EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE PARIS 1931 IN DO C HIN E F R A N Ç AIS E ëMMi i m SECTION DES SERVICES D'INTÉRÊT, SOCIAL m DIRECTION GENERALE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE t . - ' " ' ' -v. . _L. - ... • • • L .• ;:v:' • ' \ - • • : . • y ••••U SRPHpKH ' ô'i^'iSSSv PPBMMBBK. .u..M EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE PARIS 1931 INDOCHINE FRANÇAISE SECTION DES SERVICES D'INTÉRÊT SOCIAL DIRECTION GENERALE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE LA PÉNÉTRATION SCOLAIRE DANS LES PAYS ANNAMITES (TONKIN - ANNAM — COCHINCHINE) Centre de Documentation sur l'Asie du Sud-Est et le Monde Indonésien EPHE VIe Section BIBLIOTHEQUE IN u, ■ I3' HANOI IMPRIMERIE D'EXTRÊME-ORIENT 1931 La pénétration scolaire dans les pays annamites (TONKIN, ANNAM, COCHINCHINE) La situation actuelle de l'enseignement franco-indigène est particulière¬ ment caractérisée par l'extension donnée à renseignement populaire qui, grâce à des modalités diverses et originales, est aujourd'hui en mesure, selon les termes du discours prononcé par M. le Gouverneur général à la session ordinaire de 1928 du Conseil du Gouvernement de l'Indochine, d'assurer « l'acquisition rapide par l'ensemble de la population du minimum de con¬ naissances pratiques )). La méthode qui a permis en pays annamites la réalisation de cet ensei¬ gnement populaire, à la fois traditionnel et moderne, a été inspirée par les tentatives faites par l'Empereur d'Annam en 1906 pour établir l'instruction obligatoire. Si cette tentative a échoué, elle a au moins permis de préciser le carac¬ tère à donner aux formations d'enseignement populaire : on a été conduit ainsi à concevoir deux formes d'écoles publiques, l'école élémentaire offi¬ cielle eti les écoles de pénétration, qui, se complétant l'une l'autre, ont au¬ jourd'hui trouvé dans tous les pays annamites de l'Union leurs modalités complètes de réalisation et dont la juxtaposition assure la diffusion progres¬ sive de l'instruction populaire jusque dans les régions les plus déshéritées. I. — Origine et caractères généraux des formations de pénétration scolaire Très limitées dans leurs ressources financières et dans le nombre d'institu¬ teurs et d'instituteurs-auxiliaires dont elles disposaient, les Administrations lo¬ cales ne purent, en dépit de leurs efforts, donner à renseignement élémen¬ taire une extension immédiate suffisante pour mettre, conformément aux vœux des populations annamites tout au moins, une école élémentaire offi¬ cielle à la portée de tous les enfants. Elles durent se borner là comme ailleurs à ouvrir des écoles dans les villes et les villages les plus importants. On fut donc amené à essayer de remédier dans la mesure des possibilités à cette insuffisance et d'étendre en surface l'instruction populaire par l'or¬ ganisation de formations scolaires dites de « pénétration » qui, tout en ayant un caractère public, n'étaient pas à la charge des budgets locaux ou pro¬ vinciaux. La pénétration scolaire telle qu'elle est conçue n'est pas une idée pure¬ ment française. L'ordonnance de l'Empereur d'Annam de 1906 décrétait l'obligation pour les villages soit par leurs propres moyens soit en se grou¬ pant d'ouvrir ou d'entretenir une école placée sous le double contrôle de l'autorité mandàrinale et du Chef du Service de l'Enseignement. Cette or¬ donnance marquait le désir de l'Administration indigène de créer sous la direction française un nombre suffisant d'écoles pour permettre au moins à tous les garçons de recevoir pendant quelques années l'instruction élémen¬ taire. Le projet échoua à l'usage. Mais l'idée d'une organisation scolaire à base communale fut reprise en 1926 par la Direction générale de l'Ins¬ truction publique et l'Administration locale du Tonkin et aboutit à la créa¬ tion d'un type nouveau d'école élémentaire publique déterminé par l'arrêté du Gouverneur général du 2 décembre 1926, en rapports étroits avec les traditions des populations et entrant dans le cadre même de la vie com¬ munale annamite. Les écoles de ce type sont des écoles publiques puisqu'elles sont à la charge des communes. Mais, subvenant directement à l'entretien de son école, la commune a le droit de choisir le maître qui y exercera et de fixer d'accord avec lui les conditions de sa rémunération, sous la réserve de l'agrément de l'autorité administrative. Il va sans dire aussi que les maîtres de ces écoles doivent présenter certaines garanties de capacité et de mo¬ ralité et que les écoles comme les maîtres sont placés sous le contrôle ad¬ ministratif du Chef d'Administration iocale et sous le contrôle technique et pédagogique du Directeur général de l'Instruction publique. Les écoles de ce type, créées d'abord au Tonkin par arrêté du Rési¬ dent supérieur du 27 décembre 1926, puis proposées comme modèles à suivre aux chefs d'Administration locale par la Direction générale de l'Ins¬ truction publique, n'ont pas tardé à se répandre, sous des formes diverses d'ailleurs, dans les autres pays annamites de l'Union. Elles ont conservé leurs caractères généraux mais leur forme s'est adaptée aux, traditions et aux moeurs des habitants des diverses contrées. Au Tonkin ces écoles de pénétration ont pris le nom d'u écoles com¬ munales », qui précise bien leur caractère. Dans ce pays, le village étant la cellule sociale par excellence, la création d'écoles intercommunales ne saurait en effet être couramment envisagée par les habitants des campagnes ; — 7 — une commune dépourvue d'école élémentaire officielle préfère s'imposer des sacrifices très lourds pour avoir son école communale plutôt que de cher¬ cher à les diminuer en s'unissant avec une commune voisine, parce que l'école créée dans ces conditions ne serait pas son école. En Annam au contraire les formations de pénétration scolaire qui s'ap¬ pellent des « écoles préparatoires » sont intercommunales et alimentées par les (( fonds de concours ». Cette institution des « fonds de concours », particulière ,à l'Annam, est déjà ancienne et consacrée par l'usage. Elle repose sur le principe de la mutualité. De nombreuses agglomérations dé¬ signées officiellement comme « villages » ou « communes » sont des ha¬ meaux très pauvres; aussi l'entr'aide est-elle devenue ici une nécessité et tous les villages se cotisent-ils pour l'œuvre scolaire. L'Administration provinciale gère la caisse commune qui sert à ouvrir et à entretenir lis « écoles préparatoires», à raison, en principe, d'une par canton. En Cochinchine l'enseignement élémentaire officiel est beaucoup plus développé que dans les deux pays précédents et les écoles élémentaires couvrent l'ensemble de la colonie d'un réseau serré, puisque 115 commu¬ nes seulement sur 1419 sont dépourvues de toute école. Aussi le besoin de formations de pénétration scolaire se faisait-il bien moins vivement sentir dans cette colonie que dans les autres pays annamites de l'Union. Toute¬ fois, afin de permettre à certaines provinces de rattraper leur retard sco¬ laire, le Gouvernement local a tenu à réglementer la création et l'organisa¬ tion d'écoles à caractère communal, dénommées en Cochinchine « cours auxiliaires préparatoires ». II. — La pénétration scolaire au Tonkin A la fin de l'année scolaire 1925-1926 le Tonkin comptait 1.306 écoles élémentaires ijidigènes et primaires franco-indigènes comprenant 1.946 clas¬ ses et fréquentées par 83.706 élèves. Malgré l'ampleur d'un effort administratif et financier sans précédent, qui en cinq ans avait doublé l'effectif de la population scolaire, le nombre des écoles ne répondait pas encore à tous les besoins. La plupart des écoles élémentaires ouvertes dans les villages les plus importants étaient en effet de véritables écoles « cantonales» ; destinées aux enfants des cinq ou six villages du canton, elles étaient fréquentées seulement en fait par ceux des deux ou trois villages les plus voisins. Il eût donc fallu pouvoir doubler et même tripler dans un délai relative¬ ment court le nombre des écoles rurales pour répondre aux aspirations légi¬ times de nos protégés. Sans doute quelques années auraient suffi au Service de l'Instruction publique pour former les maîtres indispensables. Mais le recrutement d'un nombreux personnel des cadres réguliers à solde relativement élevée aurait exigé du Protectorat un nouvel effort budgétaire de plusieurs millions de piastres qui ne pouvait être envisagé en l'état de ses ressources : le 1 onkm est en effet dans son ensemble un pays pauvre, dont le delta surpeuplé est souvent ravagé par des inondations désastreuses. Il ne semblait donc pas possible d'augmenter très sensiblement les impôts. D'autre part l'essor éco¬ nomique du pays ne pouvait être sacrifié à l'extension systématique de l'en¬ seignement élémentaire officiel. Résolue cependant à poursuivre l'œuvre de diffusion de l'enseignement populaire indigène, l'Administration française se trouva donc amenée pour des raisons budgétaires à envisager la création d'écoles publiques élémen¬ taires d'un type différent de celui qui était prévu par le règlement général de l'instruction pubLque. Nous avons vu que l'arrêté du Gouverneur général du 2 décembre 1926 fixa le statut général de ces nouvelles formations scolaires. Leurs modalités locales d'ouverture et de fonctionnement furent définies par l'arrêté du Résident supérieur du 26 décembre 1926 qui, s'ins- pirant de la structure sociale du pays tonkmcis dont la cellule est par ex¬ cellence le village, fait de la commune annamite le pivot de la nouvelle organisation. T oute commune encore dépourvue d'école officielle peut désormais être autorisée par l'administrateur chef de la province à ouvrir une école élé¬ mentaire entièrement entretenue à ses frais. Elle a toute liberté pour choisir elle-même le maître d'école en dehors du personnel des cadres réguliers. L Administration exige seulement que les maîtres possèdent certains diplô¬ mes garantissant leur compétence en langue indigène, en quoc-ngu et en con¬ naissances usuelles. La liste de ces diplômes a été établie d'une façon tout à fait libérale ; elle comporte soit le Certificat d'études élémentaires indi¬ gènes, soit le khoa-smh (1) ou 1 un des certificats d'admissibilité aux an¬ ciens concours triennaux de lettrés. C'est également la commune qui fixe, après entente avec le maître, les conditions de sa rémunération et, le cas échéant, les divers avantages en nature qui lui sont accordés (logement, attri¬ bution de rizières sur les parts communales etc...). Les écoles élémentaires communales p'uvent recevoir des enfants des deux sexes comme les écoles officielles. Elles comprennent en principe une seule (I) Certificat délivré par le « doc-hoc » qui était autrefois le chef de l'enseignement tra¬ ditionnel d'une province et le directeur de l'école traditionnelle du 3" degré, sise au chef- lieu. Ecoles communales du Tonkin organisées par arrêtés des 2 et 27 décembre 1926 1927 1928 1929 1930 Ecoles communales du Tonkin organisées par arrêtés des 2 et 27 décembre 1926 28.000 27.000 26.000 25.000 24.000 23,000 22.000 21.000 20.000 19.000 18.000 17.000 16.000 15.000 14.000 13.000 12.000 11.000 10.000 9.000 8.000 7.000 6.000 5.000 4.000 3.000 2.000 1927 C'V\ ' mm, - 9 — classe avec tout ou partie des trois cours enfantin, préparatoire et élémen¬ taire. Leurs programmes, variables suivant les écoles et les besoins du mi¬ lieu, sont une simplification et une adaptation des programmes officiels de renseignement élémentaire indigène. L'Administration s'est réservé bien entendu le droit de contrôle sur les écoles communales. Ce contrôle est exercé directement au point de vue ad¬ ministratif par le Chef de la province et ses délégués français ou indigènes et au point de vue pédagogique par l'inspecteur de l'enseignement primaire franco-mdigène de la circonscription. L'ouverture des écoles communales est entourée de formalités très sim¬ ples. il suffit d'une demande d'autorisation formulée par le président du conseil administratif communal sur délibération conforme de ce conseil. Cette demande est adressée par l'intermédiaire des autorités indigènes à l'ad¬ ministrateur chef de la province qui statue et communique sa décision au Résid.nr supérieur. Fondées et entretenues par les communes avec l'agrément de l'autorité administrative, les nouvelles écoles sont évidemment des écoles publiques, mais des écoles publiques d'une ferme nouvelle. Elles constituent à ce titre une création originale et susceptible d'un développement rapide en raison de la souplesse de l'organisation adoptée. Les maîtres qui réunissent les conditions requises ne faisant pas défaut et n'ayant que des prétentions assez modestes quant à leur rétribution éven¬ tuelle, on peut affirmer que désormais toute commune qui le veut véri¬ tablement peut, quelle que soit la modicité de ses ressources, avoir son école et faire bénéficier tous ses enfants de l'instruction populaire en langue indigène. Au I onkin, d'ailleurs, les villages entretenant dir ctement une école communale, sont exonérés de toute contribution aux dépenses de fonc tionnement des écoles élémentaires officielles. La nouvelle organisation permet enfin à l'Administration locale de con¬ centrer ses efforts et ses disponibilités financières vers la multiplication des écoles primaires franco-indigènes de plein exercice de phu (préfecture) et de huyên (sous-préfecture) dont le nombre est passé au cours des quatre der¬ nières années de 117 à 194, ainsi que vers le développement des établisse¬ ments scolaires du 2e degré, auxquels sont venus s'ajouter en septembre 1928 trois nouveaux cours primaires supérieurs ouverts à Bac-Ninh, à Thai- Bmh, à Lang-Son et dont chacun comprend à l'heure actuelle trois classes correspondant aux trois premières années de l'enseignement primaire supé¬ rieur franco-indigène. — 10 — L'accueil réservé au Tonkin à la réforme de décembre 1926 a dépassé toutes les prévisions et fait apparaître d'une manière éclatante que l'organi¬ sation adoptée répondait parfaitement aux aspirations des populations ru¬ rales. Au 31 mai 1927, cinq mois après la réforme, on comptait déjà 81 éco¬ les communales avec 86 classes et 2.430 élèves. Au 3.1 mai 1928 les effectifs passaient à 627 écoles, 642 classes, 18.921 élèves. Au 31 mai 1929 le nombre des écoles s'élevait à 818 dont 23 à deux classes, soit un total de 841 classes fréquentées par 25.502 écoliers des deux sexes (24.537 garçons. 965 filles). Dès la promulgation des textes organiques à cette date il a donc été créé en moyenne une classe de 30 élèves par jour. C'est une progression sans précédent. Au cours de 1 année scolaire 1929-1930 il s'est ouvert encore au Tonkin 111 écoles communales nouvelles; mais, un cer¬ tain nombre des anciennes ayant été supprimées ou provisoirement fermées, le nombre total ne s'est accru en définitive que de 35 unités. A l'heure actuelle il existe dans ce pays 853 écoles communales, comprenant 8'79 classes fréquentées par 27.627 élèves (26.305 garçons, 1.322 filles). Les écoles de ce type se sont particulièrement répandues dans les provinces du delta, les plus riches et les plus peuplées du Tonkin : Hai-Duong ............ 151 écoles; 4.871 élèves Ha-Nam .............. 147 — 4.351 — Nmh-Bmh 109 — 3.395 Nam-Dmh ............. 93 — 2.434 — Bac-Ninh 70 — 1.875 — Hung-Yên ............. 56 — 2.100 — Thai-Binh 46 —- 1.730 — Son-Tay ............... 46 — 1.504 — Kiên-An 37 — 1.156 — Ha-Dong 35 — 1.850 — Mais le mouvement commence à gagner la Moyenne-Région : Phu-Tho 21 écoles; 896 élèves. Bac-Giang 16 — 560 — Dans la Haute-Région, pays de villages dispersés et peu peuplés, il n'y a encore d écoles communales que dans les deux territoires militaires de Cao-Bang (2 écoles, 53 élèves) et de Ha-Giang (1 1 écoles, 236 élèves). Cette progression est d autant plus remarquable que l'administration exi|ge des garanties de plus en plus sérieuses avant d accorder l'autorisation d'où- Répartition des effectifs de l'enseignement populaire public au ToNKIN — II — verture et qu'elle n'hésite pas, d'autre part, à supprimer les écoles dont le fonctionnement laisse à désirer. C'est dire qu'après une période d'impul¬ sion et de développement intensif les écoles communales sont entrées au Tonkin dans la phase du contrôle, de l'organisation technique et de la progression vers la transformation en écoles élémentaires complètes au fur et à mesure de leurs progrès propres dans la proportion qui correspond à leur valeur et à leurs effectifs. * * * Au cours des années 1927 et 1928 l'Administration locale du Tonkin n'a pas envoyé moins de neuf circulaires aux résidents chefs de province et aux inspecteurs de l'enseignement primaire franco-indigène en vue d'amé¬ liorer sans cesse le fonctionnement des écoles élémentaires communales. En ce qui concerne l'organisation matérielle, les circulaires du 14 octobre 1927 et du 5 mars 1928 ont rappelé que les écoles doivent être installées dans un « local convenable », c'est-à-dire salubre, bien éclairé et] aéré, adapté à sa destination. La plupart des villages ont utilisé un bâtiment exis¬ tant, dinh ou pagode. D'autres ont construit des bâtiments en pisé couverts de paillotes. Les plus riches ont édifié de confortables écoles en briques. Tous ont fourni le mobilier scolaire et le matériel d'enseignement indis¬ pensables. Les manuels scolaires en langue annamite édités par la Direction générale de l'Instruction publique commencent à se répandre dans les écoles com¬ munales et un nombre déjà important de celles-ci reçoivent, aux frais des villages, la revue pédagogique « Hoc-Bao » publiée à l'usage des écoles élémentaires indigènes sous la direction du Service local de l'Enseignement au Tonkin et le contrôle de la Direction générale de l'Instruction publique. Afin d'améliorer le recrutement des maîtres, les résidents chefs de pro¬ vince ont été invités à veiller personnellement au choix proposé par les vil¬ lages et à s'assurer que les crédits nécessaires sont inscrits au budget com¬ munal et le maître régulièrement payé. On ne saurait en effet exiger trop de garanties morales de ceux à qui est confié le mandat d'élever la jeunesse rurale et il importe d'autre part qu'ils puissent mener une existence nor¬ male et digne. Il a été décidé par ailleurs d'écarter les chanh-huong-hôi et les pho- huong-hôi (1) des emplois de maîtres des écoles communales en raison des fonctions de ces notables (circulaire du 14 avril 1928). (1) Chanh-huong-hôi et pho-huong-hôi : président et vice-président du conseil communal. Sous la direction des inspecteurs de l'enseignement primaire franco-indi¬ gène, des conférences pédagogiques ont été faites par des inspecteurs indi¬ gènes expérimentés aux maîtres des écoles communales qui en ont tiré le plus [grand profit et on a organisé à leur intention dans un grand nombre de prov.nces des cours de perfectionnement. Les inspecteurs primaires inspectent les écoles communales au même titre que les autres ecoles publiques. Ils s'attachent à donner aux maîtres les directions pédagogiques indispensables et ils veillent à la tenue régulière des trois registres obligatoires : registre matricule des élèves, registre d'appel, registre d'inventaire. Enfin, en vue de maintenir à la nouvelle institution son caractère ori¬ ginal, il a été décidé que l'ouverture d'écoles « intercommunales » ne se¬ rait autorisée qu'à titre exceptionnel et seulement dans le cas de villages pauvres, peu peuplés et très rapprochés (circ. du 31 mars 1928). On p.ut donc conclure que les écoles communales du Tonkin, réglemen¬ tées et contrôlées sans ingérence abusive de l'Administration, offrent dès maintenant le maximum de garanties compatible avec l'urgence du besoin auquel elles répondent. Elles n'en ont pas moins un caractère transitoire, l'école élémentaire officielle devant en principe se substituer progressivement à l'école communale dans la mesure où le permettra la situation budgétaire du Protectorat et où l'exigera le progrès réalisé dans chaque école commu¬ nale. III. — La pénétration scolaire en Annam En Annam le développement de l'enseignement franco-indigène moderne et conforme à la réglementation générale en vigueur dans toute l'Indochine ne remonte pas à plus de dix ans. Il est contemporain de la création de la Direction de l'Instruction publique et de la promulgation du règlement gé¬ néral de l'enseignement en Indochine; il en est la conséquence et la mise en pratique locale. C'est là une considération qu'on est tenté parfois d'ou¬ blier. Elle seule pourtant, jointe à la connaissance de ce qu'était l'école d'autrefois, permet de comprendre avec exactitude les difficultés qu'il a fallu résoudre, celles qui subsistent encore et surtout l'importance de l'œuvre ac¬ complie et les efforts qu'elle a demandés. « Considérant le moment venu d'édicter des dispositions et d'organiser l'enseignement indigène de manière qu'il réponde aux besoins modernes », l'ordonnance royale du 14 juillet 1919 stipula « qu'il n'existerait plus qu un seul enseignement, conforme dans son organisation, ses programmes et ses buts aux dispositions édictées par le Code de l'Instruction publique et à celles que postérieurement pourrait promulguer le Gouvernement du Protectorat ». — 13 - Une circula ire du Résident supérieur du 30 juillet 1919 précisa le sens de la réforme. On avait voulu « éviter de maintenir une très importante partie de la population indigène dans des disciplines intellectuelles suran¬ nées et ne lui donnant que des connaissances insuffisantes pour les besoins de la vie sociale actuelle ». Pour y parvenir on supprimait les anciennes écoles Au-hoc, Tiêu-hoc, Trung-hoc du Gouvernement annamite, dont l'institution avait représenté une transition entre l'ancien enseignement traditionnel pur ment chinois et litté¬ raire et les disciplines actuelles. Ces écoles devaient être remplacées peu à peu et effectivement par des écoles d'enseignement franco-indigène dont les programmes avaient été arrêtés par l'article 138 du règlement général de l'Instruction publique. De toutes les écoles qu'on entendait remanier, seules les écoles Au-hoc intéressaient l'enseignement communal et cantonal. On ouvrit à leur place des « écoles communales préparatoires » qui pouvaient comprendre un ou deux cours (enfantin et préparatoire). « Tous les frais de construction et d'entretien de ces écoles ainsi que ceux afférents à leur fonctionnement régulier, y compris la solde des maî¬ tres, furent en principe à la charge des communes » (circulaire du 30 juillet 1919 du Résident supérieur en Annam). Le résultat immédiat de l'Ordonnance royale et de la circulaire du Rési¬ dent supérieur fut considérable. En un an le nombre des élèves de l'ensei¬ gnement franco-indigène passa de 5.000 à plus de 27.000. D'un seul coup les effectifs avaient quintuplé. Ils restaient à vrai dire assez faibles par rapport à la population scolaire de 1 Annam. Il a fallu dix longues années d'efforts pour combler cet écart, 10 années pendant lesquelles Tenseign°ment forte¬ ment organisé dans les chefs-lieux de province, de phu (préfecture) et huyên (sous-préfecture), s'est efforcé de rayonner dans les campagnes, ayant pour objectif la réalisation de l'article 69 du Code de l'Instruction publique où il est stipulé « qu'il y aura au moins une maison d'école pour l'enseigne¬ ment primaire officiel dans chaque commune ». Formé d'une poussière de communes qui se morcellent sans arrêt et dont certaines n'ont pas plus de dix inscrits, l'Annam se prête mal à la réalisation de ce vaste programme scolai¬ re. En raison de ces difficultés on a d'abord cherché à établir un ensei¬ gnement préparatoire de caractère local, à lui conférer une valeur certaine, à montrer les avantages qu'il y avait à le suivre ; et peu à peu les unes après les autres, suivant leurs ressources et leur degré d'évolution, les communes se sont laissé persuader; elles ont réclamé des écoles après s'être rendu compte que le « nouvel enseignement était réellement profitable à leurs enfants ». — 14 — Cependant la tâche a été tout à fait dure au début. Il a fallu en effet du jour au lendemain organiser cet enseignement, regrou¬ per les écoles, les doter d'une installation matérielle et d'un outillage sco¬ laire suffisants; il a fallu, d'autre part, trouver un nombre considérable de maîtres convenablement préparés à leur nouvelle tâche. De plus, dans la phase particulièrement difficile de l'organisation, il fallait éviter toute dis¬ persion des efforts. On ne pouvait à l'origine établir une école préparatoire partout où il y avait auparavant une école de caractères ou même une école Au-hoc (pour la vulgarisation du quôc-ngu). C'est pourquoi, malgré leur nom « d'écoles communales préparatoires », le cadre des premières écoles fut plutôt le canton; c'est à entretenir l'école de canton que servit d'abord la modeste contribution levée sur la population sous le nom de a fonds de concours » (1). Il y eut bien aussi dès le début des écoles communales, mais la circulaire du 10 mai 1920 du Résident supérieur en Annam spécifiait qu'elles res¬ taient à la charge des seuls villages intéressés. Auparavant la note du 30 janvier 1920 du Résident supérieur en Annam avait précisé que « les com¬ munes trop peu peuplées ou peu désireuses d'entretenir chacune une école « à leurs frais pourraient se grouper en écoles cantonales, comme on avait « déjà commencé à le faire dans plusieurs provinces. Ce qui importait, c'était (( qu'on tînt réellement compte du désir des populations tout en les guidant <( et que dans chaque province il y eût au moins une école par canton ». Le mouvement de pénétration scolaire communale qui tendait ainsi à se restreindre, se heurtait du reste à de graves difficultés d'un autre ordre. Les inscrits qui avaient déjà été à la Résidence verser l'argent des « fonds de concours » pour le fonctionnement des écoles cantonales se considéraient comme déchargés de tout souci, puisqu'ils avaient déjà payé; ils admettaient (I) On appelle « fonds de concours » les sommes versées par les communes en même temps que les impôts peur le fonctionnement des écoles préparatoires (paiement de la solde des maîtres, entretien du mobilier et du matériel scolaires, abonnement aux journaux pédago¬ giques etc..Les sommes ainsi payées sont prises en recettes au budget local sous la rubrique : « Recettes sur fonds de concours; contribution des villages dans les dépenses de fonctionnement des écoles communales ». Dans la plupart des provinces la contribution des fonds de concours consiste en un pourcentage minime (6 %) prélevé à la fois sur l'im¬ pôt des inscrits et sur l'impôt foncier. Très souvent le mcnlanti de la contribution est prélevé sur les revenus des biens com¬ munaux ou est constitué par les sommes provenant du rachat des journées de prestations. Autrefois, en certaines régions, lé's villages possédant une école préparatoire étaient seuls à payer la contribution , dans d'autres, les charges étaient réparties sur tous les ins¬ crits. Cette dernière solution a été vivement préconisée par l'Administration locale, car si la contribution ne tombait que sur les villages pourvus d'une école, ceux qui en possèdent une, chercheraient à s'en débarrasser, et ceux qui n'en ont pas, ne s'efforceraient jamais d'en ouvrir. difficilement d'avoir encore à entretenir l'école de leur village comme au temps où on ne levait pas d'impôt. Ils ne comprenaient pas qu'ayant levé de l'argent pour subvenir aux besoins de l'instruction publique on ne dis¬ pensât point immédiatement cette instruction dans chaque village. Certains établissements furent donc fermés par la volonté de la population. Par ailleurs, le fonctionnement d'un grand nombre d'écoles communales s'avérait défectueux ou même fictif. En 1920, on en signala plusieurs ■comme n'étant fréquentées ni par les maîtres ni par les élèves, d'autres com¬ me u fréquentées par quelques élèves seulement et pour lesquelles les dé¬ penses faites ne se justifiaient pa^». Plusieurs durent être supprimées. Enfin, on ne disposait pas d'un nombre suffisant de maîtres capables de comprendre et de dispenser un enseignement moderne et radicalement diffé¬ rent de ce qu'on avait connu jusqu'alors. Beaucoup des premiers moniteurs seraient facilement retombés dans la routine; d'autres, pleins de zèle, mais mal pénétrés de l'esprit qu'ils devaient répandre, se seraient lancés dans des improvisations fantaisistes. Tout tendait donc à dévier l'essai de pénétra¬ tion scolaire communale en un regroupement cantonal des écoles. Mais, si c'était là une nécessité d'organisation, il n'était pas toujours commode de la faire accepter par la population. Sans doute il était en principe facile de répondre aux récriminations que provoquèrent parfois les opérations du regroupement. Il suffisait d'amener l'habitant de la campagne à se rendre compte de ce qu'était l'école de can¬ ton, de lui faire comprendre la différence qui existait entre ces nouvelles écoles et l'enseignement familial autrefois dispensé à un très petit groupe d'élèves par un vieux lettré. Usant des arguments les plus propres à le frap¬ per, on pouvait faire constater au paysan que dans la nouvelle école on com¬ mençait des études capables de merner un enfant au certificat d'études en cinq ans et qu'un certifié est plus à même de gagner sa vie. De même il était possible de lui faire observer qu'elle avait coûté plus cher que vingt écoles anciennes, cette école en briques et couverte en tuiles où les élèves étaient assis sur des bancs et posaient leurs livres sur des tables, où le maître pouvait tracer des figures au tableau noir, où de grands dessins étaient accrochés aux murs, où chaque élève était pourvu de cahiers et aussi de livres, où un moniteur instruit et généralement capable de parler français trouvait dans un journal de pédagogie qu'il recevait toutes les semaines et que le service de l'Enseignement lui avait envoyé, les éléments de ses leçons sur la morale, l'orthographe, les leçons de choses, l'hygiène, l'histoire, la géographie, le calcul et le dessin. Il aurait fallu dire surtout au paysan qu'on avait mené devant l'école que bientôt on bâtirait d'autres écoles pareilles à celle-là et qu'il y en aurait un jour partout. « — i6 — Il n'est pas sûr d'ailleurs que, si on lui avait dit tout cela, le paysan aurait été persuadé. Ceux menjes qui voyaient une école d'ans leur propre village y trouvaient des sujets à surprise. Trop de choses les déroutaient, surtout les vieux. Ils se rappelaient l'ancienne paillotte où un vieux maître peu payé, peu pressé, était chargé d'instruire une demi-douzaine d'enfants toute l'année et du matin au soir. Le mobilier n'en était pas compliqué : une théière, une pipe à eau et un rotin pour le maître et pour les élèves une natte ^ sur le sol, un cahier, une écritoire. Ce qu'on y apprenait manquait de va¬ riété. Un jour quelques caractères et quelques maximes et le lendemain quelques autres caractères et quelques autres maximes. Ceux qui avaient reçu une instruction de cette nature ne manquaient pas plus qu'en aucun pays du monde de se trouver fort bien ainsi. Quand on résolut de transformer cet état de choses, les indigènes ne purent comprendre tout de suite. Et puis tant de choses encore offusquaient les habitants. Pourquoi commencer les classes à heures fixes et les finir à heures fixes? Pourquoi ne donner que 5 h 1/2 de leçon par jour? Pourquoi au bout d'une demi-heure, quand la cervelle commençait à s'ouvrir aux clartés du calcul, faire brusquement fer¬ mer les cahiers et passer à la morale? Pourquoi quatre heures d'interruption de classe au milieu de la journée? Qu'allaient devenir les enfants venus d'un village éloigné si on les abandonnait à eux-mêmes pendant si longtemps? Pourquoi de la gymnastique? Pourquoi des vacances au cours desquelles on continuait à payer le maître et qui avaient été fixées, au début, sans savoir si les récoltes (pendant lesquelles on a besoin des enfants) auraient lieu au 5° mois ou au 8° mois ou au 10e mois, si bien que l'écolier retenu, chez lui par la moisson trouvait au retour l'école fermée pour les vacances? Pourquoi des limites d'âge? Autrefois des thi-smh (1), pères de famille, préparaient le thi-huong (2) sans étonner personne. Enfin les écoles d'autrefois étaient petites, elles étaient misérables, l'en¬ seignement qu'on y donnait était désormais périmé, mais c'étaient les écoles du village (quand ce n'était pas l'école d'un particulier influent) ; on en était fier, on voyait ce qui s'y passait. Après la réforme, il y avait surtout des écoles communes à plusieurs villages, des écoles sans nom, des écoles « hors villages », où chaque commune au début envoyait seulement quatre ou cinq de ses enfants. Or, un notable peut déployer du zèle à faire pros¬ pérer les institutions de chez lui; il considère qu'il n'a rien à voir en dehors, qu'il n'a pas à manifester une activité dont profiteraient les gens des autres $ communes. A ses yeux l'école, telle qu'elle fut organisée au début de la ré¬ forme, n appartenait plus à personne; elle était à l'Administration. (1) Candidats admis à participer aux concours triennaux. (2) Concours triennal de lettrés. — 17 — Pour toutes ces raisons l'effort tenté par l'Ordonnance royale du 14 juillet 1919 a fini en queue de poisson et n'a guère abouti qu'ià une réorganisation des écoles cantonales. L'Administration, d'ailleurs, était elle-même pous¬ sée en ce sens. Il était en effet nécessaire de mettre au point renseigne¬ ment avant de le diffuser. Les premières écoles cantonales ont été le creuset où les premiers maîtres activement surveillés ont fait leur apprentissage, où les programmes ont été mis à l'épreuve. Dans la suite on a ouvert d'autres écoles identiques. Le modèle était bon. En somme, pour améliorer la qua¬ lité par rapport aux anciennes écoles traditionnelles, pour accroître le ren¬ dement et la rapidité du rendement, on avait été contraint, ne disposant que de ressources limitées, à réduire la quantité. En 1926, la crise de l'enseignement préparatoire atteignait son maxi¬ mum. Les habitants payaient d'assez mauvaise grâce les ifonds de concours et il semblait impossible d'en obtenir davantage. Or les écoles étaient peti¬ tes et elles se trouvaient remplies ; il aurait fallu construire d'autres salles de classe pour accroître les effectifs. C'est à ce moment qu'intervint l'impulsion de la Direction générale de l'Ins¬ truction publique invitant à trouver en Annam une adaptation du nouveau régime des écoles communales déjà appliqué au Tonkm. Cette impulsion qui a dû être particulièrement accentuée en Annam a amené une véritable renaissance scolaire rurale. Non seulement ,1a contribution pour le dévelop¬ pement et l'entretien des écoles est maintenant payée sans difficulté, non seulement beaucoup de régions ont accepté de doubler cette contribution en 1929 (1), ruais en outre, dans certaines provinces, chaque village pourvu de ressources suffisantes veut son école conforme au modèle réglementaire ; il s'offre à en couvrir les dépenses, sans pour cela se soustraire à l'impôt des fonds de concours. De nombreuses souscriptions de particuliers sont venues augmenter encore les sommes que le budget des fonds de concours met chaque année à la dis¬ position de l'enseignement; on a pu ainsi construire : 22 écoles en 1927 ; 30 écoles en 1928 ; 58 écoles en 1929. (1) A la suite de la circulaire du 4 mars 1929 du Résident supérieur en Annam les communes ont pris à leur charge les cours enfantin et préparatoire des écoles de plein exer¬ cice et élémentaires qui étaient entretenus par le Budget local depuis le lor juin 1922. Le Budget local ainsi allégé grâce à l'aide des villages pourra développer les écoles élé¬ mentaires et de plein exercice. — 18 — Cet heureux revirement a été rendu possible par la très adroite politique de certains Résidents et par l'esprit de suite qui a été montré par les mem¬ bres du Service local de l'Enseignement. Grâce à eux la mentalité anna¬ mite s'est adaptée à l'idée du nouvel enseignement. Ainsi grâce à la collabo¬ ration de tous, a pu être réalisée la situation désirée par la circulaire précitée du 30 juillet 1919: maintenant a les communes réclament d'elles-mêmes une école parce qu'elles se sont rendu compte que le nouvel enseignement est réellement profitable pour leurs enfants ». C'est aussi parce que les agi¬ tateurs révolutionnaires se rendent compte de la valeur et de la portée de cet enseignement que lors des troubles de l'été 1930 dans le Nord-Annam leur premier soin était partout de détruire l'école rurale « foyer d'impérialis- me » disaient-ils, c'est-à-dire foyer de civilisation (2). Ainsi sans se départir jamais de son système de propagande par persua¬ sion et par progress-on, le service de l'Instruction publique a rétabli en An- nam une situation rendue délicate après l'échec de la transformation de 1919. * * * Ce tableau ne serait pas complet si l'on n'y ajoutait des précisions sur les transformations progressivement réalisées dans l'outillage scolaire et dans le personnel. Pour les premières écoles préparatoires on avait eu recours à des installa¬ tions de fortune. Le maître et les élèves étaient installés soit sous une pail- lotte soit dans une pagode soit dans la maison commune. Les conditions d'hygiène, telles qu'on les comprend en France, n'étaient pas toujours respectées. Sous le toit monumental des constructions annamites ne passait qu un jour parcimonieux et l'aération ne pouvait pas toujours se faire avec la rapidité voulue. (2) Le journal annamite « Truong-an-Can-Tin » du 15 décembre 1930 s'indigne des vio¬ lences des révolutionnaires du Nord-Annam qui incendient les écoles. 11 donne en première page une gravure représentant une école élémentaire saccagée et brûlée par une bande de communistes dont un, qui porte les insignes soviétiques, assassine l'instituteur. Ce dessin porte la légende suivante : « Les communistes disent : incendions et détruisons toutes les écoles car nous n'arriverons à notre but que si la masse est ignorante. L'instruc¬ tion est notre ennemie ». — 20 — Le tableau suivant rend évidente la progression des écoles de ce type dans chaque province et les efforts fournis dans ce sens par les communes. Provinces 1926-1927 1927-1928 1928-1929- 1929-1930 Thanh-hoa 3 5 12 20 Nghê-an — 15 — 15 Ha-tinh 5 — 20 4 Quang-binh ....... — 229 Quang-tn . . • 2 1 — 4 Thua-thiên 4 3 9 9 Quang-nam . 3 — — 1 Quang-ngai ........ — 2 — — Bmh-dinh 5 — — — Phu-yên — — 5 5 Khanh-hoa .*. . — 2 10 6 Phan-rang — — — 2 ~22~ 30 ~53 75 De même le 10 décembre 1920 le service local de l'Enseignement fit par¬ venir à tous les Résidents et à tous les Directeurs d'école un modèle de mo¬ bilier scolaire recommandé pour les écoles entretenues sur fonds de concours. Ce mobilier est actuellement en usage dans toutes les écoles préparatoires. Comme les écoles primaires de plein exercice et élémentaires, un grand nombre d'écoles préparatoires des provinces du Nord et du Centre sont abonnées au « Hoc-Bao » (revue pédagogique du Tonkin en langue indigè¬ ne) ; celles des provinces du Sud reçoivent le « Su-pham-hoc-khoa » (revue pédagogique en langue indigène de la Cochmchine). Le budget local vient en aide aux villages pour les doter de ces abonnements. Les écoles qui ne sont pas pourvues de ces journaux pédagogiques utilisent les collections que les autres écoles ont reçues les années précédentes. En ce qui concerne les manuels scolaires, seuls ont d'abord été en usage dans les écoles préparatoires ceux qui avaient été inscrits sur la liste officielle des ouvrages adoptés par un arrêté du Gouverneur général. Mais depuis 1925 la Direction de l'Instruction publique a publié à I usage des écoles élémentaires annamites et pour toutes les matières des manuels scolaires, conformes aux programmes officiels, clairs, attrayants, illustrés, qui sont pour les maîtres, les auxiliaires les plus précieux. En raison de leur prix très modique ces brochures ont pu être diffusées tout à fait largement dans les écoles communales. — 2 I De même, les caites de géographie et les tableaux muraux éd tés par la Direction générale de l'Instruction publique ainsi que le matériel scolaire de caractère scientifique pénétrent de plus en plus dans les écoles prépara¬ toires. A titre d'exemple, dans la seule province de Khanh-Hoa le Résident vient de passer une commande de 36 compendiums métriques destinés aux écoles préparatoires entretenues par les villages. * * * En ce qui touche le personnel, les efforts et les progrès ont suivi la même marche. Avant la réforme du 14 juillet 1919, renseignement traditionnel était donné dans les villages par un giao-su qui n'enseignait que les caractères ch'no's et quelques notions de morale traditionnelle. Lorsque les program¬ mes des écoles eurent été remaniés, un certain nombre d'anciens giao-su se déclarèrent incapables d'en assurer la diffusion; d'autres se mirent à la be¬ sogne pour y parvenir, mais beaucoup firent effort sans atteindre le niveau désirable. C'est pour remédier à cette éventualité, que tout le monde pré¬ voyait, que l'arrêté du 30 juillet 1919 du Résident supérieur en Annam spécifia que « les maîtres seront nommés par le Résident supérieur sur la proposition du Directeur de l'Enseignement primaire. Ils seront versés dans le -cadre des moniteurs s'ils possèdent le certificat d'études primaires fran¬ co-indigènes ». Sans doute, on n'a pu encore faire pénétrer dans les écoles préparatoires le personnel des cadres réguliers: en 1930, on n'y trouve que neuf institu¬ teurs. Tous les autres sont encore instituteurs auxiliaires journaliers au compte des communes et leur solde varie entre 12 piastres et 28 piastres par mois. Sans doute, pour faire face aux difficultés du recrutement, on dut décider que, jusqu'à ce que leur remplacement fût devenu possible, on garderait un certain nombre des anciens giao-su. employés dans les écoles au-hoc on dans les écoles de village. Leur nomination provisoire pour 10 mois a été soumise d'abord à l'approbat.on du Résident supérieur, puis, à partir du 6 décembre 1920, du Directeur de l'Enseignement pr.maire. Mais, afin d'ame¬ ner ce personnel de fortune à comprendre et à suivre les programmes de l'enseignement franco-indigène et afin de remédier à son insuffisance initia¬ le, qui n'excluait pas une réelle bonne volonté jointe à la rapidité d'assis- milation dont sont capables les Annamites, on fit des inspections fréquentes et surtout l'on organisa tout de suite à leur intention des cours de perfec¬ tionnement en temps de vacances. — 22 — Pendant les vacances de 1920, les giao-su de chaque province furent convoqués au chef-lieu pour y suivre des cours pratiques de perfectionnement. Ces cours étaient faits par le directeur et un ou deux instituteurs de l'école franco-indigène de province ec avaient un double but : montrer aux giao-su la façon d'enseigner chaque matière, les habituer à tenir les registres scolaires, à établir un rapport et en même temps améliorer l'instruction rudimentaire de la plupart d'entre eux particulièrement en matière de calcul et de sys¬ tème métrique (1). De simples certifiés primaires, candidats à des postes de moniteurs, assistaient également à ces cours où leur présence s'avéra fort utile. (1) Programme du cours de perfectionnement. Nombre de jours de classe : six semaines, soit 36 jours. Nombre d'heures de classe par jour : Une le matin: classe- aux maîtres. Une le soir : classe faite par le giao-su devant au moins 5 élèves du cours enfantin ou du cours préparatoire. Nombre d'heures d'études (persqnnelles) par jour (études surveillées par un moniteur) : Deux le matin Deux l'après-midi. Nombre d'auditeurs par cours: 60 environ. Nombre de jours Lecture et exercice de langage. 4 Orthographe . 2 Leçons de choses . 3 Rédaction annamite . 3 Arithmétique • • . 3 Géographie (ou monographie) .. 2 .. 2 . 2 . 3 . 3 Système métrique . 3 Enseignement agricole . 2 .. 2 . 2 36 Nombre d'heures Total 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 Gymnastique 8, | er , 2e, 3°, 4e, 5° lundi. 4, |er et 4'° mardi. 6, 1er, 3e, 5e mercredi. 6, jer , 3°, 5° jeudi. 6, j cr , 3", 5° vendredi. 4, J er et 4e samedi. 4, 3e et 6" lundi. 4, 26 et 5° mardi. 6, 2e, 4e, 6e mercredi. 6, 2°, 4°, 6e jeudi. 6, 2e, 4e, 6e vendredi. 4, 2e et 5e samedi. 4, 3e et 6" mardi. 4, 3e et 6'° samedi. 72 heures 2 h. 1/2 par semaine, soit 15 heu- res. — 23 — En 1921, comme chaque année dans la suite, il y eut un cours de per¬ fectionnement pendant les vancances, mais à côté des anciens giao-su on con¬ voqua îles moniteurs, qu'ils fussent certifiés ou non. Cet effort de propagande pédagogique, accentué depuis 1926 sous les di¬ rectives de la Direction générale de l'Instruction publique, a fini par donner des résultats tels qu'en 1929, afin de récompenser les meilleurs maîtres et de créer une émulation profitable, également dans le but de diminuer l'encom¬ brement et de réserver les places à de nouveaux certifiés primaires candidats aux fonctions de maîtres d'écoles préparatoires, les maîtres comptant plus de cinq ans de service et ayant été constamment l'objet de bonnes inspections ont été dispensés de suivre les cours de perfectionnement. A côté de ces cours de perfectionnement, qui s'efforçaient surtout de réparer le passé, on avait organisé des cours de pédagogie qui se proposaient de préparer l'avenir. Actuellement le cours de pédagogie a pour but d'améliorer la culture générale et pratique de certains candidats aux postes d'instituteurs auxiliaires journaliers par un an d'études supplémentaires. Mais c'est là le résultat d une évolution presque décennale. L'arrêté du 1 7 mars 1920 avait décidé que les moniteurs pourvus du cer¬ tificat d'études primaires franco-indigènes pourraient être admis sans con¬ cours au cours de pédagogie (organisé alors au collège Quôc-hoc) dans la limite des places disponibles et sous la réserve qu'ils aient déjà enseigné pendant une année scolaire. Cette organisation était faite pour améliorer le rendement et le recrutement des maîtres destinés aux écoles élémentaires officielles. Aussi aux élèves de ces cours promettait-on de les nommer mo¬ niteurs stagiaires (actuellement dénommés instituteurs auxiliaires stagiaires) dans les cadres réguliers. La première promotion eut lieu en fin janvier 1920 ; elle donna 45 moniteurs. Dans la suite (en 1922) on est revenu sur cet état de choses ; les lauréats du cours de pédagogie furent affectés dans les écoles préparatoires franco- indigènes ; les places de moniteurs stagiaires dans les écoles élémentaires ou de plein exercice furent réservées à d'anciens élèves ayant satisfait à l'exa¬ men d'entrée dans les cours primaires supérieurs, ayant poursuivi leurs étu¬ des jusqu'en 4° année et pourvus d'une instruction générale supérieure à celle des simples certifiés primaires. Le personnel du cadre régulier y a gagné ainsi en homogénéité et bien des difficultés ont été évitées dans la suite par cette mesure de prévoyance. Le personnel des écoles préparatoires s'en est trouvé aussi considérablement amélioré. Pour sanctionner ce progrès, le 25 mars 1926 il fut décidé que les moniteurs journaliers sortis du cours de pé- - 24 — d.agqgie débuteraient à 18 piastres de solde mensuelle. Par bonds de 2 pias¬ tres en 2 piastres, cette solde pourrait être portée à 28 piastres, solde de début des moniteurs stagiaires. Si raisonnable qu'il soit, le privilège dont bénéficient les élèves du cours de pédagogie par rapport aux simples certifiés primaires et aux anciens fgiao- su n'a pas été sans difficultés. L'enseignement qu'ils dispensent est indiscu¬ tablement supérieur ; de fréquentes inspections et les notes des Résidents chefs de provinces en font foi; mais pour l'habitant des communes qui n est guère capable d'apprécier la valeur d'un instituteur auxiliaire stagiaire, la question d'argent prime tout. Le paysan préfère non le meilleur maître mais Ife moins cher; d'où une certaine difficulté à trouver un emploi pour les élèves du cours de pédagogie, les communes leur préférant souvent un simple giao-su. Pour augmenter la considération de toute cette catégorie de personnel, on étudie à l'heure actuelle la possibilité de rétablir pour les plus persévérants d'entre eux les grades de mandarinat dont ils bénéficiaient autrefois. L'inspection des écoles préparatoires est assurée dans les mêmes condi¬ tions que celle des écoles élémentaires et des écoles de plein exercice par les inspecteurs de l'enseignement primaire franco-indigène. Une progression analogue a pu être établie dans les écoles préparatoires pour les enseignements spéciaux du français et des caractères. Au début, ie manque de personnel capable d'enseigner le français, dont l'étude était d'ailleurs facultative, avait dicté la conduite à suivre. Il était spécifié que le « but des écoles de village resterait avant tout la diffusion du quêc-ngu et des notions qu'il permet d'exprimer » ; cela donnait liberté d'utiliser avec profit un nombre important d'anciens giao-su et, les giao-su n'étant guère plus payés que les anciens maîtres, les dépenses qui résulteraient de la solde de ces moniteurs n'étaient pas pour les communes beaucoup plus considéra¬ bles qu'au temps de l'enseignement traditionnel. • Plus tard, quand la valeur de l'enseignement du français se fut accentuée jusque dans les petites classes, il fut décidé que pour l'enseignement du fran¬ çais le giao-su chargé du cours enfantin céderait sa place au moniteur cer¬ tifié chargé du cours préparatoire et qu'il enseignerait l'annamite au cours préparatoire pendant ce temps. En 1927, à la suite des instructions données par le Recteur d'Acadé¬ mie, Directeur général de l'Instruction publique, grâce en particulier aux manuels de français édités par la Direction de l'Instruction publique, l'en¬ seignement du français a pris un essor nouveau. Entre temps la substitution — 25 - de certifiés primaires aux anciens giao-su s'était faite progressivement. Les effectifs de ces deux catégories de maîtres sont actuellement en nombre sen¬ siblement égal. Il y a donc de moins en moins de difficultés à trouver des maîtres de français comme le montre le tableau ci-dessous : Nombre d'écoles préparatoires où le français est enseigné. Provinces 1924 1927 1929 Thanh-hoa ....... 103 110 124 Nghê-an ........ 3 33 60 Ha-tinh .......... ....... 70 70 77 Quang-binb ....... ........ 21 28 31 Quang-tri ........ 37 35 36 T'hua-thiên ........ 60 46 50 Quarjg-nam ....... ........ 87 92 95 Quang-ngai 63 78 80 Binh-dinh ........ 25 30 33 Phu-yên 24 24 24 Khanh-hoa 40 42 46 Phan-rang ....... 20 24 26 Binh-thuân 40 41 44 595 653 726 L'enseignement des caractères chinois est dispensé soit par le giao-su soit par un chargé de cours spécial qui touche de 3 piastres à 6 piastres par mois pour 1 h. 1/2 de classe par semaine. Cet enseignement est générale- men professé le jeudi matin et d'ordinaire par le giao-su. A la suite des dés.derata de la population de certaines provinces il a été admis que, les préceptes qui condensent les règles de la morale traditionnelle restant tou¬ jours exprimés en caractères, une partie du temps consacré par les program¬ mes à 1 enseignement de la morale serait employé, en collaboration avec 1 instituteur chargé de cet enseignement, par le professeur de caractères à la lecture et à 1 écriture des préceptes en caractères se rapportant aux leçons de morale faite dans la semaine. On est ainsi arrivé à doubler le temps consacré à 1 enseignement des caractères passé de Lh. 1/2 à 3 heures, et parfois davantage, sans réduire en rien celui de la morale. En résumé la pénétration scolaire en Annam a passé par deux phases suc¬ cessives. — 26 — L'ordonnance royale du 14 juillet 1919 a posé le principe d'une école élémentaire moderne par village organisée sur les « fonds de concours » par¬ tout où n'existait pas d'école officielle. Mais ce mouvement a surtout abouti à une renaissance des écoles cantonales et sous l'effort des diverses autorités locales à des progrès partiels et fragmentaires dans certains milieux ruraux. L'évolution interrompue ou ralentie a repris lorsque, sur la proposition de la Direction générale de l'Instruction publique, le Gouverneur général de l'Indochine par son arrêté du 21 juillet 1927 a étendu à l'Annam les dispo¬ sitions de l'arrêté du 2 décembre 1926 concernant les écoles communales du Tonkin. Cet arrêté spécifiait que les « communes ne disposant actuellement d'aucune école officielle pourraient être autorisées à ouvrir des écoles élémen¬ taires publiques confiées à des maîtres n'appartenant pas aux cadres réguliers de l'enseignement qui seront recrutés et rémunérés directement par les com¬ munes avec l'agrément des autorités administratives ». Cette réglementation faisait en certains points double emploi avec la vieille institution des « fonds de concours » et le fonctionnement des écoles inter¬ communales. Mais administrativement cette nouvelle mesure a donné une impulsion qui a permis le développement des écoles dans les régions les plus reculées de la campagne et de s'acheminer vers la réalisation de l'article 69 du Code de l'Instruction publique qui dit qu'il y aura au moins une maison d'école pour l'enseignement primaire officiel dans chaque commune. Ce n'est qu'après la réalisation de ce point essentiel du Règlement de l'Instruc¬ tion publique (article 69), c'est-à-dire dans quelque temps encore, que pourra être envisagée en Annam la proclamation de l'obligation scolaire, qui reste pratiquement irréalisable tant que le nombre d'écoles ne répondra pas aux besoins de la population et ne correspondra pas à sa mentalité. Les mesures qui ont pu fournir un résultat immédiat en Cochinchine et au Tonkin ne cons¬ titueront en Annam que le terme d'une lente évolution. En tout cas l'arrêté du 21 juillet 1927 a doté l'Annam d'un nouveau type intermédiaire d'école élémentaire, conforme à celui des écoles communales du Tonkin. En trois ans il a été créé 63 écoles communales, presque toutes les provinces du Centre-Annam et en particulier dans celle de Ha-Tinh. Et, si d'autres provinces n'ont pu encore entrer dans cette voie, cela tient à l'inégale réparti¬ tion des richesses entre les différentes régions de ce pays. Il ne faut pas se dissimuler que la réalisation intégrale du programme : « une école par village » est, dans l'état actuel des choses, rendue en Annam particulièrement difficile par un phénomène politique spécial à ce pays. Depuis 50 ans on assiste en Annam à une impressionnante fragmentation des communes. Celles qui existent se morcellent un peu tous les jours ; des clans s'en détachent et vont s'établir plus loin; des adeptes d'une religion - 27 — se groupent, refusent d obéir à certains notables et vont former une organisa¬ tion a part. Enfin, en dehors de toutes ces raisons et peut-être plus puissante qu elles, il y a la grande avidité des Annamites à conquérir une place dans la hiérarchie des honneurs et plus il y a de villages plus il y a de notables. Au terme de cette politique on se trouve en présence de nombreuses com¬ munes de 10 inscrits. Chacune de celles-ci ne peut prétendre obtenir son école. En aurait-elle une qu'elle serait incapable de pourvoir à son entre¬ tien. Il y a là un indiscutable abus à la réforme duquel travaille actuellement l'Administration du Protectorat. IV. — La pénétration scolaire en Cochinchine Particulièrement rapide depuis 1925, le rythme des créations scolaires rurales officielles s'est dans ce pays accéléré encore à partir de 1927. Le 1 7 juin 1927 un arrêté du Gouverneur a imposé en effet à tous les enfants de Cochinchine l'obligation de fréquenter l'école élémentaire durant trois ans au moins, entre leur huitième et leur treizième année. Des exceptions sont prévues pour les enfants faibles d'esprit et de constitution maladive ainsi que pour les enfants dont la demeure est à plus de 4 km. de toute école publique. Il ne pouvait d'ailleurs être question de rendre immédiatement l'obligation effective dans toutes les communes de Cochinchine. C'est pourquoi, à la suite de l'intervention de la Direction générale de l'Instruction publique, des mesures pratiques d'application progressive et graduée ont été prises et réguliè¬ rement suivies. Il fallait en effet laisser aux autorités locales le temps de réunir les fonds et de prendre les dispositions nécessaires, en accord avec les possibilités offertes par les divers milieux. Le principe de l'évolution est qu'à chaque rentrée des classes un arrêté du Gouverneur énumère les communes nouvelles dans lesquelles le régime d'obligation sera désormais en vigueur et les conditions dans lesquelles il y fonctionnera. En dépit de difficultés nombreuses d'ordre financier, technique ou matériel qu'il est facile d'imaginer, l'obligation scolaire élémentaire a pu rapidement être rendue effective : dès le 1 5 septembre 1928 elle l'était dans 224 villes et villages de Cochinchine pour les garçons et pour les filles et dans 589 villes et villages pour les seuls garçons. Le 15 septembre 1929, 63 nou¬ velles communes ont été inscrites sur la liste des communes à obligation totale et 200 autres communes sur la liste des communes à obligation partielle. Le 15 septembre 1930, 78 des communes de la 2e catégorie passaient — 28 — dans la 1 et 59 communes nouvelles étaient inscrites sur la liste des com¬ munes à obligation partielle. La situation est actuellement la suivante : sont soumises au régime d'obli¬ gation pour les enfants des deux sexes 355 communes, pour les garçons seulement 770 communes. Parmi les communes non soumises encore au régime d'obligation, 1 79 possèdent néanmoins une école, il n'existe donc que 1 1 5 communes qui ne peuvent assurer l'instruction élémentaire de leurs enfants ; ce sont des communes ouvertes depuis peu à la colonisation et où les habitants sont très dispersés. La population globale de ces 1 15 com¬ munes ne dépasse pas 100.000 habitants. Ces observations expliquent pourquoi les formations de pénétration sco¬ laire n'ont eu en Ccehinchine qu'une importance restreinte. Dans le but de donner à une organisation qui cherchait avant tout à obtenu des résultats tangibles et rapides et pour permettre aux communes dont les ressources ne sont pas encore suffisantes pour construire et entretenir une école élémentaire officielle d'avoir cependant leur école publique, un arrêté local du 14 janvier 1928, pris sur les suggestions de la Direction générale de l'Instruction publique, a autorisé la création d'écoles publiques dénommées « cours auxiliaires préparatoires » et s'apparentant au type prévu d'abord pour le Tonkin en 1926. Les cours auxiliaires préparatoires peuvent être créés par les communes « elles-mêmes, avec l'agrément de l'autorité provinciale, après enquête som- « maire sur l'opportunité de leur ouverture, sur la convenance du local, sur « la capacité du maître à qui la commune se propose de confier le cours et « sur sa moralité ». Les maîtres choisis doivent posséder au moins le certificat d'études élémentaires indigènes ou, à défaut, avoir appartenu pendant dix ans au moins à l'une des branches de l'Administration publique. Le niveau des cours ne doit pas dépasser le niveau du cours préparatoire des écoles offi¬ cielles ordinaires. Le caractère essentiellement provisoire des cours auxiliaires préparatoires est marqué par deux prescriptions : 1 0 Les maîtres ne peuvent être agréés qu'à titre temporaire ; 2° La fermeture du cours doit être prononcée dès qu'une école publique de type normal dessert la localité. Les cours auxiliaires préparatoires comportent, on le voit, de grands avan¬ tages, pour le recrutement des maîtres comme pour le prix de revient de l'école, prix réduit à l'extrême. La salle de classe peut être en effet un local Répartition des effectifs de l'enseignement populaire public en COCHINCHINE Formations de pénétration scolaire 1.584 élèves - . ' . ■ • • - s — 29 — de fortune ne nécessitant pas de frais d'aménagement ; en raison de la modestie de ses titres, le maître ne peut pas non plus se montrer très exigeant quant à son salaire. Quatre provinces cochinchinoises ont recouru à cette formation, les pro¬ vinces de Baria, Thu-Dau-Môt, Long-Xuyên et Châu-Dôc et l'on compte, à l'heure actuelle, 32 cours de cette nature réunissant un effectif global de 1.584 élèves. Le rendement des cours auxiliaires préparatoires n'est d'ailleurs guère inférieur à celui de la moyenne des deux premiers cours des écoles élémen¬ taires. Grâce à la bonne volonté des maîtres improvisés qui sont chargés de ces cours, grâce aussi à l'usage obligatoire du journal des écoles, le Su- Pham-Hoc-Khoa, ces maîtres arrivent à faire ce qu'on attend d'eux, c'est-à- dire à enseigner aux petits enfants indigènes qui leur sont confiés la lecture, 1 écriture et le rudiment des connaissances usuelles les plus indispensables (calcul, morale et hygiène). Si modestes qu ils soient, les cours auxiliaires préparatoires rendent donc des services appréciables en attendant qu'ils puissent être remplacés par des écoles de type normal. V. — Conclusion La diversité des formes qu'elle revêt dans les différents pays annamites montre la souplesse de cette pénétration scolaire qui, tout en réservant à 1 Administration le contrôle pédagogique indispensable pour assurer à la population un minimum de garanties techniques, a su s'adapter à tous les milieux et se mettre toujours en étroite harmonie avec les mœurs, les usages et les possibilités financières des habitants. Aussi les progrès réalisés en trois ans par les diverses formations de péné¬ tration scolaire sont-ils considérables. Le nombre de ces écoles d'avant- garde atteint 1.711 pour la population annamite (853 au Tonkin, 826 en Annam., 32 en Cochinchine). Elles sont fréquentées par 63.209 élèves, ce qui représente les 30/100 des effectifs de l'enseignement élémentaire officiel dans les trois pays et les 26/100 du nombre total d'enfants qui reçoivent dans les écoles publiques des deux types l'instruction populaire. Ces pour- • 37 27 c.entages sont d'ailleurs beaucoup plus élevés au Tonkin ( et 100 100 .168 62 et surtout en Annam et j qq ) — 30 - La valeur de l'enseignement dispensé dans les écoles de pénétration s'ac¬ croît sans arrêt, car, après la période d'impulsion et de création au cours de laquelle elles se sont véritablement multipliées au Tonkan et en Annam, ces écoles sont entrées dans la phase du contrôle, de l'organisation et du perfec¬ tionnement. En premier lieu, maintenant que l'élan est donné, l'Administration exige des garanties de plus en plus sérieuses avant d'en autoriser l'ouverture; elle n'hésite pas d'autre part à supprimer celles dont le fonctionnement laisse à désirer. En ce qui concerne les maîtres de ces écoles, leur recrutement s'est notable¬ ment amélioré au Tonkin et surtout en Annam. Au Tonkin sur 879 maîtres on compte cette année 50 titulaires du certificat d'études primaires franco- indigènes contre 37 l'an dernier, 236 titulaires du certificat d'études élémen¬ taires indigènes contre 184 l'an dernier, ce qui donne une augmentation de 1 3 certifiés primaires et 52 certifiés élémentaires. Par contre le nombre de maîtres diplômés de l'enseignement traditionnel a diminué de 27 unités (593 contre 620). En Annam, sur 1.050 maîtres qui exercent dans les « écoles préparatoires », il y a 407 certifiés primaires dont beaucoup ont été préparés à l'enseignement rural dans les cours de pédagogie de Hué et de Vinh; les autres sont d'anciens Giao-su que souvent la population désire garder en raison de leur connaissance des caractères et de la morale tradition¬ nelle et qui en tout cas ont fait leurs preuves de capacité à donner l'ensei¬ gnement en quoc-ngu. D'autre part on s'est efforcé d'améliorer les méthodes suivies par les maîtres déjà en service dans les écoles de pénétration en les appelant à partici¬ per aux conférences pédagogiques destinées au personnel de l'enseignement élémentaire et primaire officiel, en créant pour eux des cours de perfection¬ nement et en invitant les inspecteurs de l'enseignement franco-indigène à faire dans ces écoles de fréquentes visâtes On s'est efforcé en même temps de faire pénétrer chaque jour davantage l'outillage pédagogique amélioré ou créé par la Direction générale, journaux pour les maîtres, manuels et tableaux muraux pour les élèves dans ces forma¬ tions scolaires ; la diffusion de cet outillage a contribué dans la plus large mesure à l'amélioration de leur rendement pédagogique. Parallèlement les communes ont amélioré dans la mesure de leurs moyens les installations du début : un peu partout les paillotes, les locaux de fortune sont remplacés par des constructions en maçonnerie ou en bois. Nous avons vu qu'en Annam le nombre des écoles préparatoires en briques était passé de 58 en 1929 à 75 en 1930. L'Administration communale poursuit de même , 1 , ■ ' J '■ i . mt | V . 'é " * ' . .. .. ' ■ 5 ■ .. :■ , ■-.■.■■■ ' H — 31 — le remplacement progressif des tables et des bancs défectueux par un mobi¬ lier solide et établi conformément aux modèles officiels. Par le renforcement des garanties dont s'entoure le recrutement de leurs maîtres, par la valeur croissante de renseignement qui y est dispensé, par la qualité de l'outillage pédagogique qu'elles utilisent et par l'amélioration de leur installation matérielle, les formations de pénétration scolaire tendent de plus en plus à se mettre au niveau des écoles élémentaires officielles aux¬ quelles d'ailleurs elles préparent les voies. Mais c'est seulement grâce à elles qu'a pu être réalisée la général sation immédiate de l'enseignement élémentaire rural en pays annamite, et satisfac¬ tion donnée par là au vœu commun tant de fois exprimé de la population indienne et de la puissance protectrice. TABLE DES MATIÈRES 1. — Origine et caractères généraux des formations de pénétra tion scolaire 5 II. — La pénétration scolaire au Tonkin 7 III. — La pénétration scolaire en Annam 12 IV. — La pénétration scolaire en Cochinchine 28 V. — Conclusion 30 INDOCHINE- DENSITÉS SCOLAIRES Jféliograoé par le. Service Géographique. de l'Indochine- Jféliograoé par le Service Géographique de l'Indochine I ■ III II 11 r ■■ ■ ! , 'À, . DENSITE / {.UAN ?A POPULATION .Wtf-ÎHU.Y / DU TONKIN IOWG KHUpNG IUAMG UYCJ ,0 KAY BAC 0UAM6, -rW/ /bac KAn'« LUC Ail CHAI :n quang 'M5tëQw$ MAI •IEN'YFI N .YEN AIPHONG M IN H G'ANGy 'HO CAT ba Régions désertes fRochers calcaires ou- montagnes de plus de ISOO7^) De 0 à 4< habitants par KrriLZ De 30 Echelle 1:1.250.000 CARTE DES ÉCOLES DE COCHINCHINE © « ♦ L M LÉGENDE Ecole de plein exercice Ecole élémentaire Ecole préparatoire Ecole privée ( Confessionnelle ou non) Ecole chinoise Ecole moi Limite de ta zone alluviale et de la zone montagneuse Echelle l:l.25o.ooo? Héliocjrévoe. p an Le Senviee G-eoyraphjxfiie. de, l'Indochine ^ ■■ v.V\ a-,' S€ 'Jéèi ,MSmm «m >«8y$g 'frM m mm mm mmÈKilt ... «Kg mmmm léiv:r^;VT & - IR«#ltSB 8«!ftfi lissa '8%: KHHHH «