans les caures sociaux, économiques, institutionnels de la société d'immigration (cette insertion est une "mise en cohabitation"). La cohabitation comme phénomène étroitement résidentiel n'est pas ignorée mais elle s'intègre comme question particulière -champ particulier- au phénomène global de l'insertion. D'autres champs ou domaines sont à pren¬ dre en considération à côté de celui du logement ou des contacts spatiaux : l'insertion sur le marché du travail, l'insertion scolaire, l'insertion com¬ me composante démographique, culturelle, etc... Bien entendu, chaque champ est doté de sa logique et de ses acteurs propres, et les conditions d'inser¬ tion peuvent profondément différer selon les champs, mais l'avantage de no¬ tre perspective est de mettre l'accent sur le problème de l'articulation en¬ tre les divers modes d'insertion (ce qu'ils doivent les uns aux autres), d' identifier éventuellement les logiques transversales à tous les champs, et, en particulier, de poser la question de la reproduction (ou du mode de reproduction) dans chacun d'eux, du statut et de l'identité sociale infé¬ riorisés qui sont, à l'évidence, initialement, ceux de certaines, au moins, de ces populations. (1) Au sens de Max WEBER. 10 La politique sociale centrée sur le quartier est donc à situer comme un élément dynamique de situations qui débordent de leur cadre et qui sont soumises à d'autres facteurs d'évolution. C'est en élevant ainsi le ni¬ veau de l'observation qu'est facilitée l'évaluation d'un élément important, pour ce qui concerne notre thématique, l'articulation entre des politiques sociales diversement axées ou territorialisées. De telles prémisses nous conduisent évidemment à étendre l'inscrip¬ tion territoriale de l'observation au-delà du quartier. Tout en gardant ou¬ verte la question de la clôture spatiale optimale, qui peut varier dans une certaine mesure suivant les domaines, il nous semble que le cadre d'observa¬ tion devrait être l'agglomération ou, mieux, le bassin d'emploi (1). Nous proposons d'appliquer à la situation, ainsi circonscrite dans toutes ses dimensions, le terme de "situation migratoire" (2). La cohabi¬ tation interethnique, au sens où nous l'entendons, y ferait l'objet d'une évaluation spécifique à relier aux autres domaines d'évaluation suivant une articulation à déterminer. Les sous-chapitres du plan d'évaluation des situations migratoire nous pa¬ raissent devoir être les suivants : I 1/ Evaluation démographique (impact au plan du peuplement local de l'apport démographique immigré). 2/ Insertion socio-économique (dans "la production"), insertion scolaire. Conditions de logement. 3/ Rapports de cohabitation dans leurs modalités symboliques ; problèmes de contact. 4/ Evaluation de la mise en oeuvre et des effets de dispositifs spécifiques en faveur des immigrés. Expressions culturelles et vie associative. (1) La nécessité de cette extension, au plan de la politique sociale concer¬ nant notre domaine, est reconnue par les auteurs du texte "bilans et perspec¬ tives", quand ils écrivent, par exemple : "pour éviter les pratiques discrimi natoires, la question de l'accès au logement des catégories exclues doit être traitée au niveau de l'agglomération et du département", ou bien quand ils évoquent l'importance des "contrats d'agglomération" pour améliorer l'inser¬ tion des immigrés. (2) Formule empruntée au titre d'un ouvrage de T. ALLAL, J.P. BUFFARD, M.MARI REGAZZOLA T., où il a un sens assez différent, Galilée, Paris, 1977. 11 Deux remarques doivent être faites : - Le point 4 réfère à l'ensemble des politiques sociales spécifiques en di¬ rection des populations immigrées. Celles-ci constituent un secteur d'éva' luation autonomisable par rapport aux politiques sociales non-spécifiques (dont les effets peuvent se situer à tous les niveaux) aux résultats identifiables de manière distincte au moins sous certains aspects. - La position particulière que nous avons donnée au thème : "expressions culturelles, vie associative" s'explique par une double articulation exis tant concrètement (elles sont souvent le résultat de dispositions spécifi ques, et s'intègrent à la'problématique des contacts"). II.1 L'évaluation démographique Comment faut-il nommer la population dont nous parlons : étrangère Immigrée ? Aucun terme n'est vraiment satisfaisant. Comme le disent James MARANGE et André LEBON, en parlant des jeunes : "Les termes de langage cou¬ rant comme "migrants de la seconde génération" ou "jeunes étrangers", ne traduisent qu'imparfaitement la situation des enfants de travailleurs immi¬ grés, tout en conditionnant notre façon de penser, et par conséquent, la réglementation qui les concerne ainsi que les actions menées en leur direc¬ tion" (1) . En restant conscient du problème nous nous accorderons à l'usage statistique et parlerons de "population étrangère". C'est qu'il s'agit de mesurer ici les caractéristiques intrinsèques de cette population et ce qu'elle représente comme courant de peuplement par rapport à la structure démographique nationale. Cependant, cet objet n'est pas posé pour nous d'une manière indëpen dante par rapport à la question de l'insertion sociale de ces populations et aux problèmes de la cohabitation interethnique. Cet éclairage nous con¬ duit à relativiser et à moduler, quand c'est nécessaire les critères de classification statistique. (1)MARANGE James, LEBON André,"L'insertion des jeunes d'origine étrangère dans la société française", La Documentation française, Paris, 1982. 12 Ceci signifie, par exemple, que, dans bien des cas, la nationalité précise ou le "groupe ethnique" est beaucoup plus opératoire que l'appar¬ tenance au groupe statistique des étrangers. Ou bien que, s'agissant des jeunes, le critère de la nationalité (souvent obtenu par acquisition automatique à la majorité légale...) est moins opératoire que celui de l'origine familiale. Il faut, cependant, noter que les sources statistiques utilisent le critère de nationalité, ou "globalisent" les étrangers dans certaines approches, tendant ainsi, dans une certaine mesure, à "informer" nos modes de pensée sur la question. Dernière remarque générale, nous supposons résolu le problème de l'accessibilité ou de la mise en forme pertinente des données aux différents niveaux territoriaux où nous nous plaçons (agglomération ou ensemble d'ag¬ glomérations pour le bassin d'emploi, quartier voire ilôts dans le cas de la focalisation sur les phénomènes résidentiels). L'évaluation démographique doit comprendre selon nous les "entrées" suivantes : A/ Dénombrement des "étrangers", distribution par nationalités, suivi des évolutions. Deux principales sources : - les recensements généraux de la population par l'i.N.S.E.E. Inconvé¬ nient : la périodicité (intervalles de 7 à 8 ans). - les statistiques du ministère de l'Intérieur. Inconvénient : leur peu de fiabilité (elles ne comptabilisent que les titres de séjour) . Ce¬ pendant cette source statistique peut constituer un indicateur de ten¬ dance, qu'un certain nombre d'autres sources peut permettre de corri¬ ger (O.N.I. (1), Education Nationale...). (1) O.N.I. : Office National d'Immigration. 13 N.B. : la distribution par nationalité conduit, en fait, le plus souvent, à une distinction globale, d'usage implicite ou explicite, entre immigrés originaires du tiers monde (Maghreb, Afrique) et immigrés originaires d'Europe occidentale (les Portugais occupant une place intermédiaires) (!:) . Cette séparation "ethnique" traduit une sorte de circularité "systémique" entre : - différences objectives de situation et de problèmes - mode de classification courant dans les pratiques de "sociologie spontanée" de certaines institutions. - mode de perception discriminante, subjective, quasi universel. Tout conduit donc"l'observateur" a reprendre la distinction et ...à par¬ ticiper ainsi à sa reproduction... B/ Classes d'âge. Le découpage par "classes d'âge" permet deux sortes d'évaluation : - part des étrangers dans une classe d'âge donnée de la population totale. - poids d'une classe d'âge donnée dans la population étrangère totale. Un des problèmes que pose cette question est le décalage entre les classes d'âge que distingue l'I.N.S.E.E. (0-14/15-24/25-34/35-54/55-64/ 65) et la périodicité que découpent certains âges charnières de la vie civile (16 ans: fin de l'a scolarité obligatoire ; obligation de détenir à titre individuel carte de séjour et de travail. 16-18 ans : âge limite pour les regroupements familiaux, majorité civile, stages 16-18 ans... 18-25 ans : pactes nationaux pour l'emploi). On peut remédier à ce problème ou en demandant un traitement spéci¬ fique à partir des fiches I.N.S.E.E., ou en faisant appel à des sources supplémentaires : rectorats, missions locales, A.N.P.E., Ministère du Travail, état-civil... C/ Distribution par sexe. La proportion de femmes et d'hommes selon les divers groupes nationaux ou ethniques est utile à connaître en elle-même ; elle doit donner lieu à une comparaison avec les taux nationaux ou ceux de la population totale. (l)Les populations ainsi différenciées appartiennent de plus à des vagues migratoires historiquement distinctes. 14 En second lieu par la mesure de la surmasculinité (qui est le cas le plus fréquent et qui est variable suivant les nationalités ou les grou¬ pes ethniques) on peut développer une première approche de la distinction -essentielle à bien des égards- entre immigrés vivant en "situation de céli¬ bat" ("isolés") qui ont laissé le plus souvent leur famille au pays, et les immigrés vivant avec leur famille en France. N.B. : En croisant les deux séries de données : classes d'âge et distribu¬ tion par sexe, on peut procéder à la construction d'une "pyramide des âges" donnant des informations sur 1' apport étranger , par tranches d'âges et par sexe, à la pyramide nationale, du type de celle que nous reproduisons à la page suivante (source :"Economie Corse", revue régionale de 1'I.N.S.E.E., Ajaccio, 1979). D/ Les familles. . L'analyse de la composition des "ménages ordinaires", au sens statis¬ tique, permet de mesurer la taille moyenne des familles selon les groupes nationaux ou ethniques, ou le nombre moyen d'enfants par fa¬ mille. Ceci ouvre à des comparaisons avec les données nationales ou concernant la population totale, dans ce domaine. . L'évolution du "regroupement familial" doit être suivie. Ceci permet, d'upe part, d'affiner la distinction entre jeunes nés au pays d'origi¬ ne et jeunes nés en France, et, d'autre part, d'élaborer des projec¬ tions à partir du nombre des immigrés en "situation de célibat". E/ Les travailleurs en "situation de célibat". Une meilleure approche de ces populations doublement spécifiques devrait être réalisée. Beaucoup sont appréhendés dans les recensements sous la classification de "ménages collectifs" (ceux qui vivent en "foyers" ou parfois encore en bidonvilles). A bien des égards leurs conditions de vie etd'"insertion" justifient d'une appréhension particulière et glo¬ bale (la variable nationalité ou le groupe ethnique est ici capitale, 1'"isolé" est essentiellement un maghrébin ou un Africain...). F/ Les taux de natalité (et de mortalité) des différents groupes nationaux doivent être déterminés et des comparaisons effectuées avec les taux nationaux (1). (1) Source : I.N.S.E.E. Etat-Civil. 15 effectifs effectifs 1000 1000 4000 8000 LECTURE DE LA PYRAMIDE : Le trait extérieur représente l'ensemble de là popula- tion en Corse (Français et étrangers)^ la zone hachurée correspond à la popula-A tion étrangère. La population est répartie par sexe et par tranche de cinq ans. femmes Graphique III l'importance des hommes adultes dans la population étrangère hommes 16 G/ Les naturalisations. Il s'agit de déterminer ici : 1°) La proportion des jeunes qui déclinent la nationalité française à leur majorité légale pour garder leur nationalité d'origine, et la distribution par nationalités ou groupes ethniques de ces jeunes, (des études récentes ont montré qu'il était pertinent de prendre en compte, de plus, les variables : niveaux d'instruction, lieux de ré¬ sidence) 2°) Le nombre de jeunes qui deviennent Français par le jeu de l'article 44 du Code des nationalités (acquisition automatique en raison de la naissance en France). H/ Nuptialité. On n'a pas besoin de souligner l'importance d'avoir des données dans ce domaine (1). Deux types d'information peuvent être recherchées : - le taux des mariages "endogamiques" suivant les groupes ethniques. - le taux de mariages mixtes. Problème : les sources statistiques directes font actuellement défaut (l'Etat Civil n'enregistre que les mariages contractés à la mairie, ce qui exclut ceux qui sont réalisés dans les consulats ou les pays d'origine). Des études peuvent être faites à partir du dépouillement direct des fiches I.N.S.E.E. Nous avons raisonné, pour cet aspect démographique,- sur des popula¬ tions globales; bien des raisons militent pour une prise en considération spécifique de ce qu'il est convenu d'appeler la "seconde génération". Par¬ tant du constat des problèmes spécifiques de ce groupe social, pour qui, cependant, il est, à l'évidence, désormais inapproprié de parler d'immigra¬ tion ou d'immigrés (les jeunes nés sur place constituent 80 % des entrées). James MARANGE et André LEBON (2) se sont efforcés de donner une définition de ce groupe qui rende compte de sa spécificité (ni immigrés, ni vraiment nationaux), qu'ils définissent ainsi : (1) "Le mariage peut être l'occasion de maintenir ou de resserrer les liens avec la communauté d'origine, de structurer une communauté "immigrée"/.../ ou au contraire il peut représenter le moyen le plus efficace de se fondre dans la société d'accueil" (J. STREIFF-FENART, "Les mariages des jeunes issus de 1'immigration"). Rapport de recherche I.D.E.R.I.C. , Nice, 1985. (2) 0£. Cit. I 7 "Les jeunes soit nés en France d'au moins un parent étranger, soit entrés dans le cadre de l'immigration familiale, Indépendamment de leur nationalité actuelle qui, dans certains cas, ne sera déterminé avec certitude que le jour de leur majorité". 11. 2 Trois domaines d'insertion sociale Dans l'ouvrage que nous avons précédemment cité, J.MARANGE et A. LEBON justifient aussi l'emploi du terme "insertion" : "C'est à dessein qu'un terme sans connotation marquée a été choisi pour mener notre investigation et pour intituler ce document. L'insertion, en effet, ne présage en rien le type de rappports qui s'établit entre les jeu¬ nes d'origine étrangère et la société dans laquelle ils vivent, non plus que l'évolution susceptible de se produire, avec le temps ou pour tout autre raison, dans ces rapports. Cette "neutralité qui, en quelque sorte, la ca¬ ractérise, différencie l'insertion des deux autres concepts à l'acception davantage circonscrite, l'assimilation et l'intégration". Par ailleurs, ces auteurs reconnaissent la nécessité d'une démarche globale rapprochant et comparant au moins implicitement des domaines appa¬ remment bien différents (insertion scolaire, professionnelle, etc...) du fait de la fréquence significative avec laquelle se rencontrent, dans cha¬ cun de ces domaines des "éléments communs". I Nous rejoignons, dans une certaine mesure, ces auteurs sur les deux plans : 1°) Nous attachons au terme "insertion" un sens neutre et purement des¬ criptif, dégagé des connotations signalées. 2°) Nous pensons qu'il est nécessaire de prendre en considération un niveau "totalisateur" ou globalisateur, des phénomènes observés dans chaque champ. En ce sens, comme processus ayant un aspect global, l'insertion recèle une dimension qu'on pourrait appeler "mise en cohabitation" des # immigrés avec les nationaux, processus dont les effets diversement mar¬ qués suivant les champs, peuvent suggérer une certaine homologie des difficultés. 18 Cependant, ces auteurs ne rompent pas suffisamment, selon nous, avec le sens que revêt le terme insertion dans l'usage courant et qui appelle l'idée que ces populations connaîtraient des "handicaps" tenant pour partie à leurs dispositions ou carences propres et pour partie à une sorte de résistance diffuse de la "société d'accueil". Nous pensons quant à nous que ce processus d'insertion est largement conditionné par les rapports sociaux et symboliques qui s'instaurent entre les immigrés et leurs voisins sociaux des classes populaires nationales et des modes de gestion implicite de ces rapports, même si l'on ne peut nier qu'un certain nombre de difficultés que connaissent ces populations trou¬ vent leur origine dans des facteurs situés sur le registre culturel. Ce que nous voulons rappeler ainsi c'est que toute évaluation des conditions d'insertion est aussi lecture de positions structurelles... II.2.1 Conditions de logement et insertion résidentielle Considérées globalement, les conditions de logement des immigrés et leur distribution dans l'espace urbain sont en elles-mêmes parmi les in¬ dicateurs les plus significatifs des conditions de vie et du statut social et symbolique de ces populations. C'est là où se révèle le plus clairement le décalage entre le discours inlassablement répété de la nécessaire meilleure insertion des immigrés, et les logiques sociales, économiques et politiques qui commandent réellement cette insertion. Par ailleurs, il est clair que c'est à propos du logement que se pose tout particulièrement la question de la délimitation de la zone à "observer", l'enjeu scientifique d'une clôture spatiale pertinente ren¬ voyant à l'enjeu politique de la désignation des collectivités locales susceptibles de se voir imputer la "responsabilité" de la "prise en charge" des immigrés au plan de leur insertion résidentielle. Tout indique que dans bien des cas ces collectivités locales considèrent que cette insertion se traduit par un "surcoût social spécifique" dont elles répugnent à partager la charge (c'est là une partie de la problématique de la "résistance" aux contrats d'agglomération sur laquelle nous reviendrons). 19 Enfin, dernière remarque introductive : la question du logement est importante non seulement parce qu'elle renvoie à un certain nombre de problèmes intrinsèques, et parce qu'elle agit comme un révélateur des diffi¬ cultés d'insertion (de "mise en cohabitation"), mais aussi parce qu'elle est un des facteurs qui conditionnent le "regroupement familial" (la possi¬ bilité pour un travailleur en "situation de célibat" de faire venir sa fa¬ mille) . C'est donc tout l'enjeu de la conversion d'une immigration "provi¬ soire" (ce "provisoire" durerait-il le temps d'une vie...)» celle de--l'homme seul, en immigration de peuplement, qui constitue en dernière analyse l'ar¬ rière plan de cette problématique de l'insertion résidentielle des immigrés. Nous proposons quatre "entrées" d'évaluation ou d'"observation" possibles, sur lesquelles nous ne donnerons que quelques indications som¬ maires, le domaine se prêtant évidemment à de très vastes développements. Ces quatre "entrées" sont : A/ Evaluation des conditions 'de logement. B/ Evaluation des besoins en logements exprimés. C/ Analyse de l'accès au logement et de la prise en compte des problèmes spécifiques. D/ Analyse et suivi de la distribution spatiale des communautés immigrées. A/ Evaluation des conditions de logement. Une double distinction doit être pratiquée préalablement à toute analyse dans ce domaine (et en général pour toute la question du logement), la plus importante est la distinction entre immigrés en "situation de céli¬ bat" (ou "isolé", recensé le plus souvent en "ménages collectifs") et les immigrés qui vivent en famille ("ménages ordinaires"), la seconde distinc¬ tion concerne les nationalités ou les groupes ethniques. Les indications essentielles dans ce domaine sont celles qui sont fournies par l'I.N.S.E.E. (recensements et"enquêtes logements") et qui por¬ tent sur le taux de peuplement ou le degré de confort (mesuré aux équipements des résidences : ainsi, en 1978, 62,5 % des ménages maghrébins contre 15,5% des français habitaient un "logement surpeuplé". Mais d'autres sources sont utilisables : enquêtes des municipalités ou des préfectures sur l'habitat insalubre ou sur le logement spécifique des immigrés, enquêtes des k 7 20 constructeurs "spécialisés" comme le groupe SONACOTRA (1)... B/ Evaluation des besoins exprimés. Il s'agit de quantifier, d'analyser qualitativement de façon pré¬ cise, et de suivre les demandes de logement formulées par les familles immigrées, et en instance dans divers organismes : Les AFFICIL (2) les offices ou S.A. d'H.L.M. les SSAE (3) les organismes sociaux (C.A.F., D.D.A.S.S., B.A.S.) Des comparaisons avec l'évolution en stock de demandes émanant de nationaux sont à pratiquer. A noter qu'on ne peut que difficilement parler de "besoins expri¬ més" s'agissant des "isolés", mais plutôt d'une sorte de "marché" particu¬ lier dont 1'"offre" est constitué par un secteur privé aux "produits" sou¬ vent non conformes aux normes légales (garnis, "marchands de sommeil") et d'un secteur plus ou moins normalisé, associatif ou para-public. La puis¬ sance publique s'efforçant de réduire les excès trop criants du premier sec¬ teur. C/ Analyse de l'accès au logement et de la prise en compte des problèmes I spécifiques des immigrés dans les politiques urbaines. - Une première partie de 1'"observation" dans ce domaine concerne l'accès des immigrés aux parcs existants. . Evaluation delà part du secteur privé et du secteur social dans le loge¬ ment des immigrés ; répartition des immigrés suivant les différents or¬ ganismes de logements sociaux présents sur le secteur observé. . Analyse de la politique d'attribution des différents logeurs sociaux (quotas pratiqués ; types de critères utilisés pour l'admission). . Suivi de la politique d'attribution menée à l'égard des immigrés par les entreprises versant la contribution patronale au logement. (1) Société Nationale de Construction pour les Travailleurs. (2) Associations financières interrégionales des collecteurs de la masse salariale interprofessionnels du logement. Organisme qui recueille les 0,1% dite "part immigrée" du 0,9 % des cotisations patronales pour le logement. (3) Service social d'aide aux immigrés. Réseau d'accueil national. voire édifices auto-construits. 21 - Le deuxième volet de l'observation concerne ici les politiques urbaines locales et le traitement implicite ou explicite de la question du logement des immigrés qu'elles comportent. Ceci implique l'examen sur trois axes de ces politiques : . Les opérations de rénovation des zones anciennes (stratégies de relo¬ gement) . . Les opérations de réhabilitation (stratégies de "redistribution" ou de "rééquilibrage"). . Les opérations de construction sociale (prise en compte des besoins des immigrés -hommes seuls et familles- aussi bien au plan quantita¬ tif qu'au plan qualitatif -grands logements, sollicitations des inter¬ ventions financières de l'AFICIL). Il est évident que cette partie de 1'"observation" sera menée de façon différente selon qu'il existe ou non une action explicitement décidée et/ou concertée, au niveau d'une ou plusieurs collectivités locales (par exemple dans le cadre de contrats d'agglomération) pour régler les problèmes de lo¬ gement des immigrés. Dans le cas de l'existence de tels dispositifs, il s'agit d'identifier leurs objectifs et d'évaluer ce que l'évolution des si¬ tuations leur doit. D/ Analyse et suivi de la distribution spatiale des communautés immigrées. En observant, tout particulièrement, la double distinction "isolés- familles" et groupes ethniques ou nationaux, il s'agit ici de déterminer globalement les grandes caractéristiques de la localisation des différentes communautés immigrés dans la zone considérée (au niveau des quartiers INSEE) et de suivre son évolution. Cette localisation recoupée avec les tendances dominantes de la division sociale de l'espace résidentiel peut permettre une meilleure spé¬ cification des zones de cohabitation^^es intérêts de cette carte peuvent être multiples. Nous y voyons par exemple la possibilité d'une meilleure évaluation de l'adaptation des équipements collectifs ; un meilleur suivi de la perti¬ nence du découpage scolaire... (1) Entendus ici au sens strictement résidentiel. 22 II.2.2. L'insertion scolaire. Il est superflu d'indiquer toutes les raisons qui militent en faveur d'une évaluation (ou d'une "observation") spécifique de l'insertion scolaire des enfants étrangers, ou d'"origine étrangère". Nous rappellerons que, pour nous, cette question est à corréler étroitement au problème plus général de l'insertion sociale de ces jeunes dans la société d'immigration, et dont les difficultés scolaires constituent aussi, au moins partiellement, une forme de manifestation (1). On doit souligner, par ailleurs, qu'une évaluation spécifique des conditions de scolarisation des enfants de migrants est d'autant plus jus¬ tifiée que cette question fait l'objet depuis le début des années 70, d'une approche institutionnelle, réglementaire et pédagogique, particulière. Indiquons, cependant pour terminer cette rapide introduction, que la question de l'évaluation scolaire étant largement traitée par ailleurs dans le groupe de travail, nous ne donnerons que quelques indications som¬ maires dont le seul but est d'améliorer la prise en considération spécifique de ce problème. Conformément à l'ensemble de notre démarche nous proposons de ne pas limiter l'observation à la "zone d'éducation prioritaire concernée", mais de chercher un principe de clôture qui, tout en tenant compte de la "carte scolaire" soit en rapport logique avec la délimitation spatiale de ce que nous avons appelé la "situation migratoire". Il est bien entendu, cependant, que les établissements de la Z.E.P. doivent être considérés com¬ me un "sous-système" appelé à faire l'objet d'un examen particulier permet¬ tant de le situer par rapport aux données de l'ensemble du secteur choisi (rappelons à ce propos qu'un certain pourcentage d'élèves d'origine étran¬ gère dans les établissements constitue un des critères appelant à la (1) On peut mime se demander si ce problème global d'insertion, ressenti de manière de plus en plus aiguë dans la "société d'accueil", à mesure que la "montée en visibilité" de la seconde génération de migrants va croissant, n'a pas eu pour premier effet d'augmenter la vivacité des débats propres à la sphère scolaire sur cette question. Comme l'écrit un chercheur de 1'I.D.E.R.I.C. : "l'irruption des problèmes de la scolarisation des enfants 23 constitution d'une Z.E.P.). L'évaluation de l'insertion scolaire des enfants d"'immigrés" nous parait devoir comporter deux grands !:volets". Le premier volet est celui de l'évaluation statistique des effectifs de la population scolaire étrangère et de la position des diverses nationalités ou groupes ethniques qui la com¬ posent, dans le système d'enseignement. Le second volet concerne l'examen des dispositifs spécifiques d'aide à l'insertion scolaire de ces enfants, dispositifs prévus par la réglementation actuelle. A/ Evaluation des "populations" et de leur position scolaire (1) 1) xi s'agit d'abord d'établir une évaluation globale de la population étrangère, de déterminer la proportion des différentes nationalités et la répartition des élèves étrangers, suivant leur nationalité et en intégrant la variable sexuelle, dans les différents niveaux d'en¬ seignement : premier degré, enseignement spécial du premier degré ; deuxième degré, enseignement spécial du second degré. On pourra ainsi procéder, notamment, à la comparaison entre la repré¬ sentation des étrangers, divisés en nationalités, dans l'ensemble des enseignements et leur représentation dans l'enseignement spécialisé. (N.B. Une interprétation correcte de ce tableau suppose que l'on soit en mesure de le mettre en rapport avec un tableau représentant la structure par âges de l'ensemble de la population scolarisable répar¬ tie par nationalités). Les caractéristiques propres des établissements appartenant à des sec teurs "zépës" sont à faire ressortir spécifiquement. (suite de la note page précédente) de travailleurs immigrés dans les débats contemporains n'est le fait ni d'un accroissement important du nombre de ces enfants ni d'une aggravation de leur position dans l'appareil scolaire. Elle est la conséquence d'un intérêt inquiet et nouveau porté aux jeunes issus de l'immigration. Tout se passait jusque tout récemment comme si l'on était assuré de l'effet assimilateur et intégrateur de l'école. Des incidents plus ou moins dramatiques /.../ ont révélé soudainement à l'ensemble de la société l'ampleur du problème de l'insertion sociale de ces jeunes et plus particulièrement des maghrébins", Jean-Pierre ZIROTTI, "Les effets paradoxaux de l'école" in Politique d' aujourd'hui, n° 4, février-mars 1984. (1) - Nous nous inspirerons, en partie, pour la présentation de cet aspect du rapport précédemment cité de J. MARANGE et A. LEBON. - Les données utiles sont disponibles, années scolaires par années sco laires, au niveau national, auprès du service statistique du Ministère de l'Education Nationale. Elles peuvent également être recueillies auprès des inspections d'académie ou directement dans les établissements. 24 2) En second lieu, il faut procéder à une analyse fine de la position scolaire des étrangers dans les différents types, ordres, et niveaux d'enseignement du second degré. . Comparaison entre la représentation des étrangers, divisés en na¬ tionalités, et celle des français, dans les classes "normales" du 1er cycle du second degré, d'une part, et les classes préparatoires à la vie professionnelle du même cycle, d'autre part (C.P.P.N., C.P.A.) (1). Comparaison à affiner en tenant compte des variables constitutives de l'origine sociale d'une part (C.S.P. des parents), et du sexe d'autre part... et à spécifier selon les établissements. . Comparaison à établir au sein du 2ème cycle court : - entre la représentation des français et celles des étrangers dans les filières menant aux C.A.P. (Certificat d'Aptitude Professionnelle) et les filières menant aux B.E.P. (Brevet d'Etudes Professionnelles). - entre la représentation de l'une et l'autre population dans les différentes spécialités de chacune des filières (spécialités plus ou moins"côtées" et implicitement hiérarchisées). . Comparaison entre la proportion des élèves étrangers, divisés selon les nationalités, et celle des élèves français, dans le 2ème cycle long général d'une part, et le deuxième cycle long technique de l'autre. 3) Retards scolaires. Suivi du retard scolaire en déterminant la proportion par nationalités des élèves en situation de retard, répartis selon le degré de ce retard. L'ensemble de ces données doit permettre de vérifier si les tendances qui marquent depuis longtemps l'insertion scolaire des jeunes d'origine étran¬ gère se poursuivent ou s'infléchissent. Ces tendances, qui peuvent être caractérisées globalement comme 1'"orientation générale de la scolarité vers un niveau plus faible et une professionnalisation de basse qualification", sont marqués par trois phéno¬ mènes : (1) CPPN : classes professionnelles de niveau. CPA : classes préparatoires à l'apprentissage. 25 . Sur-représentation des élèves d'origine étrangère dans l'enseignement spécialisé du premier et du second degré. . Sur-représentation des élèves d'origine étrangère dans les classes pré¬ paratoires à la vie professionnelle du 1er cycle du second degré. . Sur-représentation des élèves d'origine étrangère dans le second cycle court (filière C.A.P.). Il convient cependant de souligner que, pour être pleinement pertinentes, les comparaisons effectuées ne devraient prendre en considération parmi les élèves français que ceux qui sont originaires de familles de même niveau socio-économique que les immigrés ou de niveau voisin. )e cette manière -> Les déséquilibres sont en partie rectifiés, et la question de la spécificité de l'insertion scolaire de cette population se pose en termes diffé¬ rents. Elle renvoie indirectement alors à la question, plus vaste, de la "formation" de nouvelles couches populaires et leur "cohabitation". C'est ainsi que le quartier à "action PESCE" revient au-devant de la scène, qui, avec ses équipements scolaires est un des lieux de cette "formation" et des turbulences qui l'affectent. B/ Nous serons plus brefs sur la question des dispositifs spécifiques dont •la création a été prévues par l'Education Nationale pour améliorer l'in- sertiqn scolaire des enfants d'origine étrangère. On peut considérer que l'ensemble de ces mesures tendent actuellement à la réalisation de trois objectifs principaux : 1) réduction du "handicap linguistique" par un apprentissage renforcé du français. 2) meilleure prise en compte des spécificités socio-culturelles et va¬ lorisation de ï"identité culturelle" de ces enfants, par l'enseigne¬ ment de la langue et de la culture d'origine. 3) intégration des communautés étrangères à la vie scolaire. Il faut noter que ces objectifs dessinent des orientations spécifiques, fixées au niveau national, et dont l'intégration aux objectifs particuliers des Z.E.P., actions "territorialisêes", n'est pas assurés ipso facto. Il y a donc une "problématique" du rapport des objectifs des Z.E.P. avec les prescriptions nationales dans ce domaine... 26 Pour la réalisation des objectifs un certain nombre d'instruments ou de structures sont prévus, citons : Les C.E.F.I.S.E.M. (Centres de Formation et d'Information pour la Scolari¬ sation des Enfants de Migrants : secteurs pédagogiques d'écoles normales). Les C.L.I.N. classes d'initiation > meilleur apprentissage du français Les C.L.A.D. classes d'adaptation ) ) Structures d'enseignement, intégrées ou non au temps scolaire, de la langue et de la culture d'origine. Sauf pour ce qui concerne les C.E.F.I.S.E.M., l'évaluation doit par tir d'abord sur l'existence ou l'absence de ces structures dans la zone con sidérée. Si elles sont présentes le problème de l'évaluation est d'abord interne aux établissements scolaires et à l'Education Nationale... Une éva¬ luation "concertée" et plus large, notamment pour la réalisation des objec¬ tifs 2 et 3 peut être envisagée... 27 II.2.3 Insertion professionnelle (place dans la production) Voici très brièvement indiqué le plan d'évaluation qui peut être envisagé dans ce domaine (1). A/ Evaluation de la population active étrangère. 1) Taux d'activité de la population étrangère globale (par nationalités ou groupes ethniques et par sexe). Comparaison avec les nationaux. 2) Taux d'activité par tranches d'âge et plus particulièrement pour les jeunes de 16 à 25 ans avec la distinction selon le sexe. (mise en évidence de la part des étrangers dans la population active totale). B/ Secteurs d'emploi. 1) Répartition des étrangers (par nationalités ou groupes ethniques) dans les diffférentes "activités économiques" (selon la terminologie de l'i.N.S.E.E.). 2) Part des étrangers (selon nationalités et groupes ethniques) parmi les actifs ayant un emploi, dans chaque "activité économique". 3) Répartition par nationalités (ou groupes ethniques) dans les diffé¬ rentes activités économiques. 4) Répartition de la population active étrangère selon la taille des entreprises. Beaucoup d'arguments militent en faveur de la collecte de données dans ce domaine (en fonction de la taille des entreprises beaucoup d'éléments peuvent changer : les possibilités de syndicali- sation, les possibilités d'accès à un logement social, la régularité administrative des conditions d'emploi, les possibilités de formation.. C/ Position dans l'échelle des qualifications. Il s'agit de comparer (la source principale étant l'i.N.S.E.E. avec usage des nomenclatures au niveau 24 ou mime 42) la proportion des nationaux et des étrangers (par nationalités ou groupes ethniques) se trouvant au niveau O.Q, O.S. et manoeuvres : ceci doit s'accompagner d'une dis¬ tinction par sexe et par classes d'âge (16-18/19-25/ 25) afin d'évaluer (1) Sources principales : I.N.S.E.E., Ministère du Travail. 28 notammment la reproduction qualitative de la force de travail immigrée. D/ Le chômage (1). Les demandeurs d'emploi sont à examiner selon différents points de vue. . Proportion des demandeurs d'emploi étrangers (selon nationalités ou groupes ethniques) dans la population active étrangère. A comparer au taux des demandeurs d'emploi dans la population active nationale. . Taux des demandeurs d'emploi étrangers par tranches d'âge et sexe, (à comparer aux nationaux...). . Taux de chômage des étrangers par qualification (à comparer aux taux des nationaux). . Localisation des demandeurs d'emploi étrangers. II.3 Rapports de cohabitation dans leurs modalités symboliques ; problèmes de contact. C'est sous ce titre que doit figurer selon nous la question de la "cohabitation résidentielle" proprement dite, et l'observateur peut, dans ce domaine, se centrer tout particulièrement sur le quartier. On peut distinguer plusieurs types de démarches : - Une approche pour mesurer l'évolution de la "structure sociale" (ou des stratifications sociales) des zones de cohabitation, avec indica¬ teurs fins, à rapprocher de la distribution locale des populations immigrées'(eux-mêmes différenciés au plan des C.S.P.). Il s'agit ici de mesurer l'évolution des effets de "déclassement" produits par la popu¬ lation immigrée. - Une approche relativement"grossière", portant sur les tendances lourdes en matière d'acceptation ou de rejet de la cohabitation interethnique par les nationaux. Indicateurs possibles : . ,€vasion"de la carte scolaire . vacances de logement . résultats des élections locales . conflits à arrière-plan ethnique (1) Sources NAPE, Ministère du Travail, INSEE 29 . formes d'exclusion manifeste. - Des investigations portant sur les systèmes de représentation réci¬ proques en distinguant adultes et jeunes (études à mener en milieu scolaire). Il s'agit ici : . de relativiser la question de 1'Indompatibilitë culturelle des modes de vie ou de lui accorder une place plus mesuréequ'elle n'a en général dans le discours public sur cette question). . de sortir de l'alternative du "tout ou rien" dans l'appréhension conceptuelle de ce domaine : racisme, xénophobie, conflits, indi¬ quant "rejet", d'une part, silence d'une paix sociale sur laquelle il n'y a pas lieu de s'interroger et indiquant "acceptation" ou "intégration", de l'autre... . et, par conséquent, de déboucher sur la question de la nature et de la variabilité des rapports symboliques qui s'instaurent, "si¬ lencieusement" ou non, entre les immigrés et leurs voisins sociaux et spatiaux des couches populaires nationales. Cette variabilité doit se penser selon nous comme située entre un pôle négatif carac¬ térisé par une "violence" s'identifiant à la reproduction symboli¬ que du statut social inférieur qui est, initialement, celui des populations immigrées, et un pôle positif caractérisé par la disso¬ lution de cette violence et l'ouverture à une confrontation véri¬ tablement culturelle. L'évolution de ce rapport va, certes, de pair avec l'amélioration de la condition sociale et économique des immigrés, mais il dépend aussi d'un domaine d'action spécifique et autonome ouvert à une politique d'interven¬ tions formatrices, notamment en milieu scolaire ou en milieu associatif (formation à la relation interculturelle, lutte contre 1'"ethnocentrisme" spontané...). - Enfin, un suivi de la vie culturelle et associative autonome des immigrés, notamment des jeunes (ou des conditions de la mixité au sein des associa¬ tions non spécifiques) peut être envisagé ; il permet d'appréhender le ni¬ veau des mobilisations "identitaires" en articulant cette question avec celle des rejets ou des exclusions dont peuvent souffrir ces populations. 30 II.4 Evaluation des modes de mise en oeuvre et des effets de dispositifs ou dispositions spécifiques en faveur des immigrés. A partir du constat que la plupart des immigrés ne se situent plus dans une perspective de retour, le gouvernement s'est efforcé de développer à partir de 1982 une politique d'insertion globale des populations immigrées et d'amélioration de leurs conditions de vie (dont beaucoup d'éléments et de moyens existaient, bien entendu, auparavant...)» Les instruments de cette politique se situent désormais essentiel¬ lement au niveau régional ou à celui des collectivités locales. On peut citer les institutions ou organismes suivants : . F.A.S, Fonds d'Action Sociale, (logement et interventions sociales) dont la déconcentration a commencé en juin 1983 par la création de 5 délégations régionales. . Les C.R.I.P.I., Commissions Régionales pour l'Insertion des Populations Immigrées, créées en même temps que la régionalisation du F.A.S. et pour orienter son action. . Les contrats d'agglomération, redéfinis par circulaire en juin 1983 (action en faveur du logement, de l'insertion sociale, prise en compte des problèmes des jeunes, action en direction des femmes) : la circu¬ laire précise que dans le cadre de la décentralisation cette procédure repose sur une démarche contractuelle des collectivités locales. . Par ailleurs, des organismes à compétence régionale interviennent de¬ puis longtemps dans le domaine du logement des immigrés, il s'agit des A.F.I.C.I.L. (Associations Financières Interrégionales des Collecteurs Interprofessionnels du Logement) qui collectent le 0,1 ^ dit "immigré" dans la contribution patronale au logement, et qui participent au finan cernent de logement pour ces populations. . Enfin, au point de vue de la scolarisation rappelons l'existence des C.E.F.I.S.E.M. : Centre de Formation et d'Information sur la Scolari¬ sation des Enfants Migrants (sections pédagogiques d'écoles normales) qui existent dans les académies où la présence des élèves immigrés est sensible. 3Î On peut considérer que l'action de ces organismes se répartit en trois secteurs : - aide au logement et à l'amélioration des conditions de vie - aide à l'animation culturelle et à certains types de formation pour adulte (surtout pour les femmes) - soutien scolaire et animation péri-scolaire. Comment voyons-nous le problème de l'évaluation dans ce domaine ? Il est évident que les institutions existantes mènent elles-mêmes leurs propres évaluation. C'est notamment le cas dans le domaine du logement pour 1res A.F.F.I.C.1.L., qui suivent de très près l'évolution de ce problème. Il en va de mime dans d'autres domaines. Ainsi la délégation du F.A.S. pour la région P.A.C.A. (Provence-Alpes-Côte- d'Azur) qui se propose de financer les associations ayant les objets suivants . Actions _à dominante linguistique . Actions en langue d'origine . Préformation professionnelle . Action sociale et socio-éducative . Action culturelle, information, sensibilisation . Accueil procède à des analyses rigoureuses des dossiers portant sur les points suivants : . NiVeau des acteurs (nombre d'immigrés...) . Niveau des bénéficiaires et des lieux d'intervention . Niveau de la démarginalisation et de la coordination avec les autres interventions . Niveau des contenus, prévoie un "niveau du résultat des actions" où il est demandé "la mise en place de supports permettant de procéder à une évaluation, afin de systé¬ matiser l'évaluation des actions menées..." Il semblerait qu'il n'y ait donc qu'un problème de centralisation ou d'"évaluation des évaluations". En fait, d'autres questions se posent. 1) Tout d'abord à un niveau très global il s'agit d'évaluer en elles-mêmes la présence ou l'absence de dispositifs ou d'interventions spécifiques, en effet : 32 . certains d'entre eux sont à l'initiative des collectivités locales : il n'est peut-être pas sans signification, par exemple, qu'un seul contrat d'agglomération ait été signé en région P.A.C.A. (celui de Marseille) contre 5 en Rhône-Alpes, et 7 en Ile-de-France. (Par ailleurs, question reliée à la précédente, certaines interventions doivent être "sollicitées". C'est le cas, dans l'habitat, pour les parti¬ cipations financières de l'A.F.I.C.I.L. : il est notoire par exemple que certaines municipalités et/ou logeurs sociaux croient se décharger de 1'"obligation" de loger des immigrés en ne sollicitant pas l'intervention de l'A.F.I.C.I.L., cette obligation se mesurant strictement, selon elles, aux enveloppes financières fournies par cet organisme). C'est finalement toute la question des difficultés que peut connaî¬ tre la prise en charge locale du "coût social spécifique" de l'immigration ou, pour formuler cela autrement, d'une réelle insertion des immigrés qui est posée là. L'absence ou la présence de contrats d'agglomération, procé¬ dure "facultative", est un des révélateurs de la prégnance de la probléma¬ tique politique locale sur l'insertion de ces populations. » Mais en dehors du problème de logement et de ces cas extrêmes cette résistance aux dispositifs spécifiques peut appeler d'autres interprétations. Il est clair en effet que l'existence de dispositifs spécifiques destinés à améliorer l'insertion des immigrés ou à promouvoir leur culture d'origine vaut réaffirmation de la spécificité de ces populations. Dans cette démar¬ che les communautés immigrées ne jouent plus ce rôle d'indicateurs que nous avons vu être les leurs dans les démarches territorialisées, elles sont prises en compte sous l'aspect des totalités sociales, culturelles... aux¬ quelles renvoient leurs appartenances d'origine. Du coup l'articulation entre politiques sociales "indifférenciées" et politiques sociales spécifiques est plus qu'un problème technique, c'est tin problème politique au sens large du terme. Il renvoie à une alternative qui se situe entre, d'une part, "la prise en charge spécifique" maximisant ses effets mais perpétuant la coupure entre cette population et la popula¬ tion nationale (d'autant que ces actions valorisent en général le maintien de l'identité culturelle.t.) et, d'autre part, la prise en charge non + : ou valorisent idéologiquement ce thème. 33 différenciée qui peut procéder d'une volonté de déségrégation (et parfois d'"assimilation") et qui court le risque d'être inadaptée aux problèmes particuliers de ces populations, et de voir se reconstituer une ségrégation "informelle" au coeur même de l'apparente intégration. 2) Deuxième point concernant l'évaluation dans ce domaine : la spécification de certains de leurs objectifs. Toute intervention spécifique en direction des populations immigrées, mais plus particulièrement celles qui ont pour objet l'animation culturelle et le développement de la vie associative, posent le problème de la nature de leurs objectifs et de leurs effets sur les choix d'appartenance de ces populations ou sur leurs référents identitaires et culturels, ou encore leur rapport global à notre société. Réfléchissant sur la notion de "projet", Jacques ARDOINO distingue da ce,terme deux pôles de sens ; il appelle l'un d'entre eux "projet-visée" et l'autre "projet programmatique". Au premier s'agrègent les connotations de "finalité", "valeur", "signifiance", au second celles d'objectifs, stratégies moyens . . (1) Nous pensons qu'il faut reprendre cette distinction dans le domaine que nous évoquons ici. ( . Sous la rubrique "projet-programme" figurent les structures, les dis¬ positifs, les financements, bref, le déploiement matériel de l'inter¬ vention. .. . Déterminer le "projet-visée" (notion qui, encore une fois, confine au politique) suppose que l'on puisse disposer d'une typologie des finalités. Très sommairement dit, car nous ne pouvons nous étendre ici sur cette ques¬ tion, il paraît naturel de prendre en considération pour la construction de cette typologie l'axe paradigmatique : maintien de 1'identité//assimi- lation. Mais nous estimons qu'une autre classification peut être pertinente, elle consisterait à diviser les interventions selon un autre découpage : Interventions normalisatrices , . Interventions non de l'"identitë" normalisatrices. (1) in, Revue "POUR", n° 94, Mars-Avril 1984, Paris.