> BIOGRAPHIE PR(A 'âm DU JEUNE LOUIS FLEJRY ANTOINE COLLE PAR JEAN BOSCO PRÊTRE ^ fïj ■•■., V ' < Mé0 U >> ! 3 j "C'A i 'é's ' v ' 'K ' ■ ' . mBÊBÊÈM HfeKalsaiaPî Chapitre IV. Sagesse cle Louis. Ses principales vertus. Appuyé sur la prière et 1' accomplisse¬ ment amoureux et fidèle de ses moindres devoirs, en vue de plaire à Dieu, et en es¬ prit d'union avec Notre Seigneur Jésus- Christ, Louis avançait à grand pas dans la carrière de la perfection chrétienne. Tout pour Jésus et par Jésus, était de¬ venu le principe inspirateur et régulateur de sa conduite, comme de toutes ses af¬ fections. Louis possédait ainsi la vraie sagesse, la sagesse des élus. — La sagesse en ef¬ fet, n'est autre chose que l'art de bien con- — 64 — duire sa volonté. Ce don précieux de l'Es¬ prit-Saint nous préserve de toute erreur dans le choix de notre fin dernière. Il nous montre, avec une évidence irrésistible et un doux attrait, la gloire de cette fin, su¬ périeure à notre nature: 1' union intime avec Dieu, pleinement réalisée dans la vie future ; commencée et préparée dans la vie présente, par la perte de notre volonté propre dans la volonté divine , par l'ab¬ sorption de notre amour dans la divine charité. La sagesse ne consiste pas seulement à choisir notre fin dernière, elle nous ap¬ prend encore à lui subordonner toutes les fins secondaires, et à les diriger vers elle comme autant de moyens. Cette sagesse divine nous fait fuir tous les objets qui ne sont pas susceptibles d'une pareille direc¬ tion, ou dont la recherche, en détournant notre attention, risquerait de nous égarer, ou tout au moins de nous retarder. Non contente d'éclairer ainsi notre mar¬ che, la sagesse nous donne le secret d'a¬ bréger la route, en nous préparant directe- - 65 - ment par nous-mêmes des sentiers plus rapides ; elle nous fait choisir les moyens les plus conformes à notre fin dernière, les plus propres à nous y conduire sûrement. Ce qu' elle nous enseigne, la sagesse Divine nous le fait accomplir aussitôt. In¬ compatible avec la torpeur ou l'irrésolu¬ tion de 1' esprit, comme avec la langueur ou la faiblesse du cœur, Elle est par na¬ ture un feu consumant. Son indomptable et persévérante activité nous applique, a- vec une force toujours croissante, à faire le bien et à éviter le mal ; c'est-à-dire à marcher sans cesse vers Dieu. Pour nous, en effet, comme pour tous les êtres, le bien est ce qui nous conduit à notre fin véritable, le mal ce qui nous en détourne; et notre fin véritable, c'est Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ce discernement précieux du bien et du mal, dans l'ordre surnaturel; ce don plus précieux encore de l'intuition, de la soif insatiable, et de l'opération infatigable du bien ; Louis l'avait reçu avec abondance le jour où le Saint-Chrême figura sur son Bosco. Biogr. du jeune L. Colle. 5 - 66 - front béni l'empreinte indélébile du signe Auguste de notre rédemption. Le Sacrement de confirmation, reçu par cette âme innocente dans les plus pieu¬ ses dispositions, avait achevé sa beauté intérieure en lui communiquant la force et le courage du soldat de Jésus-Christ , l'indomptable persévérance de la volonté, qui seule fait les héros et les saints. Sous l'influence de cette volonté, mai- tresse absolue de toutes ses puissances, parce qu'elle s'appuyait sur la force et la douceur infinies de l'Esprit-Saint, 1' âme du jeune adolescent exerçait toutes ses o- pérations dans la paix et la joie d'une acti¬ vité constante et toujours réglée. Aussi les progrès étaient-ils rapides, et les fruits des vertus témoignaient de la docilité de Louis aux inspirations et à l'amoureuse conduite du Dieu, dont il était devenu le temple vi¬ vant, et auquel, en le recevant pour son rnaitre, il avait promis une inviolable fi¬ délité. Une des meilleures marques d'une vo¬ lonté forte et bien réglée est l'habitude - 67 - constante d'un ordre extérieur , sans re¬ cherche ni méticulosité ; signe certain que l'âme se possède elle-même, et que l'ordre règne aussi dans son intérieur. « Louis, nous écrit son père, avait un esprit d'ordre parfait, jamais il n'a abîmé un livre ou un objet quelconque, remet¬ tant tout régulièrement à sa place, et con¬ servant avec un respect religieux ce qu'il tenait de ses parents et de ses amis. » S'amusant un jour à un livre d'histo¬ riettes, il y rencontra l'incident d'un jeune homme qui, entraîné dans une voie mau¬ vaise, allait vendre un objet que sa sœur lui avait donné en souvenir. Louis indi¬ gné ferma le livre à ce passage, et ne vou¬ lut jamais plus l'ouvrir. » Mais il ne suffit pas à l'homme de faire régner l'ordre autour de lui dans les choses dont il peut disposer, il faut encore et sur¬ tout qu'il l'établisse et le maintienne dans toute sa personne, dans toutes ses actions. Une attitude simple et digne, sans pré¬ tentions ni raideur ; l'aisance et le natu¬ rel dans la composition de la personne ; - 68 - la douceur et F affabilité dans l'expression du visage ; une politesse exquise sans af¬ fectation ; F à-propos et la parfaite conve¬ nance dans toutes les actions ; une grande délicatesse dans les moindres rapports de famille ou de société ; partout un aimable abandon joint à la plus sage réserve; tels sont les signes par lesquels s' annonce à l'extérieur la beauté intérieure d'une âme bien équilibrée par le jeu d'une volonté puissante et maîtresse d'elle-même. Si dans les difficultés , dont notre vie ne cesse d'être remplie , cette âme a su conserver toujours cet ordre admirable, au milieu de tout ce qui tendait à le trou¬ bler; si partout et toujours elle a su de¬ meurer égale à elle-même , elle a donné la meilleure preuve d'un caractère forte¬ ment trempé. Tel était le jeune Louis, tel nous Font dépeint les personnes qui Font le mieux connu; tel, sur la fin de sa vie, nous a- vons pu le voir nous-même sous l'étreinte d'une maladie mortelle. Accoutumé dès 1' enfance à se vaincre lui-même, il sut — 69 - toujours posséder son âme et la gouver¬ ner selon les règles d'une raison pleine de droiture et de délicatesse. Tel son précepteur le trouva, en arri¬ vant au milieu de la famille Colle, où l'ap¬ pelait une confiance si bien justifiée : nous traduisons un passage de sa lettre : « Louis, petit garçon de treize ans, à cet âge même où la jeunesse est dans toute sa fleur et toute sa vivacité ; alors que les humeurs, dont le système n' a pu s'éta¬ blir encore, rendent les passions moins obéissantes au frein de la raison, et plus sujettes à dépasser la mesure, Louis mon¬ trait une innocence telle, qu'il semblait un ange sous des dehors humains. »Oh! c'était un fortifiant spectacle de l'ob¬ server, modeste dans ses actes, châtié dans ses paroles, modéré dans ses regards, retenu dans toute la composition de sa personne. Le sourire de l'innocence éclairait son vi¬ sage, au point de le rendre un objet d'ad¬ miration. Comment être surpris qu'à une telle innocence il ajoutât l'exercice des ver¬ tus chrétiennes, et l'exact accomplissement — 70 — des pieuses pratiques de la religion? Je me faisais parfois un agréable divertissement de le suivre dans toutes ses actions, pour mieux me convaincre de la bonté peu commune de cette âme, objet de la pré¬ dilection Divine. » Parmi les facultés de notre nature in¬ telligente, s'il en est une qu' il soit plus difficile de contenir dans les justes limi¬ tes d'un usage modéré , c'est, sans nul doute, la faculté si précieuse de commu¬ niquer à nos semblables, par le moyen de la parole, nos pensées et nos impressions. La conversation est un besoin de notre nature, elle est, le plus souvent, un devoir de famille ou de société ; mais trop sou¬ vent hélas, elle dégénère pour nous en une source féconde d'ennuis, de froideurs, de désunions même, et de péchés. La langue est un mal inquiet, dont les démangeaisons semblent parfois irrésisti¬ bles ; bien petit est le nombre des âmes capables de le dominer ! Louis était de ce petit nombre. Voici dans quels ternies nous l'atteste une per- - 71 - sonne, bien digne de. confiance, et assuré¬ ment bien à même de connaître celui dont il était le pasteur, et dont il voulut bien être le Père spirituel et l'ami, M. le cha¬ noine Rouvier, à l'obligeance duquel nous devons, sur la vie de notre jeune Saint, une relation des plus intéressantes, dont nous avons déjà donné, et serons heureux de donner encore de nombreux extraits : « Parmi les vertus dont notre bien-aimé Louis Colle nous a donné l'exemple , la première qui se présente à ma mémoire est son grand amour pour le silence. » Intimément convaincu qu'il est difficile de beaucoup parler sans offenser Dieu, il était excessivement sobre de paroles; bien différent des enfants de son âge, qui fati¬ guent souvent par une loquacité sans fin, et interrompent à tout propos les person¬ nes les plus sérieuses, Louis prêtait une oreille attentive aux entretiens de ceux avec lesquels il se trouvait , et n' élevait jamais la voix sans une cause légitime. » Si par hasard on demandait son avis sur la question du moment, il le donnait avec - 72 - grâce, sans prétention, évitant avec soin de fâcher personne. Mais ce que ses pa¬ roles ne disaient pas, on le lisait sans peine sur son aimable physionomie ; faisait-on l'éloge d'un homme sérieux, charitable , religieux, la joie se manifestait d'une ma¬ nière sensible dans ses traits, ses yeux, et toute sa personne. Si, au contraire, on par¬ lait devant lui de ces êtres, ennemis de la société, de la morale et de Dieu même, il souffrait dans le fond de son âme, et sa tristesse était remarquée de tous ceux qui se trouvaient avec lui. » L' âge ne fit que fortifier encore cette sage réserve, et le digne chanoine Rou- vier put rendre à son jeune ami ce pré¬ cieux témoignage : « Chose remarquable! dans un siècle où la médisance et la calomnie sont à 1' ordre du jour, et régnent dans tous les rangs de la société, Louis avait en hor¬ reur ces. vices inqualifiables. Je me suis trouvé souvent avec lui à la ville et à la campagne, j'ai fait également avec lui d'as- - 73 — sez nombreuses promenades, et jamais je ne l'ai surpris en défaut sur ce point. La pensée des maux infinis que cause la médisance, dans les familles, dans les cités, et dans les nations, attristait profondément son âme. A ses yeux, diviser les ménages, trou¬ bler la paix domestique, occasionner des haines et des inimitiés, étaient des crimes impardonnables. « Si, ne pas pécher par » la langue, disait-il, est une marque in- » faillible de perfection, se rendre coupa- » ble du défaut contraire, en est une de » réprobation. » — A ce respect pour la réputation du prochain, le saint jeune homme joignait le plus sincère amour de la vérité. « Jamais, affirme son excellent père, jamais Louis ne souilla ses lèvres d'un mensonge , il n'aimait et ne voulait que la vérité. Jamais il ne jeta les yeux sur un roman, et s'il ouvrait les journaux reçus dans sa maison, il n'y cherchait que les annonces de découvertes de la science, ou les discussions politiques des chambres, — 74 — pour y déplorer les écarts de notre triste époque. « Que ce monde est affreux ! di¬ sait-il, peu de jours avant sa mort, j'aime mieux le quitter. » Louis se faisait aussi remarquer, est-il besoin de le dire, par une obéissance par¬ faite à tous ses supérieurs, et surtout à ses bons parents. Donnons encore sur ce point la parole à son digne précepteur. « Il savait combien l'obéissance à nos parents est, non seulement le devoir d'un bon fils, mais encore un moyen merveil¬ leusement efficace pour sortir vainqueur des embûches de nos ennemis spirituels, comme nous l'enseigne l'Esprit-Saint : Vir obediens loquetur victoriam « 1' homme o- béissant chantera victoire », et pour avan¬ cer toujours de plus en plus dans le bien. C'est pourquoi cette vertu lui tenait fort à cœur. » Sa délicatesse de conscience à cet égard était si grande que s'il m' arrivait par¬ fois de le prier de me servir la messe, il s'empressait de me répondre : « Volon- » tiers, je serai content de m'acquitter de - 75 ~ » ce pieux devoir, si mes parents veulent » bien le permettre. » La permission n'é¬ tait pas longue à obtenir, comme il est fa¬ cile de le comprendre ; et je ne saurais dire avec quelle joie de l'esprit et quelle dévotion il remplissait cette noble fonction dont les anges eux-mêmes se tiendraient souverainement honorés. » Celui qui aurait pu le voir dans ce saint recueillement, n'aurait pu manquer de s'écrier : Ce n'est pas un jeune gar¬ çon ; c' est un séraphin revêtu d'une chair mortelle qui assiste au sublime mys¬ tère du Sacrifice non sanglant. » À l'obéissance, Louis joignit toujours une vertu plus rare encore, celle d'une entière confiance, et d'une parfaite ouverture de cœur envers ses dignes parents. Nous a- vons sur ce point l'affirmation la plus for¬ melle de son excellent père; il ajoute même que, jusqu'à ses derniers moments, Louis « avait conservé l'habitude de communi¬ quer à sa mère toutes ses pensées «et ses impressions. » - yé - Louis témoignait la même confiance à son digne précepteur, le R. P. Louis Ba- gnaja, aumônier du dernier navire qui fût resté à Pie IX, Y Immaculée-Conception. Une heureuse rencontre l'avait fait connaître aux parents du jeune Louis. « Cet estimable prêtre, nous écrit Mon¬ sieur Colle, devint non seulement son pro¬ fesseur d'Italien, mais aussi son ami; il voulait bien condescendre à jouer avec lui, et P accompagnait à la promenade. Il a appris à Viterbe, dans son couvent où il venait de se retirer, la mort de son élève; et il ne cesse, écrit-il, de regretter comme un fils cet ange envolé au ciel. » Nous avons, plusieurs fois déjà, mis sous les yeux du lecteur les pieuses et éloquen¬ tes attestations, que l'amour de la vérité, non moins qu'une affectueuse vénération, ont dictées au cœur de ce saint religieux, jaloux de faire connaître les vertus de celui qu' il s' estime heureux d'avoir eu pour élève. . Ces extraits sont empruntés à une no¬ tice biographique rédigée par le Père Lu- - 77 — dovic sur la demande de Monsieur Colle, qui lui faisait part de notre projet « d'é¬ crire la biographie de son bien-aimé et regretté fils Louis, pour taire connaître les rares vertus morales et civiles, auxquelles il s'était si gracieusement formé. » Ce sont les termes même dont se sert le Père Lu¬ dovic dans sa notice. Nous donnons ici, dans son entier, l'in¬ troduction de cette notice; de telles lignes font un égal honneur, et à celui qui les a écrites, et à celui dont la vertu les a méritées. « Je le confesse hautement, poursuit l'excellent religieux , cette nouvelle m' a comblé de joie ; elle a diminué la dou¬ leur très-vive, que la perte de ce cher en¬ fant me faisait éprouver. » Comme vous m'aviez fait l'honneur de me nommer son précepteur, chargé de lui apprendre la langue italienne , on ne saurait douter que 1' exercice de ces fon¬ ctions ne fût pour moi l'occasion la plus favorable, et ne me donna, plus qu'à tout autre (j'ose presque le dire), la facilité de bien connaître le caractère docile et affa¬ ble , l'inclination au bien, le cœur plein de gentillesse et d'aimable courtoisie, l'a¬ mour pour la vertu, qui brillaient dans ce cher gage, l'objet précieux de votre amour. » Il m'était d'autant plus aisé de pé¬ nétrer ses sentiments religieux, que l'af¬ fection qu' il avait pour moi, jointe à la familiarité dont il usait envers moi, avec une simplicité fille de l'innocence, lui fai¬ sait m'ouvrir son cœur avec une telle fran¬ chise , que je demeurais moi-même dans l'admiration d'une vertu si solide,'en un âge d'ordinaire si léger , et tout stupéfait de trouver une telle simplicité chez un jeune garçon si vif, et d'une intelligence déjà si formée. » C'est pourquoi je croirais manquer, non seulement à un acte de convenance envers vous, Monsieur, mais encore à l'affection tendre et spéciale que je sens vivre dans mon cœur pour cet. ange à figure humaine qui fut votre fils, si je me refusais à ma¬ nifester les rares vertus qui, vivant, le fai¬ saient aimer de tous et, mort, peuvent — 79 — le rendre un objet d' admiration pour tous. » Je vais donc, en conscience et pour la gloire de la vérité, exposer brièvement les bien aimées et si belles qualités religieuses et sociales de ce nouveau Louis de Gonzague,. » Je vous prie, Monsieur, de faire part à l'honoré Dom Bosco de ces quelques traits de l'aimable figure de votre cher fils, afin qu'il puisse en faire tel usage qui lui paraîtra convenable, dans la biographie, qu'il se propose d'écrire. » L'année I877 touchait à son terme, lors¬ que j' eus 1' extrême honneur de faire la connaissance du jeune Louis Colle, qui 11e comptait encore que 13 ans. » S'il me fallait raconter ici complètement, je ne dirai pas les qualités naturelles, dont il était si richement doué que quiconque a- vait le bonheur de 1' approcher ne pou¬ vait s'empêcher de le trouver aimable et de s'attacher à lui, mais seulement les qua¬ lités morales, dont son esprit était orné, je craindrais de me rendre souverainement prolixe. — 8o — » Cette abondance même, au lieu d'ex¬ citer 1J admiration, me rendrait tout sim¬ plement ennuyeux. Donc, dans 1' im¬ possibilité de tout dire, je ferai comme celui qui entre dans un très-vaste champ de beau blé, bien mûr, et qui, ne voulant en couper qu' une petite partie , se con¬ tente de promener son regard sur le sur¬ plus. » Suivent les divers passages que, pour la commodité du lecteur, nous avons dû dé¬ tacher et citer au fur et à mesure des be¬ soins de notre récit. - fNlilllll»— * Chapitke V. L' instruction de Louis , ses brillantes aptitudes - Son amour du travail - Ses succès. Si le jeune Louis avait reçu de la main libérale de Dieu d'exceptionnelles qualités dans Tordre de la vie pratique, il n'avait pas été moins favorisé dans Tordre de la vie spéculative. Ses facultés intellectuelles brillaient par la vivacité , T étendue , la clarté , la sûreté , la facilité de leur opé¬ ration. Il avait aussi reçu ces dons précieux, sans lesquels les plus belles facultés s'é¬ teignent dans une triste stérilité. Bosco. Biogr. du jeune L. Colle. 6 - 82 - La passion du vrai et du beau, l'amour de l'étude, la méthode et la patiente per¬ sévérance d'un travail opiniâtre, mais ju¬ dicieusement réglé. « Dès l'âge de huit ans, nous dit son digne père, il montra un goût prononcé pour les sciences. Le calcul, la géologie, l'astronomie, l'histoire naturelle, l'auraient passionné, si ses forces physiques avaient secondé sa volonté, qui aurait voulu em¬ brasser le vaste champs des études. » Monsieur le chanoine Rouvier rend le même témoignage : « Au don inestima¬ ble de la piété, le Seigneur avait joint ce¬ lui de l'intelligence, comme pourraient l'at¬ tester, mieux que moi, ses professeurs de français, de latin, de grec, d'allemand, et d'italien. Tous conviennent que son in¬ telligence était vraiment extraordinaire. » Le témoignage du professeur d'italien est plus explicite encore. Cet excellent re¬ ligieux s' exprime ainsi : « A la piété, à la possession des vertus morales, Louis unissait la jouissance des vertus intellec¬ tuelles. A son intelligence éveillée, tout - 83 - était facile à apprendre ; sous le regard pénétrant de son intellect, s'évanouissaient les difficultés qui souvent rendent l'étude fastidieuse pour les jeunes gens; si bien que ses progrès dans la culture des let¬ tres tenaient du prodige, en raison de son jeune âge. Doué d'une grande bonne volonté , son application à 1' étude était extrême, et il ne s'en arrachait que contraint par les nécessités de sa santé, toujours ch ancelante. Sa mémoire était presque extraordi¬ naire ; je pus en faire l'épreuve dans les leçons que je lui donnais de cette langue harmonieuse, née Dans cet heureux pays, ou résonne le si (Dante, Enfer, chant 33). Bien que, à raison du mauvais état de sa santé, il ne pût, ainsi que je l'ai dit plus haut, s'appliquer à cette étude autant qu'il l'aurait désiré ; cependant,. rien qu'à en¬ tendre expliquer les règles de la gram¬ maire, et à faire en ma présence quelques - 84 - moments de lecture, il apprit si bien cette langue, que, non seulement il la parlait très- purement, et avec une gracieuse sponta¬ néité, mais, plus encore, il l'écrivait avec beaucoup de correction, comme il serait facile de le vérifier sur les diverses lettres qu'il m'écrivit à Rome, pendant le peu de mois écoulés du jour de mon départ, jusqu'à la dernière atteinte de la grave maladie qui le conduisit à la tombe. » Un jour même Monseigneur Carli, Evêque d'Almira, lisant une de ces let¬ tres, fut surpris qu'un jeune garçon d'une nature si délicate eût pu, sans une étude sérieuse de notre langue, arriver à si bien l'écrire, et voulut ajouter au bas de cette lettre un mot de félicitation. » J'avais soin de renvoyer ces lettres au jeune Louis, pour lui témoigner ma satis¬ faction, et par ce motif, elles doivent en¬ core, si je ne me trompe, être entre les mains de ses parents. » Avec la même facilité, il réussit à ap¬ prendre les langues anglaise, grecque et allemande, et il les possédait si bien qu'un - 85 - jour, tandis qu'il développait devant moi un aperçu destiné à me faire connaître les dif¬ férences qui séparent la langue italienne des autres langues sus-indiquées, en ce qui con¬ cerne les règles, les tournures et les décli¬ naisons des noms, il me semblait entendre, non pas un écolier qui doit encore acquérir la science, mais un maître qui l'enseigne. » Mais les décrets éternels et divins avaient décidé que ces qualités si remarquables de l'esprit, Louis ne devrait pas en jouir beaucoup sur la terre. Le Seigneur l'avait fait pour lui, c'est pourquoi, dans la pre¬ mière fleur de son âge, il l'appelait à jouir de ces clartés ineffables, à se perdre dans ces abîmes d'une lumière inaccessible qui, en un instant, communique une science et une sagesse capable d'éclipser le savoir.de tous les hommes réunis. » Louis Colle faisait preuve de la même fa¬ cilité, non seulement pour toutes les études, mais encore pour tous les exercices qui sup¬ posent l'activité de l'intelligence, et attestent à la fois sa souplesse et sa force : « après a- voir assisté à deux ou trois parties d'échecs, - 86 - et avoir reçu quelques explications relatives à ce jeu, il fut capable, non seulement de jouer, mais encore de lutter avantageuse¬ ment avec d'habiles joueurs, » nous écrit Monsieur le chanoine Rouvier, témoin ocu¬ laire, des laits qu'il rapporte. Les facultés esthétiques n'étaient ni moins brillantes, ni, moins développées que les facultés morales^et intellectuelles. « La nature, nous dit le digne père de notre jeune ami, 1' avait admirablement doué pour la musique. » A peine connut-il les notes et les tou¬ ches du clavier, qu'il improvisait et re¬ produisait de souvenir les chants et les cantiques de l'église. L'audition de la belle et bonne musique l'enthousiasmait. Quelle jouissance doit-il maintenant éprouver dans la patrie céleste, en entendant les concerts angéliques ! » Monsieur le chanoine Rouvier confirme ce témoignage : « il lui suffisait d'enten¬ dre chanter un cantique une seule fois pour en saisir l'air, et le jouer immédiatement sur son piano. » - 87 - Dans les nombreux voyages, qu'il fit a- vec ses parents, ainsi que nous le dirons plus loin, « son attrait le portait surtout dans les musées, l'idée du beau se révé¬ lait à lui et captivait son esprit », ainsi s'exprime son excellent père, dans les quel¬ ques notes qu'il a bien voulu nous fournir. La richesse et la perfection de cet har¬ monieux développement des facultés du jeune homme ne surprendra pas celui qui voudra bien se souvenir des principes qui présidèrent à l'éducation du jeune enfant. Nous avons montré cette éducation chré¬ tienne, s'attachant à développer régulière¬ ment toutes les aptitudes de l'enfant, pour obtenir de lui, sans toutefois surmener son intelligence, toute la somme d'activité dont il était capable ; nous avons vu cette même éducation s'appliquer tout particulièrement à former la volonté, lui apprenant à se posséder elle-même, et à se diriger toujours selon la raison, au lieu de se laisser sur¬ prendre par l'inclination. Par cette puissance régulatrice, tous les écarts, auxquels n'aurait pas manqué — 88 - de donner lieu le développement complet des autres facultés, se trouvent heureuse¬ ment prévenus. L'ordre et la paix régnent dans cette âme ; maîtresse d'elle-même, elle porte son activité tout entière sur un objet, ou l'en retire à son gré. La torpeur et la préoccupation lui sont également inconnues , agissant toujours avec toute sa force, elle obtiendra sans peine les plus heureux résultats dans tous les sens , dans lesquels elle devra déve¬ lopper successivement son activité. Elle aura naturellement le sens exquis du vrai, du beau, du bien, ces diverses formes de l'être. La puissance et la régularité de ses opérations intérieures opéreront ce pro¬ dige, car l'homme ne peut apprécier que selon l'état de son âme ; tous nos juge¬ ments se forment sur ce modèle, et de là provient leur étrange diversité. Si donc le modèle intérieur est parfait et constant, toutes les appréciations seront aussi marquées à cette empreinte de la constance et de la perfection. Chapitre VI. Mauvaise santé de Louis - Ses voyages — Sa charité pour les œuvres catholi¬ ques - Sa simplicité. Il y avait cependant une lacune dans cette organisation d'élite. « Cet enfant si bien favorisé pour l'esprit et pour le cœur avait une santé débile. Sa vie toute entière se passa dans la souffrance et dans les pri¬ vations. » Un défaut d'organisation intérieur et incurable ne lui permettait pas de pren¬ dre les aliments les plus ordinaires et les plus indispensables à l'homme, comme le pain, le vin, et la chair des animaux. - 9o - » Il ne pouvait user de ces aliments qu'en très-petite quantité. Le laitage seul, et quel¬ ques fruits faisaient ■ sa nourriture, et l'on se demande encore comment un régime si peu substantiel a pu le soutenir jusqu'à l'âge de dix sept ans environ. » Ce défaut d'organisation et la petite quantité de nourriture, rendaient quelque¬ fois notre jeune saint triste et mélancoli¬ que; mais il supportait tout avec patience et résignation. » A cet éloge dû digne curé Doyen de l'église S. Louis à Toulon, nous pouvons ajouter un trait, vraiment remarquable, que nous puisons dans les notes à nous trans¬ mises par Monsieur Colle père. « Louis ne voulut jamais se dispenser de l'absti¬ nence aux jours prescrits par l'Eglise, bien que sa santé lui eût permis d'y déroger; il n'y consentit qu'à regret dans sa ma¬ ladie. » Combien de jeunes gens, robustes d'ail¬ leurs, s'empressent au contraire de pro¬ fiter de 1' occasion du moindre malaise pour se dispenser des saintes, et d'ailleurs - 9i — bien douces pénitences imposées par la Sainte Eglise ! La vraie piété, l'esprit de mortification, et la force de caractère , sont , hélas, choses rares dans nos jours de mollesse et de laisser aller. Les parents du jeune Louis ne pouvaient se défendre d'une vague inquiétude , ils pressentaient que cette fleur délicate ne pourrait longtemps résister à un travail suivi ; ils cherchèrent donc à lui donner des distractions utiles conformes à ses goûts sérieux, et le firent voyager. Ainsi, tout en ménageant ses forces , Louis pouvait satisfaire son vif désir d'apprendre. Presqu'aussitôt après sa première com¬ munion, Louis commença, sous la conduite de ses bons parents, cette série de voya¬ ges, dans lesquels ils visitèrent successi¬ vement les trois principales capitales du monde chrétien, Londres, Paris, et Rome. Dans le cours de ces divers voyages, les- parents du jeune Louis le conduisirent aux Sanctuaires les plus vénérés , demandant - 92 - à tous, avec confiance, que Dieu voulût bien accorder à leur enfant la santé né¬ cessaire pour travailler à sa gloire, et au bien du prochain, pendant qu'il serait dans ce monde. C'est ainsi que Louis fut reçu membre de l'archiconfrérie du S. Scapulaire à Pa- ray-le-Monial, dans la chapelle de la Vi¬ sitation; s'agenouilla sur la tombe du Curé d'Ars, salua la Vierge à Pontmain, lieu célèbre par l'apparition de Marie en 1871, visita à Tours le tombeau de S. Martin, entendit une messe dite pour lui sur le tombeau de S. François Régis à la Lou- vesc, et enfin, eut le bonheur de servir lui-même la Sainte-Messe à un de ses pa¬ rents, à l'autel de la Confession de saint Pierre. Déjà, dans les environs du lieu de sa nais¬ sance, Louis s'était fait un bonheur d'aller, avec ses parents, visiter pieusement les sanc¬ tuaires les plus vénérés de la Madone et des Saints; et partout il avait donné des preuves de sa foi vive et de sa piété sincère. — 93 - « Deux fois, écrit le digne curé Rou- vier, j'ai eu l'avantage de l'accompagner dans ses pèlerinages, et, deux fois, j'ai été plus que touché de son recueillement et de son respect, en présence de la statue, ou des reliques, que nous honorions. » En voyant cet enfant, dont je con¬ naissais l'innocence, humblement pros¬ terné, parlant à la Mère de Dieu et aux Saints qui l'entourent, il me semblait que sa voix, arrivant jusqu'au ciel comme la fumée d'un encens d'agréable odeur , Marie le regardait avec complaisance, le bénissait, et concevait en même temps le désir de le soustraire bientôt aux dangers de ce monde. » A l'âge de quatorze ans, Louis eut la faveur d'être présenté au Souverain-Pon¬ tife Léon XIII, et le bonheur, plus grand encore, de communier de sa main, dans la chapelle privée du Vatican, le jour de Pâques (avril 1878). L'affluence des étrangers ,venus à Rome pour les fêtes, ne permit pas à la famille Colle d'obtenir une audience privée. — 94 — « Ce fut, nous écrit Monsieur Colle, dans une audience générale que nous eûmes l'honneur de voir le Souverain Pontife. Mon fils était placé entre sa mère et moi. Léon XIII s'arrêta devant nous, comme il le fait pour chaque per¬ sonne. Je lui demandai qu'il voulût bien bénir d'une manière particulière la vo¬ cation de mon fils ; il me répondit « vous ne l'entraverez pas? » je l'assurai de mon entier acquiescement à la volonté divine. Là-dessus il nous bénit tous les trois. » Monsieur le curé Rouvier ajoute quel¬ ques détails, particuliers au jeune Louis. « Au moment de recevoir la bénédiction de celui qui représente Jésus-Christ sur la terre, Louis se prosterne humblement à ses pieds, et lui adresse, d'une voix émue, ces courtes paroles : « Très-Saint-Père , » bénissez, s'il vous plaît, le plus soumis m de vos enfants, et priez pour les besoins » de son âme. » » Le Pape le fixe attentivement, le bénit, lui donne l'anneau du Pêcheur à baiser, et lui adresse ces remarquables paroles : - 95 - « Mon fils, soyez toujours bon catho- » lique, et vous serez un saint. » Cet oracle s'est accompli dans toute son é- tendue. » A son retour de la Ville Sainte, l'âme de Louis , toujours portée pour le bien , montra beaucoup plus de zèle et de fer¬ veur dans l'accomplissement de tous ses devoirs de piété. Son amour pour Dieu et pour le prochain ne connut plus de bornes... » Louis eut toujours une grande charité pour les pauvres : il en donnait des preu¬ ves toutes les fois que les circonstances lui en fournissaient l'occasion. Ces cir¬ constances étaient rares, par la raison qu' il sortait fort peu, et jamais seul. » Je l'ai vu néanmoins, maintes fois, dans le lieu saint, glisser 'modestement dans la bourse des pauvres des offrandes propor¬ tionnées à son âge et à son avoir. D'au¬ tres fois , il me chargeait moi-même de ses aumônes pour en être le distributeur. » Voici un trait qui révélera, mieux que mes paroles, la bonté de son cœur et sa - 96 - tendre compassion pour la misère. Peu de jours avant sa mort, il apprit que son père venait de promettre une somme considé¬ rable pour les orphelinats salésiens et pour P église et orphelinat du Sacré-Cœur de Rome. » Cette nouvelle lui fut si agréable, qu'il en pleura de joie. Ce pauvre enfant était, en ce moment, assis dans son fauteuil de douleur, et tournant ses regards vers les auteurs de ses jours , il leur dit au¬ tant qu'il lui fut possible : « Merci, papa; merci, maman, de la belle action que vous venez de faire. » Ensuite il ajouta, et ce furent à peu près ses dernières paroles : « Faites du bien à tous ceux qui vous entou¬ rent. » Telle est la relation du digne Curé. Désireux d'entretenir en leur fils, si justement et si tendrement aimé, la gé¬ néreuse et ardente charité, que la religion chrétienne inspire à ses enfants pour leurs frères malheureux, les parents de Louis avaient pris l'excellente habitude de faire passer par ses mains leurs aumônes par¬ ticulières. - 97 - Quand nous faisons l'aumône, nous en¬ seigne le saint Evangile, notre main droite doit ignorer ce que fait la main gauche. Ces paroles signifient, non que nous devons ignorer le chiffre de ce que nous donnons, mais bien que nous ne devons pas en tirer vanité. Louis observait ce précepte du divin Maître, et disait souvent que nous devons garder le secret sur nos aumônes, pour n'en pas perdre le mérite. « Louis était, du reste, nous écrit M. Colle, d'une discrétion à toute épreuve, on aurait pu , sans crainte, lui confier un secret. » Louis ne se contentait pas de la bien¬ faisance particulière, qui soulage seulement tel on tel individu, mais il étendait toutes les ressources de son activité à ce que l'on pourrait, assez justement, appeler la bien¬ faisance sociale. Sous la conduite de son digne père, Louis participait à toutes les œuvres de défense catholique, et de préservation sociale, que notre malheureuse époque a rendues indis- Bosco. Biogr. du jeune L. Colle. 7 - 9.8 - pensables et qui sont devenues, en France, la sainte occupation, nous pourrions dire la mission, de tous les cœurs véritable¬ ment catholiques. Les ennemis de la religion emploient contre elles trois armes principales : la mauvaise presse, les réunions antireligieu¬ ses, l'école sans Dieu. La mauvaise presse répand à profusion les livres irréligieux ou immoraux, les journaux grands et petits, qui semblent ne chercher leurs moyens de succès que dans la bave empoisonnée, qu'ils ne cessent de déverser sur la religion, la morale et l'au¬ torité. Les catholiques ont dû suivre leurs en¬ nemis sur le terrain même où ils avaient pris position ; aux mauvais journaux ils ont opposé des journaux rédigés par eux dans un esprit conforme aux principes de notre sainte religion. — Aux mauvais li¬ vres ils ont opposé la propagande des bons livres, et la création de bibliothèques, où le chrétien peut trouver l'aliment du cœur, aussi bien que celui de l'esprit, sans avoir — 99 — à craindre de boire un poison mortel, ha¬ bilement dissimulé. Dans les réunions antireligieuses, l'on ne cesse d'exploiter les souffrances de l'ou¬ vrier, ou ses convoitises, pour allumer sa haine implacable contre la classe supé¬ rieure et contre les prêtres, que Ton lui représente avec raison comme les plus fermes soutiens de l'ordre social, dont on fait impudemment une monstrueuse et cri¬ minelle conspiration du fort contre le faible. Les catholiques ont répondu par l'ins¬ titution de Cercles catholiques mixtes, pour la réunion de toutes les classes, bourgeoise et ouvrière; civile, militaire et marine. Là, dans la sainte liberté des enfants de Dieu, tous ces hommes, divisés par leurs conditions, leurs caractères et leurs em¬ plois, se rencontrent unis dans un même sentiment de sainte charité ; ils appren¬ nent à se connaître, et à s'estimer réci¬ proquement ; ils prouvent, par leur exem¬ ple, que le christianisme seul peut donner la véritable fraternité. — 100 — Tous se reconnaissent égaux devant le même Dieu, qui leur impose, les uns à l'égard des autres, des devoirs, différents, mais réciproques, dont il exige, des uns comme des autres, la parfaite exécution. À l'école sans Dieu les catholiques ont opposé l'œuvre des écoles chrétiennes li¬ bres, dont le modeste budget doit, par le malheur des temps, être exclusivement fourni par la générosité des fidèles. Louis était encore heureux d'appartenir à 1' œuvre admirable des conférences de S. Vincent de Paul. Telles étaient les occupations saintes, qui se partageaient les loisirs du jeune Louis, et alternaient avec la prière, l'étude, ou de nobles et simples délassements. Ne fréquentant aucun collège, Louis n'a¬ vait jamais eu de compagnons de jeux, il n' eut jamais d'autre société intime que celle de ses parents , de son précepteur et du digne curé Rouvier. Laissons ce dernier nous dépeindre cette vie cachée, si conforme à celle de notre divin Mo¬ dèle. — 101 — « Louis a passé toute sa vie, et tous les instants de sa vie, sous les yeux de son père et de sa mère. Jamais il n' est sorti seul, pas même avec un compagnon de son âge. Les visites, les promenades, les voyages , 1' assistance aux offices divins , tout se faisait en commun. Ces trois per¬ sonnes bénies formaient une espèce de Trinité, distincte, mais inséparable. Cette vie retirée plaisait infiniment à Louis et il n'en voulait pas d'autre. » Il trouvait dans la maison paternelle tous les délassements conformes à ses goûts. La prière, l'étude, quelques parties de jeu désintéressées, le soin des oiseaux, et les causeries avec sa famille, occupaient tout son temps. » Ainsi l'Esprit de sagesse avait donné à notre ami la victoire la plus parfaite sur les tentations les plus séduisantes de l'a¬ mour propre et de la vanité. Tous ces avantages, dont nous avons déjà parlé, l'honorabilité de la famille, sa considération, la grande fortune, les ta¬ lents incontestables, les qualités du cœur — 102 — les plus sympathiques ; tout ce qu'il faut,, en un mot, pour réussir selon le monde, et se faire un nom, Louis avait tout reçu de la main libérale de Dieu. — Par une li¬ béralité plus grande encore de sa main paternelle, Dieu lui faisait fouler aux pieds toutes les vaines satisfactions, que la na¬ ture aurait pu vouloir y chercher. Louis n' avait d'autre ambition que de se rendre capable d'être un jour un mi¬ nistre des saints autels, afin d'opérer au¬ tour de lui le plus de bien possible, et de fai're aimer ce Dieu dont il avait tant reçu. Ce désir, hélas! ne devait pas être réalisé, Louis devait nous précéder dans la patrie, et, admis à la cour céleste, rendre à son Dieu, dans l'intimité la plus complète, les hommages qu' il lui adressait de si bon cœur ici bas, alors qu'il ne l'apercevait encore qu'à travers les ombres de la foi. Puissent ses prières opérer encore plus de bien que n'aurait pu le faire son saint mi¬ nistère dans cette vallée de larmes. Chapitre VII. Dernière maladie. A l'âge de seize ans et demi, Louis fut atteint d'une maladie mortelle. Il ne tarda pas à comprendre la gravité de son mal, et s'abandonna avec une entière soumis¬ sion à la Volonté Divine. Condamné par les médecins, il sq tourna cependant vers le ciel pour dire à Notre Père Céleste que, prêt au départ, si telle était sa sainte volonté, il ne refusait pas néanmoins la fatigue, et serait heureux de continuer à le servir sur cette terre en combattant les saints combats de son a- mour. — 104 ~~ Sans perdre un instant sa foi vive, il crut toujours que Dieu pourrait faire un miracle, grâce à l'intercession de Notre- Dame Auxiliatrice, déjà célébrée dans tout le monde par les bienfaits extraordinaires qu'Elle accorde à ceux qui la prient. Je faisais alors un voyage en France pour les besoins de nos œuvres, et je devais pas¬ ser tout près de Toulon. Monsieur Colle me fit écrire pour m'en- gager à venir visiter son fils unique , très-dangereusement malade. En ce mo¬ ment-là, j'étais à Marseille. Je le promis de bien bon gré, mais je ne pus arriver qu' assez longtemps après l'époque à laquelle j'avais reçu la demande. Le jeune Colle attendit, sans donner le moindre signe d'impatience. Lorsqu'enfin je pus m'entretenir seul à seul avec lui, je fus frappé de l'ingénuité de cette âme et de sa pureté. Je compris aisément que le fruit était mûr pour le ciel, et que Dieu voulait l'of¬ frir à sa très-sainte Mère pour augmen¬ ter sa céleste cour d'âmes virginales, des- - 105 - tinées à suivre partout, avec elle, les pas du Divin Agneau. Je préparai doucement le jeune homme à faire généreusement à Dieu le sacrifice de sa vie; et j'admirai combien cette âme, docile à tous les mouvements de la grâce, fut prompte à se diriger dans le sens que je lui indiquais, et à s'abandonner entiè¬ rement à l'amoureuse Providence de No¬ tre Dieu. Cependant, comme les conseils de Dieu sont impénétrables, je ne crus pas devoir détourner le jeune homme de persévérer à demander à Dieu sa guérison, si tel é- tait l'intérêt de son âme, et de la gloire de notre Père céleste. Je plaçai le malade sous la protection de Notre-Dame Auxiliatrice, dont il por¬ tait déjà la médaille, et lui conseillai d'in¬ voquer souvent cette bonne Mère, sous ce titre si consolateur pour nous , et si glorieux pour elle. Le jeune Louis obéit, avec la plus fer¬ vente docilité ; pendant tout le peu de jours qu'il vécut encore, il ne cessait de — 106 — se recommander à toute heure à Notre- Dame Auxiliatrice, pour recevoir de ses mains la grâce de supporter patiemment la souffrance, et celle de bien mourir, ou de guérir, si tel était le bon plaisir de Dieu. Le digne curé Rouvier, son confesseur, demandait aussi le miracle, que les priè¬ res de toute la famille Colle et celles de ses nombreux amis voulaient arracher au ciel, comme ils lui avaient arraché la nais¬ sance de celui qui se mourait alors. Dans une de ses visites quotidiennes , relevant les espérances du jeune malade, son confesseur alla jusqu'à lui dire, avec la sainte hardiesse des amis de Dieu. « Mon cher enfant, je somme Dieu de vous guérir. » dès qu'il fut parti, Louis, se tournant vers sa mère : « M. le curé m'a dit qu' il sommait Dieu de me guérir ; moi, ajouta-t-il en joignant les mains, je vous somme, mon Dieu, de me faire mou¬ rir si je devais être méchant. » Un peu plus tard, s'apercevant de l'af¬ fliction de sa mère, qui ne le quittait pas un instant : « Maman , lui disait-il , que — 107 ~~ diriez-vous si Dieu vous demandait, com¬ me à Abraham, de Lui faire sacrifice de votre fils ? » La pauvre mère, hélas ! ne put ré¬ pondre que par ses larmes... et, comme il craignait qu'elle ne cédât pas aux ins¬ tances qu'il lui faisait pour prendre quel¬ que repos : « Je vous le demande au nom de Jésus-Christ », lui disait-il, se ressou¬ venant de l'affirmation qui avait été gra¬ vée dans son cœur d'enfant, que rien ne pouvait résister à cette invocation. Mais, empruntons à la relation de Mon¬ sieur le curé Rouvier le récit de ces der¬ niers jours. « Lorsque ses forces affaiblies ne lui per¬ mirent plus de continuer ses études, et le forcèrent à un repos absolu, je le visitais régulièrement tous les jours. Dans une de. mes premières visites, je lui suggérai la pensée de faire une neuvaine à la très- Sainte Vierge. « Volontiers, me dit-il, et, si vous vou¬ lez, à l'instant même. » — Sans plus tarder, le père et la mère se joignirent à nous ,. — io8 — 'et tous prosternés devant l'image de Ma¬ rie, la neuyaine commença. » Vers le milieu de ce pieux exercice, le malade témoigna le désir de faire la sainte Communion, et je m'empressai de lui ap¬ porter le Saint-Viatique. » Après avoir reçu son Dieu avec la foi de son saint Patron, il prie avec plus de confiance et de ferveur que jamais. En le voyant dans ces saintes dispositions : « Courage, lui dis-je , demandez et vous recevrez. » — « Oui, me dit-il, j'espère avec confiance recevoir, non pas la santé, mais la grâce de bien mourir. » — « Pen¬ sez-vous sérieusement demander cette gr⬠ce ? auriez-vous cessé d'aimer votre père et votre mère? » — « Je les aime plus que jamais, mais ils viendront me trouver un jour. Le Bon Dieu m'accordera cette faveur, car je la lui demanderai sans cesse. » At¬ tendri jusqu'aux larmes je m'arrête. » Monsieur Colle a bien voulu nous four¬ nir les détails qui suivent : « Lorsque tout espoir de guérison fut devenu impossible, il ne songea qu'à pré- — 109 ~ parer son âme avec plus de soin à son passage du temps à l'éternité. La Sainte Communion lui fut apportée en Viatique pour la seconde fois. « Que je serais heureux, disait-il, si je » pouvais mourir en communiant ! — No- » tre Seigneur Jésus-Christ m' emmène- » rait avec lui dans le ciel ! » « Le ciel ! disait-il dans ses moments » de souffrance, le ciel ! — J' ai reçu le » pardon de mes fautes et les derniers Sa- » crements, que faut-il faire encore? » Suis-je prêt à mourir ?... Mes chers pa- » rents, vous qui êtes ceux que j'aime le » plus au monde, je suis résigné à vous » quitter pour le ciel ! — J'irai au ciel , » Dom Bosco me l'a dit. » Et c'est dans ces sentiments d'admira¬ ble confiance qu'il approchait de ses der¬ niers moments. « Vous ne m'oublierez pas, disait-il à » sa mère; pour moi, je prierai pour vous » de toutes mes forces, vous ne me ver- » rez plus , mais vous me trouverez au •;> ciel. » — 110 — Un matin, voyant ses parents près de son lit, qui le regardaient avec angoisse, « Séchez vos pleurs, leur dit-il, faites de » bonnes œuvres ; peut-être sera-ce au- » jourd'hui que Dieu me dira : hodie me- » cum eris in Paradiso. » Reprenons le récit de Monsieur le curé de l'église S. Louis. « La neuvaine finie, je lui apporte une seconde ibis la Sainte Communion; et, comme son état était de plus en plus gra¬ ve et alarmant, je lui donnai l'Extrême- Onction. Après avoir reçu ces deux Sa¬ crements avec une pleine connaissance, il demeura quelques instants immobile , les yeux fixés vers le ciel. » Revenu de cet état, et malgré son ex¬ trême faiblesse, il embrassa pour la der¬ nière fois ses bien-aimés parents, en pro¬ nonçant ces paroles touchantes, et à jamais mémorables : « Je vais au ciel » et il ex¬ pire. » Chapitre VIII. Mort de Louis - Ses obsèques. Ce fut en prononçant les saints noms de Jésus, Marie, Joseph, que Louis Colle rendit le dernier soupir, à 6 heures du matin, le 3 avril 1881, jour de la Passion. Tous ceux qui le connaissaient, n' eu¬ rent qu' une pensée : celle de l'invoquer. Au moment de sa naissance tous avaient dit : « Cet enfant sera un saint. » A sa mort, tous dirent : « C' est un saint, un protecteur pour ceux qu' il a connus en ce monde. » « Cette mort, nous écrit Monsieur le chanoine Rouvier, est, à mes yeux, la mort — 112 — d'un saint; et la connaissance que j'ai de la conduite de ce jeune homme ne me per¬ met pas même d'en douter. » Vous savez comment il a vécu, pendant les dix-sept ans, environ, qu'il a passés sur la terre. Non seulement il n' a pas fait le mal, mais il ne l'a pas même connu... Vous savez enfin, que jamais aucun ser¬ viteur • ne fut chargé de pourvoir aux besoins matériels de notre cher défunt. Ses parents seuls pourvurent à toutes les nécessités de sa courte existence. » Eux seuls le soignèrent pendant sa ma¬ ladie, et voulurent, après la mort, ensevelir de leurs propres mains ce corps virginal, en l'arrosant de leurs larmes. » Heureux parents,réjouissez-vous d'avoir contribué, par vos paroles et par vos œu¬ vres, au développement des dons précieux que votre fils apporta en venant au monde ! Réjouissez-vous enfin d'avoir un protec¬ teur puissant parmi le chœur des Anges. » La mort de Louis Colle fut un deuil pour tout le pays, où il était estimé et aimé, nous dirons même, vénéré. - ii3 - Les témoignages spontanés qui, de toutes parts, furent donnés à la famille Colle, lui prouvèrent que, même dans notre siècle, la bienfaisance et la vertu gagnent encore tous les cœurs. Le journal La sentinelle du midi, dans son numéro des mardi 5 et mercredi 6 avril 1881, daté de Toulon le 4 avril, pu¬ bliait, en tête de ses colonnes, les lignes émues que l'on va lire : « La mort vient de frapper bien cruel¬ lement un de nos meilleurs amis. » Dimanche matin, à 6 heures, Mon¬ sieur Colle, avocat, voyait s'évanouir ses plus chères espérances : son fils unique, à peine âgé de dix-sept ans , rendait sa belle âme à Dieu. » En présence d'un pareil malheur qui brise deux existences auxquelles cependant tout semblait devoir sourire ; en présence de la mort si prématurée de cet enfant qui était la joie, tout le bonheur de cette fa¬ mille infortunée, nous ne pouvons que confondre nos larmes avec celles de cet excellent père, de cette tendre mère, dont Bosco. Biogr. du jeune L. Colle. 8 - ii4 - la vie est à tout jamais enveloppée de deuil et de désolation. » C'est quand le malheur s'appesantit sur ceux auxquels nous unissent des sen¬ timents d'affection et de reconnaissance, que ces sentiments doivent le plus hau¬ tement se manifester : aussi nous empres¬ sons-nous de témoigner à Monsieur et à Madame Colle toute la part que nous pre¬ nons à la terrible épreuve que Dieu vient de leur envoyer, et de leur exprimer les sincères regrets que nous inspire la perte de leur fils bien-aimé. » Puissent les nombreuses marques de cordiale sympathie que cette honorable famille reçoit dans cette poignante cir¬ constance, apporter quelque adoucissement à sa douleur. Pour la Rédaction Emile Costel. » « Il est mûr pour le ciel, disait, il y a quelques jours, un saint Religieux, en par¬ lant de Louis Colle. Et de fait, son profil - ii5 - idéal, ses yeux au regard triste et pro¬ fond , où se reflétait une âme aspirant à l'infini, tout indiquait qu'il était trop par¬ fait pour la terre. Aussi la vue de ce monde souillé lui causait-elle comme une mys¬ térieuse terreur ; et pour le fuir, il se te¬ nait pressé sur le sein de sa mère et dans les bras de son père : Dieu l'a rappelé à lui avant qu'il ait dû quitter cet asile. » Pauvres parents, quel coup terrible ! Perdre un fils unique, leur joie, leur or¬ gueil, leur seule espérance. Pour eux dé¬ sormais, la maison est vide, la vie déso¬ lée, le monde désert. C'est en vain que, pendant dix-sept ans, ils ont veillé sur cet enfant avec une sollicitude amoureuse. Ils l'ont vu mourir sous leurs yeux, sans que leurs caresses ou leurs larmes pussent re¬ tenir sur ses lèvres la vie qui s'enfuyait; et Dieu, dans ses desseins impénétrables, a du même coup appelé cet ange à lui, et fait à leur pauvre cœur une blessure qui ne guérira pas. » Ainsi ceux qui ont consolé tant de misères, donné du pain à tant de pauvres, — ii 6 — instruit tant d'ignorants , distribué de si abondantes aumônes que leur modestie ne pouvait réussir à les cacher, sont au¬ jourd'hui mille fois plus malheureux que ceux que soulageaient leurs mains chari¬ tables. » Devant tant de vertu et tant de dou¬ leur, les paroles sont impuissantes. On ne peut que pleurer, s'agenouiller au pied de cette tombe et prier. » Oui, prier ! car c'est par la prière que se resserrent les liens qui, par delà la tom¬ be, unissent les morts aux vivants. Ne sa¬ vons-nous pas que ceux que nous avons perdus, ne demeurent pas captifs sous cette Iroide pierre. Leurs âmes immortelles pren¬ nent leur vol vers le ciel, et elles descen¬ dent parfois pour se tenir à côté de ceux qu'elles aimaient. Ce sont elles qui mur¬ murent à nos oreilles toutes les nobles pen¬ sées, les aspirations sublimes qui font tres¬ saillir notre cœur. » A ces clartés la mort s'illumine, et nous pouvons dire à ce père, à cette mère, écrasés sous le coup qui les frappe : Non, — H7 — . celui que vous pleurez n'est pas mort ; il vit d'une existence plus haute et meilleure. Vos yeux ne le verront plus, mais, dans les secrètes profondeurs de votre âme, vous entendrez sa voix. Il vous soutiendra, vous fortifiera, et vous reconnaîtrez alors qu'il n'a point cessé d'être auprès de vous, et qu'il vous aime plus et mieux que jamais. » D. J. Le même journal, dans son numéro du vendredi 8 avril 1881, sous le titre de Chronique méridionale Toulon, faisait con¬ naître à ses lecteurs les honneurs funèbres rendus au jeune et regretté Louis. Nous reproduisons textuellement ce compte- rendu : « Les obsèques de M. Louis Colle réu¬ nissaient autour des restes mortels de ce bien regretté jeune homme, une foule aussi nombreuse que sympathique. » Dans cette foule, où se confondaient toutes les classes de la société, on remar¬ quait entre autres les élèves de nos écoles chrétiennes libres et les membres des dL verses œuvres de bienfaisance , qui s' è- taient empressés de venir rendre les der¬ niers devoirs à 1' enfant de celui qui sait si généreusement s'intéresser aux uns, et si largement donner aux autres. » Nous ne saurions mieux faire parta¬ ger les regrets que nous laisse M. Louis Colle, qu' en reproduisant ici les paroles que son ancien professeur , 1' honorable M. Gueit, a prononcées, au moment où la tombe allait se refermer sur cette na¬ ture d'élite : « Messieurs, « Près d'une tombe qui s' entr' ouvre,. les cœurs sont déchirés par la poignante douleur d'une séparation et d'un adieu. » Tous, plus ou moins , nous avons pleuré sur le cercueil d'un être cher ; il est des peines qui s' analysent, des afflic¬ tions qui trouvent des paroles pour se traduire ; mais ici la langue est impuis- - ii9 - santé pour peindre ce qu' une mère, ce qu' un père seuls peuvent sentir : ce que c'est que la mort d'un fils, d'un unique fils... » Et cependant, messieurs, permettez- moi de saluer une dernière fois cet enfant de tant d'espérances ; permettez-moi d'ap¬ porter non seulement ma peine et mes re¬ grets, mais d'y joindre encore ce suprême témoignage du professeur à son élève, du vieillard au jeune homme qui entrait dans la vie. » Ceux-mêmes qui n' ont pas connu M. Colle fils, ne laisseront pas de déplo¬ rer la perte de cet adolescent, enlevé sitôt à la tendresse d'un père et d'une mère, qui l'entouraient de leur sollicitude et de leur amour, et qui en avaient fait le cen¬ tre de leurs plus beaux rêves, d'avenir. » Pour nous, qui l'avons suivi, pendant plus de trois ans, dans le cours de ses é- tudes ; qui avons pu apprécier ce noble caractère, où l'énergie se mêlait à la dou¬ ceur, cette brillante intelligence, ce désir de tout embrasser à la fois, comme si le — 120 — ciel lui avait donné une force corporelle en rapport avec sa volonté, ou plutôt com¬ me s'il avait eu le pressentiment de sa courte existence, nous gémissons d'autant plus sur cette mort prématurée, qu'il fût devenu un de ces hommes rares qui, pra¬ tiquant le culte des bonnes traditions et possédant les sentiments les plus élevés, font la gloire de leur famille et de leur pays. » je n'exagère point , messieurs ; j' en ai du moins la ferme persuasion, M. Colle fils, dans ce siècle où tout chancelle, eût marché dans la voie du bien et de l'hon¬ neur , la tête haute, sans crainte et sans faiblesse, comme l'avaient fait ceux dont il portait dignement le nom. » Dieu n'a pas voulu laisser longtemps cette consolation, cette joie à cette mère si dévouée, si parfaite, à ce père dont il eût été la satisfaction et l'orgueil. » Comme une jeune et fragile fleur, qui a donné un jour ses parfums à la terre, et qu'un souffle a brisée en passant, Dieu a cueilli cette âme pure pour le ciel, avant — 121 — qu'elle ait éprouvé les tristesses et les vi¬ cissitudes de ce monde. » Au père, à la mère, la longue et dou¬ loureuse amertume de l'absence, et les lar¬ mes que ne pourraient tarir ni les con¬ solations humaines, ni nos regrets les plus sympathiques ; mais aussi, à ces parents chrétiens et forts par la foi, l'espérance de retrouver un jour l'ange que la Providence n'avait fait que leur prêter, et qui est allé les attendre, en les bénissant, en les ai¬ mant toujours, du haut de la céleste Pa¬ trie. » À la suite du discours que 1' on vient de lire, la rédaction de l'estimable journal ajoutait : « Nous recevons de La Farlède la let¬ tre suivante, que nous publions avec em¬ pressement : « Monsieur le Directeur, » La commune de La Farlède vient de faire une perte irréparable en la personne du fils de M. Colle. — 122 — » Je dis irréparable, parce que ce jeune homme, élevé dans des principes de reli¬ gion, d'humilité, de loyauté et de probité, qualités qui constituent l'honnête homme, et qui sont si rares à la triste époque où nous vivons, aurait été par la suite, comme son honorable père, un des bienfaiteurs du pays. » Quitter la vie si jeune, en possédant de telles qualités et ayant en perspective un avenir où rien ne pouvait lui manquer, est bien cruel et bien malheureux. « Les honnêtes gens de La Farlède s'as¬ socient sincèrement à la douleur de M. et Madame Colle. Si ce témoignage de leurs sympathies peut en adoucir l'amertume et leur apporter quelque consolation, qu' ils soient assurés que ces sympathies ne leur manqueront jamais. » Agréez, etc. Fiti'li. » — 123 — Heureux les enfants et les jeunes-gens, qu'une éducation chrétienne, vigilante et bien entendue, protège ainsi contre les atteintes de tout souffle mauvais, et forme, dès cette vie, pour les nobles et pures délices de la Bienheureuse Eternité! v..v F©* VF /•FrF ..■i.-.O J.ïjicRiï'Wvjf. ■>îiii:::.:!-': îs]it;:i s '.L' ia ïaïî^' ■ . :■■■ :. ; . l'À : ■ ' ;8 i"':J il-. ' ' v.siriY. 3;3\. *'( ;!> ? j — ' >i ' ■■<■V ;>S ■ ; v/:y -V sv , <■ ■ Ag ÏSÎ'-'-j ' ■ - m t Jlf. .lis-' s'ifnpU ' ' y .y> ÏW pi? ■ TABLE Monsieur et Madame Colle . . . pag. 7 Chapitre i. La famille de Monsieur Colle. Naissance de Louis » 13 Chapitre II. Education première . . » 19 Chapitre III. Enfance de Louis, sa pieté — Il est admis à la première Commu¬ nion — Son esprit de foi — Son amour pour les enseignements de notre sainte Religion "39 Chapitre IV. Sagesse de Louis. Ses prin¬ cipales vertus » 63 Chapitre V. L'instruction de Louis , ses brillantes aptitudes — Son amour du travail — Ses succès » 81 Chapitre VI. Mauvaise santé de Louis — Ses voyages — Sa charité pour les œuvres catholiques — Sa simplicité » 89 Chapitre VIL Dernière maladie . . » 103 Chapitre VIII. Mort de Louis— Ses ob¬ sèques » 112 Nulla osta alla stampa Torino, 10 Maggio 1883 Chiuso ToMmàso Prov. G.