Protectorat de la République Française au Maroc GOUVERNEMENT CH^RIFIEN DIRECTION DES EAUX ET FORÊTS ÉTUDE SUR LES FORETS ■ ~A " -Vf-- •-J V< \ ' J DE CHÊNE-LIÈGE DU MAROC EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE O O O PARIS O O o o o o 19 3 1 O o o ■ I I I • „.: - V$* , '- pfeg "iï' J \3> Tg- ^i:'if >«g . T ■ ,: -. .' r : . ■ . • Protectorat de la République Française au Maroc GOUVERNEMENT CHÉRIFIEN DIRECTION DES EAUX ET FORÊTS ÉTUDE SUR LES FORETS DE CHÊNE-LIEGE DU MAROC EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE o o o PARIS o o o ooo 1931 ooo BU LETTRES 092 2143590 ETUDE SUR LES FORETS DE CHÊNE-LIEGE DU MAROC PREMIÈRE PARTIE Caractéristiques générales de la Forêt marocaine de chêne-liège et Évolution dans le temps I. — Caractères généraux et différentiels dûs au climat, au sol, au relief Dans le paysage boisé du Maroc, le chêne-liège lient une place de choix : il caractérise en effet tout un territoire où il joue, au point de vue forestier, un rôle de premier plan ; c'est le secteur Nord (ou secteur du liège) du domaine maurelano- allanlique qui comprend, en outre, un secteur Sud (ou de l'ar- ganier), et un secteur Est (ou des conifères du Moyen-Atlas). Dans ce secteur on peut distinguer un sous-secteur, où le chêne-liège est nettement dominant (par rapport au thuya el au chêne-vert), c'est ce qu'on appelle le groupe forestier sublittoral du Nord (correspondant aux circonscriptions forestières de Rabat, Salé, Kénilra, Casablanca), qui, sur 325.000 hectares de forêts, en comprend 250.000 où le chêne-liège est dominant (en moyenne 80 °/0) par rapport au chêne-vert et au thuya, étendue qui correspond donc à une surface d'environ 200.000 heclares de chêne-liège pur. — 5 — Quant à la répartition des peuplements de chêne-liège dans ce territoire, elle reflète, plus nettement que pour toute autre essence, les traits distinctifs des forêts du Maroc parmi celles de l'Afrique du Nord : grandes masses compactes mais disjoin¬ tes, homogènes dans leur nature, mais diverses dans leur aspect. Les caractères généraux des forêts de chêne-liège du Maroc plus ou moins altérés par le comportement de cette essence principale vis-à vis des autres essences forestières, commensa¬ les ou concurrentes, sont ceux qu'impose à l'association végétale dont elles sont le type normal, l'ensemble des conditions de climat, de sol et de relief, d'influence de l'homme et des ani¬ maux. parmi lesquelles s'accomplit leur évolution. On peut dire que le territoire du chêne-liège c'est le vaste plateau sablonneux et caillouteux qui, partant du littoral, du Gharb à la Chaouïa, monte jusqu'aux premiers contreforts de l'Atlas. L'examen des peuplements constitués en massifs, de ceux aussi qui ne présentent plus que des lambeaux ou vestiges, montre que ce territoire était primitivement recouvert par une immense forêt de chêne-liège, au moins sur une grande profon¬ deur à partir du littoral. On peut même affirmer que ceLte essence occupait jadis tous les sols non calcaires et peu mélangés d'argile situés dans la zone du Maroc Occidental recevant un minimum de 400 m/m de pluies par an (et jouissant d'un climat doux, avec une tempé¬ rature moyenne voisine de 15°). La dispersion actuelle du chêne-liège, en particulier son existence à l'état de petits îlots tout le long des chaînes du Grand et du Moyen-Atlas, ne peut s'expliquer que par un recul, un retrait, que cette essence aurait subi, du fait du dessèchement du pays ; elle aurait, alors, élé peu à peu éliminée de la partie méridionale, où il n'en reste plus que des reliques (îlots du Grand-Atlas), et refoulée dans le Maroc Septentrional, où le chêne-liège jouerait, actuellement, au point de vue tlorislique, un rôle analogue à celui de l'arganier dans le Sud. Il est intéressant, à cet égard, de considérer l'espèce « de marche », de zone libre, séparant les territoires respectifs de ces deux essences, et où jouent les influences steppiques qui — 6 — dominent, de part et d'autre de l'Oum-er-Rebia, dans les plai¬ nes du Haouz de Marrakech el du Tadla ; elles s'irradient de là dans le pays du chêne-liège, par les hautes vallées des oueds (Beth, Bou-Regreg, Grou) qui prennent leur source au pied des contreforts du Moyen-Atlas, ou bien elles viennent s'éteindre sur les reliefs des plateaux (de Guelmous, Moulay-Bou-Azza, Christian, Oued-Zem, Ben-Ahmed) dont la couronne limite, vers le Sud, l'exLension du chêne-liège. Sur ces lisières ou par ces irradiations, le peuplement primitif a été plus ou moins rongé ou troué par le thuya ou le chêne-vert, qui jouent, sur le territoire climatique du chêne-liège, le rôle de conquérants : dans leur lutte, ce sont essentiellement la nature du sol el l'homme qui agissent en faveur de telle ou telle de ces essences. En ce qui concerne le sol, le chêne-liège redoute seulement les calcaires et les argiles compactes ; il affectionne les terrains meubles, profonds, frais, provenant de la décomposition des grès, des schistes ou des granits. Il modifie simplement, suivant les conditions offertes, son type de peuplement : En plaine, sur terrains meubles, c'esl-à-dire sur sables et grès friables recevant moins de 600 m/m de pluie, le lype de forêt est celui de la Mamora : « Forêt-parc » avec un sous-bois très réduit à passerines, cistes, férules, cytises et ajoncs. Une pluviosité supérieure augmente la densité du peu¬ plement, supprime les férules, fait apparaître la fougère aigle et quelques calycotomes : c'est le type de la forêt des environs de Larache. Si d'autre part l'argile apparaît, tout en restant en quantité faible, elle confère au peuplement un caractère spécial, parla présence du lentisque qui normalement devrait être absent (partie orientale de la Mamora). Sur sols durs (grés durs, schistes, conglomérats, granil), la forêt est toute différente : Si elle reçoit moins de 600 elle est assez claire, avec un sous-bois de tizra el de myrte; la ciste de Montpellier joue un rôle important, par contre les férules et passerines manquent complètement : c'est le type des forêts en pays Zaërs et autour de Boulhaul. Si elle reçoit plus de 600 "7"', le tizra disparaît, mais on voil apparaître des bruyères, l'arbousier; ces forêts occupaient par exemple la presqu'île lingitane (zone espagnole). A ces divers types de forêts de basse altitude, il faut rapporter un massif principal : Forêt de la Mamora : Surface 130.000 ha. dont 90 % de chêne-liège pur, établi sur un vaste banc de sables résultant de la décalcification de grés tendres d'âge tertiaire, entre le littoral, l'oued Belh el la grande route de Rabat à Meknès; d'autres massifs lui étaient rattachés, jadis, dont il est séparé actuel¬ lement par des bandes de terrains qui furent autrefois boisés, mais qui sont aujourd'hui totalement dépouillés de leur manteau forestier. Nous citerons : Tout d'abord, les cantons isolés de Kerma, Ould Kadi (au sud de la forêt de Larache, dont ils devaient faire partie il y a relativement peu de temps), et constituant : La forêt du Gharb .... 6.900 ha. — 100 % A l'Est, en bordure de la zone espagnole, la forêt d'Ouezzan . . 12.000 ha. — 50 % Puis les forêts qui s'étendent dans l'arrière-pays de Rabat et de Casablanca, en bordure du littoral, entre les oueds qui découpent la plate-forme doucement inclinée de la Meseta : Foret des Sehouls .... 6.700 ha. — 100 % Forêt de M'Krennza. . . . 3.550 ha. — 100 % Forêt des Beni-Abid. . . . 15.800 ha. — 80 % Forêt des Selamna .... 5.070 ha. — 60 % Forêt de l'Oued Tifsassine . . 7.650 ha. — 60 % Forêt d'Aïn-Kreil .... 6.200 ha. — 75 % Enfin celles qui occupent, à l'extrémité de la zone pré¬ cédente, le pays mamelonné où s'arrête vers le Sud le territoire du chêne-liège : Forêt de BoulhauL . . . 12.800 ha. — 80 °/0 Forêt du Kalouat .... 7.570 ha. — 40 % Forêt des Gnadis 1.400 ha. — 60 0/o Forêt des Achach .... 13.250 ha. — 40 °/0 Forêt de Sibara 8.500' ha. — 100 °/0 Tous ces boisemenLs sont situés à des altitudes variant de 20 m. (lisière de la Mamora) à 700 m. (lisière des forêts de Sibara et du Kalouat). Sauf une partie des Sehouls et des Beni-Abid, assise en terre arable, ils recouvrent des étendues de sables granitiques ou gréseux, de schistes, de quartzites primaires, impropres à la culture. Forêts de chêne-liège du Maroc FOUETS S l ' R F A C E S de CHÊNE-LIÈGE TU l'A LE Proportion ed ciiem- ilêge pur M a m ora 136 000 90 % 122.400 Gharb (i 900 100 - 6.900 Ouezzan 12.000 50 - 6 000 Sehouls 0.700 100 - 6.700 M'Krennza 3.550 100 - 3.550 Béni Abib 15.800 80 - 17.640 Selamna 5.070 60 - 3.040 Sibara 8.500 100 - 8.500 BoulhauL 12.800 80 - 10.240 Aïn Kreil 6.200 75 - 4.650 Oued Tifsassinc . 7.650 60 - 4.590 Gnadis 1.400 60 - 840 Achach 13.250 40 - 5.300 IvhatouaL 7.570 40 - 3.0.30 Total Partiel . . 243.390 80 - 198.380 OBSERVATIONS FORÊT S délimitées (Zone pu bl i 11 ora le) Marcha 60.000 65 % 40.009 ' Forêts non Moulay Bouazza. 40.000 25 - 10.000 délimitées ou Aguelmous Bab-Azhar . . 60.000 20.000 50 - 100 - 30. P00I 20.000 en cours de déliinilalion Total Partiel. 180.000 55 - 100.000 Total Général 423.390 70 - 298.380 Observations : Superficie Proportion de chêne- Superficie apparente liège pur réelle - 9 — Au-delà de celle zone sublillorale, les forêts de chêne-liège occupeni encore une place prépondérante sur le plateau d'Oulmès : c'est une région forestière distincte qui, à une distance moyenne de 100 km. du littoral, s'élevanl brusquement au-dessus du plateau qui s'étend comme un glacis faiblement incliné de ce littoral à la montagne, forme comme une sorte de bastion, relié aux contreforts du Moyen-A lias, contourné ou pénétré par les oueds Beth et Bou-Regreg et leurs affluents qui en descendent, pays d'une altitude de 900 à 1.200 mètres, très accidenté, entrecoupé de nombreux et profonds ravins. On peut estimer à 60.000 ha. la surface sur laquelle s'étendent les forêts de chêne-liège dans cette région, et à 40.000 la superlicie forestière correspondante en chêne-liège pur. Dans ce pays la forêt de chêne-liège esL établie sur des terrains durs, schisLes et quarlzites primaires, cantonnée sur es croupes ou sur les versants des ravins, à une altitude variant de 800 à 1.200 m.; grâce au relief et à l'altitude, celte forêt reçoit un minimum de 700 m/m de pluies par an; elle se présente à l'état de vieille futaie, à couvert généralement continu, formant une association fermée qui renferme comme éléments caractéristiques : l'arbousier, cylisus triflorus, cislus salviifolius, adenocarpus inlermedius. Ce massif comprend, essentiellement, la forêt d'ilarcha (près de 40.000 ha.), auquel il faut rattacher, d'une part, la petile forêt de l'Achmêche (2 à 3.000 ha.), qui en esL séparée par la vallée du Beth (occupée parle thuya), et d'autre part, au delà de l'oued Ksiksou (Bou-Regreg), les peuplements de chêne-liège des forêts de Moulay-Bou-Azza et d'Aguelmous où le chêne-vert domine. Ces derniers peuplements, souvenl denses et vigoureux, constituent, entre les cours supérieurs des oueds Bou-Regreg et Grou, à une altitude de 1.200 à 1.400 mèlres, les dernières réserves massives du chêne-liège, plus ou moins cernées par le chêne-vert el séparées par de vasles plateaux dénudés, mais occupant enc )re une surface lolale de 30.000 ha. en chêne-liège pur. Enfin le chêne-liège, dont les derniers dois sont semés dans le Moyen-Atlas, en bordure inférieure de la forêt de Djaba (plateau d'Ito) ou en bouquets dans le Grand-Atlas au Sud de — 10 — Marrakech, à l'altilude de 2.400 mètres au Djebel Tirardine, constitue encore un véritable peuplement forestier sur les pentes du D jebel Tazekka, qui forme la croupe Sud du col de Touahar (trouée de Taza) : c'est la forêt de Bab-Ahzar (20.000 ha.j qui occupe à l'état de futaie assez claire les pentes shisteuses, entre , 800 et 1.400 m., de cette montagne qui est couronnée de cèdres et qui porte, au-dessous du massif de chêne-liège, des boisements clairs de chêne-vert, cantonné sur les calcaires. On le trouve aussi à l'état do taillis parfois étendus, dans la région des Tsouls, dans celle des Beni-Zéroual, au Mord de Taza, non loin de la zone espagnole, environ 10.000 ha. (v. pageS) II. — Caractères généraux et différentiels dus à l'action de l'homme L'exposé qui précède a l'ait ressortir comment l'uniformité des conditions climatiques, corrigée dans ses détails par la diversité du sol et du relief, permettrait d'expliquer l'homo¬ généité de peuplements tels que ceux qui forment les forêts de la Mamora, de Sibara ou d'iiarcha, si l'influence de l'homme ne s'était pas exercée d'une façon décisive pour en modifier à la fois l'aspect et la nature. Car, si dans ce pays comme dans tous ceux de l'Afrique du Nord, on est bien obligé de constater un assèchement lent, mais continu et sûr, de la croûte superficielle du sol, phénomène qui, depuis des époques lointaines, serait responsable de la réduction de l'habitat du chêne-liège, sur lequel peu à peu les essences moins exigeantes en eau auraient gagné du terrain, l'homme, de son côté, en y imposant les marques essentielles de son existence sédentaire ou nomade, par ses troupeaux, ses mises à feu, ses défrichements, ses exploitations abusives, a contribué largement à dessiner quelques-uns des caractères actuels de la forêt de chêne-liège du Maroc. a) Configuration et limites des f>euf>lements de chêne-liège L'un de ces caractères parLiculièment sensible, où la réac¬ tion humaine peuL être nettement observée, c'est la distribution . générale de la forêt, c'est-à-dire sa configuration eL ses limites, soit que l'essence principale, le chêne-liège, y constitue des peuplements purs, soit qu'elle s'y mélange avec d'autres essences. -11 - Or, si on aborde les contours de celle forêl, on conslate qu'elle se dresse, en général, brulalemenl au milieu des lerres de culture très pauvres c'est que les défrichements, la lutte pour le sol, l'ont étroitement serrée, depuis des époques récen- les, sans qu'il ail pu se former autour d'elle une ceinture dans laquelle une végétation protectrice se serait installée. A la dif¬ férence de ce qui se passe si souvent en Algérie, on ne trouve [•as ici une zone de transition broussailleuse où l'essence prin¬ cipale a disparu. Il est probable, cependant, que les massifs forestiers de Sibara, du Khalouat, qui arrêtent brusquement leurs chênes- lièges en peuplements purs et vigoureux sur les plateaux de Christian et d'Oued-Zem, ont dû autrefois être bordés sur leurs lisières par d'autres essences (chêne-vert, thuya notamment) qui préparaient le passage de la zone proprement forestière à la zone d'influence sleppique du Sud. Si on considère, maintenant, des forêts comme celle de la Mamora ou des Schouls ou des Beni-Abid, dont les limites sonl moins nettement climatiques que les précédentes, et plus étroitement liées à la nature du sol, on reconnaît aussi, dans leur configuration actuelle, l'influence de l'homme qui, pour y établir ses campements et ses cultures, les a tronçonnées, frag¬ mentées, refoulées sur les terrains les plus pauvres ou bien pénétrées et trouées d'une multitude de rentrants, de clairières, d'enclaves, qui menacent toujours de s'élendre. Enfin pour les forêts, où ce sont, parmi les influences naturelles, l'altitude et le relief qui conditionnent l'existence de telle ou telle essence, c'est encore l'action de l'homme qui explique la distribution actuelle de la forêt de chêne-liège. On la trouve, sur les croupes ou les lianes qu'elle occupe, généra¬ lement cernée à sa base par le chêne-vert, qui drageonne et qui est plus résistant au pâturage et à l'incendie, ou bien Ira- ■< versée, à la faveur des oueds et des ravins, par des infiltrations de thuya, plus rustique que le chêne-liège, qui se dissémine plus facilement que lui et qui supporte mieux les abus d'exploi¬ tation (écorçage, mutilations) auxquels ce dernier succombe souvent. b) Comportement vis à vis des autres essences Car malgré les différences, dues à leur inégale résistance aux agenls naturels et humains, que présentent ainsi, dans leur confi- — 12 — guration générale inscrite sur le sol, les forêts de chêne-liège de types divers, on retrouve à toutes ces forêts, si ou y envisage le comportement de l'essence principale vis à vis des autres essen¬ ces forestières, le caractère d'un peuplement primitif, im¬ muable ou très lentement modifiable, dans son extension sinon dans sa composition, suivant les influences humaines qui vien¬ nent perturber son équilibre naturel initial. A cette actior de l'homme, qui a pour effet de favoriser le développement, dans certaines limites composées par les condi¬ tions géographiques et climatiques régnantes, de telle ou telle essence mieux adaptée aux nouvelles conditions créées du fait de cetLe action, le peuplement primitif de chêne-liège oppose d'ailleurs, vis à vis des essences conquérantes, des réactions différentes suivant les cas. En plaine, au voisinage de la mer, là où il doit son existence à l'état hygrométrique élevé, il se laisse, sous l'action de l'hom¬ me, éclaircir, pénétrer ou fragmenter. Le chêne-liège lâche pied, sans pouvoir se substituer un remplaçant, car il occupe là, à lui seul, une limite d'habitat forestier : d'où le péril de la déforesla- tion dans la zone du littoral et la nécessité de conserver précieu¬ sement les moindres lambeaux des peuplements de chêne-liège, en s'opposant aux défrichements qui le menacent. Sur les plateaux faiblement ondulés ou profondément creusés de l'arrière pays, on le trouve réfugié, cantonné dans les stations où il souffre le moins, s'efforçant de résister à la péné¬ tration du Lhuya ou de l'association olivier-pistachier. Lorsqu'il a succombé, c'est le tizra qui occupe le terrain. Ici, c'est au pâturage excessif qu'il faut s'opposer, pour stabiliser le chêne- liège, lui permettre de se reconstituer et de regagner par sa vigueur, la place que la rusticité de ses vassaux lui a prise. Enlin, en montagne, ce n'est pas à la pénétration, à l'infil¬ tration du thuya qu'il résiste, mais à l'envahissement, par le bas, du chêne-vert, plus rustique que lui, plus résistant au pâturage, et aux abus d'exploitation : le thuya est éliminé (par la tempé¬ rature ou l'humidité) mais le chêne-vert gagne, s'étend et enserre le chêne-liège autour des pitons où ce dernier s'accroche ; ou bien il se heurte au chêne-zéen (forêt d'Oulmès), ou s'il est établi sur des versants de montagnes assez élevées, il esL comprimé entre le chêne-vert en bas et le cèdre (ou le pin maritime) en haut (forêt de Bab-Azhar dans la Région de Taza). Ici, lorsque -13 — le chêne-liège cède le pas, lorsque le peuplement se clairière el que le sol se dénude, c'est une autre essence principale, cèdre ou chêne-vert et non plus le tizra, qui vient occuper la place laissée libre. ? c) Comportement vis à vis du peuplement humain Si, après avoir ainsi reconnu, à l'examen de leurs limites et de leur configuration, une action particulièrement sensible de l'homme sur les forêts de chêne-liège des divers types, on veut mieux comprendre le comportement général de ces forêts vis à vis de toutes les influences humaines qui agissent sur elles et dans l'ensemble de leur étendue, on devra considérer ces deux forces premières, l'eau et l'homme, dont l'action totale condi¬ tionne tous les faits d'habitation, de culture, d'élevage, d'exploi¬ tation forestière dans leurs rapports avec les peuplements de chêne-liège. Or, en plaine, sur les terrains meubles que ces derniers occu¬ pent, la nappe phréatique est en général profonde, et une couche d'alios probable ; 011 ne trouve d'eau que dans les vallées qui découpent, espacées en larges bandes, des massifs compacts (vallée N. S. de la Mamora). Ici, ce qui localise et différencie les forêts de chêne-liège par rapport aux formations voisines, ce n'est pas le climat local, mais surtout l'épaisseur de terre meuble, la présence d'éléments minéralogiques différents. Ces forêts, coupées de vallées larges, où l'argile affleure, parsemées de dayas, peu favorables à l'installation humaine mais voisines des centres habités (Rabat, Salé...), au contact de tribus de races diffé¬ rentes (Arabes, Berbères), étaient autrefois considérées comme terrains de parcours, de razzias, sortes de marches entre les terrains de campement et de culture de ces tribus. En plateau : sous-sol plus proche, terrain dur, réseau hy¬ drographique plus compliqué, sources plus nombreuses el plus disséminées, population plus sédentaire, installée à la fois sur le plateau et dans la forêt, la forêt a été détruite sur ses lisières Ouesl et Sud (voisinage du littoral et de la zone des grandes cultures), ou bien rongée par les clairières ou le long des Oueds: les défrichements la cernent et l'usent (Beni-Abid, Oued-Akreuch et Korifla). Enfin, sur les plateaux d'Oulmès, où le relief brutal concen¬ tre l'eau refusée h la plaine sans imposer un climat thermique -14 — aussi rigoureux que celui de la montagne, la forêt de chêne- liège subit le rythme de la vie montagnarde, de la transhumance, de l'installation et des cultures temporaires. Suivant qu'elle est plus ou moins accessible, fréquentée ou désertée (plateaux élevés ou montagneux, ou zones de passage des troupeaux, etc...), ? elle présente différents stades de dégradation, depuis la futaie vigoureuse et dense jusqu'aux taillis rabougris et envahis par le chêne-vert. Quant au [eu, il a sévi dans louLes les forêts de chêne liège du Maroc comme dans toutes les forêts de l'Afrique du Nord ; mais, tandis que l'influence du pâturage s'y traduit surtout par la modification lente du lapis végétal (actuellement on recon¬ naît sa large extension à la fréquence des stades de régression observés : clairières à ajoncs, à lavandes, à asphodèles, à bruyères, à myrtes, à cistes), celle de l'incendie se manifeste principalement par l'altération brusque du sous-bois, l'appari¬ tion ou le développement des espèces favorisées par leur aptitu¬ de à supporter le découvert, à se régénérer ((peuplements clairs à tizra-Beni-Abid, Sehouls) clairières à sable nu (Mamora)), lorsque les incendies trop répétés combinés au pâturage et à l'absence d'un substitut ligneux pour remplacer le chêne-liège détruit, ont chassé les dernières traces de végétation forestière. Telle est, pour l'ensemble du territoire où elles subsistent, el en faisant abstraction de la vitesse des phénomènes qui leur ont imprimé leurs caractères actuels, la résultante générale de l'action de l'homme sur les forêts de chêne-liège du Maroc. Mais c'est une étude plus détaillée de la période des quinze dernières années, qui va permettre d'établir le bilan actuel de l'action, sur la forêt de chêne-liège du Maroc, de ces deux élé¬ ments essentiels, l'eau el l'homme, dont on vient de rappeler l'influence originelle sur la physionomie présente des peuple¬ ments de celte essence. * Avant de procéder à cette étude qui traitera exclusivement de l'action de l'homme sur la forêt, il faut rappeler encore une fois, au préalable, que l'allure générale de l'évolution de ces peu¬ plements, en ce qui concerne le rôle de l'élément naturel, l'eau, est dans le sens de la régression. On enregistre une diminution de la quantité d'eau mise à leur disposition, ce qui rend compte en particulier, de la raréfaction, en surface, el de l'éclaircisse¬ ment, en matériel, des peuplements de chêne-liège qui couvraient — 15 — autrefois la table marocaine austro-septentrionale : régression qui est réelle, et qui se traduit par la dégradation du sol et de la couverture vivante (bien qu'elle soit masquée, en partie, au voisinage du littoral, par la vigueur des peuplements, diïe à l'état hygrométrique élevé et à la douceur générale du climat), car, de par l'ancienneté du peuplement humain, la pauvreté naturelle des ressources en eau et l'intensité des dévastations forestières pratiquées, l'équilibre primitif qui réglaiL la distribu¬ tion de l'eau a été définitivement rompu, et n'est plus suscepti¬ ble d'être restauré. Le taux de boisement du secteur du chêne- liège est tombé entre 4 eL 5 % et il n'est pas possible ni de relever le niveau de la nappe phréatique, ni d'augmenter les condensations pluviales, ni d adoucir le climat thermique. Toutefois, un avantage important se manifeste dans la ré¬ partition et le groupement des forêts de chêne-liège du Maroc : d'une part, l'existence de l'immense et compact massif de la Mamora qui, scrupuleusement conservé, peut être un Irein sé¬ rieux à l'appauvrissement en eau de la zone littorale; d'autre part, la situation prépondérante, au sein des massifs boisés qui couvrent les plateaux d'Oulmès ou la montagne de Taza, de peuplements de chêne-liège vigoureux, qui ont. moins souffert que ceux de la zone littorale et qui doivent, avec la Mamora, servir de point d'appui à la restauration, partout où l'eau ne fera pas défaut, des boisements de chêne-liège où l'état actuel du sol, écorché, dépouillé de sa couverture protectrice, l'obligea céder le pas à d'autres essences, au thuya et au chêne-vert notamment. III. — Evolution des forêts de ehêne-liège sous l'influence de l'homme Dévastation primitive : Mesures de Sauvetage et de Protection de la Forêt. — Pour reconnaître maintenant et jauger l'action de l'homme sur la forêt de chêne-liège du Maroc, dans le passé proche et dans le présent (ce qui conduira à esti¬ mer ses possibilités d'avenir), ou examinera successivement, en suivant l'ordre d'urgence des besoins auxquels ils répondent, et en noLant les phases de Leur développement, les trois ordres de faits qui ont trait à l'occupation du sol (campement, lié au pâturage), à sa mise en culture (défrichements, incendies) eL à — 16 — l'exploitalion (abusive, puis rationnelle) des produits de la forêt. 1) Pâturage• — Ce qui caractérise le régime actuel de parcours des troupeaux, c'est la stabilisation, après les grandes oscillations, les grands mouvements de llux et de reflux qui s'exerçaient à notre arrivée, et affectaient en particulier le terri¬ toire du chêne-liège. En 1911, les forêts de Mamora, M'Krennza, des Sehouls, étaient un champ de lutLes entre Arabes et Berbè¬ res, Beni-Ahsen et Zemmours, unis d'une part aux Zaërs, d'autre part aux Zaïans. Les Zemmours pasteurs, pour subvenir aux besoins de leurs nombreux troupeaux, durent conquérir le droit de parcours en Mamora, en abandonnant à une partie de leur propre tribu le parcours de leurs pâturages du Sud, moins facilement accessibles et moins riches. Actuellement, tous les douars qui y étaient campés en ont été refoulés, et le partage de la forêt, en ce qui concerne le parcours, a été fait entre les deux tribus rivales. Il en a été de môme pour les autres forêts notamment celles de M'Krennza, des Sehouls, de Boulhaut. Celte stabilisation est constatée, dans la zone littorale, par le recensement annuel des usagers de la forêt, dont les résultats sont résumés dans les chiffres suivants : Bovins Ovins Caprins Surface forestière parcourue (en chêne-liège) 88.000 216.000 57.000 200.000 ha. qui sont des moyennes relatives aux cinq dernières années et s'appliquent à l'ensemble des forêts de chêne-liège sauf celles d'IIarcha, de Moulay Bou Azza, d'Aguelmous et tle Bab-Azhar. Actuellement, la possibilité en herbe des forêts de chêne- liège, qui correspond, en moyenne, à 2 bovins (ou 10 ovins) par 3 hectares (les caprins sont tolérés, sinon admis, au parcours en forêt), esL atteinte, et souvent même dépassée, dans les forêts du littoral. On a dû, pour tenir compte de cette abondance de bétail et assurer malgré elle la protection de la forêt contre cette cause de dégradation (la moins apparente, mais la plus sûre, de l'état boisé, et principalement des peuplements de chêne-liège), réserver le pâturage aux indigènes usagers rive¬ rains de la forêt. Pour marquer la précarité du droit qui leur — 17 — Pâturage (Moyenne des années 1923 inclus à 1928 inclus) FORÊTS BOVINS OVINS CAPRINS ! Sud 33.000 15.000 2.500 71.000 29.000 7.000 non recensés 20.000 8,000 500 Mnmora ( Nord .... Gharb Ouezzan Sehouls 3.500 3 500 6.500 3.500 4.000 10.500 7.000 16.000 13 000 10.000 2.000 1.000 5.000 5.000 1 4.500 M Krennza Beni Àbid Selamna Sibara BoulhauL 3.000 ' 1.500 1.500 1.000 5 500 3.500 6.500 3.500 6.000 2.000 20 500 14.000 7.000 4.000 | Aïn Kreil Oued Tifsassine.... Gnadis Achach Khaloual Marcha non recensés i < !. id. id. Moulay Bouazza ... Aguelmous Bab Azhar Totaux 88.000 216.000 57.000 — 18 — esl ainsi reconnu, el maintenir son exercice à un juste niveau on a, en même temps, imposé à chaque usager le paiement d'une redevance, au reste très faible : 5 francs par bovin (ou caprin), 1 franc par ovin, pour chaque bête introduite en forêt (en dehors du troupeau familial exonéré de cette redevance). f Toutefois, cette mesure ne peut être efficace que si elle est générale. On sera ainsi conduit, à mesure que l'installation du régime forestier progressera, à étendre l'application du régime ainsi institué pour l'exercice du droit de parcours en forêt. I! faut ajouter à ce pâturage des bovins, ovins et caprins, réservé aux indigènes usagers, le panage des troupeaux de porcs, qui fait l'objet de concessions au profit de colons euro¬ péens établis sur les lisières des forêts de chêne liège : son importance est liée à celle de la glandée, qui est variable mais parfois très abondante. En dehors de cette utilisation des glands, on en délivre directement, à titre de menus produits, aux indigènes, des quantités assez importantes, car ils sont doux et comestibles. 2) Incendies. — En matière d'incendie, ce qui caractérise l'état actuel par rapport au passé, c'est la réduction, presque la suppression des sinistres dûs au feu (mais on doit reconnaî¬ tre par contre que les défrichements pratiqués sans l'aide du feu ont tendance à s'étendre), car il faut considérer que l'incen¬ die par malveillance n'existe pas ici, et que c'est uniquement dans le but de cultiver le sol que l'indigène est amené, rarement d'ailleurs, à mettre le feu, qui provient au reste plus souvent, de l'imprudence des européens : chemins de fer, écobuages, etc... D'ailleurs les caractères particuliers de la forêt de chêne- liège du Maroc (état hygrométrique élevé en général, sous- bois peu abondant) favorisent la rareté des incendies. Toute¬ fois, à notre arrivée, ils parcouraient régulièrement les forêts, ? ce qui est manifesté par l'existence de vastes clairières, par les traces de feu que porLenl les arbres, par le dépérissement de cantons entiers qui ont succombé à ses atteintes répétées. C'est principalement pour lutter contre les incendies, et si possible les prévenir, que, en dehors d'une législation commune à toutes les forêts du Maroc, on a pris, pour les forêts de chêne- liège, des mesures spéciales : établissement de tranchées contre l'incendie, qui compartimentent les forêts, l'installation de — 19 — téléphones et de maisons forestières au cœur des boisements. La longueur des tranchées et chemins ouverts dans ces forêts s'élève à 800 kms. dont 440 kms. en Mamora (sans compter la forêt d'Harcha : 97 kms. de chemins, et celle de Bab Azhàr : f 65 kms). Cette forêt, qui a 70 km. de long eL 40 km. de large, constitue le plus vaste massif de chêne-liège du monde; elle est traversée d'OuesL en Est et du Nord au Sud par des tranchées 9 contre l'incendie, sortes d'allées de sable de 30, 20, 10 mètres de largeur entièrement dessouchées, qui compartimentent son étendue et assurent en outre la circulation. L'ouverture de ces tranchées, commencées dès 1915, en pleine guerre, a été poursuivie jusqu'en 1920, date à laquelle le réseau de 440 km. était établi. Quant au téléphone, on a établi 11 postes et posé 170 km. de fil dans les seules forêts de la zone sublitlorale. Grâce à ces mesures de prévision et de défense, les incendies sont rares, restent en général assez localisés et sont rapidement el efficacement combattus; ils n'ont parcouru, depuis 1914, dans les forêts de chêne-liège, que des surfaces très restreintes : en moyenne 2.000 hectares par an. 3) Défrichements■ — Les défrichements, s'ils ont tendance à se poursuivre, et même à s'étendre, comme on vient de le dire, ne subsistent à l'heure actuelle, au détriment du chêne-liège, que dans les régions où le régime forestier n'est pas encore intégralement appliqué, c'est-à-dire surtout dans les forêts des plateaux d'Oulmès et de la région de Taza : là on trouve d'innombrables clairières et < nclaves qui parsèment la forêt, changent chaque.année de forme, de superficie, d'emplacement. L'accélération constatée dans le rythme de ces défrichements est liée au progrès de la colonisation et s'explique par le fait que * c'est sur le territoire du chêne-liège principalement que se développe cette dernière. La délimitation forestière, qui, en fixant l'assiette du domaine forestier, le protège plus efficacement contre les- 5 défrichements, est poussée avec toute la célérité possible, et appliquée d'abord aux boisements de chêne-liège, avant de s'étendre aux autres essences voisines : thuya, chêne-vert. Les seules forêts de chêne-liège restant actuellement à délimiter, ou en cours de délimitation, sont celles des plateaux — 20 — d'Oulmfs, Moulaj-Bouazza et Aguelmous, et de la région de- Taza. La superficie actuellement délimitée se monte à 200.000 hectares (de chêne-liège pur, compte tenu de la proportion des essences auxiliaires). 4) Exploitations■ — Après avoir considéré ces séries d'actes (pâturages, incendies, défrichements) exercés par l'homme sur la forêt de chêne-liège, sur le sol lui-même, pour satisfaire à ses besoins les plus urgents, il faut examiner ceux qui visent à l'utilisation, rudimentaire et primitive d'abord, puis organisée et rationnelle, des produits de cette forêt pour la satisfaction des besoins autres que ceux de l'habitation et de l'alimentation, c'est-à-dire les actes d'exploitation. Or, ce qui les caractérise actuellement, c'est la substitution quasi complète (sauf en ce qui concerne l'exploitation de la couverture vivante par le pâturage) aux actes d'exploitation abusive qui s'exerçait avant notre arrivée, d'une exploitation normale, adaptée aux besoins humains et aux possibilités de la forêt. En Mamora, à la faveur de la sécurité résultant de notre installation, la destruction s'était multipliée à l'extrême au début de 1914, et les ravages avaient pris une allure catastrophique. Pour essayer d'y remédier, on avait prescrit, au sujet de la fabrication du charbon de bois et de l'écorcement des arbres sur pied, des mesures dont l'application se heurte à la mauvaise volonté des indigènes; ils redoublèrent d'activité dans leur œuvre de destruction : à ce moment, on estimait environ à 1.500 le nombre des arbres qui tombaient journellement sous leur hache. Seule, l'exploitation en régie parle Service forestier du charbon et du tanin nécessaires au ravitaillement des villes de Rabat et de Salé apparut, et se révéla en effet, capable d'enrayer une telle dévastation. C'est également à l'état de taillis rabougris, fréquemment recépés, abroulis, incendiés, que le Service forestier a trouvé la plupart des forêts de chêne-liège, ou tout au moins leurs lisières voisines des villes ou des agglomérations indigènes, tandis que, à l'intérieur des mêmes forêts, les plus beaux arbres de la futaie étaient le plus souvent mutilés ou écorcés. La plupart des peuplements de chêne-liège de la zone du littoral ressemblaient ainsi à de vastes cimetières d'arbres, dont les squelettes blancs,. FORÊT DE BAR AHZAR. — Chemin en forèl de chêne-liège dans la montagne de Taza — 21 — à demi secs, couverls de blessures el de traces de feu, se dressaient au-dessus d'un sol nu et stérilisé. Leur lisière, c'était généralement une ceinture hérissée el basse de buissons courbés et mutilés, sans cesse ravalés par la hache, et à nouveau rongés 4 par les troupeaux. C'est cï qui explique le plus souvent la physionomie actuelle des peuplements de chêne-liège, taillis épuisés ou futaie dépérissante; leur dévastation était d'autant plus intense que le chêne-liège constituait, fréquemment, la ^ seule essence forestière du pays, el que, lorsqu'elle est en mélange avec le thuya ou le chêne-vert, c'est elle qui fournit le meilleur tanin ou donne le charbon à moindre frais. Cette double raison peut suffire à rendre compte de la disparition complète, dans certaines régions, du chêne-liège qui y a été totalement pillé et remplacé par le thuya ou le chêne-vert (partie des plateaux d'Oulmès). Aux abus de toutes sortes qui en se perpétuant menaçaient l'avenir même des forêts de chêne-liège du Maroc, on a donc voulu substituer un régime d'exploitation normal, capable de leur donner leur plein rendement, sans compromettre leur vigueur. Ce travail de substitution esl encore encours : ce qui le caractérise, c'est l'alliance étroite du point de vue cultural et technique de l'exploitation avec le souci économique et financier de la production en matière et en argent. Pour permettre l'aménagement des forêts suivant ce principe, on a entrepris immédiatement la reconnaissance des boisements, leur déli¬ mitation, leur division, l'inslallalion, au cœur des massifs, de maisons et de préposés forestiers, qui avaient pour tâche non seulement de veiller à la conservation de la forêt mais de contrôler son exploitation. Dans l'ensemble des forêts de chêne- liège, on a ainsi créé 4j postes de forestiers comprenant 7S logements, dont 21 postes el 40 logements pour la Mamora. & Pour permettre l'accès de ces forêts, leur desserte, la vidange des produits, il a été ouvert par le service forestier 9(10 km. de chemins (et tranchées chemins). Cet équipement qui est terminé dans certaines forêts (Mamora, Boulhaut), se poursuit dans i d'autres (Khatoual, Sibara, Marcha) et continuera à se déve¬ lopper au fur et à mesure du progrès des exploitations. DEUXIÈME PARTIE Traitement et Aménagement des forêts de chêne-liège du Maroc La forêt de chêne-liège ainsi pourvue de l'armature pro tectrice qui assure la défense et la conservation des éléments de richesse qu'elle renferme, il devient possible, par un traitement approprié, de tirer parti de ses ressources naturelles pour la satisfaction des besoins humains, de les mobiliser partiellement, tout en garantissant leur reconstitution spontanée, c'est-à-dire de mettre la forêt dans l'état d'exploitation qui réalisera sa mesure normale de production, en un moL de l'aménager. I. — Exploitation : Bases eulturales du traitement des forêts de chêne-liège du Maroc De ce point de vue, on doit d'abord se rendre compte nettement et de ce qu'on lui demande, et de ce qu'elle peut fournir; on lui demande du liège ; elle peut en livrer; mais dans quelles conditions, c'est là le point intéressant. Examinons l'état des peuplements, c'est lui qui fixera le traitement à appliquer. Etat de végétation. — A cet égard, le fait qui frappe tout d'abord c'est la vigueur de la végétation du chêne-liège au Maroc. Cette vigueur paraît tenir au climat atlantique, de même que le chêne-liège gascon ou portugais se montre plus vigoureux que-Ie provençal. Ainsi, la circonférence de 1 m. 50 à hauteur d'homme est couramment atteinte vers l'âge de 55 à 60 ans, et la dimension d'exploitabilité, qui correspond à la circonférence de 0 m. 70, vers l'âge de 25 ans; ces chiffres indiquent un développement plus rapide qu'en Algérie. La croissance du liège est elle-même remarquable : le liège de reproduction atteint l'épaisseur marchande (de 25 m/m) 9 ans après le démasclage. Pour cette raison la première récolte a eu lieu en 1923, les premiers démasclage remontant à 1914, dans la Mamora; les arbres sont particulièrement développés dans cette — 23 — forêt : la plupart des sujets ont un port élancé et recliligne, qui les différencie profondément des chênes-lièges de France et d'Algérie, en général branchus et tordus. Cette forme avantageuse facilite l'enlèvement de l'écôrce en même temps que l'absence de sous-bois épineux et la planicité du terrain rendent aux équipes de liégeurs le parcours de la forêt aisé et rapide ; sauf dans la partie occidentale, qui est en taillis, elle présente l'aspect d'une futaie dont les arbres ont en moyenne I m. 20 à 1 m. 50 de tour, sur 8 à 12 mètres de hauteur. Ces peuplements, dans lesquels le chêne-liège est parfois en mélange avec un poirier sauvage, sont réguliers et homogènes. Nécessité d'une restauration de la forêt.— Mais si les conditions naturelles étaient et sont encore favorables à la végétation, dans cette forêt, de peuplements denses et vigoureux, elle était, au moment de notre installation, du fait des abus de toute sorte (incendies, écorcements, ravages des charbonniers), dans un tel état de dégradation que le service forestier dut se préoccuper aussitôt, dès 1914, pour la sauver d'une ruine certaine, d'enrayer la dévastation à laquelle elle était soumise • les campements furent refoulés de la forêt, et les bûcherons et les écorceurs eux-mêmes furent employés, comme ouvriers, aux travaux entrepris en vue de la régénération de la forêt. Car, si on entama aussitôt le démasclage des cantons les moins ravagés, touLefoison fut obligé (au lieu de constituer des séries et des divisions normales, tenant compte de la topographie, de la nature du sol, des dangers d'incendie ou des facilités de récolle) pour serrer de plus près l'état physiologique de la forêt, de régler la marche el l'intensité des démasclages sur cet état, et on poursuivit d'autre part, aussi activement que le permettaient les possibilités en main-d'œuvre, l'exploitation en vue de leur régénération des peuplements dégradés. Cette opération avait en effet un double but : produire les grosses quantités de combustibles (charbon, bois) nécessaires au pays, el régénérer, par voie de recépage, les peuplements tellement dégradés, dans bien des cantons, qu'ils ne pouvaient pas supporter lVpéralion du démasclage et qu'on ne pouvait plus compter sur leur régénération par ensemencement naturel. II s'agissait, réellement, de refaire la l'orêt, non pas de la régénérer par les méthodes usuelles, car l'état de dégradation où elle se trouvait n'aurait pas permis de réaliser celle réfection — 24 — sans la faire précéder d'une période de repos et de reconstitution progressive par l'élimination complète des éléments qui étaient responsables de cet état. Possibilités de restauration par voie de recépage. — Or, si on avait pu mettre un terme aux incendies, et refouler peu à peu complètement les habitants de la forêt, il fallait composer avec le pâturage qu'ils y exerçaient et orienter vers un but utile (la réfection de la forêt) l'activité qu'ils y employaient à des fins de destruction et de pillage. Toutes ces raisons militaient donc en faveur du principe et de la méthode, qui ont été adoptés dès le début, de la réfection de la forêt par voie de recépage. Une question se posait Lout d'abord : celle de la possibilité, pour ces arbres, de rejeter. Or la preuve en était fournie par les exploitations indigènes concentrées dans la partie occidentale de la Mamora, car, malgré les conditions défavorables dans lesquelles les exploitations étaient faites, les taillis renaissaient vigoureusement. Dès lors, toute cette partie de la forêt fut reparcourue par des recépages qui furent ensuite étendus aux cantons dont l'abatage fut reconnu le plus urgent, en tenant compte de leur état de végétation et de leur âge. En ce qui concerne l'âge des peuplements, des premières observations qui ont été faites il ressort qu'on n'a pu constater, contrairement à ce qu'on dit généralement à ce sujet, une longévité extraordinaire du chêne-liège : tous les arbres dont l'âge a pu être compté ne dépassaient pas, malgré des circon¬ férences atteignant 4 et 5 m. et une épaisseur de liège allant parfois jusqu'à 10 ou 15 cm, l'âge de 120 ans. Jusqu'ici on n'a pas constaté d'ailleurs dans ces limites des différences bien nettes pouvant être imputées à l'âge seul dans la cajîacité de ré¬ génération par rejets de ces su jets. Celle-ci va certainement jusqu'à 80 ou 90 ans au moins. Si on considère l'âge, non des sujets mais des peuplements, on remarque qu'en Mamora les peuplements sont souvent sensiblement équiennes, même lorsqu'ils sont composés d'arbres de diamètres très différents : les comptages effectués ont révélé en effet des âges assez uniformes. Ce caractère ne peut guère, à priori, s'expliquer que par le rôle joué dans le développement des peuplements par le feu, qui aurait souvent parcouru et détruit la forêt par places, et lui auraiL permis, à certaines- époques favorables (glandée abondante par exemple) de se reconstituer sous forme de peuplements homogènes, ou équiennes tout au moins. Insuffisance de la régénération far semis. — Quant à la régénération naturelle par semis, on n'esl pas encore exactement renseigné sur le secours qu'on peut en attendre. Il est cependant d'ores et déjà établi que les semis de chêne- liège ne peuvent subsister que sous le couvert (à l'abri du sous- bois ou, s'il n'y en a pas, comme en Mamora, des Louiïes de palmier nain). Le sujet se développe d'abord en profondeur; un brin de 0 m. 30 de hauteur possède une racine qui atteint souvent 2 m. de profondeur. Pâturé, le semis, s'il ne périt pas, végète en buisson qu'il faut recéper à 5 ou 6 ans si l'on veut avoir des rejets exploitables plus lard. Tout cela est une cause d'infériorité dans ce pays où toute régénération gravite autour de la rapidité de croissance des sujets, puisqu'elle est conditionnée par la mise en défens des cantons où elle doit se réaliser. Il semble en tous cas, dans ces conditions, qu'on ne puisse espérer voir le réensemencement naturel réussir que lorsque l'état du sol, de sa couverture morte et vivante, et la présence d'humus permettront au jeune plant de trouver, dès sa naissance et à mesure qu'il enfoncera ses racines dans la profondeur du sol, la quantité d'eau nécessaire à son développement, en même temps que le couvert du sous-bois protégera efficacement ses parties aériennes contre la des- sicalion brutale. Il y a encore, à cet égard, à étudier le rôle d'abri contre le vent, et surlout contre le sirocco, que peuvent jouer les différents éléments du sous-bois ou de la couverture vivante. Enfin, lorsque, comme ce sera le cas le plus souvent, la régénération naturelle nécessitera des travaux préparatoires (coupe d'éclaircies dans les peuplements trop serrés par exemple) on étudiera l'influence directe ou indirecte que ces travaux pourront avoir sur elle. Il se peut qu'une éclaircie forte, effectuée en temps opportun, provoque l'apparition d'une végétation, même éphémère qui soit favorable à la première pousse des semis, et que, d'autre part, la subsistance sur le sol des débris de l'exploitation, branchages ou résidus de l'incinération des rémanents, s'il y a lieu de pratiquer cette — 26 — opération, favorise elle aussi ce premier développement du sujet, qui constitue le stade critique de son évolution et que la consistance actuelle du milieu naturel où il survient ne permet généralement pas au jeune semis de dépasser victorieusement. Le chêne-liège, en Mamora, fleurit et fructifie dès l'âge de 12 à 15 ans; les fleurs paraissent en avril ou mai, les glands mûrissent dans l'année et tombent d'octobre à mars; les glandées sont, en règle générale, abondantes tous les deux ans (celle de 1927 a été particulièrement forte). Les glands germent et donnent des brins qui se développent de préférence, à ce qui semble, à l'abri des.touffes de doum lorsqu'il en existe dans le peuplement, mais le plus souvent, au premier coup de sirocco, au cours du premier été, plus fréquemment encore au cours du deuxième été, le jeune plant est brûlé, si bien que dans l'état présent de la forêt on ne peut compter pour sa régénération sur le réensemencement naturel, pas plus d'ailleurs que sur les semis artificiels. On a tenté ces derniers, en effectuant les semis en potets; les plants ont germé, ont résisté le premier été, mais ont été détruits par le sirocco dès la deuxième année. ÉTUDE QUANTITATIVE DES POSSIBILITÉS DE RÉFECTION DE LA FORÊT PAR VOIE DE RECÉPAGE a) Expérimentation.— Devant celte nécessité d'assurer entièrement par recépage la régénération de la forêt dégradée, on a, l'opération une fois entamée, entrepris l'étude, d'une part, de la capacité de régénération des peuplements, et d'autre part, de l'intensité des coupes auxquelles celle opération a donné lieu jusqu'ici, pour tirer de ces éléments des prévisions raisonnables sur son développement ultérieur. Pour l'étude du 1er point, capacité de régénération des peu¬ plements, on a installé, dans divers cantons, des places d'expé¬ rience de un hectare, dont on a pratiqué le recépage par tranches, à des époques diverses de l'année, en établissant, pour chaque arbre coupé, une fiche mentionnant son âge, son état de végé¬ tation, l'époque de l'abatage, et pour les rejets survenus, leur date d'apparition ; la vigueur de leur croissance, etc... On n'a pas encore, de cette étude qui sera longue, pu tirer des résultats ni nets ni généraux, mais on peut dire que dans les peuplements rencontrés (âge moyen 60, 80, 90 ans) qui ren- — 27 — ferment de 140 à 80 souches l'hectare, en assez mauvais état de végétation, la proportion des arbres qui ont rejeté atteint en moyenne : 50 à 75 % (après deux saisons de végétation). L'influence sur l'existence, le nombre el la vigueur des re¬ jets, de l'état de végétation du sujet, de l'époque de recépage etc... sera étudiée également, en même temps que le dévelop¬ pement des rejets : on a pu remarquer, dès maintenant, que ces derniers atteignent couramment une hauteur de 0'"50 à lm au bout de la première année. Toutefois on n'a jamais constaté le soit-disant drageonnement du chêne-liège. b) Recépage- — Quant au deuxième élément du rendemen t de l'opération, intensité des coupes, il est surtout lié à la question de la main-d'œuvre et de l'utilisation des produits de l'exploita¬ tion (bois, charbon, tanin, liège mâle). Or, si l'on considère le liège mâle, qui est le produit essentiel, sa principale source, les démasclages, a été tarie en Mamora, en 1925. A partir de cette date des coupes dites à Lanin, mais en réalité coupes de recépa¬ ge, furent assises et cédées par adjudication publique ; elles échurent à de grosses sociétés qui, au reste, éprouvèrent, com¬ me la Société qui avait été chargée, entre 1920 et 1925, d'une partie des démasclages de la Mamora, des difficultés de main- d'œuvre assez graves : car la main-d'œuvre locale n'est pas travailleuse, ni adaptée aux travaux de la forêt, auxquels se livrent seules des équipes de charbonniers et liégeurs Chleuhs, Soussi, Marrakchi, qui se sont installés dans la Mamora. Des essais ont été tentés également, mais sans donner de bons résultats, en 1920, par la Société concessionnaire des tra¬ vaux de démasclages, en vue d'introduire des ouvriers kabyles. Actuellement, par contre, on trouve parfois à la fête des équipes de travailleurs indigènes, des Lâcherons étrangers, espagnols, notamment. Quant aux transports des produits, à l'intérieur de la forêt, il est assez difficile, à cause de la nature sablonneuse du terrain ; aussi les tâcherons indigènes se sont refusés au dé¬ but à y pénétrer et ce n'est que progressivement qu'on a pu atteindre un régime sensiblement normal. Au point où l'on en est actuellement, on peut envisager la réfection des forêts de chêne-liège les plus menacées de la zone littorale, dans un délai d'une quinzaine d'années. Enfin, l'ordre et la technique des coupes ont été imposés — 28 — par le bul même à atteindre : alors qu'au début on pratiquait des coupes progressives ou plutôt une sorte de furetage, afin de ne pas découvrir complètement le sol, de pouvoir profiter d'une glandée opportune, et d'éviter, en cas d'incendie ou d'invasion d'insectes, la destruction complète du recrû, on a maintenant adopté le système de la coupe rase à blanc étoc. Caractères généraux des opérations effectuées. — Cette méthode, qui a pu paraître trop hardie et imprudente, se justi¬ fie et s'impose ici par une double considération d'ordre cullural et d'ordre économique ; celle, d'une part, des conditions clima¬ tiques régnantes dans la forêt envisagée, où la douceur du cli¬ mat et la vigueur de la végétation permet une telle opération et celle, d'autre part, de la nécessité d'adopter une technique sim¬ ple, rapide (à gros rendement), pour attirer les exploitants eu¬ ropéens, permettre l'utilisation de la main-d'œuvre assez primitive et réduire au strict minimum la phase transitoire de substitution au peuplement existant, où s'exerce le parcours des troupeaux, d'un jeune taillis apte à le subir à son tour. Or, alors qu'en France et en Algérie la période d'inter¬ diction ou de mise en défens, après recépage, est en général de 10 ans, on l'a, au Maroc, réduite à son strict minimum, à 6 ans légalement, en fait, souvent à 3 et 4 ans. Cette politique libérale a, par ailleurs, permis aux forestiers de rester en bonne intelligence avec les usagers et d'éviter les incendies qui, comme il a été dit, ne sont jamais causés ici parla malveillance. Démasclage. — C'est encore le souci cultural qui a présidé à l'ordre et à la technique des démasclages. On n'a pas pu appliquer ici d'emblée les données fournies par l'exemple de l'Algérie et de la Tunisie. On a tenu compte des similitudes, plus marquées grâce aux conditions climatiques, avec le Portugal : croissance plus rapide qu'en Algérie, mais en même temps, de par l'état clairsemé de la forêt, la rareté du sous-bois et la faiblesse de la tranche pluviométrique, plus grande sensibilité, vis-à-vis de cette opération, de ces peu¬ plements soumis déjà à des conditions assez précaires de végétation. Si on a reconnu comme dimension d'exploitabilité la circonférence de 0 m. 70 à 0 m. 80, on n'a pas pu, pour fixer la hauteur de démasclage pour un arbre normal, conserver — 29 — la règle du double de la circonférence. Les démasclages qui ont été poursuivis sur celle base, en élevant progressivement la hauteur de démasclage en vue d'augmenter le rendement économique, ont montré en effet qu'une proportion assez forte d'arbres ainsi traités souffraient de l'opération, et à partir de 1920, on a ramené presque uniformément à 1 m. GO la hauteur du démasclage. Dans les autres forêLs, les résultats généraux concernant, la Mamora exposés ci-dessus, tant en ce qui concerne la capaciié de régénération des peuplements que l'intensité des coupes, sonL valables, sous réserve des modifications propres à chacune d'elles. Bien que les expériences n'aient pu être encore étendues à l'ensemble du territoire du chêne-liège, on a pu cependant recueillir déjà des renseignements relatifs à la régénération dans ces différentes forêts; dans la forêt de Sibara par exemple on a observé des rejets Lrès vigoureux, qui atteignent 2 ou .3 m. de hauLeur au bout de la deuxième année. Dans la forêt du Gharb, les cépées rabougries se reconstituent avec une vigueur remarquable par simple mise en défens. Eclaircies. — Dans la forèL de M'krennza, à 10 kms. au Sud de Rabat, à peu près dans les mêmes conditions que la par¬ tie Ouest de la Mamora (jeunes perchis sur souche, de 15 à 20 ans, recépés parles charbonniers indigènes avant notre arrivée), on a en outre entamé une opération culturale d'éclaircies par furetage, destinée à ne laisser subsister sur chaque souche qu'un nombre restreint de tiges saines et bien formées. Onse trouve ici, en présence d'un peuplement à l'état de taillis dense, trop serré, à la suile d'influences particulières, à savoir les exploita¬ tions, répétées à courts intervalles par les charbonniers indigè¬ nes et interrompues brusquement par notre arrivée ; dès lors, le taillis mutilé et pâturé s'est redressé vigoureusement non sans montrer par la petite taille de ses arbres, la réduction de leurs cîmes, l'abondance des lichens qui garnissent leurs fûts et leurs branches, la trace des abus qu'il a subis et l'effet des conditions défavorables dans lesquelles il a végétéjusqu'ici et auxquels l'é- claircie doit porter remède. Il en est de mêmes, avec plus de netteté encore, dans les jeunes peuplements de la lisière OuesL de la Mamora. Pour mettre les arbres d'avenir dans les meil¬ leures conditions de végétation el de productivité,, on, est ainsi — 30 — conduit à envisager le développement sur une assez large échel¬ le de ces opérations d'éclaircies par furetage, qui ont été entre¬ prises depuis trois ans dans la forêt de M'krennza et qui vont commencer dans celle de la Mamora. Les places d'expérience installées dans ces forêts compor¬ tent chacune une parcelle d'expérience et une parcelle témoin qui permettra déjuger, par comparaison,des effets de l'inter¬ vention culturale. On a relevé à M'krennza, une densité à l'hec¬ tare de 1 000 tiges environ (de plus de 0m20 de circonférence à hauteur d'homme) et d'une circonférence moyenne de 0m 25 dans un peuplement sensiblement équienne et âgé de 16 ans, tandis qu'en Mamora, on a note une densité à l'hectare de 1.800 tiges, de 0m 30 de tour en moyenne, dans un peuplement de 30 ans. L'éclaircie enlève, à M'krennza, un arbre sur trois et on Ma¬ mora deux arbres sur trois. La répercussion de l'opération sur la répartition des tiges entre les différentes catégories de diamètres, sur l'accroissement en hauteur, sur la production en liège, sera étudiée également. (On a observé déjà que l'éclaircie, si elle ne paraît pas ac¬ croître notablement le développement des sujets des plus faibles dimensions, ni celui des sujets les plus gros, agit davantage sur les classes moyennes, sans qu'on puisse encore chiffrer l'accrois¬ sement ainsi obtenu du l'ait de cette opération.) Si l'expérimental ion. ainsi conduite fait ressorLir une in- llupnce nettement favorable de l'éclaircie sur le développement des peuplements envisagés, on sera amené à généraliser aux autres peuplements placés dans des conditions semblables cette opération qui ne sera limitée, en intensité, que par la nécessité d'assurer aux petits bois qu'elle fournit des débouchés suffi¬ sants ; utilisation pour le chauffage (au voisinage des villes ou des agglomérations), pour la fabrication du charbon de bois, (par carbonisation en meules ou en fours), pour le fonctionnement des gazogènes (marchant au bois, au charbon de bois ou aux agglomérés), si l'emploi de ces appareils, fours ou gazogènes, arrive à se développer au Maroc comme il le mérite. Dans d'autres régions que celle où l'expérimentation a dû jusqu'ici se limiter en cette matière, la régénération des peu¬ plements de chêne-liège pourra se présenter dans d'autres con¬ ditions, du fait notamment de la coexistence avec cette essence, — 31 — du thuya el chêne-verl et du chêne-zéen qui esL souvent enva¬ hissant, et par suite on pourra être amené a modifier le traite¬ ment de façon à favoriser l'essence principale. On n'est pas fixé non plus sur le rôle que peut jouer, éven¬ tuellement, dans la constitution des boisemenLs de chêne-liège le Lizra là où il existe : èsl-il simplement un indicateur (de la profondeur, de la richesse du sol), un symptôme (de la dégrada¬ tion de ce sol, de l'évolution de ce peuplement) ou peut-il aussi servir à maintenir et à réintroduire le chêne-liège (par l'effet de son couvert, de ses épines et de son enracinement). En tout état de cause, la possibilité, pour le lizra, de jouer ce rôle, suffit à justifier sa conservation, au moins jusqu'à nouvel ordre, dans les forêts de chêne-liège où on le rencontre : l'extraction des sou¬ ches de tizra, pratiquée actuellement sur une grande échelle n'est donc pas autorisée dans ces dernières. II. — Production i le produit principal LIÈGE DE REPRODUCTION Enfin, la récolte du liège de reproduction, qui est le but principal de l'exploitation des peuplements de chêne-liège, reflète, en les accentuant, les principaux caractères de cette exploitation. De même que le démasclage a été dirigé avanL Lout par une préoccupation d'ordre cultural, la récolle du liège de repro¬ duction s'est basée sur la donnée essentielle du temps de maturation du liège de deuxième pousse (on a vu qu'il est mûr et atteint l'épaisseur marchande de 25 m/m en général au bout de 9 ans), en se modelant sur l'état des peuplements et l'ordre des recépages intervenus depuis le commencement des démasclages. Formation et récolte du liège de reproduction. — Ôn récolte donc les lièges de 9 ans, tout venant, sans se préoccuper de l'épaisseur, l'expérience ayant montré que ce premier élément d'appréciation de la maturité du liège, l'âge, est plus sûr et moins sujet à erreur que l'épaisseur. Ce résultat parait confirmé, notamment par le fait que le liège récolté au Maroc suivant ce principe est jusqu'ici exempt — 32 — de la Lâche jaune dont on allribue, en Algérie, le développement au maintien du liège sur l'arbre au-delà de la douzième année (peut-être au Maroc, en raison de la plus grande rapidité de maturation, l'audra-t-il craindre que cette limite ne soit réduite au-dessous de 12 ans). En tous cas on veille à se rapprocher le plus strictement possible de la période de 9 ans (dans la forêt de la Mamora et les autres forêts voisines), en faisant passer avant louL celLe considération de la maturité et par suite de l'âge du liège, sans s'astreindre pour le moment aux restrictions imposées à cette règle en Algérie par le souci des incendies eL la nécessité d'avoir un rapport soutenu. Le régime très simple adopté au Maroc y est d'ailleurs favorisé par l'homogénéité des conditions de croissance et l'absence des causes d'incendie si nombreuses en Algéie. A ce propos, il faut signaler un autre danger qui peut paraître grave pour l'avenir des récoltes de liège au Maroc : celui des invasions de liparis. Ce lépidoptère est, il est vrai un hôte indigène delà Mamora, oit il existe de longue date; mais c'est en 1918 que ses ravages ont commencé à prendre de l'extension. L'invasion s'est alors développée d'année en année, pour s'étendre, en 1923, sur une superficie de 40.000 hectares. Grâce à l'élude, entreprise aussitôt, de la biologie de ce bombycide, on se rendit compte du caractère périodique que devait affecter son invasion, et du rôle essentiel que devait jouer dans cette périodicité l'action des parasites du liparis. N'ayant pu trouver de parasite indigène qui pût être employé, par élevage et dissémination artificielle, contre le liparis, on eut recours à un parasite exotique, originaire du Ja¬ pon, le Schœnius Kuwanœ, utilisé déjà sur une grande échelle en Amérique, d'où il fut importé au Maroc. 11 trouve, au reste, en Mamora, où la lutte contre le liparis est organisée actuelle¬ ment de concert entre le Service forestier et l'Institut Scienti¬ fique Chérifien, des conditions plus favorables même qu'en Amérique (fait vérifié par l'accroissement constaté de son rayon d'action autour des centres de « lâchers » de ce parasite). Les ravagés causés par le liparis n'ont jamais pris une al¬ lure catastrophique : après des années d'invasion intense, une dé¬ croissance d'intensité s'est manifestée. En tout cas l'éclosion des pontes étant précoce, les feuillages dévorés sonl vile restaurés elles dommages intéressant la vitalité do l'arbre assez rapide- — 33 — rnenl réparés. Quant aux inconvénients que le liparis peut ap¬ porter au commerce des lièges eux-mêmes (qui peuvent ren¬ fermer des pontes et les transporter, lorsqu'ils sont exportés, et contaminer les lièges sains) ces inconvénients sonL fortement ré¬ duits du fait qu'on peut facilement s'en mettre à l'abri, en effec¬ tuant le transport hors i'orêL des balles de liège douteuses avant le 1er Juin (date'du début de la période de ponte), mais après le l81' Mars (commencement de la période d'éclosion des œufs pondus pendant l'année précédente sur les lièges encore debout ou en cours de récolte). Il faut noter que l'invasion du liparis, qui s'était renouvelée chaque innée régulièrement depuis 1918 comme nous l'avons vu en Mamora, ne s'est pas produite en 1930. En ce qui concerne les modalités d'exécution de la récolte du liège de reproduction on a dû, comme pour le démasclage, et avant même de connaître exactement les difficultés, les risques et le rendement de l'entreprise, choisir entre le mode d'exploi¬ tation en régie et le mode de la concession, donner la préférence au rendement économique et au bénéfice immédiat ou bien faire _ passer avant tout le soin de l'intérêt cultural. C'esl ce dernier point de vu qui a prévalu et l'Administration a préféré garder entièrement dans sa main l'exécution intégrale des travaux déli¬ cats que cette exploitation réclame. La récolte du liège de re¬ production est donc faite en régie, ce qui permet, au surplus, à l'Administration, de faire profiler le Trésor des sacrifices qu'elle s'impose pour mener à bien celte tâche ; en même temps elle reste en mesure de régler la production, d'éviter les crises de mévente, et elle s'emploie à éduquer, peu à peu, la main d'oeu¬ vre inexpérimentée donL elle disposait tout d'abord. Le succès a répondu aux efforts ainsi dirigés puisque, dès à présent, le liège de repro luctiou du Maroc a conquis sur le marché mondial la place qu'il mérite. Qualité du liège et vente 11 présente en effet des qualités marchandes très sérieuses et s'il n'est pas comparable au meilleur liège des provinces d'Alger et d'Oran, il est assez voisin de celui de la province de Conslanline. L'ensemble de ces qualités est traduit, globale¬ ment, par sa densité qui est en moyenne (ilfaut observer d'ailleurs qu'il s'agit de liège de première reproduction) dellOkgs austère. — 34 — Celle clensilé esl nalurellemenl variable notamment sui- vanl les diverses catégories de liège qu'on dislingue, pour la veuie, eu liège marchand, liège mince el liège de relui. Mais c'esluu earaelère assez remarquable des lièges maiocains d'êlre homogènes non seulemenl pour les différentes couches d'un même arbre (ce qui s'explique par la douceur générale des conditions climatiques de leur formation el par l'absence de de perlurbalions de croissance dues-à des incendies, invasion d'insecles, elc...), mais encore pour les différents arbres d'une même forêt, ce qui lient à l'uniformité des conditions naturelles de végétation du peuplement, comme aussi à l'ordre imposé aux diverses opérations de démasclages, de recépage, de récolte elïecluées dans une même forêt. Ces conditions rendent compte, d'abord, de la constance approximative des proportions relatives (qui sont en moyenne, ici, de 2/3 de liège inférieur pour 1/3 de liège mince et marchand réunis, le liège mince étant comparable, au point de vue qualité intrinsèque, au liège marchand, dont seule l'épaisseur îles cou¬ ches annuelles le distingue), ensuite, delà faible différence qui existe entre ces deux catégories (qui n'est pas imputable à un défaut de classement, mais qui Lient au contraire à la similitude des produits, car l'appréciation directe de celte différence, lors du triage, est souvent contredite par la vérification delà den¬ sité, par pesage) ; enfin, de la régularité des couches annuelles, de l'absence de défauts ou de maladies (ni tache jaune, ni lièges souillés, ni boisés). t Si on ajoute que, grâce à la rectitude des fûts, on peut généralement obtenir îles planches de belle venue, droites, régulières, que la facilité des transports permet d'éviter dans la plus grande mesure le bris de ces planches, on conçoit, par cet ensemble de raisons, que, s'ils ne comportent pas actuel¬ lement un lot de lièges premier choix à grain très fin, à crois¬ sance lente et extrêmement régulière, que les forêts du groupe subliltoral ne peuvent pas fournir mais que pourront peut-être produire un jour certains peuplements de la région d'Oulmès oudeTaza, les lièges de reproduction du Maroc puissent faire dès à présent figure honorable dans la production des pays de de l'Afrique du Nord. 11 sont au reslc, comme ceux d'Algérie el de Tunisie, ven¬ dus bruts, empilés sur des places de dépôt établies en forêt, à — 35 — proximité de chemins carrossables ou ferrés, à une distance réduite (moins de 50 kms.) des poids d'embarquement (Casa¬ blanca, Rabat, Salé, Kénitra). Les lièges du Maroc sont exportés en presque totalité, et souL achetés par les mêmes acheteurs que ceux d'Algérie ou de Tunisie : ce sont on particulier les grosses firmes américaines qui se souL rendues principaux acquéreurs, lors de l'adjudication de Novembre 1028 ; la vente a lieu, en effet, par adjudication pu¬ blique, vers le mois de Novembre et attire chaque année un nombre croissant d'amateurs, représentant des maisons françai¬ ses ou étrangères. 11 faut signaler toutefois à ce propos que la crise économi¬ que mondiale qui s'est déclarée à la lin de la dernière année — 1020—de la période embrassée par la pr sente note, et qui con¬ tinue actuellement, no permet pas de donner aux faits précé¬ dents tout leur développement : le commerce du liège s'est sen¬ siblement réduit, au Maroc comme ailleurs, dès la fin de l'année 1020 et plus encore eu 1030 où il n'a été vendu que 4.000 quin¬ taux de liège de reproduction. En tout état de cause, les rendements matière et argent îles récolles et ventes annuelles de liège de reproduction (et de liège mâle) du Maroc sont indiqués dans les deux tableaux ci-joints. (v. page J6) A la différence de ceux d'Algérie, les lièges marocains sont exportés à l'étal brut, non ouvrés, car l'industrie locale du liège n'est pas jusqu'ici en voie d'évolution bien marquée : la Socié¬ té qui s'était constituée dans ce but à l'origine à Kénitra, en mô¬ me temps qu'elle tirait parti des grosses quanlilés de liège mâle provenant des démasclages dont elle avait été chargée en Mamo- ra, s'est heurtée à des difficultés (notamment de main-d'œuvre, d'outillage el d'organisation) qui l'ont conduite à rechercher dans une autre voie plus spécialement commerciale la rémuné¬ ration de ses capitaux. Les industries de transformation du liège sur place sont donc encore inexistantes : deux Sociétés, la « Société des Lièges industrialisés » à Rabat et la « Manufacture Marocaine de Calo¬ rifuges et Lièges agglomérés » à Fédhala, représentent les seu les entreprises de traitement des lièges qui fonctionnent actuel¬ lement au Maroc : elles fabriquent des bouchons, des agglomé¬ rés, mais leur outillage est peu important, la production faible. — 36 — Récoltes et ventes annuelles des lièges de reproduction du Maroc - ANNÉE poids de la récolte en quintaux quantite vendue en quintaux Pliix [>E VENTE MOYEN (au ouinial) GÉNÉRAL PAU CATEGORIE L. Marchand L. Milice L. Inférieur 1923 2 550 2.550 40 56. 19 1924 10.025 10.025 38 60 40 12 1925 15.800 15.800 40 80 62 30 1926 12.850 12.850 204 225 190 165 1927 32.695 32.695 102 133 107 1 87 1928 35 825 35 825 185 215 160 185 1929 29.465 9.170 invendu 190 170 Rendement en argent des ventes de liège de reproduction et de liège mâle ANNÉE PRIX DE VENTE GLOBAL (EN ERANCS) 1 Liège de reproduction LIÈGE MALE 1923 105.000 1 1924 380.000 50.000 1925 620.000 95.000 1926 2.620.000 235.000 1927 3.345.000 440.000 1928 6.565.000 730.000 1929.» 1.640.000 2.200.000 (l) — A peine un tiers de la récolte de liège de reproduction a été vendu en 192!). — 37 - I)e nouvelles Sociélés se proposent cependant d'essayer à nouveau, dans de meilleures conditions techniques qu'autrefois, de faire subir aux lièges rie reproduction, au lieu de les expor¬ ter à l'état brut, surtout aux Etats-Unis, un traitement prépara- Loire, en vue de réduire le poids à transporter, et d'augmenter la valeur de l'unité de poids. Quant au liège mâle, on se contente do l'exporter en balles pressées jusqu'ici à l'aide d'instruments rudimenlaires, mais 011 commence à remplacer ces instruments par rie véritable presses hydrauliques qui fonctionnent aux porLs d'embarquement (Ra¬ bat-Salé notamment). Malgré ces débuts modestes, et bien que le développement de l'industrie du liège au Maroc soit à peine sensible actuelle¬ ment, ce qui s'explique surtout par les difficultés d'ordre tech¬ nique qu'elle rencontre (pénurie d'eau, de combustible, de main d'œuvre spécialisée), on peut espérer cependant que, lorsque la situation économique d'ensemble du Protectorat sera devenue normale, la forêt de chêne-liège du Maroc sera en mesure de fournir chaque année à l'industrie locale une quantité de liège suffisante pour satisfaire à la consommation du pays et entrete¬ nir un courant important d'échange avec la Métropoleet les pays européens ou extra-européens. Importance de la récolte Quoi qu'il en soit, et bien que le problème de la transfor¬ mation industrielle sur place ne soit pas encore résolu, ni même exactement posé, par sa qualité et par sa quantité, comme il résulte des chiffres qui vont être exposés ci-dessous, le liège de reproduction Lient actuellement dans la statistique forestière du Maroc et dans sa balance commerciale, une place qui est dès à présent des plus honorables, et ceLte importance est appelée à agmenter encore sensiblement d'ici quelques années. L'accroissement de valeur des récoltes de liège de repro¬ duction qui seront réalisées à ce moment, compensera alors largement la réduction que subira, à cette époque, le rendement, actuellement très élevé relativement, eu liège mâle et en tanin, des forêts de chêne-liège du Maroc (au profit d'ailleurs, au moins en partie, d'autre forêts encore inexploitées, qui bénéficieront à leur tour des opérations de mise en valeur, d'aménagement, qui y seront installées et poursuivies ultérieurement). — 38 — Si on dresse le bilan des opérations de recépage, de démas¬ clage, des récoltes, effectuées ou en cours dans l'ensemble des forets de chène-liège on enregistre les résultats suivants : Les démasclages, qui sont terminés dans les forêts de Ma- mora, des Schouls, de Boulhaul et des Beni-Abid, sont en cours dans celles de Sibara, Aïn-Kreil, Marcha et P>ab-Azhar. La récolte des lièges de reproduction, qui a commencé en 1923 en Mamora, en 1925 à Boulhaul, en 1927 aux Sehouls, se poursuit dans ces forêts et s'étendra ensuile aux autres forêts dont la mise en valeur n'a pu commencer que plus lard. Les coupes de recépages, entamées en Mamora, à Boulhaut, aux Sehouls, aux Beni-Abid, s'y poursuivent et s'installent éga¬ lement à Sibara et au Khatouat. Les coupes d'éclaircies, commencées à M'Krennza, vont s'étendre à la partie Ouest de la Mamora et des Sehouls. Le développement de ces différentes opérations, au cours des dernières années, pent être résumé dans les tableaux ci- joints, qui indiquent la production cumulée el la surface corres¬ pondante parcourue pour chaque catégorie essentielle d'opéra¬ tion : depuis 1914 pour les démasclages, depuis 1923 pour les récoltes de liège de reproduction et les recépages de régénéra¬ tion. 11 faut mentionner, également, la délivrance aux indigènes, à litre de menus produits, de certains bois de service répondant à leur besoins spéciaux (bois de charrues, limons, socs, perches, piquets, etc...). (v. pages 39 et 40) III. — Caractéristiques actuelles de l'aménagement des Forêts de chêne-liège du Maroc Restauration et Valorisation Il faut faire ressortir, enfin, au terme de cet examen du rendement des forêts de chênes-liège du Maroc, cL en particu¬ lier de leur rendement en liège de reproduction, quel est le stade actuel de leur exploitation. Or ceLle dernière est encore, du fait de l'époque toute récente où elle a commencé et de la hâte avec laquelle il a fallu procéder à des opérations non encore pratiquées dans des conditions semblables, dans sa phase de jeunesse, et d'autre Etat de la production des lièges au 1fir Janvier 193© FORÉTS DÉMASCLAGES (en cours, commencés en 1914) POIDS DE LIÈGE MALE KÉCOLTE DE LIÈGE DE REPRODUCTION (Première récolle en cours, commencée en 1923) POIDS DE LIÈGE de reproduction OBSERVA¬ TIONS Surface en hectares Nombre d'arbres En quintaux Surface en hectares Nombre d'arbres En quintaux Commencemeat de la 1" récolte M \ Sud Mam0ra I Nord Gharb Ouezzan 44.000 51.370 650 0 1.285.160 1.350.570 6.540 0 117.300 232.425 1.000 0 7.600 11.700 0 0 337.760 432.720 0 0 42.135 70.775 0 0 1925 1923 Sehouls M'Krennza Beni Abib Selamna Sibara 6.700 0 3.050 300 1.725 292.880 0 105.840 5.140 83.360 35.100 0 11.000 500 8.600 2.350 0 0' 0 0 104.930 0 0 0 0 11.585 0 0 0 0 1927 Boulhaut Aïn Kreil Oued Tifsassine Gnadis Achach Khatouat 12.450 2.100 1.400 0 0 0 628.480 40.620 10.740 0 0 0 41.800 1.600 500 0 0 0 4.300 0 0 0 0 0 312.670 0 0 0 0 0 17.600 0 0 0 0 0 1925 Marcha . . Moula}' Bouazza Aguelmous Bab Azhar 14.600 0 0 1.850 237.570 0 0 46.480 36.200 0 0 1.500 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Totaux 140.195 4.093.380 487.525 25.950 1.188.080 142.095 - 40 — État d'assiette des recépages de chêne-liège au 1er janvier 1930 F O R I : T s i Sud... Mamora , ( Nord.. Gharb Ouezzan Schouls M'Krennza Beni Abib Sèlamna Sibara Boulhaul Aïn Kreil Oued Tif'sassine Gnadis Achach Khaloual Harcha Moulay Bouazza . Aguelmous Bab Azhar . ...... SURFACE parcp Badou G' AZEMIVOUR, MAZAGANTi D.Toumi KFOualidia. H^Sgaga 36® SiRadi, r CapCsntin.{ . SIÂïssa .El Djemaa Sahim . EtTleta K° Hamidouch CapHadkj OumelAïoun MOGADOR& CapSim 1 ( , S'.b.Otmane r> , AïnOufra \M E R MEDITERRANEE *1* _ r*»n W!oc Tr*r»ic /Âxrv/uic T Ile Rachgound o> y I.Habibas Cap rigalo •év ^ ^ ÇapQuilatès Cap des Trois Fourches T. MELILLA (ired^^/V erSouk X IlesChalfbrines CapdeTF.au TARGUIST I . El Arb&a \ /%aH ♦Tamchecht s -» .<% . / JAïnAhmar . gou Zineb ^or - IîziOuzIi OAKNOUL . nU.ebercs x 3abMoroudj ( CASABLANj Qb.Au! D.Kasem. UAricha a CNNW/&J osseur Tazojtfta Talzent.^ / / h¥2 " .Timhadit SIRshal O.Amassine KHENIFRA j AïtS'Hak • Asserdoun^ . •— \ y>.kzerzou •Bekrit °ITi Kerrouchene / TADL Trffert OKSl^ / ^ •Taghziçfc^ / ^ C. Af1 la .lamalout •Oudghès . « mv • B.Medhi OB'MELLAL t&C M, ^ \V Bin el Ouidane •Atoui X^AZILAL \JaouJ ^ -AïtM'hamed Jemàa Izeroual -Aïtelttassane Oued-Nr-ois '.Tadiroi ist \ Tabia • , Zerektene Varia AïtMeraou Telouet cnr ^ lalaatn'Yâkoub^ V /w,8 5^u8 Ai Aou/°uz J .Amassine i.Caïd Lsrbi Oerdouri Tagadirt n'Tidili ■ IPAïtel Ferai fi fi 0 ■js •Alokt ■ ÂïtSadder tJOunzar /<-lamesraout l Jikirt •Taouf'irtdsi'Ouarzazat J 0 0;f ' • TisliAitOuechchend - ~r-r~> IîrmdertN, • Azekkour •Taldjmout 'AîtMaad Taighemt . • Tiouzaguine GOURRAMA .errando Aoufous "Hii'ouine .Taz julaït Abchana Hassib.Bernous •Si * V J?- + „ X, X M Kerikara J * ' % * { ''\ * Ifc • i Bordjéter-saHâh j \ * j '> '.Cheguig 0AÏN TENDRARA *Bel6hiada •HielAric Dt TA>*l Forjt « < *» BebeR Rouai BouArFa -Cl BeghU .(touchSifer C narbia •H'.Badda Mengoub -A.Tannzara H'.AbbouelÂkahal ATnChoir Beiibila Safsaf "\\ Morra H'.Hassane Zerzef Kenadza 'COLOMB BECHAR a •Berl «bine è<0 N -• % • \ i - -■ : ! ■ -——- ■ ■ - 1 | V I M ' ' ; Wm lii !.. .'V"ï3 ! ■ -• ' - ■ I Y. : Il I ' '■ ■ L: •• Îî ' t- v: ' -v: ,=■ .^3K;'£^-.^^. 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