— ' »»- — " Mi,:, gMnfiMBi "COLONIALE INTERNATIONALE c. V! -1 PARIS I 93 1 Jhjgi mw INDOCHINE FRANÇAISE m. SECTION DES SERVICES D'INTÉRÊT SOCIAL - • • :'"T'-:vv, * rv. •V m>\ Hfgi KÉÉi DIRECTION GENERALE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE v.-- ■ ' • mm llli LA PÉNÉTRATION SCOLAIRE EN PAYS CAMBODGIEN ET LAOTIEN I CAS® ;ÇEiTïTë A SEC§i?;i R6à". c, ET „ i- ■ ■:;i? ■■ < nâisi"* < A "■*1 ËMpjLtSi1» %> tr .v \î V.-AS." >Ug-V. :.jr^K3%û6fc..'a ' ' T":V;ÀC- T'W ... .HANOI imprimerie D'EXTRÊME-ORIENT■ . ' 1931 SpKUSIl PilSIoiftl.., «c . : i . A 8 W m llf " t 11 Ml Iw I-> i m .>i,i fJB. ' H vkV ,rf: fi t 1 y B ■KERnl - •■ , . . . ë:;; : : V ^ P H l»ffi *« ëSîfc's^ H iS®S EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE PARIS 1931 INDOCHINE FRANÇAISE SECTION DES SERVICES D'INTERET SOCIAL DIRECTION GENERALE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE / / LA PENETRATION SCOLAIRE EN PAYS CAMBODGIEN ET LAOTIEN h I / / r:^ U FR#" Centre de Documentation HAN01 sur l'Asie du Sud-Est et le IMPRIMERIE D'EXTRÊME-ORIENT , , , , . Monde Indonésien 1931 EPHE VIe Section BIBLIOTHÈQUE La pénétration scolaire en pays cambodgien et laotien Chapitre premier LES ECOLES DE PAGODES RENOVEES AU CAMBODGE 3— 1. — Rôle des bonzes au Cambodge ®^fÈ()UElHI MUSÉE DES COLONkS et de la France Extérieure Tchéou-Ta-Kouan, dans 1a relation qu'il a laissée du voyage qu'il fit au Cambodge au xiiie siècle de notre ère, note que les bonzes, en dehors de leurs occupations religieuses, remplissent le rôle d'instituteurs et instruisent les enfants qui, dès le plus jeune âge, se rendent à la pagode. Ces bonzes ne furent pas simplement les précepteurs de tout un peuple. Dès la plus haute antiquité bouddhique khmère ils ont été les dépositaires des connaissances de tout ordre qui constituaient le patrimoine intellectuel de la race. Si avant tout leur enseignement était conditionné par des préoc¬ cupations d'ordre religieux, il ne se bornait cependant pas aux seuls pré¬ ceptes bouddhiques traditionnels ; il comprenait aussi d'autres disciplines comme le Droit et l'Art de guérir, dont aujourd'hui encore, certains reli¬ gieux et achars (1) conservent précieusement les formules. Cela explique que, depuis le triomphe de la doctrine du Sage au Cambodge, la vie intel¬ lectuelle et morale du khmer soit restée fonction de la vie même de la pa¬ gode. Malheureusement la décadence cambodgienne, commencée avec celle cle la dynastie des Varmans, n'a fait que s'accroître et empirer au cours des (1) Personnages servant de trait d'union entre les religieux et les laïcs. Pour la plupart ce sont d'anciens bonzes très versés dans la connaissance de la Loi et menant une vie exem¬ plaire. Ils jouent un rôle assez semblable à celui que remplissent les fabriciens auprès des églises catholiques. luttes incessantes que les successeurs d:s Grands Rois eurent à soutenir contre le Siamois et l'Annamite envahisseurs. Pendant ce long et stérile effort, tous soucis autres que ceux de la sauvegarde matérielle du pays passèrent au second plan. Les études furent abandonnées, le peuple s'enfuyant dans les forêts pour y mettre à l'abri ce qui restait de biens temporels et sa pro¬ pre vie menacée. Ruinés, leurs divinités mutilées ou dispersées, les temples ne furent plus fréquentés que par les chauves-souris et disparurent peu à peu sous les frondaisons envahissantes. Bientôt les Khmers ne gardèrent plus de leur brillant passé qu'un souvenir mélancolique; mais à ce souvenir s'alliait d'ordinaire une foi confiante en une renaissance. Ils rapportaient, au surplus, les causes de cette décadence moins aux guerres interminables que leurs rois soutinrent qu'à la disparition des recueils écrits où se trouvait condensé tout le savoir de leurs érudits. Ils content, à ce sujet, une bien curieuse histoire concernant la prise de Lovek par les Siamois, en 1581, et que JEANNEAU a rapportée. Le temple de Lovek, disent-ils, possédait deux statues appelées « Préa- Kou » (1) et « Pré-Këo » (21) dont le ventre renfermait des livres sacrés « où l'on pouvait apprendre des formules de prières et toutes les connaissances qu'un homme peut acquérir dans n'importe quel domaine ». Les Siamois, s'étant emparés de la ville par ruse, firent main basse sur les deux statues et leur contenu qu'ils emportèrent au Siam. C'est depuis cette époque, ajoutent les Cambodgiens, « que le peuple khmer est resté infé¬ rieur au peuple siamois dans toutes les branches de connaissances ». Cette chronique symbolise le fait que les bonzes ont été, jadis, les seuls précepteurs de toute la population cambodgienne et elle explique suffisam¬ ment le rôle exceptionnel qu'ils ont joué et jouent encore. Si l'on songe en outre à ceci que la moitié de la population masculine a porté ou reportera la robe jaune, on comprendra que la pagode soit devenue l'axe de la vie khmère dont le bonze est l'âme. Rien au Cambodge ne se peut saisir si on ne se rend suffisamment compte de l'importance du bouddhisme et de l'influence de ses moines. Vouloir sé¬ parer le Cambodgien de ses bonzes, c'est se ménager les plus graves mé¬ comptes. Le porteur de chipor (3) jouit sur tout le territoire de l'actuel Kambuja d'une autorité morale incontestée. (1) Nandin : Vahana (monture) de Civa (?) (2) Bouddha de Cristal ou d'Emeraude (?). (3) Partie principale du vêtement du Bonze. II. — Débuts difficiles de l'enseignement officiel On peut donc aisément concevoir l'indifférence qu'ont montrée les Khrners tout d abord pour nos écoles officielles, destinées à leur donner quelque teinte de nos connaissances occidentales et qui d'ailleurs ne pouvaient at¬ teindre, en raison de la faible densité de la population dans la presque totalité du pays, qu'une fraction très petite d'élèves et seulement dans les principaux centres. Aussi ces écoles furent-elles surtout peuplées d'appren¬ tis fonctionnaires et encore n'arrivèrent-elles qu'à fournir une partie des ca¬ dres d'une administration qui s'organisait; le protectorat fut dans l'obligation d'avoir recours à un abondant recrutement de fonctionnaires annamites, ce qui a permis à certains mécontents de dire que le peuple cambodgien s'était donné deux maîtres dont l'un, imposé par nous, était l'ennemi traditionnel. Notre enseignement, purement occidental et donné par des laïques, ne correspondait pas d'ailleurs aux aspirations traditionnelles du peuple cam¬ bodgien. Pour celui-ci, les connaissances d'ordre purement littéraire n'ont qu'une importance secondaire. Seules comptaient comme utiles quelques notions pratiques de calcul et de mesure. Le principal restait aux yeux de la population l'acquisition d'une connaissance convenable des Trois Cor¬ beilles (1) afin qu'il lui fût permis d'être plus tard dédommagé des maux de son existence actuelle, à défaut d'une entrée problématique dans le « Nirpéan ». Aussi aujourd'hui encore et malgré les progrès qu'elles ont réalisés dans les grands centres, nos écoles officielles ne reçoivent-elles le plus souvent que des élèves ayant déjà accompli un stage à la pagode. Cela explique la présence, dans les cours supérieurs de nombreuses écoles de plein exercice, de « pères-conscrits » dissimulant leur âge pour pouvoir continuer des études tardivement commencées. Ces écoles étaient d'ailleurs les seuls foyers d'une véritable instruction au sens que nous donnons à ce mot mais leur sphère d'action géographique et sociale demeurait tout à fait restreinte et leurs progrès lents et tant soit peu factices. Voilà pourquoi le Cambodge conserve quant aux choses de l'enseignement sur les pays annamites de l'Union indochinoise un retard considérable; les résultats obtenus par l'en¬ seignement officiel ne correspondaient que de fort loin à l'importance des sacrifices financiers consentis pour son développement. (1) Le tripitaka. III. — Les premières tentatives d'utilisation des pagodes II y eut heureusement, dans quelques provinces, des administrateurs qui estimèrent qu'on pouvait donner au peuple cambodgien des écoles qui, tout en respectant ses vieilles traditions, dispenseraient à ses enfants les connais¬ sances indispensables à son relèvement intellectuel. Ils comprirent qu'on de¬ vait, pour y arriver, obligatoirement faire appel au concours des bonzes. Un des tout premiers essais en ce sens fut tenté en 1908 par M. BAU¬ DOIN, alors chef de la province de Kompong-Cham, ec pour cette province seulement, avec la collaboration de M. MENETRIER, qui dirigeait l'école résidentielle du chef-lieu. M. BAUDOIN obtint des bonzes d'accepter dans leur communauté la présence d'un moniteur laïque qui aurait la charge de l'enseignement des matières figurant aux programmes officiels et cela pen¬ dant le temps où les élèves de la pagode ne seraient pas occupés à la quête quotidienne ou à l'étude du « Préa-Viney » (1). Les premiers résultats furent assez encourageants. Malheureusement, M. MENETRIER eut des successeurs peu enthousiastes qui, en l'absence d'ins¬ tructions formelles, consacrèrent exclusivement leur activité au développe¬ ment des écoles franco-indigènes. Aussi, en 1916, s'il restait bien des moni¬ teurs dans les pagodes, ils n'avaient plus guère d'élèves. Ceux-ci étaient dans le « kot » voisin, auprès de leur a krou », ânnonant les habituels « satras ». Si des circonstances défavorables vinrent contrecarrer cette première expé¬ rience, elles ne furent pas, cependant, l'unique cause de l'échec auquel elle aboutit. En effet, c'était commettre une faute d'introduire un maître laïque dans l'enceinte même d'une communauté dont il est facile de conce¬ voir que le bonze veut être le maître. Les conflits d'autorité qui, fatalement, devaient se produire ne pouvaient que tourner au profit des religieux. D'au¬ tre part c'était commettre une deuxième faute que d'y imposer un enseigne¬ ment même rudimentaire du français. Si l'enseignement de cette langue se justifie dans les écoles élémentaires franco-indigènes qui, pour une bonne part, alimentent en effectifs nos écoles de plein exercice, c'était une erreur que de songer à l'enseigner dans le cadre de la pagode. (I) La première des trois corbeilles ou « Bible de discipline ». — 9 - Le principe, cependant, était à retenir : l'expérience tentée à Kompong- Cham, puis dans les pagodes de Phnom-Penh, prouvait au moins ceci : que les bonzes n'étaient pas absolument réfractaires à une sage et prudente mo¬ dernisation de l'enseignement moral traditionnel donné par eux dans leurs salas. IV. — Principes d'une collaboration des bonzes ' a l'enseignement populaire Fort de l'expérience de Kompong-Cham, M. menetrier, quand il si trouva, de 1921 à 1924, à la tête des écoles de la province de Kampot, voulut reprendre sur de nouvelles bases les essais de 1908. Il y fut vive¬ ment encouragé par M. le Résident rlchomme qui, comme lui, entendait et parlait la langue khmère et possédait une rare connaissance des besoins et de la mentalité du peuple cambodgien. Ayant acquis cette conviction que les bonzes pouvaient et devaient four¬ nir la clé de voûte d'un enseignement populaire simplifié atteignant la masse des populations rurales et mettant à profit l'expérience antérieure, ils s'ar¬ rêtèrent aux directives suivantes : 1 " Confier de préférence l'enseignement populaire rural aux bonzes, ceux-ci ayant, presque tous, la culture nécessaire pour distribuer une instruc¬ tion sommaire élémentaire ; 2" Créer des écoles spéciales de bonzes où ceux-ci, tout en perfection¬ nant leur instruction, apprendraient de nos méthodes d'enseignement ce qu'elles ont de plus pratique et de plus facilement assimilable. Ainsi sont nées les écoles d'application ; 3° Utiliser le khmer comme véhicule exclusif de l'enseignement qui serait donné dans les pagodes ; 4" Prendre pour bases de cet enseignement la morale cambodgienne, la lecture, l'écriture et le calcul. Le système nouveau ainsi établi consistait donc à enlever pour quelque temps les enfants à la rizière et à les lui rendre capables de se tirer d'af¬ faire sans avoir recours aux lettrés qui les trompent, capables aussi de se — 10 — défendre contre le Chinois qui les gruge, capables enfin de formuler et de suivre les directions morales de leurs traditions. On ne se dissimula pas que la difficulté serait grande en ce qui regarde 1 acceptation des bonzes à collaborer à cette entreprise et, surtout, à se sou¬ mettre ià la disciphne de l'école d'application. Ce sera le grand mérite de M. rlchomme et de M. menetrier d'en avoir triomphé. Ils n'y parvinrent, d'ailleurs, qu'avec le précieux concours du Somu-Moni-Mé- ghana brou, chef du diocèse bouddhique de Kampot, dont la large com¬ préhension fit un allié de la première heure et qui usa de toute son autorité de dignitaire pour aider à vaincre les dernières résistances. Au début de 1924, tout ce long et délicat travail de préparation était terminé. m. menetrier, arrivant au terme de son séjour colonial, rentrait en France, laissant à un successeur compétent et éclairé, M. manipoud, aujourd'hui chef de service local de l'enseignement au Cambodge, le soin d'achever les réalisations commencées. Le 4 mars de la même année était inaugurée la première école d'application pour bonzes. V. — L'école d'application On dit communément, dans le monde colonial européen, que le bonze est ignorant et paresseux. Ce jugement est aussi injuste que sévère. Ce que nous appelons paresse n'est chez le bonze que le résultat de l'application des préceptes bouddhiques qui lui recommandent la méditation person¬ nelle et le recueillement. Quant à son ignorance, l'affirmation est générale¬ ment dénuée de tout fondement sérieux. Le bonze, surtout celui qui s'est quelque peu élevé dans la hiérarchie re¬ ligieuse, possède en général une culture satisfaisante. Beaucoup de « Sang- kréack » (1) et de « Krou-Sot » (2) ont une intelligence très ouverte et des connaissances étendues. La plupart d'entre eux ont plus de connais¬ sances qu'il n'en faut pour enseigner mais aucun ne soupçonne les principes de la plus élémentaire pédagogie. L'école d'application a été créée pour remédier à cette carence. Elle doit jouer, en plus petit, le rôle des écoles qui, en France, portent le même nom. C'est un « atelier » pour apprentis en pédagogie non un « labo¬ ratoire ». (1) LouK-SaNGKRÉACK : Chef de Pagode. (2) Krou-Sot: Bonze récitant, officiant apte à la prédication. — II — Organisation de l'école d'application. — L'école d'application ne saurait être qu'un organisme semi-officiel. Elle fonctionne dans une pagode afin que les bonzes se sentent chez eux, dans leur milieu habituel. Choix de la pagode. — Le Chef de diocèse et les Chefs de pagode de la région désignent celle qui en sera le siège. Il ne suffira pas que cette pagode ait une situation topographique avantageuse ; il faudra encore qu'elle jouisse auprès des autres communautés d'un bon renom et qu'elle exerce sur elles, par la sainteté ou le savoir de ses religieux, un indiscutable pres¬ tige. Bonzes-auditeurs. — Les bonzes-auditeurs sont choisis à raison de deux par pagode, parmi les plus instruits et les plus intelligents des religieux. Ce choix portera ordinairement sur les « Krou-Sot » lesquels, déjà, doivent à leur valeur intellectuelle et morale les fonctions qu'ils remplissent dans leur communauté. On demande la désignation de deux religieux en raison des « défroque- ments » possibles et afin que chaque pagode puisse toujours disposer d'au moins un bonze capable d'enseigner. Heures de cours. — L'école d'application fonctionne l'après-midi seule¬ ment. Fidèles au principe de ne gêner en rien les occupations habituelles des bonzes, on leur laisse l'entière disposition de toutes leurs matinées afin qu'ils puissent procéder à leur quête quotidienne, pour laquelle ils ont d'ail¬ leurs souvent besoin de se faire accompagner par quelques enfants. Normalement les cours ont lieu de 14 à 17 heures, tous les jours, ex¬ cepté les « thgay-sel » qui sont les huitième et quinzième jours des lunes croissantes et qui ont, pour le Khmer, la valeur qu'ont les dimanches pour le Chrétien. Les auditeurs rentrent chaque soir à la pagode dont ils dépendent afin d'y pouvoir participer aux prières de la nuit. Toutefois ceux dont la com¬ munauté est trop éloignée de l'école d'application peuvent, si les deux Chefs de pagode intéressés y consentent et si la pagode a suffisamment de ressources, demeurer dans cette dernière en « subsistance ». Mais ce ne sera là que l'exception et une exception réduite aux cas absolument indispen¬ sables de force majeure. Il faut éviter, en effet, que cette « mise en subsistance » puisse entraîner une allocation quelconque en argent ainsi que cela s'est produit dans cer¬ taines provinces. Le bonze doit vivre d'aumônes et de dons ; il importe de — 12 — ne pas l'habituer à recevoir des gratifications qui joueraient le rôle d'une solde à laquelle, par la suite, il ne manquerait pas de prétendre en dépit des règles formelles de la Doctrine qu'on les encouragerait ainsi à enfrein¬ dre. Certains mécomptes subis ailleurs n'ont pas eu d autre cause que la méconnaissance de cette vérité fondamentale. Choix et rôle de l'instituteur détaché à l'école d'application. — La direction de l'école d'application est confiée à un très bon instituteur laïque pris dans une école officielle et choisi pour ses dispositions morales autant que pour sa valeur professionnelle ou intellectuelle. Il doit naturelle¬ ment être de nationalité cambodgienne et posséder les qualités de tact et de dévouement indispensables pour mener à bien l'œuvre délicate qui lui est confiée. Il sera indispensable aussi qu'il ait une culture bouddhique assez poussée afin que les religieux puissent éprouver pour lui toute l'estime désirable. On pourra même envisager1, dans l'avenir, de lui faire suivre quelques cours spéciaux à l'école de pâli. Cet instituteur n'a pas, à proprement parler, de « cours » à faire. Son rôle se borne à exécuter, devant les bonzes-auditeurs, des leçons modèles que ceux-ci devront ensuite reproduire. Ces leçons portent sur toutes les matières du programme. Elles doivent être toutes minutieusement préparées, l'attention des futurs instituteurs étant particulièrement attirée sur la nécessité de cette préparation. Des explications sont données sur la méthode suivie, l'ordre dans lequel il convient que se déroule chaque leçon, les raisons de cet ordre, et cela en faisant surtout appel au bon sens des auditeurs. Ainsi dès le début, est fortement marquée la nécessité du carnet de préparation afin que le futur instituteur ne vienne jamais en classe sans savoir avec précision ce qu'il y enseignera et comment il l'enseignera. A ce sujet le directeur des cours insiste sur la façon la plus rationnelle d'utiliser les manuels et la partie khmère du bulletin élémentaire qui sont à la base de cette préparation et en fournissent les éléments : matière de la leçon, exercices oraux et écrits. Quand l'école de pagode rénovée aura gagné assez de terrain, on pourra se proposer de « standardiser » ces procédés en les résumant dans un coun manuel qui puisse être compris de tous et servir d'aide-mémoire. On ne se borne pas, à l'école d'application, à l'enseignement de procé¬ dés pédagogiques éprouvés mais encore à celui des règles indispensables à l'organisation matérielle d'une classe. On insiste sur l'utilité de l'usage ré¬ gulier du registre d'appel et sur la façon dont les rapports mensuels, dont un modèle en langue cambodgienne a été établi, doivent être rédigés. — >3 — Evidemment une pareille méthode, toute empirique, est assez éloignée de l'orthodoxie officielle en matière de pédagogie. Mais elle a cet avan¬ tage, si le directeur des cours est d'une compétence pédagogique éprouvée, de fixer les procédés les plus sûrs dans l'esprit des bonzes et de les y fixer seuls, toute discussion oiseuse étant bannie des cours. Il s'agit, en somme, d'enseigner peu mais d'enseigner tout ce qui est d'une utilité certaine, d'un usage efficace. Contrôle des cours. — Il convient de ne pas laisser le maître indigène à sa propre initiative. L'inspecteur des écoles de la province doit donc le contrôler fréquemment, régulièrement, afin de s'assurer de la bonne marche des cours et de l'excellence des procédés mis en œuvre. Ces visites ont une importance capitale. En dehors du contrôle qu'elles assurent, elles habi¬ tuent, surtout dans les débuts, les bonzes à la présence parmi eux d'un Fran¬ çais. Celui-ci ne devra rien négliger pour s'acquérir leur bienveillante sym¬ pathie afin que, plus tard, il soit « accepté » comme un ami dans toutes les pagodes dont les écoles deviendront les filiales de l'école d'applica¬ tion. On peut parvenir partout à atteindre ce but. La chose n'est au-dessus des forces de personne. Il suffit d'un peu de bonne volonté en témoignant du respect aux religieux et à la doctrine bouddhique, en usant de discrétion et, par dessus tout, en parlant et en entendant la langue cambodgienne d'une manière satisfaisante. Cette dernière condition est la clé qui ouvre toutes les portes et, en particulier, celle du cœur des bonzes comme celui de la population. Durée des cours. — Les cours doivent, autant que possible commencer avec le « Chenh-Préa-Vosa » (1) et se terminer au début de la saison des pluies suivante au moment où les bonzes font leur retraite annuelle. Ils du¬ reront donc environ neuf mois. Ce laps de temps est largement suffisant pour que tous les bonzes ayant un minimum de dispositions aient pu ac¬ quérir une expérience pédagogique assez satisfaisante pour qu'ils puissent di¬ riger convenablement une école élémentaire. *(1) Epoque à laquelle se termine la retraite que font les Bonzes pendant la saison des pluies. — 14 - A ce moment, il conviendra de prendre toutes dispositions (1) pour que chaque auditeur, définitivement rentré dans sa pagode, puisse immédiate¬ ment y ouvrir une école. C'est cette école que nous avons appelée « Ecole de pagode rénovée ». Une fois ces écoles généralisées dans toute la province, l'école d'appli¬ cation, devenue sans objet, ne sera plus elle-même qu'une de ces écoles. VI. — Les écoles de pagodes rénovées Chaque école d'application, suivant son importance, peut ainsi donner naissance à six ou huit filiales dont chacune sera dirigée par un bonze-insti- tuteur familiarisé avec quelques-unes de nos meilleures formules pédago¬ giques. Programme. — Le programme des études des écoles rénovées est celui de renseignement populaire officiel mais avec accentuation du côté pratique de cet enseignement. On ne s'étonnera donc pas de voir figurer assez longue¬ ment dans les instructions données aux bonzes, la mention de rédaction de lettres diverses, suppliques, réclamations, billets de dettes, actes de ventes etc... La connaissance de ces choses, dont l'indication figure déjà dans les programmes de nos écoles élémentaires, est pour le paysan cambodgien d'une utilité courante et quasi quotidienne. Il a besoin de savoir lire et in¬ terpréter une affiche administrative, comme les diverses instructions placar¬ dées à la sala-khum, pour se rendre plus exactement compte de ses devoirs et aussi de ses droits. Il doit être à même de connaître les intentions réelles de l'Administration au sujet d'une mesure prise par elle, sans avoir besoin de recourir aux commentateurs habituels qui, le plus souvent, trahissent le texte des documents. Nous le voulons, en somme, plus apte à la vie com¬ munale et désireux d'y prendre part à son tour mais d'une façon intelligente. Les enfants, de retour dans leur famille, pourront ainsi expliquer à leurs parents les intentions administratives trop souvent dénaturées par des esprits malveillants ou mal informés. On a fait aussi une large place au calcul et au maniement des mesures. C'est dans ce but que chaque école rénovée a été dotée d'un compendium métrique complet, lequel avait d'ailleurs été instamment réclamé par la plupart des religieux. Les nombreux exercices pratiques qui leur sont re¬ commandés sont destinés à habituer le jeune Cambodgien à faire ses affaires (1) Commander le mobilier nécessaire, les fournitures scolaires. lui-même en le rendant habile à l'usage des diverses mesures, usage dont le Chinois avait jusqu'ici le trop fructueux monopole. Les écoles rénovées enseignent aux Cambodgiens les grandes lignes de leur histoire, dépouillées sans doute de bien des légendes dont ils sont si fiers, moins poétiques qu'elles mais moins dangereuses aussi pour leur édu¬ cation. Ils y retrouvent leurs origines et la gloire de leurs grands rois bâtis¬ seurs ; elle leur fournit les raisons de la décadence du Cambodge et leur retrace les efforts faits par la France pour le libérer du péril que consti¬ tuaient ses dangereux voisins et pour reconstituer une patrie khmère dont la géographie apprend l'étendue et les ressources. Elle rend à la jeunesse cam¬ bodgienne et aux bonzes eux-mêmes la foi dans les destinées de leurs pays. Ces écoles font aussi une place importante à la diffusion des préceptes d'hygiène individuelle et sociale : usage du savon pour la toilette complète du corps et des vêtements, mesures propres à protéger la santé publique si souvent menacée en ce pays de fréquentes épidémies. On avait, au début, établi les programmes sur les bases fournies par les besoins de l'enfant sur lesquels le Docteur DECROLY édifia sa méthode. Mais la publication des manuels édités en langue cambodgienne par la Di¬ rection générale de l'Instruction publique a apporté la base solide sur la¬ quelle a été établi l'enseignement nouveau en concordance avec l'orientation donnée à la pénétration scolaire pour toute l'Indochine. Ces manuels ont puissamment contribué au succès des écoles rénovées en fournissant aux bonzes-instituteurs une matière appropriée pour leurs leçons. C'est dans ce même ordre d'idées que chacune des écoles des pagodes rénovées a été abonnée à la partie khmère du bulletin élémentaire mensuel. Heures de scolarité. — Comme pour les écoles d'application les classes ne fonctionnent que l'après-midi de 14 à 1 7 h. 30. Et cela toujours dans le but de ne pas contrarier les obligations religieuses des bonzes et des en¬ fants. On verra plus loin que cette scolarité n'a nui en rien aux études faites. Organisation matérielle. — Locaux. — La plupart du temps on n'a pas à s'inquiéter de la recherche d'un local où abriter la jeune école. Presque toutes les pagodes possèdent une sala destinée à la réunion des fidèles au moment des fêtes religieuses et qui est, en temps ordinaire, à peu près cons¬ tamment disponible. Ce bâtiment peut aisément servir de salle de classe. Mais là où ce local est en trop mauvais état ou trop exigu la commune prendra à sa charge la construction d'une école à une ou plusieurs classes. Cette école sera toujours édifiée dans l'enceinte de la pagode afin que les bonzes soient absolument chez eux. — i6 — Matériel scolaire. — Sa fourniture, elle aussi, est à la charge de la com¬ mune. Il est semblable à celui qu'on utilise dans les écoles officielles mais partout il faut installer une estrade pour le bureau du bonze-instituteur, afin de satisfaire à la coutume qui veut que le bonze soit placé au-dessus de ses auditeurs. Fournitures scolaires et manuels. — Sont entièrement gratuits, le budget communal en assurant le service à tous les élèves. Ceux-ci n ont à faire l'acquisition ni de la moindre plume ni du moindre manuel. Contrôle des écoles de pagodes. — Comme pour les écoles d applica¬ tion, ce contrôle est assuré par l'inspecteur français lequel, nous le répé¬ tons, doit entendre et parler le cambodgien. Cette inspection, malgré les craintes qu'on a pu formuler à son égard, n'a jamais rencontré la moindre opposition de la part dqg bonzes. Bien au contraire certaines communautés s'estiment lésées si, pour une raison quelconque, elles sont moins souvent visitées que leurs voisines. Les bonzes-instituteurs, dès l'école d'application, ont été habitués à s'entretenir avec l'inspecteur français qu'ils connaissent tous personnellement. Si ce fonctionnaire a su leur inspirer confiance, estime et sympathie — ce qui est à la portée de quiconque éprouve lui-même ces sentiments à leur égard — il sera partout bien accueilli, cordialement reçu et même entendu. Les inspections doivent être fréquentes. Il est nécessaire de visiter au moins mensuellement chaque école afin de prolonger ainsi le rôle de l'école d'ap¬ plication. Aussi l'inspecteur ne peut-il pas se borner à une rapide visite de politesse. Il faut souvent, et dans les débuts surtout, conseiller longuement le bonze-instituteur et, si besoin est, lui remémorer certains procédés parti¬ culiers en prenant la peine de faire en sa présence quelques leçons modèles. Il est recommandé aussi, quand on se trouve dans un secteur éloigné, d'installer son campement dans une pagode où on sera toujours assuré d'être accueilli de très hospitalière façon et où on aura ainsi l'occasion d'occuper sa soirée en conversations familières qui seront toujours, et à tous les points de vue, grandement profitables. Quand les écoles rénovées seront devenues suffisamment nombreuses, il sera indispensable de créer au Cambodge le cadre des inspecteurs indigènes qui en assureront le contrôle permanent. Dès maintenant, toutefois, il a été nécessaire d'en désigner un pour la province de Kampot et de créer le poste d'inspecteur en chef de l'Enseignement primaire. — 17 — BIBLIOTHÈQUE du MUSÉE des COLONIES et de la France. Extérieure VII. — Le développement des écoles de pagodes rénovées dans la province de kampot Nous avons vu que la première école d'application organisée sur 1 initia¬ tive de mm. rlchomme et menetrier avait pu être inaugurée le 4 mars 1924. Installée à la pagode de Choeung-Kriel, à quelques kilomètres de Kampot, elle s'adressait aux délégués de six pagodes voisines qui y avaient chacune envoyé un auditeur. L'année suivante, quatre de ceux-ci étaient jugés aptes à la direction d'une école rénovée. Ce résultat, sans être des plus brillants, pouvait être pour un début con¬ sidéré comme suffisamment encourageant : les écoles rénovées fondées fonc¬ tionnaient d'une manière satisfaisante, leurs bonzes-instituteurs faisant régu¬ lièrement classe en s'efforçant de mettre en pratique les conseils reçus à Choeung-Kriel. Mais le principal avantage de cet essai, c'est qu'il avait été vite connu des autres pagodes de la province ; les tentatives qui allaient ultérieurement se produire ne leur apparaîtraient donc plus comme une nouveauté inquié¬ tante. C'est ainsi qu'il fut possible, sans la mise en œuvre de préparatifs ex¬ cessifs, d'ouvrir la même année une seconde école d'application dans le Khand de Tuk-Méas, à la pagode de Krang-Daung qui eut à son tour 4 filiales. En 1926 on étendait l'action au Khand de Tani où s'ouvraient simulta¬ nément les troisième et quatrième écoles d'application aux pagodes de Pon¬ lu et Anigkor-Chey. La création de cette dernière fut décidée à la suite d'une démarche personnelle du Chef de pagode qui estimait que sa com¬ munauté était assez importante pour devenir le centre d'un nouveau foyer d'extension, — mais qui était, ~au fond, un peu jaloux de l'accroissement de considération que valait à la pagode de Ponlu le choix que nous en avions fait pouri la création d'une école d'application. La partie pouvait alors être considérée comme gagnée ; les écoles réno¬ vées rencontraient l'adhésion à peu près unanime des religieux et de la popu¬ lation. Si, de 1927 à 1928, nous marquions un temps d'arrêt, celui-ci était dû à des circonstances complètement étrangères aux bonzes et, en parti¬ culier, à l'absence de l'inspecteur des écoles qui était en France. Mais, dès son retour, en 1928, et toujours grâce au concours de M. Rl¬ chomme qui avait lui-même repris la direction de la province de Kampot, une nouvelle campagne en faveur de l'enseignement par les bonzes était amorcée. Après avoir inauguré les dix filiales de Ponlu et de Angkor-Chey, — 18 — M. MaNIPOUD mit à profit les loisirs que lui laissaient les grandes vacances pour commencer les démarches qui devaient aboutir à la création des 5° et 6e écoles d'application dans le Khand de Kompong-Trach, aux pagodes de Anglophi et de Kompul-Méas. Dès le début la première de ces écoles, patronnée par un Chef de pagode aussi actif qu'intelligent et ayant sous sa dépendance spirituelle de nombreuses communautés, rencontra le plus vif succès. Dès ce moment les demandes, d'ouverture affluèrent de toutes parts. Des religieux qui, au début de nos tentatives, craignant une intrusion dans leur vie religieuse, avaient décliné nos offres, se voyaient contraints de suivre le mouvement, poussés par une opinion publique devenue extrêmement favo¬ rable à nos écoles. On peut citer, à ce propos, un Chef de pagode qui, une année plus tôt, avait décliné nos propositions et qui, avec un peu de gêne, venait informer que, réflexion faite, il serait heureux de voir fonctionner une de nos écoles dans sa pagode. « Nous sommes toujours disposés, lui fut-il répondu, à vous faciliter la (( création d'une école ; mais vous connaissez nos conditions ? Elles n'ont « pas varié : il faudra d'abord que vous déléguiez un de vos religieux à a une de nos écoles d'application où il devra apprendre à faire sa classe « et qu'ensuite ce religieux donne son enseignement en utilisant les procé- « dés dont on lui aura appris l'usage. Si vous ne croyez pas devoir sous- « crire à ces deux conditions, j'aurai le regret de vous refuser subventions, (i matériel et fournitures ». Il fut répondu qu'on acceptait d'avance. Nous étions bien loin des débuts hésitants de 1924. Aussi, pour donner satisfaction aux pagodes isolées ou trop éloignées des écoles d'application, fut-il décidé alors de créer à l'intention de leurs religieux des cours spé¬ ciaux pendant les grandes vacances. Avec le concours d'instituteurs dévoués on put ainsi ouvrir, en 1929, cinq de ces cours qui devaient préparer la création de 14 nouvelles écoles rénovées. En novembre de la même année on inaugurait les septième et huitième écoles d'application : une à Prey-Poteam, dans la partie sud-est du khand de Tuk-Méas, l'autre à Ang-Chau-Ponkéa dans le Khand de Chhuk. La tache d'huile. — Malgré nos écoles d'application et les cours de vacances qui les complétaient, nous ne pouvions atteindre certaines pqgodes trop excentriques. Celles-ci nous offrirent elles-mêmes la solution qui per¬ mettrait à leurs bonzes de faire connaissance avec nos méthodes d'enseigne¬ ment en sollicitant l'autorisation d'envoyer des délégués dans des pagodes - 19 - rénovées dont quelques-unes jouissaient déjà d une réputation de bon aloi. Beaucoup de ces écoles jouèrent ainsi le rôle d'école d'application en ré¬ duction et firent « tache d'huile » autour d'elles. A cet égard, certaines pagodes eurent une action vraiment heureuse. L'école rénovée de Tuk-Will, par exemple, sous la direction d'un chef de pagode jeune et à 1 esprit très ouvert, reçut des auditeurs venus spontanément de pagodes éloignées d elle de plus de soixante kilomètres. La même école fit encore 1 éducation de bonzes de la province cochmchinoise de Chaudoc jusqu'où sa renommée s'était répandue. Bien entendu, ces auditeurs reçurent à Tuk-Will une hos¬ pitalité complète jusqu'à ce qu'ils pussent rejoindre leurs communautés res¬ pectives une fois leurs études terminées. C'est grâce à ces pagodes dont l'action s'ajoutait à celle des écoles d'ap¬ plication et des cours de vacances qu'il nous fut donné d'ouvrir, de sep¬ tembre 1929 à juin 1930, 33 écoles rénovées de plus. Résumons ces diverses étapes : 1924 — première école avec 53 élèves 1925 — 5 écoles avec 210 — 1926 —- 10 écoles 465 — 1927 — sans changement 465 — 1928 — 20 écoles avec 1.077 — 1929 — 25 écoles 1.216 — 1930 _ 58 écoles 2.775 — Au moment où paraissent ces lignes, les deux écoles d'application de Prey-Poteam et Ang-Chau-Ponhéa ont terminé leur cycle d'études et per¬ mettront la création, dès la rentrée prochaine, de 12 écoles rénovées nou¬ velles. Fin 1930 nous aurons donc soixante-dix écoles rénovées qui recevront plus de 3.000 élèves. 11 sera alors possible de considérer comme à peu près terminé, pour la province de Kampot, le travail d'organisation. Nous pourrons ensuite, avec l'institution d'un bon contrôle, qui pourrait être avantageusement confié à l'inspecteur indigène, laisser aux écoles rénovées importantes, le soin d'édu- quer les maîtres de bonne volonté qui désireraient moderniser leur enseigne¬ ment. — 20 — Répartition ées écoles par Khand ; KHANDS PAGODES ÉCOLES RÉNOVÉES ÉLÈVES Tara 23 20 870 Tuk-Méas .. • 39 10 388 Kg-Trach . 32 15 818 31 10 536 Chnuk • • 19 1 61 Preiy.Nop ■ 10 2 92 Kompong-Som ...... 15 0 0 Chumnéap 8 0 0 ' 10 0 0 187 58 2.775 Il a donc été « rénové » le tiers environ des écoles qui, théoriquement, fonctionnent dans les pagodes. Mais il faut bien se dire que le nombre de celles-ci est vraiment trop grand par rapport à la densité de la population cambodgienne de la province. Beaucoup d'entre elles, d'ailleurs, ne reçoi¬ vent pas d'élèves. Leurs religieux n'ont guère auprès d'eux que les quelques enfants qui les accompagnent dans leur quête quotidienne et qu'ils utilisent ensuite pour leur service personnel. En réalité si nous disposions des moyens matériels nécessaires à la réorganisation complète des écoles de pagodes de la province de Kampot, nous ne pourrions utilement atteindre encore qu'une trentaine d'entre elles et arriver à contrôler, dans l'ensemble, près de 5.000 élèves. Le Khand de Tani peut être cité comme exemple d'une région complète¬ ment organisée. Nous y avons vingt écoles rénovées sur les vingt-trois pa¬ godes que compte le khand. Notre succès a pu s'y affirmer grâce à ce fait que la population cambodgienne y est moins arriérée que dans le reste de la province et qu elle s y trouve groupée, sans grandes enclaves chinoises, ma¬ laises ou annamites. Mais il n en va pas de même dans les autres khands, dans celui de Kam¬ pot en particulier, où l'élément cambodgien ne constitue que des îlots au milieu des autres races. Quant aux khands de Kompong-Som, de l'îlot Cône et de Chumnéap, ils sont difficilement accessibles, leur population y — 21 — est disséminée sur d'immenses territoires et les pE>godes y sont pour la plupart très misérables. Nous ne pensons pas qu'il faille cependant laisser ces régions livrées à leur sort. Il serait au contraire fort intéressant de s'attacher à y répandre la connaissance d'une langue correcte. On y parle en effet un cambodgien à peu près incompréhensible des gens de « la plaine » et que le siamois ou un (( sabir » chinois tendent à remplacer de plus en plus. Il y a là à ce su¬ jet, tout un côté politique qui dort retenir l'attention de l'Administration.. IX. — Résultats obtenus dans les écoles rénovées La sanction des études poursuivies dans les écoles de pagodes rénovées est la même que celle qui termine le cycle d'études des écoles élémentaires officielles : le certificat d'études élémentaires indigènes que les élèves des deux formations subissent en même temps. En voici les résultats : 1927 5 _ candidats reçus sur 8 présentés ; 1928 16 — 30 présentés ; ] 929 51 — 98 présentés ; 1930 96 — 175 présentés. La proportion des succès est en tous points comparable à celle des écoles officielles. On peut en conclure que renseignement" dispensé par les écoles de pagode a sensiblement la même valeur que celui des écoles élémentaires. Cela est d'autant plus remarquable que ces écoles de pagode fonctionnent l'après-midi seulement. Pour que les résultats y soient aussi satisfaisants, il faut que les bonzes prennent leur tâche- au sérieux et sachent bien employer leurs trois heures quotidiennes de classe. Cette sanction du C. E. E. I. rencontre d'ailleurs le meilleur accueil dans la population comme auprès des bonzes. Il provoque chez ceux-ci une véritable émulation, les succès qu'ils obtiennent ayant une répercussion sensible sur le prestilge dont jouit leur pagode. Aussi ne faut-il peint s'éton¬ ner de l'affluence de bonzes que provoque à Kampot chaque session de cet examen. — 22 — X. — <( Prix de revient » d'un C. E. E. I. obtenu dans une pagode rénovée Si, comme 011 a pu s'en rendre compte par l'accueil qui leur a été fait, nos écoles rénovées semblent bien répondre aux désirs latents de la popula¬ tion, elles présentent encore un autre avantage qui est bien loin d'être à dé¬ daigner : celui de n'entraîner qu'un minimum de dépenses. La comparaison du « prix de revient » d'un diplôme du C. E. E. I. obte¬ nu dans l'une ou l'autre des écoles qui travaillent à le faire délivrer à leurs élèves est, à ce point de vue,-assez suggestive. Pour ce calcul nous ne ferons et cela se conçoit aisément, entrer en ligne de compte que les dépenses ordinaires nécessitées par le fonctionne¬ ment des écoles : fournitures et solde du personnel. Nous relevons, pour l'année scolaire 1929-1930: Ecoles de pagoJies rénovées : quatre-vingt-seize candidats reçus ; Fournitures scolaires et de bureau ............. 4.650 $ 00 (1) Personnel : indemnité annuelle de 80 piastres à cinq instituteurs pour contrôle 400 00 Gratifications et prix (10 piastres par candidats ad¬ mis au C. E. E. I.) 960 00 Total des dépenses .... Prix de revient d'un C. E. E. I. : 6.010.00 = 62 96 6.010 $ 00 I 50 environ. (1) Il faut noter que ces dépenses en fournitures sont afférentes aux 2.775 élèves actuels et que les dépenses concernant les candidats devraient être évaluées sur l'effectif inscrit l'année de leur recrutement. Le prix de revient d'un C. E. E. I. est donc en réalité inférieur à celui que nous indiquons ici. — 23 — Ecoles élémentaires officielles : Cinquante-huit candidats reçus : Fournitures scolaires : Budget local et contribution des Budgets de Khum 1.300 $ 00 Soldes du personnel des classes élémentaires .... 10.500 00 Indemnité de zone pour ce personnel 768 00 Indemnités de logement pour ce personnel 816 00 Total des dépenses . . i . 13.384 $ 00 Prix de revient d'un C. E. E. I. : 13.384.00 = 230 $ environ 58 Le C. E. E. I. délivré par nos écoles élémentaires revient donc 4 fois plus cher que le même diplôme obtenu dans une école rénovée ce qui s'ex¬ plique surtout par le fait que le personnel enseignant des écoles de pagodes rénovées ne reçoit aucune solde. Notons que l'écart serait bien plus grand encore si nous tenions compte des frais de premier établissement comme ceux qu'entraîne la construction des locaux scolaires et des logements pour instituteurs. Les écoles de pagodes, grâce auxquelles on a pu faire pénétrer l'instruc¬ tion dans les masses rurales, donnent donc un enseignnement de valeur sen¬ siblement égale à celui que dispensent nos écoles élémentaires et qui coûte beaucoup moins cher au budget local, dont les ressources sont très limi¬ tées encore. XII. — L'avenir des écoles de pagodes rénovées Nous pouvons maintenant affirmer que l'école de pagode rénovée, telle qu'elle a été réalisée dans la province de Kampot, est la forme d'enseigne¬ ment populaire qui convient le mieux à la population cambodgienne dont elle respecte les traditions en laissant à ses enfants la possibilité d'acquérir les préceptes religieux auxquels elle est si profondément attachée, en même temps qu'elle leur dispense les connaissances pratiques modernes correspon¬ dant aux besoins réels de la masse rurale. L'école d'application, qui en est la base et dont le fonctionnement est indispensable parce qu'il conditionne la bonne marche de la première, — 24 — est actuellement le seul moyen vraiment efficace dont nous puissions dis¬ poser pour la formation des nombreux maîtres qu'exige la diffusion de cet enseignement. Nous ne prétendrons certes pas qu'elle éduque des maîtres modèles et que ses cours aient vertu de former des pédagogues parfaits. Mais, en gros, les bonzes qui en sortent ne sont guère inférieurs aux certifiés primaires que la nécessité nous a obligés de recruter pour nos écoles élémentaires. De plus, par suite du concours financier très minime que les écoles de pagodes réclament des fonds publics, elles sont la formule de choix pour l'extension rapide et sur une très grande échelle de l'enseignement popu¬ laire au Cambodge. Le résultat obtenu dans la province de Kampoi est d'autant plus signifi¬ catif que le khand de Tarn mis à part cette province était peut-être celle du Cambodge qui était la moins qualifiée pour une première tentative de ce genre. Les pagodes y sont pauvres, leurs bonzes peu instruits et la popula¬ tion cambodgienne, mêlée à de nombreux apports étrangers, y est plus arriérée qu'ailleurs et disséminée sur de vastes territoires. Il est évident que dans d'autres provinces plus riches et presque exclusivement peuplées de Khmers, de moindres efforts donneront un succès beaucoup plus marqué; à Kompong-Cham et à Battambang par exemple. Mais là comme à Kam- pot la condition nécessaire du succès est la collaboration cordiale et étroite, entre le chef de province et l'inspecteur primaire. Pour assurer cette colla¬ boration, il suffit que le chef de province soit un homme de bonne volonté et que l'inspecteur des écoles ait conscience des obligations de sa profes¬ sion. Mais il faut nécessairement que tous deux aient foi dans l'œuvre en¬ treprise, qu ils s'y donnent de tout leur cœur et de toute leur volonté en ayant la conviction profonde de servir ainsi les intérêts d'une population bien digne qu'on s'occupe d'elle et qu'on travaille à diminuer le nombre de ses illettrés. Le succès est aussi conditionné par la nécessité absolue, pour l'inspec¬ teur primaire, de connaître la langue indigène. Mais le nouveau régime d obligation de la connaissance des langues indigènes établi par les arrêtés de février et de mai 1930, apporte la solution du problème. Un mot pour conclure. Pour apprécier l'effet de ce nouveau type de pé¬ nétration scolaire, il suffit d'avoir vu l'empressement avec lequel la popula¬ tion se rend aux réunions préparatoires et la curiosité sympathique qu'elle — 25 — apporte aux petites fêtes qui inaugurent chacune de nos créations. Beaucoup de ces manifestations revêtent un caractère extrêmement touchant et lais¬ sent cette impression réconfortante qu'on a enfin pu, par l'école, réaliser une communion d'idées et de sentiments qui se traduit par la plus féconde des collaborations. Avec son petit bagage de connaissances, le jeune Cambodgien aura con¬ tinué, comme ses parents, à s'imprégner des préceptes moraux et bouddhi¬ ques qui constituent l'armature de la vie spirituelle et morale et il aura en même temps, grâce aux connaissances élémentaires acquises, pris son pre¬ mier contact avec la civilisation occidentale. Chapitre II LA PENETRATION SCOLAIRE AU LAOS C'est en 1902 seulement, qu'au titre de « dépenses diverses » figure pour la première fois au budget du Laos une somme de 6.000 piastres destinée au fonctionnement des deux seules écoles existant alors dans le pays, à Vien- tiane et Luang-Prabang. Trois ans plus tard, un chapitre spécial portait inscription d'une somme de 15.000 piastres pour le service de l'Instruction publique et des écoles étalent créées aux chef-lieux des commissariats les plus importants. A défaut de personnel qualifié, des secrétaires-interprètes donnaient dans ces écoles, à raison de deux heures par jour, un enseigne¬ ment réduit à quelques notions de langue française, d'écriture et de cal¬ cul. Une première organisation rationnelle, décidée en 1907, prévoyait le remplacement de ce personnel de fortune par un cadre local d'instituteurs indigènes qui devaient être formés à l'école franco-laotienne de Vientiane, organisée à cet effet. Cette substitution commença à s'opérer dans les an¬ nées qui suivirent mais l'administration fut obligée, faute de personnel, de garder comme instituteurs quelques-uns des interprètes qui avaient rendu les meilleurs services. Tels furent les modestes débuts de l'enseignement primaire au Laos qui aboutirent, on le voit, à une organisation de pnncipe embryonnaire, datant de vingt ans à peine. A partir de cette époque la question du développem nt des instituteurs scolaires fut intimement liée, pendant plusieurs années, à celle de l'exis¬ tence des écoles dites « de pagode » dont on chercha, tout naturellement, à faire la base de l'enseignement populaire. Il parut opportun de tenter d'utiliser au profit du relèvement intellectuel du pays une institution depuis longtemps généralisée et qu'il suffisait d'adap¬ ter aux besoins du moment. Une école de pagode existant en effet dans chaque village et le bonze représentant l'élite intellectuelle de la population, 27 n'était-il pas logique de consacrer officiellement l'existence de cette école1? Et puisque, selon une tradition ancestrale, tous les enfants sont appelé^ pendant un temps plus ou moins long, à vivre au monastère, pourquoi ne pas profiter de leur passage à la pagode pour leur faire acquérir ce mi¬ nimum de connaissances indispensables qui consistent dans la lecture et l'écri¬ ture de la langue maternelle, complétées par quelques notions pratiques de calcul et d'hygiène? Le premier souci de l'administration locale fut donc de doter chaque vil¬ lage d'un bonze assez instruit et suffisamment familiarisé avec nos méthodes pédagogiques pour être capable de diriger une classe. Aussi l'administration locale décida-t-elle. dès 1909, la création à Vien- tiane d'une a école normale de bonzes » où des religieux provenant de tou¬ tes les provinces du Laos devaient compléter leur instruction et recevoir quelques notions essentielles de pédagogie pratique. Cette école eut un tel succès auprès des bonzes qu'en 1911 on songea à en créer de semblables dans les principaux centres : Luang-Prabang, Savannakhet et Paksé. Sur la proposition du Chef de l'Administration lo¬ cale, les écoles de pagode et les écoles normales furent donc comprises dans l'arrêté général du 10 avril 191 1 portant organisation de l'enseignement au Laos ; les écoles de pagode devaient constituer le premier degré d'un cycle primaire complet comprenant en outre des écoles dites « provinciales », assez semblables à nos écoles élémentaires officielles, et quatre écoles « régiona¬ les » créées dans les principaux centres et correspondant aux établissements de plein exercice d'aujourd'hui. A en ]uger par la prospérité de l'école normale des bonzes de Vientiane, il semblait que l'on fût en droit d'espérer de voir chaque école de pagode posséder « un véritable instituteur sous une robe de bonze ». Plus de cin¬ quante élèves suivaient en effet le cours d'enseignement général destiné à compléter leurs connaissances et s'initiaient lentement à nos méthodes d'édu¬ cation. Aussi grande fut la déception de ceux qui avaient fondé leurs es¬ poirs sur les écoles de pagodes, quand ils virent la plupart des (( élèves- maîtres », leurs études terminées, rentrer dans la vie civile pour y chercher un emploi administratif. u Cependant le succès nous paraissait si certain, écrivait en 1921, le re- « gretté M. TAFFORIN, dans une remarquable étude sur renseignement au « Laos, que nos espérances se reportèrent sur les promotions suivantes. « Mais depuis cette époque jusqu'à ce jour pas un des bonzes que nous « avons instruits n'est revenu comme instituteur dans une pagode ». — 28 — Il est juste d ajouter que, si le bonze laotien s'est depuis lors révélé comme un éducateur peu zélé, la population ne s'est jamais montrée très empres¬ sée à lui envoyer les enfants en âge de s'instruire. Des deux côtés, la même force d'inertie a été opposée à toutes les tentatives de réglementation et, aujourd hui encore, si les Laotiens, en raison de leurs propres croyances religieuses, considèrent comme une nécessité le passage des enfants à la pagode, ils ne voient qu'un accessoire dans l'instruction qui pourrait leur être donnée à cette occasion. ★ ★ ★ On serait tenté de croire d'après ce qui vient d'être dit que le Laotien manifeste sinon de l'hostilité du moins la plus complète indifférence à l'égard de nos institutions scolaires. La meilleure preuve du contraire est dans le succès que rencontrent les écoles officielles et dans l'insistance des auto¬ rités laotiennes à solliciter de nouvelles créations. C est d'ailleurs cette double constatation qui a conduit l'administration locale, après les difficultés rencontrées dans l'organisation des écoles de pa¬ gode, à envisager un nouveau mode de pénétration scolaire. A vrai dire, les créations d'écoles officielles avaient toujours été l'une des plus vives préoccupations de la direction de renseignement. Mais, com¬ me il a été déjà dit, un cadre d'instituteurs laotiens ne pouvait être im¬ provisé; il fallait compter de huit à dix ans avant que l'œuvre scolaire pût commencer à port:r ses fruits. En fait, ce fut en 1917 seulement, c'est-à- dire dix ans après les premiers essais d'organisation, qu'une session de certi¬ ficat d'études primaires franco-indigènes put avoir lieu à Vientiane et qu'un premier « examen de moniteurs » permit au service local de recruter deux maîtres formés sur place et possédant un diplôme de quelque valeur. Si 1 on ajoute à cette inévitable lenteur la nécessité, pour tous les services, de faire appel à l'élément laotien et, aussi, le peu d'empressement que met ce- ïui-ci à embrasser la carrière enseignante, on ne s'étonnera point de ce que l'effectif des maîtres indigènes soit resté longtemps stationnaire, passant de douze à dix-huit unités pour la période 1905-1915, pendant que le nombre des écoles progressait de neuf à douze ! Encore faut-il noter que sur ces 12 écoles 5 seulement étaient «provinciales», c'est-à-dire élémentaires. C'est donc à partir de 1916 seulement qu'a commencé la nouvelle cam¬ pagne de pénétration scolaire, suivant une méthode qui tient compte surtout des possibilités de réalisation du moment. La première école élémentaire du village de Ban-Xuan-Mon (province de Vientiane-Laos) — 29 — Depuis cette époque, tout village désireux d'avoir une école doit assurer par ses propres moyens la construction du bâtiment et supporter les frais d'ac¬ quisition du mobilier, l'Administration se chargeant seulement d'édifier des écoles définitives dans les agglomérations les plus importantes. Un crédit spécial, inscrit au budget de l'enseignement, permet, le cas échéant, d'en¬ courager les efforts des autorités laotiennes ou de venir en aide aux villages des régions déshéritées : cette participation se traduit le plus souvent par une petite subvention ou, toutes les fois qu'il est possible, par la confection, au chef-lieu de la province, d'un mobilier démontable qu'il suffit ensuite de transporter sur les lieux où il doit être utilisé. L'école ainsi construite et pourvue du matériel nécessaire, son fonction¬ nement est assuré par les soins et aux frais de l'Administration locale, car il ne saurait être question, dans un pays où l'organisation communale n'existe pas encore, de laisser aux habitants la liberté d'ouvrir des écoles, d'en choisir les maîtres et de les rétribuer. D'autre part les résultats acquis jus¬ qu'à ce jour dans le domaine de l'instruction publique ne permettraient pas de recruter en grand nombre des instituteurs d'une compétence éprouvée; les jeunes gens pourvus du seul C. E. E. I. seraient incapables de donner un enseignement convenable et les écoles qu'ils pourraient être tentés de créer auraient le même sort que les écoles de pagodes. Leur insuccès résul¬ terait encore du fait que les petits Laotiens ne fréquentent volontiers une école qu'à la condition d'y trouver un milieu gai et d'y recevoir un enseigne¬ ment attrayant. Leur naturelle insouciance s'accommoderait mal de la dis¬ cipline sévère et de l'automatisme traditionnel si facilement imposés en pays annamite. C'est pourquoi le service de l'enseignement n'envoie dans l'inté¬ rieur que des instituteurs ayant fait un stage de six mois au moins à l'école d'application de Vientiane, pourvus du C. A. P. et présentant des ga¬ ranties d'ordre professionnel que l'on ne saurait exiger des maîtres choisis par les notables. Ces précautions étant prises, les créations d'écoles ont na¬ turellement les plus grandes chances de succès, dont la moindre n'est pas celle qui résulte de la part prise volontairement par les habitants à la cons¬ truction du bâtiment. C'est ainsi que par une étroite adaptation aux exigences locales, les « écoles de village » sont devenues la base de l'organisation scolaire au Laos. Leur réseau s'étend de plus en plus autour des principaux centres pour atteindre surtout les agglomérations d'accès facile où les maîtres peuvent être tenus en haleine par de fréquentes inspections. Leur nombre, s'accroît autant que le permet chaque année le recrutement en personnel laotien et le' jour n'est pas loin, étant donné la prospérité des écoles de plein exercice, où les créations ne seront plus limitées que par les disponibilités budgétaires. Autant il serait puéril de vouloir comparer les résultats acquis en quinze ans à peine (à ceux qui ont été enregistrés dans les aultres pays de l'Union après plusieurs dizaines d'années d'efforts, autant il est intéressant de constater la régularité des progrès réalisés : on ne s'étonnera pas de leur lenteur relative si l'on connaît les difficultés inhé¬ rentes au pays même, à sa configuration géographique et à la dissémination de ses 800.000 habitants sur son immense étendue. De dix écoles et 260 élèves en 1915, on est passé à vingt-huit et 931 en 1920, trente-neuf et 1.585 en 1925 et soixante-dix écoles et 3.223 élè¬ ves en 1930. On comprendra, au contraire, que l'œuvre entreprise permet les plus légitimes espoirs, quand on saura avec quel empressement les populations laotiennes construisent leurs écoles dès que de bons instituteurs leur ont été promis. 11 n'est pas jusqu'aux habitants des hautes régions, même n'utilisant pas la langue laotienne, qui ne demandent parfois à avoir la leur; c'est ainsi que plusieurs villages « khas » de la province de Bassac ont uni leurs efforts pour construire une école fréquentée aujourd'hui par 53 élèves qui ap¬ prennent volontiers la langue officielle du pays. Sans doute il ne saurait être question de longtemps encore, d'atteindre par le seul moyen des « écoles de villages » tous les enfants en âge de s'ins¬ truire, car on doit admettre que les dépenses nécessaires à un si large dévelop¬ pement de l'œuvre scolaire ne pourraient être supportées par le pays qu'après sa complète mise en valeur. Mais cette méthode de pénétration est pour le moment la seule qui conduise à des résultats certains, en attendant que soit créée l'organisation communale ou tentée, une fois de plus, l'adaptation des écoles de pagodes. Un arrêté local du 10 mars 1928 et l'ordonnance royale du 1er mai 1928 viennent de préciser le statut du clergé bouddhique laotien et, en particulier, de rappeler à ses membres l'obligation de faire fonctionner ces écoles. Il va donc devenir possible d'envisager une nouvelle campagne de pé¬ nétration scolaire lorsque la rénovation religieuse actuellement poursuivie aura ranimé les vocations défaillantes et lorsque les écoles de pâli de Vien- tiane et Luang-Prabang, elles-mêmes rénovées, auront permis de reconsti¬ tuer cette élite intellectuelle, seule capable de faire comprendre aux bonzes la noblesse de leur rôle d'éducateurs et l'étendue de leurs obligations envers le peuple qui les vénère. INDOCHINE- DENSITES SCOLAIRES LEGENDE DENSITÉS SCOLAIRES Zones sans écoles ==) Moisis de l élève-pnurlOICI^ 10 d~° HHiJe/i9 à. 50 d° H Plu; de. 50 d" JStablissenienïe d'enseignement- primaire supérieur Echelle 1: 7.ooo.ooo® Hdiogrwoé par U S croire. Géographique de l'IndocJurie