Michel ORIOL I.D.E.R.I.C. Université de Nice Contribution au Colloque de l'AFA "Vers des sociétés pluriculturelles : études comparatives et situations en France" DIALECTIQUES INTERCULTURELLES' DANS LES GROUPES RESTREINTS 1) Les lacunes théoriques dans l'approche des groupes restreints, ou ia dénégation du dialogue interculturel. On peut situer les analyses théoriques du "groupe res¬ treint" , développées à partir des années 50, entre deux pôles : a) ou bien on met l'accent sur les processus symboliques, qu'on rapporte exclusivement à la production mentale individuel¬ le (Anzieu, Kaës), de telle sorte que l'expression culturelle- ment marquée, au sein du groupe, ne peut être interprétée que comme une défense du moi. b) ou bien on souligne l'impossibilité de faire échapper le groupe restreint aux causalités macro-sociales (Bourdieu), et on conteste radicalement le fait que les dynamiques qui s'y déroulent puissent avoir la moindre valeur heuristique en ce qui concerne l'interprétation des sociétés globales ou des groupes < étendus. A ces points de vue opposés, mais pareillement réducteurs on objectera, pour fonder la pertinence de l'analyse de la re¬ lation interculturelle dans le cadre du groupe restreint : a) que le statut de l'appartenance culturelle est celui d'une structure symbolique d'ordre collectif, ce qui implique 099 0000186 ov* XDtRI-C^ BIILIOTHEGUE DE L'UNIVERSITE SECTION LETTRES 10». Bé Harriot OB200 - NICi C.ïHoS £.3 l'autonomie relative de 1'interculturel par rapport à 1'inter¬ individuel . b) qu'il ne s'agit pas, de ce fait, dans une première lecture, de comprendre comment des cultures distinctes provo¬ quent des comportements différents et des rapports plus ou moins harmonieux ou conflictuels au sein des groupes, mais de déchiffrer les usages stratégiques que font les membres d'un groupe des ressources symboliques qui tiennent à leur identité culturelle. c) que ces usages ne doivent pas, bien entendu, être considérés comme le mode exclusif de toute interaction, mais être situés par rapport à des stratégies interpersonnelles et institutionnelles. (en termes de fréquence respective, d'arti¬ culation "syntaxique", d'importance relative en termes d'inves¬ tissement) . Méthodologie : a) Le protocole d'organisation. Les conditions optimales de composition du groupe (si possible également partagé entre différentes appartenances culturelles) et de son "reflet" chez les moniteurs ne sont pas aisées à réaliser. Mais l'expérience montre que toute situation interculturelle déclenche des réactions significatives. (Il ne s'agit pas, de toute façon, de formaliser un recueil de façon rigoureuse). Elle montre aussi que la motivation des sujets à la participation aux échanges (verbaux ou non) est plus facile à déclencher que dans la plupart des expériences de groupe de discussion. - Chaque participant doit être libre d'utiliser quand il veut la langue de son choix. Les moniteurs doivent combiner dans les interprétations qu'ils proposent au groupe, les différents registres d'interprétation 3. (interpersonnel, institutionnel, interculturel), ceci tendant à contribuer à la prise de conscience progressive de la rela¬ tivité du niveau des catégorisations que chacun opère. b) Le protocole d'analyse. Il tend à articuler : - une analyse thématique, d'ordre à la fois paradig- matique et séquentielle. - une analyse des systèmes de rôle. Il met ainsi en rapport la forme du groupe (leadership, clivage conflictuel, marginalisations) et ses contenus thématiques mobilisés. Cette mise en relations comporte un intérêt heuristique en vue de l'analyse des relations interculturelles (Elle suggère un mo¬ dèle où les rapports formels de domination, d'échange, de ques¬ tionnement,... sont toujours considérés comme liés par des su¬ jets socialement situés à des ressources symboliques plus ou moins aisément disponibles). 3) Etude d'un protocole. Il s'agit d'un protocole relatif à un groupe restreint composé d'étudiants français et marocains, auxquels s'étaient joints quelques membres de nationalité diverse. L'aspect le plus "dramatique" qu'il rapporte consiste dans un renversement d'un rapport dominant-dominé, à partir du moment où les participants marocains mobilisent une ressource culturelle (le chant poétique de registre "populaire") dont les Français se trouvent dépourvus. L'analyse de ce processus s'articule avec divers autres registres d'expressions et de pratiques - des compétitions interindividuelles en vue du leader¬ ship . - des questionnements réciproques sur la légitimité des relations interpersonnelles dans les différents groupes cultu¬ rels . 4. Cette analyse suggérera un certain nombre de remarques tendant à confirmer la valeur heuristique de telles expérien¬ ces : - en tant qu'elles invitent à considérer la relation culturelle comme une production symbolique socialement située (et non comme une résultante de l'interaction entre traits "hérités") - en tant qu'elles amènent à sortir du formalisme des théories factorielles de l'ethnicitê pour prendre en compte le problème des contenus culturels, spécifiques pour chaque groupe. - en tant qu'elles permettent d'articuler les analyses interactionnelles développées par les théoriciens de "1'indivi¬ dualisme moderne" avec la reconnaissance du statut collectif des symbolismes fondant les appartenances. Protocole (réduit) des trois premières séances d'un groupe (interculturel) de discussion (comportant 9 séances en tout) Participants : 13 étudiants en sociologie (Université de Nice) niveaux (2e année, licence, maîtrise) 3 Marocains : S4 S6 S7 1 Irako-Français S5 1 Suédoise Si 2 Françaises (S3, S9) 6 Français (S2, S8, S10, SU, S12, S13) Moniteurs Ml : Psychologue social, français M2 : Psychologue et ethnologue Libanaise, arabophone, Remarques : 1) Ce protocole est le produit d'un recueil thématique. Il interdit donc tout traitement proprement linguis¬ tique. 2) Les conditions définies en 2a ne sont qu'imparfaite¬ ment réalisées (déséquilibre des effectifs, inéga¬ lité du statut des deux moniteurs). Le cadre a été toutefois choisi hors du campus pour atténuer les effets des représentations institutionnelles. Séance n° 1. Le moniteur Mi distribue l'énoncé des consignes (v. 2a) Il sort : La discussion s'engage sur la constitution du groupe et la définition des rôles, notamment celui du moniteur : "De toute façon le chef, il s'impose toujours". Retour du moniteur. Silence - On le questionne sur le texte distribué. Une très forte demande effective s'exerce à son égard, ^13 "Il faut choisir des thèmes pour fonctionner". S i "On est trop nombreux". "On se lève, on bouge". 5g exprime son malaise en face de la situation du groupe. 51| "Il faudrait qu'on demande la parole". "je suis contre". S $ "On reproduit le cours". faudrait former des petits groupes". 3 "On pourrait discuter autour d'un sujet". -b . "On devrait commencer par nous présenter, ^changer nos prénoms". Le moniteur distribue des cartons pour y inscrire les prénoms. <5, l'aide SQ"On dirait que tu as été payée pour le faire ' o 2 Sj "Ca fait trop officiel". 4) ' "On choisit un sujet de discussion". ^2 "Chacun donne un sujet" S6 "Mais sans négliger votre idée". ^ ç "On fait un tour de table". S 4 "Le boycottage du Mundial". (1) Si "C'est un thème artificiel". Ç c\ proposent de bouger. S £ "On n'a pas de chef - C'est une mauvaise chose" Sl s'assoie sur la table. "On n'avance pas". i-j "La structure gêne". r 04 "Ce n'est pas le lieu qui gêne". Su "Il faudrait arriver à un consensus". , propose à nouveau le thème du Mundial. 1ère Intervention du moniteur Ml Le groupe essaie par le choix du thème de répondre à trois questions : 1° - Comment assumer le malaise relationnel 2° - Comment assumer son caractère institué (académique) 3° - Comment engager un processus de décision pour faire l'unité du groupe avec des participants d'origines très diverses (question implicite) (1) La réunion se tient quelques mois avant la Coupe du Monde de football en Argentine. 3 C'est le thème du Mundial qui a reçu l'assentiment de tout le monde sans objection. (2) essaie de justifier sa proposition indépendamment de cette intervention. - Silence - Le groupe se penche à nouveau sur ses problèmes de com¬ munication (en particulier avec M]_) 2ème Intervention du monlbeur. J'écoute ce qui se dit et je regarde les attitudes. A partir du moment où S 6 a proposé le thème du Mundial, tout le monde a suivi. Ceux qui faisaient d'autres pro¬ positions auparavant n'ont rien dit, même si quelques- uns, par leur posture, exprimaient leur refus de parti¬ ciper . H répète sa justification. ^3 "Pourquoi tu as pensé au Mundial ? Tu es Argentin ?" S o "C'est une idée qui me préoccupe. Je veux qu'on se rap¬ proche, qu'on discute un peu de ça. J'ai posé la ques¬ tion. Comme ça, vous étiez obligés de me répondre". ^2 "Tu nous as manipulés. Il y a une tension". "C'est à cause de l'intervention de Ml". S, C'était un moyen de nous faire parler. (2) Cette intervention applique strictement une des règles définies en 2a. 4 j (, Oui. Et il y a une autre chose qui me préoccupe et que je veux comprendre. C'est que des pays socialis¬ tes participent au Mundial alors que vous ici en France... «S H Moi je voudrais savoir ce qui se passera en 1980. La guerre. Je ressens l'U.R.S.S. comme un pays totali¬ taire. Moi je crois que chaque fois qu'on s'occupe d'un problème d'un peuple ce n'est pas seulement par altruis¬ me mais aussi parce que ça nous intéresse, que ça nous fait plaisir. C'est parce que ça t'apporte quelque cho¬ se. 5^ Le peuple argentin se retourne contre nous. Par le boy¬ cottage, on est contre le peuple argentin. Tu fais plus de choses quand tu es dedans. ^4 II y a une minorité qui prend conscience et qui aide les autres à prendre conscience. - ^ Pourquoi l'Argentine, alors qu'il y a des Arabes et des Français ici ? Demande s'il y a des Corses dans le groupe. Ç ^ C'est pour parler des relations entre sport et politique. « ,$13 propose de parler des relations entre Français et immi¬ grés . > ■> J,0 Ce serait pas mal. 5, Nous les immigrés on en a marre. o S 4 Faut-il parler des immigrés travailleurs ou des étudiants? 3ème Intervention du moniteur Ml. Paradoxalement, le groupe assume très mal tout type de référence culturelle. Le seul statut qu'il revendique est le statut "professionnel". 5 Pourtanl demandé à -'r, s'il était Argentin et a demandé 'il y avait des Corses dans le groupe. J, Il y a une certaine spontanéité entre nous. S^ Doucement le "nous". On devrait se présenter. Les étrangers sont Marocains (sous-entendu : pas niÇ^.). demande qu'on se présente. S ^ refuse. 5^ On fait tous Socio. Sx Ras le bol des étiquettes. Nissart c'est quoi ? ^>0 fait état de l'importance pour chacun de la recherche d'un statut. Il est difficile de se situer l'un par rapport à l'autre. Su On est tous étudiants. A nouveau, le groupe débat de ses problèmes de blocage, du rôle de Ml, du lieu où il se trouve. ^ j II y a peut-être des différences entre nous. C'est un sujet épineux. J'avais envie de découvrir la situation de groupe. Je me sens vachement bien ici. -s , Le statut de sociologue gêne. o Je m'en fous de la socio, puisque j'ai un statut par ailleurs. vi II y a une différence entre Français et Arabes. 6 S/, La différence est là, mais je ne la vois pas. r Il y a un clivage sexuel. 5, Vous n'avez pas envie de parler Arabe ? I O 5. o On va respecter le groupe ou non ? Sjo II ne faut pas culpabiliser les choix de chacun. Le problème de l'identité culturelle n'a pas été soulevé. S> Se situer crée des ennuis. Les Arabes viennent avec des préjugés : "les Français sont racistes" et vice-versa. II faudrait mettre le doigt sur les différences. $, Ici il y a d'un côté le Maroc et de l'autre l'Occident. 5( Et moi ? S/ J'ai dit l'Occident. / Fin de la séance / Séance n° 2. 1ère Intervention de M]_ : Il y a eu ce matin certains problè¬ mes de communication qui se sont manifestés par des lap¬ sus. J'ai relevé trois lapsus : "prof" au lieu de (propre). 5^ parlant de la coupe du monde "nous les Français" au lieu de (vous les Français). : "moi les étrangers, je ne les supporte pas en hiver" (au lieu de l'été), en par¬ lant des touristes. La censure existe ainsi non seulement par rapport aux au¬ tres, mais aussi par rapport à soi. Jusqu'à présent, cha¬ cun s'est défini négativement. ''(= "Le fait que j'ai dit "nous-vous" c'est parce que je ne participe pas de la même façon que les Français". ^5 "Il y a des contraintes institutionnelles. C'est en cela qu'il y a problème". \ "On se demande de quoi on peut parler". "Il y a un problème de leader, pour la prise de décision. Notre but est de faire marcher le groupe". -^1 "Il y a un problème de thème pour mobiliser le groupe. "La structuration du groupe est nécessaire pour la communi¬ cation. Il faudrait que chacun de nous puisse établir la communication avec l'autre". S ^ "On a progressé". V "On se découvre". 2 "Le sujet c'est quoi ? C'est la communication avec le connu et l'inconnu". "La question, c'est la censure avec des gens qu'on con¬ naît bien". *,o "C'est la valeur qu'on attache à la relation". ^12 "C'est trop abstrait". Ç Propose une prise de décision sur le thème. t Soulève le problème de la dépendance de chacun par rapport au groupe. "Il y a un problème d'appartenance et de dépendance : sor¬ tir du groupe ou rester. Il y a des gens qui restent toujours ensemble". -•> c "Je crois qu'on reste là où on est bien". -S v "On ne reste pas seulement dans un endroit parce qu'on s'y sent bien. C'est peut-être aussi un problème d'éduca¬ tion : on ne reste qu'avec des gens qu'on connaît bien". ç 1 "Le problème c'est de mettre en relation un groupe avec un autre : c'est une chose terrible. Pourquoi un échec la plupart du temps ? Il y a ici des gens de deuxième année, de licence, de maî¬ trise. - C "Nous on a vu la chose de cette façon : on a trouvé un problème de communication. Au début on aurait pu parler Arabe entre nous, mais on s'est dit : les autres sont isolés pour discuter, ça ne va pas. On s'était coupés de vous. Mais là, tout a disparu, il n'y a plus de problèmes entre nous, je crois. La communication entre nous dépend de ce qu'on vise, de ce qu'on cherche". 2ème Intervention du moniteur : "Le groupe a dit deux choses depuis tout à l'heure. 1°, l'au¬ tre c'est d'abord quelqu'un dont il faut se protéger. On a parlé de l'autre en termes négatifs. En second lieu on a ajouté : "il n'y a pas de problèmes". 3 L "Au début, si en tant que Marocains on s'était dit : on ^ va s'asseoir l'un à côté de l'autre, ça n'aurait pas pu marcher. Au contraire, nous on a dit : il n'y a pas de différence, ce qui a facilité la communication entre nous". (Silence) . -(, "J'avais une question à poser, si vous le permettez tous. J'ai remarqué une chose : par exemple, qu'on soit socia¬ liste ou n'importe quoi, on n'arrive pas à bien voir ce qui est mal, ce qui est bon dans ce que dit l'autre. L'ennemi Mitterrand par exemple, est-ce qu'il accepte quelque chose que dit Barre, même si c'est juste et vrai ? Est-ce que c'est possible d'accepter ce que l'autre dit ?" "Qu'est-ce que cela veut dire par rapport à notre problème, au fonctionnement du groupe ?" -4 "Si on reçoit un message, on l'accepte ou on le refuse en fonction de la personne qui l'adresse". "Si on prend la situation actuelle, même si ce qu'ils di¬ sent est vrai, de toute manière leur but profond de mysti¬ fier la réalité. Le problème c'est de voir la totalité du discours, s'il y a des choses intéressantes". "Il y a deux niveaux qu'il ne faut pas confondre : il y a un niveau qui est formé de phrases, de sujets très con¬ crets lancés par telle ou telle personne, et puis il y a l'ensemble de la signification. Barre peut dire une chose correcte, mais comme c'est un ennemi de classe..." : "Je suis tout à fait d'accord. Mais prenons une chose con¬ crète : Barre dit que la France n'a pas tellement de moy¬ ens de s'en sortir alors que l'opposition, elle dit : on peut s'en sortir facilement même si elle sait qu'elle ne peut pas le faire. On refuse d'avance ce que l'autre pro¬ pose si on n'est pas d'accord avec elle". ç JÙ "Le problème, c'est qu'il y a une logique". - ij "Je crois que image et logique sont liées : il n'y a pas seulement la logique et le discours, il y a aussi la pra¬ tique et l'image qu'elle donne". S ^ "N'y-a-t-il pas une limite du fait de l'appartenance à une organisation". 4 i) t "Il y a un problème de relation de l'individu au groupe. Est-ce qu'un individu engagé dans un parti peut s'élever contre ce parti, pas contre, mais en critiquant, en disant: je ne suis pas d'accord là-dessus, le parti a pris une mauvaise position là. Les militants en général n'arrivent pas à s'en sortir en restant engagés dans un parti. Le parti répond à ce que je veux mais il faut en même temps le critiquer. A un moment, je deviens aliéné par le parti. Le parti ne répond plus à ce que je veux mais je trouve que je ne suis plus moi-même, je fais ce que le parti veut" 53"Prends le militant'de base le plus simple possible, tu n'as pas besoin d'aller chercher plus loin". f r H a parlé du concept d'individu, d'individualité". S'(o "L'individu a une histoire qui démarre avant sa naissance Critique tout formalisme dans la façon dont chacun se pré¬ sente (en particulier les "étiquettes" mentionnant les pré¬ noms . ) ' 3ème Intervention de H( a) L'intervention de S 8 pose le problème de la relation entre expression personnelle et appartenance. Mais quand j'ai parlé d'auto-censure, c'est tombé à plat. b) S3, pour concrétiser les statuts, a parlé "d'étiquettes". Le statut des étudiants n'est pas une abstraction. Il v est vécu très concrètement. c) S6 qui souligne les différences d'appartenance tient à les faire disparaître pour faciliter la communication. Pourtant on a mis l'accent sur les appartenances à des organisations ou à des groupes. (Silence) 5 S, "C'est la communication qui n'est pas facile". "C'est la fuite". "C'est la disposition des tables". "Ca va moins bien que ce matin". - ^"Bougeons les tables". "Ce serait pareil". "Que faut-il faire ?". $"(< "Faire éclater le groupe". £q. "On pourrait parler de la politique française en Afrique". ^\l "On a besoin d'une médiatrice pour fonctionner". 5^Critique vivement cette intervention. S'adresse à <3ui ne parle pas beaucoup. "Il manque entre nous suffisamment de familiarité". j frj Invoque la nécessité d'une prise de décision. ^ On s'enferme dans le statut d'étudiant. ? C'est la disposition de la salle. Il déplace les tables. D'autres viennent l'aider et tout le monde se regroupe autour de la même table. / Fin de la 2ëme séance / Séance n° 3 S 3 va chercher à boire S 1_ demande qu'on fume moins. S6_ "Je vais vous raconter une histoire : "Un vieux juge demande que les hommes dominés par leurs femmes passent à sa droite. Ils passent tous a droite, et il reste un tout petit qui reste à gauche. Le juge lui dit : ce n'est pas possible, toi tu domines, ta femmes ? ! Il dit : "non monsieur, c'est elle qui m'a dit de rester là". (Rires). S 4 (enchaînement aussitôt) "Un Sahraoui rencontre un type de la montagne. Ils commencent à manger dans un plat. Le type de la montagne commence à manger très très très vite. Après un moment il dit au Sahraoui : combien de genres de dattes vous avez au Sahara ?" (vous savez qu'il a beaucoup de gen¬ re de dattes, il y en a plus d'une trentaine). Le Sahraoui commence à les citer tous. Au bout d'un moment, il se rend compte que le Kawa va être terminé, il lui dit : "et vous, combien de genre d'olives vous avez dans la montagne ?" L'autre, en mangeant, lui dit : noir et blanc, blanc et noir, noir et blanc..." (Pas de réaction des Français du groupe qui n'ont rien * compris). S6_ "... il lui dit : on a des noires et des blanches, c'est tout". S 4 "Maintenant, j'aimerai bien entendre une chanson en Français (Les Français du groupe se mettent à chanter "Les copains d'abord", sauf Si et S9). 1ère Intervention du moniteur : "Le climat a complètement changé à partir du moment où on est passé de l'échange purement conceptuel à l'échange au niveau du sens, en racontant des histoires, en proposant, en demandant une chanson. A ce moment le groupe a assumé ce qu'il a nié ce matin, c'est-à-dire qu'il y a des gens différents qui peuvent se donner des choses différentes". 2 S 4 "Moi je crois que quand vous chantez, vous chantez en ~ "dehors" de la bouche (rires du groupe) tandis que les Arabes ils chantent plus avec le rythme. Je vais chanter une chanson avec Aziz et vous allez voir si c'est vrai ou pas ce que je dis". Le groupe : "D'accord !". S 1 "Et lui, il ne peut pas chanter (S 7) ?". S 7 "Je ne connais pas -les paroles (à S 4 et S 6) Qu'est-ce que vous allez chanter ?" S 4 et S 6 donnent le titre d'une chanson de Feyrouz. S7_ "Je connais Feyrouz, mais je ne connais pas les paroles". S 4 et S 6 chantent. S 11 et S 10 les accompagnent rythmiquement. Traduction de la chanson : l'usage du lecteur du proto¬ cole) Donne-moi une chanson et chante Chanter, c'est le secret de la vie C'est un murmure qui reste quand tout disparaît As-tu comme moi aménagé la forêt en maison sous les rochers As-tu suivi les cours d'eau ? T'es-tu baigné avec mon parfum ? T'es-tu séché avec la lumière ? (1) S 10 à SJ "Il y avait une différence entre la façon de chanter de S 6 et S 4. S 4 remue davantage les lèvres et il est plus occidentalisé d'après tes catégories, tandis que toi il y a de très grandes différences, tu vas chercher les sons au fond de la gorge". S 6 "Peut-être parce qu'on commence à apprendre le Français on commence à bien articuler comme en France. Mais c'était vrai, ce serait comme ça pour nous deux, pas seulement pour moi". Bon, on passe à la Suède", (tourné vers SI ). S 8 "C'est plus spontané de se mettre à chanter chez vous que chez nous. Ca ne vient pas, on est très frustrés chez nous. C'est oublié. Il n'y a pas de transmission familiale. (1) Il s'agit d'une chanson d'origine libanaise, ce que les chan- terus marocains n'ont jamais mentionné. 3 S 6 II ne faut pas que vous restiez en marge. S 13 "On pourrait chanter une chanson occitane". (Il chante). S 6 "C'est populaire, c'est du folklore". S 4 "Il faut que tu traduises". S 6_ "Je ne suis pas d'accord". 2ëme Intervention de M-| : Il y a une différence fondamentale entre les deux séances successives. Dans la première on dit : "il y a un problème de communication". Dans la deuxième on n'analyse pas comment communiquer. L'histoire racontée par S 6 vient juste après l'intervention de Si demandant qu'on arrête de fumer. A partir de là, la communication n'est plus questionnée dans sa forme. On communique des contenus culturels spéci¬ fiques . S 8 "On est une bande de phallocrates". S 4 "C'est quoi phallocrates ?". Plusieurs participants définissent ce terme en commun. S 13 raconte une blague sur les pèlerins de Lourdes. S 4 "C'est quoi Lourdes ?". Plusieurs participants le lui expliquent. S 6 propose de raconter une histoire en l'occidentalisant. S 4 "La médecine Arabe ça existe en France ?". S 8 "C'est la médecine traditionnelle". S_ 4 "Est-ce qu'il y a une différence ?". S 6 "Il n'y a pas de différence". 4 S 4 "La macrosociologie c'est quoi ?". (Le groupe propose ensuite de changer les tables, de jouer, de faire un tournoi comme le Mundial). 2ème Intervention du moniteur Ml : "Ce qui était refusé ce matin c'était la culture. Ce soir elle est 1 'objet privilégié des expressions de chacun. S 6_ "Moi je ne cherche pas à analyser. C'est comme un geste. (sous-entendu : "la chanson"). S 4_ "Il faudrait expliquer la chanson, la situer". S 8 souligne l'importance de la langue employée pour chanter. S 6^ "il y a plusieurs niveaux de communication, les mots, l'his¬ toire, la différence". S 4 insiste sur la fonction de la chanson dans les différentes communautés. "Il n'y a pas que la traduction, mais il y a également la signification". S 8 "Le problème, c'est de chanter, de s'exprimer". S 1 reproche à S 6,de censurer S 4 : "la relation est très iné¬ gale entre vous". v Le groupe se centre sur la relation rôles dominants-rôles dominés (aux différents niveaux d'analyse). 3ème Intervention de Ml : "Le leadership a été renversé au profit des participants arabes". S 4 soulève la question des différences entre familles maro¬ caines et françaises, entre les rôles féminins en Orient et en Occident. Il se demande ce qui tient dans ces diffé¬ rences à l'économie, à l'idéologie... S 6 change de place en invoquant une agressivité qu'il ne sup- * porte pas. S 3^ sort momentanément. S 10 reproche à S 13 qui commence à répondre à S 4 en termes politiques de faire de 1'ethnocentrisme. S 6 "Chacun a le droit de parler comme il veut". S 4^ "Quand on parle de politique, il n'y a plus d'échange". S 6 "Il n'y a pas d'échange sans institution". S 4 "Il faudrait voir les relations concrètes entre étudiants à Nice". (Sous-entendu : en dépit du fait que l'Univer¬ sité est un cadre bien institué). S 6_ "Il n'y a que l'institution qui compte". 4ème Intervention de Ml : "Depuis qu'il est intervenu sur la famille S 4 a une posi¬ tion paradoxale au sein du groupe. Le groupe l'envoie pro¬ mener chaque fois qu'il parle d'échange entre cultures. Mais les gens qui s'engueulent ainsi entre eux sont très contents de le faire. Et les autres, ce n'est pas leur af¬ faire. Les problèmes sont évacués en étant renvoyés aux subjecti¬ vités et aux institutions. Discours entre appareils. Interaction entre S 7 et S 6 en Arabe. S 4 "Pourquoi les gens s'adressent-ils â Uni Inter ? (sous-enten- tu : pour se marier). S 1 à S 4 "Et chez vous ça n'existe pas?". 5ëme Intervention de Ml : "Tout à l'heure le groupe parlait de censurer dans l'abs¬ trait. Pourquoi le groupe ne répond-il pas à S 4?". 6 S 3 "Ça suppose qu'on s'implique". S 8 "Je suis bloqué". S 10 commence à parler de problèmes difficiles avec sa famille. S 11 soulève le problème de l'autorité du père au sein de la famille française. S 4 "Chez nous frapper un gosse, c'est un signe de la solidarité de la famille". S 6 "Il y a la notion d'évolution". (sous-entendu : qui expli¬ que la différence). S 13 "Le mode de vie effrité, éclaté fait que la famille en su¬ bit les conséquences". S 6 "le rôle de la famille, c'est l'Etat qui le prend", (sous- entendu : en France). S 8 "On n'a pas trouvé de substitut à la famille. On parle de communauté. Mais la destruction de la famille c'est aussi la perte culturelle : l'identité culturelle, les chansons, les danses, la transmission culturelle". S 8 à S 4 "Es-tu satisfait?". S 6 "Ce qui se passe pour la famille c'est normal, ce n'est pas anormal". S 13 pose le problème de la cérémonie de mariage du frère de S 10 où celui-ci est formellement invité à se rendre. S 10 "Je n'ai pas envie d'y aller mais je suis obligé. Il faut j ouer...". S 6 (S 4) a aussi une soeur qui va se marier. Sa famille 1'ob- " " lige à rentrer. Il va rentrer". S 4 "Ce n'est pas seulement la présence qui compte. Tu as aussi des responsabilités". S 10 "Je ne voulais pas participer à une mise en scène. 6ème Intervention de Ml : "La question de S6 est restée en suspens pourquoi les Agences matrimoniales •? " • • S 8 "C'est la preuve de la tristesse des relations de communi¬ cation" . S 13 "Il y a deux genres d'annonces : traditionnelles et celles de Libé". S 11 "Celles-ci, c'est surtout pour les homosexuels". S 3 "Ce sont des annonces du même type. Elles correspondent à des besoins de communication". S 8 à S 1 "Et la Suède, comment c'est ?". S 6 "Ce qui me choque c'est ce qui se passe chez nous, ça nous fait du mal. Ça nous pousse au traditionnaliseme, on de¬ vient réactionnaire". S 8 "Dans des sociétés comme les vôtres, vous n'êtes jamais seuls. Ça doit être dur de venir en France pour des gens comme vous où on reste souvent seul. C'est un pays de so¬ litude" . S 6 "Ici la grande valeur, c'est l'individualisme". S 4 "Ce n'est pas seulement idéologique, mais aussi économique et social". S 13 "L'isoloir pour voter c'est l'individualisme". S 9_ "En chiant tu t'isoles". S 6 demande qu'on lui propose un modèle familial exemplaire. S 4 "Avant la famille c'était quelque chose de spontané. Les régulations c'était spontané". S 6 "C'est la disparition de la famille : c'est une manipulation ~ ~ de l'Etat". S 4 "C'est la division du travail qui a fait éclater la famille" S 6 "Je crois que c'est le travail de la femme". "Mais c'est embêtant de détruire une chose sans la remplacer S 1 "Et les enfants?". S 10 parle d'expériences concrètes à propos des crèches (en ter¬ mes relativement péjoratifs). S 4 "Il n'y a pas de communication entre les différents groupes ~ de leurs expériences affectives. ' 7ëme Intervention de Ml : "Comment peut-on être Français ? Le groupe marocain exploite les ressources du groupe français plus que l'inverse". S 6 "On est dominés culturellement. On veut connaître le domi- nant. Vous, vous cherchez toujours le contact avec le sys¬ tème américain même si vous le refusez". S 10 "Elle vous pénètre, même elle vous pénètre par notre inter¬ médiaire" . / Fin de la 3ëme séance /