Septembre 1977 INSTITUT D1 ETUDES ET DE RECHERCHES INTERETHNIQUES ET INTERCULTURELLES ( I .D.E.R. I .C> Centre Associé de Formation aux Relations I ntercu'lturo 11 es . (C.A.F.R.I) 34 Rue Verdi - 06000 NICE Tél } 87 01 75 PRATIQUES SOCIALES ET INTERACTIONS CULTURELLES GI Ibert BEAUGÊ Gilbert BEAUGE j V PRATIQUES SOCIALES ET INTERACTIONS CULTURELLES I* L'étude des formes de l'Interaction entre communautés et cultures différentes soulève aujourd'hui de nombreuses difficul¬ tés. C'est en partant d'un Inventaire de ces difficultés que nous voudrions dégager les grandes lignes d'une problématique susceptible d'être transposée à des domaines de l'activité sociale aussi éloi¬ gnés que celui de la formation professionnelle, du travail social ou des pratiques d'entreprise. Ces difficultés sont de deux types : les unes extrêmement générales engagent l'ép litomologle même des sciences sociales et la manière dont ellesse sont constituées ; tl s'agit du détermi¬ nisme positiviste comme mode de connaissance actuellement dominant. Les autres plus spécifiques tiennent à la conceptuaIIsatIon de la notion de culture comme totalité explicative d'un certain nombre de régularités dans les comportements sociaux. Remarquons tout d'abord que les schémas élaborés en termes d'Interactions ou de déterm1nIsmes ne se correspondent jamais ou que très rarement. L'accent porté sur les mécanismes d'Interaction prlvllé-» gle une approche psychosociale qui trouve son plein rendement dans une problématique de l'adaptation ou de l'assimilation. Le sujet social ou son groupe d'appartenance sont Ici au centre des préoc¬ cupations et des débats. L'analyse en termes de détermIn1smes se situe d'emblée au niveau des régularités sociales d'ensemble et Introduit à une ëpîstomoIogIe de la causalité où le sujet n'apparaît 2 plus que comme "support de rapports sociaux" (Marx). L'absence d'une psychologie sociale d'Inspiration marxiste et les échecs répétés pour constituer une théorie de l'organisation à l'Inté¬ rieur du dispositif conceptuel marxiste signale assez bien l'an¬ tagonisme entre chaque type d'approche. Autre point de signalement î Durkhelm et Marx utîllsent chacun les mêmes critères (d'extériorité et de contrainte), l'un pour définir "le fait social", l'autre pour définir l'aliénation. L'une et l'autre approche ont été créeesde commun qu'en objectivant les pratiques sociales soit, en terme de comportement soit, en termes de "support de rapports", elles se placent d'emblée sur un terrain où la dynamique (processus) de toute structuration pratique cesse d'être pertinente. C'est la logique de cette dynamique, que dans un texte déjà ancien Lévi-Strauss désignait comme "un brico¬ lage" - qui nous préoccupe. 2. L'approche InteractlonnIste essentiellement développée par la sociologie américaine (I) est relativement marginale en Europe, mais s'est particulièrement développée dans l'étude des conflits à composante raciale ou culturelle. L'étude des conflits raciaux c'est orientée dans trois directions différentes t I . - Rechercher la manifestation d'InvarIants anthropolog|ques généraux (racisme) - conduites en termes de "personnalités", cen¬ trées sur le sujet, mais fondamentalement traversées par la hanttse (I) "SI l'on essayait de définir un problème central, unequestlon essentielle de la sociologie américaine, ce serait quelque chose comme la relation entre les diversités raciales, religieuses, nationales, et l'homogénéité culturelle par l'assimilation au m"! lieu américain", R. Aron, Le Sociologue et sa Société, cité par P. Bourdleu et J.C Passeron In, le métier de Sociologue, Paris, Mouton, 1968, p. 365, 3 de troubles sociaux Imminents, toutes ces recherches n'ont fàtt pour l'essentiel qu'opérer une dénégation de leur objet, davantage préoccupées d'en faire disparaître les effets que d'en comprendre les causes. La faible consistance des résultats obtenus sur la "personnalité démocratique" atteste l'échec de cette démarche. 2. - Inscrire l'émergence du conflit dans le fonctionnement des dispositifs Institués de socialisation et de contrôle. Centrées sur l'Institution (école, hôpital, entreprises, etc...) ces études ont permis de décrire et d'analyser les conditions de production, leur localisation et leur déplacements des conflits comme mécanis¬ me normal de résolution des tensions sociales. 3. - Repérer dans les mouvements sociaux qui s'y articulent (typologie des conflits), la manifestation d'antagonismes sociaux beaucoup plus fondamentaux. Dans ce cas on a tenté de réintroduire l'Influence des différences d'appartenance culturelles, nationales ou raciales, saisies comme caractéristiques objectives (un peu comme le sexe ou l'âge), dans le repérage des dôterm In Ismes qu'exert çent les conditions matérielles d'existence. Le niveau d'analyse que l'on privilégie alors est celui de la société globale, le champ culturel est toujours donné comme "reflet" du champ économi¬ que et le conflit racial culturel ou religieux est supposé man I fesvr ter autre chose que lui même. Ainsi, on Interprète les disparités et les différenciations culturelles que l'on observe comme une dé¬ multiplication etun prolongement des tendances que l'on connaît déjà et que la théorie dont on dispose permet de mettre en évidence. Nous rencontrons Ici touteslles difficultés è utiliser les notions de "champs", "d'Instance" et de "reflet". A des conditions d'existences matérielles Identiques correspondent des "formes" culturelles distinctes et réciproque¬ ment. L'Incertitude de la problématique de "l'articulation des Instances" au plan de la société globale entrave l'approche de la structuration pratique des disparités qui Jalonnent l'expérience sociale des Individus et des groupes. 3. Prenons un exemple : les phéono jatlon spatiale seront Interprétés : I. - Soit comme la manifestation d'Incompatibilité de mode de vie entre groupe participant a des valeurs culturelles en compéti¬ tion de légitimité. La problématique dominante sera alors celle de l'apprentissage des normes, de la perception, de l'acceptation ou du rejet de l'autre et de sa différence. Nous nous trouvons là dans une problématique très communément partagée par l'administra¬ tion et les responsables sociaux, 2. - Soit comme l'effet d'une gestion de l'accès différentiel à l'habitat par les Institutions municipales ou départementales (réseaux d'accès au logements sociaux), surdéterminé par une série de médiations Informelles (entraide communautaire dans la recherche d'un logement, etc.,.), 3. - Soit comme le phénomène qui, aux tendances données de la mise en valeur du cadre bâti urbain fait correspondre le mou¬ vement de distribution dans l'espace urbain des différentes caté¬ gories sociales en fonction de la position qu'elles occupent sur l'échelle des revenus. 5 Or, à moins de supposer une Indétermination -au moins relative - de chaque niveau dfanalyse par rapport à l'autre, toute la question revient à voir comment et au prix de quel type d'hypothèse, Il est possible d'opérer p rat I quement le passage' d'un niveau d'analyse à l'autre. Chaque domaine d'objectivité étant défini par les catégories d'extériorité et de contraintes, c'est la logique deleur usage par les agents sociaux, qui loin », de constituer un obstacle ép I stémoIogI que au sens oû l'entendent Bourdleu et Passeron (I) devrait permettre d'amorcer l'étude de la relativité de leur utilisation sociologique ; dans un ar¬ ticle déjà ancien (2), Michel Orlol a bien montré que non seule¬ ment, les paliers de l'égo, du groupe, de l'Institution et de la société globale comme réfèrent d'un groupe en discussion ne se » distribuent pas selon le hasard, mais qu'il paraissent bien s'or¬ ganiser selon des règles de compatibilité, de fermeture et de dé¬ placement relativement prévisibles, épuisant - cas par cas le registre des "possibles" auquel un groupe se trouve confronté à un moment donné de son expérience. (1) Cf. Bourdleu et Passeron, Le métier de sociologue, Paris, Mouton, 1969, "La malédiction des sclenches humaines est d'avoir affaire à des objets qui parlent", (2) Michel Orlol, les changements d'horizon dans un groupe de dis¬ cussion, AAna I es de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice. On objectera que le réglage discursif des prati¬ ques qncîales étant lui même extrêmement médiatisé, que la logique de la pratique n'étant pas celle de la logique I o- glcleuse, et que les fondements culturels d'une pratique étant de l'ordre de l'impllclté. Il risque d'être extrême*' ment hasardeux de tenter un passage del'un à l'autre. Toutefois, l'observation de groupes en situation de rupture culturelle montre que c'est préclsémant sur I' Im- pllclté des pratiques que se déroàlent l'essentiel des dis¬ cussions dans lesquelles Ils sont engagés, et que la recher¬ che d'un compromis (entre parents et enfants par exemple) s'accompagne toujours d'une activité symbolique extrêmement Importante contradictoire et diversifiée. Mais la difficul¬ té majeure que l'on rencontre dans l'élaboration et la mise en évidence des catégories de la pratique, se heurte une deuxième fols à l'héritage conceptuel qui entoure la notion decuI tu re. 4, Sans e*trer dans le détail des diverses conceptua- llsatlon de la culture, extrêmement variable selon que l'on modifie l'échelle des observations ou la finesse des procédures méthodologiques, une première distinction permet d'opposer les chercheurs qui font de la sociologie des rapports interculturels une dimen¬ sion de la sociologie de la connaissance (ou de la communication) et ceux qui en font une dimension de la sociologie du pouvoir. Dans le premier cas, la culture est étudiée à partir du modèle que fournissent les études linguistiques. On l'appréhende comme un système pos¬ sédant ses propres règles d'organisation interne et une logique d'ensemble qui garantit par la "vision du monde" qu'elle offre et les opérations de mise en ordre, de classement ou de rangement qu'elle suggère, des fonctions d'inté¬ gration symbolique. En faisant correspondre à chaque situation particulière un éventail des comportements, ordonné selon les registres de l'interdit, du pos¬ sible, du convenable, du souhaitable ou du nécessaire, appelant, tour à tour une sanction socialisée, la culture constituerait un dispositif de totalisation à la fois diffus et efficace et d'autant plus efficace que diffus. Que l'on décompose cette totalité culturelle en normes, valeurs ou traits significa¬ tifs, ou que l'on remonte aux principes structuraux qui organisent chaque champ selon ses propres règles et établissent entre chacun des correspondances ou des analogies permettant de mettre en évidence les "structures profondes" qu'ils ont en commun de partager, on admet toujours qu'il s'agit d'un niveau extérieur et contraignant par rapport à l'individu. En toute rigueur, le rapport de l'individuel au social et la problé¬ matique de la pratique comme structure de l'articulation de ce rapport, sont renvoyés à des disciplines distinctes. Quel que soit le niveau d'agrégation re¬ tenu entre normes et valeurs culturelles, quelle que soit la structure des schèmes de mise en correspondance et leur équivalent cognitif, 1'objectivâtion du champ culturel comme extérieur à l'individu ne peut que renvoyer à une problématique de l'acculturation comme intériorisation de l'extériorité et déboucher sur l'une des nombreuses théories de l'apprentissage. Toute sociolo¬ gie a besoin d'une théorie de l'éducation qui donne toujours pour acquise (mais ailleurs) une théorie de l'apprentissage. Ainsi lui revient une théorie de la pratique comme "extériorisation d'une intériorité", celle d'un sujet qui actualiserait des compétences ou des savoir-faire sur une échelle allant des dispositions les plus inconscientes aux constructions les plus structu¬ rées mentalement - théorie que la sociologie ne peut que récuser sous le pos¬ tulat du déterminisme. Dans le cas d'une sociologie du pouvoir, ce sont les mécanismes de domination, d'assujetissement et la dépendance qui seront mis au premier plan de l'analyse et l'on prendra soin d'étudier comment le fonctionnement des 8 appareils de socialisation concourt à la reproduction des inégalités et des différences analysées à divers niveaux de la réalité sociale selon l'hypo¬ thèse d'une stricte hiérarchie des déterminismes. Dans cette perspective, l'analyse des fonctions cognitives impli¬ quées dans les mécanismes de transfert ou de transmission de messages cultu¬ rels passera au second plan par rapport à l'analyse des processus de ségré¬ gation et de reproduction des inégalités fondées sur les différences d'appar¬ tenances sociales ou culturelles. Ces phénomènes seront globalement saisis comme effets sociaux médiatisés par le jeu et le fonctionnement des disposi¬ tifs de pouvoirs. Dans les sociétés hautement hiérarchisées comme les nôtres, la reproduction des inégalités fondée sur des effets de domination ayant cessé d'être inscrite dans l'espace des rapports interpersonnels, pour s'objectiver et se manifester indirectement, de façon impersonnelle, dans le fonctionne¬ ment des dispositifs de contrôle, l'individu apparaît ici comme le support - entièrement déterminé - du mouvement des structures. Cette situation permet de comprendre - entre autres - le regain d'intérêt, qu'ont connu ces dernières années les analyses centrées sur l'école, parce que, précisément, les enjeux d'une sociologie de la connaissance et d'une sociologie du pouvoir y convergeaient, de manière contradictoire, en un même domaine. Dans l'un ou l'autre cas, que l'on étudie le réglage des pratiques sociales comme effet de relayage des déterminismes globaux par les appareils institutionnels d'assujetissement et de domination, ou comme effet de l'inté¬ riorisation des normes et des valeurs de la société dominante, on n'échappe aux impasses des théories de l'apprentissage ou de la décision, que pour re¬ tomber dans celles des déterminismes objectivés au niveau des structures. L'une et l'autre démarche ont en commun de faire des comportements et des pratiques sociales simple rapport d'exécution. Ce que l'on gagne dans la compréhension des mécanismes de reproduc¬ tion, on le perd dans l'analyse des capacités de transformation des pratiques sociales et si la dynamique du changement social est isolée dans l'espace autonome 4U jeu des structures, ce n'est qu'à condition de ramener les normes sociales à des moyennes de comportements ou d'opinions. On espère ensuite éta¬ blir des continuités lorsqu'on passe d'un palier à l'autre de la réalité. "C'est la théorie du consensus qui est impliqués dans le primat conféré à la question du sens et que Durkheim énonce explicitement sous la forme d'une théorie de la fonction d'intégration logique et sociale des représentations 9 collectives" (1)* Dans cette perspective, 1'écart à la norme est étudié comme "raté de socialisation" appelant une normalisation alternativement pédagogi¬ que et répressive selon la gravité de l'écart, c'est-à-dire sa capacité de rupture dans la logique de la reproduction. Or, ce qui, du point devue de la structure socialejapparaît comme une faille des dispositifs de contrôle, apparaît très souvent du point de vue de l'agent social comme la seule manière de rendre compatibles et de totaliser dans une praxis des exigences diverses et contradictoires. Il s'agit donc de comprendre à la fois les disparités de comportements qui existent pour une même catégorie d'agents sociaux lorsqu'on étudie une classe particulière de comportements et l'évolution de ces disparités dans le cours d'un processus social d'insertion ou de lutte ; il importe donc de saisir la logique selon laquelle s'organisent les différentes pratiques d'un même acteur social en fonction des différents groupes auxquels il appartient, participe, ou s'iden¬ tifie. Réciproquement, il s'agit d'étudier le jeu et les effets différentiels d'appartenances sociales successives ou simultanées, c'est-à-dire la manière dont tel type d'appartenance règle tel type de pratique, en fonction des so¬ lutions que telle ou telle articulation (soit des appartenances, soit des pratiques, soit du jeu complexe que décrivent les rapports des uns aux autres) permet d'entrevoir et éventuellement de renforcer. Si l'on veut, c'est en ce qu'une classe particulière de comportements (disons : les rapports propriétaires/locataires) n'est pas entièrement régie ni par le domaine d'objectivité idéologique qui lui correspond (le droit), ni par les rapports différentiels au droit que peut mettre en évidence n'importe quelle partition du groupe des locataires ou des propriétaires, établie sur des critères exclusivement objectifs (le sexe, l'âge, les intérêts matériels, etc...), ni même par la logique des rapports de pouvoirs que peut mettre en évidence une typologie des mécanismes de domination, à partir du moment où ces démarches successives ne parviennent qu'à multiplier et dans le meilleur des cas, à articuler des déterminismes successifs, qu'il convient d'étudier la logique des rapports propriétaires/locataires comme rapports pratiques s'inscrivant simultanément ou successivement dans des champs différenciés et contradictoires ou toute solution/échec apportée ou rencontrée sur un plan, n'est que la tentative réussie ou non de faire dominer l'un des fermes de la contradictiôn sur l'autre. Du coup, c'est à un déplacement du jeu des contra¬ dictions que l'on assiste, et ce déplacement n'est Indépendant ni des stratê- (1) P. Bourdieu. Génèse et structure du champ religieux. Sociologie Fran¬ çaise . Juillet/Septembre 1971. XII. 3. p. 297. 10 gies de totalisation pratiques propres, à chaque catégorie d'agent en fonc¬ tion de la (ou des) position(s) qu'il occupe dans les divers champs de la pratique sociale, ni des structures d'objectivité à l'intérieur desquelles ces rapports se développent. Dans ce cas, il importe d'abandonner les caté¬ gorisations a priori des pratiques sociales qui, à chaque catégorie de pra¬ tique, foht Correspondre en amont un domaine d'objectivité sociale propre et en aval un champ d'application particulier et spécifique. Si le propre des sociétés humaines est de produire des différences et non des inégalités, on voit bien que les différences ne deviennent inégalités que sur la base de critères de comparaison exclusivement quantitatifs. Or il devient de plus en plus urgent, après une longue période con¬ sacrée à repérer la dynamique des inégalités sociales et de leur reproduction dans le jeu des mécanismes institués de leur prise en charge, d'interroger les lieux et les objets de différences non quantifiées aux diverses instances de la réalité sociale, laquelle ne saurait constituer un système intégré obéissant à une même logique. Ainsi, les processus d'exclusion et de regrou¬ pement ne peuvent être décrits simplement comme des mécanismes anthropologi¬ ques généraux : entre l'analyse des systèmes institutionnels, cb repérage,de désignation et d'interprétation,des différences reposent sur des postulats déterministes, à savoir : le refus de postuler une quelconque continuité entre le vécu et le réel, l'opposition entre le vécu et le connu, la défiance à l'égard des schémas d'organisation suggérés par l'expérience immédiate, et la prise en compte de mécanismes anthropologiques généraux (décrire l'ensemble des faits culturels comme un emboîtement de systèmes ou de traits symboliques et recourir à l'idée d'une structure inconsciente pour rendre compte de leur transposition individuelle), se dessine aujourd'hui la nécessité d'une théorie de la pratique sociale. Si donc nous nous proposons d'étudier les facteurs et les mécanis¬ mes qui garantissent ou compromettent - aux divers paliers de la réalité sociale - la cohésion des divers regroupements sociaux en fonction du (ou des) champ(s) pratique(s) (éducatifs, familiaux, professionnels, etc...) que chaque regroupement est susceptible de totaliser selon la base sur la¬ quelle il s'opère (religieuse, idéologique, politique, syndicale, etc...) l'étude des critères d'appartenance culturelle comme support de différencia¬ tions ne peut être dissociée de l'étude des mécanismes de différenciation/ unification qui opèrent sur des bases distinctes (ou à des paliers différents) et qui font que les groupes sociaux qui n'ont ni le même âge, ni le même sexe, ni les mêmes conditions sociales, ni la même langue, ni la même nationalité, ni les mêmes intérêts immédiats, sont susceptibles malgré tout - à un moment donné de leur histoire et dans des conditions données - de trouver ou de cons¬ truire les bases d'une pratique qui leur soit commune. Inversement, il s'agit de comprendre pourquoi des groupes sociaux réunis sur des bases communes et disposant à la fois des structures d'expression et de pratique commune liées à une communauté d'intérêts ou de pensée, cessent dans certaines circonstances de faire jouer les solidarités qui les réunissaient (logique de la scission ou de la différenciation). Si nous partons du fait que la cohésion d'un groupe social, quels que soient les critères sur lesquels s'opèrent le regroupement de ses membres, ou les conditions qui garantissent cas par cas le sentiment d'une commune appartenance sociale, n'est jamais donnée d'avance dans l'objectivité des struc¬ tures sociales qui médiatisent directement ou indirectement les pratiques de ses membre^, c'est dans la relation qui s'instaure entre la variabilité des systèmes d'emprise correspondant à chaque domaine d'objectivité sociale et la dynamique des niveaux de totalisation pratique propre à chaque catégorie d'agent, en fonction des problèmes qu'il rencontre dans un champ pratique déchiré par des exigences contradictoires, qu'il convient de rechercher ce qui est au- principe de la diversification et de la transformation des struc¬ tures sociales existantes. L'enjeu de notre problématique consiste donc à étudier comment un groupe social relativement homogène crée ses différenciations dans l'action, à partir des structures objectives dans lesquelles il agit, et inversement comment des groupes relativement hétérogènes s'unifient dans une pratique \ commune, notamment en transformant l'objectivité des structures sociales qui médiatisent les comportements de leurs membres.