# î ' % | - ii r '-'m vïjï m Mw EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE PARIS I 93 î INDOCHINE FRANÇAISE SECTION DES SERVICES D'INTÉRÊT SOCIAL DIRECTION GENERALE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE TROIS ÉCOLES DE L'INDOCHINE HANOI — PHNOM-PENH — BIEN-HOA CENTRE DE DOCUMENTATION ET DE ^, RECHERCHES SUR L'ASIE DU SUD-EST j ET LE MONDE INDONESIEN BIBLIOTHEQUE i ' • '..'''T-V-, ' . V i HANOI IMPRIMERIE D EXTRÊME-ORIENT 193 1 :■ ; . v : ■ te: : ; Wï0:'êm; t7î-K&r ;.-V - ~.Z ' " ' " "' '* te r v'-' IÉéII tete p 1 p ! v.- ,-te^-te ? V' ' /v'. - te '.te^tetete-:"^ ■; Sè • • ' te gg //■;, r''':;/;.;: 1111111 à wÉÊÊSmBSÊm - V - ' V " • &sïû: l ' > te / ' Ajtete ;'.-''v ■ ' ' te;:te-::;tetete|te' ' ''"|f -'. fy ' ...» &.j£l%.r£jr >...'.. «."! % «iv v |a v* BhKBI , M •* . , - ' ' •>%' 'i - *£ ' ¥*■•■< 'T| ^ÉjÉÉjÉÉa^ , ' te; - '. te'- , -"te: ^ !, tete ■ I jm ">*• "3^,' A * . mmSÊÊ^Ê^^^M Wjjt ;'. 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Trois Ecoles d'Art de l'Indochine HANOI — PNOMPENH — BIEN HOA I L'Ecole des Beaux-Arts de l'Indochine Le pays d'Annam doit à la Chine toutes ses formes d'art. C'est peu à peu, au cours des premiers siècles de notre ère, que le sens artistique anna¬ mite s'est éveillé, nourri et affiné au contact des œuvres que la Chine im¬ portait ou faisait exécuter dans le pays par ses propres artisans. Après avoir jusqu'au xe siècle admiré les productions purement chinoises, les Annamites éprouvèrent d'abord le besoin de les copier. Dès le xie siècle on voit apparaître en Annam des œuvres d'art intéressantes, qui portent presque toujours la marque d'une imitation maladroite et servile des mo¬ dèles chinois mais dont quelques-unes, tomme par exemple les beaux bronzes conservés encore aujourd'hui au temple de la Littérature (Van- Miêu) de Hanoi, laissent deviner ce que deviendra et surtout ce que peut devenir l'art annamite. C'est au début du xiie siècle que la renaissance nationale des Anna¬ mites semble donner un souffle particulier et une inspiration originale aux artistes de ce pays. Ils cessent de copier purement et simplement les modèles choisis. La conception de l'œuvre d'art reste, si l'on veut, de nature chi¬ noise mais l'art annamite prend alors un caractère propre qu'il conservera longtemps et par où se manifestera, hésitant quelquefois, souvent charmant, toujours curieux, le génie propre de la race. Cet art se développe normalement de la manière la plus intéressante entre le xve et le xviiie siècle et nombreuses sont les œuvres qui marquent — 8 — pendant cette période les moments les plus heureux de la vie artistique annamite. C'est au début du XIX0 siècle que les Annamites paraissent avoir trouvé les formules d art les plus parfaites. C'est à cette époque notamment que les conceptions architecturales et les dispositions décoratives semblent avoir trouvé leur expression définitive. Cette expression n'a plus de proprement chinois qu'un air de parenté qui fait penser aux traces de l'influence chi¬ noise dans l'art coréen ou japonais. Elle reste en fait essentiellement anna¬ mite et les œuvres qu'elle caractérise se développent d'une manière indé¬ pendante. Avant l'arrivée des Français, l'art annamite était essentiellement un art religieux et aristocratique. Architectes, sculpteurs, bronziers, céramistes et brodeurs travaillaient d'abord pour les pagodes d'après des canons tradi¬ tionnels qui excluaient le travail original de création et ne laissaient inter¬ venir l'imagination que dans l'exécution du motif. Ils travaillaient ensuite pour les mandarins et la cour qui les payaient mal mais ne lésinaient jamais sur la qualité des matières fournies et leur laissaient tout le temps nécessaire pour parachever de patients chefs-d'œuvre. Le bouleversement social et moral causé par l'occupation française a jeté une profonde perturbation dans cet état de choses. Certaines formes d'art ont disparu; d'autres évolué pour s'adapter aux goûts d'une clientèle nou¬ velle et ces goûts sont parfois fâcheux. On a cherché pour accroître la richesse du pays à industrialiser cette production. On a fait dans ce sens de très louables efforts qui ont donné des résultats certains, mais il serait désirable qu'en augmentant la produc¬ tion on n'en diminuât pas la qualité. Or c'est malheureusement ce qui arrive. Il est facile de s'en rendre compte en considérant l'intérêt artistique que présentent les objets exécutés jadis en regard de la fabrication actuelle et cette décadence ne ferait que s'accentuer si nous ne nous appliquions à former d'excellents décorateurs au goût affiné, capable de fournir aux artisans des modèles aux formes châtiées, en harmonie avec le génie de la race. Il est certes regrettable de constater que, bien que nous passions pour le peuple le plus artiste et le plus délicat du monde, c'eçt de notre arrivée dans la colonie que date une décadence évidente dans ses productions artis¬ tiques. La raison en est facilement explicable : l'Indochine a tout un passé d'art remarquable, art se rattachant comme il a été dit plus haut, pour le pays d'Annam à l'art chinois. — 9 — Depuis notre arrivée l'influence chinoise s'efface de jour en jour; les Annamites, dans tous les domaines de l'activité, adoptent avec empresse¬ ment nos goûts, nos méthodes, nos pensées. Façonnant leur mentalité sur la nôtre, ou tout au moins s'y efforçant, ils en viennent nécessairement à imiter les formes décoratives occidentales. Dépourvus d'éducation artistique, de direction, ayant perdu la foi en leurs anciens maîtres, ils croient bien faire en méprisant leurs traditions ancestrales soit que, les rejetant délibéré¬ ment par-dessus bord, ils se lancent dans de désastreux pastiches soit que, les accommodant maladroitement avec les exemples occidentaux, ils inventent une sorte de style composite, un métis d'art détestable. Alors que la vogue s'accentue de jour en jour en Europe et en France particulièrement des productions artistiques extrême-orientales, on a tenté en Indochine avec activité un effort industriel, mais on a vite compris qu'on ne pourrait réussir si la qualité esthétique était par trop inférieure ; on a été ainsi amené à envisager un enseignement artistique. Le Tonkin, oui a toujours été le centre de production le plus actif des pays de civilisation Sino-annamite, n'avait possédé jusqu'à ces dernières années que des écoles professionnelles publiques surtout orientées vers l'activité indus¬ trielle et comportant un temps d'études, juste suffisant pour former des ouvriers de métier instruits; l'activité artistique proprement dite n'y figurait qu'à titre accessoire et les entreprises privées d'artisanat d art, même si elles étaient intéressantes comme à Fîa-Dong, restaient sporadiques, précaires et peu capables de progrès techniques ou même d évolution propre. On a donc été amené à envisager la création d'une véritable école d art annamite destinée à provoquer la renaissance d'une tradition qui périclitait sans la faire sortir de son plan naturel. C'est à M. le Gouverneur Général MERLIN que revient 1 honneur de l'avoir compris, en créant l'Ecole des Beaux-Arts de 1 Indochine par l'arrêté du 27 octobre 1924 à Flanoi près de l'Ecole Française d Extrême- Orient et en l'intégrant à l'Université de cette ville sous le contrôle et 1 im¬ pulsion de la Direction générale de l'Instruction publique. ★ k k L'organisation de l'Ecole des Beaux-Arts s est trouvée liee à 1 institution du Prix de l'Indochine, fondé il y a environ vingt-cinq ans par la Société coloniale des Artistes français. — 10 — Le peintre auquel ce prix était décerné à l'issue des Salons de Paris avait droit à la gratuité du voyage en première classe de Paris à la colonie et de tous ses déplacements en Indochine, mais il ne recevait en outre qu'une somme insignifiante : 1.000 francs à son arrivée. Cette somme était dérisoirement insuffisante ; aussi la plupart de ceux qui obtinrent ce prix durent-ils se contenter d'un trop court séjour. Le hasard fit que le titulaire de ce prix au Salon de 1920, M- TARDIEU, reçut peu après son arrivée à Hanoi une importante commande du Gouver¬ nement pour la décoration de l'Université indochinoise qu'on allait cons¬ truire et que, la durée des travaux de construction se prolongeant, il dut prolonger aussi son séjour et entrer en contact avec certains jeunes artistes annamites désireux de renouveler leurs traditions artisanales et de trouver une directive technique occidentale continue. Sur son initiative et grâce à l'appui de hautes personnalités éclairées, comme MM. BAUDOUIN, ROBIN puis M. MERLIN, il put obtenir une réor¬ ganisation du Prix de l'Indochine sur des bases plus larges et ayant le triple avantage d'améliorer sensiblement la situation pécuniaire des artistes qui en étaient titulaires, de prolonger leur séjour et de procurer à l'Indochine, d'une manière ininterrompue, des professeurs de premier ordre. Ce prix avait été fondé jadis dans un but de propagande artistique mais le peu de temps que les artistes auxquels il était attribué pouvaient passer dans la colonie ne leur permettait pas d'en rapporter des oeuvres nombreuses; par conséquent, le but n'était pas atteint. M. TARDIEU proposa donc de leur donner un traitement mensuel de 450 piastres soit en moyenne en raison du taux de la piastre 4.500 francs par mois pendant deux années consé¬ cutives. Durant la première le titulaire du Prix voyagerait à son gré dans toute l'Indochine où il jouirait comme par le passé de la gratuité en l10 classe de tous les transports. Par contre il serait tenu pendant la deuxième année d'assurer l'enseignement du dessin et de la peinture à une école des Beaux-Arts de l'Indochine; il serait alors logé dans un pavillon comprenant un vaste atelier et un appartement très confortable dans le goût moderne. L'enseignement ne devant lui prendre que ses matinées il aurait plus de la moitié de ses journées pour mettre au net les études et croquis faits durant son voyage d'étude et préparer une exposition de retour. Ce projet ayant été approuvé complètement par M. le Gouverneur Général MERLIN, une école des Beaux-Arts de l'Indochine put être créée par l'ar¬ rêté du 27 octobre 1924. Cette école avait pour but de provoquer sous l'influence des méthodes et de la pensée française la formation d'artistes indigène et accessoirement de recruter les cadres de professeurs de dessin de l'enseignement franco-indigène. L'Ecole fut installée provisoirement dans les vastes halls qui avaient été édifiés pour l'usine électrique de l'Exposition de 1902 et qui étaient inoccupés .L'aménagement des bâtiments et la construction de dépendances telles que le pavillon du Prix de l'Indochine et le logement du directeur ne permirent pas l'ouverture des cours avant novembre 1925. Cependant, après trois années d'existence, les bâtiments devinrent insuf¬ fisants. En effet cette école ne devait comporter que trois années d'études, chaque promotion comprenant 10 élèves ; elle devait être au complet avec 30 élèves. Mais devant les résultats acquis il devint nécessaire d'en élever le niveau : on fut amené ainsi à en augmenter la scolarité qui, sous les leçons de l'expérience, fut portée à 4 puis à 5 ans et à y adjoindre par arrêté du 24 octobre 1927 un cours préparatoire destiné à jouer à la fois le rôle de formation d'apprentissage d'artisanat artistique et d'instrument de sélection pour le recrutement de l'école même. En effet le premier con¬ cours d'admission qui, le 5 octobre 1925, avait eu lieu à la fois à Hanoi, Hué, Saigon, Phnom-Penh et Vientiane avait réuni 270 concurrents pour 10 places, ce qui avait amené à admettre en plus 12 élèves libres, acceptés afin de leur faciliter la préparation de l'examen d'entrée de l'année sui¬ vante et notamment d'aider les meilleurs candidats laotiens et cambodgiens. L'essai d'admission de ces derniers fut d'ailleurs peu encourageant et la fondation du cours préparatoire eut pour résultat de démontrer que l'Ecole ne pourrait vraiment s'appuyer que sur un recrutement purement annamite. Par un processus analogue le cours de dessin architectural extrême-oriental qui avait été intégré dans les programmes de l'école des Beaux-Arts aboutit à la création, à côté de la section fondamentale de peinture et modelage, d'une section d'architecture. Cette transformation pouvait d'ailleurs être prévue si l'on se reporte au rapport de présentation à M. le Gouverneur Général MERLIN du projet de création de l'Ecole où l'on trouve le passage suivant : i « Lorsqu'on visite l'Indochine, on est forcé de constater que des monu- « ments remarquables jadis y ont été construits et que depuis notre arrivée « rien n'a été tenté pour continuer ces traditions. Ne serait-il pas néces- « saire de fonder un enseignement où l'on pourrait s'imprégner des principes « généraux qui ont présidé à la construction de ces monuments et à leur « décoration, principes qui résultent évidemment des nécessités du climat, — 12 — « de même que les formes décoratives viennent simultanément des éléments « de construction et des formes propres à la nature du pays. « L idee générale n est pas de créer une école qui mettrait en œuvre « les formes anciennes sans discernement ni esprit critique. Il s'agit plutôt « de créer une école qui, tout en respectant les traditions locales, s'adap- « terait aux besoins modernes. « Cependant il est pratiquement indispensable d'étudier ces architectures « traditionnelles parce qu'elles comportent nombre d'éléments importants « absolument beaux et en même temps parfaitement adaptés aux habitudes « et aux exigences du climat. (( Faute de documents pratiques d'enseignement permettant cette étude « complète à l'Ecole même, comme cela se produit en Europe pour l'étude « des architectures classiques, il serait nécessaire de consacrer un temps « relativement considérable à des relevés sur place des monuments carac- « ténstiques. Etude d'autant plus précieuse que les élèves eux-mêmes re- « chercheraient et établiraient les canons des architectures traditionnelles de « leur pays, comme le fit VlTRUVE pour l'art de son temps, étude qui « n'a jamais été faite dans ce pays, où les traditions si belles du passé « s'effacent peu à peu parce qu'elles n'ont jamais été codifiées, les mo- « numents anciens se faisant de plus en plus rares à cause de la fragilité « des matériaux employés, bois et briques ». Ce cours de dessin architectural avait été confié à un architecte, membre de l'Ecole Française d'Extrême-Orient, M. BATTEUR, grâce à qui ont pu être relevés quelques-uns des monuments les plus typiques de l'art anna¬ mite ancien de Hanoi et des environs : Porte du Dai-Thanh-Môn, kiosque de la Littérature au Temple de Van-Miêu, portail de Chua-Lang, kiosque de Chua Ngoc-Son, pagode de Bach-Ma à Hanoi et dinh de Dinh-Bang (province de Bac-Ninh). Les résultats obtenus à la fin de la première année de ce cours de dessin architectural attirèrent l'attention de l'Inspection générale des Travaux publics de l'Indochine où le Service des Bâtiments civils désiraient vive¬ ment s'adjoindre un cadre latéral indigène d'architectes et avait même établi un projet en ce sens. Ces diverses tendances ont pu être coordonnées par l'action de la Direction générale de l'Instruction publique et ont abouti à l'arrêté du 1er octobre 1926 qui créait à l'Ecole des Beaux-Arts une section d'architecture pour former des élèves diplômés pouvant entrer dans la mesure des besoins administratifs dans le service des Bâtiments civils ou exercer la carrière d'architecte privé. Les Annamites et les colons font — 13 — en effet beaucoup construire et l'essor économique du pays a créé un véri¬ table appel aux compétences dans cette profession, appel dont l'intensité a été telle que, malgré les efforts de quelques architectes de goût, on a vu se multiplier les bâtisses les plus hétéroclites et les moins adaptées au milieu et dont le type le plus répandu a été cette horrible compilation des élé¬ ments les plus disparates qu'on a appelé le « style comprador » et qui a fait tache d'huile dans tout l'Extrême-Orient, depuis Singapour jusqu'au cœur de la Chine. A son tour la section d'Architecture a pris peu à peu au cours même de son développement forme complète ; au moment où allait s'ouvrir sa cinquième et dernière année d'études, en juillet 1930, son Conseil de perfectionnement, réuni sous la présidence du Directeur général de l'Ins¬ truction publique, en a fixé le plan d'études définitif et le régime péda¬ gogique et a fait adopter la création d'un cours préparatoire analogue à celui de la section de peinture mais d'un niveau de culture générale beau¬ coup plus élevé qui permettra de placer le concours d'admission qui le suivra sur un plan à peu près égal à celui d'un baccalauréat scientifique. Si r on ajoute que de son côté la section peinture et modelage s'est enri¬ chie d'enseignements spéciaux comme ceux de la sculpture et de la céra¬ mique, on constatera qu'en cinq années presque sans tâtonnements et comme en vertu de la force acquise les deux sections de l'Ecole des Beaux-Arts de Hanoi ont atteint un développement harmonieux, complet et assez rapide pour que les installations matérielles n'aient pu le suivre du même pas. Cependant les acquisitions de terrain commencées dès 1927, et pour l'achè¬ vement desquelles les crédits sont prévus au budget de 1931, ont donné les possibilités d'extension nécessaires; le plan d'ensemble d'utilisation de ces terrains comprend, outre les ateliers spéciaux de peinture, sculpture et modelage, céramique et des salles de dessin artistique ou architectural, un musée et une salle d'exposition. Les tranches des travaux, déjà largement amorcés notamment en ce qui touche la section d'architecture, devront être achevées en 1931. Organisation générale L'Ecole des Beaux-Arts de l'Indochine comprend donc deux sections: la section dessin, peinture et modelage et la section architecture. Dans l'une comme dans l'autre section la durée des études est de cinq ans, précédés d'un cours préparatoire. — 14 — En principe l'Ecole compte environ 146 élèves se répartissant ainsi: Section dessin, peinture et modelage 50 élèves Cours préparatoire à cette section, environ 40 — Section d'architecture 40 Cours préparatoire à cette section 16 Total 146 élèves A) Section de dessin, peinture et modelage. 1 0 Cours préparatoire. Ce cours préparatoire, fondé par l'arrêté du 24 octobre 1927, a été confié à un professeur technique annamite des Arts décoratifs, M. NaM- Son, ancien élève de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et de l'Ecole des Arts décoratifs, et qui fut employé primitivement en qualité de moniteur. On a vu grâce à cette organisation s'élever d'année en année le niveau du concours d'admission et par conséquent celui de l'Ecole tout entière. Nous donnons ici la reproduction de deux œuvres de M. Nam-Son : Por¬ trait de ma mère, œuvre d'un grand caractère et Sur les bords du Fleuve Rouge, tableau acquis par l'Etat au Salon de la Société des Artistes fran¬ çais de 1930. Toutes les matinées sont consacrées au dessin d'après le plâtre dans la galerie des moulages ; les élèves les plus avancés étudient le modèle vivant dans le même atelier que les élèves titulaires (émulation nécessaire). Les après-midi sont occupés par l'art décoratif; on étudie en outre dans ce cours préparatoire les éléments de î'anatomie et de la perspective. 2° Enseignement donné à l'Ecole — Section normale. a) Organisation générale. Chaque année, au commencement du mois d'août, a lieu le concours d'admission à cette section simultanément à Hanoi, Hué, Saigon, Phnom- Penh et Vientiane sur un même programme consistant en un dessin d'après le modèle vivant, une composition décorative sur un sujet donné et une — 15 — épreuve de perspective élémentaire. Les dessins des concurrents sont en¬ voyés sous plis cachetés à Hanoi où a lieu le jugement. Le nombre des concurrents varie chaque année entre 60 et 100 : 10 élèves sont admis à la suite de concours. La sélection est donc très sévère. Cette section, dans laquelle les études durent cinq ans, comprend dans son programme: le dessin, la peinture et le modelage, l'art décoratif (21 heures par semaine) ; le dessin architectural (6 heures par semaine, relevé des monuments caractéristiques anciens), étude qui a une grande importance comme nous l'avons vu précédemment au point de vue de la conservation des formes de l'art traditionnel (voir le relevé du Dinh de Binh-Bang, expo¬ sé à l'Exposition coloniale internationale dans la section archéologique par l'Ecole Française d'Extrême-Orient et qui est l'œuvre des élèves peintres de l'Ecole des Beaux-Arts). En dehors de l'intérêt que ce cours de dessin architectural offre au point de vue traditionnel, il force les peintres, qui ont toujours tendance à être imprécis, à s'appliquer à un travail qui demande une exactitude rigoureuse et les prépare dans l'étude de l'art décoratif à une précision architecturale. Les élèves étudient en outre en trois ans l'histoire de l'art (2 heures par semaine) : une année de ce cours est consacrée à l'his¬ toire de l'art occidental, antique et temps modernes, et les deux autres années à l'histoire de l'art extrême-oriental. Ils suivent des cours d'ana- tomie (2 heures par semaine) et de perspective (1 heure par semaine). Un cours de céramique (3 heures par semaine) a été fondé récemment, ouvrant de vastes horizons sur cette industrie éminemment artistique qui fut jadis florissante en pays annamite mais qui s'est perdue de nos jours. Enfin un cours de français (2 heures par semaine) est destiné à la fois à compléter leur connaissance pratique de la langue et à leur donner quelques notions indispensables de littérature. Dix élèves étant admis chaque année et les études durant cinq ans, cette section devrait compter 50 élèves mais ce nombre est sensiblement réduit, car à la fin de chaque année scolaire, le Conseil des professeurs réuni a cet effet examine les notes de chaque élève et ceux qui ne donnent pas entièrement satisfaction sont rigoureusement exclus. Il n'y a pas de concours ni d'examens de passage d'une année à 1 autie ; le compte de toutes les notes de 1 année en tient heu. Le diplôme de fin d'études est également donné en raison des notes obtenues durant les cinq années d'études et de la valeur artistique des œuvres produites pendant les deux dernières années qui constituent la division supérieure. -— i6 — b) Premier cycle d'études. Durant les trois premières années toutes les matinées de 7 heures à 1U heures sont passées à 1 atelier, à 1 étude du modèle vivant (dessin, peinture et modelage;. 1 ous les élèves à tour de rôie, à raison de quatre par semaine, exécutent une hgure en modelage, complément oblige de l'éducation du dessinateur. Dette étude a de plus 1 avantage de permettre à des vocations de se révéler. D'est ainsi que plusieurs élèves, dont nous donnons ici la reproduction de certaines oeuvres, sont devenus sculpteurs. Dhaque semaine les élèves doivent tourmr une esquisse, tantôt sur un sujet donné, dans des dimensions et pour une destination déterminée, tantôt sur le sujet qui leur convient. Ils ont une heure chaque semaine pour exécuter de mémoire le dessin qu'ils ont exécuté la semaine précédente : une grande importance est atta¬ chée à cette étude. En moyenne une semaine sur six est consacrée à l'étude du paysage et de la nature morte. Tous les après-midi sont consacrés à l'art décoratif théorique et appli¬ qué (21 heures par semaine) durant les cinq années et au cours de dessin architectural archéologique (6 heures par semaine). Parfois pour ce dermer cours les élèves partent en expédition pour plusieurs jours, quand les mo¬ numents à relever ne sont pas à Hanoi ou dans ses environs immédiats. Tous les lundis les professeurs présentent au directeur le travail de la semaine ; chaque œuvre est examinée avec la plus grande attention en présence des élèves qui sont félicités ou blâmés. Ces notes sont additionnées à la fin de chaque année et permettent le classement des élèves. Les travaux exécutés pendant les vacances sont également notés à la rentrée. On attache la plus grande importance aux travaux de vacances car ils sont une précieuse source d'indication de la personnalité de chaque élève. c) Division supérieure. Durant la quatrième et la cinquième année toutes facilités sont données aux élèves pour produire sous la direction de leur professeur, qui est le directeur de l'Ecole, en peinture ou en sculpture les œuvres qu'ils désirent exécuter. Chaque lundi ils doivent de plus lui soumettre le travail de la semaine et sont notés en conséquence. — 17 — Nous donnons ici la reproduction d'un certain nombre d'oeuvres en pein¬ ture à l'hurle ou sur soie des élèves de la division supérieure. Le cours de dessin architectural archéologique, en 4e et 5e année, est remplacé par un cours de dessin de meubles et d'ensemble mobilier. Les élèves, ayant passé trois ans à s'imprégner de l'art traditionnel, peuvent alors s'appliquer à produire des oeuvres modernes; une saveur très parti¬ culière reste toujours à leurs compositions. L'après-midi est consacré à l'art décoratif (21 heures par semaine). Toutes les soirées, de 19 h. 30 à 22 heures, sont passées à l'école, où la bibliothèque ainsi que les ateliers sont à la disposition des élèves, ils peuvent lire, dessiner ou s'occuper à ce qui leur plaît sans contrainte ni sur¬ veillance ; ils sont complètement libres et il est juste de remarquer que, toujours parfaitement corrects, on n'a jamais eu le moindre reproche à leur faire, bien qu'il y ait parmi eux des étudiantes. Après cinq années de ce régime, affranchis de tout souci matériel (la plupart des élèves sont boursiers), ayant vécu uniquement dans des préoccu¬ pations artistiques, il est aisé de comprendre que leur formation est com¬ plète ; qu'ils sont prêts à exercer le professorat dans les établissements d'en¬ seignement franco-indigène, dans les écoles normales et les écoles profes¬ sionnelles d'arts appliqués et qu'ils peuvent exercer une influence considé¬ rable sur la production tout entière des artisans Indochinois et notamment sur celle des ateliers familiaux, si nombreux et si intéressants dans ce pays et qui pourront un jour concurrencer sur les marchés d'Lurope la production japonaise, qui provient elle aussi d'ateliers familiaux. Le personnel enseignant de cette section comprend : un professeur de dessin et peinture des trois premières années qui est le titulaire du Prix de l'Indochine; un professeur de sculpture, ancien élève de l'Ecole; deux professeur d'art décoratif (dont un architecte français lauréat et un peintre annamite mention honorable du salon des artistes français) ; un professeur de dessin architectural archéologique, membre de l'Ecole Française d'Extrê¬ me-Orient ; un docteur ès-sciences et en médecine, professeur titulaire de l'enseignement supérieur hanoïen, chargé du cours d'anatomie; un architecte chargé du cours de perspective; un professeur de l'Université chargé du cours d'histoire de l'art; le directeur des Tuileries de l'Indo¬ chine, élève de Marc LacHEVÊQUE DE VlERZON, chargé du cours de céramique; enfin un professeur annamite du Lycée Albert-Sarraut, breveté supérieur et ancien élève de l'Ecole supérieure de Pédagogie, chargé du cours de français. — i8 — Pendant les cinq premières années l'Ecole a reçu dans la section dessin- peinture et modelage : 39 Tonkinois sur 298 candidats originaires du Tonkin; 1 Annamite de l'Annam sur 76 candidats originaires de l'Annam ; 8 Cochinchinois sur 89 candidats originaires de la Cochinchine ; 1 Cambodgien sur 49 candidats originaires du Cambodge ; 1 Laotien sur 10 candidats originaires du Laos . Le cours de dessin et peinture a compté déjà comme professeur cinq Prix de l'Indochine: MM. J. BESSON, LegouEZ, vlrac, dabadie, LiÈVRE et un sixième, qui s'est vu attribuer le Prix au dernier Salon, M. RoLLEl vient d'arriver à la colonie. Les cours d'esthétique, archéologie et histoire de l'art ont été confiés à M. Victor goloubew, secrétaire de l'Ecole Française d'Extrême-Orient, actuellement suppléé par M. lebas, professeur à l'Université. Le cours supérieur a toujours été dirigé par m. tardieu, directeur de l'Ecole depuis sa fondation. Solidement instruits dans leur art, jouissant d'une culture sensiblement égale à celle des jeunes artistes de France, l'atavisme annamite de nos jeunes élèves les rend aptes à continuer la tradition de leurs devanciers, à les dé¬ passer et à réaliser l'oeuvre que l'on a entreprise : la rénovation de l'art annamite. B) Section d'architecture. 1 0 Organisation générale. — L'enseignement dans cette section com¬ porte comme dans l'autre cinq années d'études plus un cours préparatoire d'une année. Le dessin d'imitation, l'architecture, la décoration architectu¬ rale, la théorie de l'architecture, la perspective et le tracé des ombres, la construction, la stéréotomie, le béton armé, le mètre spécial aux bâtiments, l'histoire de l'art architectural, la législation du bâtiment, l'urbanisme sont professés à l'Ecole des Beaux-Arts d'une part; d'autre part les élèves architectes suivent en commun avec les élèves ingénieurs, à l'Ecole des Travaux publics, les cours de français, géométrie, algèbre, trigonométrie descriptive et cotée, mécanique, physique, chimie, topographie, résistance des matériaux, mécanique théorique, droit administratif. Chaque année une centaine de concurrents se présentent au concours d'entrée, uniquement écrit, qui a lieu sur un programme donné, simultané¬ ment à Hanoi, Hué, Saigon et Phnom-Penh. Seize élèves sont admis à la suite de ce concours à la Section préparatoire. Apres un an d etudes, a heu — 19 - le concours d'admission à l'école : huit élèves seulement sont admis défini¬ tivement et entrent en première année. 2° Cours préparatoire. — L'examen d'entrée de ce cours préparatoire est uniquement écrit : il est institué à un niveau correspondant à celui du diplôme d'études primaires supérieures et comprend les épreuves suivantes : 1 0 Une dictée avec questions ; 20 Une composition française ; 3° Deux problèmes d'arithmétique pouvant comporter l'application des surfaces et volumes géométriques ; 4° Deux problèmes d'algèbre pouvant comporter l'application des pro¬ priétés des figures géométriques ; 5° Un dessin d'ornement d'après le plâtre; 6" Un dessin graphique au trait et au lavis; 7" Un croquis côté d'un motif simple d'architecture (corbeau, chapi¬ teau etc...). Le nombre des élèves de ce cours préparatoire est fixé à 16, étant bien entendu que ces élèves devront, pour entrer à l'Ecole, subir le concours comme tout le monde. 3° Enseignement donné à l'Ecole. — Concours d'admission à 1 Ecole proprement dite. Ecrit. Durée Coefficient Composition française . . . . 3 heures 3 Géométrie .... 2 — 2 Trigonométrie et algèbre .... 2 — 2 Dessin d'imitation .... 16 — 6 Dessin d'architecture .... 16 — 6 Total 19 Oral. Langue française . .... Géométrie Trigonométrie et algèbre 2 2 2 Total b — 20 — Nous donnons ici le programme entier des études à la section d'archi¬ tecture. Programme de la Section d'Architecture : Première année. Français . 1 h. Géométrie descriptive et cotée .... 3 h. Mathématiques 1 h. Mécanique . I h. Chimie 1 h. Physique I h. Histoire de l'art architectural .... Oh. Perspective et tracé des ombres . . i h. Dessin d'imitation 3 . Architecture 20 h. Décoration architecturale . 6 h. Construction stéréotomie ......... 1/2 1/2 1/2 1/2 1/2 Total 2 h. 42 h. Cours de 2° année de l'Ecole des Travaux publics. Cours de F6 année de l'Ecole des Travaux publics. /2 dont 29 de dessin. Deuxième année. Français 1 h. 1/2 Mathématiques 1 h. 1/2 Topographie générale 1 h. Construction (électricité, chauffage). 2 h. Théorie de l'Architecture Eléments de la construction 1 h. Métré spécial aux bâtiments 1 h. 1/2 Perspective 1 h. Histoire de l'art architectural .... 0 h. 1/2 Architecture 26 h. Décoration architecturale ......... 6 h. Dessm d'imitation 3 h. Cours de 2° année de l'Ecole des Travaux publics. Cours de 3° année de l'Ecole des Travaux publics. Total 45 heures dont 35 de dessin. — 21 — Troisième année. A partir de la troisième année les programmes des projets et esquisses sont établis par une commission composée des professeurs d'Architecture et le jugement est rendu par un jury composé de cette commission sous la prési¬ dence du Directeur de l'Ecole. Tous ces programmes doivent être établis au début de l'année scolaire. Architecture 35 h. Théorie de l'architecture (élément de la composition) 2 h. Construction (pratique des travaux, visite des chantiers) 1 h. I /2 Histoire de l'art architectural .... Oh. 1/2 Législation du bâtiment 0 h. 1 /2 Métré spécial aux bâtiments 1 h. 1/2 Résistance des matériaux 1 h. 1/2 Mécanique théorique ........... 3 h. pendant le 1or trimestre. Béton armé 1 h. pendant le dernier trimestre. Total 44 h. 1 /2 dont 35 de dessin. Quatrième année. Concours de droit administratif .... 1 h. cours supérieur des Travaux publics. Notions d'urbanisme . 10 conférences d'une heure. Architecture tout le temps laissé libre par les au¬ tres cours. Etude du soir obligatoire à l'atelier de l'Ecole. Cinquième année. Cette année est uniquement employée à étudier des projets, d'octobre à mars, et aux concours mensuels d'esquisses comme l'année précédente. Etude du soir obligatoire à l'atelier de l'Ecole. — 22 — Diplôme. Les élèves de cinquième année soumettent avant le 1er janvier à la com¬ mission des professeurs d'architecture, présidée par le directeur de l'Ecole, un programme détaillé, comportant la situation géographique de l'édifice projeté, notification du mode de construction et nature du terrain, l'échelle des dessins et le nombre de planches que comportera l'ensemble du projet avec leur désignation. Ces programmes sont acceptés par le Conseil des professeurs avec ou sans modifications et les élèves sont autorisés à en commencer l'étude qui se fait exclusivement dans l'atelier de l'Ecole à la date du 1er mars. Chaque élève présente et discute son projet de diplôme devant le Conseil des professeurs à la date du 28 septembre. Le jugement est rendu le 30 septembre et l'exposition publique a heu le 1 °r et le 2 octobre. Notes et coefficient. Diplôme Devis descriptif . . . Devis estimatif . . . . CO' fficient 20 — 2 — 3 Note éliminatoire 10 0 0 Les candidats n'ayant pas satisfait aux examens de diplôme peuvent être proposés, quand ils en sont jugés dignes par le jury du diplôme, pour un redoublement de la cinquième année. Pendant tout le cours des études les élèves sont astreints à des examens de passage sévères. Le personnel enseignant comprend pour ces enseignements généraux 1 docteur en droit ; 2 agrégés et trois licenciés de mathématiques ou physique ; 1 agrégé et 1 licencié ès-lettres ; 2 ingénieurs des Travaux publics; 3 architectes D. P. L. G. dont un urbaniste; 1 professeur de l'Ecole des Beaux-Arts de Hanoi. Les renseignements fondamentaux d'architecture sont confiés (5e année) à M. DELAVAL, architecte en chef du Service des B⬠timents Civils, à M. KRUZE, architecte D. P. L. G. et lauréat, pro¬ fesseur titulaire de l'Enseignement supérieur (3° et 4° années) et à M. ROGER, architecte D. P. L. G. (I,e et 2° années). ii. — ecole des beaux-arts de hanoi : sur le bord du fleuve ou se vend et s'achète le riz (peinture a l'eau) par m. nguyên-nam-son, moniteur. ECOLE DES BEAUX-ARTS DE HANOI : JEUNE FILLE ANNAMITE, SCULPTURE, (BUSTE BRONZE) PAR VU-CAO-DAM (4e ANNEE). ' ^ J 1 . VI. — ECOLE DES BEAUX-ARTS DE HANOI : PAYSAGE TONKINOIS (SAI-SON, PROVINCE DE SON-TAY), PANNEAU EN LAQUE NOIRE, ROUGE, OR ET ARGENT PAR M. LÊ-PHO (5e ANNEE). > _ - - ' \ '--r •' Y - v ■ s=U- 7'" -,Y: ■■■ ecole des beaux-arts de hanoi : 2 grilles en fer forgé par m. luu-dinh-khai (3e année) et m. vu-tiên-chuc (4e année). fîb ■ ' . ' ;v. ■ ■ ■ ' • ■■■" ' ' . . : ■ ■■ " ■■ i ■ • ) •ww VIII. — ECOLE DES BEAUX-ARTS DE HANOI : CHEMINEE EN GRANIT SCULPTÉ POUR UNE SALLE A MANGER FAR GEORGES K.HANH. G H U A NOTC FH A N H a H AN OI .RELEVE --DU PAVILLON **MÔT~ CÔT,r BAL.US ÎLAH DE :.A COUVERT Ui IX. — ECOLE DES BEAUX-ARTS DE HANOI : RELEVÉ DU « MOT-COT )) PAR M. TRAN-QUANC-TRAN (2e ANNEE, SECTION PEINTURE — COURS DE RELEVÉ ARCHITECTURAL ARCHÉOLOGIQUE). II L'Ecole des Arts Cambodgiens a Phnom-Penh En 1917-18 la situation de l'art indigène au Cambodge était des plus critiques. Plusieurs siècles de guerres malheureuses et d'infortunes politi¬ ques puis, avec la paix française, les influences occidentales avaient arrêté son essor et dénaturé ses traditions. La transformation des coutumes rendait sans emploi un certain nombre d'objets qui jusque-là étaient demeurés autant de prétextes d'art traditionnel : soieries, véhicules, armes etc... L'Occi¬ dent, s'affirmant de plus en plus concurrent de l'artisanat local en important maints objets à bon marché, dispensait l'artisan de produire. L'aristocratie cambodgienne s'engouait d'un luxe européen de plus ou moins bon aloi et lui réservait ses commandes. Les artisans de moins en moins nombreux for¬ maient de moins en moins d'apprentis. Pour sauver l'art cambodgien il fallait donc tout d'abord retrouver, réunir et conserver les formes antérieures de l'art local, témoins de la tra¬ dition artistique khmère, guides et modèles pour l'avenir; puis opérer dans tout le Cambodge le recensement des artisans encore existants et pratiquant une industrie d'art quelconque et choisir parmi les plus habiles d'entre eux les maîtres qualifiés pour enseigner leur technique ; enfin assurer aux pro¬ ductions de cette main-d'œuvre ressuscitée un écoulement suffisant. D'où la nécessité pour le Protectorat de créer toute une organisation répondant à ces divers besoins et comportant un Musée, une école d'artisans et un service commercial. Cette organisation fut réalisée à partir de 1917 sous la direc¬ tion de M. G. GROSLIER, l'archéologue et écrivain bien connu, qui en avait étudié les bases et suggéré les modalités. Il est aujourd'hui encore le directeur du Service des Arts cambodgiens. Nous ne saurions mieux faire que de donner c'-aDrès les principaux pas¬ sages d'un exposé rédigé par la plume alerte de M. GROSLIER lui-même. ★ ★ ★ I. — Fonctionnement du Service des Arts cambodgiens La mise en application de la doctrine. Entre l'élaboration d'un programme d'ensemble et sa réalisation, surtout lorsque celle-ci doit se poursuivre au cours de plusieurs années, de nombreux — 24 —- obstacles surgissent. Celui du Service des Arts cambodgiens eut toutes les chances. Maigre ce qu il apportait de nouveau dans les systèmes alors en vigueur non seulement en Indochine mais dans toutes les colonies françaises et étrangères (1); malgré les sacrifices budgétaires qu'il imposait; malgré enfin cette originalité qu'il conférait au Cambodge artistique à l'égard des autres pays de 1 Union indochinoise, ce programme d'ensemble fut adopté sans changement (2). Le Gouvernement Général inscrivit à son budget la construction des b⬠timents (Musee et Ecole) ; le Protectorat accepta la charge du budget annuel du nouveau service; l'Ecole Française d'Extrême-Orient approuva la créa¬ tion du Musée et sa direction locale; le directeur de l'Instruction publique enfin sanctionna pour 1 Ecole des Arts des programmes particuliers et un fonctionnement tout à fait différent de celui des écoles d'art existant en Cochinchine et au Tonkin. Ainsi ces autorités diverses prirent conscience des conditions toutes locales que demandaient la situation de 1 art pris en charge et le tempéramment de l'indigène et surent conférer au service nouveau la souplesse et l'autorité dont il avait besoin. Le Protectorat put donc profiter d'une occasion unique peut-être dans les annales de la colonisation et relever, par une organisation d'ensemble et au moment le plus crit'que, les arts d'un peuple et tout ce qui s'y rattachait. Depuis douze ans les chefs généraux et locaux oui se succédèrent, contribuèrent à l'application de la doctrine sans en changer une virgule, lui apportèrent leur encourageante confiance et un efficace appui. Et, si la réalisation du programme accepté devait imposer un poids très lourd et beaucoup d'heures anxieuses aux spécialistes à qui le nouveau service fut confié, du moins furent-ils constamment soutenus par les Pouvoirs publics, et de toutes les façons (3). (1) Quelques années plus tard, le Protectorat français au Maroc s'engagea dans les mêmes voies et la documentation fournie à l'époque par le Service des Arts cambodgiens fut con¬ sultée. Rien de semblable dans aucune colonie anglaise. En 1929 S. E. le ministre de l'Instruction publique du Gouvernement hollandais à Java vint se documenter sur place et se fit fournir les publications et rapports du Service des Arts cambodgiens. Entre temps l'organisation de ce service et les résultats acquis avaient été soumis au grand public par La reçue de Paris (octobre 1925, La reprise des Arts hhmers). (2) A l'époque était Gouverneur Général de l'Indochine M. A. SaRRAUT et Résident supérieur au Cambodge M. BAUDOIN. Ce fut donc à leur autorité que l'instruction nouvelle dut de pouvoir prendre naissance. (3) Ces spécialistes sont: G. GrOSLIER, d'abord directeur de l'Ecole (1918-1920) puis du service entier et conservateur du Musée après son organisation ; A. sllice, sous-directeur de l'Ecole puis directeur depuis 1922 ; J. stoeckel, administrateur du service depuis 1920. Depuis 1925, un nouveau collaborateur devint mdisDensable : P. BeLLUGUE. Aussi bien tout le patronat indigène de l'Ecole y enseigne depuis la fondation. — 25 — Le groupement des différents organes du Service des Arts. La clientèle étrangère au Cambodge devant être celle sur laquelle toute l'organisation comptait s'appuyer, les bâtiments destinés à abriter le service des arts furent construits d'un seul bloc à Phnom-Penh (1919-1920) près du Palais royal, en pleine ville et bien en évidence. Economie de personnel, de matériel, d'entretien, facilité de direction etc... Mais là n'étaient pas les seuls avantages de la conception. On réunissait sous les mêmes toits : A) En façade le Musée où le public prend notion de l'art indigène; B) En arrière l'Ecole où il voit l'artisanat à l'œuvre; C) Dans une aile du groupe l'office de vente. En une heure le touriste qui, souvent ne passe que cette heure à Phnom- Penh, trouve donc ce qui est nécessaire à sa prise utile de contact avec l'art local. Cet ensemble de galeries, où le présent se trouve naturellement rattaché au passé, établit une cohésion entre ce qui est généralement dispersé sur plusieurs points d'une ville. Aussitôt il se créa une atmosphère homogène que depuis respirent l'apprenti de l'école et l'artisan étranger à l'école qui vient livrer son travail. Et le musée n'est plus un bâtiment désert mais il est toujours parcouru par ceux-là même qui en ont le plus besoin. Sans qu'un objet rare quitte la vitrine, le patron de l'atelier proche n'a qu'une cour à traverser pour s'inspirer d'une tradition ou en montrer un exemple à ses élèves.- Réciproquement les montagnes des bronzes en mau¬ vais état, des statues brisées, la confection des socles, les moulages des sculptures sont exécutés par les ateliers de l'école. Enfin de porte en porte l'Européen trouve les conseils dont il a besoin, les repères nécessaires à son jugement, non point d'après les théories ou une propagande imprimée mais par la vue des objets exposés et des apprentis au travail. Tout se trouve ainsi favorisé au maximum, les spéculations artistiques aussi bien que la vente. Un exemple est frappant à ce propos: l'extraordinaire complication du tissage « hol » ne peut être comprise du visiteur par le seul examen d'une des soieries exposées. Aussi ila plupart des sampots u hol » achetés par les touristes ne le sont qu'après que ceux-ci, ayant visité l'école, ont pu se rendre compte, en voyant les tisseuses au travail, de la difficulté et de la lenteur de cette technique. — 26 — Grâce enfin à cette cohésion du service et du groupement de ses édifices, chaque soir, s il le veut, le directeur, par le simple examen d'une fiche, sait en une minute le nombre de visiteurs qu'ont reçu musée, école, office de vente ; le nombre des objets d'art vendus, leur nature et leur prix. D'année en année il peut ainsi, toujours sur des faits et jamais sur des théories, établir des coefficients d'écoulement selon la main-d'œuvre au travail, l'épo¬ que, la nationalité et le nombre des visiteurs ; sélectionner la production, 1 activer dans tel sens plutôt que dans tel autre. Nous détaillerons plus loin cette vie artistique auscultée ainsi à tout moment et dans toutes ses consé¬ quences, nous bornant ici à montrer que la communauté des édifices, faci¬ litant cette tâche, était un moyen, disons mécanique, d'appliquer d'un seul coup les principaux points de la doctrine. * * * II. — L'Ecole des Arts cambodgiens Le rôle de l'école et la nature de son enseignement. Lors de la création de l'Ecole des Arts cambodgiens aucun programme pédagogique ni aucun horaire d'école d'art métropolitaine, aucun de ceux des écoles d'art existant dans les autres pays de l'Union indochinoise ne furent retenus. Une telle désinvolture apparente stupéfia à l'époque quelques esprits for¬ malistes. Deux raisons pourtant, chacune suffisante, la justifiaient. D'abord nous n'étions ni en France, ni en Annam, ni en Cochinchine : donc à peuple et à arts différents il fallait des méthodes d'enseignement différentes. Ensuite la décision avait été prise que seul le maître cambodgien donnerait l'ensei¬ gnement. Ces deux conditions se complétaient étroitement. Satisfaire à la seconde, c'était répondre à la première. L'art cambodgien, duquel l'Angkor était sorti, s'était transmis de géné¬ ration en génération et avait naturellement évolué jusqu'en 1900 sans que des professeurs français intervinssent. Le Protectorat estima qu'il suffisait de mettre en contact l'artisan habile et des apprentis de bonne volonté dans les meilleures conditions pratiques, — dans les conditions dont des siècles avaient déterminé la modalité — pour que la transmission de cet art s'opérât encore. Du moins il ne coûtait rien d'essayer. - 27 — Des maîtres artisans désignés par l'opinion indigène et qui avaient fait leurs preuves, furent recrutés et nommés chefs d'ateliers (1). On leur donna 1 outillage qu ils demandaient et qui était leur outillage traditionnel. Ils recrutèrent leurs premiers élèves. En quelques mois l'école était créée par une agrégation naturelle. Depuis dix ans elle fonctionne de la sorte. Nous ne nous étendrons pas sur les méthodes pédagogiques de ce patronat. En pareille matière rien n'est parfait et tout programme présente des avan¬ tages et des inconvénients. L'essentiel en tout état de cause est de se rallier au plus grand nombre de ceux-là. Dire que ces méthodes pédagogiques sont indigènes suffit à garantir qu'elles répondent au tempéramment des in¬ dividus et à la nature de l'art enseigné; qu'elles sont à l'abri de l'influence française et naturellement soumises à l'évolution de la race et aux influences du milieu. Mais la non-intervention directe de l'Européen a eu des con¬ séquences considérables dès la première heure. 1° Elle laisse aux patrons tout leur prestige et toute leur autorité. Les apprentis qu'ils forment ainsi sont bien les leurs. La hiérarchie sociale de¬ meure intacte. Un ressort reste bandé entre l'orgueil et la responsabilité du maître. 2° Au cours des premières années cet enseignement qui se manifestait librement, en cambodgien, tel que cinquante ans avant dans les villages et les monastères, sans heurter aucune habitude, cet enseignement permit à la direction française spectatrice et observatrice, d'étudier l'art qu'elle prenait en charge et d'assister à sa mise en pratique historique et naturelle. N'étant pas elle-même engagée, n'ayant aucun parti à défendre, aucune formule à préconiser, elle put s'adapter elle-même à la chose et à l'individu, faire le point. Et, selon une formule qui a été souvent écrite depuis, les premiers élèves de l'école des arts furent ses directeurs. Ils ne tardèrent pas d'ailleurs à apprendre que leur prudence avait été opportune car au¬ jourd'hui ills n'ont encore trouvé de perfectionnement notable à apporter a cet enseignement fort de l'expérience d'une vieille nation et rompu aux exigences d'un art concret. (1) C'est ainsi que S. M. SlSOWATH, qui fut dès la première heure et jusqu à sa mort le grand ami du Service des Arts, mit à sa disposition ses meilleurs artisans personnels, n'hésitant pas à supprimer une partie des ateliers du Palais au bénéfice de 1 Ecole des Arts Sélection de l'apprenti. Si la tâche du Protectorat se trouva simplifiée sur ce point, le contact étroit entre patron et apprenti étant obtenu, on s'aperçut par contre qu'il n'était pas indifférent de pousser la cellule dans un sens plutôt que dans un autre, de diriger ce qu'on peut appeler son « régime ». Et, si la direc¬ tion française ne pénètre en principe jamais dans l'atelier, elle ne cesse d'être postée tout autour et c'est de là qu'elle agit, défriche, aère, tire parti, fertilise, en un mot qu'elle sélectionne. D'abord sélection des apprentis à l'entrée comme graines et plants sur pépinière. Certes rien n'est exigé du candidat, sinon qu'il ait de 14 à 15 ans et sache écrire et lire sa langue, sans exiger le français. Mais il doit, à titre d'aspirant, fréquenter l'école ainsi en observation, sans coûter un cent au budget, deux, trois, cinq mois et lorsqu'une place d'apprenti est libre, la direction y nomme le meilleur — nous ne disons pas le plus ancien — des aspirants. Titulaire, l'apprenti n'est pas pour cela à l'abri. Observé par son patron et par la direction française, s'il se montre inactif et ne progresse pas, il est renvoyé immédiatement. Au contraire, s'il est doué, vif, actif, aucun délai fixe ne retarde sa carrière scolaire et il est libre, quand il le veut, d'exécuter son chef-d'œuvre de sortie. S'il réussit, le voilà libre. S'il échoue, il a droit encore à un essai. Jamais d'examen, pas de classement, constatés sans signi¬ fication pour le tempérament cambodgien et sans action sur lui, mais trois classes correspondant à des primes scolaires proportionnées à la valeur gé¬ nérale de l'individu (3 piastres, 4 piastres et 5 piastres par mois). Stage minimum, dans chacune d'elles, de six mois. En un an et demi un apprenti peut parvenir à la première classe et, six mois après, avoir son titre de maître artisan. En pratique aucun n'est formé en moins de deux ans et demi au minimum. Voici des chiffres qui montrent la rigueur du filtrage continental que subit l'artisan, de mois en mois, et qui prouvent qu'aucun atelier n'est encombré de poids morts et ne traîne de paresseux ou d'impuissants. Nombre total des élèves : 155. (Moyenne annuelle des apprentis entrés ; 67 ; Moyenne annuelle des aspirants présents : 1 2 ; ^ . p, , , I rourcentage des absences y compris permissionnaires et malades : 8 %. — 29 - ANNÉES ARTISANS SORTIS DIPLÔMÉS APPRENTIS RENVOYÉS POUR INSUFFISANCE 1921 22 artisans. 45 apprentis. 1922 6 37 — 1923 12 — 57 —. 1924 14 — 60 — 1925 14 — 34 —• 1926 17 — 41 — 1927 13 — 58 — 1928 17 — 60 — 1929 16 — 56 — 1930 17 27 Cet énorme déchet, dont l'épreuve qui le détermine ne coûte absolument rien au Protectorat, démontre par ailleurs la perte d'énergie et le mauvais rendement que subit une institution de ce genre régie par les horaires sco¬ laires habituels et qui, par des examens annuels, conserve fatalement huit ou dix mois des élèves parasites. Afin que l'Enseignement de l'école ne soit pas dispensé à la population de Phnom-Penh seulement, l'école compte trente élèves internes recrutés dans les principales provinces du pays où ils retournent s'installer après leurs études. Dans le même esprit de décentralisation, deux ateliers annexes de l'école des arts ont été ouverts en 1924, l'un à Kompong-Chhnang (poterie décorée) et l'autre à Pursat (sculpture sur marbre). Ces deux ateliers sont quasi-auto¬ nomes et correspondent le premier à une industrie locale, le second à la pro¬ ximité des carrières, ce qui évite ainsi le transport à Phnom-Penh des ma¬ tières premières. Personnel enseignant et modèles sont fournis par l'école des arts. Par des visites régulières le Directeur de l'école-mère s'assure du bon fonctionnement de ces ateliers annexes. • M**' ' L'action indirecte de la Direction française. il serait trop long d'énumérer les procédés de contrôle et de recrutement que la direction emploie pour opérer sa sélection continuelle sans être dupée des patrons ni des élèves et vérifier les jugements portés par ceux-là sur ceux- ci, car il n'est pas besoin de dire que, conformément à la doctrine, les patrons jugent toujours réunis en comité et que la direction française n'intervient qu'en dernier ressort et pour départager les voix, s'il y a lieu. Un point sera mis en lumière. Le directeur remarque-t-il qu'un apprenti se trompe dans une exécution donnée, montre une tenue artistique insolite ? Il ne s'adresse jamais à lui mais au patron. Pourquoi ? Parce que le patron a des moyens de défense, des réactions que n'a pas l'apprenti; que, si le directeur français s'adressait directement à ce dernier, il risquerait de contredire le patron et entamerait son prestige. Par le patron seulement le directeur peut, pertinemment et après dicussion, imposer sa volonté. Cette prudence, qui s'imposait au début tandis que nous nous formions nous-mêmes en dix ans de pratique, nous a trop montré son excellence pour qu'elle ne soit pas maintenue longtemps encore. En fait et de toutes les manières le Directeur ne connaît pas un seul des apprentis de l'école : il ne connaît que les patrons et ce n'est que par eux qu'il atteint l'apprenti, lors¬ qu'il y a lieu. L'Ecole ne forme que des artisans mais ne Vend pas d'œuvres d'art. Le seul énoncé des raisons qui dictent cette attitude suffira à la justifier. L'école n'est pas une manufacture d'état. L'organisation du Service des Arts, conformément à sa doctrine, comportant un office de vente destiné à écouler la production de l'artisan, l'école forme cet artisan et ne peut pas être en même temps sa concurrente dans un pays qui manque de clientèle. Si un apprenti est capable de produire des œuvres de bon aloi, sa place n'est plus dans une école aux frais de l'Etat mais dans le village. Un apprenti qui par hasard réussit une œuvre vendable et la vend s'imagine qu'il n'a plus rien à apprendre et risque de quitter trop tôt son atelier. Ou bien, tout en produisant, il ne songe qu'à prolonger son séjour scolaire afin d'en cumuler les avantages et ses bénéfices extra-scolaires. Ayant par hasard vendu une œuvre, il recommence indéfiniment et néglige d'étendre son savoir et de varier sa technique etc... Si l'école ne produit pas d'œuvre à vendre, que font donc les apprentis ? Le sculpteur ne travaille que des bois vulgaires. Le cuivre que cisèlent les orfèvres sert à faire le bonze des fondeurs etc... Tous ces travaux sont collectifs. L'artisan qui emboutit aujourd'hui, cisèlera demain etc : travaux d'apprentis, essais maladroits, œuvres invendables. Mais il va sans dire que toute épreuve réussie est conservée dans le musée spécial de l'école et, de — 3' — temps à autre, abandonnée à l'auteur. Il s'ensuit que la consommation de l'école en matières premières est insignifiante. Voici maintenant des apprentis presque formés, à la veille de leur libé¬ ration. Ils collaborent alors avec les patrons car tout patron doit tra¬ vailler avec ses élèves et non se promener parmi eux les mains derrière le dos. C'est de ce labeur confié aux mains les plus expertes que sortent les types de décors, d'objets de toutes sortes et de toutes natures qui concré¬ tisent l'enseignement. Ce répertoire, chaque année augmenté, des formes canoniques de l'art khmer, des factures les plus soignées, ce vocabulaire, cette collection de pièces témoins marquent ainsi « le moment » de l'art. Chacun de ces objets n'est pas celui auquel cet art aboutit. Les générations prochaines sauront en le consultant ce que leurs aînés faisaient en 1920, en 1925, en 1930. Ce musée de l'école continue le musée national. On compte actuellement 253 de ces types répondant à un besoin au mo¬ ment où il s'est fait sentir. Les œuvres qui ont figuré à l'Exposition coloniale de Marseille en 1922 et à l'Exposition intercoloniale des arts décoratifs de Paris en 1925 ont été ainsi étudiées à l'école. Disons en passant que le tissage et l'orfèvrerie ont remporté deux grands prix à Paris et la sculpture sur bois une médaille d'or, les plus hautes récompenses décernées à des arts coloniaux. Conditions de la libération des apprentis. Pour sortir de l'école, l'apprenti exécute un « chef-d'œuvre », qui con¬ siste en une série d'épreuves très difficiles et permet la révision de toutes ses connaissances. L'épreuve est individuelle et n'a pas de date fixée. Elle est jugée par tous les patrons réunis. Si elle est satisfaisante, l'apprenti reçoit gratuitement avec son brevet d'artisan la trousse d'outils nécessaire à l'exer¬ cice de son art. Et le lendemain, il peut quitter l'école et se tourner vers la clientèle. Nous le retrouverons ci-dessous à ce moment-là. Chaque année, selon les courbes des mouvements touristiques et l'enseigne¬ ment des statistiques, le Directeur de l'école règle la formation d'apprentis nouveaux, non point d'après les places laissées vacantes par les artisans libé¬ rés, non "point d'après un équilibre idéal entre ateliers — mais uniquement d'après le courant de la clientèle. Ainsi se trouve simplement, efficace¬ ment réglée la production sur la consommation. Le visiteur peut alors s'étonner de ne voir à l'école que quatre fondeurs et, dans l'atelier voisin, vingt ou1 trente orfèvres. Ce déséquilibre n'est qu'ap¬ parent et répond à la réalité car les cinq dernières années ont démontré qu il — 32 — s'est vendu quatre statuettes de bronze tandis qu'il se vendait vingt, trente pièces d'orfèvrerie. Voici à titre d'exemple, ces coefficients % établis sur une année prise au hasard. 17,1 4.3 1.4 71,9 (1) Si l'école fait de l'art cambodgien pour l'art cambodgien lorsque c'est nécessaire et à l'intérieur de ses murailles, il ne lui appartient pas de jeter à tort et à travers des artisans dans le pays; artisans qui, sans clientèle, dis¬ créditeraient l'Institution et, pour vivre, seraient obligés de retourner à la rizière ou de se faire plantons administratifs. La spécialisation qu'ils auraient en effet subie trois ans durant les rendrait inaptes à des emplois plus relevés et exigerait des connaissances qu'une école d'art ne dispense pas. Cela posé, on conçoit que non seulement l'école ne doit produire dans chaque spécialité qu'un nombre d'artisans déterminé par le pouvoir d'achat de la clientèle mais encore qu'elle doit se tenir toujours en dessous de cette demande. Tactique politique et nécessaire dont le but est de prévenir tout chômage, toute erreur dans les prévisions ; de maintenir une certaine rareté des œuvres d'art mises en circulation, partant le prestige des artisans ; de laisser la place enfin à la main-d'œuvre susceptible de se former en dehors de ses ateliers. Outillage traditionnel. L'outillage de l'école est celui dont l'artisan peut se servir dans son vil¬ lage. Cela est la conséquence de la doctrine, aussi bien dans le plan artis¬ tique que dans le plan économique. Dans le plan artistique khmer, en effet, la main compte seule et une mou¬ lure exécutée par celle-ci n'a pas la même allure que si elle est poussée à la toupie. Les émaux, les soies, les teintures etc... fournis par l'occident ne sont pas de la même nature que ceux dont l'indigène se servait avant l'occu¬ pation française. Sans doute pour les sampots les teintures chimiques seraient plus faciles à manier que celles extraites d'écorces et de racines. Sans doute Orfèvrerie r- im/ 1 Sculpture Ln 1926 . . .( r- 1 ronte . . . Tissag' e (1) Ce dernier coefficient était exceptionnel en raison d'une grosse commande de soieries de la métropole. - 33 — maintenir l'artisan dans ses pratiques prolonge l'enseignement et souvent l'exécution de l'œuvre, mais ce maintien devient une garantie que celle- ci, rien que par sa matière, sera différente de ce qui se fait en Europe et d au¬ tant plus intéressante. Dès que l'on prête la main à de soi-disant perfectionnements d'outillage et de fabrication, à quel moment s'arrêter ? Peu à peu, de substitution en subs¬ titution, on défigure complètement une œuvre dans ce qu'elle a d'original. Certains défauts valent mieux que certaines perfections. Enfin, si dans une école, on habitue l'artisan à la machine, aux fours électriques, aux teintures synthétiques, à la facture au mètre, que devient cet artisan lorsqu'il retourne dans sa case où jamais, il ne pourra disposer d'électricité, ni d outillage coûteux ? Il aura appris à les manier, mais il n'aura pas appris la technique de son art. On aura formé un mécanicien et point un artisan. Tels sont, exposés par M. G. GROSLIER, l'organisation et le fonction¬ nement de l'école des Arts cambodgiens. L'artisan sorti de l'école, muni de sa trousse d'outils, est prêt à produire. Le service des ventes, troisième élément de l'ensemble du service des Arts dont les deux premiers sont le musée et l'école, assure le contrôle artistique, la probité et la pureté de ses productions et leur écoulement à une clientèle formée en grande partie des touristes qui visitent Phnom-Penh, formée aussi de riches cambodgiens reve¬ nus au goût de leur art national ; complétée de plus en plus par des com¬ mandes de France. Ainsi la rénovation de l'artisanat khmer est-elle aujour¬ d'hui un.fait accompli et durable et l'une des plus intéressantes et des plus fécondes réussites de l'enseignement technique en Indochine. — 34 — III ( L'Ecole d'Art de Bien-Hoa L'Ecole d'art de Biên-Hoa fait partie avec celles de Gia-Dinh et de Thu-Dau-Môt du groupe des Ecoles dlart de Cochinchine, en voie de réorganisation depuis 1926 sous la direction d'ensemble de M. besson, artiste peintre et professeur de grand talent, ancien titulaire du prix de l'Indochine. Des trois, celle de Biên-Hoa la première est arrivée à produire des œuvres pleines d'intérêt local et de valeur artistique dans le double do¬ maine où elle est spécialisée, la céramique et le bronze. Elle peut servir d'exemple de l'organisation et du fonctionnement d'une école d'art appliqué en pays annamite, voyant s'élargir, après de longues années d'existence, le champ et l'influence de son activité ainsi que le rayonnement de sa production. L'école fonctionne sous la direction de deux professeurs européens l'un pour la section céramique, l'autre pour la section fonderie. Ces professeurs s'attachent, tout en respectant la naïveté et l'instinct naturel des élèves anna¬ mites, à les guider dans la reproduction d'art chinois ou annamite et à leur apprendre à voir et à comprendre la beauté des proportions et des lignes. L'élève annamite possède très souvent une habileté et un sens d'art réels mais qui demandent à être dirigés -très attentivement, sinon il a tendance à interpréter sans les comprendre des manifestations d'art moderne qui peu¬ vent tomber sous ses yeux ou des modèles d'art indigène dont les caractères de beauté ont pu être avilis. Lui éviter ces erreurs sans amoindrir ses fa¬ cultés naturelles, tel est le rôle essentiel du professeur européen. Un tact analogue doit être observé par ce professeur dans les améliorations qu'il juge nécessaire d'apporter à la technique de la fabrication car cette technique doit rester simple et en rapport avec les matériaux de fabrication, qui pour la céramique sont assez ordinaires. D'autre part, il est intéressant de ne pas s'écarter trop de la technique qu'employaient les anciens artisans. L'école d'art fonctionne sous la direction de deux professeurs techniques auxquels sont adjoints cinq moniteurs indigènes, dont quatre fondeurs et un émailleur et deux contremaîtres indigènes dont un cuiseur et un mouleur. Fonctionnement et orientation de l'Enseignement. L'école d'art indigène de Biên-Hoa comprend deux sections : fonderie et céramique. Dans la section de fonderie, on pratique la fonte à cire perdue. Les objets de céramique fabriqués à l'école d'art de Biên-Hoa sont des grès. L'école est composée uniquement de jeunes annamites qui choisissent à leur entrée, suivant leur goût, l'une ou l'autre section. Ils sont maintenus à l'école ou renvoyés après six mois d'un stage à la fin duquel il est permis aux professeurs d'apprécier leur capacité. La durée des études est de sept années : quatre années d'études proprement dites plus trois années de perfectionnement auxquelles sont seuls admis les élèves ayant donné satisfaction pendant les quatre années d'études normales. Le programme suivi par les élèves des deux sections comprend : 1 0 L'enseignement général du dessin, dessin à vue, croquis côté, géomé¬ trie, décoration plane et modelage; 2° L'enseignement professionnel approfondi pour chaque section. Un objet créé par chacun des élèves de 4e année est entièrement exécuté par lui. Cela est conforme au plan d'étude prévu par l'article 68 du règlement général de l'enseignement professionnel. Céramique. — En ce qui concerne la céramique, les matières premières employées n'étant pas très fines, il convenait que les objets fabriqués gardas¬ sent un caractère de rusticité et de simplicité. Pour rester en accord avec ces matières premières, il a fallu remonter sou¬ vent aux sources de l'art chinois, en particulier aux productions des Han et s'inspirer même quelquefois des poteries néolithiques aux décors noirs ou brun rouge. Les décors des pierres estampées chinoises sont aussi de précieux documents pour la décoration large de grandes pièces. A cette fabrication de vases décorés, s'ajoute celle plus raffinée et plus restreinte, de grès revêtus d'émaux chinois blancs ou colorés de vert, bleu, jaune. Pour la fabrication de pièces d'architecture, telles que des fontaines, des revêtements s'imposaient également. Ces motifs d'architecture et les lignes principales ont été tirées naturellement de manifestations d'art ancien, des palais ou pagodes chinoises : deux fontaines de grès exécutées dans cet esprit doivent figurer à l'Exposition. Le four dans lequel ces poteries cuisent est un four chinois couché que l'on chauffe au bois. Ce four mesure 35 mètres de - 36 — longueur mais on en voit dans la région de beaucoup plus longs atteignant quelquefois 70 à 80 mètres. Les indigènes cuisent dans ces fours des jarres qui servent à contenir de l'eau potable. Bronzes — Fonte. — Les bronzes fabriqués à l'école d'art de Biên-Hoa sont fondus à cire perdue, comme les bronzes chinois anciens. Pour les pro¬ cédés de fonte la direction s'est appliquée à ne changer que le moins pos¬ sible ceux qu'employaient déjà les artisans locaux. Les terres constituant les moules (recueillies dans le pays et mêlées de balle de paddy à la mode annamite) ayant des qualités particulières, offrant une grande résistance au feu et laissant passer les gaz lors de la fonte, ont continué à être utilisées. En revanche, certaines modifications ont dû être apportées dans l'alliage des métaux et pour les patines que les indigènes ne varient guère. Patine. — Les critiques chinois distinguent trois patines : 1 " L'une faite dans la terre; 2° L'autre dans l'eau; 3° Une troisième à l'air; certains en ajoutent une 4° produite, dit-on, dans le tombeau: c'est une patine gris pâle, gris vert, très belle. Ces patines inimitables par leur beauté et leur unité inspirent cependant les artistes. L'action du feu, de l'eau, des acides habilement combinés et dosés peuvent dans une certaine mesure, après des patientes recherches et de nombreux essais, parer un bronze d'un très beau revêtement en un temps relativement court. Documentation. — Les objets d'art reproduits par l'école sont tous des bronzes chinois ou annamites tels que brûle-parfums, déesses, bouddhas, coupe-papiers, presse-papiers etc... On peut ajouter quelques productions d'art décoratif qui sont d'inspira¬ tion chinoise tout en s'appliquant aux besoins de la civilisation moderne; comme exemple nous citerons une fontaine de bronze représentant un léopard chinois très stylisé supportant une coupe à six pans dont les motifs de décoration sont chinois; des plafonniers électriques, lampes, encriers etc... Vente et écoulement des objets fabriqués. — Les produits fabriqués à l'école sont vendus aux visiteurs et le montant des ventes versé au trésor. La vente pourrait être très active, si l'on considère la quantité des commandes. Malheureusement relativement peu d'objets sont livrés à la vente, vu le nombre restreint d'artisans qui travaillent à l'école. Il faudrait que ce nom¬ bre sétendît et que, subissant l'ihfluence de l'école d'art par d'anciens - 37 - élèves placés chez elles, de petites fonderies et poteries voisines où se fabri¬ quent actuellement des objets grossiers affinassent leur production et redon¬ nassent aux objets exécutés chez elles un cachet et un charme local perdus depuis longtemps. Ce serait pousser l'école de Biên-Hoa dans la voie où est si heureusement entrée l'école voisine d'ébénisterie de Thu-Dau-Môt. Quelques anciens élèves de l'école, réunis et aidés par l'Administration, car une installation de ce genre serait trop coûteuse pour eux seuls, pour¬ raient constituer une petite manufacture faisant des recherches d'émaux, exécutant des modèles nouveaux, des pièces uniques. Cette manufacture ne nuirait en rien aux artisans du dehors qui au contraire viendraient y chercher inspirations et conseils. Le rôle du Directeur de l'Ecole serait, outre celui d'éduquer les élèves dans le but d'un artisanat spécial, de chercher des débouchés de vente pour tous ces produits fabriqués dans la région. Cette organisation, qui existe et fonctionne d'une façon parfaite au Cambodge, peut certainement donner ici des résultats analogues et former ainsi des « corporations cochinchinoises ». ■ ■ : V- •- ' 1 ' XIV. — GRÈS DE BIEN-HOA : VASE GRÈS DÉCOR BRUN ROUGE, DRAGON SE CHANGEANT EN FEUILLAGE. ; s • XVI. — BRONZE DE BIEN-HOA : CAVALIER MONGOL A L'OISEAU, BRONZE PATINÉ VERT. Wm m m^KSBÊÊSmSÊ^m mBËBSÊÊBËÊIÊB^ ■ -™ .-. , ■, HH CENTRE DE DOCUMENTATION ET DE RECHERCHES SUR L'ASIE DU SUD-EST' s. ET LE MONDE INDONESIEN