UNIVERSITE DE NICE INSTITUT D'ETUDES ET DE RECHERCHES INTERETHNIQUES ET INTERCULTURELLES Centre Associé de Formation aux Relations Interculturelles (C.A.FR.i) LA SCOLARISATION DES ENTANTS DE TRAVAILLEURS IMMIGRES TOME 1 EVALUATION, SELECTION ET ORIENTATION SCOLAIRES (Analyse d'un processus) Jean-Pierre ZIROTTI avec la collaboration de Michel NOVI B.U. NICE lllllllllllllllll 099 0008939 u JUIN 1979 UNIVERSITÉ DE NICE Institut ' -vi—' d'Etudes et de P^echerches Interethniques et Interculturelles o^OS nj Centre Associé de Formation -, , < \ ' 1 (, yV r v |)V M 0 ■ S i aux Relations Interculturelles (C.A.F.R.I.) LA SCOLARISATION DES ENFANTS DE TRAVAILLEURS IMMIGRES TOME 1 EVALUATION, SELECTION ET ORIENTATION SCOLAIRES (Analyse d'un processus) Jean-Pierre ZIROTTI avec la collaboration de Michel NOVI Juin 1979 Ce rapport est le compte rendu d'une recherche subventionnée par le Ministère des Universités (Recherche pédagogique n° 150101) à la demande du Ministère de l'Education. La direction scientifique en a été assurée par Michel Oriol, Directeur de l'I.D.E.R.I.C. Sossie Andizian, Alain Detolle, Denis Parisot, Christian Vaillant, Lise Vollenweider ont participé à cette recherche. L'e traitement informatique a été réalisé dans le cadre de l'Association C.U.M.F.I.D. au Centre Interuniversitaire de Calcul de Nice (C.I.C.N.) SOMMAIRE Pages AVANT-PROPOS 1. De la spécificité de la population, à celle de I' analyse - 1 2 . La gestion de la scolarité . 4 2.1. La_2estion_par_les_"dominants".... .. 6 2.2. La_gestion_par_les_"dominés" 9 3 • Un processus contradictoire 12 INTRODUCTION AU TOME I 1. L_' analyse des pratiques formelles 14 2. Terrains d'enquête 15 3 . Population 15 3.1. Les_enfants_de__travailleurs_iniffiiqrês. 15 3.2. Le 2ïouEë témoin_d_|_éleves_frangais... 18 TOME 1 EVALUATION, SELECTION ET ORIENTATION SCOLAIRES 1. DES ETRANGERS A L'ECOLE OU UNE FORME DE RELEGATION 21 1.1. Les élèves étrangers dans le système scolaire public 22 3.2. Etrangers et Français : qi^elgues écarts significatifs 2.3 Pages 1 • 3 • "L'enseignement primaire divi.se . . . " 25 1.4. L'enseignement secondaire : un cycle court 27 L'ORIENTATION EN CLASSE DE SIXIEME. UN DOS¬ SIER REVELATEUR 3 2 2.1. Contenu du dossier d'orientation en sixième 36 2.2. Analyse des éléments du dossier d ' orientation 40 2.2.1. Les_performan.çes 4n 2.2,1.1. Comparaison des perfor¬ mances des "étrangers" à celles de la popula¬ tion témoin 40 2.2.1.2. Nationalités et perfor¬ mances. Un groupe étran¬ ger hétérogène 60 2.2.1.3. Egalité formelle et dis¬ crimination 74 2.2.2. L'âge : une performance particu¬ lière 7.7.7.7777.7 83 2.2.3. Les_ju2ements__des_pronostics négatifs 90 2.2.3.1. Comparaison entre élèves Français et élèves étrangers 90 2.2.3.2. Comparaison entre groupes étrangers 96 2.2.4. "Type d'enseignement^ Çonseillê"__et "Affectation" : I§s_deux_dernières Ër22222u§_™722i2BÎ:2ii2D 2.2.4.1. Français et étrangers : des sorts différents ... 105 2.2.4.2. Les types d'enseigne¬ ment conseillés et les affectations selon les groupes étrangers .... 110 Pages 3. LE PROCESSUS D'ORIENTATION 120 3.1. Les_premiers__ indices_d^un_groçessus • £4}YlY§ê„rïe_guelgues 122 3.2. Nptionalité_et_probabilitê_dJ_accès aux_d.iffex-en.tes_sixièmes 132 3.2.1. Prééminence des performances et des "évolutions" 132 3.2.2. Les effets de Ici nationalité.. 137 3.3. Des_structures_causa3es_nettement liflÉïÊSSlIil 7 153 3.3.1. Effets inégaux des jugements dans les processus d'orien¬ tation 154 3.3.2. "Capacités" des Français et "Performances" des étrangers. Analyse de dépendance. Quanti¬ fication et vérification des influences causales 165 3.3.3. L'effet de l'âge l'emporte sur celui de la performance 17 3 4. CONCLUSION 187 -o-o-o-o-o- SOMMAIRE GRAPHIQUES 1. Histogrammes des performances des étrangers en Lecture, Expression orale, Expression écrite et Orthographe . 2. Histogrammes des performances des Français en Lecture, Expression orale, Expression écrite et Orthographe . . 3. Histogrammes des performances des étrangers en Mathématiques, en Eveil, et'dans .l'ensemble des matières . . 4. histogrammes des performances des Français en Mathématiques, en Eveil, et dans l'ensemble des matières 5. Courbe des performances dans "Ensemble des Ma¬ tières" du groupe étranger et de chacun de ses sous-groupes Pagei 43 4 4 53 54 59 63 65 6. Histogrammes des performances des Italiens .... 7. Histogrammes des performances des Algériens ... 8. Histogrammes des performances des Portugais ... 66 9. Histogrammes des performances des Français Mu- sulmans 68 .../. Pages 10. Histogrammes des performances des Tunisiens... 70 11. Histogrammes des performances des Marocains... 72 12. Histogrammes des âges (en %) ... 86 13. Histogrammes des jugements sur l'intelligence et sur le" travail groûpTe étranger et groupe français fen %) ... 94 14. Histogrammes des jugements sur l'intelligence, par nationalités "(en %) ... 99 15. Histogrammes des jugements sur le travail, par nationalités' (en %) ... 103 16. Histogrammes des types d'enselgnement conseiiles et des affectations pour les élèves étrangers et françaTs [en %] ... 108 17• Histogrammes des types d'enseignement conseilles et des affectations pour les élèves italiens, français musulmans ët algériens (en %) ... 112 1^• Histogrammes des types d'enseignement conseilles et des affectations pour les élèves tunisiens, portugais et marocains (en %) ... 114 19. Diagramme de corrélation entre les mathématiques et 1 'orthographe "(étrangers et français! ... 131 bis 1S.bis Analyse en composantes principales (A.C.P) sur l'ensemble de la population (N = 314) ... 134 20. Probabilités d'accès dans les diverses sixièmes , selon les nationalités et le type de performances indiqué par l'analyse factorleile~(d'âpres A.C.P sur i'ensemble de la population ~ N = 314) - - "données brutes" - ... 142 21. Courbes d'affectation différentielle des élèves français ët des~~blëves étrangers ... 150 22. Superposition des courbes d'affectation diffé¬ rentielle des étrangers et des français ... 152 23 • Probabilités d'accès aux trois types de sixième - Etrangers et Français - ... 179 'î SOMMAIRE TABLEAUX 1. Répartition des élèves étrangers et Français dans les différents degrés de l'enseignement public . . .. 2. Répartition par nationalité sur quatre années scolaires dans l'enseignement secondaire public »... ^ .. Pages 28 3. Moyennes et écarts-types par matière pour les Français et les Etrangers 41 4. Performances moyennes par matière et par natio¬ nalité 61 5. Ecarts-types par matière et par nationalité .... 61 6. Moyennes et écarts-types des âges de chaque groupe national et du groupe des" étrangers 84 /. Position par rapport â l'"âge normal" à l'entrée en sixième (en pourcentages) 85 ^ • Position par rapport a l'"âge normal" à .1 ' entrée en sixième des différents groupes nationaux (en 87 pourcentages) 9. Fréquences_des_ jugements positifs, moyens et négatifs sur les "capacités intellectuelles" des élèves Français et étrangers (en pourcentages).. 91 .../.. 10. Fréquences des jugements - positifs, moyens, négatifs - sur les capacités de travail des Français et des étrangers (en pourcentages). Pages 95 11. Fréquences des jugements sur l'intelligence selon les valences et les nationalités (en pourcentages) 97 12 » Fréquences des jugements sur le travail selon les valences et "les nationalités (en pourcen¬ tages) . . . . . , 101 13. Orientations comparées des Français et des étrangers (en pourcentages) 14. Orientation des différents groupes nationaux (en pourcentages) J 10 15. Groupes nationaux et rangs dans les rubriques du dossier . 1 -• ® Matrice des corrélations des variables du dos¬ sier d'entrée en sixième. Elèves étrangers.. 12 9 17. Matrice des corrélations des variables du dos¬ sier d'entrée en sixième. Elèves Français... 1,0 18. Répartition des élèves français et. étrangers par filière et par quadrant (d'après le graphe de l'ACP sur 1'ensemble de la population)... ' 19. Répartition des élèves étrangers par quadrant et par filière (d'après le graphe de l'ACP sur les étranger s) 147 14 8 158 20. Répartition des élèves français par qua^ tant et par filière (d'après le graphe de l'OCP sur les Français) . 21. L'effet du "jugement sur l'intelligence". Com¬ paraison de corrélations "brutes" et par¬ tielles 22. L'effet du "jugement sur le travail" et 1'effet des deux jugements. Comparaison des corrélations "brutes" et- partielles .../.. 23. Orientation des élèves français selon l'âge et la performance (effectifs bruts) OOOOO Pages 180 24. Orientation des élèves étrangers selon l'âge et la performance (effectifs bruts) *80 25- Distribution des élèves selon la nationalité, la performance, l'âge et le type de sixième (en pourcentages) 1®^ AVANT-PROPOS 1 - De la spécificité de la population a celle de l'analyse Le projet qui sous-tend la recherche présentée ici est d'analyser certains aspects de la scolarisation des enfants de travailleurs immigrés ; il est caractérisé par la préoccu- tion constante d'expliciter le mode selon lequel l'Ecole traite des élèves issus d'un groupe dont la particularité n'est pas seulement la conséquence de la place spécifique qu'occupent ses actifs dans le procès de production mais aussi celle des appartenances nationales et culturelles des sous-groupes qui le composent. Il convenait de ne pas situer l'analyse dans une position simplificatrice et par là erronée en assimilant ces enfants à ceux des classes populaires françaises. Confondre les uns avec les autres a pour effet so.it de transférer, tout en les affec¬ tant d'un "coefficient multiplicateur" plus ou moins élevé selon l'appartenance nationale et culturelle, à l'analyse de la scolarisation des premiers les notions contestables de "han¬ dicaps socio-culturels" fréquemment utilisées pour rendre compte des "difficultés scolaires" des seconds, soit d'appli¬ quer sans nuance les thèses récentes de la sociologie de l'édu¬ cation, qu'elles fussent élaborées par Bourdieu et Passeron, 2 Baudelot et Establet ou par Boudon (1), pour rendre compte des conditions et des effets de la scolarisation d'un groupe d'élèves qui pourtant, en toute rigueur, ne peut se fondre dans aucun des groupes sociaux pris en considération lors de l'élaboration de ces thèses. Si, comme le remarque Dannequin, Hardy, Platone, certaines des productions récentes de la sociologie de l'éducation ont mis, momentanément (2), à mal l'idéologie du don, cette cri¬ tique qui "... s'est opérée de telle manière qu'elle a abouti à remplacer purement et simplement, dans l'ordre des causalités de l'échec scolaire, le concept "d'inégalités naturelles" de ces enfants par celui "d'inégalités culturelles" socialement déterminées" (3) , a de ce fait favorisé l'émergence d'un nouveau dogme qui attri¬ bue aux "handicaps socio-culturels", dont les enfants des classes populaires seraient porteurs, les raisons de leur échecs scolaires. (1) Bourdieu (P.) et Passeron (J.C.). Les Héritiers. Paris : Ed. de Minuit, 1964, 179 pages. Bourdieu (P.) et Passeron (J.C.). La Reproduction. Paris : Ed. de Minuit, 197o, 2.79 pages. Baudelot (C.) et Establet (R.). L'Ecole capitaliste en France. Paris : F. Maspëro, 1971, 340 pages. Baudelot (C.) et Establet (R.). L'Ecole primaire divise... Paris : F. Maspëro, 1975, 119 pages. Boudon (R.). L'Inégalité des chances. Paris : A. Colin, 1973, 237 pages. (2) Lawler (J.). Intelligence Génétique Racisme. Paris : Ed. Sociales, 1978, 232 pages. Dans cet ouvrage, l'auteur montre et dénonce l'ampleur de la nouvelle offensive des tenants de l'idéologie du don. (3) Dannequin (C,), Hardy (H.), Platone (F.). "Le Concept- de handicap linguistique : Examen critique". In C.R.E.S A.S. n° 12, 1975. INRDP. Paris, p. 1. 3 A l'exemple de ces auteurs nous reconnaissons là la per¬ sistance d'une approche dont la lacune est de n'interroger jamais l'institution scolaire quant à sa responsabilité dans la genèse de ces échecs : "c'est toujours dans des caractéristiques inhé¬ rentes aux enfants que l'on situe la cause prin¬ cipale de leurs échecs" (1). Approche dont la pertinence est fortement affectée par la démonstration du "caractère scientifiquement erroné" et "mystificateur" (2) de l'un de ces "handicaps" : "le handicap linguistique". Noos nous sommes donc attachés à analyser les conditions de la scolarisation des enfants de travailleurs immigrés en décriptant les pratiques que l'Ecole met en oeuvre à leur égard et, afin de vérifier le caractère spécifique de leur statut dans cette institution, l'investigation fut conduite en compa¬ raison avec une population témoin d'élèves français apparte¬ nant aux classes populaires II importait non seulement d'ex¬ pliciter les pratiques qui décrivent le contexte scolaire au¬ quel ils sont confrontés mais de vérifier que le caractère ori¬ ginal de leur insertion dans l'univers scolaire n'est pas seu¬ lement le fait des particularités qui les décrivent - fils ou filles d'immigrés, étrangers, culturellement différents - mais celui des particularités que recèlent les attitudes et les comportements de l'institution scolaire à leur égard. (1) Dannequin (C.) et al. id. ibid. p.l. (2) Dannequin (C.) et al. id. ibid. p. 45. 4 La question de la scolarité de ces élèves n'aurait pas été traitée avec pertinence si ceux-ci n'avaient été consi¬ dérés non seulement comme des sujets sur lesquels s'exercent les pratiques de l'institution mais aussi comme des acteurs dont les comportements, aussi déterminés soient-ils par leur statut d'immigré hors et dans l'Ecole, ne sont pas nécessaire¬ ment conformes aux attentes et à la logique de celle-ci ni même à celles de la société de résidence. 2 - La gestion de la scolarité. S'il fallait contracter en quelques mots la définition de l'objet de la recherche nous pourrions dire qu'elle se préoccupe d'analyser la gestion de la scolarisation de ces enfants en lui attribuant le sens défini par Michel Oriol (1) pour qui : "^érer, c'est combiner des actions dans un cadre organisé ou institué pour produire des effets con¬ trôlés et évalués en fonction d'intérêts établis" (2) Cette gestion est à la fois le fait de la "société d'accueil" - "le dominant" - qui par la médiation de l'institution scolaire impose ses pratiques et ses objectifs, et celui de l'enfant immigré et de sa famille - "le dominé" - qui de leur position ne peuvent que réagir aux pratiques et aux syrribolismes qu'impose le "dominant", ce qui ne signifie pas pour autant une totale (1) Le schéma théorique et méthodologique auquel nous nous référons ici fut élaboré par Michel Oriol : "Les cultures en mouvement : propos épistémologiques à l'écoute de„ com¬ munautés immigrées". In Pluriel, n° 14, 1978, pp. 13-27. (2) Oriol (M.), id. ibid. p. 21 et~22. 5 soumission mais un état permanent de domination. La confrontation des deux formes de gestion est étudiée selon trois groupes de relations : " a) relations entre pratiques et symbolismes ; il s'agit de situer les unes par rapport aux autres, d'une part les régularités qui peuvent caractériser les pratiques, d'autre part, les totalisations qui peuvent caractériser les sym¬ bolismes ; b) relations entre pratiques de deux communautés différentes l'une dominante, l'autre dominée ; c) relations entre symbolismes de deux communau¬ tés culturelles différentes dans le même cadre d'inégalité." (1) La situation scolaire ne reflète pas directement l'oppo¬ sition de communautés culturelles mais la confrontation de certains des "dominés" - les enfants de travailleurs immigrés et dans une moindre mesure leurs parents - à une institution des "dominants" ; institution qui par l'imposition de pratiques et de symbolismes, dont le caractère systématique relève du cadre organisationnel et législatif qui rend obligatoire la scolarisation de tout enfant ayant atteint l'âge requis, joue un rôle émanent dans le processus de socialisation (2). La par¬ ticularité de l'Ecole vient de ce qu'elle cristallise certains des éléments diffus qui définissent l'inégalité du rapport des groupes immigrés à la société globale. (1) Oriol (M.). "Transposition et rupture des structures fami¬ liales dans les communautés immigrées". Document pour le séminaire de 3e cycle ; Université de Nice - IDERIC, 1977, 5 p. (2) C'est là un des points de convergence des différents cou¬ rants de la sociologie de l'éducation ; sous des formes diverses cette analyse est présente chez des auteurs aussi différents que Durkheim, Parsons, Bourdieu et Passeron, Baudelot et Establet, etc. 6 2 - 1. La gestion par les "dominants". Analyser les formes imposées par l'institution à la sco¬ larisation des enfants de migrants implique que le repérage et l'analyse des éléments significatifs soient conduits en regard de deux pôles : le pôle des pratiques dont on dégage les régularités, le pôle des symbolismes qui leur donnent sens. Nous entendons par formelles, les pratiques qui dans l'institution s'expriment dans des formes qu'elle impose et qui règlent la vie scolaire en réinterprétant ses différentes dimensions à partir des objectifs explicites : transmettre des connaissances et délivrer des diplômes ; c'est bien ainsi que se laissent appréhender, dans les dossiers scolaires, les pra¬ tiques afférentes à la sélection et à l'orientation ; elles s'y expriment dans des rubriques, selon des catégories et des espaces même imposés par l'institution. Il importe à partir de ces documents produits par l'Ecole de répondre à diverses questions : - des régularités se dégagent-elles des procédures d'évaluation, de sélection et d'orientation de ces élèves étrangers ? - diffèrent-elles des régularités observées pour les élèves français appartenant à des catégories socio-profes¬ sionnelles proches ? La réponse a été apportée par le recueil et l'analyse des dossiers scolaires d'élèves étrangers et de ceux d'un 7 groupe témoin français. Dans le cadre de ce rapport nous ne nous référerons qu'à l'analyse systématique des documents relatifs à l'orientation scolaire en fin de cycle élémentaire. Les analyses ont permis d'apprécier, en comparaison avec les dossiers d'élèves français,'le poids relatif des différents éléments en oeuvre dans le processus de sélection et d'orien¬ tation et d'en cerner la logique interne, il s'agissait de définir ce qui des performances, de leurs appréciations, de l'appréciation des capacités et des comportements, des éléments du cursus antérieur (nombre de redoublements, classes ou fi¬ lières fréquentées) ou des éléments relatifs à certaines carac¬ téristiques personnelles (sexe et nationalité) rend le mieux compte de l'évaluation, de la sélection, de l'orientation ; il s'agissait aussi d'analyser chacune de ces dimensions et d'apprécier, par exemple, la vertu sélective de chaque matière, la stabilité des appréciations, à performances identiques, selon Tes groupes considérés, la stabilité de leur champ séman¬ tique, etc. Rappoi'ter ces pratiques au pôle des symbolismes, c'est- à-dire aux systèmes de valeurs, de normes et aux représenta¬ tions qui les sous-tendent revient à explicite1" sur ce point, d'une part le discours de l'institution, d'autre part les ca¬ tégories du jugement professoral et les attitudes qui le dé¬ terminent . Les appréciations portées tant sur les performances que sur les comportements constituent le corpus sur lequel se dé¬ veloppe l'explicitation de la catégorisation produite par le corps enseignant. 8 Les attitudes relatives à la scolarisation des enfants de migrants sont cernées de façon méthodique. Un questionnaire fut adressé à une centaine d'instituteurs et d'institutrices sélectionnés en regard du pourcentage d'enfants étrangers pré¬ sents dans leurs établissements. Le discours de l'école se lit dans les procédures de régulation qu'elle a instituées et dans les modalités de leur fonctionnement. L'objectif est sur ce point l'étude de ce qui, hors des pratiques formelles décrites ci-dessus, est porteur d'effet sur chacun des pôles de notre schéma et définit à sa façon la scolarité de ces élèves. Il faut toutefois signaler l'étroite interpénétration des deux types de pratiques que seule l'ana¬ lyse dissocie : des performances médiocres, une situation d'échec scolaire, ne sont pas sans favoriser et sans amp1ifier la dénégation ou la dévalorisation culturelle, réciproquement les prémisses d'une crise de l'identité n'améliorent certes pas le niveau de performances. Le champ de ces pratiques est à la fois vaste et précis vaste parce qu'il inclut les pratiques relatives aux contenus, à la langue,, aux relations ; précis parce qu'est analysé ce qui a rapport au statut des cultures en présence, soit direc¬ tement. sous forme de valorisation, dénégation, dévalorisation, soit indirectement par l'appréciation de ses conséquences dans les registres de l'identification culturelle et de la sociali¬ sation . 9 Les contenus pédagogiques (paroles d'enseignants ou supports pédagogiques), les interactions verbales et compor¬ tementales tant entre enseignants et élèves qu'entre élèves, les comportements de chacun des groupes, tout ceci relève des pratiques "non formelles". C'est dans le contexte d'une mono¬ graphie d'un établissement d'enseignement primaire par l'obser¬ vation intensive et des situations de classes et de la dynamique de l'établissement qu'elles sont appréhendées. Le sens de ces pratiques, les représentations sousjacen- tes furent soit induits de l'observation, soit médiatisés par le recueil du discours des enseignants (par interviews et ques¬ tionnaires traités en échelle d'éttitudes). Si les pratiques observées sont diverses, elles parti¬ cipent pourtant passivement de ce qui constitue le caractère ethnocentrique de l'école. C'est là un trait dominant qui pro¬ duit ce "statut social et affectif de leur culture et de leur langue" évoqué par F. Bresson. L'école est avant tout ethnocentrique, puis plus ou moins bienveillante et sensible aux spécificités (comprises comme des handicaps) de ces enfants. L'ambiance scolaire que ces pra¬ tiques décrivent s'articule dans un renforcement: réciproque au traitement formel (sélection/orientation) que connaissent ces élèves. 2 - 2. La 2Ëstî°n_Ea£ "dominés" L'enfant et ses parents immigrés, sont dans une position qui ne leur laisse que peu d'initiative. A l'imposition des pratiques et des symbolismes, ils ne peuvent réagir que par 10 "la soumission, le refus ou le déplacement" (1) . Les deux derniers termes traduisent des formes de résistance plus ou moins assumées et plus ou moins manifestées selon les groupes d'âges. Définir la façon dont l'enfant d'immigrés gère sa scola¬ risation revient à analyser les comportements et les attitudes qu'il manifeste à son égard. Les comportements furent appréhendés soit directement par l'observation (à l'école : dans la classe, en récréation), soit indirectement au travers.de la réinterprétation qu'en donne l'institution (par le discours des enseignants et les dossiers scolaires). Les attitudes furent recueillies à l'oc¬ casion de discussions de groupe avec des adolescents et au cours d'entretiens individuels avec des élèves âgés de 10 à 16 ans. Les interviews portaient sur la description et l'ana¬ lyse par le sujet de sa situation scolaire, sur l'expression de ses projets à moyen terme, l'expression de son projet de vie, ainsi que sur le rapport qu'il entretient à sa langue maternelle. Il ressort que si l'élève "immigré" ne peut que réagir au traitement imposé par l'école sous les formes, et dans les termes indiqués, sa réaction n'est pas identique à chacun des pôles précédemment décrits. Il lui est plus aisé de résister â 1 'inculcation de certaines représentations (syinbolismes) que de s'opposer, par exemple, aux pratiques autoritaires d'orien¬ tation . (1) Oriol (M.), op. cit. p. 4. 11 Si par ailleurs, la soumission aux conditions de la scolci- risation s'exprime parfois dans les termes mêmes du discours "dominant" (moindres dons, handicaps sociaux et linguistiques), il n'en demeure pas moins que le caractère systématiquement négatif de la sélection et de l'orientation remet en question les représentations mêmes qui les légitiment. On pourrait avancer que la grande régularité de certaines pratiques suscite, parfois de son propre fait, cette ^rupture symbolique (rupture d'avec les représentations imposées) que M. Oriol pose comme condition de maintien de l'identité cultu¬ relle . Il est plus rigoureux de supposer, eu égard aux acquis de notre recherche, que si une certaine lecture des pratiques du "dominant" par le "dominé" n'anticipe pas la rupture symbo- lique, pour le moins elle la renforce. Le discours critique porté sur l'école n'apparaît, le plus fréquemment, que chez des élèves qui revendiquent leur iden¬ tité culturelle ; c'est donc que 1'inculcation du modèle cul¬ turel "dominant" et son corrolaire, la mise en question de l'identité, ne se sont pas opérés pleinement. La contestation partielle du caractère systématique des "effets" n'infirme aucunement l'analyse des pratiques qui, dans l'institution, les induisent ; elle atteste des capacités de résistance des sujets. C'est la conséquence d'une mobilisa¬ tion de l'identité culturelle que favorisent des éléments tels qu'un certain cadre de vie et une dynamique qui lui est propre (regroupement de familles, animation culturelle, interventions militantes, intervention des associations nationales d'immigrcs 12 L'insistance sur les potentialités de résistance ne doit cependant pas masquer le rapport le plus fréquent à l'insti¬ tution scolaire : la soumission à ses pouvoirs (rapport lar¬ gement induit par le milieu familial). 3 - Un processus contradictoire. En interrogeant la responsabilité de l'école dans ce qu'il est convenu d'appeler "l'échec scolaire massif" des enfants de travail-leurs immigrés, en confrontant les logiques des diffé¬ rents "acteurs" en présence nous pensons avoir explicité la contradiction qui décrit la scolarisation de ces élèves. Si cet échec scolaire et celui des enfants français issus des classes populaires relèvent pour une part d'une même ana¬ lyse, ce qui caractérise cet indice de "l'inadaptation" sco¬ laire des enfants de migrants et lui donne une telle intensité, c'est qu'il est aussi la conséquence de la négation de leur spécificité culturelle. Sur cette base s'organise un processus original et discriminatoire de sélection et d'orientation. Tout se passe comme si l'école les intégrait à la reproduction d'une- force de travail non qualifiée, mais suffisamment socialisée, pour occuper, avec une fraction des enfants français des classe populaires, des places déterminées sur le marché du travail. A la seconde génération, les immigrés se trouveraient mieux "adaptés" qu'à la première, par une meilleure connaissance de la langue, par l'intériorisation plus profonde d'un certain mode de vie, par une plus grande familiarité avec une techno¬ logie "moderne" 13 Or l'assimilation de beaucoup de ces enfants, c'est notam¬ ment -eu égard à leur statut aussi bien dans que hors l'êcole- le cas de la très grande majorité des élèves maghrébins, est hors de propos ; la tendance la plus manifeste est à leur mar¬ ginalisation sur la base d'une aliénation déséquilibrante de l'identité culturelle. TOME 1 EVALUATION, SELECTION ET ORIENTATION SCOLAIRES DES ENFANTS DE TRAVAILLEURS IMMIGRES 14 INTRODUCTION AU TOME I 1 - L'analyse des pratiques formelles. Le premier tome de ce rapport est consacré à l'analyse des conditions de l'évaluation, de la sélection et de l'orien¬ tation des enfants de travailleurs immigrés. Il s'agit là de décrire certaines des pratiques "formelles" précédemment évo¬ quées dans 1'avant-propos, que l'institution scolaire met en oeuvre dans le cadre de la scolarisation de ces enfants. Le second tome présentera d'une part l'analyse, étayée notamment par une monographie d'un établissement d'enseigne¬ ment primaire, du contexte dans lequel s'inscrit la scolarisa¬ tion de ces élèves étrangers, d'autre part l'analyse de cer¬ taines des réactions de ces élèves aux conditions de leur sco¬ larité . Il nous est apparu opportun, considérant que l'un de nos objectifs était l'analyse de la scolarisation de ces enfants dans l'enseignement primaire (du cours préparatoire à la classe de cours moyen deuxième année), de prendre pour exemple des "pratiques formelles" les dossiers constitués pour chacun des élèves à l'occasion du passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire. Le contenu de ces dossiers rassemble les éléments relatifs à l'évaluation, la sélection et l'orien¬ tation des élèves. Ils peuvent être lus comme un bilan de l'enseignement primaire dont sont tirées les conséquences en termes d'orientation. Les dossiers qui furent relevés avaient été constitués à l'occasion de l'entrée dans l'enseignement secondaire pour les années scolaires 1975/1976 et 1976/1977. 15 Ils sont de ce fait antérieurs à l'application de la réforme de l'enseignement secondaire mise au point par le Ministre de l'Education R. Haby, qui a eu, entre autres, pour consé¬ quence la suppression officielle des filières en classe de sixième. Il n'en demeure pas moins que l'analyse des condi¬ tions de l'évaluation des performances et des comportements garde toute son actualité. L'explicitation de la logique de la sélection et de l'orientation témoigne assez fidèlement la logique qui sous-tend ce processus à d'autres paliers du cursus scolaire. C'est notamment le cas de l'orientation en fin de classe de cinquième du cycle secondaire ainsi que l'in¬ diquent les analyses que nous poursuivons hors du cadre de cette recherche. 2 - Terrains d'enquête. Le recueil des dossiers scolaires s'est déroulé dans quatre collèges d'enseignement secondaires (C.E.S.). Ces établisse¬ ments ont été retenus parce que, au plan départemental (Alpes- Maritimes) , ils accueillaient la plus grande proportion d'élè¬ ves étrangers. Nous les désignerons par les lettres suivantes : M.-V.-L. T.-T. 3 - Population. 3-1. L§s_enfants_de_travailleurs_immi2res. Le choix de cette population a procédé d'une démarche fort simple : tous les dossiers des élèves étrangers présents dans toutes les filières de chacun dts établissements retenus ont été relevés. Les nationalités de ces élèves correspondent aux 16 grands courants migratoires : Italiens, Algériens, Marocains, Tunisiens, Espagnols, Portugais et Français Musulmans. Ce dernier groupe représente un cas particulier. Dans certains établissements, ces enfants sont nombreux et les pro¬ fessions de leurs parents ne diffèrent guère de celles des autres étrangers, si ce n'est qu'ils sont plus fréquemment em¬ ployés dans le forestage et quelquefois salariés comme "employé municipaux". De plus, nos premières observations dans le milieu scolaire nous avaient incités à les intégrer au groupe étran¬ ger, dans la mesure où leur appartenance nationale ne semblait pas a priori leur assurer une meilleure intégration scolaire qu'aux autres. Si c'est faire fi du point de vue des sujets et privilégier celui de l'institution, il n'en demeure pas moins qu'au cours de nos analyses nous serons toujours très atten¬ tifs à la spécificité de ce groupe. On pourrait penser que c'est faire preuve d'un esprit ségrégatif. N'est-ce pas faire preuve d'un tel esprit que d'accorder un statut particulier aux enfants Français d'origine algérienne, alors que les enfants Français issus de familles d'immigrés Italiens, Espagnols ou Portugais ne sont pas distin¬ gués du groupe des Français. La légitimité de cette question est indéniable. Mais c'est davantage le rejet de ces derniers que le choix des premiers qu'il faut peut-être regretter. Il est, depuis quelque temps, devenu courant (1) d'appeler immigré de la seconde génération (1) Voir : Abou Sada (G.), Galloo (F.), Jacob (R.), Tricart (J P.) . La condition de 1 a deuxième génération des immigrés; Rapport de Recherche - CRESGE. Lille, 1976, 159 p. Chazalette (A.). La deuxième génération d'immigrants dans 1 région Rhône-Alpes (jeunes Algériens et Portugais). Groupe de Sociologie Urbaine. Lyon, 1977, 148 p. 17 cas enfants d'immigrés et ce, indépendamment de leur nationa¬ lité administrative. Un adolescent de nationalité française, fils d'immigrés Marocains ou Espagnols, est désigné comme mem¬ bre des immigrés de la seconde génération. Toutefois, notre population est encore trop jeune pour avoir pu opter pour une nationalité différente de celle de ses parents. Or ceux-ci ont, dans leur très grande majorité, con¬ servé leur nationalité d'origine, à l'exception d'un groupe bien précis, communément appelé "harki", et constitué des an¬ ciens supplétifs d'origine algérienne de l'armée française et de leurs familles, qui ont "opté" pour la nationalité française et ont été "rapatriés" en France. Seize années de présence en France n'ont pu résoudre le problème de l'insertion sociale de cette population. La rela¬ tive marginalité de ce groupe, le rejet sinon le racisme dont il est l'objet, attestent bien qu'en l'occurence le critère de nationalité est de peu d'importance. Ce sont leurs origines, algérienne, maghrébine et musulmane, qui sont déterminantes dès lors qu'il faut rendre compte des conditions de leur inser¬ tion. Ce que nous avons pu observer, au début de notre enquête, des modalités de la scolarisation de ses enfants, a suscité l'hypothèse que leur statut à l'école ne diffère en rien de celui des autres élèves maghrébins, et qu'il est légitime de les associer au groupe des enfants étrangers, tout en préser¬ vant la possibilité de les identifier ne serait-ce que pour vérifier la validité de cette hypothèse. Nous avons relevé pour l'analyse de l'orientation en classe de sixième, les dossiers des élèves étrangers présents 18 dans les classes de sixième et de cinquième des quatre établis¬ sements, les effectifs sont les suivants : Italiens 62 Algériens 35 Portugais 19 Français ^-j Musulmans Tunisiens 37 Marocains 38 Espagnols 7 Total 225 3-2. Le_2rouge_témoin_d^élèves Ër2E£ai2• A qui comparer les enfants de travailleurs immigrés ? Neutraliser les variables socio-économiques pour ne travailler que sur la variable "nationalité" est une gajeure impossible à cenir et qui plus est d'aucun sens. C'est précisément un mode différent d'insertion sociale qui s'inscrit aussi bien dans l'activité professionnelle des parents que dans les conditions de logement et le mode de vie, qui décrit la situation sociale des familles de travailleurs immigrés en France. Il est évident qu'il n'est pas possible de comparer les enfants du prolétariat immigré avec les enfants du prolétariat autochtone en maintenant toutes choses égales par ailleurs. Cette comparaison est toutefois nécessaire à la mise en évidence de certains aspects de la scolarisation de ces élèves étrangers ; elle ne peut se faire que sur la base d'une 19 similitude. Celle-ci pourrait reposer sur une communauté de résidence (grands ensembles, .H.L.M., etc...) et sur une sem¬ blable, sinon identigue, activité professionnelle des parents. La conjonction de ces deux critères est facilement obser¬ vable, mais les élèves des Collèges d'Enseignement Secondaire (C.E.S.) sont issus de divers établissements scolaires pri¬ maires ; il est dès lors difficile d'exiger la communauté de résidence. Reste donc la similitude de statut professionnel : afin de maintenir cette dernière dans des limites précises nous avons restreint l'échantillon des Français aux seuls élèves dont les parents exercent un des types de profession/qualifi¬ cation suivants : ouvrier agricole - manoeuvre - ouvrier spécialisé ouvrier qualifié - ouvrier professionnel employé subalterne (facteur, vendeur, etc...) Le manque de précision dans le libellé des professions portées sur les dossiers scolaires ne permet pas de procéder avec toute la rigueur souhaitable : un "maçon" est-il un manoeuvre ou un ouvrier qualifié ? Les artisans, commerçants et le personnel d'encadrement n'ont pas été retenus. Pour éviter tout artefact, l'échantillon des élèves fran¬ çais a été tiré en respectant sur la base du critère profes¬ sionnel, leur représentation dans les différents types de classes de sixième. Pour les quatre établissements, la distribution par filière des élèves français dont les parents exercent l'une des oro- fessions/qualifications retenues est la suivante : 20 6e I 6e II 6e III 61% 22% 17% et notre population témoin se distribue de façon presque identique : 6e I 6e II 6e III n = 54 n = 20 n = 15 N = 89 (60,6%) (22%) (16,5%) Filles et garçons sont représentés a part égale dans l'échan¬ tillon. Alors même qu'officiellement la division des classes de sixième en trois filières avait été établie dès l'année sco¬ laire 1975/1976, au profit de la distinction entre groupe A et groupe B, nous avons, conformément à la pratique des éta¬ blissements dans lesquels l'enquête fut conduite, maintenu la distinction entre les "bonnes" (I) , "moyennes" (II) et. "médiocres" (III) classes de sixième. 21 1. DES ETRANGERS A L'ECOLE OU UNE FORME DE RELEGATION. La question de l'orientation scolaire des enfants des travailleurs immigrés est importante en ce qu'elle se réfère au "traitement" de ceux-ci par l'école et à ses effets in¬ ternes et externes au monde scolaire. Elle permet que soit explicitée la nature de leur scolarisation qui, elle-même, laisse présager de leur insertion sociale en France et â un degré moindre, lors d'un éventuel retour, dans le pays d'origine. Si les tableaux élaborés par les service^ du Ministère de l'Education, relatifs à la présence des enfants étrangers et Français dans l'institution scolaire, permettent une pre¬ mière lecture de la situation scolaire de ces élèves, ils ne suffisent pas à l'analyse des processus d'orientation. Le regroupement en une même catégorie d'éléments hétérogènes et l'absence de "suivi" des groupes d'élèves dans leur cursus scolaire en limitent l'intérêt et n'autorisent pas que les régularités qui décrivent l'orientation des élèves étrangers soient dégagées au plan national â partir des effectifs globaux. Il nous faudra donc vérifier et approfondir les "intuitions générales" produites par ces statistiques (I) (1) Sources statistiques. Toutes les statistiques dont il est fait état, au plan national, proviennent d'une publi¬ cation du CREDIF qui reproduit les données du Service des Etudes et Statistiques du Ministère de l'Education (Note d'information n° 77-34 du 23 septembre 1977). "Scolarisation des enfants étrangers. Enseignement public. France métropo¬ litaine. Statistiques 1976/1977". CREDIF, Décembre 1977, n°34. 2.2 en nous référant à des données plus complètes mais d'une portée plus limitée. 1 *1 • tes, élèves étrangers dans le système scolaire public. Dans tous les degrés de l'enseignement, du pré-scolaire au secondaire long, le nombre des élèves étrangers s'élevait, pour l'année scolaire 1976/1977, à 762 9 70. Ils comptaient pour 7.43% de l'effectif total. Les diverses nationalités appartenant aux grands courants migratoires y sont inégalement représentées. Si les Maghré¬ bins sont les plus nombreux (42% des étrangers), les Algériens (31%) l'emportent de loin sur les Marocains (7.5%) et les Tunisiens (3.5%). Les autres nationalités s'ordonnent ainsi : - Portugais (26%) - Espagnols (12.5%) - Italiens (9%) - Yougoslaves (1.5%) - Originaires d'Afrique Noire (1.5%) - Divers (7.5%) La hiérarchie des nationalités représentées à l'école correspond à la hiérarchie des nationalités constitutives de la population étrangère présente en France. Maghrébins, Portugais, Espagnols et Italiens, Yougoslaves et originaires d'Afrique Noire, regroupent à eux seuls ?2.5% 23 des enfants étrangers scolarisés. Il est donc évident que la présence étrangère dans l'école est très massivement une présence d'enfants de travailleurs immigrés. Ainsi est dé¬ finie la relative homogénéité de cette population qui, au- delà de sa diversité culturelle, partage approximativement une même origine socio-professionnelle. La population scolaire française est, quant à elle, t^ès hétérogène ; elle exprime la structuration sociale de la France ; par conséquent, la comparaison entre les statistiques relatives à l'une et l'autre population ne peut être que très limitée et conduite avec beaucoup de prudence. 1.2. Etrangers et Français : quelques écarts significatifs. Tableau 1 : Répartition des élèves étrangers et Français dans les différents degrés de l'enseignement public. Préscolaire Elémentaire Secondaire Etrangers 24.8% 47% 28.3% 100% Français 21.6% 39% 39.4% 100% Source : Ministère de l'Education, op. cit. Si la diversité sociale du groupe des Français ne permet pas que la différence (11%) dans la représentation des uns 24 et des autres dans le secondaire soit interprêtée, il faut cependant remarquer que, si les Français se répartissent éga¬ lement entre l'élémentaire et le secondaire, ce n'est pas le cas des élèves étrangers dont les effectifs de l'enseignement secondaire sont en baisse de 18.7% par rapport à ceux du degré précédent. Que signifie cette sous-représentation alors que le cursus primaire est d'une durée théorique (sans redou¬ blement) de cinq années et que celui du secondaire peut, in abstracto, varier de quatre à sept années ? A défaut de l'analyse de la scolarité d'une cohorte d'élèves suivie pen¬ dant toute la durée de son séjour dans l'institution scolaire, il n'est pas possible de répondre à cette question autrement que par des hypothèses. Cet écart pourrait tout aussi bien être la conséquence d'une augmentation récente du nombre d'enfants étrangers scolarisés dans le primaire, et n'être déterminé que par les variations dans les flux de l'immigra¬ tion familiale, que la conséquence et l'indice d'un processus original de sélection et d'orientation qui tendrait à les faire accéder au secondaire â un âge avancé, après redouble¬ ment (s) dans le primaire, et à les orienter massivement vers les filières courtes et/ou la "vie active" dès la fin de la scolarité obligatoire. Cette dernière interprétation corres¬ pond à notre hypothèse ; il faut se référer a la distribution des élèves dans les cycles et filières constitutifs de chacun, des degrés pour en vérifier le bien fondé. 25 1.3. "L'enseignement primaire divise..." 8.8% du total des élèves scolarises dans le primaire sont étrangers ; ils représentent 8.6% des effectifs en classes "normales" et 14.3% de ceux des "classes spéciales" (classes relevant de "l'enfance handicapée" : classe de perfection¬ nement, de plein-air, de handicapés sociaux et. moteurs...). Autrement dit, plus de 5% des étrangers fréquentent ces classes alors que c'est le cas de 3% des Français. Ici en¬ core, il n'est pas fondé de pousser très loin la comparaison, mais cette sur-représentation dans une filière qui n'assure que très rarement par la suite un cursus "normal", correspond aux diverses observations qui ont pu être faites. Il est très fréquent de constater que, dans les écoles primaires qui, par exemple, sont dotées de classes de perfectionnement et d'un pourcentage non négligeable d'enfants de travailleurs immi¬ grés, ces deux éléments ont tendance à se rejoindre : la classe de "perfectionnement" devenant la classe des "étran¬ gers", si ce n'est celle des "Arabes"... Quand on sait que l'orientation vers ces classes est déterminée par l'obtention d'un Q.I. (Quotient Intellectuel) inférieur à un seuil donné et quand on sait à quel point est contesté l'usage de cette notion et des tests qui permettraient de la mesurer pour un public scolaire autochtone (1), on s'étonne que l'un et l'autre (1) Voir, à ce propos : TORT (Michel)Le quotient in¬ tellectuel. Paris, éd. Maspero (coll. Cahiers Libres), 1974.- 184 p. ; ainsi que LAWLER (James).- Intelligence-Génétique- Ricisme. Le quotient intellectuel eot-il héréditaire P.¬ Paris, Editions Sociales, 1978.- 232p. 26 soient utilisés par des psychologues scolaires pour une popu¬ lation appartenant à des cultures différentes de la nôtre et dont la maîtrise de la langue française est souvent hésitante. Ces deux "handicaps" par rapport aux tests s'ajoutent au fait qu'aucun d'entre eux n'a été étalonné pour ces groupes d'en¬ fants. C'est faire preuve d'un ethnocentrisme radical et absurde que d'en défendre l'usage. Mais le discours alternatif souvent exprimé dans l'institution scolaire affirme que les handicaps socio-culturels et linguistiques de certains de ces enfants les amènent à se composter d'une façon telle qu'ils relèvent alors du même traitement que les enfants Français étiquetés "débiles légers", donc d'une orientation vers les classes de perfectionnement, puis, éventuellement, vers les S.E.S. (Sections d'Education Spécialisées) avant d'accéder sans qualification à la "vie active". Nous ne pouvons déve¬ lopper une analyse du processus d'orientation en "classes spéciales" ; remarquons seulement que le critère fondamental en oeuvre ici est l'appréciation par les maîtres du caractère "tolérable" ou "intolérable" du comportement d'un élève. C'est un critère très subjectif, soumis non seulement à l'arbitraire des pédagogues, mais au contexte de la classe et de l'éta¬ blissement. La pseudo-rationalité du testing n'opère ici que pour produire de l'illusion, masquer l'arbitraire du processus et renvoyer à l'enfant et sa famille la responsabilité d'une "inadaptation" qui, pour le moins, est souvent largement partagée par l'Ecole. 27 Ce n'est là qu'un élément d'un processus plus global dans lequel s'inscrivent les taux très élevés de redoublement de ces élèves dans l'enseignement primaire, et plus particuliè¬ rement en début de scolarité, au cours préparatoire, dont l'ob jectif pédagogique premier est l'alphabétisation. Sur-représentation dans les classes spéciales, taux élevé de redoublement, cursus primaire incomplet, traduisent une situation d'échec scolaire qui pèse lourdement sur l'orien¬ tation dans l'enseignement secondaire. 1.4. L'enseignement secondaire : un cycle court... Si les mécanismes de l'orientation dans le secondaire ne peuvent être analysés, rappelons-le, à partir des données globales, elles permettent cependant d'en saisir quelques effets. Le tableau de la page suivante (Tableau 2 : Répartition par nationalité sur quatre années scolaires dans l'enseigne¬ ment secondaire public) indique pour six groupes nationaux (Algériens, Marocains, Tunisiens, originaires d'Afrique Noire Espagnols et Portugais) l'évolution, au cours de quatre années, de leur répartition dans chacun des cycles de l'en¬ seignement secondaire et, pour les Italiens et les Yougos¬ laves, la seule répartition en 1976/1977. Ce tableau conduit à diverses constatations et remarques. Pour chacun des groupes nationaux dont nous connaissons la distribution pour les quatre années, il apparaît une relative 28 Tableau 2 : Répartition par nationalité sur quatre années scolaires dans l'enseignement secondaire public, Natio¬ nalités Années Ie cycle 2° cycle court 2° cycle long T OTAL Effectifs bruts ALGERIENS 73/74 74/75 75/76 76/77 70.2 69.7 56.2 62.9 24 .3 24.8 39 30.7 5.4 5.3 4.6 6.4 100% 100% 100% 100% 37964 44603 62086 . 59339 MAROCAINS 73/74 74/75 75/76 76/77 67.3 6 7.8 54.6 62.2 23.7 23.8 39 30.7 8.8 8.2 6.4 7.1 100% 100% 100% 100% 6518 8344 11693 11736 TUNISIENS 73/74 74/75 75/76 76/77 68.3 66.5 56.8 62.7 2.1.2 23 .2 35.2 28.4 10.3 10.1 8 8.8 100% 100% 100% 100% 3961 4413 6046 5810 . AFRIQUE NOIRE 73/74 74/75 75/76 76/77 53 54.6 46.5 53 13.8 15 22.5 ±4 33.2 30.4 31 33 100% 100% 100% 100% 1499 1810 2673 3020 PORTUGAIS 73/74 74/75 75/76 76/77 73.4 73.5 59 .6 65 24 24 37.6 31 2.6 2.5 2.8 4 100% 100% 100% 100% 30569 36861 50765 48944 ESPAGNOLS 73/74 .74/75 75/76 76/77 70.5 68. 2 55.4 6 2.8. 21.5 22.8 36 25.7 8 9 8.6 11.5 100% 100% 100% 100% 35250 35036 4 2050 35232 ITALIENS 76/77 62.3 27.1 10.5 100% 29599 YOUGOS¬ LAVES 76/77 65.8 23.6 10.5 100% 2668 Source : Ministère de l'Education, op. cit. 29 stabilité dans la fréquentation du second cycle long, les écarts ne dépassant jamais trois points. Par contre, ils sont beaucoup plus importants si l'on considère l'évolution de la présence de chaque nationalité dans le 1° cycle et le 2° cycle court. L'année scolaire 1975/1976 est marquée pour chaque groupe par une très forte augmentation de sa scolarisation dans le second cycle court ; c'est'3? conséquence de la création de nouvelles classes C.P.P.N. et C.P.A. (Classe pré-profession¬ nelle de niveau et Classe préparatoire à l'apprentissage) qui se substitueront progressivement: aux anciennes classes pra¬ tiques. Les appellations seules ont été modifiées. Ces classes perpétuent l'ancienne filière III et conduisent massivement vers la vie active sans qualification ni diplôme. S'il est, en théorie, possible d'accéder au lycée d'enseignement profession¬ nel (anciennement C.E.T. : Collège d'enseignement technique) à partir d'une C.P.P.N., cela reste exceptionnel. L'année scolaire 1975/1976 n'est pas celle de l'entrée massive des enfants de travailleurs immigrés dans les C.E.T., mais celle de l'association, et dans la dénomination et dans les statistiques, de ces nouvelles classes ou second cycle court. S'il est vrai qu'elles peuvent être indifféremment ou¬ vertes dans les C.E.S. (Collège d'enseignement secondaire) ou dans les C.E.T., elles ne modifient en rien, par rapport aux anciennes classes du 1° cycle, le destin scolaire et socio¬ professionnel de qui les fréquente. 30 Un écart moyen de 15 points en baisse pour le 1° cycle et en hausse pour le 2° cycle, dans la comparaison de l'année 1974/1975 avec l'année 1975/1976, suggère qu'approximativement 15% des enfants étrangers étaient scolarisés dans les classes pratiques de l'ancienne filière III et que c'est dans une même proportion qu'ils sont depuis 1975/1976 scolarisés dans les C.P.P.N. et O.P.A. Ces constatations amènent à reconsidérer le second cycle court pour saisir son hétérogénéité et éviter de se laisser abuser par le pourcentage relativement élevé (environ 30% - surtout en regard du second cycle long -) des élèves étrangers qui y sont scolarisés. Si nous admettons qu'environ 15% des étrangers sont en C.P.P.N., C.P.A. et classes équivalentes, seuls 15% de ceux-ci sont engagés dans des formations qui leur permettent d'espérer une qualification professionnelle. Le second cycle long - classes de 2°, 1° et terminales des lycées "classiques" et techniques - n'accueille qu'un très faible pourcentage des élèves étrangers (de 3% à 10% selon les nationalités, contre 20% des Français) à l'exception des élèves originaires d'Afrique noire dont la distribution dans les divers cycles se distingue nettement de celle des autres groupe pour atteindre 30 à 33% dans le second cycle long. Ceci laisse à supposer que ce groupe, l'un des moins nombreux, diffère des autres du moins dans son immigration familiale. A cette exception près, il faut donc constater que la "voie royale" de l'enseignement secondaire n'est pas ouverte aux enfants des travailleurs immigrés. Cette communauté dans la relëgation est cependant affectée d'une (très légère) diversité. Hormis les Portugais, dont 2.5% à 4% seulement des effectifs du secondaire appartiennent au cycle long, les nationalités européennes, avec une présence moyenne de l'ordre de 10%, y sont légèrement mieux représen¬ tées que les autres. La différence des modèles culturels qui déterminent tout autant les modalités d'insertion dans l'école que les attentes à l'égard de la scolarisation, ainsi que la manière dont l'école rëinterprète et ces différences et le statut social de chacune des nationalités présentes dans l'immigration, sont les facteurs principaux de ces va¬ riations . Somme toute, la scolarité des immigrés de la seconde génération, telle qu'il est possible de l'appréhender à l'aide de ces quelques informations, paraît bien suivre un cheminement particulier. Pour la majorité d'entre eux, de l'école primaire au second cycle court, c'est sous la domi¬ nante de l'échec que se joue cette course d'obstacles. 32 2„ L'ORIENTATION EN CLASSE DE SIXIEME. UN DOSSIER REVELATEUR. • Si les données produites par les services statistiques du Ministère de l'Education expriment les effets d'un processus qui tend à attribuer à ces élèves une position particulière et remarquable dans l'institution scolaire, elles ne peuvent suffire à la mise en évidence de la logique qui l'anime. 33 Il fallait, pour ce faire, disposer à l'un des paliers- clefs du cursus scolaire de l'ensemble des éléments qui définissent, du moins sur le plan formel et dans les règles de l'institution, un processus d'orientation dans sa totalité Il fallait que ce palier soit le lieu de la mise en rela¬ tion d'éléments concernant d'une part, la scolarité dans l'enseignement primaire - ordre d'enseignement privilégié dans cette recherche pour ses effets fondamentaux sur l'en¬ semble du destin scolaire des élèves étrangers - d'autre part 1'incégration dans des filières d'enseignement qui laissent présager, dans une certaine mesure, l'impact de la scolari¬ sation sur l'insertion socio-professionnelle des élèves. Le dossier d'orientation en classe de sixième répond à ces attentes. Il est l'occasion d'une sorte de bilan de l'enseignement primaire. Il est l'expression de la mise en relation des caractéristiques propres à un élève - identité, sexe, âge, acquis scolaires, aptitudes et attitudes - avec des potentialités d'orientation dont on sait l'importance pour la suite de la scolarité. La nature de cette relation s'y exprime dans la décision d'affectation à un type parti¬ culier d'enseignement. Certes, l'ensemble des variables qui déterminent le pro¬ cessus d'orientation ne se réduit pas au contenu de ce dossier. Si nous n'explicitons pas l'impact des caractéris¬ tiques individuelles des juges - les enseignants, les chefs 34 d'établissement - sur l'appréciation tant des performances que des personnalités, si nous négligeons la dynamique de l'interaction entre les personnes qui participent à la com¬ mission d'orientation, c'est que de la diversité des pra¬ tiques individuelles et conjoncturelles se dégagent des régularités qui décrivent, dans ses aspects les plus fonda¬ mentaux, le processus d'orientation. Qu'il ne soit pas possible d'inférer directement des ré¬ sultats dégagés par l'analyse de l'orientation en sixième qu'une même logique sous-tend l'orientation des élèves im¬ migrés en fin de classe de cinquième ou de troisième de l'en¬ seignement secondaire, n'empêche cependant pas de formuler l'hypothèse qu'au-delà de la diversité s'exprime une logique sinon identique du moins semblable. Cette analyse, qui décrit tout à la fois la sélection et l'orientation - deux aspects d'un même phénomène - de ces élèves étrangers, nous paraît être une approche pertinente des dimensions les plus formelles du contexte dans lequel s'inscrit leur scolarité. Le dossier d'orientation, par ses rubriques et catégories pré-établies, opère une réduction de la densité de la vie scolaire en n'en retenant que les aspects les plus formels : identité, âge, performances, appréciations. Il sélectionne, en vertu d'im principe égalitaire, les éléments qui seuls, 35 au plan scolaire, doivent être pris en compte pour l'orien¬ tation . Certes, la commission d'admission dans le premier cycle ne limite pas ses sources d'information au seul dossier. La circulaire du Ministère de l'Education (1) qui l'institue prévoit, outre la présence de l'Inspecteur départemental, des chefs d'établissements de premier cycle concernés, d'un Directeur d'école élémentaire, de maîtres de sixième - obligatoirement un professeur de français et de mathématique et des maîtres de cours moyen 2° année (CM2), la présence de : . un psychologue scolaire . un conseiller d'orientation . un médecin de santé scolaire . une assistante sociale scolaire . trois représentants des parents d'élèves Cette composition assure à la commission la possibilité u'obtenir des renseignements complémentaires de différents ordres (scolaires,sociaux, médicaux, psychologiques, etc.) sur les élèves examinés. Mais il n'était ni dans nos objectifs ni dans nos possi¬ bilités d'analyser la dynamique de cette commission. Qu'im- (1) Ministère de l'Education. Circulaire du 24 mars 1962 Texte adressé aux Recteurs. 36 porte, au plan de notre analyse, si psychologue scolaire, assistante sociale, médecin, y jouent un rôle secondaire et si la décision revient en fait au chef de l'établissement qui accueille les élèves. C'est au cours de cette commission qu'est établi un lien entre le contenu du dossier présenté par le maître de CM2 et l'affectation de l'élève. C'est la nature de ce lien que, dans une approche compa¬ rative entre groupe témoin Français et enfants de travail¬ leurs immigrés, nous analysons. Considérant les décisions des commissions d'admission au-delà de leur diversité et de leur dynamique, nous y lisons l'expression du rapport formel de l'institution scolaire à cette catégorie d'élèves. 2.1. Contenu du dossier d'orientation en sixième. Le dossier d'orientation en sixième est constitué pour chaque élève quittant l'enseignement primaire, géné¬ ralement à l'issue de la classe de cours moyen deuxième année (CM2), dernière étape d'un cursus primaire normal. Si, toutefois, un élève est orienté vers le second cycle alors qu'il fréquente une classe de perfectionnement ou une autre classe du cycle élémentaire, il se verra doté du même dossier (1) . (1) Il arrive que des élèves, qui connaissent un impor¬ tant retard scolaire, puissent "sauter" la classe de CM2 et passer directement du cours moyen 1° année (CM1) en 6°. Ce "passage' à l'ancienneté" ne correspond en rien à la dispense accordée à de très bons élèves. 37 Ce document est établi par l'enseignant responsable de la classe fréquentée par l'élève. Les premières rubriques regroupent les renseignements relatifs à l'identification de l'élève (nom, prénom, date de naissance, sexe, classe fréquentée). Il n'est fait aucune mention de la nationalité. Les autres éléments s'organisent ainsi : - Voeux de la famille. Chaque famille, en réponse au questionnaire qui lui a été transmis, a pu indiquer ses choix relativement : a) au type d'ensei2nement_-_autrement_dit_à_la_"filière" (1) . Les possibilités sont les suivantes : groupe A (qui cor¬ respond aux filières I et II), groupe B (filière III), redou¬ blement, section d'éducation spécialisée. b) à la langue vivante_gui_sera_étudiêe_en_sixième. Il est remarquable qu'à l'exception de l'italien, aucun des C.E.S. où s'est, déroulée l'enquête n'offre comme ensei¬ gnement de première langue une des langues maternelles de notre échantillon étranger (2). (1) Les dossiers qui furent relevés avaient été constitués pour une entrée en sixième au cours des années scolaires 1975/1976 et 1976/1977. Ces années précèdent l'application de la réforme "Haby" qui a eu pour conséquence la suppression officielle des filières en classe de sixième. Nous avons main¬ tenu la distinction à l'intérieur du groupe A entre filière I et filière II, quand bien même elle fut officiellement abolie avant cette réforme. C'était une démarche dont la pertinence fut confirmée par nos analyses. (2) Un C.E.S. de Nice propose depuis peu le portugais dans l'éventail des secondes langues vivantes. 38 ;) au régime scolaire adopté : internatÇ^ternat ,__demi-pension. Nous n'avons pas pu retenir cette rubrique pour notre ana¬ lyse, dans la mesure où un grand nombre de parents étrangers ne répondaient pas - ou très partiellement, voire même de façon erronée - aux questions et qu'en fait il revenait souvent à l'enseignant de compléter seul ces informations. Cette cons¬ tatation laisse augurer du type et de l'intensité des rela¬ tions qu'entretiennent bien souvent familles étrangères et personnel enseignant et administratif. - Comportement scolaire. Ce point du dossier regroupe les performances que l'élève a réalisées dans les diverses matières enseignées. Elles sont notées le plus souvent en points (de 0 à 20) et parfois en lettres (A-B-C-D-E). Il arrive que, dans un même dossier, les lettres soient utilisées pour certaines disciplines (éveil, éducation physique) et les chiffres pour les autres. De plus, en regard de chaque note, une lettre apprécie l'évolution de l'élève dans 1a. matière : "P" en progrès, "S" stationnaire, "R" en régression. Cette appréciation est rela¬ tive au niveau de l'élève en début d'année scolaire. La pro¬ gression est tout aussi compatible avec une mauvaise perfor¬ mance que la régression peut l'être avec un assez bon résultat. L'ordre des matières est le suivant : Lecture, Expression orale, Expression écrite, Orthographe, Mathématiques, Disci¬ plines d'éveil, Education Physique. Cette succession se clôt sur un dernier élément appelé "Ensemble des matières" qui est l'expression de la moyenne - non nécessairement arithmétique - 39 des performances de l'élève. - Niveau de la classe. Sont reportes ici, pour le français et les mathématiques exclusivement, les écarts des notes obtenues par la classe (de 5 à 17 par exemple pour les mathématiques), ainsi qu'une appréciation écrite du niveau moyen de la classe ("moyen", "bon" "très moyen", etc.). Puisque l'irrégularité avec laquelle il est répondu â ces questions ne permet pas de construire un indice du niveau moyen de chaque classe, nous n'avons pas retenu ces éléments du dossier. - Appréciations détaillées du maître sur les "aptitudes intel¬ lectuelles" et sur le "travail". L'enseignant exprime ici, avec une grande concision, son point de vue sur chacun de ces deux aspects de la personnalité de l'élève. Demander des appréciations détaillées et ne prévoir que deux lignes pour les exprimer dénote une certaine contra¬ diction ! - Les trois dernières rubriques : type d'enseignement conseillé par le maître3 décision de la commission et affectation sont complétées à l'aide des possibilités d'orientation déjà signalées : groupe A, groupe B, redoublement, S.E.S. Si la convergence n'est pas systématique entre le "type d'enseignement conseillé" et la "décision de la commission", elle est totale entre cette dernière rubrique et l'affectation de l'élève. 40 A l'exception donc des "voeux de la famille" et de l'ap¬ préciation du niveau moyen de. la classe, chacune de ces dimen¬ sions du dossier d'orientation a été retenue pour l'analyse du processus d'orientation. 2.2. Analyse des éléments du dossier d*orientâtion. Une simple description étayêe par des statistiques élémen¬ taires contribue à une première définition du statut scolaire des élèves immigrés. Il convient d'examiner tour à tour les performances, les âges, les jugements, les orientations, en considération aussi bien de l'appartenance an groupe des étran¬ gers qu'à l'un des groupes nationaux qui le constituent. 2.2.1. Les_performances. 2.2.1.1. Comparaison des performances des "étrangers" à celles de la population témoin. Le tableau 3, construit à partir de la performance moyenne et de l'indice de dispersion des notes autour de cette moyenne (l'écart-type) de chacun des groupes pour chacune des matières, témoigne de l'infériorité systématique des étrangers. Les différences entre les moyennes sont régulières et d'en¬ viron deux points, à l'exception de l'Eveil dont l'écart est de 1.6 point, de l'Orthographe (écart 2.6 points) et des Mathématiques (écart 2.4 points). 41 Français Lec¬ ture i Expr. :>rale Expr. écrite Ortho graphe Math. Eveil Ensem¬ ble des matières 14 . 12.8 12.2 10. 6 12.9 12.4 12.2 Etrangers 12.3 11.1 10.2 .8 10.5 11.2 10.4 Ecarts '1 . 7 1 . 7 2 2. 6 2. 4 1 . 2 1 . 8 Français 3.1 3.4 3.4 5. 4. 3.4 3.0 Etrangers 3. 3. 3.1 5. 1 4.3 3.4 2.9 Ecarts .1 . 4 .3 .1 . 3 0. .1 Tableau 3 : Moyennes et écarts-types par matière pour les Français et les Etrangers. Si les moyennes des étrangers sont systématiquement infé¬ rieures à celles des français, il n'en est pas de même des écarts-types qui ne sont affectés, d'un groupe à l'autre, que d'infimes variations. Les plus fortes dispersions autour de la moyenne en ortho graphe (5. et 5.1) et en mathématiques (4. et 4.3), ainsi que l'ampleur des écarts entre les moyennes de chaque population (2.6 pour l'orthographe et 2.4 pour les mathématiques) attes¬ tent que leur pouvoir discriminant s'exerce autant entre les deux groupes que sur les individus qui les constituent. 42 La conjonction des performances moyennes plus faibles pour les étrangers et d'indices de dispersion identiques pour chaque population, témoigne qu'un même système de notation, doté d'un barème défini et précis pour les mathématiques et l'orthographe est en oeuvre pour l'appréciation des performances de chacun. . Le "français". Commentaires des histogrammes de la lecture3 de l'expression orale3 de l'expression écrite et de l'orthographe. Les histogrammes des performances dans ces trois matières (graphique 1 et graphique 2) révèlent que la distribution des notes (sur l'échelle de 0 à 20) prend la même forme pour cha¬ cune d'elles et que cette similarité est le fait des deux groupes. On observe également pour chacun une même décrcissance dans les moyennes entre lecture, expression orale, expression écrite (tableau 3). Dans chacune de ces matières, les perfor¬ mances des étrangers sont les plus faibles. Il semblerait que la pédagogie non spécifique dont ils sont l'objet ne permette pas de compenser ce qu'il est convenu - à tort parce que c'est limiter leurs difficultés à une seule des dimensions qui en rendent compte - d'appeler leur "handicap linguistique". La similitude des distributions sur les histogrammes et des indices de dispersion (tableau 3) Graphe* i HISTOGRAMME: S Ms PERFORMANCES des Etrangers en Lecture, Expression Orale , Expression Ecrite et Orthographe Lecture 30.3 fn = 12.S • 40.6 34. & .5 6.7 7.3 7.3 'lo.l . . (?.n j 3.4 4.1 __ 1 3 5 7 3 41 13 45 47 45 ZO 45 suggère que ce sont sur les mêmes pratiques (exercices) et avec des barèmes identiques que sont appréciées les perfor¬ mances des uns et des autres. - Lecture (graphiques 1 et 2) . S'il apparaît quelques performances nulles pour les étran¬ gers dans cette matière, les notes inférieures à 9 y sont aussi rares que pour les Français. Les performances sont peu différentes entre les deux populations, si ce n'est sur les très tonnes notes : 35% des Français ont un score entre 15 et 19 centre 13% des étrangers. Il n'est pas surprenant que la moyenne en lecture soit la plus élevée de toutes pour l'un et l'autre groupe. L'acqui¬ sition d'une bonne compétence en lecture - qui témoigne de la maîtrise d'un code permettant les autres apprentissages - est l'un des objectifs fondamentaux de l'enseignement primaire A de rares exceptions près et conséquemment au mode de recueil des données (1), les élèves maîtrisent ce code. Les exceptions sont toutefois plus nombreuses pour les étrangers. On peut supposer que, pour ceux-ci, les mauvaises performances ex¬ priment plus une arrivée récente en France et une scolarité incomplète, un pourrait supposer que ceux de ces élèves qui n'ont pas connu de scolarité incomplète et qui n'ont pu par¬ venir à 1a. maîtrise de ce code sont orientés vers les filières relevant de 1'"enfance handicapée". Cependant des obstacles (manque de place, réticences de la famille, éloignement du dom cile) limitent l'accès à ces classes et expliquent, par là, la présence (1) Aucun dossier n'a été relevé dans les classes auto¬ nomes de perfectionnement, ni dans les sections d'éducation spécialisée, filières de 1'"enfance handicapée". 46 de certains au sein d'une population constituée à partir des collèges d'enseignement secondaire (C.E.S.). Si une moyenne élevée en lecture atteste d'une bonne compé¬ tence dans cette diseipline, elle peut être aussi la consé¬ quence de la notation des enseignants qui, avertis de l'impor¬ tance accordée à la lecture, utiliseraient, de façon plus ou moins consciente, un système de notation légèrement décalé, par rapport à l'expression orale et écrite vers les valeurs le plus fortes de l'échelle de 0 à 20. " Expression orale (graphiques 1 et 2). Les perforn.ances en expression orale sont, en moyenne, plus faibles que celles qui ont été obtenues en lecture. Si l'écart entre les moyennes, compte tenu du faible écart-type, ne diffère que peu de ceux qui distinguent les performances des uns et des autres dans les autres matières, il demeure cepen¬ dant, en particulier pour les étrangers, que c'est une matière où les performances moyennes restent relativement élevées. Il faut y voir les effets de la référence à des comportements diffus, englobant tout aussi bien l'activité que la qualité dans la participation orale. En outre, ces estimations s'ap¬ puient davantage sur des comportements spontanés en classe que sur des exercices. Ces traits particuliers permettent à la fois un jugement plus subjectif - en ce sens qu'il ne se réfè¬ re pas à des pratiques codifiées et soumises à la rigueur du barême dans la notation - et une notation de "compensation" ; entendons par là que le caractère moins fondamental de cette matière par rapport à la lecture, l'orthographe et les mathé¬ matiques, permet que le système de notation soit relatif au "handicap linguistique" des élèves étrangers. 47 Surévaluer leurs performances en comparaison des Français n'évite cependant ni les performances nulles, ni une forte différenciation des deux groupes dans les très bonnes per¬ formances (21.5% des Français obtiennent une note entre 15 et 19 contre seulement 5.5% des étrangers). - Expression écrite (graphiques 1 et 2). L'écart entre les moyennes est ici de deux points. Les per¬ formances nulles sont aussi peu fréquentes dans les deux groupes : 5% des Français ont une note inférieure à 5. contre 6.5% des étrangers. Le décalage dans la distribution des notes indique que les étrangers se répartissent entre les performances médiocres et moyennes, alors que les Français obtiennent davantage de bonnes performances : 19% d'entre eux obtiennent une note supérieure à 15, contre 2.5% des étrangers. Dans les deux groupes, les performances sont légèrement inférieures à celles qui furent recueillies en expression orale. On pourrait interpréter cet écart en se référant au lien commun qui désigne comme plus accessible la maîtrise de l'expression à l'oral qu'à l'écrit ! Il paraît plus pertinent de supposer que ce décalage est induit par le type de pratique scolaires sur lequel repose la notation. Le correcteur est confronté à des exercices écrits. La notation, contrairement à celle de l'expression orale, a un support matériel ; dès lor et c'est surtout le cas pour les étrangers qui voient x'écart 48 se creuser légèrement (2. ) , Ici notation devient plus rigou¬ reuse : si elle conserve la même dispersion autour de la moyenne, c'est sur une échelle de valeurs légèrement infé- fieure. - Orthographe (graphiques 1 et 2) Cette matière se distingue particulièrement ; elle suscite les scores les plus faibles (tableau 3 : la moyenne des Français est de 10.6, celle des étrangers est de 8.) et les indices de dispersion les plus élevés (respectivement 5. et 5.1). Ces particularités font de l'orthographe la dis¬ cipline la plus discriminante - du moins en notation brute - tant à l'intérieur de chacun des groupes qu'entre eux. On observe, par ailleurs, de légères différences dans la dis¬ tribution sur les histogrammes. L'histogramme des Français est très aplati : 18 % d'entre eux ont une note inférieure * « ou égale à 5., 21.4 % ont une note comprise entre 6» et 9, inclus, 39 % une note comprise entre 10 et 15 inclus et 21.3 % atteignent un score compris entre 16 et 20. Il n'en va pas tout à fait de même pour les étrangers : environ 38 % desnotes sont inférieures ou égales à 5., 18.7 % de notes varient de 6 a 9 inclus, environ 37 % des notes sont comprises entre 10 et 15 inclus, 6 % environ entre 16 et 19. La différence se fait avant tout sur le nombre très élevé de très mauvaises performances chez les étrangers. Les très bons scores sont aussi rares pour les uns que pour les autres. 49 Il faut voir dans la grande dispersion des notes autour de la moyenne de chaque groupe et dans la grande fréquence des mauvaises notes, les conséquences et du système de notation qui est propre à cette matière - il recourt à un barème précis et d'une grande étendue sur l'échelle des notes - et du contenu même de cette discipline. Apprentissage et contrôle des mécanismes les plus normatifs du code linguistique et du niveau de langue reconnu par l'Ecole, la définissent. Les exercices tels que la dictée, sur lesquels reposent les pro¬ cédures de contrôle,impliquent l'utilisation d'un barème strie tement quantifié et utilisé dans un sens dégressif : les points sont déduits de la note maximale en fonction des erreurs, et non pas additionnés au fur et à mesure des réus¬ sites. A l'examen des notes brutes, indépendamment des indices de dispersion, se manifeste une contradiction entre l'expression écrite et l'orthographe. Une bonne expression ne doit-elle pas être la conséquence d'me bonne maîtrise du code ? (c'est- à-dire de la syntaxe, du lexique et de l'orthographe). Or, les performances signalent un écart entre la maîtrise globale du code (l'expression écrite) et celle de certains des méca¬ nismes sous-jacents au code (l'orthographe). Le poids du "capital culturel et linguistique" (1)-constitue, entre autres (1) BOURDIEU (Pierre), PASSERON (Jean-Claude), La Repro¬ duction, p. 46 et p. 92. 50 par le rapport à l'écrit et à la lecture, par le niveau de langue parlé, donc transmis par le milieu familial - ne devrait pas se faire sentir davantage dans cette matière qu'en ex¬ pression orale ou écrite : c'est cependant ce qu' induit le système d'appréciation des performances. Ainsi qu'en atteste la valeur forte des indices de disper¬ sion (5. et 5.1), le jugement de l'enseignant sera, à l'égard de l'orthographe (discipline qui, contrairement à l'expression écrite, ne compte que des normes tout à fait explicites) beaucoup moins adapté au "niveau" de la classe ou au niveau de langue parlé par les groupes sociaux dont ces élèves sont issus, que lorsqu'il s'appliquera à l'expression orale et écrite. Dans ce cas, il tiendra peut-être davantage compte des qualités d'expression propres à un niveau de langue, même si celui-ci, comme c'est le cas pour ces groupes, déroge par rapport au français scolaire. Ce comportement est d'autant plus probable que notre population française °t étrangère est originaire, pour une bonne part, des mêmes quartiers et des mêmes établissements scolaires à recrutement populaire. La régularité dans la décroissance des performances entre l'expression orale, l'expression écrite et l'orthographe est un indice supplémentaire de la soumission des deux groupes â un même système d'appréciation dans les matières relatives à la maîtrise de la langue française. 51 Des différenciations marquent ce système, selon qu'il est appliqué à l'expression orale, à l'expression écrite et à l'orthographe. Dans le jugement de l'expression orale} la participation, les qualités d'expression, peuvent être favo¬ risées au détriment du respect de la norme. Pour ce qui con¬ cerne l'expression écrite3 l'exigence de la soumission à la norme est déjà plus prégnante, tout en laissant place à l'ex¬ pressivité. Il est d'ailleurs manifeste que dans des "genres" (expression libre, création poétique) qui valorisent parfois le recours à un code linguistique déstructuré, où "l'image" est appréciée par l'écart qu'elle introduit à la norme propre à un niveau de langue (le français scolaire), les enfants issus de groupes sociaux défavorisés parviennent souvent à des performances plus élevées que celles qu'ils obtiennent dans des exercices plus classiques. C'est la stricte connaissance des normes qui est exigée pour l'orthographe. Ainsi s'explique, par rapport aux deux matières précédentes, la médiocrité des performances des élèves français et celle plus grande encore des élèves étrangers, dans la mesure où le contenu de:cette discipline permet le recours à un système de notation doté d'un barème précis et parfois impitoyable (le "5 fautes = 0" en dictée est toujours en vigueur). L'orthographe peut ainsi être dotée d'une grande vertu sélective par l'institution scolaire. 52 Rappelons que, dans cette matière, s'observent pour chacun des groupes les plus fortes dispersions des notes autour de la moyenne (écarts-types de 5. et 5.1). La faible moyenne des étrangers (8.) et une distribution (graphique 1) qui révèle l'ampleur des mauvaises notes, confirment qu'en l'oc- cuirence, la prise en considération du "handicap linguistique" de ces élèves est hors de question. Ces analyses suscitent une interrogation sur le poids respectif de ces matières dans le processus d'orientation. Les performances dans chacune d'elles seront-elles considé¬ rées comme les indices de capacités spécifiques ? Dans ce cas, une mauvaise performance en orthographe ne serait pas un obstacle à une bonne orientation si les performances en ex¬ pression sont bonnes. Ou bien seront-elles traitées comme les indices hiérarchisés d'une même compétence et l'orthographe comme le plus prédictif et le plus discriminant ? Autrement dit, les aptitudes "littéraires" d'un élève seront-elles appréciéts dans les diverses dimensions qu'en représentent l'expression orale, l'expression écrite et l'or¬ thographe ? Ou seront-elles réduites à une seule dimension, dont les diverses matières sont des indices plus ou moins fins . Les mathématiques (graphiques 3 et 4). Les indices de dispersion autour de la moyenne restent 53 G^^kicjuç k) HISTOGRAMMES des PERFORMANCES des Ebran^eiS en Malkewaficjuts, en EvciL et d^KS L'cKÇeiuWc dy Mafitrcs MativeVaftt|U6S 14 5-5 11.9 14. i II II. 4 ÏU 10.5 CT-. 43 -f4t 55 59 1 2> 5 7 5 -M i2> -ts -)7 19 Eveil té.é s.7 U e.l o..i l v-^= t-i 43.3 ni a - h. t O"- 3-4 l,-f ij.h 4 3 5" 7 9 -M 10 If 47 19 10 EKJOMU M K^tidfO il. 1 lù.4 u f. ■tfc.9 ffî - te. 4 (T: 3. 1 3 5 7 9 i- li If 17 /g 54 J Graphique 4 HISTOGRAMMES des PERFORMANCES des Français oi Mathcmaficjuds en Eveil et cisr,s l'ensemble- des Matières 47 S: (£.9 CTi 4.0 Pl ' tkiOu-Ut ^ Mafcfè^ " tbu Cr;^pc £ Ira-K^r d~ ^ ckdu/k de te ldvl- ^rni^s . 4o% lo% 20% 4O/o 50% 4fJ<) lo Ifali'e/is fremfais MufOWis -, 1 dfçcMni Tu/ii'sitns ,r r r -Portugal i, Akefiens <. ««—™ £(rar^e/s 60 approximativement "en cloche", elles se différencient puis¬ qu'elles n'ont ni les mêmes modes, ni les mêmes moyennes. Le groupe étranger est hétérogène en regard des performances dans cette rubrique. Ces observations suggèrent deux hypothèses : a) - Les groupes nationaux sont diversement intégrés à l'univers scolaire selon leur appartenance culturelle et leur "histoire migratoire" (ancienneté de l'immi¬ gration, statut du groupe dans la société française) ; b) - L'Ecole traite cette diversité de sorte que, au plan statistique, est produite l'illusion de l'homogénéité de la population étrangère et de sa similitude avec la population-témoin. Il importe, pour avancer dans 1'explicitation et la véri¬ fication de ces hypothèses, d'examiner pour chacune des ma¬ tières les modalités de la différenciation des sous-groupes nucionaux de la population étrangère. 2.2.1.2. Nationalités et performances. Un groupe étranger hétérogène. Les histogrammes des notes obtenues par chacun des groupes nationaux seront commentés selon la hiérarchie des nationa- Tableau 4- 61 Performances Moyennes par /la}>ères et Nationalités faiïonélirts Effectifs Lcdure Expression Ordlc Oxpfcjsjcn Ecrite OrTM^jrjpFe tUfif'mtkjvcs Êl/Cil [l\SO*.hli des Hâ titres Ihàli'txs K-.U 13.5 11.8 113 9.5 11.6 12.4 11.6 Al^/'r/o; n» 35 12.3 11. 10.6 8.5 10. H.b 10.6 forivga/; . -h; 19 12.4 H 10.1 7.3 11.3 11. z 10. Z FifdHCèX MuIi/ÎMiAi -K-.27 12.2 11.3 102 7.3 10.6 11.9 10 A 01-37 11.5 10.5 9.3 7.3 9.7 10.3 9.4 HdCocivn 1\:08 10.6 10.3 9.5 6.0 9.5 9.5 | 8.9 • Fhnç&l 1\z S* 10.9 72.8 12.2 ; 10.6 | j i ' f2.9 17.2 ' 10.4 i l îl 9-7 m-.i3.s- 35.9 CTz?>.0 2.1 22.6 M 46 !i , 13 iS 17 19 l£> 7ssic^ CraL 4.6 4.6 5.2 fi 27.4 W ZI 51 = II.Î cr = 1.0 3.2 5.1 li 13 IS '7 V) £xbfq>sinL £TT 4.6 31 46 17. h y>.7 16.4 lt-9 4.7 m - ll.i cr-, t.? I.6 il (3 iS" rr (9 Or-HîîlTUbl.ê r_t-, i czz^M ZI "7 SI J L (77 ! P-' (S LÇ T m, 3s cr- f.i li 13 » AW&etojflflvtt 33.? 3.2 _47 3.; 17 lé-t tu iti -. H.6 AUER/EA/S lichtft 11. (, U.6 tn-.n.î Ô"; 3.0 2. f.é 47.1 2.9 3 4 7 3 H 0 17 17 14 Expssi'oK 6'raL ifi- II. 6*1 2.2 2.9 11.4 14.3 22.9 22-9 22.-5 2.9 l S 3" 7 9 Il 13 £ 17 i? EXî= 10.6 û*= $.0 n-4 11.4 14-3 2.9 2.9 F" 1 i i.... 2.0 OrPrur^ , »■* , j-7 m- S. S «ra 45 /A.3 (7- J ; A. 3 ;A. 5. L 2.9 l 9 * / J » 13 iS" (1 Ie) U.4 2.9 1 4-7 17.1 1.6 $.6 ?■' 22.9 M-- 10. £T- S.\ 1o Ç 7 iz'.z l 2 î 7 3 " 13 IS (7 1-3 £Ve4 / ff.7 M. 11.3 6*: 35 14.3 S. 7 2°. ,. 17./ il. 4 £4 i i 1 n 2 ■" i1"'—» i 2> S 7 3 ii lô iS 17 15 tnse/uMe J*s Matières fti ; iC. £ 6"=. 3.4- TfT 6AAP,M)q^g S UtsToèHAVtlES des PERFoRÏÏAÏIceS des PO RTU&Fi 15 Lecfufe. 21.1 lo.s 36 S rt-ll.1 tr*î. 2- 21/ lo.s I t> * 7 3 II i§ e> 17 19 Eyir&ssîoA/ OroJe. -foS* -/o.ç 31.6 31.é nia //. cr= 2.5* ■lo.S 5.3 I1> SIS tt l*> 1$ 17 13 ^ApTESaiov Ecrite ! 2'.! lo.s ÏÏia la / /5-g I 3 5 7 5 fi (3 fîT /7 /9 (7rtKcq.(a>"rie. — p—-1 m 7.3 <5*= 5.5" 15. - 5 3 T3 ^0-5 ■< r.v 4L.U I i I 5 5- 7 3 II /5 /Ç* 17 /9 flç^.erryihjces /o-5 2/./ iV5 15-8 /5 g S--1-3 21.1 55 5 13 II li 15 11 13 B/eiL lo.S le-5 - — 21./ Pi» II. 1 67r-S.2 Ç.3 3 3 7 S // /3 /5" (7 /i? j?A5em. ùt' oUsJ^ic-tièrs$_ 2C, .3 m-ia2 (5*6 2.7 '5-3 I . 3 5" •/ 5" 21./ 21.1 lo.S ts=. u ts 15 17 13 67 ces élèves n'obtiennent pas d'aussi mauvais scores dans les autres matières "littéraires" (lecture, expression orale, expression écrite). L'effectif limité de ce groupe ne permet pas que la forme particulière de la distribution des notes en orthographe et en mathématiques ne soit interprétée autrement- que comme la conséquence de la dispersion que tous les groupes connaissent dans ces matières dotées d'un grand pouvoir sélectif. En regard de l'ensemble du groupe des étrangers, les per¬ formances des Portugais se distinguent par une moyenne plus élevée en mathématiques et sensiblement plus faible en ortho¬ graphe. Leurs performances sont, dans les autres disciplines, très proches de celles du groupe de référence. - Français musulmans (graphique 9). En lecture, expression orale et écrite, les écarts-types sont particulièrement faibles pour ce groupe. Cette singula¬ rité est le tait de l'absence de performances inférieures à 5. Ceci ne saurait surprendre puisque ce groupe "étranger" est, paradoxalement., de nationalité française. L'histoire fa¬ miliale de ces élèves implique généralement que, s'ils ne sont pas nés en France, ils y sont arrivés dès leur plus jeune âge. On peut, par ailleurs, supposer que le choix.de la nationalité française est corrélatif à un ensemble de comportements dans le milieu familial qui peuvent privilégier des FRANÇAIS MU6ULMAN5 68 Lecbrc JJL l F ? 1 3 ç ^ y— jj- Vo.7 "73" W? 15 7.5 m 5^12.2. 07 2,3 3.7 ~n 13" rx|>res5«yo Cfale 3.7 7.»/ 44.4 33.3 m = 11.3 £7"= 2.0 7. v :k 3.7 13 5 7 9 // 15 15 H /9 m =T 13:2. «Ts 2.7 Extil"e&SÎoO ëcftfé- 25 9 £$".? 1?.5 i-M ~| 3>.*7 13 5 7 5 U 15 15 H 13 OHlioqraVne. ■ £2.Z «/.$ r Fie 7-3 crv 3-7 11-4 4 4.f -j. Lj 4?-5" -7-V , - i tH f 3 5 7 7.5 r 3.7 ! 7 o -7 4/ 13 -"f 2.2.8 14.? 14.3 11 * ^ 11.1 7 3 11 15 15 13 /n = lfl.6 fatiernsf 3Ï.!i 3 5 S m-. M (TV 2 .è 7. y 11.1 11.1 i 1 3.7 i br.-'.:.a. ■1 3 5 7 3 1/ 15 15 -f? 13 69 l'usage de la langue française. Les particularités propres au système de notation de l'or¬ thographe expliquent pour une part la grande dispersion et l'extrême faiblesse de certaines des performances dans cette matière par rapport à l'ensemble des disciplines "littéraires" Si le rapport qu'entretiennent ces élèves à la langue fran¬ çaise leur permet d'éviter de très mauvaises performances en lecture, expression orale et écrite, il ne leur permet cepen¬ dant pas de les éviter en orthographe. Les histogrammes relatifs aux autres matières ne traduisent pas de particularités. Performances, dispersions et distri¬ butions, hormis les remarques précédents, ne se distinguent pas de celles du groupe étranger. Les dispersions et les distributions ne diffèrent pas significativement de celles des Français. La caractéristique principale de ce groupe - son apparte¬ nance nationale - ne lui assure pas en regard des performances une position proche, tant s'en faut, du groupe témoin. - Tunisiens (graphique ÎO). En lecture, expression orale et expression écrite, les formes de la distribution des notes expriment une certaine particularité. C'est plus précis encore pour la distribution des notes en lecture : la courbe en -J- témoigne de l'absence de notes supérieures à 15. L'absence de très bonnes pe.rfor- 7 70 Ledurc- JJAJ JH.- -H.5 cr= 3--1 2-7 2.7 5-4 ï S" 1 8.-1 // 1% isr H is 32 -4 /9» -10.5 <5"s 3.4 Expr&s/o-/ Orale. 27 13.5 -8'^-1 2.7 2 2.7 2.7 2.7 .7 15 5 3 3 // /S /5" /7 1 3 35.1 ^prt55io-i Tcnle. ■2. • 1 r—L — 13.5 Ho.8 2-1.6 5-1 7L_ 5~ 7 m* 9 .-3 r "= 3.4 // /s / s- n IQ CH^îraphg, 18.9 1 «. fl.5 J î 5.4 J i Hs.g A iîl,- 13.5 1.7 p>=- 7.3 - 17 (g Mlrr.îm-ariq-.^S 1.7 8-H 43.5 16.1 24-3 10-8 #?- 9.7 <5~'= 4.5 I ^£=±1 (35-7 /.5 /£" 17 /9 r £VeiL 5.4 I *i. 5 M" 40.5 2.Î.6 Ho-S m - 40 3 a"- 3.4 2.7 435-73 // /3 /o /? /g rnWli des Hui'ètc^ 12-/-- ■ib.i 2.1.6 AI.-2 4 5 13 24.3 8.4 /3 / 5- r m =-9.4 o"7= 3.0 '9 71 mances est cependant commune à ces trois matières. Dans l'ensemble, en comparaison avec le groupe étranger, les performances des Tunisiens sont basses. Les dispersions . des notes ne diffèrent significativement ni de celles du groupe étranger ni de celles des Français. - Marocains (graphique 11). Par rapport à l'un et l'autre des groupes de référence, les Marocains cumulent les plus mauvaises performances dans toutes les matières. Bien que leurs scores soient légèrement supé¬ rieurs à ceux des Tunisiens, on peut cependant considérer que ces deux groupes se situent au même plan dans l'échelle des performances du groupe étranger. La position des Marocains et, à un degré moindre, celle des Tunisiens, sont la conséquence de l'immigration récente de certaines des familles dont ces élèves sont issus. La relative hétérogénéité du groupe étranger s'exprime dans les différences entre les performances des divers groupes nationaux dans chacune des matières. Ces différences, à une seule exception près - la faible performance des Algériens en mathématiques ~ hiérarchisent les groupes selon un même ordre dans toutes les matières (voir tableau 4). Ce classement des nationalités se laisse interpréter, partiellement du moins, comme l'effet de la conjonction de deux facteurs : la proxi- \~>i < )• i I • w vv il I < ' -• • -- > \ > > < (I ' • " - • ' '-••••• - ' des MAROCAINS 72 2£JL L echjPd. ■iî.H z.c, 5V5 î i Z" «?i 10.6 Ci 2-6 -?g.y -T5". S Z. A il lb 19 17 19 rZH-Z if] tO-3 CT- 3 .8 ^xpt-e^S'ca Orale 5.3 i—:~T 5".'3 /o. 5" 2.3.7 ."7-9 , g.-5 2.6 [—"T— I 3 ÏT 7 i9 If ' i3 /5" /7 /9 £Âp^S5l3/iEcrite ^Zr-tL, 7.2 53 r i 1 C 1 s f>~ 7 9 i i /5.g 'JkiiÂ. ïn^ %.S 5' /3 tr>.i lh_8_ (31 8.8 le processus d'orientation pouvant être également de deux sortes : b,b : Le pouvoir discriminant de chaque matière est le même pour chacun des groupes. La dispersion des notes autour des moyennes respectives est identique. Les écarts-types ( 6" ) des étrangers sont égaux à ceux des Français :■ "i Etrangers Filière III Echelle des possibilité d'orientation On peut s'étonner de ce que les notes des élèves étranger: ne sont ni plus ni moins dispersées autour de la moyenne que les notes des Français. L'hétérogénéité de ce groupe, qui fut notamment relevée lors du commentaire de ses performance à la rubrique "ensemble des matières'' • ne devrait-elle pas s'opposer à l'égalisation des écarts-types des deux popula¬ tions ? Autrement dit, quel est l'équivalent pour le groupe étran ger du facteur qui disperse les performances du groupe rela¬ tivement homogène que constitue notre population témoin française et que nous désignons provisoirement par 1'exprès- 82 sion "différences de capacités" ? (1). Il semble bien que la tendance du système de notation soit d'égaliser les dispersions des deux populations. Quel que soi- le niveau respectif de leurs performances, celles-ci sont distribuées selon des écarts identiques. On peut faire l'hvpo thèse que les éléments qui différencient les élèves étrangers aussi bien en termes d'appartenance culturelle et nationale qu'en termes de durée de séjour en France, sont à la base de ce phénomène. Transformés en "handicaps" plus ou moins forts, ils opèrent comme des aptitudes inégalement réparties et sont à l'origine de la hiérarchie des performances entre les di¬ vers groupes nationaux. Selon que le groupe est de culture maghrébine ou latine, selon qu'il est homogène ou non dans la durée de séjour en France, les performances seront moyennes ou mauvaises et les indices de dispersion plus ou moins grand. On peut alors observer les distributions suivantes : ne peuvent être évoquées ici, le recours à cette expression ne doit cependant pas être perçu comme une allégeance a une quelconque théorie des "dons". 83 2.2.2 . L^â2§_£_une .,gerformance_garticulière. Les analyses de Baudelot et Establet (1) ont montré 3. ' im¬ portance de l'âge dans le processus d'orientation en classe de sixième : "Les enquêtes existantes imposent une constatation : c'est l'âge plus ou moins avancé, auquel les en¬ fants sortent de CM2, qui décide massivement de leur orientation dans celle ou telle section" (2). Ils ont démontré sa prééminence sur les résultats sco¬ laires : "Nous découvrons là, à un niveau très précoce, une des grandes constantes du système français d'ensei¬ gnement et d'orientation : ce qui compte pour choi¬ sir 'sa' sixième (...), c'est moins le résultat scolaire obtenu précédemment que l'âge auquel il a été obtenu" (3). Plus encore, ils ont fait apparaître que : "L'entrée en sixième (...) qui est institutionnel— lement décidée par l'âge de l'enfant, est en fait déterminée par son origine sociale. (...) La condition sociale (...) se traduit à l'é¬ cole, soit par le retard scolaire, soit par les "mauvais" résultats, et le plus souvent par les - deiax S la fois" (4) . (1) BAUDELOT (Christian), ESTABLET (Roger).- L'école capitaliste en France. Maspéro, Paris, 1971 (Collection Cahiers Libres 213-214), 340 p. (2) Id. 3 ibid.3 p. 54. (3) Id.3 ibid., p. 61. (4) Id. ibid., p. 69 .et /0. 84 Il importe donc, dans la mesure où le processus d.'orien¬ tation tend à l'assimiler à une performance, de connaître la distribution de l'âge dans nos deux populations. Cette dé¬ marche ne préjuge pas, à cette étape de l'analyse, de la nature de la contribution de l'âge à l'orientation des élèves étrangers. Si la lecture des moyennes et des indices de dispersion ne laisse somme toute apparaître que de faibles écarts entre le groupe des Français et celui.des étrangers, aussi bien qu'en¬ tre les différents groupes étrangers, il ne faut pas omettre dans leur interprétation que les possibilités d'écart à "l'âge normal" requis pour l'entrée en classe de sixième, sont réduites ainsi qu'en atteste la. faiblesse des indices de dispersion. Tableau 6.- Moyennes et écarts-types des âges de- chaque groupe national et du groupe des étrangers (1). Fran¬ çais ! Stran| gers | i 1 Ita liens Algë riens Fran. musul Portu gais Tuni siens Maro cains Moyen ne 11. i 11.5] 11.3 11.4 11.5 11.6 x 1.7 11.8 Ecart type 0.6 0.6 | S 0.6 0.6 0.6 0.8 0.7 0.8 (1) L'analyse de l'âge des deux populations se réfère à l'âge atteint au 31 Décembre de leur année de Cours Moyen 2° année. Lorsque des élèves proviennent soit de classe de per¬ fectionnement, soit directement d'un Cours Moyen 1° année, ou d'une autre classe, et qu'ils sont orientés vers 1'enseignemen secondaire au "bénéfice l'âge", c'est l'âge atteint au 31 Décembre de l'année qui a précédé leur entrée en 6° qui est retenu ; il s'agit cependant là d'un phénomène mineur. Les moyennes aussi bien que* les valeurs portées sur les histo¬ grammes sont à référer a l'âge "normal"qu!un élève doit avoir en cours de CM2 : i.e. être dans sa dixième année. 85 Tableau 7.- Position par rapport à "l'âge normal" à 1'entrée'en sixième (en pourcentages). - 1 an Age normal + 1 an + 2 ans + 3 ans et + Etrangers 0.5 18.7 51.4 27.1 2.3 Français 4.5 51.6 32.6 11.2 0. Le groupe témoin français a en moyenne un an de retard dans son cursus scolaire, alors que les étrangers sont af¬ fectés d'un retard moyen de 1.5 an. L'examen des histogrammes (graphique 12) et la lecture du tableau 7 révèlent plus explicitement les différences entre Français et étrangers. De la comparaison des deux groupes, il ressort que : a) - La moitié de la population témoin a un âge normal alors que ce n'est le cas que de 1/5 des étrangers ; b) - Etre "en avance" dans sa scolarité est un phénomène rare chez les Français (4.5%) et presque inexistant chez les étrangers (0.5%) ; c) - Pour les étrangers, le retard scolaire est non seu¬ lement plus fréquent, mais aussi d'une intensité plus grande : si 80% de ces élèves sont en retard, celui-ci 86 12 -HISTOGRAMMES des AGES™ ( en /o Italiens 58.1 27. ô 1^.5 t < . eriens 1A.5 4&. français /lusulrnana ZI .? 19.1 53.8 26.8 5 . 10 11 12 3 10 11 12 2? a 10 11 12 et + 13 ans P;r.tugaL att> l UfliStens /IdrocaûiS 10.2 3S.6 Z/.è 11 2 6 le. y 50. 26.3 10.5 10 11 12 13 '3-1 s «t r 9 10 11 12. 13 C't r ETRANGERS 51.4 FRANÇAIS 1Î.7 19 27.1 516 j A»"' \ r Qu ^ =6 6 s _ 2.1 1 i i> ».14 ILJ 32.5 11.2- n 1"3 oMIS 87 est d'1 an pour 51% et de 2 ans et plus pour environ 29% ; si 32.6% des Français ont un retard scolaire, il n'est de 2 ans et plus que pour 11.2%. d) - 2.3% des étrangers qui entrent en sixième ont 3 ans de retard alors que ce n'est le cas d'aucun Français. Si le retard scolaire des élèves français du groupe témoin est loin d'être négligeable (1), celui des élèves étrangers lui est nettement supérieur. L'hétérogénéité de cette popu¬ lation conduit à l'analyse des histogrammes d'âge par natio¬ nalité (graphique 12) qui, plus que les valeurs moyennes, témoignent des particularités d'un groupe par rapport aux autres et de sa diversité interne même. Tableau 8.- Positions par rapport à "l'âge normal" â 1'entrée en sixième des différents groupes nationaux (en pourcentages). - 1 an Age normal + 1 an + 2 an s + 3 ans et + italiens 0. 27. 3 58. 14 .4 0. Algériens 0. 28.5 48. 22.8 0. Français Musulmans 0. 19.1 53.8 26. 8 0. Portugais 0. 15.8 42.0 42.0 0. Tunisiens 0. 10.8 48 .6 37.8 2.7 Marocains 2.6 10.5 49.9 26.3 10.5 (1) Le pourcentage des élèves français "en retard" dans notre échantillon - 43.8% - est inférieur à celui qui a été calculé par Baudelot et Establet pour les fils d'ouvriers - 63.3% - d'après les données statistiques de l'INED, op. cit., p. 69. 88 Bien que 72.2% d'entre eux soient en retard, les Italiens occupent la position la. moins mauvaise. Ils se distinguent des Algériens, dont la position est sensiblement identique en regard de l'"âge normal", par la moindre fréquence des retards de deux ans. Les Français musulmans, dont la distribution des'âges prend une forme proche de celle des deux groupes nationaux précédents, sont cependant nettement plus nombreux à être "en retard" (80%). Au sein des groupes dont la position est très défavorable, les Portugais se signalent par la fréquence des retards de deux ans (42.0%) ; les Tunisiens et les Marocains occupent les plus mauvaises positions ; ils sont les seuls â connaître des retards scolaires de trois ans et plus. C'est surtout le fait des Marocains qui, s'ils manifestent l'originalité de compter 2.3% d'élèves en avance d'un an, n'en comptent pas moins de 10.5% dont le retard est de trois ans ou plus. Le classement des groupes étrangers, établi sur la base de leur retard scolaire, correspond approximativement à celui qui fut dressé à partir de leurs performances moyennes dans les diverses disciplines (cf. tableau 4). Les Italiens cumu¬ lent les meilleures performances et un moindre retard scolaire Si Algériens, Portugais et Français musulmans produisent des performances moyennes très proches, il n'en va pas tc"L. à 89 fait ainsi par rapport à l'âge. Les Algériens, comme on l'a vu, sont plus proches des Italiens que de ces deux autres groupes. A cette différence près, les classements expriment une même hiérarchie puisque Tunisiens et Marocains occupent dans l'un et l'autre cas les plus mauvaises places. Il semblerait que l'âge connaisse une distribution sem¬ blable à celle des performances moyennes entre les divers groupes. S'il n'est pas possible de préjuger de son poids dcins l'orientation, il est clair que, pour les élèves étrangers, c'est une caractéristique ambiguë. Un âge avancé peut aussi bien être la conséquence d'un ou plusieurs redoublements, c'est-à-dire de très mauvaises performances, que l'effet d'un début tardif de la scolarité en France. Mais les conditions de la scolarité de ces élèves laissent à penser que si les redoublements traduisent une mauvaise inté gration à 1'Ecole, une scolarisation tardive est elle-même à l'origine d'une intégration difficile. Qu'il en soit à l'ori¬ gine ou qu'il en soit la conséquence, un âge élevé est très souvent lié à de mauvaises performances. On peut s'attendre, cependant, à ce que l'âge n'ait pas exactement le même rôle selon qu'il s'agit d'orienter des élèves Français ou étrangers : 90 "[Si] la correspondance terme à terme instituée entre les degrés de l 'âge et les degrés du savoir qui se¬ raient approximativement atteints en fonction de l'âge" (1) est une "évidence idéologique" qu'il convient de récuser, la validité de cette correspondance est tout particulièrement difficile à soutenir pour une population scolaire d'enfants de travailleurs immigrés. Le déroulement temporel de leur scolarité est trop évidemment affecté par les caractéristiques inhérentes à leur statut d'immigrés. 2.2.3. Les_jugements : _des__gronostics_garfois_hésitants, mais souvent_négati£s. 2.2.3.1. Comparaison entre élèves français et élèves étrangers. . Le jugement sur l'intelligence. L'examen des histogrammes (2) (graphique n° 13) et du tableau 9, relatifs aux jugements sur l'intelligence des (1) BAUDELOT (Christian), ESTABLET (Roger), op. cit. p. 70 (2) Ces histogrammes, sont la représentation de la distri¬ bution des jugements des enseignants sur les "capacités in¬ tellectuelles" et les "capacités de travail" des élèves qui se préparent à entrer en sixième. C'est après une analyse de contenu très simple que ces jugements ont été codés selon leur valence: très positif (++), positif (+), moyen (+-), négatif (-), très négatif (—). Nous verrons plus loin ce qu'une analyse de contenu "thématique" révèle de ce système d'appréciation. 91 Français et des étrangers révèle d'importantes différences. Les appréciations positives sont beaucoup plus rares che les étrangers que chez les Français. 'Elles sont, pour les étrangers, aussi rares que les très mauvaises appréciations (5.5% et 4.5%). Si, pour les Français, les très bonnes appréciations (19.1%) sont beaucoup moins fréquentes que les bonnes appréciations (50.6%), elles l'emportent très nette¬ ment sur les jugements moyens et négatifs. Les très mauvaises appréciations (—) sont aussi peu fréquentes dans un groupe que dans l'autre (4.5% et 3.3%). Tableau 9 : Fréquences des jugements positifs, moyens et négatifs sur les "capacités intellectuelles" des élèves Français et étrangers (en pourcentages) \t + » 26.3 10.5 ■10.5 ) 5.2, 1 tf + + - AUTERiens M*. 20 k+.z 9vi 1 ! • + 4— FA fi. NC Al S A-UflT MA .VS 4-û.l 2?. T h- ■f T + 4- TUNISIENS tti-è ■16.2* 46.1 ] i-+ + 4 — marocaja/6 - v>.2. r7ï "?T." ] »■ t * -t—- 104 Nous avons vu, dans la comparaison entre Français et étrangers, que la stx*ucture sous-jacente au jugement sur le travail semble être identique pour l'un et l'autre groupe et qu'un jugement moyen n'y a pas le même statut que dans le cadre du jugement sur les capacités intellectuelles des étrangers. Pour tous les groupes nationaux, la catégorie de jugement à valence moyenne est utilisée avec une fréquence uni formëment basse. Les jugements sur le "travail" sont plus affirmatifs. Pour la première fois, tant par rapport aux performances que par rapport à l'appréciation des capacités intellectuelles un groupe étranger - les Italiens - obtient un score supérieur a celui des Français sur les valeurs les plus fortes (juge¬ ments positifs et très positifs). A cette exception près, qui confirme le statut particulier des Italiens, chacun des autres groupes nationaux est l'objet, une fois encore, d'appréciation qui, dans l'ensemble, sont inférieures à celles des Français. C'est là une régularité qui, si elle ne déroge pas à ce qui a été observé plus haut, n'en demeure pas moins étonnante. 2.2.4. "Type d^enseignemen t__ conse i 1 lé "_et_" Affectât ion" : les deux dernieres_étapes_du_processus_d^orien¬ tation. 105 2.2.4.1. Français et étrangers : des sorts différents Ces deux rubriques sont les dernières étapes du processus d'orientation tel, du moins, qu'il se laisse décrypter dans le dossier d'entrée en sixième. L'une traduit dans les catégories de l'orientation la synthèse du dossier. Elle est rédigée par l'enseignant de la dernière classe fréquentée dans L'ensei¬ gnement primaire, généralement le CM2. L'autre rubrique, com¬ plétée au cours de la réunion de la commission d'admission en classe de sixième, reflet d'un certain usage du dossier, contient soit la décision d'affectation à l'une des filières ou en S.E.S., soit la décision de maintien dans le cycle élé¬ mentaire. Le type d'enseignement conseillé par l'instituteur ou l'institutrice est en quelque sorte la conclusion de ce bilan de la scolarité dans l'enseignement primaire ; la dé¬ cision d'affectation en est la conséquence sur la suite du cursus scolaire. Bien que ces deux rubriques ne soient pas remplies aux mêmes étapes du processus d'orientation, nous avons choisi de les examiner simultanément pour deux raisons : - elles font toutes deux explicitement référence aux possibilités d'orientation ; - on peut faire l'hypothèse d'une étroite liaison entre les propositions de l'instituteur et les décisions de la commission, dans la mesure où il tend à régler ses conseils 106 sur les potentialités effectives d'orientation et ne tente pas d'obtenir des affectations aberrantes eu égard aux normes implicites et explicites qui régissent 1'orientation. La lecture du tableau 13 et l'examen du graphique 16 confirment cette hypothèse. Tableau 13 : Orientations comparées des Français et des étrangers (en pourcentages). I + I] I II Redou¬ blement III S.E.S Etrangers 5 7. 7 56.8 30. 2 23.8 2 7.5 33. 1 . 3 0. 38. 42.6 2. 7 0.4 Français 83. 82. 61 . 8 59.6 21 . 4 22.4 0. 0. 14.6 18. 2. 2 0. Nota Bene : l'affectation est imprimée en caractères droits le type d'enseignement conseillé en italiques. 83% des Français sont proposés pour les filières "normales (I + II) (1) ; 16.8% pour la filière III ; 82% sont affectés en I et II, 18% le sont en III. L'écart entre propositions et affectations, de l'ordre de 1%, est négligeable. (1) Nous avons regroupé les filières I et II parce que l'Ecole ne reconnaît plus officiellement la distinction entre type I et type II, et que ces deux types forment la filière "normale", en opposition a la filière III qui doit recueillir les élèves particulièrement déficients. 107 t Graphe. 16 HISTOGRAMMES d« TYPES ^'ENSEIGNEMENT conseilles eb a?.s affectations pour ' les ELEVES ETRANGERS eb FRANÇAIS (en%) ETRANGERS Type -J. ' (WaP Cqk; < I ffe 35. 3 0.2 27 5 1.37 27 z X IL AC0*«lJc«- ses FRAMCAU 61.8 /S flcc-Uh' c>1* 4-2.6 Vb. rs.x. 0 »+ , 54.6 JJJU -1F-6 22.4- ■JSL- 2,2 ~ ZD IL HU,^C. 7:1 SES O >X Ata'^uUa.% JÎ7 5 c •$ 108 L'affectation est, pour les élèves étrangers, très légè¬ rement défavorable par rapport aux propositions d'orientation les écarts sont de - 6% pour la filière I, de + 5.5% pour la filière II, et de + 4.6% pour la filière III. L'évolution de la distribution sur les histogrammes témoigne du sort spéci¬ fique des étrangers. Pour les Français, les distributions sont en "i", alors que pour les étrangers, on observe le 'passage d'une distribution en "u" pour le "type d'enseignement conseil lé", à une distribution en "j" pour"1'affectation", signi¬ ficative de la diminution de l'orientation en filière I, à l'avantage des filières II et III. Sans infirmer l'hypothèse d'une étroite relation entre propositions d'orientation et affectation, ces observations confirment une fois encore le statut particulier des élèves étrangers. Si environ 82% des Français sont en filière I et II, ce n'est le cas que pour 57% des étrangers ; bien plus, 60% des Français sont orientés vers la filière I, contre 24% seulement des étrangers dont un fort pourcentage - 43% - est relégué en filière III, alors que l'on n'y compte que 18% des Français. Redoublement et orientation vers une Section d'Education Spécialisée (S.E.S., qui relève des filières de "l'enfance handicapée") sont des phénomènes mineurs du processus d'orien¬ tation. Eu égard au nombre très limité de places disponibles 109 et aux conditions de recueil des dossiers, il n'est pas sur¬ prenant que les propositions d'orientation et d'affectation en S.E.S. soient si peu fréquentes. Quant au redoublement, s'il n'est que très rarement proposé pour les élèves étrangers (1.3%), il n'est jamais requis pour les élèves du groupe témoin. Conformément aux directives du Ministère de l'Educa¬ tion (1), et avec plus de rigueur même, du moins pour nos deux échantillons, il n'est jamais accordé. Les voeux des enseignants, aussi bien que les décisions de la commission, ne font que préciser et renforcer les acquis de l'analyse des autres rubriques du dossier et confirment que la position des élèves étrangers est systématiquement défavo¬ rable et inférieure à celle du groupe témoin. Il importe de vérifier si, une fois encore, cette régularité est observable (l)"Les décisions de maintien dans le cycle élémentaire devront garder un caractère exceptionnel : ia scolarité obli¬ gatoire est vne continuité et la diversité des formules péda¬ gogiques du premier cycle a précisément été conçue pour ré¬ pondre à la situation des élèves à l'issue du cycle élémentaire Le passage d'un cycle à un autre ne doit pas entraîner de redoublements plus fréquents que le passage d'une classe à une autre du cycle élémentaire. On ne le décidera pas sans un examen attentif des conséquences que ce retard d'un an aura sur les conditions dans lesquelles l'enfant pourra achever sa sco¬ larité obligatoire. On les limitera donc au maximum en dehors des cas où le maintien dans le cycle élémentaire s'imposera pour des raisons particulières : . élèves du CM2 âgés de douze ans et retardés pour cause de maladie ou en raison de leur nationalité ; . élèves de onze ans d'intelligence normale fréquentant une classe inférieure au CM2 et retardés pour des raisons de santé ou pour des motifs familiaux" (nos italiques). Ministère de l'Education Nationale. Admission en sixiè¬ me. Circulaire du 10 Mars 1972. 110 indépendamment de l'appartenance nationale des étrangers. 2.2.4.2. Les types d'enseignement conseillés et les affectations selon les groupes étrangers. Tableau 14 : Orientation des différents groupes nationaux j'en pourcentages) . Nationa¬ lités Filieres I et II Filière I Filière II Redou¬ blement Filière III S.E.S. 61. S 21. 4 0. 14.6 2. 2 Français 82.0 59.6 22.4 0. 18 0. 30. 2 2 7.5 1 . 3 38. 2. 7 Etrangers 56.8 23.8 33. G. 42.6 0.5 Italiens 72.4 oang (1) 3 3.8 29.4 38 . 7 43. 1 . 6 0. 24. 2 27.4 1 . G 0. Français Musul. 62.7 (2) 40. 6 22. 22. 2 40.7 0. 0. 3 7. 37. 0. 0. 34. 2 1 7.1 2. 8 3 7.1 8. 6 Algériens 54.2 (3) 28.5 25.7 0. 4 5.7 0. 32. 4 1 8. 9 0. 43. 2 5. 4 Tunisiens 51.3 (4) 24 .3 27 . 0. 45.9 2.7 26. 3 21 . 5. 2 4 7.3 0. Portugais 47 .3 (5) 26.3 21. 0. 52.6 0. 1 3.15 34. 2 0. 52. 6 0. Marocains 39 . 4 (6) 10. 5 28.9 0. 60. 5 0. - en italiques : les fréquences relatives au type d'ensei¬ gnement conseillé. - en droit : les fréquences relatives à l'affectation. 111 Si les filières I et II sont regroupées en une même colonne, la hiérarchie des groupes nationaux qui se dégage de la comparaison de leurs affectations réciproques reproduit, avec cependant deux modifications notables, celle qui a été construite en regard des performances moyennes de chacun de ces groupes (cf. tableau 4). Les Français musulmans passent de 4° en 2° position. Avant de s'interroger sur le sens de ces modifications, il convient d'examiner par le détail la position de chaque groupe tant par rapport à l'orientation conseillée que par rapport à la décision d'affectation. - Italiens. Ce groupe se distingue des autres étrangers tout aussi bien par de meilleures propositions d'orientation que par de meil¬ leures affectations. Les distributions sur les histogrammes (graphique 17) des propositions et des décisions d'orientation ne diffèrent que fort peu. Les affectations en filière I sont légèrement inférieures aux aropositions correspondantes ; en revanche, la filière II reçoit un nombre d'affectations supérieur à celui des propositions. - Français musulmans. Leurs histogrammes (graphique 17) révèlent le passage d'une distribution en "u" pour la rubrique "type d'enseignement 112 17 j>h, TUNISIENS Type d'EftStieneiflCfi Cpn.friilg'' &5,.4 ÏS. injustices, les inégalités des chances, qui ne sont que conjoncturelles. 123 La seconde, "l'hypothèse de la sélection différentielle" suppose qu'il est dans la nature de l'Ecole de pourvoir le marché du travail en main d'oeuvre non qualifiée - de même qu'en ouvriers qualifiés, cadres, ingénieurs et savants - et que cette fonction de l'Ecole se traduit pour les élèves étrangers, par rapport aux enfants du prolétariat français, par une procédure particulière d'orientation en classe de sixième. La première hypothèse implique une relation particulière entre les performances et l'orientation : la corrélation performance-orientation ne peut être supérieure,pour les étrangers, à celle qu'on observe pour les Français. En effet après "l'insertion assimilatrice" dans l'école, première "erreur" du système pédagogique, il est "juste" de traiter, au plan de l'orientation, les étrangers comme on traite les Français, i.e. â tout le moins de ne pas survaloriser, dans la décision d'orientation, la part des performances. Les décisions d'orientation seront donc réglées sur les mérites des uns comme sur ceux des autres. Si le "mérite" est compris au sens large, la décision sera réglée sur des indices extérieurs à l'ensemble des performances au sens strict et s'intégrera dans une stra¬ tégie de rattrapage et de compensation (on pourra, par exemple, bien orienter un élève étranger "faible", sous 124 condition que l'appréciation, de ses capacités assure des possibilités de "rattrapage") ; la corrélation performance- orientation sera alors inférieure à celle des Français. Si, par contre, le "mérite" n'est apprécié qu'en regard des seules performances, il sera "juste" que les corréla¬ tions soient identiques pour les deux populations. On pourra donc dire que, contrairement à la pédagogie, le processus d'orientation ne fonctionne pas ici de manière discriminatoire. Les corrélations simples entre les performances et les jugements d'une part, et les affectations d'autre part, paraissent confirmer l'hypothèse mëritocratique stricte : pour les étrangers, ces corrélations sont en effet toutes identiques, à quelques centièmes près, à celles qui sont observées sur les Français. Corrélation : Affeetation/Perfcrinance_ jugement. Lect. Exp Exp Ortho Math Eveil En- Jug. Jug. écr„ orale semble intel.travail Français .66 .57 .53 .59 .60 .41 .68 .62 .47 Etrangers .57 .60 .60 .63 .60 .51 .71 .58 .54 125 Toutefois, la comparaison.révèle, pour les étrangers, une corrélation plus faible de la lecture et plus forte du juge¬ ment sur le travail avec l'affectation. Ces différences tendent à prouver que le mérite est également compris au sens large : accorder plus de poids au jugement sur le tra¬ vail et moins de poids à la performance en lecture, c'est dépasser la performance pour interroger le comportement, la motivation. Mais le caractère limité de ces différences ne permet pas d'affirmer que ce soit là une pratique systéma¬ tique, au contraire. Dans le détail, on constate que, mise à part la note en éveil - matière dont la corrélation avec l'affectation est la plus faible pour les deux groupes et qui est marquée, semble-t-il, d'un statut inférieur dans le processus d'orien tation - c'est la note en lecture qui produit la différence la plus importante entre les corrélations et ce, dans le sen prévu plus haut : alors que de mauvaises prestations en lecture peuvent être "pardonnées" à un élève étranger, elles sont, pour l'élève français, rêdhibitoires. C'est ainsi qu'il faut lire la corrélation plus élevée entre lecture et affectation pour le groupe français. Pour les matières d'expression, l'orthographe, les d'ensemble mathématiques et la nota , les corrélations sont, chez 126 les étrangers, légèrement supérieures. Les corrélations obtenues quant aux jugements (1) ne diffèrent elles aussi que peu entre elles et seraient également interprétables dans le cadre de l'hypothèse du "mérite" (2) et de la prise en considération des particularités des élèves étrangers : les jugements sur les capacités de travail (au contraire des jugements sur l'intelligence) sont d'un poids déterminant dans leur orientation. Parmi les données et les résultats dont il a été fait état jusqu'ici, certains éléments sont de nature à mettre en doute l'hypothèse "méritocratique" : la différence entre l'orientation moyenne des Français et des étrangers est plus marquée que les différences de performances elles- mêmes (1) . En effet, sous l'hypothèse que les deux échan¬ tillons proviennent d'une même population en ne différant que par leur niveau moyen, on peut calculer la variation relative entre ces niveaux en rapportant la différence des moyennes â l'écart-type de l'échantillon français. La moyenne de l'orientation des Français est de 7.44, celle des étran¬ gers est de 5.78 : l'écart-type de l'échantillon français (1) Les quantifications des valences du jugement sur i.l'intelligence et du jugement, sur le travail, ainsi que celle de l'orientation, sont présentées en annexe. (2) C'est toutefois à une acceptation nuancée de cette hypothèse qu'il convient de se référer. La survalorisation du jugement sur le travail n*est-elle pas également i mer- prétable comme un indice d'une orientation différencielle ? 127 est de 2.25 (1). La variation dans l'affectation des élèves français et étrangers est calculée ainsi : d . - 7'44 ~ 5-78 = .74 affectation ^ 25 On obtient, par le même procédé, la variation relative pour chaque performance et pour chacun des jugements : d7 , = .55 d . = .47 d . = .59 lecture expressvon expressvon orale écrite d ' = .59 d. .- = .50 d . 7 = .58 math. eve%l ensemble d. , =.37 d. ,=.35 jugement jugement intelligence travail Ces différences ne s'inscrivent pas dans le modèle d'une liaison homogène (régression linéaire) entre perfor¬ mance et affectation pour deux populations qui n'en forme¬ raient qu'une seule, bien que leurs niveaux moyens soient différents. (1) La quantification de l'orientation est exposée en annexe. 128 La lecture des simples intercorrélations de l'ensemble des éléments du dossier (tableaux 16 et 17) (1) n'apporte pas, par contre, de réponse aussi affirmée que les corrélations entre les performances dans les diverses matières et l'affec¬ tation . a) Le sexe est ici un facteur tout à fait mineur ; sa cor¬ rélation tant avec l'affectation qu'avec chacun des éléments du dossier est toujours très faible, sinon la plus faible. Ceci s'observe pour les deux populations. b) La corrélation de l'âge avec les diverses variables - à l'exception du sexe où elle est presque nulle - est toujours négative : plus l'âge est élevé, plus les performances, les jugements et l'affectation tendent à être mauvais. Les corré¬ lations avec les performances sont plus fortes que les corrélations avec les "évolutions" dans chacune des matières. Toutefois, pour les élèves étrangers, les corrélations avec les performances (.200 à .400) sont nettement plus foibles que pour les Français (.400 à .500). Il en est de même de la corrélation avec l'affectation qui est de". 574 pour les Français et de". 439 pour les étrangers. Ces écarts, dans leur faible ampleur même, attestent que l'âge peut avoir un statut (1) La rubrique "type d'enseignement conseillé" n'a pas été retenue pour l'analyse du processus d'orientation. L'é¬ troite correspondance entre les propositions d'orientation et les décisions d'affectation a conduit à la suppression de cette variable qui est plus une synthèse des éléments du dossier que l'un de ceux-ci ; c'est a ce titre qu'elle est redondante avec l'affectation. Tableau 16 : Matrice des corrélations des variables du dossier d'encrée en sixième♦ Elèves étrangers (n = 225). 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 j 14 15 16 17 18 > 19 1. Sexe .119 .112 .086 .058 .092 .033 .125 . 130 . 163 .056 .040 . 107 .060 .108 .162 .07] .081 .082 2. Affectation .585 .541 .238 .329 .428 .400 .295 .323 .349 7439 .565 .601 .595 .626 .596 .507 .713 3. Jugement Intelligence .522 .179 .378 .346 .312 .435 .277 .398 7312 .453 .551 .486 .488 .564 .399 .599 4. Jugement Travail .301 .389 .351 .405 .462 .449 .491 7223 .4 75 .508 .463 .535 .534 .509 .616 5. Evolution Lecture .477 .411 .485 .386 .533 .585 7171 .331 .275 .212 .238 .124 .191 • .281 6. Evol.Exp.Or. .623 .514 .443 .560 .643 .16 5 .365 .406 .276 .220 .322 .288 .361 7. Evol.Exp.Ec. .608 .461 .543 .559 7204 .344 .373 .449 .360 .3/9 .337 .455 ■ 3. Evol. Ortho. .474 .541 .613 7.4 9 .305 .298 .268 .451 .337 .292 .417 9. Evol. Math. .464 .594 7190 .314 . 308 .276 .389 .523 .306 .461 10. Evol. Eveil .562 7117 .366 .288 .269 .327 .249 .431 .360 11. Evol. Ens. 7202 .403 .415 • ■*> —' tt .353 .434 .365 .4 82 12. Age 7400 7348 7330 7280 7208 7150 7373 13. Note Lect. .720 .692 .558 .519 . 608 .774 14. Exp. orale ! .753 .533 .581 .592 .759 15. Exp. écrite .694 .609 .668 .832 16. Orthographe .571 .520 .797 17. Mathématiques .556 .787 18. Eveil . .731 19. Ensemble Tableau 17 : Matrice des corrélations des variables du dossier d'entrée en sixième. Elèves Français (n = 89). 1. Sexe 2. Affectation 3. Jugement Intelligence 4. Jugement Travail 5. Evolution Lecture 6. Evol. Exp.Or. 7. Evol. Exp.Ec. 8. Evol.Ortho. 9. Evol.Math. 10. Evol.Eveil 11. Evol.Ens. 12. Age 13. Note Lect. 14. Exp. orale 15. Exp. écrite 16. Orthographe 17. Mathématiques 18. Eveil 19. Ensemble .083 3 • 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 ! 17 18 19 j 027 . 109 .146 .139 .013 .321 .160 . 141 .226 .009 .223 7ooi . 106 .216 .035 .162 .230 621 .472 .155 .356 .369 .351 .312 .197 .377 757 ' .657 .571 .532 .593 .600 .402 .677 .641 .287 .381 .428 .383 .422 .338 .564 .4 50 .675 .633 .685 .683 .757 .452 .780 ,372 .437 .375 .487 .426 .309 .509 7283 .585 .483 .561 .538 .542 .389 .674 .482 .520 .469 .521 .393 .518 7021 .310 .266 .277 .276 .208 .053 .266 .481 .447 .595 .481 .590 7118 .258 .550 .369 .361 .399 .265 .432 .550 .548 .442 .620 7l79 .322 .432 .519 .376 .451 .250 .419 .514 .5 V» Jr> v\ on oo a \ à: ^ _c- mathématiques cr^ -a-» SI .S 3- -V -r* -b- *Q „V è: o X) 3 0 X) ^ > o» x> 1 ^ 111 u& N9 O - N \ 0 iN C-> UJ -F- 0'~i ON "-*~1 cvs i_^s — — — — V- ~ ^ \ v \ V x •S zz. *«% l\ * _\ \ \ \ — Y , \ \ \ \ — v _ \ — V \ Y __\ ■— \ \ \ ~~ \ \ n \ * — h\ \ — __ r= © \ \ "V. — \ \ \ — « -X = ^ — " Y — \ \ \ ■— V — *N __ — ZZ N î: \ -A \ \ © ■ \ \ \ __ \ A — \ \ \ \ * ^ V è\- \ÏS \ , \ \ \ \ \ — rz V —\ ^ __\ -*» \ \ \ \ \ — r— —. V— \ •— \ \ \ -—' V, \ \ A \ \ * \ \ * = \~ " \ — s. — Y \ \ \ _,y. —à*. L»^ CJ> ^ > T> T. , r\ co \ ^ o \ 132 Ces quelques observations n'ont pas la même portée que le constat précédemment établi de l'absence de liaison homogène, pour les deux groupes, entre les performances et l'affectation Elles n'infirment ni ne confirment l'hypothèse d'une orien¬ tation différentielle, mais révèlent que la complexité du processus d'orientation ne peut être saisi par le seul examen des corrélations simples. Le recours à des techniques d'ana¬ lyse plus synthétiques est alors nécessaire. 3.2. Nationalité et probabilité_d_|_accès_aux_diffé- rentes sixièmes. 3.2.1. Prééminence des performances et des "évolutions". Le graphe qui représente les deux premiers axes de 1 ' :tna- bis lyse en composantes principales (1) (graphique n 19), syn- (1) L'ana'.vse factorielle permet d'intégrer en une même analyse chaque individu et les variables qui le définissent : la performance et 1'"évolution" dans chacune des matières, les jugements, l'affectation et, en variables supplémentaires, le sexe et l'âge. Les données sont présentées sous la forme d'une matrice qui associe une série de scores à chaque indi¬ vidu (élève). L'analyse opère une réduction de l'information et élabore des graphes qui présentent la projection des points individus et des axes variables sur les axes principaux, i.e. les axes selon lesquels le nuage ainsi formé se disperse le plus. L'analyse factorielle qui a été utilisée est une analyse en composantes principales - ACP - normêe : les valeurs des variables sont transformées en écarts aux moyennes et comptées en unités d'écart-type. La présentation de cette technique et de sa mise en oeuvre est développée en annexe. Pour plus de détails, on peut se ... / . . 133 thétise, confirme et complète, les remarques que l'examen des corrélations avait suscitées. i - Le premier axe,qui est unipolaire, oppose bonnes et mauvaises performances dans les différentes matières. Il révèle que la notation est cohérente en ce sens que le rassemblement des matières en un même point indique qu'elles sont toutes de bons indices d'une même dimen¬ sion : la réussite scolaire. La position des individus sur cet axe est l'équivalent d'une distribution sur une échelle de performances. ii - L'âge est en corrélation négative avec les notes, les jugements, l'affectation et les évolutions. iii - Le deuxième axe oppose l'affectation, les jugements et les notes aux "évolutions" ; cette opposition visualise la faiblesse de la liaison entre ces variables. iiii - Affectation, notes, jugements et évo¬ lutions sont indépendants du. sexe. (suite note page précédente) : référer à : - NOVI (Michel).- Méthodes d'analyse des "données". Technique et critique des composantes principales. Cahiers des Utilisa¬ teurs de Machines à des Fins d'Information et de Documentation. n° 11, juin 1977. 142 p. (publié par l'association CUMFID et l'UER Lettres et Sciences Humaines de Nice). - HERAUX (Pierre), NOVI (Michel).- Une étude factorielle de l'idéologie. Problèmes méthodologiques. Bevue française de Sociologie, avril-juin 1974, p. 217-235. ■134 Graphique (ACP) sur I9bis : And 1'ensemble lyse en Composantes de la population (N Principales = 314) ij O '3 1 O -A O O O O - i —* —* —.t rj r\j ro r\J '0<00(>CD-OWMMWOW x -»o -g h w w w ^ • . o —* -A O —fc oooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooo o> 1 35 Quelques remarques à propos du graphique 19his de la p. 1 34. Il n'a pas été possible en raison des dimensions du graphe de faire imprimer le code qui identifie chacun des élèves ainsi que chacun des éléments du dossier retenu pour l'analyse (les variables). Individus et variables sont représentés par des points. Un chiffre indique le nombre d'individus3 de variables ou d'individus et de variables qui occupent une même position. Le programme d'analyse factorielle en composante s princi¬ pales donne la position de chacun des points individus et va¬ riables sur les axes. Ces informations ainsi que la lecture des graphes de plus grande dimension sur lesquels sont -imprimés les codesj perrriettent d'interpréter le système d'axes. Les variables qui sont toutes positionnées à proximité du centre de gravité (intersection des axes) ont été portées3 pour accroître la lisibilitésur des vecteur s sans que les diffé¬ rentes matièreSy aussi bien, pour les notes que pour les évolu¬ tions y aient été indiquées3 sans que les deux types de jugement aient été distingués. La variable "sexe" n'a pu être représentée : elle occupe le centre de gravité. Dans chacun des cadrants3 un tableau détaille l'affecta¬ tion des élèves Français et des élèves étrangers dans les diffé¬ rentes filières de la classe de sixième. L'affectation n'a pas3 dans cette analyse3 été traitée comme une variable : elle est lue comme une caractéristique de chacun des points-individus. 136 La disposition des variables moins en première approximation,, prêter la présence des individus sur les quadrants permet, au de les définir et d'inter- sur chacun d'eux. - Le quadrant très positif (++) accueille les élèves qui ont de bonnes notes et des "évolutions" quelconques. - Le quadrant positif (+) est celui des notes moyennes et des "évolutions" positives. - Le quadrant négatif (-) comprend les élèves à notes moyennes et à mauvaises "évolutions". - Le quadrant très négatif (--) rassemble les élèves qui obtiennent de mauvaises notes et des "évolutions" moyennes (1) (1) Cette identification tient compte du fait que les "évolutions" ne sont pas sans corrélation avec les performance ni sans corrélation avec les jugements et 1'affectation, mais que ces dernières corrélations sont les plus faibles. 137 .3.2.2. Les effets de la nationalité. Elèves français et étrangers constituent-ils une seule et même population dans la phase du processus d'orientation qui associe des orientations à des performances ? (1) Si l'on émet l'hypothèse qu'il en est ainsi - hypothèse nulle - la probabilité d'obtenir une bonne affectation doit augmenter lorsque la performance augmente,et si étrangers et Français forment une population homogène, il n'y a aucune raison pour que la forme de la liaison performances/probabilités d'affec¬ tation ne soit pas la même au sein de chaque groupe. Il convient toutefois de préciser que le niveau moyen de la population étrangère est a priori inférieur au niveau moyen d groupe français et que l'on doit s'attendre à un décalage ent les deux nuages de points qui les représentent sur le graphe factoriel. \ C++) \ » m Etrangers (1) Le terme ''performances" est compris ici en un sens large ; il désigne les performances en notes, en "évolutions" et en jugements. 138 > Admettons, dans un premier temps, que la différence des moyennes des deux groupes : mF et mE, est seule responsable de la différence des niveaux moyens d'affectation. Rappelons que la probabilité d'accès en filière I est de .58 pour un Français, et de .24 pour un élève étranger (ce qui peut être noté ainsi : P (I/F) = .58 ; et P (I/E) = .24). Il faut alors déduire de l'hypothèse de l'homogénéité - hypothèse nulle - qu'un étranger qui aura de très bonnes notes verra ses chances d'accès en sixième de type ï augmentées dans les mêmes conditions qu'un Français. Il en sera de même pour les autres sixièmes. Bien plus, on pourrait déduire de l'hypo¬ thèse nulle qu'un élève étranger très bien noté (++), en référence au niveau moyen des étrangers, devrait être considéré comme plus méritant qu'un Français très bien noté (++) et donc avoir une probabilité d'accès en type I supérieure à celle d'un Français aussi bien noté. Il n'est pas nécessaire de développer cette déduction ; on va montrer que loin d'être avantagés, les élèves étrangers sont lésés et qu'un même accrois sement de performance n'a pas les mêmes effets sur leur orien¬ tation que sur celle des élèves français. Que choisir comme indice du gain en orientation apporté par de bonnes notes ? La démarche la plus simple est de cal¬ culer et de comparer les pourcentages d'élèves étrangers et 139 français qui, positionnés dans le quadrant (++),sont orientés en sixième de type I ; il s'agit en fait de dégager les esti¬ mations des probabilités conditionnelles : P(I/E++) : probabilité d'accès en type I si l'élève est étranger et dans le quadrant "++" P(I/F++) : probabilité d'accès en type I si l'élève est Français et dans le quadrant Il est possible alors de comparer Lrois couples de proba¬ bilités pour le quadrant i.e. les différences de proba¬ bilités d'accès en type I-II-III (1) : P(I/E++) = .670 P(I/F++) = .875 P(II/E++) = .230 P(II/F++) = .125 P (III/E++) = .100 P(ITI/F++) = .000 L'effet de la nationalité est déjà visible. De très bonnes notes prémunissent davantage un Français qu'un étranger contre une orientation en type II. Les courbes de l'évolution des probabilités d'accès en type I, en type II et en type III par rapport aux quadrants (1) Les pourcentages d'affectation dans les diverses sixiè¬ mes selon la nationalité et le quadrant (tableau 18) sont à lire comme des probabilités conditionnelles d'accès en type I, II et III. 140 Tableau 18 Répartition des élèves français et étran¬ gers par filière et par quadrant (d'après le graphe de l'ACP sur l'ensemble de la population - N = 314). axe 1 Etr angers Français Etrangers Français V g. o n g. "O n g. o n % 6e I 20 67 Z 5 87.5 6e I 2 Z 28.05 1 2 50 6e II 7 23 5 12.5 6e II 5 Z 64.65 9 37.5 6e III Z 10 0 0 6e III 6 7.3 Z 12.5 Total ZO 100% 40 100% Total 82 100% 24 100% Quadrant I (++) Quadrant II (+) axe 2 Etrangers Français Etrangers Français n Q. "O n o, "O n o. 'o n % 6e I 1 2 19.7 5 31.25 6e I 1 1.5 0 0 6e II 11 18. 6 37.5 6e II 2 3.8 1 12.5 6e III Z8 62.3 5 31.25 6e III 50 94.3 7 87 .5 Total 61 100% 1 6 100% Total 5 Z 100% 8 100% Quadrant III (~ \ ) Quadrant IV ( — ) 141 ordonnés selon la succession suivante : --, -, +, ++ (1), permettent de formuler 1"hypothèse que l'orientation en type II ne correspond pas à un mobile identique selon qu'il s'agit des étrangers ou des Français. Les probabilités d'af¬ fectation en type II évoluent en effet différemment selon les populations (graphique n° 20). . Quadrant (++) : On a déjà vu que la différence P(I) - P(II) est beaucoup plus élevée pour les Français (.75) que pour les étrangers (.44). Etre sur ce quadrant garantit deux fois plus un êlëve français qu'un élève étranger contre une orientation en type II. . Quadrant (+) : De bonnes évolutions assorties de notes moyennes semblent prémunir encore les étrangers comme les Français d'une orientation en type III. Mais la différence entre les différences est très nette : P(II) - P(I) = .37 pour les étrangers, contre .125 pour la population témoin ; le type II peut donc être une "bonne" filière pour les élèves étrangers moyens. Du quadrant (++) au quadrant (+), on constate une nette (1^ La régularité de PI (E ou F) en fonction de —/-/+/++ justifie a posteriori le choix de cette échelle. 142 Graphique 20 Pfolxlibà A'auas dite divtGts Slxîiha, Scleu le tâiiokà.Uk'ç t\ le "fy^c- J2 pci'fanfiàACts i\dift$ A.C.P. Air l'cASùub^ d<- U kob^kfioM _ A/s 5'14 ) — ï)okhl?S "1^'u-fes11 __ Inierva'sîc#. ffojkaki/i'fts : /£•/ la sei/kuw .^(x) > (ir) A=^r 0=6*11 o.é'-m: A =Fr<3i\çâi$ 143 interversion (voir la flèche noire sur le graphique) entre le type I (pour ++) et le type II (pour +) comme filière dominante pour les étrangers, alors que, pour les Français, l'interversion a lieu entre - et + (voir la flèche blanche) . Quadrant (-) : Une mauvaise performance interdit les types I et II aussi bien aux étrangers qu'aux Français [P(I/E) - P(II/E) = .02 et P(I/F) - P(II/F) = .06]. Par conséquent, le type III devient la filière de l'échec et accueille une forte proportion d'étrangers [P(III/E) - P (III/F) = .31]. . Quadrant (—) : Les différences entre les deux groupes s'estompent à l'occasion des très mauvaises performances. Français et étrangers ont une aussi forte probabilité d'affectation en type III, la filière de l'échec total. Il se confirme que la nature de la relation entre la performance et l'orientation diffère pour les deux groupes qui ne sauraient, par conséquent, constituer une population homogène face au processus d'orientation. 144 Puisqu'un même seuil de performances ne prémunit pas contre une orientation en sixième de type II selon que l'élève est Français ou étranger, on peut supposer que cette filière (type) a une fonction différente dans la scolarité des uns et des autres. Etant donné que, pour des raisons qui restent à détermi¬ ner, les performances des étrangers ne sont pas "lues" de la même manière que celles des Français, et/ou que la signi¬ fication de la filière II est différente, il est alors justifié de faire des analyses factorielles séparées pour les étrangers et pour les Français. Nous y gagnerons, pour deux raisons, en précision quant aux relations entre les perfor¬ mances et l'orientation : - tout d'abord pour une "raison quantitative" : l'échelle des performances par rapport à laquelle on comparera étrangers et Français sera composée de cinq points au lieu de quatre, dans la mesure où l'on admettra que 1er» deux échelles ( —, -, +, ++) construites à partir des positions des élèves dans les deux systèmes de quadrants seront grossièrement décalées "d'une unité", ainsi que l'indique ce schéma : Français F— F- F+ F++ i I J 1 I > Etrangers E— E- E+ E++ 145 - pour une"raison qualitative" : même si, dans l'ensemble, les notes "prédisent" la filière aussi bien pour les Français que pour les étrangers, il est probable que certaines matières doivent être des prédicteurs spécifiques à chaque population (sinon spécifiques, à tout le moins d'un poids plus fort dans la liaison avec l'affectation). La lecture pour les Français, l'orthographe pour les étrangers,- jouent par exemple ce rôle, comme semblent en témoigner les différences entre les simples corrélations : . corrélation lecture-affectation = .565 (étrangers) et .657 (Français) . corrélation orthographe-affectation = .626 (étrangers) et .593 (Français) Il en résultera que la position des étrangers sur les quadrants et par rapport à l'affectation sera plus exacte, dans la mesure où les variables les plus déterminantes pour les étrangers n'auront pas à subir le "bruit" des Français dans leur tâche de répartition de ces élèves. L'indice de "gain" apporté par la performance dans le processus d'orien¬ tation, se doit ici d'être différentiel puisque les deux groupe sont étudiés séparément. Les probabilités conditionnelles sont rapportées aux niveaux .moyens d'affectation dans les filières, indépendamment de la performance (c'est-à-dire de la position dans un quadrant). Ce gain différentiel est obtenu en sous¬ trayant à la probabilité d'accès à une filière selon le 146 quadrant - P(I/E++) par exemple - la probabilité d'accès à la même filière pour l'ensemble d'un groupe ; on procède ainsi pour les deux populations (1) : P(I/E++) - P(I/E) = d ; P(I/F++) - P(I/F) = d, etc..., et l'on obtient les gains différentiels suivants : Etrangers Type I Type II Type III Quadrant ++ d =■ 28.7 1.8 - 30.5 Quadrant + d = 2. . 29.6 - 31.6 Quadrant - d = - 8.3 - 16.8 25.1 Quadrant — d = - 24.4 - 28.1 52.5 Franç 'ais Type I Type II Type III Quadrant ++ d rj 28.6 - 14.9 - 13.7 Quadrant + d :: 14 .3 - 5.4 - 89. Quadrant - d = - 17.2 11.7 5.5 Quadrant — d = - 52.2 20.2 32. (1) Les tableaux n° 19 et 20 donnent, pour chacun des groupes, la répartition des individus sur chacun des quadrants des graphes des analyses factorielles. Les probabilités d'af¬ fectation (en pourcentages) y sont portées, que ce soit par rapport à la position dans les quadrants ou non. 147 19 Tableau : Répartition des élèves étrangers par'guadrant et par filière (d'après le graphe de , ., . „., .. TTTFp onv loe afran^-rQ - ^partition par filière N « 225) 61 n = 55 H M V£> n = 74 6111 n = 96 N =225 24.4 % 32.9% 42.7% 100 % axe 1 n % QAD % TOT % FIL 6 1 26 53.1 11.6 47.3 6 11 1 7 34 .7 7.6 23. 6 111 6 12.2 2.7 6.3 Total 49 100 % 21.9 • Quadrant I (++) n % QAD % TOI % FIL 6 1 1 0 16.1 4.4 18.2 6 11 10 16.1 4.4 13.5 III 6 42 67.7 18.7 43.8 Total 62 100% 27.5 II III n % QAD % TOT % FIL 1 9 26.4 8.4 34.5 45 62.5 20. 60.8 8 11.1 3.6 8.3 72 100% 32. Quadrant II (+) axe 2 6 IT- r III O Total n 0 2 40 42 % QAD TOT 100% 18.7 % FIL O 2.7 41.7 Quadrant III (-) Quadrant IV ( — ) Dans chaque quadrant : la première colonne indique les effectifs bruts, la seconde, les pourcentages par rapport à l'effectif du quadrant, la troisième, les pourcentages par rapport à l'ensemble de la population, la quatrième colonne, enfin, indique en pourcentages la "représentation" de chacune des filières dans chacun des quadrants. 148 Tableau 20 : Répartition des élèves français par quadrant et par filière (d'après le graphe de l'ACP sur les Répartition par filière • 61 n = 52 611 n = 21 ,111 o n = 16 N — 89 58.4 % 23.6 % 18.0 % 100 % axe 1 n % QAD %T0T % AFF n %QAD %T0T % AFF 6 1 20 87. 22.7 38.5 6 1 24 72.7 27.3 46.2 CTi H H 2 8.7 2.3 9.5 6 11 6 18.2 6.8 28.6 , III 6 1 4.3 1 1 6.2 , III o 3 9.1 3.4 18.8 Total 23 100% 25.8 Total 33 100% 37.1 Quadrant I (++) Quadrant II (+) • axe 2 n %QAD %T0T %AFF n %QAD %T0T % AFF 6 1 7 41.2 7.9 13.5 6 1 1 6.2 1.1 1.9 6 11 6 35.3 6.7 28.6 ,11 6 7 43.8 8. 33.3 , III b 4 23.5 4.5 25. 6HI S 50. 9.1 50. Total 1 7 100% 19.1 Total 1 6 100% 18.0 Quadrant III ( \ -) Quadrant IV ( — ) Dans chaque quadrant : la première colonne indique les effectifs bruts ; la seconde, les pourcentages par rapport à l'effectif du quadrant ; la troisième, les pourcentages par rapport à l'ensemble de la population ; la quatrième colonne, enfin, indique en pourcentages la "représentation" de chacune des filières dans chacun des quadrants. Les courbes d'affectation différentielle des Français, (graphique 21) montrent que la sixième de type II fonctionne à l'égal de III, comme une filière qui accueille les élèves en situation d'échec, le type III ne se distinguant que par l'accueil des élèves aux performances très mauvaises. Les courbes d'affectation différentielle des étrangers (graphique 21) montrent que, dans leur cas, c'est la seule sixième de type III qui reçoit les élèves dotés de mauvaises performances. La différence de probabilité d'accéder à une sixième I et la différence de probabilité d'accéder à une sixième II sont identiques dans chacun des quadrants (-) et ( — ). Mais, pour un élève moyen, situé dans le quadrant (+) , la probabilité d'orientation en type I n'est pas marquée d'un accroissement consécutif â sa position dans ce quadrant ; sa probabilité d'accès en type II est, par contre, fortement accrue (+ 29.6). Inversement, pour un bon élève - situé dans le quadrant(++)- le gain de probabilité d'accéder en type II est nul, alors que le gain de probabilité d'accéder en type I est de 28.7. Si la sixième de type I constitue la filière des bons élèves,.de bonnes notes n'assurent cependant pas un élève étranger contre une affectation en type II. Il faut en conclure que la sixième II est tout à la fois une filière de "repêchage" des élèves moyens et une filière acceptable pour les meilleurs élèves lorsqu'ils sont étrangers. V J 5 0 Granivores .21 Courbas dAfféctahon Différentielle, des EU «.s Francis, Courbes d'Affectation Différentielle des Elèves Etrangers 151 Le graphique n° 22 présente une superposition des deux courbes précédentes. Le décalage exprime la différence du niveau moyen des performances (et, par conséquent, le décalage des centres de gravité de chacun des deux nuages de points-individus que produisent les analyses factorielles de chacun des groupes), Dans un domaine de variation des performances, commun aux élèves étrangers et Français, d'où sont exclues à la fois les très bonnes performances et les très mauvaises, la superposition des courbes établit clairement le statut particulier de la sixième de type II dans le processus d'orientation des élèves étrangers. Si les élèves français en situation d'échec scolaire sont, selon l'ampleur de cet échec, destinés aux classes de sixième de type II et de type III, il n'en est pas ainsi pour les élèves étrangers qui, dans une même situation, sont orientés vers les sixièmes de type III. Pour les étrangers, l'affec¬ tation en type II est, tendanciellement, le sort non seu¬ lement des élèves "moyens", mais aussi des "bons" élèves. Tout se passe comme si être fils ou fille de travailleur immigré était un handicap et que ce handicap n'altérait l'effet des performances sur l'orientation que lorsque celles-ci sont moyennes ou bonnes. 152 Graphique 22 153 Jo 3.3, Des structures causales_nettement_diffërenciëes. Si l'analyse factorielle et la comparaison des probabi¬ lités d'affectation ont permis d'établir le caractère différentiel de l'orientation, il faut poursuivre l'analyse pour en expliquer la dynamique et expliciter le processus selon lequel le "handicap" qu'est, dans ce cadre, la natio¬ nalité étrangère peut peser plus particulièrement sur l'orientation lorsque les performances sont d'un niveau satisfaisant. Les résultats précédents permettent de reformuler avec plus de précision l'hypothèse de la sélection différentielle après l'uniformité des objectifs scolaires et de leur •contrôle, on peut supposer que les performances qui en dérivent vont être l'objet d'une lecture originale qui pourra donner argument à une orientation vers une filière dévalorisée. Or le dossier d'admission en classe de sixième se prête à cette pratique, puisque l'instituteur doit y porter un "jugement" global sur la valeur de l'élève, tant sur le plan du travail que sur celui de l'intelligence. Il est donc possible que les jugements affectent la relation entre les performances "brutes" (les notes dans les diffé¬ rentes matières) et la décision d'orientation et permettent, contrairement à ce que laisserait croire une interprétation superficielle des corrélations du premier ordre, que la 154 nationalité soit parfois lue comme une performance. 3.3.1. Effets inégaux des jugements dans les processus d'orientation. L'identification des quadrants sur lesquels se dispersent les deux populations dans le cadre de l'analyse factorielle, repose sur les notes et les appréciations d'évolution pour chacune des matières (voir 2.3.2.). Les considérations précédentes amènent à introduire les "jugements" à titre de variables intermédiaires entre les "causes" - les notes et l'âge (1) - et "l'effet" - l'affectation - et à tester, par le moyen des calculs de coefficients de corrélation mul¬ tiple (2), le schéma causal suivant (les flèches indiquent des rapports possibles de causalité) : Dans une première approche des intercorrélations entre ces trois variables, nous avons calculé pour chaque population, (1) Les résultats de l'analyse en composantes principales justifient l'élimination des appréciations d'évolution dont la corrélation avec l'affectation est faible comparativement aux corrélations des autres variables. (2)Selon la méthode de Simon-Blalock présentée darc BLALOCK (II. M) (editor) - Causal models in the social sciences. Londres, Macmillan, 1971 -- 515 p. Jugements intelligence travail ->>- Affectation Performance 155 trois coefficients de corrélation multiple : R performance-jugement sur "l'intelligence" j R performance-jugement sur le "travail" ; R performance-affectation. La performance regroupe l'ensemble des notes en lecture, expression orale, expression écrite, orthographe, mathéma¬ tiques et éveil. L'âge y est associé dans la mesure où cette variable est lue comme une performance au même titre que les notes. Il apparaît que : - la corrélation multiple performance-affeetction est légè¬ rement supérieure pour les étrangers : R = .72, contre R = .68 pour les Français ; c'est une confirmation de ce que révélaient les corrélations simples; - la corrélation multiple avec le jugement sur le travail est pratiquement identique pour chacune des populations : .63, contre .61 pour les Français ; - la corrélation multiple avec le jugement sur l'intelligence est beaucoup plus forte pour le groupe témoin français (.804) que pour le groupe étranger (.642) ; so.it, lorsque ces coefficients sont élevés au carré pour apprécier la part de variance des jugements dont les notes rendent compte, 64.2% de variance expliquée par les cinq notes/ matières et l'âge pour les Français, contre seulement 156 41.2% pour les étrangers. La différence est de 23.4%. Ces résultats suggèrent que le jugement sur l'intelligence est l'élément différenciateur entre les structures causales de l'orientation de chacun des groupes : Structure causale du -processus Jugement d'orientation des Français /"Intelligence Performance Affectation Jugement s Travail Performance ^ Affectation- Structure causale du processus d'orientation des étrangers Pour saisir le rôle exact des variables intermédiaires, ix est nécessaire de calculer les coefficients de corrélation entre performance et affectation après élimination de l'effet des variations du jugement sur "l'intelligence", puis de procéder une seconde fois ainsi, en neutralisant l'effet des variations du jugement sur le "travail". On obtient de cette façon des coefficients de corrélation partielle du premier ordre, dont la notation est : Jugement. Travail JC • • i • performance-affectation/jugement sur l 'intelltgence y ^ performance-affectation/jugement sur le travail (1) Il convient ensuite de calculer les coefficients du deuxième ordre pour lesquels les effets des jugements sur l'intelligence et sur le travail sont neutralisés simulta¬ nément y • « • performance-affectation/jugements sur le travail et sur l 'intelligence La performance est successivement, dans chacun des cas, en lecture, la note en expression écrite, expression orale, orthographe et mathématiques, ainsi que l'âge. Il faut alors comparer les corrélations ordinaires aux corrélations partielles correspondantes, par exemple : 3r à r # • Expression-Affectation Expression-Affectation/jugement écrite sur l ' intelligence Si le jugement sur l'intelligence est un intermédiaire causal entre la performance en expression écrite et la déci- (1) Les corrélations simples ou multiples auxquelles nous avons eu recours ne sont, par rapport aux corrélations partielles, que des valeurs "marginales" comme les moyennes le sont elles-mêmes par rapport aux corrélations simples. 158 s.ion d'orientation, alors le .deuxième coefficient doit être inférieur au premier. Si le jugement sur l'intelligence représente le seul lien causal entre performance et orienta¬ tion, alors le coefficient de corrélation partielle doit être nul. Autrement dit : si le coefficient de corrélation par¬ tielle est, par exemple, inférieur au coefficient brut, on conclura que les observations, dans ce cas, ne sont pas Incom¬ patibles avec la définition proposée -dessus de la structure causale de l'orientation des Français. Tableau 21 : L'effet du"jugement sur l'intelligence'.' Comparaison de corrélations "brutes" et partielles, FRANÇAIS ETRANGERS Corrélations partielles Corrélations ''brutes" Corrélations partielles Corrélations "brutes" Expression écrite .29 .57 .41 . 60 Expression orale . 19 .53 .44 .60 Orthogra¬ phe .29 .59 .48 .63 Mathéma¬ tiques .25 .60 .40 .60 Lecture .41 .66 .41 .57 I Eveil .18 .41 .37 .51 Age -.42 -.57 -.33 -.44 4 159 Les résultats du contrôle de l'effet du jugement sur l'in¬ telligence permettent les interprétations suivantes s i - C'est, au principal, pour l'expression écrite, l'ex¬ pression orale, l'orthographe et les mathématiques et, à un degré moindre, pour l'éveil que le jugement sur l'intelligence peut jouer le rôle d'intermédiaire cau¬ sal entre la performance et l'orientation (les pourcen¬ tages d'explication de la variance de l'affectation - que l'on obtient en élevant au carré les coefficients de corrélation - passent approximativement de 33% à 7% pour -i.es Français, et de 37% à 19% pour les étrangers) ; ii - La diminution du coefficient est beaucoup plus limitée dans le cas de la performance en lecture des Français : de faibles performances en lecrure seraient un obs¬ tacle suffisant à l'orientation vers une filière "noble", sans qu'il soit besoin d'invoquer, avec insis¬ tance. des carences dans les capacités intellectuelles; iii - Pour les élèves français, l'âge, performance particu¬ lière, connaît aussi une moindre diminution du coef¬ ficient comme s'il était nécessaire d'être "jeune" pour accéder aux meilleures classes, de sorte que la relation causale : 160 âge—-—>-jugement sur l'intelligence -)>-affectation qui aurait pu les différencier des étrangers (dont l'âge élevé n'est pas nécessairement la conséquence de redouble¬ ments dans l'enseignement primaire) n'est pas confirmée. La répétition des mêmes comparaisons, en contrôlant l'effet du jugement sur le travail, puis l'effet des d;ax jugements à le fois, confirme et précise les schémas causaux. j - Le contrôle de l'effet du jugement sur "le travail" apporte une diminution faible et uniforme de la cor¬ rélation performance-affectation pour les deux popu¬ lations ; jj - Le contrôle simultané des deux variables équivaut, dans le cas du groupe français, au seul contrôle de l'effet du jugement sur "l'intelligence" (c'est ce qu'atteste la comparaison des colonnes encadrées des tableaux 21 et 22). jjj - Pour les étrangers, la neutralisation de l'un ou l'autre des jugements a des effets équivalents ; leur contrôle simultané laisse, par rapport aux Français, environ deux fois plus de pourcentages de variation de l'affectation inexpliquée (dans le HO Tableau 22 : L'effet du "jugement sur le travail" et l'effet, des deux jugements. 'Coripc raison des corrélations Ubiutes" et. parciellas - 1 FRANÇAIS . ETRANGERS Jugement travail Corréla¬ tions "brutes" Jugements travail Intelligence Jugement travail Corrélu¬ ttons "brutes" Jugements travail Intelligence Expression écrite .44 (. 5 7) .28 . 45 (. 60) .34 Expression orale .36 (. 53) .17 .46 (. 60) .38 Ortho¬ graphe .46 (. 59) .28 .47 (.63) .40 Mathéma¬ tiques .46 (. 60) .24 .43 (. 60) .32 Lecture .53 (. 66) .40 .42 (. 5 7) .34 Eveil .28 (.41) .17 .32 | (.51 ) r- CM • Age -.52 (-.5 7) -.42 -.39 (-. 44) — «.33 Pour chaque population, la première colonne rassemble les coefficients de corrélation partielle du premier ordre, la seconde les coefficients de corrélation "brute" et la troisième les coefficients de corrélation partielle du deuxième ordre. 162 cas de l'orthographe, la corrélation partielle du deuxième ordre est de .28 pour les Français, contre .40 pour le groupe étranger ; cela fait respecti¬ ez vement .28 =8% de variance inexpliquée dans un 2 cas, et .40 = 16% dans l'autre). En conséquence et en toute rigueur, on peut représenter la structure causale avec des flèches d'épaisseur variable selon l'intensité de; la causalité comme suit î Français, Performance Jugement iintelligence ■Jugement Travail Affectation Etrangers. Jugement -,/Intelligence^--. Performance A ff cotation Jugement. Travail Mais, jusqu'à présent, nous n'avons pas supposé de lien causal direct entre le jugement sur "l'intelligence" et le jugement sur le "travail" ; nous avons supposé qu'ils dépen¬ daient de la performance et qu'ils pesaient sur l'affectation, indépendamment l'un de l'autre. Or, la corrélation entre le jugement sur "l'intelligence" et le jugement sur le "travail" .641 pour les Français et .522 pour les étrangers - ne peut s'expliquer par leur commune détermination par la perfor¬ mance, selon : Jugement sur "1 'intelligence" Performance Jugement sur le "travail" Avec l'expression écrite, on obtient par exemple, le coef¬ ficient de corrélation partielle suivant : r .495 (Français) Jug. Intelligence-Jug. Travail/Performance ^37 (Etrangers Il en est de même pour toutes les autres performances. Retenons que si, pour les élèves français, il est fait abs¬ traction de la performance, les variations du jugement sur l'intelligence expliquent encore près de 25% (.495 = 25%) des variations du jugement sur le travail. Ces résultats suggèrent un schéma causal, liant les deux jugements, propre aux élèves français : 164 Affectation La validité de ce schéma est confirmée par les corréla¬ tions partielles : - entre la performance et le jugement sur le "travail" : r = .13 (expres- Performance-Jug."Travail"/Jug * "Intelligence" sion écrite), .11 (mathématiques), etc..., alors que ces mêmes coefficients sont de .31, .34, etc... pour les élèves étrangers ; - entre l'affectation et le jugement sur le "travail" : r . = .1? Affectation-Jug."Travail"/Jug."Intelligence" (contre .34 pour les étrangers) ; - entre l'affectation et le jugement sur "l'intelligence" : r- =47 Affectation-Jug. "Intelligence"/Jug."Travail" L'écart entre ces deux derniers coefficients atteste du rôle dissymétrique des deux jugements dans le processus d'orien tation des élèves Français. Performance Jugement "Intelligence" Y Jugement "Travail" 165 Ces constatations permettent de simplifier les schémas causaux des deux populations et, en ne retenant que ce qui les différencie, de définir les structures causales sui¬ vantes : Jugement Français : Performance e*- sur ■->- Affectation l ' "intelligence" Etrangers : Performance >• Affectation X. Jugement ^ sur le ^ "travail" L'élimination du jugement sur 1'"intelligence" du schéma causal des étrangers ne se justifie que par comparaison avec la structure causale de l'orientation des élèves fran¬ çais. La structure causale de 1'orientation des élèves étrangers paraît reposer sur un effet fort et non fallacieux du jugement sv.r le travail, auquel s'adjoint un effet rési¬ duel direct de la performance sur l'affectation. Il reste cependant un effet non négligeable de la performance sur le jugement des capacités intellectuelles et de ce jugement sur l'affectation. .3.3.2. "Capacités" des Français et "Performances" des étrangers. Analyse de dépendance. Quantification et vérification des influences causales. 166 Les raisonnements précédents s'appuient sur l'examen des écarts entre corrélations brutes et corrélations partielles. Ces écarts ont été interprétés en termes de différences de pouvoir explicatif des variations de l'affectation. Pour vérifier et quantifier les résultats précédents, nous disposons de la méthode présentée par R. Boudon (1), sous le nom d'Analyse de dépendance. Dès lors, le modèle causal qu'il convient de tester est du type suivant : 5 Performance 1 ' ->■Affectation 7f4 Jugement Intelligence 2 V ^Jugement■/ travail 3 (1) L'analyse de dépendance : - fournit directement des coefficients -dij- d'influence causale, dont le carré est interprétable comme le pourcentage de variance de j spécifiquement expliqué par i dans l'hypothèse causale ; - permet que soit augmenté à loisir le nombre de variables entrant dans le modèle causal sans le rendre invérifiable ; - est plus "précise" que la méthode des corrélations partiel les (méthode de Simon-Blalock) au sens où, dans le cadre de cette dernière, et contrairement à l'analyse de dépendance, â un même système de coefficients de corrélations partielles correspondent en général plusieurs structures causales entre lesquelles la méthode ne permet pas de trancher. BOUDON (Raymond).- L'analyse mathématique des faits sociaux. Paris, Pion, 1967.- 462 p. 167 Il est appliqué successivement à l'échantillon français et étranger. Les données sont les vingt intercorrélations suivantes : - les dix intercorrë.lations entre les cinq variables de l'échantillon français (1) ; - les dix intercorrélations entre les cinq variables- de l'échantillon étranger (1). La méthode permet d'obtenir seize coefficients d'influence causale (d^) : - Huit pour l'échantillon français : . d 9 = influence causale de la performance sur le jugement sur l'intelligence. . d - = influence ^ausale de la performance sur le jugement sur le travail. . d = influence causale de la performance sur l'affec- 11 tation. . d9/, = influence causale du jugement sur l'intelligence sur l'affectation. . d». = influence causale du jugement, sur le travail sur 1'affectation. . d9~ = influence causale du jugement sur 1 intelligence sur le jugement sur le travail. . drj - influence causale de l'âge sur la performance. „ d... = influence causale de l'âge sur 1 'affect.ation. D 4 (1) La performance (les notes obtenues pour chacune des matières prises tour à tour, à l'exception de l'éveil dont les corrélations avec l'affectation sont les plus faibles), jLe jugement sur l'intelligence, le jugement sur le travail, l'affectation et l'âge. ] 68 - Huit coefficients d'influence causale pour l'échantillon étranger. La comparaison de ces coefficients permettra de constater une éventuelle différence entre les modèles causaux rendant compte du processus d'orientation. Si les différences déjà constatées lors de l'analyse des corrélations partielles étaient confirmées, nous devrions obtenir par exemple : - pour les Français, un coefficient d'influence causale entre la performance et l'affectation : d^^, = 0, et pour les étrangers : d^E ^ 0 ; - pour les Français, un coefficient d'influence causale du "jugement sur l'intelligence" sur l'affectation supérieur à celui des étrangers : ^24e ' - dans le cas du jugement sur le travail et de sa relation à l'affectation : d34p d34p ; - dans le cas de la relation entre jugement sur l'intelli¬ gence et jugement sur le travail : ^23F ^23E " On peut s'attendre, conséquemment aux analyses relatives à la performance en lecture, à une influence particulière de cette performance sur l'affectation des élèves français. L'analyse de dépendance a été appliquée avec, pour indica¬ teurs successifs de la performance : la note en lecture, en expression orale, en expression écrite, en orthographe, et la en mathématiques, note . Les résultats sont présentés sur les graphes de la page suivante. 170 Le graphe de la performance en lecture n'a pas été retenu il déroge, comme prévu, à la régularité qui se dégage des autres schémas causaux. Pour cette seule matière, le coeffi¬ cient d'influence de la performance sur l'affectation - d^^ - est supérieur pour les Français à ce qu'il est pour les étrangers (.19 contre .11). Ce résultat vérifie l'hypothèse précédemment avancée quant au caractère rêdhibitoire, pour les élèves français, d'une mauvaise performance en lecture. La comparaison des coefficients d'irfluence causale obtenu pour chacun des groupes permet d'affirmer : - le caractère régulier et fort de la différence entre les coefficients de l'un et l'autre groupe dans la relation entre performance et affectation, i.e. une influence directe de la performance sur l'affectation des élèves étrangers qui n'est pas observée pour les élève.s français ; - une influence causale nettement plus forte, pour les élèves français, du jugement sur 1'"intelligence" sur le juge ment sur le "travai3." ; on peut en inférer que. contrairement à ce qu'il en est pour les étrangers, le jugement sur le "travail" est pour les Français, dérivé du jugement sur 1'"intelligence" ; - enfin, une .influence causale plus forte chez les F.rançai que chez les étrangers de la performance sur l'appréciation 171 des capacités intellectuelles et de ce jugement sur l'affec¬ tation. Si les schémas causaux relatifs à la performance en mathé¬ matiques, en orthographe, en expression orale et en expression écrite, sont redessinés en ne tenant compte que des diffé¬ rences les plus remarquables entre les coefficients d'influence causale, il est légitime de représenter les structures cau¬ sales comme suit : Français. Performance Affectation Intelligence V Jugement travail / Etrangers. Performance Jugement travail Le schéma causal de l'orientation des élèves français peut 172 être simplifié par la suppression du jugement sur le "travail"', dérivé du jugement sur 11"intelligence". Les schémas élaborés en référence aux coefficients de corrélation partielle sont alors confirmés : Français. Performance Jugement sur "intelligence" ^Affectation Etrangers. Performance Affectation Jugement - sur le "travail" La quantification de la causalité permet, au terme de la comparaison entre les deux groupes, d'affirmer le caractère différentiel du processus d'orientation. Si l'effet de la performance est, dans un cas, médiatisé par l'appréciation des capacités intellectuelles, il n'en va pas de même dans l'autre : la performance d'un élève étranger a, sur l'orientation, tout à la fois un effet direct et un effet qui opère par la médiation du jugement sur le "travail". 3.3.3. L'effet de l'âge l'emporte sur celui de la performance. Pour saisir avec précision la nature d'un processus d'orien¬ tation dont les effets - les probabilités d'accès en sixième de type I et II - et la logique - les structures causales - diffèrent selon qu'il "traite" des élèves français ou étrangers il importe d'examiner enfin avec attention le rôle de l'âge. L'ampleur du retard scolaire des élèves étrangers et les différences de probabilité d'orientation suggèrent que c'est sur l'effet de leur retard qu'ils sont, à performance égale, orientés plus souvent que les élèves français vers une sixième de type II. L'analyse factorielle en composantes principales a montré que la performance dans chacune- des matières peut être consi¬ dérée isolément comme un indicateur pertinent de la réussite scolaire. A cecte étape du cursus scolaire et de l'apprécia¬ tion des performances, les profils de réussite scolaire ne sont pas encore discernables : les élèves ne sont pas bons en mathématiques et mauvais en français, mais "bons", "mauvais" ou "moyens" dans toutes les disciplines. L'analyse de l'effet, de l'âge repose sur la performance en mathématiques, mais des résultats analogues ont été obtenus en prenant tour à tour la performance en orthographe, lecture, expression orale et expression écrite. 174 Reprenons quelques données générales relatives à notre population. . Toutes populations confondues, la corrélation est très nette entre la performance et la filière : I II III (+) 90 63 21 (174) ■ (-) 17 34 88 (139) (1) (313) Une "bonne" performance (+) est supérieure à la médiane de l'ensemble des notes : 11. Une "mauvaise" performance (-) est inférieure ou égale â la médiane. Calculons, à partir de ces données, les probabilités condi¬ tionnelles d'orientation selon que la performance est bonne (+) ou mauvaise (-) : I II III (+) .52 .36 .12 (100; (-) . 12 .25 .63 (ÎOO) Les estimations des probabilités d'orientation condition¬ nelles permettent de tracer, pour l'ensemble de la population, les courbes suivantes s 175 .70. J# & $ . Or, les élèves étrangers ont une réussite scolaire infé¬ rieure à celle du groupe témoin français (voir tableau 3). . On peut donc légitimement s'attendre à ce que les étran¬ gers soient, plus que les Français, orientés en II et en III et, e:i effet, on a la statistique suivante : I II III Etrangers 24.6% (55) 33.0% (74) 42.4% (95) 100% (224) Français 58.4% (52) 24.7% (22) 16.9% (15) 100% (89) Elle permet de dessiner les courbes d'estimation des pro¬ babilités conditionnelles d'orientation : .176 ^ ^ Commentaires. Une telle différence (en particulier sur l'opposition des pentes), qui traduit la variation (positive pour les Français et négative pour les étrangers) de la probabilité d'être plus ou moins bien orienté, semble inexplicable par la seule réfé¬ rence à la différence des niveaux moyens. Une simple statistique montre déjà que l'apparente régu¬ larité de la corrélation indiquée par le tableau et les courbes (1) est le produit, de l'irrégularité. Selon le niveau de performance, la nationalité et la filière, la dis¬ tribution se décompose ainsi : 177 I II III Etrangers E ( + ) 44 48 17 109 Etrangers E(-) 11 27 77 115 I II III Français F(+) 46 15 4 65 Français F(-) 6 7 11 24 Le sort des bons elëves, selon qu'ils sont étrangers ou Français, constitue la différence la plus importante : - s'ils sont "bons" et étrangers : P (X) =_1A = 40% ; P(II) =— — - 44% et la différence entre 109 109 la probabilité d'orientation en filière I et la probabilité d'orientation en filière II n'est que de : 40% - 44% = 4% ; - s'ils sont '"bons" et Français : P (X) 7i% ; p(n) = ----- 23% et la différence entre 65 65 les probabilités d'orientation est alors de : 71% - 23% = 48%. [Remarquons également que, toujours pour de bons élèves, les probabilités d'être orientés vers une sixième de type III 178 sont très différentes selon qu'ils sont étrangers ou Fran¬ çais : P (III/E+) =—— = 16% 109 P(III/F+) =——= 6% seulement] 65 Les élèves étrangers sont don'-, en référence à leur perfor¬ mance en. mathématiques, extrêmement désavantagés. Examinons les courbes (graphique n° 23) qui donnent - par tranche de deux points (de la note en mathématiques) - les probabilités d'accès dans les filières : outre le décalage constant, quelle que soit la note, entre les courbes de la filière I [P(I/E) est toujours inférieure à P(I/F)] et de la filière III [P(III/E) est toujours supérieure à P(III/F)], le décalage entre les deux courbes de la filière II montre bien qu'il farL un écart de 2,5 points sur 20 (c'est un écart considérable, il est de l'ordre de l'écart-type; de la note en mathématiques) pour rétablir les "chances" d'un étranger. Un élève étranger doit avoir plus de 1 4 pour que \ ses chances d'aller en I surpassent celles d'aller en II. Pour un Français, la "barre" n'est qu'à 11.5... Est-ce le fait du retard scolaire, du groupe étranger ? 179 GrapKi^ue .2- 3 Probabilité «'Accès aux trois types de- Gixièrne Etrangers et Français — 4 5 6 7 8 9 io n -te 15 il 14- 15 16 17 1« 1? Etrangers Français I : A A II. 63 □ JjT ; ® 0 J F X ; ppi/its ev la Aar.ceS Sont pF VA. qfâMtS 4'fcti'c ertWes €A typr p/l/tot type u_. ffcprescAfe. i/h (decalaru. 1 et II ■Etranger >1 et II et III Si 2 ans de retard et plus Français—>(0) (I) et III Etranger.—>1 et II et III élève a une mauvaise note : Filières Si Age normal Français- ->-_I_ et (II) (0) Etranger >11 et III Si 1 an de retard» Si 2 ans de retard» et plus -Français.—>11 et III -Etranger *-II et III -Français. ï*0 "Etranger- s^III NoB : Une filière souligné est une filière "privilégiée", une filière entre parenthèses est une filière "secondaire" ; 0 signifie soit qu'aucun cas n'a été relevé, soit que les effectifs sont très faibles. Puisque, pour un élève étranger, un âge "normal" n'équi¬ vaut pas, comme pour un Français, à une bonne performance, tout se passe comme si un "bon" âge était une condition supplémentaire d'accès à une "bonne" classe de sixième. Loin de neutraliser ou de compenser l'effet du retard dans le cursus scolaire, le processus d'orientation des élèves étrangers le prend en compte de façon privilégiée. Il en résulte une orientation massive des élèves étrangers vers les filières les plus dévalorisées. Ce processus opère donc avec des critères qui, loin de se référer exclusivement aux performances scolaires, établissent une confusion entre celles-ci et des caractéristiques liées directement au fait migratoire. * * * 187 4. CONCLUSION. L'indifférenciation des objectifs pédagogiques et du mode d'appréciation des performances met, au regard des normes de l'institution scolaire, les élèves étrangers dans une position qui conduit à leur orientation massive vers les filières les plus dévalorisées du système éducatif. L'éga¬ lité formelle est une forme de discrimination. Il semble que les différences culturelles et les diffé¬ rences de position dans le statut migratoire qui décrivent l'hétérogénéité du groupe étranger soient réinterprétées par l'Ecole comme des différences d'"aptitudes". Mais cette hétérogénéité se dissout dans l'opposition à un groupe témoin d'enfants de travailleurs français. Le processus même de l'orientation est discriminatoire : à performances égales, les probabilités d'accès à une classe de sixième "noble" (type I) sont, compara.tivement à la popu¬ lation témoin, inférieures pour les élèves étrangers. Bien plus, tout se passe comme si être fils ou fille d'immigrés était un handicap qui n'altérait l'effet des per¬ formances sur l'orientation que lorsque celles-ci sont moyennes ou bonnes. Le mécanisme qui permet d'accorder un tel poids à la nationalité repose d'une part sur les diffé¬ rences qui marquent les structures causales de l'orientation des uns et des autres et, d'autre part, sur le fait qu'une 188 bonne orientation ne peut être acquise par un élève étranger que par l'effet combiné de bonnes performances et d'un âge "normal!' Nous.sommes donc face à un processus original dont nous proposons les interprétations suivantes : - E/oquant généralement les difficultés linguistiques de ces élèves et parfois leur origine culturelle, les ensei¬ gnants ne se prononcent souvent qu'avec réserve sur leurs capacités intellectuelles, mais insistent beaucoup - ainsi que nous allons le montrer par la suite - sur leur comportement, non seulement envers le travail scolaire comme le laisse supposer l'intitulé - que nous avons reproduit - de la rubrique du dossier scolaire, mais aussi à l'égard de l'Ecole. - Tout se passe comme si, quand les performances "parlent mal", elles étaient écoutées sans le recours à un interprète et conduisaient automatiquement vers les classes et les filières les plus dévalorisées. Quand elles "parlent moins mal", c'est alors en fonction de l'âge et des appréciations portées sur le comportement que se joue l'orientation. I.'originalité du processus de l'orientation des enfants de travailleurs immigrés est démontrée. L'absence de diffé¬ renciation et dans la définition des objectifs scolaires et 189 dans la mesure des performances, débouche sur une structure discriminatoire de l'orientation. Elle est discriminatoire parce que les éléments qui sont à l'origine de la faiblesse des performances scolaires (diffé¬ rence culturelle, difficultés linguistiques, scolarité incom¬ plète en France, situation migratoire.) devraient conduire à dépasser ce premier niveau - les performances - pour interro¬ ger les capacités (comme c'est le cas pour les Français pour qui le 'jugement sur l'intelligence" est un intermédiaire cau¬ sal entre les performances et la décision d'orientation). Lais ser jouer les performances entre bien dans un processus discri minatoire qui a pour effet d'orienter massivement cette caté¬ gorie d'élèves vers les filières les plus dévalorisées - parce que sans espoir de promotion sociale - du système éducatif. Le processus de l'orientation est discriminatoire, car l'importance du jugement porté sur le comportement de l'élève étranger envers l'Ecole montre qu'un arKitraire particulier sous-tend son orientation. A performances égales dans leur médiocrité, c'est l'adéquation entre le comportement "général" de l'élève et les attentes du pédagogue et de l'institution qui définira si le candidat est digne eu non d'accéder à un ordre d'enseignement "noble". Ce sont, au principal, des con¬ ditions de comportement et non de performance ou de capacité qui définissent si un élève étranger est susceptible ou non de bénéficier d'une bonne orientation. 190 Le traitement "formel" des enfants de travailleurs immi¬ grés par l'institution scolaire, n'est qu'un des aspects de leur scolarité ; il se développe sur la base d'une insertion plus ou moins difficile selon les groupes nationaux, dans l'univers scolaire. Les formes de cette insertion ainsi que les aspects "non formels" de la scolarité sont analysés dans le tome 2. 191 Liste des ouvrages cités ABOU SADA (G.), GALLOO (F.), JACOB (R.), TRICART (J.P.) La condition de la deuxième génération des immigrés. Rapport de Recherche - CRESGE. Lille, 1976, 159 p. BAUDELOT (C.), ESTABLET (R.) L'Ecole capitaliste en France. Paris : Ed. Maspêro (Coll. Cahiers Libres 213-214)", 1971, 340 p. L'Ecole primaire divise... Paris : Ed. Maspéro, 1975, 119 p. BLACOCK (H.M.) Ed. Causal modeZs in the social sciences. London : MacMillan, 1971, 515 p. BOUDON (R.) L'analyse mathëmatiaue des faits sociaux. Paris : Pion, 1967, 462 p. L'inégalité des chances. Paris : A. Colin, 1973, 237 p. BOURDIEU (P.), PASSERON (J.C.) La reproduction. Paris : Ei. de Minuit, 1970, 279 p. Les héritiers. Paris : Ed. de Minuit, 1964, 179 p. CHAZALETTE (A.) La deuxième génération d'immigrants dans la région Rhône- Alpes ^Jeunes Algériens et Portugais). Groupe de Sociologie Urbaine. Lyon, 1977, 148 p. C.R.E.D.l'.F. "Scolarisation des enfants étrangers". Enseignement public. France métropolitaine. Statistiques 1976/1977. Décembre 1977, n° 34 . 192 DANNEQUIN (C.), HARDY (H.), PLATONE (F.) "Le concept de handicap linguistique : Examen critique". In C.R.E.S.A.S. n° 12, 1975. I.N.R.D.P. Paris. EHRLICH (S.), FLAMENT (C.) Précis de statistique. Paris : P.U.F. Coll. SUP. 1970, 218 p. HERAUX (P.), NOVI (M.) Une étude factorielle de l'idéologie. Problèmes méthodolo¬ giques. Revue Française de Sociologie, Avril-Juin 1974. LAWLER (J.) 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