t - •* ~mJ "/ ~<<4ci>n 7* EUltOPEAN SCIENCE FOUNDATION Additional Activity in Migration Anal yM cal and Met hodol oq i cal .Dominer Sophict-An Lipolia, Septembre - i Octobre l'JHJ r D. 2 LA POLITIQUE FRANÇAISE DE SCOLARISATION DES ENFANTS DE TRAVA 1 I.LEURS ETRANGERS jean-Pierre ZIROTTI < BIBLIOTHEQUE DE L'UNIVERSITE SECTION LETTRES 100, Bd Herriot 06200 NICE B.U. NICE D 099 0000232 C.6^0 UNI VI KSI IY- 1)1. NIC,H Institut d'Etudes et de Recherches Interethniques et Interculturelles LA POLITIQUE FRANÇAISE DE SCOLARISATION DES ENFANTS DE TRAVAILLEURS ETRANGERS A défaut d'une analyse socio-historique qui rendrait compte de l'évolution et des déterminants de la politique française de scolarisation des élèves étrangers, je me limiterai, dans un premier temps à l'évocation des textes qui ont contribué à l'ins¬ tauration du mode actuel de scolarisation de ces élèves pour, dans un second temps, confronter les pratiques de l'Institution scolaire à la lettre des textes. La non différenciation et l'instauration des classes spéciales Si l'on fait porter l'analyse sur une période allant de la fin de la première guerre mondiale à nos jours, il apparaît que le traitement scolaire des 0 Lèves étrangers s'inscrit dans une logique de non différenciation. On peut remarquer que la loi de 1882 instituant l'obligation scolaire n'établissait déjà aucune discrimination entre nationaux et étrangers. Soumis à l'obligation scolaire,les élèves étrangers ont, selon les textes en vigueur jusqu'en 1970, été accueillis dans le même cadre scolaire et dans les mêmes classes que les élèves français. Les légères modifications de la politique scolaire officiel¬ le, apparues à partir de 1970, ne peuvent être attribuées à 1'auc mentation de leur nombre. Tapinosd) remarque qu'au recensement de 1931 la proportion d'étrangers par rapport à la population IDERIC 34, rue Verdi - 06000 Nice - Téléphone : 87.01.75 I 2 française était supérieure à celle des années 1970. Toutefois la composition de la population étrangère était différente puisque Italiens et Polonais composaient la majorité d'entre elle. Vers 1965^2) à l'initiative de responsables.locaux : ensei¬ gnants, directeurs, Inspecteurs départementaux de l'Education Nationale (I.D.E.N.)sont opérés des regroupements d'enfants étran¬ gers. La forte concentration de familles étrangères dans certai¬ nes régions, villes et quartiers du fait de l'urbanisation et de l'industrialisation, et le rapatriement d'instituteurs ayant en¬ seigné, en Algérie notamment, le français comme langue étrangère, ont conduit le C.R.E.D.I.F. (Centre de Recherche et d'Etude pour sur la Diffusion du Français) a promouvoir,/un mode expérimental et officieux, ces pratiques scolaires. Ces classes, réservées aux "étrangers non francophones ayant des aptitudes normales" sont officiellement créées en 197O( ') . Elles ont pour objectif "une intégrat ion rapide (...) dans le milieu scolaire normal..." par le moyen de l'apprentis¬ sage de la langue orale à l'aide des techniques audio-visuelles. Elles peuvent donner lieu à trois formes d'organisation pédago¬ gique : - "classe d'initiation instituée pour l'année scolaire"; - "classe où chaque groupe d'élèves ne reste qu'un trimes¬ tre voire un semestre..."; - "cours do rattrapage intégré, classe surtout pour les j < ■ u i u m i < 'i i i . 1111 i i " ; | « i . u 'c ij 11. n 11 s 11« ' n • i , i o i n « n i m 11 in. i i •1 ri , i i n sont regroupés chaque semaine pour 7 à 6 heures d'ensei¬ gnement de la langue". L'accueil dans les CLIN étant réservé aux enfanta âgés de 7 à 12 ans, en 1973, une circulaire institue les classes d'adap¬ tation (4^ pour l'accueil des élèves non francophones âgés de' 12 à 16 ans, dans le cadre des établissements d'enseignement * se¬ condaire. Ils étaient jusqu'alors souvent maintenus dans l'ensei¬ gnement élémentaire. 3 L'objectif de ces classes est identique <1 celui des CLIN : "insérer le plus rapidement possible les enfants étrangers dans un cycle d'études normal, ce qui exclut leur regroupement(...) dans des établissements qui leur seraient réservés, en dehors de tout contact avec des enfants français"; de plus, compte tenu de l'âge de ces élèves : "il conviendra de viser soit à la pour¬ suite des études après 16 ans, soit à l'admission en CET (Collège d'Enseignement Technique), soit à l'entrée en apprentissage". L'accueil en classes "spéciales" : une pratique très limitée. 100 classes d'initiation (CLIN) furent ouvertes en 1970/71; 40 classes d'adaptation le furent en 1973/74. En 1979/80(5), 819 CLIN accueillèrent 11.707 élèves sur un total de 410.791 fré¬ quentant l'enseignement élémentaire public (soit 2,8%), au cours de la même année 132 classes d'adaptation reçurent environ 1.000 élèves parmi les 251.473 qui fréquentaient l'enseignement secon¬ daire public (soit 4%). Ce» classes no furent donc fréquentées on I979/8O que par 12.707 élèves sur un total de 662.264 élèves étrangers scolari¬ sés dans l'enseignement public élémentaire et secondaire; c'est- à-dire par moins de 2% d'entre eux. Ces quelques indications statistiques donnent la mesure du phénomène : seule une infime minorité parmi les élèves étrangers est momentanément scolarisée dans des classes "spéciales". Le refus de la discrimination est aussi appliqué aux aides financières : - le droit au bénéfice des bourses nationales, (pour la scolarité dans l'enseignement secondaire) est accordé aux élr-von étrangers (déorcl du 21/11/197! < I arrêlé du 21 Juil¬ let 1975). - Les familles étrangères jouissent au même titre que les familles françaises d'aides pour les fournitures et les trans¬ ports scalaires. Enseignement des langues nationales des élèves étrangers Parallèlement à un traitement scolaire formellement non différencié les pouvoirs publics se sont préoccupés dès 1925(6) 4 de permettre l'ouverture auprès des écoles publiques et privées «■ 1 »> cours do langues '• | rangèi<\<; (dites 1 nuques "mater nol 1 en" ) . Ces cours sont assurés par des moniteurs étrangers en dehors des heures de classe. La circulaire du 12 Juillet 1939 ("Moniteurs étrangers et conditions d'ouverture de cours de langues étrangères) redéfinit les conditions de fonctionnement de ces classes : - elles ne peuvent être ouvertes "auprès des écoles primaires publiques que par décision ministérielle après avis du Préfet et de l'Inspecteur d'Académie" - "l'enseignement de ces langues (étrangères) est confié à des moniteurs étrangers et donné dans les locaux scolaires, en dehors des heures de classe. Il ne peut porter que sur la gram¬ maire, l'histoire et la géographie de la nation à laquelle appar¬ tiennent les moniteurs, à l'exclusion de toute autre matière; - "dans les écoles primaires privées, des moniteurs étran¬ gers peuvent être autorisés à donner un onsoignomon! en langue étrangère auquel il ne peut être consacré que la moitié de l'em¬ ploi du temps. Les moniteurs ainsi agréés sont soumis à l'inspec¬ tion des autorités scolaires". Cette circulaire qui est toujours appliquée fut complétée par la circulaire (n° 76-128) du 30 Mars 1976. La circulaire (n° 75-148) du 9 Avril 1975 apporte une modi¬ fication importante à l'organisation des cours de langues étrangère en les intégrant dans les horaires scolaires dans le cadre du tiers temps pédagogique (temps consacré aux activités d'éveil), .1 raison île trois hontes huhdomadui t ou non oonsécul ives. L'objectii poursuivi est lormuié en ces termes : "l'expé¬ rience fait apparaître que le maintien des élèves étrangers dans la connaissance de leur langue et de leur culture d'origine peut constituer un élément positif de l'adaptation de ces enfants dans les établissements scolaires français". Mais la circulaire (n° 78-011) du 6 Janvier 1978 précise que ces cours ne peuvent concerner que "les seules langues ayant fait l'objet d'une circulairo(7) particulière après l'aboutisse¬ ment de négociations bilatérales : l'italien, l'espagnol, le portugais, l'arabe tunisien, l'arabe marocain et les langues de Yougoslavie". La circulaire (n° 78-323) du 22 Septembre 1978 ajoute le turc aux langues pouvant bénéficier d'un enseignement intégré. Par ailleurs des cours de "langues et de civilisation na¬ tionales", en dehors du temps scolaire, peuvent être mis en place dans les collèges (circulaire n° 77-345 du 28 Septembre 1977). Il est cependant recommandé,lorsque cela est possible,de faire étudier par les élèves étrangers leur langue au "titre de pre¬ mière langue dans le cadre des disciplines obligatoires (...) [celej permet aux élèves étrangers de valoriser leurs connais¬ sances et d'obtenir en cette matière des résultats particulière¬ ment satisfaisants. Dégagés ainsi de l'étude d'une langue supplé¬ mentaire, ils peuvent porter leur effort sur le perfectionnement en langue française". Formation et information des enseignants En complément logique à toutes ces mesures la circulaire (n° 76-387) du 4 Novembre 1976 institue des centres de formation et d'information pour la scolarisation des enfants de migrants (C.E.F.1.S.E.M.). Dès la rentrée 1976, 5 centres sont ouverts en France. Ils "ont autorisation d'accueillir, dans le cadre de la formation continue, pour des réunions de travail et des stages (...) tous les personnels du premier degré concernés par la sco¬ larisation des enfants étrangers. (...) Tls pourront accueillir également (...) des personnels du 1er cycle et du second cycle court". Valorisation des langues et des cultures d'origines Enfin la circulaire (n° 78-238) du 25 Juillet 1978 : "sco¬ larisation des enfants immigrés" propose une synthèse des mesu¬ res prises en faveur de l'enseignement du français et des langues nationales des enfants immigrés, rappelle la mission des CEFISEM G dans la formation dos enseignants accueillant des élèves étran¬ gers, préconise une "attitude nt lent i ve et ouverte de 1 < i p< > i i « I « • p i i iii m > I i « >i i i . i I < • < I ■ i î s y : i I iii< • <"• 11111 • n I 11 . Un cadre de scolarisation ethnocentrique et dévalorisant En dépit des suggestions de certaines circulaires le carac- . tère pluri-culturel des classes n'est mis à profit ni pour les Français ni pour les étrangers. Les situations scolaires que nous avons observées sont caractérisées par la dénégation sinon la dévalorisation explicite des cultures étrangères. Les rares tentatives de référence aux pays et aux cultures d'origines des élèves maghrébins (par exemple), dans un contexte souvent marqué par des rapports de violence et de rejet manifeste, ne font qu'accroître la dévalorisation de ceux-ci. Il n'est pas assuré que, dans ce cadre, les cours de "langues nationales" contribuent à améliorer l'insertion scolaire des élèves étrangers. On ne peut généraliser è toutes les langues I i oriii I or; mal:; dan:; le eu:; de I ' en:;e 1 gnemen I de l'arabe hou:: avons pu observer qu'il est souvent plus toléré qu'accepté par les enseignants, que de nombreux obstacles sont dressés devant l'ouverture de ces classes. T.e contexte social et scolaire dans lequel s'inscrit cet enseignement atteste de la pertinence de l'analyse de A.Sayad pour qui : "(...) L'usage (idéologique) que l'école fait de la langue des immigrés, langue "disqualifiée" parce qu'elle est la langue de gens disqualifiés socialement, contribue à la disqualifier encore plus et, en la disqualifiant à disqualifier encore plus les immigrés" (io) Une politique sans politique... Ce rapide exposé des résultats de nos recherches sur 1 a scolarisation des enfants de travailleurs immigrés nous permet, en dépassant la simple analyse des textes, de qualifier plus IO précisément la politique de scolarisation mise en oeuvre pour é 1 <"■ ves. Un I i .i i I cinen I qui ; ; '. 11 J i inn • connue égu J l 1 .11 1 « • jévèlo un refus quasi total de prise en compte des problèmes posés par ceux-ci. Tout indique qu'il n'existe pas de volonté politique d'améliorer les conditions de leur scolarisation comme si l'on s'accommodait d'un processus qui de 1'intériorisation à l'échec scolaire puis de l'échec scolaire au libre jeu des procédures d'orientation tend à orienter ces jeunes étrangers vers les pos¬ tes lesmoins qualifiés et les plus dévalorisés du marché du tra¬ vail. Mais les conditions mêmes qui président à ce processus, ainsi que l'ampleur du chômage des jeunes et la ségrégation dont beaucoup de jeunes étrangers sont l'objet de la part des employ¬ eurs, semblent plutôt contribuer il leur marginalisation sociale. C'est pourquoi il n'est pas pertinent de seulement interpréter les pratiques scolaires précédemment décrites comme l'expression d'une volonté politique clairement définie; il faut y voir aussi l'expression d'une logique sociale - celle qui définit le statut ( l< - s I r.iViil 1 Ifurii >'■ I r <1 nq< • 1 :: - cl d'une 1 oq i q we Institutionnelle - propre au système éducatif français - qui dans leurs interactions produisent des "effets pervers". T. • v .. * * N o T K :: (1) TAPINOS (G.). "L'Immigration étrangère en France" in Travaux et Documents, Cahier n° 71, P.U.F., 1975. (2) CLEVY (J.). "L'institution scolaire devant l'immigration" in La scolarisation des enfants étrangers en France» (PORCHER, L. ed.) Paris, Didier, 1978. (3) Circulaire n° IX 7037 du 13 Janvier 1970. B.O.E.N. n° 5 du 29 Janvier 1970. (4) Circulaire n° 73-385 du 25 Septembre 1973. B.O.E.N. n° 36. Circulaire du 11 Juin 1974. B.O.E.N. n° 76. (5) BOULOT (S.), FRADET (D.). Scolarisation des enfants étran¬ gers - Statistiques 1979-1970. CREDIF, 1980. (6) Circulaire du 21 Décembre 1925, du 11 Décembre 1927, du 28 Mars 1929. (7) Enseignement de l'Italien : 1974; enseignement de l'Arabe pour Tunisiens : 1974; enseignement du Portugais : 1975; enseignement de l'espagnol : 1975; enseignement de ] '.arabe marocain : 1975; enseignement pour yougoslaves : 1977. (8) ZIROTTI (J.P.) et NOVI (M.). La scolarisation des enfants de travailleurs immigrés - Tome 1 - Evaluation, Sélection et Orientation scolaires. Nice, I.U.E.R.I.C., rapport de recherche, 1979, 192 p. ZIROTTI (J.P.). La scolarisation des enfants de travailleurs Immigrés - Tome 2 - Taxinomies et situations scolaires. Nice, I . I). E. R. 1 . , rapport de rechei clie, |98o, 144 p. (9) id., ibid. (10) SAYAD (A.). De la culture des immigrés et de ses fonctions idéologiques. Document ronéoté. Paris, C.I.E.M.M., 4e tri¬ mestre, 1978, p. 15.