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''Vut-t^u-o . crû) 'Ae^j^uv/UXe^C Tca^h y*ijuJ!Jb Et je me demandais si j'avais perdu mon bon sens, ma sensibilité, mon sang-froid naturels. Je ne le croyais pas, car je me rendais compte que depuis l'annonce du meur¬ tre, j'avais agi, presque toujours, avec cette lucidité sin¬ gulière et ce détachement qui, dans les circonstances graves, s'emparent de moi. « Il faut donc, me disais-je, que j'aie été poussé par une force obscure, car, après le premier mouvement fatal, je n'ai pas eu un mouvement contraire. La peur, la regret, le remords ne m'ont pas, une seule fois, conseillé de livrer l'assassin... » Et je cherchais la nature de cette force dont la, poussée continuait à me mouvoir. Je m'efforçais de raisonner. « Lorsque j'ai découvert cet homme, qu'ai-je éprouvé? Un saisissement : la surprise qu'il ne fût pas tel que je l'imaginais : ce colporteur. J'ai douté aussitôt du meur¬ tre; il me paraissait impossible. « Ou bien, pensais-je, cet homme n'a pas tué CJodius, ou bien il - l'a tué pour une raison inexplicable. » Crime absurde à tel point que j'y flairais un mystère, et par conséquent un danger plus terrible encore, peut-être, que l'assassinat de Clodius. Cet assassinat n'était-il pas accidentel ? J'inclinais à le croire. Mais alors avec quel dessein cet homme, igno¬ rant du pays, était-il arrivé, en pleine nuit, sur les Bas¬ ses-Terres ? Il n'y pouvait chercher Farfaille, Genevet, Alibert seuls habitants, sauf Clodius, de ce quartier sau¬ vage. Sauf Clodius, et moi. Car moi aussi, après tout je pouvais entrer dans son jeu terrible. Mais pourquoi m'eût-il recherché ? Je n'arrivais pas à le comprendre.. Cet homme, qui était armé (et par conséquent prêt au meurtre), ne pouvait pas en vouloir à ma vie; car, sauf Clodius, je ne me connaissais pas un seul ennemi au monde... Cependant une obscure inquiétude m'agitait. Je devi¬ nais chez cet hôte inconnu une inexplicable malveillance, qui ne cherchait qu'une occasion propice pour se préci¬ ser, prendre corps et se déchaîner, dans cette maison encore calme. Cette occasion, il fallait éviter de la lui offrir. La moindre question pouvait la faire naître. J'étais bien décidé à n'en poser aucune; et, s'il m'interrogeait, à esquiver les réponses nettes. S'il conservait l'anonymat, ne devais-je pâs l'imiter ; et s'il levait ce voile, n'avais-je: 233 pas tout avantage à rester inconnu ? Je comprenais Mei^ qu'à la longue cela me serait difficile ; et je souhaitais que mon hôte n'abusât pas trop longtemps de mon refuge. Car je craignais qu'il s'y attardât au delà de sa guérison. Ca blessure était bénigne, et il devait, me semblait-il, être capable de marcher convenablement, dans deux ou trois jours. Mais alors comment partirait-il ? Je nrarrivais pas à l'imaginer; "càr je ne voyais que peu d'issues à son aventure. Il pouvait se livrer à l'énigmati- que M. Rambout qui attendait à l'auberge du village; il pouvait s'enfuir nuitamment et à tout jamais disparaître; il pouvait se tuer. S'il se livrait, parlerait-il de son séjour à Théotime? Je ne le croyais pas, mais en fait je n'étais sûr de rien : tout en cet homme sentait le mystère. S'il s'enfuyait sans laisser de traces, un soupçon affreux pèserait sur moi, pendant tout le reste de ma vie. Pour- rais-je le supporter ? S'il se tuait... Mais, pensais-je, il n'a pas l'intention de se tuer. Il est venu ici avec un dessein passionné, et tant qu'il ne l'aura pas accompli, il restera, et bien vivant, prêt à tuer çocore, peut-être- Ainsi je raisonnais avec une lucidité et une sécheresse d'âme qui m'apparurent tout à coup et me furent cruelles, tellement que je ne pus supporter le silence de ma cham¬ bre. Je m'habillai et je sortis de la maison. Mais le calme de la nuit ne put me pénétrer. J'errai un moment soqs, les arbres, dont le charme et la puissance paternelle, aux¬ quels j'étais généralement si sensible, ne réussirent pas à apaiser cette stérile agitation de l'esprit. Car ma raison- (qui fonctionne à peu près comme celle de tous les hom¬ mes) ne me livre jamais que des connaissances stériles. Il me faut le contact chaud de l'âme elle-même pour me donner, à défaut d'une certitude, quelques-uns de ces doutes actifs qui vous mettent du moins en communi¬ cation avec le frémissement de la vie obscure. Cependant ce n'est que fort tard dans la nuit que je me résolus à affronter, une fois encore, mon hôte. Malgré ma vive répugnance je cédai au désir (et peut-être à la crainte latente) de tirer quelques clartés de cette ren¬ contre. Une fois décidé, je montai rapidement au grenier, mais sans faire de bruit. A mon insu d'ailleurs, car je me, Surpris à gravir les marches sur la pointe des pied^. 234 pins doute errait-il en moi Je ne sais quel besoin d'être furtif, ou peut-être l'espoir inavoué de surgir devant l'inconnu, à l'improviste. L'idée bizarre me hantait qu'il ne fallait pas troubler le silence, car, dans le silence, cet homme n'existait plus. Le moindre bruit le recréerait fata¬ lement; et j'avais peur de son existence. J'entrai dans la pièce et je constatai aussitôt qu'on avait tiré les rideaux de l'alcôve. Ils se joignaient si exactement qu'il était impossible de voir si quelqu'un reposait sur le lit. Mais cette précaution trahissait une jirésepce. Je restai un moment immobile, la lampe à la main au milieu du grenier; et j'entendis une respiration régulière. «'Il dort », pensai-je. Je m'avançai vers le lit, à pas de Joup. P dqrmait en effet. il était allongé sur la courte-pointe et avait dénoué sa cravate et le col de sa chemise. Sa veste était pendue au bois du lit, près de la tête; êt à son poignet droit était lacé un petit bracèlet de cuir. Au-dessus se gonflait, un avant-bras large, musclé, où le sarig bleuissait une grande' veine. Il dormait sans agitation, avec une sorte de mépris, comme si, sûr de lui et de sa grande force, il eût dédai¬ gné le danger d'une surprise. Sa respiration cependant paraissait douce pour la largeur de sa poitrine et, malgré son menton massif, on était frappé surtout par la finesse ide ses lèvres. Elles étaient closes, serrées, sous une petite moustache rousse, taillée très court. La face un peu pâle, collait à de grands os qui faisaient saillir les pommettes, et des sourcils larges et fauves donnaient à tout le haijt du visage une expression d'orgueil et d'audace. Cette face, ce corps m'inspiraient une sourde colère que je sentais monter de mon cœur à ma tête avec un mélange de joie et d'inquiétude. Je comprenais que cet homme me faisait peur, peut-être parce que le spec¬ tacle de sa force physique m'écrasait, peut-être aussi parce que je le devinais hostile. Ma joie naissait du senti¬ ment obscur de cette hostilité, car elle justifiait l'antipathie dure, sournoise, qui avait_animé mon cœur spontanément, dès que je l'avais vu, dès qu'il m'avait parlé. C'était la peur gui soulevait en moi une colère contenue, ét d'autant plus 235 vive, dont l'amertume coulait déjà dans mon sang si- prompt à s'assombrir. Je le sentais qui s'échauffait rapi¬ dement et de là provenait ma bizarre inquiétude, comme si, du plus profond de moi-même, une forme encore bien, vague se fût. détachée, qui me donnait le sentiment d'une intrusion. Quelqu'un semblait s'être glissé dans les parties basses et peu connues de mon âme, et, à travers l'obscu¬ rité qui y régnait encore, il cherchait en tâtonnant à arriver jusqu'à moi, déjà troublé par son approche silen¬ cieuse. Peu à peu j'étais pris par le besoin étrange de m'approcher, moi aussi, de la figure du dormeur; mais je ne bougeais pas; je résistai avec une horreur grandis¬ sante, à mesure que j'y voyais plus clair, en moi. J'avais écarté un rideau, et ma lampe, que je tenais toujours, éclairait toute l'alcôve. On y voyait, au fond, la tapisserie brune, avec ses deux colombes fanées et au milieu le grand cœur percé d'uné croix. Ces figures nobles et calmes apparaissaient à peine sur l'étoffe, tant elles étaient vieilles : mais de l'effacement de leurs contours le peu qui subsistait n'en prenait qu'une apparence plus étrange. C'était comme l'âme des formes et il en émanait un sens si mystérieux que je fus troublé. Je ne compre¬ nais pas ce sens, inscrit pourtant dans des figures fami¬ lières; mais je sentais qu'il y était, et j'étais étonné de le voir apparaître, cette nuit-là, à l'improviste, après tant d'années d'inutiles contemplations. Quand mes yeux retombèrent sur l'homme, je compris avec épouvante de quel démon cauteleux j'avais été tenté. L'homme dormait toujours, et avec autant d'absurde hau¬ teur. Il donnait envie de le tuer. Je me retirai avec beaucoup de précautions et je réussis, à quitter la pièce sans l'avoir éveillé de son sommeil inso¬ lent, car j'ai, quand je le veux, le pas léger. Jamais jusqu'alors ma vie ne m'avait amené à faire de ma volonté un usage violent. J'en ignorais la puissance et l'étendue. Je n'avais aucune raison de la croire forte; car si je cache avec beaucoup de soin mes sentiments, c'est plutôt par goût naturel ou par impuissance que de propos délibéré. Mais toujours j'ai perçu, compris, délesté 236 4iies faiblesses; et si je suis incapable de les vaincre, dp moins je les connais. En face de cet inconnu dont la présence menaçait des biens qui m'étaient chers, je ne savais donc pas jusqu'où pouvaient brusquement m'en- traîner les mouvements si passionnés qui parfois trou¬ blent l'équilibre de mon âme. Par contre je savais quel empire sur moi peut prendre une idée fixe. Je résolus donc d'écarter tout de suite celle qui déjà commençait à fasciner mon attention. Pour en détacher mon esprit, je décidai d'accompagner, dès le matin, les Alibert dans leur tournée à La Jassine. Mais ce n'était là qu'un expédient: il fallait faire plus. « Si tu hais cet homme, pensai-je (et tu le hais), pour couper court aux suggestions de cette haine, tu vas te dévouer de toutes tes forces à son salut. Agis comme si tu l'aimais. Montre-lui l'aipitié la plus active. Sauve-le. » Je comprenais pourtant les difficultés de cette nou¬ velle conduite. Haïssant, en secret, cet homme je ne pour¬ rais pas lui offrir une amitié quelconque; je serais entraîné fatalement à dépasser les bornes, et tous mes mouvements deviendraient excessifs. Peut-être en serait-il choqué. Et (sentiment étrange) l'idée de le choquer par un excès, de zèle me faisait frémir de colère et de honte. Je tenais à traiter d'égal à égal avec cet inconnu qui avait l'air Mqrthe, qui prépare tous mes repas, sait que je suis. f 237 tjrès sobre. Aussi m'étai t-il difficile de prélever de quoi; nourrir mon hôte sur ma faible pitance; et je n'avais aucune raison valable de la faire augmenter. C'eût été provoquer de l'étonnement, et peut-être un soupçon. Je fouillai dans les placards de Théotime; mais, sauf de petits « ingrédients comme le café et le sucre, je ne trouvai rien. Je m'en allai à l'Aliberte. A l'Aliberte il n'y avait personne. Je poussai la porte, entrai dans la cuisine, ouvris la huche, pris un demi- pain et quelques poignées de haricots secs que je fourrai dans mes poches. Puis je sortis. Je ne rencontrai personne à mon retour. Arrivé à Théo¬ time, je fermai la porte à élef, allumai du feu, et mis les légumes à cuire. «Ils'sont occupés à La Jassine, pen- sais-je, je ne risque rien. » En effet personne ne vint me troubler. A neuf heures, le repas étant prêt, je le montai dans le grenier où je ne trouvai personne. Les rideaux (Je l'alcôve étaient ouverts; mais sur le lit, dont les mate¬ las affaissés portaient la marque d'un corps lourd, mon hôte avait, laissé un livre : une « Flore des îles d'Hyères ». Je le tiens toujours sur ma table. Je m'aperçus aussi qu'il avait déniché une lampe que je garde en réserve dans un bahut. J'en fus extrêmement contrarié. Aussi raflai-jé tous les papiers qui traînaient sur la table (sim¬ ples notes de botanique) et je les mis sous clef. A dessein je fis du. bruit, mais l'homme ne se montra pas. En m'en «liant, je fis battre la porte, puis je m'arrêtai, sur le palier. Au bout d'un moment on poussa le lit avec précaution et on entra. L'homme découvrait le repas, et tirait une chaise. J'entendis un bruit de couverts, à peine percep¬ tible, et le choc du goulot de la bouteille contre le verre. L'homme soupira à deux reprises, puis murmura. Après je n'entendis plus rien, et je me retirai sur la pointe des piprU " *•—N Je découvris le vieil Alibert dans un champ, loin du mas. Le, mas, je l'évitai. Sans doute Marthe et Françoise- y travaillaient-elles déjà, aidées par Jean. Je tombai par hasard, dans un terrain caché. C'était un grand quadrilatère nu, entièrement bordé d'une haute- futaie de pins et de chênes. Ces arbres noirs se dres¬ saient sur les quatre côtés du champ, comme qne muraille- 238 ) Révère, à l'abri de quoi s'étendait cet espace roux, semé, içie galets ronds, où se tordaient de maigres touffes de thym et d'aspic, il n'y poussait rien. Je n'étais jamais venu là; mais je savais, par ouï-dire, qu'il existait, sur le territoire tîe La Jassine, un quartier appelé « Vieille- •yille». De mémoire d'homme on n'y avait jamais rien récolté. Même les anciens Clodius, plus soigneux de leur bien que mon cousin, n'y semaient pas. Un troupeau y broutait de temps à autre, mais en passant, car l'herbe y est rare, et, après quelques coups de dents, le peu qui verdissait sous les cailloux était tondu. Des tessons de tuiles, de cruches, jonchaient le sol et, vers le Nord, d'un monticule de gravats couvert de chiendent et de parié¬ taire, surgissait encore le dos d'un gros mû? dont la base restait ensevelie. Par derrière, au-dessus de la futaie, montaient une dizaine de grands pins-paraspls, plus hauts que des mai¬ sons, et qui étonnaient en ce lieu. Il n'existe pas un seul arbre de cette espèce dans toute la région de Pierelou- bes. Il fallait bien par conséquent que quelqu'un les y pût plantés. Mais personne ne savait qui, ni quand; et, bien que le bois fût très giboyeux, on n'y allait guère. Il avait mauvaise réputation. Naturellement les gens du pays, depuis bien des années, se moquaient de ces craintes d'un autre âge; mais, sauf quelques gaillards qui tenaient à s'assurer de leur bra¬ voure, les bergers, les chasseurs et les amateurs de cham¬ pignons, évitaient ce bois isolé. Là perdreaux, lièvres, écureuils, ramiers (et disait-on aussi quelques oiseaux étranges), vivaient insouciants, même en automne, quand crépitent partout ailleurs les coups de feu, dans un état de sauvage innocence où ils se multipliaient. J'atteignis le champ par le Sud et j'en découvris brus¬ quement toute l'étendue, jusqu'à ce bois qui le barrait à l'autre bout. Il était à peu près neuf heures et le sol frais luisait encore faiblement. Tout se taisait, même le bois, en face. Le soleil déjà haut l'atteignant de côté détachait de; son ombre des masses rondes de feuillages qui se doraient; mais les profondeurs restaient impénétrables. J'âperçus le vieil Alibert non loin de moi. Il ne m'avait pas entendu venir. Comme moi, il s'était arrêté sur le. §39 jjmrd du champ et le regardait. J'évitai d'attirer son atteii ition afin de l'observer, pendant un moment, à mon aise. J'étais assez près de lui pour bien le voir, et son attitude m'avait frappé. Il ne bougeait pas. Il tenait un caillou, posé à plat dans sa main droite, qu'il soulevait très dou¬ cement comme pour soupeser et, le cou tendu en avant, d'un air d'extrême méfiance, il examinait l'immense friche. Pas plus que lui l'immense friche ne bougeait et il s'en élevait une telle impression de paix et de solitude que le vieil Alibert lui-même, pourtant si dur aux terres sauvages, semblait frappé d'un respect religieux. Il s'ap¬ puyait sur une bêche et l'on voyait qu'il avait essayé de l'enfoncer dans ce sol ingrat. Mais il l'avait à peine égra- tigné. Devant cette étendue noble et stérile, "il marquait quelque inquiétude. Pas un seul épi n'y levait. Cependant il était visible que là jadis étaient venus des hommes, pour tracer au cordeau les bords de cet immense quadri¬ latère, où rien ne poussait. Car, malgré l'abandon du lieu le bois ni la broussaille ne l'avaient envahi, au cours des années. Longtemps le vieil Alibert, immobile, contempla ce terrain inutilisable, puis il mit le caillou dans sa poche, souleva sa bêche et repartit par où il était venu/sans me, voir. Alors j'entrai moi-même dans le champ et me dirigeai vers le bois de pins. A mesure que j'en approchais il m'arrivait un bruit de vols et de ramages. Des milliers d'oiseaux habitaient le bois. Le soleil déjà haut l'avait chauffé et les nids com¬ mençaient à tiédir, cependant que les pins distillaient leur résine amère. Quand je fus arrivé à cent mètres du bois, tous les oiseaux se turent. Ils m'avaient vu et j'en éprouvai une vive émotion. J'entrai néanmoins sous le couvert des arbres. La lisière était défendue par une impénétrable futaie de houx épineux. Mais je découvris un couloir. A l'intérieur s'étendaient de vâstès clairières jonchées de ramilles flexibles. Les arbres étaient vieux et grands et d'en haut descendait une très douce lumière qui faisait fermenter le sol. Il sentait la résine et le champignon. Un sentier s'enfonçait dans le sous-bois où l'épaisseur de la végétation créait des profondeurs plus sombres, des retraites à peu près inaccessibles. Le silence. 240 % J\feJ^r£t} oU ÙJJLÂTul M.- jf<çtwvv> N Cr^&AM^y^p I :— L(VM ^ WVt>^ /N/cverw^f 10 î* Xou |>M, S- , f^AA". ca ) fi. £5MaaAA/- fJL/ » <4 'Lw^ ?\. S s 1 Xk — *JUmuc*\; ^ & kv. de. "~^6A^ AÂXe/v'r—^ A ^ L L •nruipo U^ACb £Stl/V-t pza^i^ j, oW ^ux{ ^JL^tM _ A>^a JUvcouXC ••. 4-Ô/MX > CLLÂJÏ^A» JM-* jbu-'le.-VvUut ^ cU-> ttiu^h. 4>> (JL% <™r ^ &)> ( A^ÎYVv^/^ , CA JV iV. 'fc|^»v. „ 4/VI"' •VU^S. ihia" edL2\i±M^ d^s — ^-éùJjjijL &< ^a4~ ^ ■t^-£tA«.4. % Crtdt-iuzfc} fr^uy, 1ic^i -J - 'li t-e-Cfc <~U^ C£AJA-^ y\ d> ^ -,|a>'--<--\-<- i k -, ; o#nA> |du cssJ^A t ||pl J . u O-a/j j «Cjvh/vm d^ p-^O -^- ~ cdU ^WV6-» 4"\Ul^ • t^1'w-|- -m/VU^ , -EjJL?-^ JUILLET" SU cX^-A Ï>V - '^-i ^U. "yVMTv-^^H ^ r A^Àsl ( A>a*X AVU j*- K «T~ «Ai> ^x«suAxS> - A-\ .--j-r th-C**> Jlc^y %h U^tÛt^S O *A ÂJ! '4 \f\\vh s ^ u^A.3m . ^ uA . C/v^ r as#3 r Vt^u 'VtMXS ; ci. 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