RELOGEMENT DE NICE-VILLAGE PROJET D'ETUDE SOCIALE V. BORGOGNO Décembre 1989 Cff Table des matières Introduction p. 2 A. Programme d'enquête opératoire p. 3 1.1. Des populations et un habitat à décrire p. 3 1.1.1. L'habitat p. 3 1.1.2. Les populations p. 4 1.1.2.1. La caractérisation statistique p. 5 1.1.2.2. L' i dent i -f i cati on des problèmes soci aux . . . . p. 5 1.2. Elargir la compréhension p. 6 1.2.1. Utilité d'une contextuaiisation locale des données p. 6 1.2.2. De la contextuaiisation au projet d'un observatoire p.. 7 II. Pour un observatoire de la situation migratoire 1 ocal e . p . 9 11.1. Esquisse des champs de l'observation p. 9 II. 1.1. Aspects structuraux . . . p. 9 11.1.2. Aspects dynamiques p. 10 11.1.3. Aspects urbains p.11 II. 1.4. Les problèmes sociaux spécifiques p.11 II. 1.5. Mise en perspective historique p. 12 III. Méthodologie p.13 B. Programme d'enquête ré-flexive p. 14 I. Une recherche pour contribuer à l'élaboration d'un projet social p. 14 p. 14 1.1. De la notion d'accompagnement social à celle de projet social p. 14 1.2. Une recherche centrée sur la quotidiennté immigrée p. 16 II. Notre objet : 1'appropriation p. 17 II. 1. Un concept descriptif et normatif p. 17 11.2. Les champs de 1 ' appropr i ati on p . 20 11.2.1. Accès à la cité p.20 11.2.2. Appropriation du logement p.21 11.2.3. Appropri at i on urbaine p.21 11.2.4. Accès au marché du travail ................ p.21 11.2.5. Modes de consommation p.21 11.2.6. Modes de sociabilité p.21 11.2.7. Pratique de loisirs P - 22 II. 2. 8. Pratique religieuse p . 22 III. La question des réseaux et des groupes p. 22 IV. Méthodologie p. 23 V. Devis p.26 VI. Note complémentaire sur les opérations à greffer sur le projet p. 27 La reconstruction de "Nice-Village" Projet d'étude sociale V. Borgogno Déc. 1089 Introduction De quel secours peuvent être les sciences sociales pour un projet du type de celui qui vise la cité de transit de "Nice-Village" ? Pouvons-nous y tenir un rôle utile nous, chercheurs ? Quel sens convient-il que nous donnions à notre intervention ? Cela revient à s'interroger sur les types de connaissance qu'il nous paraît utile et possible de produire en pareille situation, à nous dont c'est le métier de produire "de la connaissance". Mous avons été ainsi amenés à distinguer deux types de connaissance de caractère et de sens différent, et qui conduisent à envisager deux programmes d'enquête distincts qu'il conviendra de parvenir à intégrer l'un à l'autre, de telle sorte qu'ils n'apparaissent plus -finalement que comme deux dimensions d'une même démarche uni-fiée. Nous distinguons, en premier lieu, une connaissance que nous qualifions d'opératoire. Nous entendons par là une connaissance — ou "des connaissances" - immédiatement utile à la technicité de l'opération de relogement. Nous distinguons, en second lieu, une connaissance que nous qualifierons de réflexive. Nous entendons par là une connaissance - ou des "connaissances" apportant des éléments utiles à la réflexion sur 1'accompagnement social - nous préférerons parler de projet social global, on verra pourquoi plus loin - qu'il convient de greffer sur l'opération. A. Programme d'enquête opératoire 1.1. Des populations et un habitat à décrire Le processus que l'investigation doit ici appuyer est fondamentalement un processus de gestion. C'est le mot-clef de cette partie du programme d'enquête. Qu'est-ce qui est géré et que nous devons contribuer à faire mieux connaître en acceptant de donner, provisoirement, la priorité à une appréhension des données selon les catégories propres à une vision "gestionnaire" des réalités sociales ? Des populations et un habitat 1.2. L'habitat Commençons par l'habitat. Nous employons à dessein ce terme en nous référant, très précisément, à la distinction opérée par certains sociologues, entre habitat et habiter■ Pour ces auteurs 1 'habi tat est un concept moderne, quelque peu techniciste, auquel ne saurait se réduire 1'habiter. pratique humaine fondamentale qui lui préexiste et qui le déborde... L'habitat relève par excellence d'une description morphologique "c'est un cadre" (H. Lefebvre 1970). Pour nous la notion va renvoyer essentiellement aux aspects fonctionnels et économiques du logement. Point de vue étendu à l'usage des espaces et équipements proches, et de loin en loin à 4 1'"usage" de la ville comme espace global d'offres de "services urbains". L'axe de l'enquête est ici l'analyse de la situation à Nice- village, au point de vue des fonctions remplies - ou non - et de leur coût. "Fonction logement" : évaluation technique, coût, modalité d'occupâtion... Equipements collectifs : nature et coût. Sous cette rubrique doit prendre place une évaluation du service offert par les commerces installés sur place. Relation à l'espace urbain. Il s'agit ici essentiellement du problème des distances physiques, par référence aux "centralités urbaines" ou à la localisation de la zone de logement par rapport au bassin d'emploi. On débouche par exemple sur une appréciation de l'adaptation des services de transports en commun desservant la cité. L'ensemble des investigations menées sur l'habitat doit conduire à une évaluation globale de la fonctionnalité du cadre de vie que représente la cité, et à la mise au jour de problèmes relevant de solutions techniques, qui pourraient être apportées dans le cadre du projet de "nouvel habitat". Une telle évaluation devra, de plus, être rapportée aux données recueillies au cours de l'enquête sur 1'habiter - qui intéresse le second programme d'enquête - avec l'objectif de faire en sorte que 1'"habitat" réponde le mieux possible à cet "habiter". 1.1.2. Les populations Deux aspects sont à distinguer : la description statistique et l'identification de "problèmes sociaux" wl 1.1.2.1. La caractérisation statistique La description statistique vise à compléter et approfondir la connaissance statistique (-fondée sur des catégories statistiques) des populations logées à la cité modulaire. Il n'est pas question d'énumérer ici toutes les caractéristiques de la population concernée qui peuvent être utiles à connaître. Au reste, un dialogue permanent est nécessaire sur ce plan avec les "décideurs" où les "gestionnaires", pour tracer avec précision les contours de la connaissance statistique utiles. Indiquons cependant ici que le point de vue morpholoqique nous paraît aussi important que le point de vue strictement censitaire (i.e. repérage et classification des caractéristiques internes de la population.) C'est-à-dire qu'on doit s'efforcer de faire apparaître les spécificités de la "forme démographique" de la présence immigrée localisée à la cité modulaire, en tant qu'elle fait "saillance" sur les formes démographiques locales. 1.1.2.2. L'identification des problèmes sociaux. La population logée à la cité semble connaître un certain nombre de "problèmes sociaux" de nature fort diverses, qui pèsent lourdement, comme facteurs stigmatisants, sur l'image de cette zone de logements dans l'opinion locale. Certains de ces "problèmes" connotent un caractère de "dangerosité" : délinquance, drogue, prostitution... D'autres problèmes connotent un caractère de "fragilité sociale" citons : chômage de longue durée ; Maladies de longue durée ; problèmes liées à la présence grandissante, semble-t-il, de personnes âgées sans issue sociale clairement perceptible... 6 Ces problèmes devront -faire l'objet d'une "évaluation" aussi précise que possible, de même que les solutions qui leur sont actuellement apportées. Ceci pourra permettre une meilleure prise en compte de ces problèmes dans le nouveau cadre de logement. Cependant il faut être conscient que s'il est un domaine où ce que nous avons appelé la connaissance opératoire doit s'accompagner de vigilance critique à l'égard des interprétations et des évaluations c'est bien ce domaine des dits "problèmes sociaux" où les catégorisations spontanées et les évidences du sens commun peuvent parfois introduire d'importantes distorsions." (1) 1.2. Elargir la compréhension 1.2. 1. Utilité d'une contextuaiisation locale des données Pour ce premier volet de l'enquête il nous est apparu non seulement inévitable mais fructueux, d'adopter, le plus exactement possible le point de vue des agents sociaux concernés par les logiques gestionnaires. Sans viser le moins du monde une rupture fondamentale avec les modes de pensée et de connaître de ces agents, mais au contraire en nous maintenant dans ce cadre, il nous paraît possible et utile de chercher des "pistes" permettant d'approfondir la compréhension par ces agents des problèmes et des réalités qu'ils ont à traiter. <1) Nos propositions dans ce domaine des problèmes sociaux, et plus largement d'ailleurs pour l'ensemble du projet - sont dans le prolongement des travaux menés par le "groupe de réflexion sur l'évaluation des politiques sociales locales" du commissariat général au plan, (auxquels nous avons participé. (Rapport publié à la Doc. Fse). On consultera utilement, en particulier, les parties consacrées à ce problème de 1'interprétation. Un des moyens les plus sûrs pour atteindre ce but d'une compréhension approfondie est représenté par ce que nous appellerons la "contextualisation locale" de l'observation. Qu'entendons-nous par là ? Dans cette zone d'habitat, bien que son apparence d'isolât social masque ce caractère, ne -fait que s'exprimer une partie des réalités migratoires locales. Une partie qui ne doit pas être, si l'on peut dire, marquée du sceau conceptuel de l'exception, et qu'il ne faut pas disjoindre du tout. Car cette partie est intégrée à un ensemble, communique avec lui, interagit avec lui, par des réseaux ou des transferts incessants, peut-être aussi par la fonction de central i té ethnique qu'elle remplit. Agir sur la partie c'est agir sur le tout, et agir sur le tout c'est agir sur la partie. De même pour bien connaître et comprendre la partie, il faut la resituer dans l'ensemble et donc bien connaître et comprendre 1'ensemble. L'ensemble, c'est-à-dire en continuant à utiliser les distinctions que nous avons proposées plus haut î les populations immigrées, leurs caractéristiques, leur habitat, leurs problèmes... dans l'espace local. 1.2.2. De la contextualisation au projet d'un observatoire En fait, mieux connaître la situation globale de 1'immigration dans l'espace local et pouvoir suivre son évolution est une exigence qui s'impose en soi, indépendamment du besoin ponctuel ressenti à l'occasion de l'opération de relogement dont il est question ici. Celle—ci ne fait que souligner cette exigence, et révèle l'urgence d'y répondre. En effet, le sentiment prévaut de plus en plus dans l'opinion et chez les politiques que les "réalités migratoires" sont mal connues, que les informations dont on dispose dans ce domaine sont insuffisantes ou imprécises, et que leur recuei1 est mal organisé. Ce constat a conduit à l'idée qu'il serait de la plus grande utilité de mettre en place un dispositif permanent d'observation de ces réalités. Ce dispositif, cependant, est généralement conçu à l'échelle nationale, ce qui nous paraît insuffisant. Nous avons nous-mêmes mené une réflexion à propos d'un projet de cette nature (2), mais en mettant l'accent sur l'intérêt d'une observation conduite au niveau local, fortement cadrée sur les réalités locales. De tels dispositifs, qui permettraient de prendre la pleine mesure de spécificités parfois prononcées - et réclamant, de ce fait, des modes d'intervention adaptés - nous semblent épouser la logique des lois de décentralisation qui confèrent une grande autonomie aux instances politiques locales en matière d'intervention sociaie. La mise en place d'un observatoire de la "situation migratoire" locale en tant que tel, sort évidemment du cadre de ce projet. Mais notre volet de "contextualisation" des données intéressant la "cité modulaire" de Nice-village, peut se concevoir comme une contribution en quelque sorte expérimentale à la réflexion collective que devrait susciter un tel projet. Une étape au cours (2) Dans le cadre du "Groupe de réflexion sur l'évaluation des politiques sociales locales", cité plus haut 9 de laquelle on pourrait tout à la fois tester les catégories du recuei1 et 1 '"opérat i onnal i té" des données recueillies. Le Plan d'ensemble de cette "contextuaiisation" que nous esquissons ci-dessous, peut donc être regardé comme un avant- projet d'"observatoire de la situation migratoire locale", Observons cependant qu'à ce titre les divers aspects qui sont mis en évidence le sont selon un ordre logique et quelque peu idéal, qui ne tient compte ni des possibilités concrètes (3) de réalisation, à tester cas par cas, ni des hiérarchies à établir entre les classes de données, entre celles qui sont directement requises pour l'opération de relagsment et qui ont été désignées plus haut - et celles dont l'intérêt pour cette opération est moins immédiat... Il est évident que ce projet concerne avant tout Nice-village et le projet de relogement, et que ce sont les données utiles à cette opération qui doivent être dégagées en priori té. II. Pour un observatoire de la situation migratoire locale 11, 1. Esquisse des champs de 1'observâtion. II.1.1. Aspects structuraux. Description des populations immigrées présentes dans l'espace local. Sous lss critères d'origine et des critères démographiques et "socio-graphiques". Le point de vue dominant est ici morphologique. L'objectif essentiel est de repérer la position des différentes communautés immigrées dans la structure démographique (notion de pyramide des âges.) et dans les stratificatians sociales à fondement économique. (3) Pour les évaluer 1'inter1ocuteur privilégié est la structure régionale de 1'INSEE, en tout premier lieu... 10 Description socio-économique de la -force de travail immigré. Le point de vue dominant est ici l'analyse du rôle-spécifique ou non- joué par celle-ci dans l'économie locale : examen de leur concentration par branches d'emplois, strates d'emploi, examen des conditions d'emploi et de rémunération. Evaluation des modes de gestion globale de cette main-d'oeuvre et des attributions d'"utilité spécifique" dont elle est l'objet. Dans chaque cas l'examen porte sur la situation présente et sur les évolutions perceptibles et/ou prévisibles. (notion de "scénario prospectif") II.1.2. Aspects dynamiques L'examen se porte ici sur les logiques et les facteurs à l'oeuvre dans la production de la situation migratoire et sa reproduction. Aperçus sur les flux. C'est-à-dire, réponse aux questions : qui entre ? qui sort ? en fonction de quels facteurs ? Pour reprendre une opposition familière les flux se distinguent ici des "stocks" (considérés dans le paragraphe "aspects structuraux".) Aperçus sur la situation et les structures économiques des pays de départ, et surtout, peut-être, des régions ou des espaces locaux spécifiquement concernés dans les pays de départ. L'objectif est ici l'analyse des contextes dans lesquels prennent naissance les projets d'émigration, et par rapport auxquels se déterminent les projets de retour. . Aperçus sur le rôle joué par l'Italie comme zone de transit. L'objectif est ici d'évaluer toutes les conséquences de la localisation frontalière de la zone d'immigration observée. La 11 nécessité apparaîtra sans doute de jeter les bases d'un dispositif d'observation transfrontalier. 11.1.3. Aspect urbain L'objectif global est ici de cerner la place -concrète et symbolique - occupée par les immigrés dans la ville comme espace de fonction mais aussi comme système de "signes". Trois types d'examen . Analyse des conditions de logement sous l'angle qualitatif Analyse des conditions de logement sous l'angle de la position des immigrés dans la division sociale de l'espace résidentiel, et sous le critère concsntration/diffusion. Analyse des effets sur les conditions de logement de ces populations des opérations de restructurâtion ou de réhabilitation urbaine. 11.1.4. Les Problèmes sociaux spécifiques L'objectif, ici, est double. Il est d'abord d'évaluer le poids des problèmes sociaux - entendus dans le sens que nous avons brièvement indiqués plus haut — qui sont présumés frapper spécifiquement ces populations. (Cette dimension de spécificité étant elle-même à problématiser...) Il est ensuite d'évaluer le niveau, le mode, et le caractère approprié de la prise en charge des immigrés dans les dispositifs globaux d'aide ou de promotion sociale... on doit distinguer 12 . position dans les dispositifs "normaux" (RMI. Formations...) position dans les dispositi-fs exceptionnels