PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ETUDES ET DE RECHERCHES INTERETHNIQUES ET INTERCULTURELLES ( I. D . E. R . I. C.) CENTRE D'ETUDE DES PLURILINGUISMES (C.E.P.) LE PIDGIN - ENGLISH CAMEROUNAIS essai de définition linguistique et sociolinguistique Carole de Féral 1980 B.U. NICE 099 0008584 fNIVERSITE DE NICE BIBLIOTHEQUE - SECTION LETTRES. ARTS ET SCIENCES HUMAINES À RENDRE LE : t-i /!■ En cas de retard, le droit de prêt sera suspendu, PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ETUDES ET DE RECHERCHES INTERETHNIQUES ET INTERCULTURELLES ( I. D . E. R. I .C.) CENTRE D'ETUDE DES PLURILINGUISMES (C.E.P.) LE PIDGIN - ENGLISH CAMEROUNAIS essai de définition linguistique et sociolinguistique © Carole de Féral 1980 UNIVERSITE DE NICE TABLE DES MATIERES Remerciements Principaux signes et abréviations. XI INTRODUCTION 1 1. LE PLURILINGUISME CAMEROUNAIS : RAPPORT ENTRE LES LANGUES 8 1.1. Les vernaculaires 9 1.1.1. "Grands" et "petits" vernaculaires 11 1.1.1.1. Le duala 13 1.1.1.2. L ' ewondo et le bulu 16 1.1.1.3. Formes véhiculaires 17 1.1.1.4. Pour un inventaire des rapports entre les langues vernaculaires 19 1.1.2. Variétés géographiques et sociales 24 1.1.3. Place des vernaculaires dans les mass- media 27 1.1.4. Enseignement des vernaculaires 28 1.2. Les langues officielles 29 1.2.1. Pour un bilinguisme individuel 33 1.2.2. Fonctions et variétés 35 III 1.2.2.1. Le français 35 1.2.2.1.1. Français véhiculaire et vernaculaire 35 1.2.2.1.2. Les argots 39 1.2.2.2. L'anglais 42 1.3. Le pidgin-english 44 1.3.1. Bref historique 44 1.3.2. Aire d'utilisation 46 1.3.3. Locuteurs 4 7 1.3.4. Evolution 49 1.4. Pour conclure 50 2. LE CHAMP FONCTIONNEL DU PIDGIN-ENGLISH 5 2 2.1. La fonction véhiculaire du pidgin-english. 53 2.2. Utilisation du pidgin-english par les Bamiléké 57 2.3. Facteurs privilégiant ou proscrivant le choix du pidgin-english 58 2.4. Parler pidgin pour ne pas parler une au¬ tre langue 7 2 2.5. En résumé 76 3. LA VARIATION EN PIDGIN-ENGLISH 7 8 3.1. Sources de variation 79 3.1.1. Influence des langues officielles : le P.E.A. et le P.E.F 79 3.1.2. Age 84 3.1.3. Substrat linguistique 84 3.1.4. Conditions d ' énonciation 86 3.2. Etudes précédentes 89 IV 3.3. Problèmes posés par la description phoné¬ tique et phonologique 94 3.4. Systèmes co-existants ou continuum? 100 3.4.1. Quelques arguments 100 3.4.2. L'analyse syntaxique du P.E.F. et du P.E.A 109 3.5. Recueil des données 111 3.6. La graphie 117 4. LES CONSTITUANTS DE L'ENONCE 121 4.1. Modèles structuraux de la phrase de base. 121 4.1.1. Enoncés verbaux 123 4.1.1.1. L'énoncé verbal "ordinaire" 123 4.1.1.1.1. L'énoncé minimal 123 4.1.1.1.2. Les expansions du verbe 124 4.1.1.1.2.1. L'expansion objectale 124 4.1.1.1.2.2. L'expansion localisatrice 127 4.1.1.1.2.3. L'expansion transito-dative 128 4.1.1.1.3. L'expansion du prédicat 133 4.1.1.1.4. L'expansion du nexus 135 4.1.1.1.5. Suites de compléments 137 4.1.1.2. Les énoncés verbaux avec 'bi. et 'de.. 140 4 . 1 .1 . 2 .1. 1 Bi et 'de, verbes-substantifs 140 4.1.1.2.1.1. P.E.F 140 4.1.1.2.1.2. P.E.A............................ 146 4.1.1.2.2. 'Bi et 'de, copules 147 4.1.1.2.2.1. P.E.F ............................ 147 4.1.1.2.2.2. P.E.A............................ 151 V 4.1.1.2.3. En résumé 154 4.1.2. Enoncés nominaux 156 4.1.2.1. Na, présentatif et marque d'identifi¬ cation 156 4.1.2.2. Na, locatif 160 4.2. La thématisation 160 4.3. Classes des lexèmes 165 4.3.1. L'adjectif 166 4.3.2. L'adverbe ... 170 4.3.3. Le locatif 173 5. LE NOMINAL 176 5.1. Le nom 176 5.2. L'expression du nombre 176 5.3. Les pronoms 184 5.3.1. Les pronoms personnels 184 5.3.1.1. Pronoms allocutifs 185 5.3.1.2. Pronoms substitutifs 189 5.3.2. Le pronom 'wan 195 5.4. Le syntagme déterminatif 196 5.4.1. Les déterminants grammaticaux 196 5.4.1.1. Les déterminants fixes 197 5.4.1.1.1. Les possessifs 197 5.4.1.1.2. Les démonstratifs 'dis et 'dat..... 198 5.4.1.1.3. La combinaison DEMONSTRATIF POSSES¬ SIF 200 5.4.1.1.4. L'indéfini ' som 201 5.4.1.1.5. La combinaison INDEFINI POSSESSIF.. 202 VI 5.4.1.1.6. L'anaphorique di 202 5.4.1.1.7. 'Eni 205 5.4.1.2. Les déterminants mobiles 206 5.4.1.2.1. 'Oda 206 5.4.1.2.2. '01 208 5.4.1.3. Absence de déterminant grammatical .. 209 5.4.2. Les post-déterminants 211 5.4.2.1. ' Sem 211 5.4.2.2. 'On 211 5.4.2.3. 'Kan 212 5.4.3. Les adjectifs 213 5.5. Le syntagme complétif 217 5.6. Le syntagme coordinatif 226 6. LE VERBAL 229 6.1. Les modalités aspectuelles 232 6.1.1. Di 232 6.1.2. 'Don 233 6.2. Les modalités temporelles 235 6.2.1. Bin 235 6.2.2. Go 237 6.3. Les combinaisons de temps et d'aspects... 238 6.3.1. Bin 'don 238 6.3.2. Bin di et bin 'bin 239 6.3.3. Go ' don 245 6.3.4. Go di 246 6.3.5. Bin 'don di 247 6.3.6. Go ' don di 248 VII 6.4. Temps et aspect non marqués. 249 6.5. Récapitulation : les différents systèmes aspecto-temporels pidgin 255 6.6. Concordance des temps et des aspects 256 6.7. L'inactuel en P.E.A 260 6.8. Les modalisants 261 6.9. Les séries verbales 265 7.. LA PHRASE 272 7.1. Modalités de la phrase 272 7.1.1. L'interrogation 272 7.1.2. La négation 276 7.1.3. L'injonction 279 7.1.4. L'emphase 281 7.2. La phrase complexe 289 7.2.1. Syndêse hypotactique 289 7.2.1.1. La proposition relative 289 7.2.1.2. La proposition introduite par 'se.... 297 7.2.1.3. Les propositions introduites par 'hao 304 7.2.1.4. Autres subordonnées 306 7.2.2. Syndèse paratactique 309 7.2.3. Asyndète paratactique 313 7.2.4. Asyndète hypotactique 314 CONCLUSION 319 ANNEXE I Pidgin et français makro 323 ANNEXE II Extraits du corpus écrit 328 ANNEXE III Extraits du corpus oral 344 ANNEXE IV Utilisation des langues vernaculai- res par les stations provinciales de Radio Cameroun 359 VIII ANNEXE V Tableaux phonologiques du pidgin- english selon plusieurs auteurs.... 362 REFERENCES 359 Liste des tableaux et cartes 383 REMERCIEMENTS Nous tenons à exprimer notre très profonde reconnaissance à Monsieur le Professeur G. Manessy, qui a accepté d'assumer la direction de cette thèse et dont les précieux conseils nous ont évité bien des erreurs. Nous souhaitons adresser nos remerciements les plus sincères à P. Achard et P. Wald, qui, depuis plu¬ sieurs années, ont bien voulu s'intéresser à notre tra¬ vail. Leur influence, dans cette thèse est indéniable, même si elle n'est pas toujours évidente et n'a pas tou jours porté les fruits qu'elle aurait dû. Nous voudrions également remercier J. Voorhoeve pour l'intérêt qu'il a montré à l'égard de notre recher che et les discussions que nous avons eues avec lui lor de notre séjour à Bamenda en 1977. Cette étude n'aurait jamais vu le jour sans X la collaboration de nos amis camerounais. Qu'ils trouvent ici l'expression de notre vive gratitude. Ils sont si nombreux à avoir participé à ce travail que nous ne pouvons tous les citer. Nous tenons, toutefois, à mentionner tout particulièrement J. Abongwa, G. Achu, B. Moussa, R. Njike, C. Ngundam et C. Tumi. L'importance de la contribution de C. Ngundam est évidente dans les pages qui suivent : elle y est souvent citée ("Christie N."). Durant deux années, nous avons bénéficié de l'aide financière de la Délégation Générale à la Recherche Scientifique (D.G.R.S.T.) en tant qu'allo¬ cataire de recherche. Nos travaux de linguistique, lorsque nous occupions cette fonction, puis ultérieu¬ rement, se sont effectués dans le cadre du Centre d'Etude des Plurilinguismes (C.E.P.) de l'Institut de Recherches Interethniques et Interculturelles (I.D.E.R.I.C.). Qu'il nous soit permis de remercier, last but not least, Ph. Guion, qui a su jouer avec complaisance, en 1977-78, lorsqu'il était au Cameroun, les rôles in¬ grats de chauffeur et d'intermédiaire. En outre, il a dû supporter, pendant cette dernière année, une "femme au foyer" dont les préoccupations majeures n'étaient pa d'ordre domestique mais linguistique. PRINCIPAUX SIGNES ET ABREVIATIONS A. anglais ACC accompli ADJ adjectif ADV adverbe ATT attribut Cn complément du nexus Cp complément du prédicat Cv complément du verbe D datif D. duala EMPH emphase F. français FUT futur INAC inaccompli INACT inactuel IND indéfini INJ injonction IRR irréel XII L. latin LOC locatif MAT modalité aspecto-temporelle MOD modalisant MT modalité temporelle N nominal NEG négation 0 objet P prédicat PAS passé P.E.A. pidgin-english parlé en zone anglophone P.E.F. pidgin-english parlé en zone francophone Plur. pluriel PRED prédicatif PREP préposition PRON pronom S sujet Sing. singulier SN syntagme nominal TH thème V verbal; verbe * inacceptable ? acceptabilité douteuse ( ) annexe [ ] facultatif; trait lexical; réalisation phonétique en A.P.I. XIII < vient de Cf. p. 118-9 pour la graphie pidgin. Lorsqu'ils ne sont pas considérés comme faisant simplement partie d'un même paradigme (cf. exemples de la p. 231) mais comme formant des énoncés complets, nos exemples pidgin commencent par une majuscule et finissent par un point. INTRODUCTION Un pidgin n'est pas une langue "normale" (Hall, 1962, 1966 ; Reinecke, 1964; Samarin 1971) d'un double point de vue structurel et fonctionnel. Il est habituellement défini par rapport à sa "langue de base", dont est dérivée la plus grande partie de son lexique. Selon A. Valdman (1978 : 5), cinq traits entrent dans la définition d'un pidgin : Tout pidgin, dans le sens strict de ce terme est caractérisé par la présence de la totalité des traits suivants : (1) sim¬ plification de la forme externe; (2) réduc¬ tion de la forme interne; (3) emploi bilatéral ou multilatéral dans un contexte multilingue; (4) interpénétration des sys¬ tèmes linguistiques en présence; (5) ré¬ duction des domaines d'emploi. Les notions de "simplification de la forme externe" et de "réduction de la forme interne" que l'on trouve chez D. Hymes (1971b) ont été plus 2 précisément définies par G. Manessy dans deux articles (1975, 1979a), que nous utilisons ici. Simplification de la forme externe Par simplification, on entend habituellement 11 expj-icitation des contrastes dans la chaîne parlée, notamment par la suppression des arti¬ culations complexes, la dissolution des grou¬ pes de consonnes et la prédominance des syl¬ labes ouvertes; la suppression des alternances morphophonologiques et surtout la correspondance univoque entre le signifié et un signifiant toujours identique à lui même et toujours effectivement réalisé; l'élimination de toute redondance grammaticale, chaque morphème n'étant exprimé qu'une fois dans une pro¬ position et généralement toujours à la même place; par voie de conséquence, la grammatica- lisation de l'ordre des mots,devenu le prin¬ cipal indice de la fonction qu'assument les constituants de l'énoncé et des relations syntaxiques qui les unissent (Manessy, 1979a : 56). Réduction de la forme interne La mesure dans laquelle une variété véhi- culaire est "réduite" par rapport au verna- culaire serait probablement plus facile à évaluer dans le langage de la grammaire générative et transformationnelle, où il est possible de classer et de compter les transformations. Si l'on récuse cette doc¬ trine, il semble possible d'orienter la recherche dans trois directions : a) la réduction des parties du discours (...); b) la réduction de l'inventaire des catégo¬ ries grammaticalisées (...); c) l'appauvrissement du répertoire des rela¬ tions synstaxiques codifiées (...); 3 La réduction n'est pas limitée à la gram¬ maire : elle peut se manifester dans le domai¬ ne phonologique par l'élimination de certains traits distinctifs (les tons par exemple), par un réajustement du système des phonèmes, éliminant des unités à faible rendement ou comblant des "cases vides", ou par une ré¬ gularisation des stuctures syllabiques. C'est par elle enfin qu'on peut interpréter le phé¬ nomène dit d'appauvrissement du vocabulaire (Manessy, 1975 : 5-7). Notons que la simplification et la réduction sont des caractéristiques de la pidginisation en général et qu'elles ne permettent pas de décider si la langue étudiée est une langue simplement pidgini- sée ou un pidgin constitué. Ce qui différencie ce dernier d'une langue pidginisée, c'est "l'abolition de toute référence à une norme même virtuelle" (Manessy, 1975 : 10). Cette remarque va dans le même sens que le point (3) de la définition de Valdman ("emploi bilaté¬ ral ou multilatéral dans un contexte multilingue") : il n'y a pas intercompréhension entre les locuteurs de la "langue de base" et ceux du pidgin. Des deux cêtés, les interlocuteurs doivent apprendre le pidgin, qui n'est pas un système approximatif qui serait utilisé par un seul groupe mais bien un système autonome. S'il est possible de considérer certaines caractéristiques du pidgi'n-english camerounais corn- 4 me relevant des processus de simplification (par exemple : dissolution de la plupart des groupes de consonnes de l'anglais standard; quasi-absence de redondance grammaticale) et de réduction (par exemple multifonctionnalitë des lexèmes plus fréquente qu'en anglais; extension du sens de certains termes anglais) ainsi que du point (4) de la définition de Valdman -"interpénétration des systèmes linguistiques en présence"- (séries verbales?), par contre, les condi¬ tions d'emploi de cette langue ne sont pas correcte¬ ment décrites par référence au point (5). Valdman (1978 : 9) -suivant en cela les définitions classiques- affirme en effet "qu'un pidgin ne saurait assumer que des fonctions dénotati- ves dans des situations de communication fort limi¬ tées". Nous verrons au chapitre II que le pidgin- english camerounais, sans être pour autant devenu un créole, c'est à dire la langue maternelle d'une communauté, assume chez de nombreux locuteurs d'au¬ tres fonctions que la simple fonction de communication D'un point de vue fonctionnel, le pidgin- english camerounais n'est donc pas un pidgin stricto sensu. D'autre part, s'il est justifié de parler du pidgin-english camerounais étant donné une origine commune et l'existence d'un "common core" lexical et syntaxique, il est plus exacte de distinguer deux grandes variétés : le P.E.A., parlé en zone anglopho¬ ne, et le P.E.F., parlé en zone francophone. Si l'on peut, en effet, considérer à priori le P.E.F. comme un système autonome puisqu'il n'est pas en contact avec l'anglais standard, il n'en est pas de même pour le P.E.A., dont les locuteurs subissent l'in¬ fluence normative de l'anglais standard (ceci essentiel' lement chez les locuteurs effectivement anglophones mais aussi chez ceux qui ne parlent pas anglais mais qui côtoient des locuteurs qui emploient un pidgin anglicisé). Il nous faudra donc recourir, pour définir le pidgin-english camerounais, à des notions qu'on n'a pas coutume de faire intervenir dans la description des pidgins, telles que celles de "ver- nacularisation", d'"élaboration" et de "décréolisation" Etant donné l'interdépendance des conditions d'emploi d'une langue et de sa structure linguistique, il nous a semblé nécessaire de ne pas limiter notre étude à la description linguistique du pidgin-english. Par conséquent, nous essayons, au chapitre premier, de rendre compte de la situation de plurilinguisme du Cameroun et de situer le pidgin-english par rapport au autres langues parlées dans ce pays. Au chapitre II, il est question des fonctions du pidgin-english et des conditions dans lesquelles un locuteur peut ou ne peut 6 pas employer le pidgin-english. Ceci nous permettra de comprendre la signification de l'utilisation du pidgin, celle-ci étant elle-même porteuse de sens, en dehors du contenu apporté par l'énoncé. Au chapi¬ tre III, nous expliquons les raisons qui nous ont poussée à choisir la syntaxe pour "définir" le pidgin-english sur le plan linguistique. Notre ana¬ lyse syntaxique (chapitres suivants) repose sur le P.E.F. puisque c'est cette variété qui peut être considérée, sans difficulté, comme un système auto¬ nome. Il nous a paru intéressant, en outre, de rele¬ ver certaines constructions P.E.A. qui se distinguent du P.E.F. étant donné les situations sociolinguisti- ques différentes dans lesquelles se trouvent ces deux variétés. Le présent travail ne prétend pas à l'exhaus- tivité. Nous espérons,cependant, que les processus que nous décrivons présenteront quelque intérêt, eu égard à certaines préoccupations actuelles de la linguistique situations de contact et évolution des langues notam¬ ment. Carte 1-Le Cameroun : provinces, chefs-lieux et villes principales CHAPITRE PREMIER LE PLURILINGUISME CAMEROUNAIS : RAPPORT ENTRE LES LANGUES Comme de nombreux pays d'Afrique Noire, le Cameroun forme une communauté plurilingue non seulement du fait de la diversité de ses langues ethniques mais aussi du fait du plurilinguisme effectif de la majorité de ses locuteurs qui, pour des raisons qui seront examinées cd-dessous, sont amenés à parler d'autres langues que leur propre vernaculaire. En outre, le Cameroun est., avec l'anglais et le français, bilingue au niveau officiel. Rendre compte de cette situation nous conduit, dans un premier temps, à prendre en considération les fonctions principales qu'assument les langues en pré¬ sence. C'est ainsi qu'on pourra parler, pour la commo¬ dité de l'exposé, de "vernaculaires" et de "langues officielles". Une analyse plus approfondie montre, cependant, que la dénomination "vernaculaire" ne signi¬ fie pas la même chose selon que l'on parle, par exemple, du mbo ou du duala . De même, le français et l'anglais, 9 bien qu'ayant tous deux le statut de "langues offi¬ cielles", n'occupent pas la même position au Cameroun. Chaque langue, en effet, entretient un rapport spéci¬ fique avec les autres langues et c'est d'après le type de rapport existant entre une langue et les autres langues que ncus pourrons situer celle-ci dans la description générale. Pour cela on tiendra compte de I facteurs tels qpe le nombre de locuteurs, l'aire d'uti¬ lisation, les raisons pour lesquelles un locuteur non natif parle la langue en question etc. 1.1. LES VE]INACULA 1RES1 o I'Atlas Linguistique du Cameroun (ALCAM) -dont les résultats sont annoncés pour 1980- envisage trois cents "dialectes" (Renaud, 1976 :19). Ceux-ci se répartissent dans trois des quatre grandes familles linguistiques établies par J. Greenberg. On se conten¬ tera ici, à titre d'illustration, de ne mentionner 1- "Vernaculaire" est rejeté de l'usage officiel étant donné son étymologie ( lat. Wald et al. (1974 : 51), c'est le champ fonctionnel du pidgin- english qui fera l'objet de ce chapitre, c'est-à-dire "l'ensemble des contraintes qui déterminent les choix relatifs aux codes et qui ne sauraient être transgres¬ sées par un locuteur compétent1". 2.1. LA FONCTION VEHICULAIRE DU PIDGIN-ENGLISH Les contraintes qui déterminent le choix d'une langue sont plus ou moins nombreuses selon le bagage linguistique du locuteur. Le locuteur (pidginophone) qui ignore la langue officielle ainsi que la langue à fonction véhiculaire, le cas échéant, de la région où il se trouve, emploiera le pidgin pour le besoin de la communication en situation interethnique quelles que soient les circonstances. C'est ainsi que le pidgin-english a joué un rOle très important dans la communication entre 2 Anglophones et Francophones , que ce soit sur les 1- Il s'agit ici de la compétence communicative (communicative compétence, Hymes, 1972) du lo¬ cuteur, c'est à dire non seulement sa connais¬ sance de la structure de la langue (compétence selon Chomsky, 1965) mais aussi celle des règles d'usage. 2- Lorsque nous écrirons Anglophone ou Francophone avec une majuscule, il s'agira d'un terme adminis¬ tratif plutôt que linguistique. On pourra ainsi par¬ ler d'Anglophones ne connaissant pas l'anglais. 54 places des marchés ou dans les bureaux administratifs, en particulier après la Réunification en 1961 où un très petit nombre de Camerounais étaient à la fois 3 anglophones et francophones . Cet emploi du pidgin- english s'est accentué lors de l'institution de la République Unie du Cameroun en 1972 : les anglophones de l'administration de Buéa (jusqu'alors capitale du Cameroun Occidental) durent s'installer dans la ville -francophone- de Yaoundé devenue Capitale de la Répu¬ blique Unie du Cameroun. Le pidgin-english est devenu la langue pre¬ mière d'enfants nés de mariages interethniques, dont les parents, à défaut d'une langue commune, utilisent 4 le pidgin-english . Ce cas est relativement fréquent dans les zones de plantations (Victoria; Nkongsamba) qui attirent des ouvriers agricoles d'origines ethniques diverses (Voorhoeve, 1971). 3- "Président Ahidjo of the United Republic of Cameroon has not relied on interpreters for communicating with Anglophone officiais. During the crucial early years after independence, it was an advantage for him to be able to speak in Pidgin to Ministers,such as J.N. Foncha. Few of the Anglophones spoke good French at that time and he could understand, but not speak, English" (Treffgarne, 1975). 4- Il est vraisemblable que l'apprentissage de l'une des langues des parents (ou des deux, le cas éché¬ ant) a lieu en même temps que celui du pidgin-english (lorsque l'enfant se trouve seul avec le père ou la mère) ou qu'il se fera lorsque l'enfant ira voir sa famille "au village". La "nativisation" du pidgin n'implique donc pas, dans ce cas, la formation d'un créole. 55 Le pidgin-english est surtout qualifié de "langue commerciale" dans la mesure où la situation commerciale est, par excellence, une situation inter¬ ethnique qui privilégie son emploi. L'on peut cependant se demander pourquoi, à Douala, le pidgin-english est la langue du marché alors qu'un assez grand nombre de non-Douala parlent duala et qu'il est relativement fréquent de trouver au grand marché de New-Bell 5 (quartier populaire et cosmopolite de Douala ) des vendeurs qui se "débrouillent " en français. Ceci est en partie dû, à notre avis, au fait que le pidgin a une longue tradition en tant que langue commerciale (cf. 1.3.1.) dans la région de Douala. Par conséquent, un Douala qui fait son marché à New-Bell ne se demande¬ ra pas si son vendeur -bamiléké dans la plupart des cas¬ sait le duala. Il utilisera d'emblée le pidgin. Il peut arriver qu'un Camerounais non pidgino- phone s'adresse en français à un vendeur de New-Bell. L'utilisation du français dans ce contexte catégorise¬ ra le locuteur comme étant étranger à la région de Douala et il risquera, de ce fait, de payer plus cher sa marchandise . Inversement, s'il est flagrant que 5- "Le dixième de la population de New-Bell d'arrivée récente est étranger au Cameroun. Parmi les Came¬ rounais un groupe ethnique se détache : celui des Bamiléké qui représente 38% des immigrants. Puis viennent les ethnies "Yaoundé": 15,8%, Basa : 14,7%, les gens dits du "Mbam" : 9,3% (...)" (Gouellain, 1975) . 56 l'acheteur est un étranger (prenons le cas d'un Français), l'emploi du pidgin ne sera pas accepté : le vendeur utilisera systématiquement le français (sa compétence dans cette langue fût-elle réduite) même si l'acheteur s'obstine à s'adresser à lui en pidgin. La seule façon pour lui de faire accepter l'utilisation du pidgin-english est de montrer clairement qu'il ne comprend pas un mot de français, auquel cas le recours au pidgin-english est l'unique g moyen de communiquer . nous revenons ici â la situation exposée plus haut : l'utilisation du pidgin "faute de mieux". Même au marché de Douala où le pidgin-english assume une fonction véhiculaire, celui-ci peut être l'indice d'appartenance â un groupe, en l'occurrence celui de la communauté africaine installée dans la région de Douala. En zone anglophone, la situation est sensible¬ ment différente puisque la majorité des Camerounais et des étrangers parlent pidgin et que ceux qui savent 6- Nous en avons personnellement fait l'expérience! Notons que les Blancs, à Douala, sont sponta¬ nément identifiés comme des Français étant donné l'importance numérique de ceux-ci à l'intérieur de la communauté blanche installée à Douala. 57 l'anglais forment une minorité : celle qui a pu faire des études. Dans ce cas, plutôt que l'appartenance à un groupe, l'utilisation du pidgin montre la volonté de sortir d'un groupe restreint (celui de l'élite ou celui du village, par exemple) pour communiquer avec tous les Camerounais quel que soit leur niveau d'édu¬ cation . 2.2. UTILISATION DU PIDGIN-ENGLISH PAR LES BAMILEKE Du fait de leur occupation principalement commerciale,qui les conduit à s'installer dans les grands centres urbains,et de la diversité de leurs langues, les Bamiléké sont nombreux à parler pidgin et l'utilisent très fréquemment non seulement en situation interethnique, comme à Douala, mais aussi en situation intra-ethnique. C'est pourquoi l'on peut entendre parler pidgin dans des villes comme Yaoundé (Pays Ewondo) et Sangmëlima (Pays Boulou) qui se trouvent à l'extérieur de la région pidginophone définie au chapitre premier. Un Bamiléké nous a fait cette remarque : "le pidgin, c'est un peu notre langue nationale". A défaut d'un vernaculaire commun, le pidgin-english joue le rôle de langue ethnique au dehors du village. 58 2.3. FACTEURS PRIVILEGIANT OU PROSCRIVANT LE CHOIX DU PIDGIN-ENGLISH Lorsque le locuteur peut employer une langue autre que le pidgin-english (langue officielle ou ethnique ayant une fonction véhiculaire) pour le besoin de la communication en situation interethnique, le choix de langue dépend d'un grand nombre de fac¬ teurs tels que : a) l'appartenance linguistique des interlocuteurs Prenons le cas d'un vendeur bamiléké, pidgino- phone et ewondophone, au marché de Mokolo à Yaoundé. La langue utilisée dans le cas où l'acheteur est originaire de la région du Centre-Sud sera l'ewondo. Par contre, si l'acheteur est bamiléké (d'un autre village) ou cOtier, ou bien encore Anglophone, il est très probable que la langue utilisée sera le pidgin-english, même si l'acheteur sait l'ewondo. Le pidgin assumera, encore une fois (cf. 2.1. et 2.2.) une fonction de groupe (autre que celui de l'ethnie) * b) le répertoire et la compétence des inter- locuteurs Soit une situation privilégiant le choix 59 de la langue officielle (service administratif, par exemple). Au début de l'entretien, la langue officielle 7 sera utilisée d'emblée. Mais si le locuteur légitime s'aperçoit que la compétence réduite de son interlo¬ cuteur dans la langue officielle ne favorise pas l'efficacité de la fonction de communication, il pourra utiliser le pidgin-english pour accroître celle-ci. On peut évidemment imaginer la situation inverse : l'emploi d'une langue officielle plutôt que celle du pidgin-english dans une situation qui privilégie le choix de celui-ci lorsque l'un des interlocuteurs n'en a pas une connaissance satisfai¬ sante . c) le thème de l'énoncé Le thème de la conversation, ou la façon dont on le traite, peut déterminer le choix de langue et provoquer l'alternance linguistique. Des étudiants de l'université de Yaoundé, par exemple, pourront utili¬ ser de préférence les langues officielles (d'enseigne¬ ment) pour parler de leur travail alors qu'ils pas¬ seront au pidgin lorsque la conversation aura trait 7- Le locuteur qui du fait de sa position dans une situation donnée a l'usage légitime d'une langue et est en mesure de décider de l'utilisation ou non de celle-ci (cf. Poutignat et Wald, 1979) . 60 au dernier match de football ou bien lorsqu'elle tournera à la plaisanterie. Les histoires typiquement camerounaises pouvant susciter le rire sont souvent racontées en pidgin. C'est ainsi que Cameroon Outlook comporte une colonne humoristique dont certaines phrases sont entièrement écrites en pidgin. Ce mélan¬ ge de phrases anglaises et pidgin est un bon échan¬ tillon de la façon de parler de certains Anglopho¬ nes, qui connaissent parfaitement l'anglais stan¬ dard mais qui recourent parfois à des mots et des expressions pidgin afin de donner un "ton plus camerounais" à l'histoire racontée (cf. annexe II). La colonne en pidgin-english "King fo Toly" ("Le roi des histoires") a contribué au succès du Courrier sportif du Bénin édité jusqu'en 1976. Cet hebdomadaire rédigé en français et imprimé à Douala (10 000 exemplaires) était acheté non seulement par les Francophones de la région de Douala mais aussi par les Anglophones des villes avoisinantes (Tiko, Victoria). Les non-scolarisés se faisaient lire "King fo Toly", savourant ainsi des histoires pittoresques (cf. annexe II) qui perdent d'ailleurs beaucoup de leur piquant lorsqu'on essaye de les traduire en français ou en anglais (et peut-être même dans les langues ethniques). 61 L'utilisation fréquente du pidgin dans les plaisanteries (cf. également 2.4.) est la raison pour laquelle l'Ordinaire de la Messe n'est jamais dit en pidgin alors qu'il peut l'être en français, en anglais, g en latin et dans les langues ethniques. En effet, certains ecclésiastiques (tels 1'évêque de Bamenda) ont jugé que le pidgin n'était pas une "langue sé¬ rieuse" et que, par conséquent, il ne pourrait en Q aucun cas devenir une langue liturgique . d) les aspects pertinents de la situation d'énonciation L'environnement est susceptible de déterminer des conduites diverses (traditionnelles au marché ou bien, au contraire, modernistes dans un magasin mo¬ derne, par exemple). On a dit plus haut que le pidgin-english était souvent qualifié de "langue commerciale". Il 8- Le latin est encore employé de nos jours dans cer¬ taines paroisses camerounaises! A Douala notamment. 9- Une réunion entre des membres de l'Eglise a récem¬ ment eu lieu à ce sujet. 62 faut cependant spécifier que le pidgin est "la langue du marché" (en zone pidginophone) et non des magasins modernes (pharmacies, grandes surfaces etc.) dans lesquels l'entretien entre vendeur et client se fera en anglais ou en français (sauf situation de nécessité décrite en 2.1.). i5_E2Ëiti2D_£§ËEective ^22_-'-2222E222 Lorsque, dans une situation donnée, les interlo¬ cuteurs se trouvent dans une relation verticale (chef et subalterne dans un bureau, par exemple), le pidgin- english ne peut être utilisé à l'intérieur du rapport "transactionnel"10 prescrit par la situation . L'utili¬ sation, d'emblée du pidgin-english par le subalterne serait perçue comme un abus de familiarité voire un manque de respect par le supérieur. Celui-ci, par contre, 10- Les termes "transactionnel" et "personnel" sont ainsi définis par J. Gumperz (1964 : 149) : "Transactional interaction centers about limited socially defined goals, i.e., a religious service, a pétition, a job interview, etc. Participants in such interaction in a sense suspend their indivi- duality in order to act out the rights and obli¬ gations of relevant statuses. Hence their linguis- tic and other modes of behavior must be predictable from the social définition of these statuses. In personal interaction, on the other hand, parti¬ cipants act as individuals, rather than for the sake of spécifie social tasks (...). It gives scope to ail facets of expériences, and individuals may resort to changes in speech style in order to under- score particular meanings;(...) " 63 peut prendre l'initiative de sortir de ce rapport "transactionnel" et instaurer un rapport "personnel" avec son interlocuteur en utilisant le pidgin-english. L'emploi de celui-ci, en outre, permet aux interlocu¬ teurs de se poser en "égaux". Il n'est pas certain, cependant, que l'interlocuteur accepte ce rapport ar¬ tificiel d'égalité. Il peut, de surcroît, percevoir l'emploi du pidgin comme une allusion à sa mauvaise compétence dans la langue normalement utilisée dans ce genre de situation (français ou anglais dans l'exem¬ ple proposé ci-dessus). Dans ce cas, il pourra marquer son désaccord en continuant de parler la langue offi¬ cielle (on peut se rappeler, à ce sujet, l'exemple du Français au marché de New-Bell cité en 2.1.). Une situation analogue est celle décrite par M.L. de Latour Dejean (1977) à Bangwa (village bami- léké). En situation intra-ethnique, au village, l'u¬ tilisation d'une langue autre que celle de ses "pères", lorsqu'on s'adresse à un aîné, est perçue comme une insulte. Il arrive cependant que le pidgin-english soit parlé au sein de la famille lors de plaisanteries. C'est alors la personne appartenant à la génération aînée qui doit décider du choix du pidgin. Une fois ce "feu vert" donné, le locuteur le plus jeune a la liberté de dire en pidgin à peu près n'importe quoi. Ce n'est pas tant le contenu de l'énoncé que le choix de la langue - pidgin, en l'occurrence- et la situation 64 respective des locuteurs qui sont porteurs de la marque "plaisanterie" ou "insulte". Dans une relation horizontale (entre égaux) l'utilisation du pidgin-english permet de se situer dans un rapport personnel avec son interlocuteur et de montrer sa solidarité vis-à-vis de lui. C'est ainsi que, même en France, nous avons pu entendre des conversations en pidgin-english entre des étudiants camerounais (Bamiléké de villages différents, dans la plupart des cas, mais aussi Camerounais d'ethnies dif¬ férentes, ayant vécu en zone anglophone ou à Douala) dont la compétence en français et/ou en anglais é- tait excellente. L'emploi du pidgin, dans ce cas donnait non seulement une note de complicité au dia¬ logue mais permettait aux interlocuteurs , à défaut d'un vernaculaire commun, de s'identifier comme Camerounais (avec l'avantage de ne pas être compris des Français lorsqu'ils se trouvaient dans un lieu public). i§_ELɧëBÇë_(liun_tiers La présence d'un tiers peut exercer une in¬ fluence importante sur le choix de langue. Nous pou¬ vons citer l'exemple de ce Camerounais qui se trouvait dans le même taxi que nous à Douala : le chauffeur s'adressait à son client en pidgin mais celui-ci, 65 après avoir répondu un certain temps dans cette lan¬ gue, s'est obstiné à parler en français pour nous montrer , de toute évidence, qu'il savait (bien) le parler. Une langue peut être également choisie, mal¬ gré les conditions d'énonciation défavorables à son utilisation, afin que certaines personnes qui assis¬ tent à l'entretien ne comprennent pas ce qui se dit. Il arrive que cette façon de "garder le secret", bien que jugée très impolie, soit employée non seulement en situation interethnique mais aussi en situation intra-ethnique. Cette pratique est relativement fré¬ quente chez les enfants, qui parlent entre eux, à la maison, soit le pidgin-english lorsque leurs parents ne le comprennent pas, soit tout autre code (langue officielle; argot) susceptible d'assumer cette fonction. e) attitudes â l'égard du pidgin-english L'opinion du locuteur à l'égard des langues qu'il peut parler joue un rôle non négligeable dans le choix de langue. Il nous a donc semblé important de savoir comment le pidgin-english était défini par ses usagers. Outre certaines conclusions que nos sim¬ ples observations sur le terrain nous permettaient de formuler, nous avons tenu à poser les questions ; "qu'est-ce que le pidgin-english?" puis, le cas échéant, "qu'est-ce par rapport à l'anglais? S'agit-i de la même langue ou d'une langue différente?", à quatre-vingts locuteurs (cinquante-cinq en zone francophone et vingt-cinq en zone anglophone) d'âges, de sexes, d'ethnies et de degrés de scolarisation différents. Cependant, seule la distinction entre zone francophone/zone anglophone nous est apparue com me vraiment pertinente. Les questions ne permettant pas des réponses du type oui/non, et celles-ci étant extrêmement diver sifiées et même parfois contradictoires (du genre : "c'est de l'anglais mais ce n'est pas la même chose") nous nous contenterons de présenter une vue d'ensem¬ ble de l'opinion des locuteurs sur le pidgin-english. Les définitions ont été de deux types (non exclusifs) : a)structurel et b) fonctionnel. a) Définitions d'ordre structurel La majorité des locuteurs Francophones ont parlé d' anglais transformé ("déformé" et même "bricolé"; "raccomodé") et/ou de mélange d'anglais, de français et de langues africaines. Pour une mino¬ rité, le pidgin est une langue simplifiée voire sans grammaire. 67 Les Anglophones n'ont pas été nombreux à parler de mélange - les autres langues que l'anglais entrant dans ce mélange n'étant d'ailleurs pas pré¬ cisées-. Le pidgin-english a été défini à l'aide de synonymes fréquemment usités : bush English, broken English.L'accent a été souvent mis sur le fait que c'est de l'anglais simplifié, du mauvais anglais dont la grammaire n'est pas respectée (broken grammar), L'opinion des Anglophones est donc plus dépré- ciative que celle des Francophones. Ceci peut s'ex¬ pliquer aisément par le fait que les Anglophones su¬ bissent constamment la pression normative de l'anglais et que les représentants légitimes ce cette langue (instituteurs) insistent sur le fait que le pidgin est un frein à l'apprentissage du "bon" anglais. En zone anglophone comme en zone francophone, le pidgin est une sorte d'anglais qui se distingue de l'anglais pur ("vrai", "écrit", "scolaire", "good") Le fait que ses usagers considèrent le pidgin comme une sorte d'anglais ne signifie pas pour autant que "lorsqu'ils s'expriment en pidgin ils sont convain eus qu'ils parlent anglais" (Renaud, 1976 : 18). Nous avons pu nous assurer du contraire en posant la ques¬ tion : "parlez-vous anglais?" , à laquelle il a été 68 répondu négativement chaque fois que le locuteur ne savait effectivement pas l'anglais standard. Il faut cependant souligner le fait qu'en pidgin -et dans certains vernaculaires- ['ioglij] (ou encore ['igglis], que nous écrirons dorénavant 'inglish; cf. 3.6. en ce qui concerne la graphie des lexèmes pidgin) ne recouvre pas la même réalité que F. anglais et A. English. P. Inglish se réfère à la fois au pidgin-english et au good, proper, English (P. 'gut 'inglish, 'propa 'inglish appelé encore 'grama; insistons sur le fait que ce dernier terme n'a pas pour un non-scolarisé le sens qu'un locuteur français ou anglais peut donner à grammaire ; grammar) . Le champ sémantique de P. 'inglish peut être représenté de la façon suivante : 'inglish 'grama 'gut 'inglish 'propa 'inglish "'pidjin ( ' inglish) 'bush 'inglish 'broken 'inglish Dans nos entretiens - en pidgin- avec des 69 locuteurs ne sachant ni l'anglais ni le français, il s'agissait donc de préciser de quel 'inglish il était question. Notons cependant que certains locuteurs des provinces francophones, qui ne parlent ni l'anglais ni le français, n'ont pas conscience de l'existence d'un autre 'inglish que le pidgin. Par conséquent, la définition du pidgin n'a pu être faite par référence à l'anglais et a donc été exclu¬ sivement d'ordre fonctionnel. Les locuteurs des pro¬ vinces anglophones qui ne parlent pas le 'grama, quant à eux, sont parfaitement conscients du fait que pour comprendre le pidgin, un usager de l'anglais standard (non pidginophone) doit l'apprendre11. Le pidgin-english, même de l'avis de ses locuteurs, ne peut donc consister uniquement en une simplification de l'anglais standard ("c'est une sorte d'anglais"). Il y a autre chose,qu'ils ne peuvent cependant défi¬ nir ("mais ce n'est pas la même chose"; "mais c'est différent" ) . 11- La question était ainsi formulée : "'som 'inglish 'man, 'som 'wayt-man, 'we i 'sabi 'tok 'gut 'inglish, i di 'kom fo "Cameroun"" fo ' fos ' taym ; i go 'hia ' 'yu 'taym 'we yu go 'tok 'pidjin o i 'mos 'lan^am bifo i 9° 'hia?", " un anglais, un Européen qui sait parler le bon anglais, il vient au Cameroun pour la première fois : il vous comprendra lorsque vous parlerez pidgin ou il devra l'apprendre avant de pouvoir comprendre?" 70 b) Définitions d'ordre fonctionnel Le pidgin-english est la langue de tout le monde : il permet la communication malgré les différences d'ordre ethnique et social de ses locu¬ teurs. C'est aussi une langue commerciale, que l'on utilise au marché. C'est également une langue que l'on parle entre amis, pour s'amuser. Un étudiant de l'Univer¬ sité de Yaoundé qui a des amis originaires de la zone anglophone a observé que ceux-ci "même les docteurs en je-ne-sais-quoi parlent pidgin; c'est plus fort qu ' eux" . Si d'un point de vue structurel le pidgin est défini en termes plutôt dépréciatifs, d'un point de vue fonctionnel, le pidgin semble être apprécié de tous. Cette divergence d'attitude vis-à-vis du structurel et du fonctionnel se retrouve dans l'u¬ tilisation du pidgin. Considéré par le gouvernement comme du mauvais anglais susceptible de freiner l'ap¬ prentissage du bon anglais, et de ce fait néfaste à la politique de bilinguisme (langues officielles), le pidgin n'a pas droit à un certain nombre d'heures d'écoute par semaine à la radio, comme c'est le cas de plusieurs vernaculaires. Par contre, on n'hésite 71 pas à l'employer sur les ondes lorsqu'il s'agit de toucher toutes les couches de la population (conseils pour la Révolution Verte; campagnes électorales; lutte contre le choléra en 1972) et il arrive qu'un présentateur dise quelques phrases en pidgin pour faire rire. Rappelons également son utilisation dans la colonne humoristique de cer¬ tains journaux . Dans l'enseignement, le pidgin- english est évidemment proscrit, mais lorsque l'élève ne comprend pas ce qui se dit en anglais (en zone anglophone), l'instituteur peut avoir recours au pidqin lors de son explication. Nombreux sont les enfants des villes anglo¬ phones qui, parlant pidgin à la récréation et dans la rue, rapportent celui-ci à l'intérieur de la maison et l'utilisent, par conséquent, en situation intra-ethnique. Cette situation a provoqué des réac¬ tions de la part de certains Anglophones qui ont tenu des "tribal meetings" afin de décider des moyens qui permettraient d'éviter cette invasion du pidgin dans les foyers urbains Le locuteur en position d'insécurité linguisti¬ que sera plus susceptible qu'un autre d'avoir une attitude négative à l'égard du pidgin, tel cet Ewondo qui travaille en zone anglophone depuis huit ans et 72 qui voudrait profiter de son séjour pour perfec¬ tionner son anglais : il dit ne pas aimer parler pidgin et éviter de le faire dans la mesure du possible. 2.4. PARLER PIDGIN POUR NE PAS PARLER UNE AUTRE LANGUE Les trois situations que nous allons briève¬ ment décrire, bien qu'apparemment très différentes, ont en commun le fait que le pidgin-english est employé pour une raison négative : pour ne pas fa¬ voriser la langue d'un groupe (francophone ou anglo¬ phone dans le premier exemple ; groupe au niveau de l'ethnie ou du village dans le deuxième exemple) ou encore pour éviter l'usage non adéquat d'une variété (troisième exemple). On nous a rapporté que dans certaines réunions d'entreprises où des Anglophones et des Francophones se trouvaient rassemblés, on utilisait le pidgin comme langue de travail pour éviter de donner la pré¬ férence soit à l'anglais soit au français. On peut également décrire brièvement la situa¬ tion linguistique de la Chapelle Congo de Douala (quar tier de New-Bell). Etant donné l'hétérogénéité linguis 73 tique des fidèles et la compétence réduite en fran¬ çais de certains, le pidgin est employé dans l'une des messes dominicales (êpitres, évangiles, sermon, prières). Certains chants sont cependant en langues ethniques (ou même de village, dans le cas des langues bamiléké). Ceci n'est pas sans poser quelque problè¬ mes car si le choix d'une langue se faisait au dé¬ triment d'une autre, certains fidèles cesseraient de venir. Pour cette raison, le directeur de la chorale nous a avoué qu'il préférerait la seule utilisation du pidgin qui, selon lui "est comme le latin : c'est la langue de tout le monde; il n'y a pas de jalousie; de fierté". Langue de tout le monde et de personne en particulier, le pidgin-english est, dans les deux situations que nous venons d'exposer une langue neutre M.L. de Latour Dejean (1977) note l'utilisa¬ tion du pidgin-english ou du français par les adoles¬ cents et les jeunes adultes bangwa dans les relations amoureuses. En effet, tout ce qui a trait à la sexua¬ lité est, selon ses informateurs, jugé beaucoup plus grossier en bangwa qu'en pidgin ou en français, comme en témoigne cet instituteur bangwa de trente ans (p. 193) : Un garçon qui va dire à une fille "allons nous coucher", il le dit en français ou en 74 pidgin, parce qu'en bangwa c'est très gros¬ sier. En bangwa les mots n'ont pas le même sens qu'en français. Quand vous dites "les fesses" en bangwa, c'est beaucoup plus gros¬ sier qu'en français. En bangwa c'est la voie urinaire, c'est très grossier. Quand vous pouvez dire à une fille "vos mamelles" en patois ça résonne mal. C'est tous les mots qui touchent le corps et les organes sexuels qui sont grossiers en bangwa. Le pidgin-english permettrait de "lancer des mots, des idées, des sentiments que l'on ne peut expri mer dans sa langue maternelle parce que trop chargés d'affects" (p. 208). Partant de cette étude, nous avons cherché à savoir ce qu'il en était chez d'autres Bamilêké ainsi que chez d'autres groupes ethniques du Sud-Cameroun. Plusieurs remarques s'imposent en ce qui concerne la "grossièreté" des termes d'ordre sexuel dans les vernaculaires. Tout d'abord,lorsque l'on courtise une femme, on n'est pas dans l'obli¬ gation de parler des organes sexuels. D'autre part, les vernaculaires offrent le choix entre des mots plus ou moins grossiers. Ainsi, un Boulou pourra proposer -en bulu- à la dame désirée de "compter les jours avec lui", expression qui sera parfaitement comprise de celle-ci. Pour expliquer, dans ce cas, l'utilisation d'une autre langue que le vernaculaire, deux fac¬ teurs doivent être pris en considération : 1) la compétence dans la langue maternelle; 12 2) le prestige des langues "disponibles". On a dit au chapitre premier que beaucoup de jeunes ne "savaient" plus leur langue maternelle. Il est donc relativement fréquent que dans certaines circonstances (en l'occurrence "faire la cour"),les jeunes locuteurs ne connaissent pas les mots appro¬ priés (non grossiers) et qu'il leur est plus facile d'employer une autre langue. De plus, le choix du français, par exemple, peut être un moyen de valo¬ riser le locuteur qui se fera passer pour quelqu'un d'instruit. Mais dans certains cas, le choix du ver¬ naculaire pourra être plus judicieux que celui du français. Les Douala, qui, selon une impression communément répandue dans le Sud-Cameroun "ont une très haute opinion de leur langue", sont plus suscep 12- "Le concept de prestige recouvre en réalité les attentes des locuteurs d'une langue dans une so¬ ciété donnée, à l'égard des potentialités diver¬ ses que l'usage de cette langue est censé lui ou vrir" (Wald et al., 1973 : 31). 76 tibles que d'autres Camerounais -dans la situation dont il est question- de préférer parler leur langue mater¬ nelle que le français. Par conséquent, un non-Douala (dualaphone) aura tout intérêt, en s'adressant à une Douala, de mettre en valeur sa compétence en duala plutôt que celle en français. 2.5. EN RESUME Langue susceptible d'être utilisée en toute circonstance pour les besoins de la communication lorsque les interlocuteurs ne disposent pas d'une autre langue qui leur soit commune, le pidgin-english assume d'autres fonctions que celle de véhiculaire. Son utilisation par des locuteurs qui pourraient communiquer dans une autre langue obéit à certai¬ nes règles et revêt, selon les situations, des signi¬ fications différentes voire apparemment opposées. Le pidgin-english a la propriété d'abolir les distances entre des individus dissemblables. D'autre part, il est objet d'appropriation de la part de certains groupes au niveau de l'ethnie (Bamiléké), de la profession et de la région (re¬ lations commerciales dans la région de Douala) et de la communauté nationale (Camerounais expa¬ triés) . Tout se passe comme s'il permettait l'ex¬ pansion de la relation interpersonnelle , mais à 77 l'intérieur de catégories prêlablement délimitées. Dans d'autres situations encore, le pidgin peut être employé comme langue neutre, afin d'éviter des connotations qu'apporterait le choix d'une autre langue. On ne peut donc définir "ce que parler pidgin veut dire" indépendamment des situations d'énoncia- tion dans lesquelles cette langue est susceptible d'être utilisée. Chez un même locuteur, en effet, l'emploi du pidgin-english peut avoir un sens différent selon les circonstances. Ce sont les facteurs exposés en 2.3.,et connu implicitement par le locuteur, qui dictent ou proscrivent le choix du pidgin et qui déterminent sa signification. CHAPITRE III LA VARIATION EN PIDGIN-ENGLISH Lorsqu'il entreprend la description linguis¬ tique du pidgin-english parlé au Cameroun, le linguis¬ te doit faire face au problème de la variation bien connu des créolistes. Les sources de variation sont encore plus nombreuses dans le cas du pidgin-english que dans celui d'un créole puisqu'il faut tenir comp¬ te -entre autres- de l'influence des langues ethnique Dans ce chapitre, nous exposerons donc les sources de la variation puis nous mentionnerons les études antérieures qui ont traité du pidgin-english du Cameroun ainsi que la façon dont chacune aborde -ou évite- ce problème délicat avant de proposer no¬ tre propre point de vue. Enfin, nous poserons les pro blêmes auxquels nous nous sommes confrontée ainsi que les méthodes que nous avons utilisées pour faire la description linguistique du pidgin-english parlé au Cameroun. 79 3.1. SOURCES DE VARIATION 3.1.1. INFLUENCE DES LANGUES OFFICIELLES : LE P.E.A. ET LE P.E.F. Bien que nous ayons parlé jusqu'à présent du pidgin-english, l'étude linguistique nous condui¬ ra à faire une première distinction entre deux varié¬ tés : le pidgin - english parlé en zone francophone (P.E.F.) et le pidgin-english parlé en zone anglo¬ phone (P.E.A.). Les différences entre ces deux va¬ riétés sont très nettes en ce qui concerne les combinaisons de temps et d'aspects (cf. 6.). D'autre part, la relation du P.E.A. vis à vis de l'anglais est différente de celle du P.E.F. : le P.E.A. subit la pression normative de l'anglais standard alors que ce n'est pas le cas du P.E.F. Cette distinction entre P.E.A. et P.E.F. que nous faisons est perçue par les locuteurs qui ont eu l'occasion d'entendre parler ces deux varié¬ tés. Les Anglophones avouent qu'ils trouvent parfois "étrange" le pidgin des Francophones tandis que ceux- ci accusent les Anglophones de mélanger le pidgin et 1'anglais. 80 Nous avons essayé de savoir de quelle nature étaient les indicateurs qui permettaient de catégori¬ ser un locuteur comme étant originaire de la zone francophone ou originaire de la zone anglophone en faisant écouter trente enregistrements (trente-et-un locuteurs dont seize Francophones et quinze Anglo¬ phones)1 en pidgin à deux Francophones et deux An- glophones . Les indicateurs relevés par les auditeurs ont été presqu'exclusivement d'ordre phonétique et lexical. Deux fois seulement, un auditeur Francophone a noté une combinaison de temps et d'aspect utilisée par un Anglophone qui ne lui était pas familière. Ce peu d'attention aux différences d'ordre syntaxique est dû, à notre avis, au fait qu'elles n'entravent pas la compréhension de l'énoncé comme peuvent le faire des différences d'ordre lexical ou phonétique. 1- Il s'agissait de repiquages relativement courts ( de l'ordre de quelques minutes) faits parmi les enregistrements qui constituent notre corpus. Nous avons veillé, dans la mesure du possible, à ce que le contenu des énoncés sélectionnés ne donne aucune indication quant à l'origine ethnique, la connais¬ sance de l'anglais et/ou du français et le degré de scolarisation du locuteur. 2- Chaque auditeur a travaillé pendant plusieurs séan¬ ces avec nous, ceci pour éviter des négligences dues à la fatigue. Les deux Francophones (également fran¬ cophones, cf. p. 53, note 2) avaient une certaine connaissance de l'anglais, acquise pendant leurs études et les deux Anglophones (également anglopho¬ nes) , se trouvant à Yaoundé, avaient une bonne connais¬ sance du français qu'ils devaient pratiquer quoti- quotidiennement. 81 De plus, l'essentiel en pidgin-english, c'est de bien se comprendre et non de bien parler (d'après nos propres observations, ceci consiste d'ailleurs non pas à choisir des formes syntaxiques qui seraient ca¬ tégorisantes - tel le plus-que-parfait du subjonctif en français- mais à avoir un débit de parole rapide et à utiliser un nombre important de mots et d'expressions ressentis comme "pidgin" plutôt que de se laisser aller à la facilité en recourant à des emprunts à l'anglais ou au français. Les réalisations phoniques des locuteurs de la zone anglophone sont plus proches de l'anglais standard que celles des Francophones, comme le mon- 3 trent les quelques exemples ci-dessous . FRANÇAIS PIDGIN aimer nuit maison vomir se marier réalisations des Francophones 'Ie k/'Ie k 'net/'net 'hos/'hos 'vomos 'ma ret/'ma ret réalisations des Anglophones I a j k na jt h a us/'haos vomit ma r i ANGLAIS like night hou se vomit marry 3- Il ne s'agit ici que des réalisations les plus fréquemment rencontrées dans chaque groupe. Les lexèmes pidgin sont écrits en A.P.I. 82 Les différences d'ordre lexical ont été surtout relevées par les Francophones. Ceci est dû au fait que les Anglophones possèdent, en général, le lexique du P.E.F. mais qu'ils ont en outre l'habitude d'uti¬ liser des mots empruntés à l'anglais standard. Nous donnons ici,à titre d'exemple, quelques lexèmes relevés dans les énoncés des Anglophones par les Francophones ainsi que les termes équivalents que ceux-ci ont proposé : PIDGIN FRANÇAIS réalisations des Anglophones ' t î t J ï n ' I o ' e v r i ' st at ' wen/'wen réalisations des Francophones 4 ' I a n (< A. learn) mo ' jo (< D .moyo) *eni (< A. any) b i ' k i n (< A.begin) ' ta jm 'we/'we (< A. time) apprendre membre de la belle-famille chaque commencer quand Les différents degrés de connaissance de l'an¬ glais des locuteurs est une cause importante de variation. Les Anglophones non scolarisés parlent, de ce fait, une variété plus proche du P.E.F. que les Anglophones 4- Le P.E.F. 'lan est ambigu puisqu'il signifie à la fois "apprendre à quelqu'un" et "apprendre de quel¬ qu'un". Le P.E.A. 'titj permet de lever 1'ambiguïté. 83 scolarisés. Durant nos tests d'identification, les audi¬ teurs Anglophones ont souvent insisté sur la distinc¬ tion entre Anglophone scolarisé et Anglophone non scolarisé. Il est d'ailleurs arrivé qu'un Anglophone non scolarisé soit identifié comme étant Francophone à la fois par les auditeurs Francophones et Anglopho¬ nes étant donné sa "prononciation" moins anglicisée et l'absence de mots tenus pour anglais par les Francophones. Il est difficile de savoir , sans une étude sociolinguistique approfondie, dans quelle mesure la connaissance du français influence le P.E.F. Cette influence est certainement moins évidente que celle de l'anglais pour le P.E.A. Nous pouvons cependant signaler un exemple tiré du questionnaire "Greenberg, Tervuren, Welmers" (1968) qui a été soumis en français à trois locuteurs et en anglais à deux locuteurs. Les locuteurs I et II sont originaires de la zone francopho¬ ne (mais II, une étudiante, connaît l'anglais), le locuteur III est originaire de la zone anglophone mais est francophone et ne parle pas anglais (elle vit à Douala et ses parents installés à Douala également ne parlent ni français ni anglais). IV et V sont Anglo¬ phones. Pour le n° 218, mosquito (moustique), II, IV 84 et V donnent [mos'kito], I [mos'tiko], III [mus' tiko]. L'inversion k/t chez deux Francophones (non anglophones) est sans doute due à l'influence de F. moustique. Il faudrait vérifier si cette dif¬ férence se maintient lors de conversations "naturelles 3.1.2. AGE L'âge est également un facteur important. Il est d'ailleurs souvent lié à la scolarisation. De ce fait , les "vieux papas de l'époque allemande " dans la plupart des cas non scolarisés, ou ayant suivi un enseignement primaire en allemand, parlent en zone anglophone une variété de pidgin relativement proche du P.E.F. Certains, en outre, utilisent - en zone anglophone comme en zone francophone- la forme verbale bin 'lif fo (cf. 6.) inconnue des Anglophones et des Francophones plus jeunes. 3.1.3. SUBSTRAT LINGUISTIQUE Le substrat linguistique du locuteur joue un rôle au niveau phonique et prosodique. Les Bamiléké, par exemple, sont facilement reconnus comme tels lorsqu'ils parlent pidgin car ils ont tendance -entre 5- plutôt que les "vieilles mamans"»qui restaient au village et ne parlaient pas pidgin. 85 autres- à prénasaliser les plosives en position initiale : [dem]/[ndem] ("ils"; "elles"); [ 'brada ]/[ 'mbrada ] ("frère"). Chez les Peul, par contre, [J] est souvent réalisé [s]6 : [ ' î Q g I i J 1 / [Trjg I i s ] ("anglais" ) . En ce qui concerne les Francophones du Sud- Cameroun, on a pu distinguer jusqu'à quatre groupes ethniques principaux : douala, bassa, bamilékê et ewondo. Pour les Anglophones, la distinction a été établie en termes géographiques : région de Bamenda, région de Victoria . Cette distinction a, elle aussi, une valeur linguistique puisque les langues de la région de Bamenda sont du type "bantu des Grassfields" alors que dans la région de Victoria elles appartiennent au groupe duala7.Enfin, les Nordistes (Peul), sont facilement reconnus mais classés comme Francophones ou Anglophones selon l'endroit où ils pratiquent le pidgin et l'influen¬ ce plus ou moins grande de l'anglais qu'ils sont O susceptibles de subir en zone anglophone . 6- On ne trouve pas, en pidgin, la constrictive palatale. [ 3 ]. 7- Aucun locuteur de la région de Mamfé n'était présent dans le test. Sans doute aurait-il été jugé comme appartenant à un troisième groupe. 8- Un certain nombre de Peul se sont installés dans la région de Bamenda (zone anglophone) étant don¬ né l'abondance de pâturages en altitude. 86 3.1.4. CONDITIONS D'ENONCIATION Un pidgin, langue de contacts interethniques, s'apprend en dehors du village; de la maison. C'est ainsi que de nombreux Bamilëké disent avoir appris le pidgin à Douala (avec des Bamiléké de langue maternel¬ le différente ou encore avec des Camerounais du Littoral) tandis qu'un certain nombre de Douala disent l'avoir appris au marché, avec les vendeurs Bamiléké : au propre substrat linguistique du locuteur peuvent se superposer .certaines habitudes linguistiques des interlocuteurs-initiateurs. Ceci explique les erreurs concernant l'origine ethnique de certains locuteurs de notre test. Tel Douala a pu être iden¬ tifié comme Bamiléké étant donné la présence de plo- sives prénasalisées , habitude qu'il a dû "rapporter" de l'Ouest où il a passé une partie de sa jeunesse. Cette source de variation a été également remarquée chez deux frères bamoun d'âges très proches et de niveaux de scolarisation semblables : ayant effectué leur scolarité dans des villes différentes et ayant eu, par conséquent, des interlocuteurs-ini¬ tiateurs différents, ils n'utilisaient pas toujours les mêmes variantes phoniques. De nombreux lexèmes présentent, en effet, un 87 grand nombre de variantes phoniques, non seulement chez des locuteurs différents mais aussi chez un même locuteur. C'est ainsi que le questionnaire de notre esquisse phonologique (1975) montre souvent plusieurs variantes chez un même locuteur. Cette variation hors-contexte met en évidence l'absence de norme explicite en ce qui concerne la "prononciation" des mots pidgin : le locuteur n'a pas à sa disposition une variante qui soit plus valorisée ("c'est comme cela qu'il faut dire") qu'une autre et il reconnaît "qu'on peut dire ceci ou cela; que c'est la même chose". Ainsi trouve-t-on cinq réalisations différentes correspondant au mot "hôpital" dans notre question¬ naire soumis à six locuteurs Francophones : ['hospita], ['ospita], ['wospita], ['wospita], ['waspita] (deux fois) bien que les identités phonologiques de /a/, /o/, /w/ et /h/ aient été établies. De ce fait, dans une conversation, le choix d'une variante par le locuteur pourra être influencé par le propre choix de l'interlocuteur (qui, lui- même, pourra utiliser plusieurs variantes). Aux niveaux phonique et lexical, le locuteur 88 peut être amené (de façon plus ou moins consciente) à "adapter" son pidgin. Ceci est vrai, en particulier, chez les Anglophones qui ont pour interlocuteurs des Francophones (et vice versa) ou encore des Anglophones non scolarisés qui parlent un pidgin conservateur. Ainsi, nous avons remarqué que Christie N. (Anglopho¬ ne d'une vingtaine d'années, ayant fait des études supérieures) utilisait avec ses amis (dont nous-même) qui connaissaient l'anglais un pidgin nettement an¬ glicisé. Par contre, lorqu'elle s'est trouvée en position d'enquêtrice avec des "vieux papas", son pidgin était beaucoup plus conservateur. Parfois, même, tel mot anglais qui lui avait "échappé" était immédiatement remplacé par un mot ou une périphrase susceptible d'être compris par son interlocuteur : 9 Som 'dat yu girlfiend-dem ... 'dat yu 'wuman-dem IND/ces/tes/amie-s/ces/tes/femme-s/ 'we yu bin di 'tif-am, 'som 'wan, dero ' stil 'de que/tes/PAS/INAC/voler-les/IND/elles/encore/être fo 'wol? au/monde "Certaines de vos petites amies,ces femmes que vous 9- Les mots "échappés" qui seraient perçus comme an¬ glais et non pidgin par des Francophones sont soulignés et laissés avec leur orthographe anglaise. Cf. 3.6. pour la graphie des énoncés pidgin. 89 voliez [à leur mari], il y en a qui sont encore en vie?" * - Suppose..., 'mek wi 'djos 1tok 'se (...) supposez /INJ/nous/juste/dire/que "Supposez..., disons simplement que (...)" La vigilance métalinguistique, contrairement à ce que l'on serait tenté de penser, n'était pas la plus forte, lors de conversations en pidgin, avec des personnes comprenant l'anglais telles que nous- même mais plutôt avec celles qui ne parlaient ni l'anglais standard ni un pidgin anglicisé. Il fallait, dans ce cas, que Christie N. veillât à ne pas employer des lexèmes empruntés à l'an¬ glais qui n'auraient pas été compris par son in¬ terlocuteur. 3.2. ETUDES PRECEDENTES A notre connaissance, la première description linguistique du pidgin-english parlé au Cameroun est celle de G.D. Schneider (1966)10. Malgré son titre, 10- Il faut également mentionner d'autres travaux, plus anciens, de Schneider, dont l'objet central n'étaient pas, à proprement parler, une descrip¬ tion linguistique. Il s'agit du Cameroons Creole Dictionary (1960) et de First Steps in Wes-Kos (1963), manuel pédagogique destiné aux membres du Peace Corps américain. 90 West-African Pidgin-English, il s'agit de la descrip¬ tion d'une seule variété de pidgin parlée dans la zone anglophone du Cameroun. Schneider fait remarquer que "the West Cameroon speaker opérâtes along a communication continuum stretching from a highly anglicized version of Pidgin- English to a version closely resembling his own first language " (1966 : 10). Cependant, les trois différentes prononciatiors de phrases hors-contexte données par l'un de ses informateurs ne peuvent servir de justi¬ fication à L'affirmation de l'existence d'un conti¬ nuum et Sch:ie;ider distingue trois variétés de pidgin • I ("anglicized', "broad Pidgin-English" et "assimilated") reliées entre elles par des zones d'interférences i (p. 11). Il choisit de décrire ce qu'il appelle le "broad Pidgin-English", c'est à dire le "common core" (Hockett, 1968 : 332) des idiolectes de ses informa¬ teurs (dont les principaux sont au nombre de quinze), originaires pour la plupart de la province du Nord- Ouest. L'étude des "shared features of many speakers with differing first language backgrounds" (p. 9) permet à Schneider d'écarter toute variation de son analyse linguistique. L. Todd (1969) décrit le pidgin-english de trois informateurs âgés de vingt-cinq à trente-cinq 91 ans, originaires de la région du Nord-Ouest mais de langues maternelles différentes. Deux d'entre eux parlent bien anglais tandis que le troisième en a une moins bonne connaissance. Par conséquent, Todd constate des différences au niveau phonologique entre le pidgin-english des deux premiers informateurs et celui du troisième, qui subit le moins l'influence de l'anglais standard. Le pidgin de celui-ci, en effet, ne possède que deux diphtongues alors que celui des autres locuteurs en possède trois (cf. annexe V). La partie de la thèse de Todd (1975) consa¬ crée au pidgin-english comporte des énoncés produits par des locuteurs dont la langue maternelle est le lamso (une des langues ethniques de la province du Nord-Ouest). Il n'est donc pas étonnant de trou¬ ver un nombre de phonèmes sensiblement différent dans son étude de 1969 et dans celle de 1975''"''". F. Mbassi-Manga (1973), dans sa thèse sur 11- Cette variation d'un travail à l'autre chez un même auteur a pu être également constatée chez Schneider : "Schneider's several accounts of Pidgin-English have varied almost as much as the names by which he calls it. E.g. Cameroon Creole (1960) postulâtes eleven vowel phonemes, Wes-Kos (1963) reduces the number of vowels but retains phonemlc length; West African Pidgin- English (1967) is content with seven vowels and does not include length as a distinctive feature" (Berry, 1971 : 515, note 7). 92 l'anglais du Cameroun, reconnaît comme Schneider l'existence d'un continuum anglais-pidgin mais ne justifie pas vraiment cette affirmation. Dans sa description phonologique et lexicale du pidgin, considéré comme un dialecte de l'anglais, Mbassi- Manga fait mention de formes qui, selon lui, sont propres aux Francophones et se distinguent, par conséquent, de celles utilisées par les Anglophones. Cependant, cette distinction entre pidgin des Fran¬ cophones et pidgin des Anglophones n'apparaît pas au niveau syntaxique. Sa description syntaxique a pour objet le pidgin de certains Camerounais anglophones. Le manuel de pidgin destiné aux membres du Peace Corps américain (Dwyer, 1966) contient un certain nombre d'informations linguistiques. L'ana¬ lyse phonologique est basée sur "several informants' speech" (p. III). Mentionnons également l'Essai de description syntaxique du pidgin de la région de Buea (1978) d'A. Painvin qui est, elle aussi, fondée sur les énoncés d'un petit nombre de personnes. Le travail de G. Tchoungui (1974) n'est pas à proprement parler linguistique : il s'agit de connaître l'attitude d'étudiants camerounais Fran¬ cophones à l'égard de différentes variétés d'an- 93 l ? glais et du pidgin-english. Quelques pages sont consacrées à la description linguistique de celui-ci. Malheureusement, aucune information n'est fournie en ce qui concerne l'origine des données. Alors que les études que nous venons de citer se situent dans une perspective structuraliste, celle de C. Gilman (1972) s'inscrit dans un cadre génératif et transformationnel. Gilman fait la comparaison des structurel de la forme comparative en anglais, en français et en pidgin. Les énoncés pidgin utilisés sont extraits soit de l'étude de Schneider (1966), soit de ses propres "textes". Aucun renseignement n'est donné quant à la provenance de ces derniers. Le moment est venu de mentionner notre propre mémoire de maîtrise (Féral, 1975). Celui-ci a pour objet principal le pidgin-english parlé par les Francophones. Consciente du problème posé par la variation, nous nous sommes cependant contentée de faire l'esquisse phonologique du "common core" de six informateurs Francophones et de noter, le cas échéant, les différentes réalisations, chez un même locuteur, dans notre liste de trois cent vingt-six 12- Ce sont (1) le "West Cameroonian English", (2) le "West African English", (3) le "British English, (4) l"'American English" et (5) le "Canadian English". 94 mots. Dans la partie syntaxique, fondée sur les énoncés de locuteurs Francophones et Anglophones, les différences existant entre le P.E.F. et le P.E.A. dans certaines combinaisons de temps et d'as¬ pects ont été signalées. Nous nous sommes arrêtée là. . . Etant donné la diversité des informateurs qui ont collaboré aux travaux pré-cités, il n'est pas étonnant de voir attribuer au pidgin-english du Cameroun un nombre de consonnes variant entre dix- huit et vingt-neuf, et un nombre de voyelles variant entre cinq et onze (le nombre de monophtongues se situant entre cinq et sept et celui de diphtongues entre zéro et quatre; cf. annexe V). 3.3. PROBLEMES POSES PAR LA DESCRIPTION PHONETIQUE ET PHONOLOGIQUE Etant donné la grande hétérogénéité que montrent les descriptions phonétiques et phonologiques que nous venons de mentionner, le lecteur peut se demander s'il existe vraiment un système phonologique pidgin. Apparem¬ ment non. Comme le note W. Labov (1971 : 454) : "Pidgins (...) seem unsystematic in both senses noted ; the absence of well-defined norms and the high degree of individual variation". Il faut cependant souligner le 95 fait que malgré la variation les locuteurs arrivent à se comprendre. Il est possible d'envisager la co-existence de plusieurs systèmes phonologiques : chaque locuteur utiliserait un système plus ou moins marqué par celui de sa propre langue maternelle et la connaissance de l'anglais standard qu'il est susceptible d'avoir. L'auditeur ré-interpréterait l'énoncé du locuteur dans son propre système. La variation chez un même individu, par exemple celle de [au] et [o] dans [haus]/[hos] ("maison"), serait interprétée comme provenant de l'interférence de deux systèmes. Dans le cas de [au], il s'agirait d'une interférence de 1'anglais. Mais rappelons à ce sujet la définition de l'interférence que donne U. Weinreich (1974 : 1) : Those instances of déviation from the norms of either language which occur in the speech of bilinguals as a resuit of their familiarity with more than one language i.e. as a resuit of language contact, will be referred to as interférence. L'interférence suppose donc que les "normes" des deux langues en contact aient été définies et que le locuteur qui subit le phénomène d'interféren- 96 ce soit bilingue. Ces deux conditions ne sont pas remplies : d'une part, le système phonologique pidgin, s'il y en a un, n'a pas été encore défini, d'autre part, on peut remarquer l'alternance [au]/[o] chez des Anglophones qui ne connaissent pas l'anglais stan¬ dard. Considérer, à priori, l'existence d'au moins deux systèmes, celui de l'anglais (standard) et celui du pidgin, oblige le linguiste à décider, dès le dé¬ but de son étude, de l'identité anglaise ou pidgin du lexique de son corpus sur lequel sera fondée l'a¬ nalyse phonologique. La grande majorité du vocabulaire pidgin- english est, comme son nom l'indique, d'origine 13 anglaise . Mais où s'arrête t-il? Dans la thèse de Schneider, par exemple, nous avons trouvé des lexèmes (qu'il utilise pour justifier l'identification de certains phonèmes) qui sont inconnus d'un grand 13- Selon Schneider (1966), 85% du vocabulaire pidgin- english camerounais viendrait de l'anglais, 13% de langues africaines et 2% de langues européennes autres que l'anglais (français, portugais, espagnol, allemand). Cf. également Schneider, 1960. 97 nombre de Francophones et même de certains Anglo¬ phones. Qùeis sont les critères qui permettent à Schneider d'identifier tel mot comme pidgin plutôt qu1"anglais du Cameroun", par exemple? En effet, la plupart des Camerounais anglophones n'ont pas le système phonologique d'un Anglais qui parlerait avec la "received pronunciation". Par exemple, /0/ et /ô/ sont respectivement réalisés [t] et [d] par beau¬ coup. Un critère d'ordre phonétique ne suffit donc pas pour différencier un mot "anglais" d'un mot "pidgin" et, de toute façon, suppose que l'étude phonologique ait été faite. Les exemples ci-dessous, tirés du questionnaire de Greenberg et soumis aux cinq locuteurs cités en 3.1.1. illustrent sommairement -et d'une façon sans 14 doute simpliste- mais clairement le problème. Pour le propos de cet exposé, trois types de réponses ont été identifiés : (1) le cas où les réponses des Francophones et des Anglophones étaient semblables (ce cas ne pose aucun problème); 14- Cf. en 3.5., la discussion sur l'emploi des ques¬ tionnaires linguistiques. 98 (2) le cas où les réponses de IV et V étaient différentes de celles de I, II et III; (3) le cas où la réponse de IV ou de V était différente de celles des autres locuteurs. FRANCOPHONES ANGLOEHONES 2° cas I II III IV V n °* 107 : saliva (salive) wata- 'mof wata- 'mot wata- 'mop 'spi t 'sp i t n° 377 : blind (aveugle) 'no di 'si 'no di ' 1uk 'no di 'si 'b 1 a j n 'b1ajn 3° cas n° 73 : elbow (coude) bak-'han 7 7 bak- 'han 'e 1 bo n° 88 : buttocks (fesses) 'las 'las ' 1 as 'las 'botom n° 362 : thin (maigre) 'smo 1 ' smo 1 'smo 1 't î n ' smo 1 n° 93 : thigh (cuisse) 'fut 7 7 'fut 'eaj Tableau 1. Quelques réponses au questionnaire de Greenberg Dans le deuxième cas, 'sp î t peut être considéré 99 comme la variante P.E.A. du P.E.F. wata-'mof/p puis¬ que l'anglais standard spit ("cracher") n'est pas attesté comme nom dans l'usage courant dans le sens de saliva . Par contre, 'blajn (A. "blind") peut être considéré soit comme un mot emprunté à l'anglais, soit comme une variante P.E.A. qui permet d'éviter la péri¬ phrase P.E.F. 'no di 'si/'luk (NEG/INAC/voir; "ne voit pas"). Il faudrait savoir si les Anglophones non scola¬ risés emploient ou non ce mot. Dans les trois premiers exemples du troisième cas ('elbo, 'botom, 'tin), on peut supposer que le terme seulement utilisé par un des locuteurs Anglophones est un emprunt de l'anglais puis¬ que l'autre locuteur Anglophone donne un lexème connu des Francophones. En ce qui concerne le dernier exemple, '0aj, on serait tenté de le définir comme une interféren ce de l'anglais étant donné la présence de [9] et de l'écarter, par conséquent, de la description...mais ce serait se servir, encore une fois, de critères linguis¬ tiques alors que la description phonétique et phonologi¬ que fait l'objet de l'étude. 15 Pour échapper à cette envie quasi-irrésistible de décider de façon arbitraire de l'identité pidgin ou 15- Celle du linguiste , surtout si sa langue maternelle est l'anglais, mais il faut se méfier, aussi, de celle de certains locuteurs. Cf. en 3.4.1. la discus sion concernant l'intuition des locuteurs dans la justification d'une analyse en termes de systèmes co-existants. 100 anglaise de tel lexème, on pourrait fonder la descrip¬ tion phonétique et phonologique sur un "common core" lexical. Mais cette approche ne peut servir que l'ana¬ lyse phonologique. Dans l'étude lexicale, on continuera de se poser la question : ce mot doit-il être considé¬ ré comme pidgin ou anglais? Si '0aj peut être cette fois-ci considéré comme une interférence de l'anglais, les cas de 'tin, 'blajn etc. ne seront pas pour autant résolus. 3.4. SYSTEMES CO-EXISTANTS OU CONTINUUM? 3.4.1. QUELQUES ARGUMENTS Envisager l'étude du pidgin en termes de sys¬ tème (s-) co-existant (s) avec l'anglais nous oblige, en effet, à définir les limites de ces systèmes. Dans Pidginization and Creolization of Languages (Hymes, 1971), il est remarquable que les partisans de plusieurs systèmes co-existants soient des locuteurs "natifs", tels B. Bailey pour le créole de la Jamaïque et S. Tsuzaki pour l'anglais d'Hawaii. Par contre, D. Decamp qui propose l'analyse du continuum anglais- créole de la Jamaïque au moyen d'une échelle impli- cationnelle est étranger à la communauté linguistique qu'il étudie. Ceci est également le cas de D. Bickerton (1973, 1975) qui considère le continuum anglais-créole 101 de Guyane comme un "système dynamique". Il nous semble que les raisons qui plaident en faveur de plusieurs systèmes sont d'ordre politi¬ que, culturel et sociologique plutôt que proprement linguistiques. Prenons le cas du créole de la Jamaï¬ que : bien qu'admettant l'existence d'un continuum, Bailey considère néammoins deux systèmes dans son analyse linguistique pour des raisons d'ordre pé¬ dagogique (1971 : 341) : In our zeal of linguistic truth and our search for better methodology for present- ing these truths we must not lose sight of some very practical problems, such as the very mundane one of teaching the standard to speakers of some non-standard variant. If therefore, I have preferred to operate with two distinctly divergent pôles, and to regard ail performances which occur within the continuum as beXon9i-ng to one or the other of these pôles1", it is because contrastive analysis remains the single most valuable tool with which linguistics has provided pédagogue. Le créole que décrit Bailey (1966) est donc un créole idéal, que très peu de locuteurs, s'il en est, parlent effectivement. Le but de Decamp, Dar contre, est de décrire la réalité et de trouver un modèle capable d'en rendre compte (nous ne discute- 16- Souligné par nous. 102 rons pas ici son modèle implicationnel mais ren¬ voyons plutôt le lecteur aux critiques qu'en font Labov (1971 : 464) et Bickerton (1973 : 641). Chez certains auteurs,le fait que les locu¬ teurs distinguent plusieurs codes est un argument de poids en faveur d'une analyse en termes de sys¬ tèmes co-existants. Tsuzaki, par exemple, malgré le manque de justifications linguistiques qui lui permettraient d'opter en faveur d'une telle analyse, continue cependant à l'envisager car, dit-il, "it is a relatively neat and simple explanation of the H.E. [Hawaiian English] situation which is basically in accord with my native intuition" (1971 : 334) . C. Lefebvre (1974) utilise ce même type d'ar¬ gument pour se prononcer en faveur d'une analyse en termes de systèmes co-existants pour rendre compte de la situation linguistique martiniquaise. Elle affirme, en effet, que : "any speaker of at least one of the two codes can discriminate between French and Creole utterances in a discourse which contains many switches" (p. 65) . Cette affirmation est fondée sur une expé¬ rience faite avec quatre personnes (deux élèves mar¬ tiniquaises ,bilingues , une Martiniquaise âgée, mono- 103 lingue, et un Français ne parlant pas créole). C. Lefebvre leur a fait écouter une conversation entre deux locuteurs martiniquais bilingues à qui elle avait demandé de changer de code aussi fréquem¬ ment que possible. Elle estime que cette conversa¬ tion contient cinquante-huit séquences et cinquante- sept alternances. Les distinctions faites par les locuteurs ont été identiques exception faite de trois séquences. Lefebvre conclut : "if the speakers of at least one of the two codes can identify each code in a body of data which contains alternate utterances of French and Creole, then French and Creole are two différent codes despite the fact that they are realized with variation on a performance level". Lefebvre ne tient donc pas compte des trois "exceptions" qui, à notre avis, font problème et pourraient tout aussi bien (tout aussi mal) servir d'argument en faveur d'une analyse en termes de continuum. Car il convient d'ajouter que les excep¬ tions de ce genre sont inévitables étant donné le recouvrement partiel -aussi petit soit-il- des gram¬ maires du créole et du français (il en est de même pour le pidgin et pour l'anglais) et que ce type de test ne peut donner qu'une idée du degré d'interpéné¬ tration possible des deux codes en question. D'autre part, les données sont "faussées" dès le commencement de l'expérience puisqu'on a demandé aux locuteurs de 104 changer de code et que, par conséquent, ils le font volontairement, avec une plus grande vigilance méta- linguistique que s'il s'agissait d'une situation na¬ turelle . Une autre expérience a été faite par le même auteur : il s'agissait de faire écouter à une ins¬ titutrice martiniquaise la même histoire racontée en créole par onze locuteurs et en français par les dix locuteurs qui connaissaient cette langue. L'auditrice devait "commenter" la langue utilisée. Nous reprodui¬ sons à la page suivante le tableau récapitulatif de .ses commentaires; Ce test conduit Lefebvre à faire remarquer que "even if the speakers can uncounsciously perceive a linguistic continuum on the performance level e.g., when talking about varieties of speech they recognize 17 ii only two codes "(p. 60). Mais peut-il en être autrement lorsque la dichotomie français/créole a une signification poli¬ tique et sociale dont sont conscients sinon tous les Martiniquais du moins les informateurs de Lefebvre? En outre, l'informateur qui lui permet de construire 17- Souligné par nous. 105 Code Labeled varieties Eléments of définition (a) Creole of the the variety of Creole old people (créole the farthest from French des vieux ou créo¬ le plat) (b) Intermediate far from French except Creole Creole (créole that no old expressions moyen ou intermé¬ are found diaire) (c) Creole of the closer to French young people (créo¬ (vocabulary and phonology) le rajeuni ou créo¬ le des jeunes) (a) Pure French perfect phonology, (français pur ou grammar and vocabulary français livresque) (b) Correct French this variety is "good" (français correct) French but not sophisti- cated as the variety of French French (a), French spoken as we write it (c) Intermediate the style is imperfect, French (français creolisms moyen) (d) Bad French grammatical mistakes and (mauvais français) presence of creolisms Tableau 2 . Les variétés de français et de créole mar¬ tiniquais selon un informateur (C. Lefebvre, 1974 : 68) . 106 le tableau reproduit ci-dessus est une institutrice, très sensible, étant donné son métier, à la valeur de référence de la norme prescriptive du français standard (notons que les variétés de français sont décrites en termes de bon/mauvais tandis que celles du créole le sont en termes de vieux/jeune) et à la distinction français/créole qu'elle doit maintenir nette (pour des raisons pédagogiques évidentes) dans son enseignement du français à ses élèves créolopho- nes. Néammoins, l'informateur perçoit plusieurs va¬ riétés qui sont ordonnées d'une manière telle que "the scale looks like a continuum "(Lefebvre 1974 : 68) . Il importe ici, à notre avis, de ne pas confondre le niveau strictement linguistique (représenté dans le tableau de Lefebvre par les sept "variétés") et le niveau que nous qualifierons de "culturel" faute d'un meilleur terme (représenté dans le tableau par les deux "codes"). En bref, nous dirons que l'introspection ne doit pas remplacer des arguments d'ordre exclusivement linguistique. Les critères sur lesquels s'appuie D. Bickerton pour analyser la situation guyanaise en termes de continuum sont effectivement d'ordre linguistique.En effet, Bickerton fait remarquer que les réalisations des locuteurs guyanais appartiennent le plus souvent non pas au créole le plus éloigné de l'anglais (le 107 "basilecte") ni à l'"educated Guyanese English" (1'"acrolecte") mais à un stade intermédiaire : le "mésolecte". Dans la situation guyanaise dé¬ crite par Bickerton, il ne peut s'agir de trois sys¬ tèmes même si cet auteur, pour des raisons de com¬ modité, considère trois étapes du "système dynamique" qu'il entreprend de décrire. En effet, il n'y a pas un mésolecte mais plutôt des mésolectes (1973 : 642, note). Le nombre de formes qui figurent dans le (s) mésolecte(s) diffère selon les items considérés. Par exemple, le pronom sujet masculin de la troisième personne du singulier (h)i a la même forme tout le long du continuum,(Bickerton, 1973 : 657) tandis qu'il existe quatre formes pour le pronom objet féminin de la troisième personne du singulier : am/i/shi/or (p. 658). Si l'on regarde, en outre, les formes du pronom sujet masculin, féminin, neutre; du possessif masculin, féminin; du pronom objet masculin, féminin, neutre (soit en anglais, en respectant l'ordre que l'on vient de donner : he, she, it; his, her; him, her, it), on peut noter au moins neuf "étapes", effec¬ tivement réalisées, entre le basilecte et 1'acrolecte (Bickerton, 1973 : 659-660) : I- i, i, i; i, i; am, am, am II- i, shi, i; i, i; am, am, am 108 III- i, shi, i; i, i; am, am, it IV- i, shi, i; i, i; i, i, it V- i, shi, i; i, i; i, shi, it VI- i, shi, i; i, shi; i, shi, it VII- i, shi, it; i, shi; i, shi, it VIII- i, shi, it; i, shi; im, or, it IX- i, shi, it; iz, or; im, or, it Les changements qui permettent de passer du basilecte à l'acrolecte sont donc graduels. Notons qu'on assiste non seulement à un changement de formes mais aussi à une restructuration du système avec l'ap¬ parition, dans les exemples ci-dessus, d'une distinc¬ tion formelle entre féminin et masculin et entre pos¬ sessif et pronom sujet, absente dans le basilecte. C'est cette succession constante de changements au niveau structurel qui incite Bickerton à parler d'un continuum, d'un "système dynamique" plutôt que de plu¬ sieurs systèmes et il souligne la difficulté et le caractère artificiel que présenterait la division du continuum en plusieurs systèmes( cf. 1975 : 12-13-14), même si l'on admet une certaine variation à l'intérieur 109 de, et entre chaque système. Un autre argument invoqué par Bickerton est le fait que la grande majorité des locuteurs guyanais comprennent toutes les formes du continuum même s'ils ne les produisent pas toutes. Une analyse en termes de systèmes co-existants ne pour¬ rait rendre compte de la compétence des Guyanais en tant qu'auditeurs ("hearer compétence"; Bickerton, 1975 : 14) . 3.4.2. L'ANALYSE SYNTAXIQUE DU P.E.F. ET DU P.E.A. Au Cameroun, la variété de pidgin-english la plus éloignée de l'anglais, loin d'être une abstrac¬ tion, se trouve chez les locuteurs de la zone fran¬ cophone. Il n'est pas difficile de poser à priori le P.E.F. comme un système différent de l'anglais puis¬ qu'il n'est pas -pour le moment- en contact direct avec celui-ci. On a vu plus haut les problèmes auxquels se heurte l'analyse phonologique, même chez les Franco¬ phones. Par contre, la syntaxe du P.E.F. présente peu de variation et c'est elle qui nous permet de parler d'un système pidgin autonome; différent de 1'anglais. Une grande partie de la syntaxe P.E.A est com¬ mune avec celle du P.E.F. Cependant, certaines formes 110 aspecto-temporelles appartiennent exclusivement soit au P.E.A., soit au P.E.F. - tout en restant dans les deux cas distinctes des marques de l'anglais- . On peut donc raisonnablement considérer le P.E.A. et le P.E.F. comme deux variétés d'un même système. La description syntaxique du P.E.A. pose plus de problèmes que celle du P.E.F. étant donné la prêsen ce d'une certaine variation due à l'influence normati¬ ve de l'anglais standard. Notons, toutefois, que cette variation ne concerne que certaines formes syntaxi¬ ques et que celles-ci sont en nombre beaucoup plus restreint, semble^-t-il> que dans le créole guyanais décrit par Bickerton. Il nous semble important de garder au centre de la description du P.E.A. une forme telle que en variation avec -dem (en ce qui concerne la marque du pluriel des noms) -même s'il est évident que sa présence est due, à l'origine, à une interférence de l'anglais- étant donné sa fréquence d'emploi et son utilisation en zone anglophone par des locuteurs qui ne connaissent pas l'anglais. D'un autre côté, il ne semble pas y avoir de changement graduel (d'un basilec te vers un acrolecte en passant par "du" mésolecte, comme dans le cas du créole guyanais) des formes syn¬ taxiques (ou de fonctions syntaxiques différentes présentant une même forme) en ce qui concerne une 111 partie non négligeable de la syntaxe pidgin. Nous ne parlerons donc, dans l'étude présente, ni de continuum, ni d'interférences entre deux systèmes (l'anglais et le pidgin) mais tout simplement , en ce qui concerne le P.E.A., de variation linguistique orientée en direc¬ tion de l'anglais standard. L'objet de notre étude syntaxique étant avant tout le P.E.F., nous nous contenterons, partant de ce système, d'étudier les formes P.E.A. qui se différen¬ cient à la fois du P.E.F. et de l'anglais standard. Les marques P.E.A. qui se distinguent du P.E.F. mais qui sont identiques à celles de l'anglais stan¬ dard seront également signalées lorsqu'elles sont fréquentes dans notre corpus P.E.A. Nous ne tenterons pas, cependant, de savoir s'il est possible de dres¬ ser une frontière entre l'anglais et le P.E.A. L'é¬ tude des rapports linguistiques entre l'anglais et le P.E.A. (envisagés soit comme deux système distincts, soit comme un seul système) demande, en effet, un tra¬ vail d'ordre quantitatif qui dépasse le cadre de cette étude mais que nous espérons pouvoir entreprendre ulté¬ rieurement . 3.5. RECUEIL DES DONNEES Le recueil des données a eu lieu lors de qua- 112 tre séjours au Cameroun : le premier de trois mois, en 1974; le second de cinq mois, en 1975-76; le troi¬ sième, de façon marginale, lors d'une mission de huit mois, en 1977-78, qui avait pour objet le français parlé dans le Sud-Cameroun (Action Thématique Program¬ mée du Centre National de la Recherche Scientifique sur les "connotations socioculturelles du français en Afrique Noire"). Le dernier séjour a duré deux mois (juillet-août 1978). Il est difficile de trouver une solution à ce que W. Labov appelle le "paradoxe de l'observateur" : "observer la façon dont les gens se servent du langage quand on ne les observe pas" (1976 : 116) . Nous avons donc cumulé des stratégies diverses afin de pallier aux défauts de chacune. Il était important de travailler sur des conversations "naturelles" (dans la mesure du possible). Par conséquent, des enregistrements ont été faits -par nous-même dans la plupart des cas mais aussi par des enquêteurs camerounais- sur les places de marché, dans les transports en commun, des buvettes, des services publics, ou encore lors de soirées entre amis. L'emploi d'un microphone incorporé au magnétophone était facile¬ ment oublié voire totalement ignoré des locuteurs. Cet¬ te méthode, cependant, donne une qualité d'enregistre- 113 ment très médiocre. Pour cette raison, nous avons également recueilli avec un Uher 4000 Report IC des conversations entre deux personnes, trois au maxi¬ mum, ou encore des récits, les locuteurs étant par¬ faitement conscients du fait qu'ils étaient enregis¬ trés. Cette deuxième méthode, en outre, nous permet¬ tait d'avoir une autre situation d'énonciation, plus conventionnelle. Le recueil des données s'est effectué dans plusieurs régions du Cameroun : en zone anglophone, dans la région de Bamenda (province du Nord-Ouest) et dans celle de Victoria (province du Sud-Ouest). En zone francophone, dans le Pays Bamiléké (provin¬ ce de l'Ouest) , dans la région de Douala (provin¬ ce du Littoral) mais aussi dans la province du Centre-Sud située en dehors des "frontières pidgino- phones" : à Yaoundé (Pays Ewondo) et à Sangmélima (Pays Boulou). Nous disposons ainsi de près de tren¬ te heures d'enregistrements : quatorze heures et quel¬ ques avec des habitants de la zone francophone dont plus d'une heure avec des "vieux de l'époque alleman¬ de"; treize heures et quelques avec des habitants de la zone anglophone dont trois heures avec des "vieux de l'époque allemande""; enfin, plus de deux heures de conversations entre des Anglophones et des Fran¬ cophones. A ceci, il convient d'ajouter les enregis- 114 trements de plusieurs messes et cultes ainsi qu'un corpus écrit (traductions de la Bible, catéchismes, sermons, coupures de journaux, poèmes ronéotypés). Le corpus, aussi vaste soit-il, n'offre pas toutes les données dont le linguiste a besoin et ne peut répondre à toutes les questions concernant l'acceptabilité de certaines phrases. Le recours à l'intuition de l'informateur nous paraît cependant très aléatoire, même pour une langue standardisée tel¬ le que le français. Nous nous rappelons, en effet, notre incapacité de répondre lorsque, aux Etats-Unis, un étudiant américain nous avait demandé si dans telle phrase française il fallait employer le subjonctif ou l'indicatif : hors situation d'énonciation "naturelle", nous ne savions plus! Outre le fait qu'il n'y a pas en pidgin -sauf rares exceptions non représentatives- de locuteurs natifs, il faut ajouter qu'il doit être très diffi¬ cile de réfléchir sur la grammaticalité de telle ou telle phrase, hors-contexte, lorsqu'il s'agit d'une langue qui n'a pas de norme prescriptive. De plus, il faut décider en quelle langue travailler : si on choi¬ sit le pidgin, l'enquêteur (nous, en l'occurrence) ris¬ que d'influencer l'informateur par ses propres énoncés. D'autre part, si l'anglais et le français sont utilisés, outre le fait que les locuteurs qui ne connaissent pas 115 au moins l'une de ces deux langues sont exclus de l'étude, les informateurs doivent travailler dans deux langues (pidgin et français ou pidgin et anglais) qui pour eux ne sont pas natives! Ajoutons que si l'outil de travail est l'anglais, le pidgin de l'in¬ formateur anglophone risque d'être plus anglicisé que de coutume. Comme a pu l'observer W. Labov lors de ses propres enquêtes ( 1971 : 450) : "whenever a subordinate dialect is in contact with a superordinate one, linguistic forms produced by a speaker of the subordinate dialect in a formai context v/ill shift in an unsystematic manner towards the superordinate". Il s'agit ici du phénomène d'hypercorrection mais le phé¬ nomène inverse "1'hyper-créolisation", ainsi nommé par R.B. Le Page (cité par Labov) peut également se produi¬ re . Les locuteurs ont toutefois une idée (plus ou moins consciente) de ce qu'il faut dire ou ne pas dire pour "bien" parler pidgin, même si une plus grande to¬ lérance que dans le cas d'une langue standardisée est admise. Nous avons donc parfois utilisé l'introspection des locuteurs tout en sachant que les "erreurs" ris¬ quaient d'être nombreuses et que, par conséquent, il fallait faire une vérification dans une situation d'énonciation moins artificielle : lors d'une conver¬ sation, par exemple. Il est ainsi arrivé que des locuteurs refusent l'acceptabilité de certaines cons- 116 tructions telles 'de ADJ (en variation avec V; cf.4.) alors que dans une conversation ils l'employaient spontanément. Ce genre de contradiction est intéres¬ sant dans la mesure où il montre que le changement linguistique en cours n'est pas perçu consciemment par certains locuteurs. Le questionnaire "Greenberg, Tervuren, Welmers" (1968) a été également utilisé avec cinq informateurs (deux Anglophones, deux Francophones et une femme ori¬ ginaire de la région anglophone mais installée à Douala depuis son plus jeune âge et francophone). Le recours au questionnaire nous a permis de faire des comparaisons entre des énoncés similaires donnés par des Anglophones et des Francophones. De plus, son em¬ ploi présente un certain intérêt du fait même de son défaut principal : la tentation du calque. Le ques¬ tionnaire a ainsi mis en évidence des formes auxquelles nous avions prêté peu d'attention lors de conversa¬ tions "naturelles" et qui, si elles sont dues à l'ori¬ gine à une interférence de l'anglais, sont également la manifestation d'un changement linguistique plus général. Les exemples pidgin qui illustrent la des¬ cription syntaxique des chapitres suivants sont, dans la mesure du possible, tirés de notre corpus. Lorsque nous avons dû construire nous-même des 117 énoncés, leur acceptabilité (ou non) a été soigneu¬ sement vérifiée avec plusieurs locuteurs camerou¬ nais (Francophones et Anglophones). 3.6. LA GRAPHIE Le pidgin écrit (catéchismes, traductions de la Bible, colonnes humoristiques de certains journaux etc.) montre une grande diversité quant à la graphie utilisée. En général, le transcripteur prend comme modèle l'orthographe anglaise s'il est anglophone et l'orthographe française s'il est francophone. Mais à l'intérieur de ces "tendances", on trouve encore une extrême diversité due, en partie, à la grande instabilité du pidgin au niveau phonique (nous avons ainsi relevé been, bin et bi pour la marque du pas¬ sé et one, wan et ouan pour F. "un"). Pour éviter un certain arbitraire, on aurait pu, dans le cadre de cette étude, choisir une trans¬ cription phonétique. Outre le fait que certains enre¬ gistrements étaient d'une qualité insuffisante pour permettre une transcription phonétique fidèle, la multiplicité des réalisations risquait d'offrir une lecture fastidieuse et d'attirer de façon exagérée l'attention sur la variation phonétique alors que l'objet de la description est la syntaxe. D'autre part, une transcription phonologique .fondée sur l'une lia des études citées en 3.2. risquait d'être trop par¬ ticularisante . Notre choix, bien qu'arbitraire, offre l'avan¬ tage d'un moyen-terme. En nous appuyant sur nos propres observations, nous avons adopté une graphie qui ne soit ni trop "anglophoniste", ni trop "francophoniste". Ce compromis peut gêner en ce sens qu'il ne représente pas la réalité mais, pour chaque forme grammaticale étudiée nous avons signalé les réalisations phonétiques les plus courantes. Pour les noms propres et les termes français ou anglais, l'orthographe usuelle a été main¬ tenue. L'Alphabet Phonétique International (A.P.I.) a été utilisé pour les transcriptions phonétiques. Nous donnons ici l'équivalent en A.P.I. des caractères utilisés dans notre graphie qui en diffèrent (par simple commodité de dactylographie - J écrit sh, par exemple- ou encore pour des réalisations phonétique ment proches mais dont l'opposition n'a pas été justifiée au niveau phonologique dans notre étude de 1975 - o et o écrits o, par exemple-) : GRAPHIE A.P.I. 119 GRAPHIE A.P.I. an an, â en en, e on on, ô, on, tsh tj sh J dj ng o Un autre problème concerne la prosodie du pidgin. S'agit-il d'une langue à tons ou à accent? F. Mbassi-Manga (1976) pense que, d'une façon générale, les pidgins d'Afrique de l'Ouest doivent être considérés comme des langues à accent malgré la présence de "traits tonals" qui sont dus à un "conflict in the pronunciation of the user" (p. 16). D. Dwyer et G.D. Schneider pensent que le pidgin-english camerounais est une langue à tons. Dwyer affirme : "tone in pidgin involves both pitch and stress.[...] There is a stressed high tone and unstressed high tone, and unstressed low tone " (1966 : 17) mais ne donne pas d'exemples qui justi¬ fieraient cette affirmation. Schneider distingue "two contrasting tones high and low" (1966 : 26). Les paires minimales qu'il utilise pour justifier une 120 telle affirmation sont toutes disyllabiques (par exemple : mon', "argent" et mon], "matin"; plèntf, "plantain" et pléntl, "beaucoup") et aucune d'en¬ tre elles ne comporte de séquences tonales bas-bas et, surtout, haut-haut. On peut penser, par consé¬ quent qu'il s'agit d'une langue à accent plutôt que d'une langue à tons. En l'absence d'étude approfondie sur ce sujet, nous considérerons temporairement, dans le cadre de cette thèse, le pidgin-english camerounais comme une langue à accent (de hauteur) pour deux raisons ; la première négative et la seconde positive :(a) aucune analyse approfondie sur la question ne permet, pour le moment, de parler de langues à tons; (b) les mots pidgin cités dans ce travail ont pu être effectivement transcrits comme dans une langue à accent. CHAPITRE IV LES CONSTITUANTS DE L'ENONCE 4.1. MODELES STRUCTURAUX DE LA PHRASE DE BASE Pour exposer les différents modèles struc¬ turaux de la phrase simple, déclarative et affirma¬ tive ("phrase de base"), nous nous appuyons, ici, sur la de la définition de l'énoncé proposée par M. Houis (1974b : 11) : Sous la condition qu'il est reconnu comme sémantiquement valable par les usagers, l'énoncé est le lieu des actua¬ lisations de la langue susceptible d'être limité dans sa manifestation par deux pauses absolues, réductible à un schème qui rend compte de l'organisation de sa cohérence sémantique. Il ne sera pas question, ici, de ce que M. Houis appelle énoncés marginaux (tels les inter¬ jections, les onomatopées, certaines salutations et certaines réponses) mais seulement des énoncés révé¬ lateurs , "qui obéissent à des schémas dont la saturation est à la mesure du lexique d'une langue" (Houis, 1967 : 331). 122 Il convient, en outre, de faire une dis¬ tinction entre les expansions ("on appelle expansion tout élément ajouté à un énoncé qui ne modifie pas les rapports mutuels et la fonction des éléments pré-existants"; Martinet, 1970 : 128) et le nexus défini comme "le segment qui subsiste une fois qu'on a retiré tout ce qui peut 11 être sans invalider 1'énoncé comme tel"(Houis, 1974b : 15). Nous nous inspirons d'un des modèles d'écri¬ ture des schèmes syntaxiques proposé par Houis (1974a, 1974b, 1977) : les classes sont notées au dessus d'un trait horizontal tandis que les fonc¬ tions le sont au dessous. Par exemple, ^ pour S "nominal sujet" (cf. la liste des signes et abré¬ viations au début de cet ouvrage). Nous ajoutons une distinction, que fait R. Labatut pour la des¬ cription de l'énoncé peul, entre termes annexes et termes facultatifs . Les parenthèses1 "servent à indiquer que l'occurrence d'un terme, par exemple, 1- Pour des raisons de commodité, nous préférons uti¬ liser des crochets lorsque Labatut se sert de pa¬ renthèses et vice-versa. Dans les autres chapitres de ce travail, en effet, nous utilisons les paren¬ thèses pour marquer la présence non obligatoire d'un terme puisque les crochets sont employés pour la notation phonétique de certains lexèmes. 123 un circonstant, dépend du choix du locuteur (on dit que ce terme est annexe)". Les crochets "servent à indiquer que l'occurrence d'un terme dépend d'un trait contextuel indépendant du locuteur (on dira que ce terme est facultatif)" (Labatut, 1976 : 23-4). Il existe , en pidgin, deux types principaux d'énoncés : (1) des énoncés formalisés selon le schéma d'un syntagme prédicatif verbal; (2) des énoncés nominaux formalisés à l'aide du prédicatif na. 4.1.1. ENONCES VERBAUX 4.1.1.1. L'énoncé verbal "ordinaire" 4.1.1.1.1. L'énoncé minimal L'énoncé verbal "ordinaire" minimal est for¬ mé d'un constituant nominal sujet, qui occupe la première position , et d'un constituant verbal pré¬ dicat, qui occupe la seconde. Exemples N V S P Ma'mi di 'kom. maman INAC/venir "Maman vient." 124 A 'sabi. je savoir "Je sais." A 'don 'tshop. je ACC/manger "J'ai mangé." 4.1.1.1.2. Les expansions du verbe Il existe, en pidgin, trois expansions du verbe : l'expansion objectale, l'expansion localisa- j trice et l'expansion transito-dative. Ce qui les dis¬ tingue des autres expansions (du prédicat; du nexus) qui seront étudiées plus loin, c'est qu'elles sont impliquées par le sens du verbe. Le lien sémantique qui les unit au verbe est sanctionné au niveau syn¬ taxique par des comportements spécifiques. 4.1.1.1.2.1. L^expansion_objectale Nous considérons l'objet comme une expansion du constituant verbal et, par conséquent, comme un constituant annexe et facultatif du prédicat. La présence éventuelle de l'objet dépend, en effet, de la nature du verbe. Il y a objet si le verbe est 125 2 suivi d'un nominal qui peut être pronominalisé en -am . Exemples A 'don 'tshop. je/ACC/manger "J'ai mangé." 2- Les infinitifs des verbes français et anglais du questionnaire de Greenberg (soumis aux cinq infor¬ mateurs cités p. 83) ont été traduits soit par V, soit par V-am dans le cas où le verbe pidgin accep¬ tait ce pronom. Le choix de ces deux formes ne sem¬ ble dépendre ni des locuteurs, ni des lexèmes . Exemples I 11 III IV V N° 410 "eat" (manger) 'tjop 'tjop 'tjop 'tjop 'tjop N° 415 "do" (faire) 'me;kam 'mek 'mekam 'duam 'duam N° 429 "touch" (toucher) 'to:Jam 'toj/'toj 'toj 'tôt J 'tôtJam N° 430 "taste" (goûter) 't i : Jam 't i Jam 'tlj 't i s 'testam/ 'testam N° 453 "burn" (brûler) 'bonam 'bonam 'bonam 'bon 'bon N° 473 "steal" (voler) 't i: f 't i f 't i fam 't if 'tif N° 598 "wipe"; "rub" (es¬ suyer; frot¬ ter) 'kl irjgam 'kliggam 'kliggam 'wajpam 'wajpam 126 A 'don 'tshop 'bif. "J'ai mangé de la viande." A 'don 'tshop-am. "J'en ai mangé." I 'don 'tif. il/ACC/voler "II3 a volé." I 'don 'tif ma 'kwa. "Il a volé mon porte-monnaie." I 'don 'tif-am. "Il l'a volé." 'Wuman go 'si yi pi'kin. femme/FUT/voir/son/enfant "La femme verra son enfant." 'Wuman go 'si-am. "La femme le verra." 3- Il n'y a pas, en pidgin, de distinction grammaticale entre masculin et féminin. 1^ peut donc être traduit par "il" ou "elle" selon les cas. Pour ne pas surchar¬ ger la traduction française, nous ne mentionnerons, généralement, que l'un des deux genres, notre choix dépendant du contexte pour les exemples tirés de notre corpus. 127 4.1.1.1.2.2. L_!_expansion_localisatrice Il y a expansion localisatrice lorsque le verbe est un verbe "de mouvement" et que le complé¬ ment indique le lieu. Exemples A di 'go (fo) 'skul. je/INAC/aller/à/école "Je vais à l'école." I 'don 'kom (fo) 'ya. il/ACC/venir/PREP/ici "Il est venu ici." Contrairement à l'objet, cette expansion ne peut être pronominalisée en -am : A di 'go (fo) -am. I 'don 'kom (fo) -am . En zone anglophone, la préposition fo peut être effacée devant l'expansion localisatrice : A di 'ste (fo) Bambui. je/INAC/habiter/à/Bambui "J'habite à Bambui." 128 En zone francophone, cet effacement de la préposition devant un nom n'est possible qu'avec le verbe 'çjo, "aller". En outre, 1 ' effacement de fo devant les locatifs (cf. en 4.3.3. la justification de cette classe) semble moins fréquent en P.E.F. qu'en P.E.A. 4.1.1.1.2.3. expansion-transito-dative Certains verbes -tels 'giv, "donner"; 'bring, "apporter"; 'aks, "demander"; 'tel, "raconter"- ont la possibilité de pouvoir faire partie de deux types d'énoncé. Ainsi, "je lui ai donné un livre" pourra être traduit de deux façons : (1) A 'don 'giv 'buk fo 'yi. je/ACC/donner/1ivre/à/lui (2) A 'don 'giv 'yi 'buk. L'énoncé (1) comporte une expansion du verbe, l'objet 'buk, et une expansion du prédicat fo 'yi, que l'on peut trouver avec d'autres verbes (cf. 4.1. 1.1.3. ) . Cette structure semble être privilégiée lors- 129 i que le bénéficiaire est représenté dans l'énoncé par un nom tandis que la construction (2), transito- dative, est la plus fréquente lorsqu'il est représen¬ té dans l'énoncé par un pronom. Exemples 'Giv 'mi 'dat 'bukl "Donne-moi ce livre!" (Mais 'giv 'dat 'buk fo 'mi est parfaitement accepta¬ ble) . 'Bring 'dat 'buk fo yu ma'mi. "Apporte ce livre à ta mère!" (Mais 'bring yu ma'mi 'dat 'buk est également possible). 4 A go 'tel 'yi 'som 'fayn to'ri. je/FUT/raconter/lui/une/belle/histoire "Je vais lui raconter une belle histoire." (On peut dire aussi : a go 'tel 'som 'fayn to'ri fo 'yi). Si l'on veut pronominaliser un nom objet ayant le trait [- humain] (cf. 5.3.1.2.), seule la construc¬ tion "normale" est possible puisque -am doit être 4- 'Yi ne peut être remplacé ici par -am. Il ne peut donc s'agir d'un deuxième objet. 130 immédiatement postposé au verbe : 'Tel-am fo 'mi. raconter-le/à/moi "Raconte le moi." *'Tel 'mi -am. Nous pourrions décrire l'énoncé transito-datif par rapport à l'énoncé verbal "normal" (représenté par l'exemple (1)) en disant qu'il y a permutation de l'ob¬ jet et de l'expansion du prédicat avec effacement de la préposition introduisant celle-ci. Mais ceci nous obli¬ gerait à instituer un prédicat discontinu : N N N Cp 0 En outre, nous pensons que la relation entre 'yi et le verbe, dans l'énoncé transito-datif, n'est pas la même que celle entre fo 'yi et le verbe dans l'énoncé "normal". Soit la question : Yu 'don 'giv 'buk fo 'yi? tu/ACC/donner/1ivre/à/lui "Tu lui as donné le livre?" 131 Si, dans notre réponse, nous voulons met¬ tre l'accent sur le fait que l'objet a été effecti¬ vement donné, nous pouvons omettre fo 'yi : A 'don 'giv-am. je/ACC/donner/le "Je 1'ai donné." Si, au contraire, nous voulons mettre l'accent sur le fait que le bénéficiaire dont il est question a bien reçu l'objet, celui-ci ne pourra être omis que dans la construction transito-dative : A 'don 'giv 'yi. "Je lui ai donné." Et non : 51 A 'don 'giv fo 'yi. Cette relation étroite entre le verbe et le "bénéficiaire" est marqué dans l'énoncé transito- datif par la place de 'yi (immédiatement après V) et l'absence de préposition. Nous pensons que ' y_i, dans ce cas, n'est pas un complément du prédicat : il fait partie, comme l'objet, du prédicat et assume la fonc¬ tion dative : 132 « N N V [ (- -) ] N DO S P Les trois types d'expansion que nous venons d'étudier (expansion objectale; expansion localisatri- ce; expansion transito-dative) seront, dans notre schème syntaxique, regroupées et appelées complément du verbe (Cv). Elles ont en commun le fait qu'elles sont impliquées par le sens du verbe et ne peuvent être, comme l'expansion du nexus, thématisées (sans autre procédé syntaxique tel la focalisation) : * 'Bif, a 'don 'tshop. * 5 " De la viande, j'ai mangé i'o 'maket, a di 'go. " Au marché, je vais." 5- L'acceptabilité de ces phrases françaises est ici jugée par nous-même, qui ne sommes certainement pas "le" locuteur idéal... Le poète jugerait sans dou¬ te toutes ces phrases comme étant acceptables, mais lui, non plus, n'est pas le locuteur idéal... 133 'Buk, a 'don 'giv fo 'yi. 'Buk, a 'don 'giv 'yi. " Un livre, je lui ai donné." * 'Yi, a 'don 'giv 'buk. "? A lui, j'ai donné un livre." 4.1.1.1.3. L'expansion du prédicat Pas plus que les expansions du verbe, l'expan¬ sion du prédicat n'est thématisable. Mais elle n'est pas impliquée par le sens du verbe et peut se trouver, éven¬ tuellement, a la suite d'une expansion objectale ou localisatrice. Exemples A go 'tshop witi 'yu. je/FUT/manger/avec/toi "Je mangerai avec toi." Witi 'yu, a go 'tshop. A go 'tshop 'bif witi 'yu. "Je mangerai de la viande avec toi." & Witi 'yu, a go 'tshop 'bif. 134 A go 'kom witi 'yu. je/FUT/venir/avec/toi "Je viendrai avec toi." £ Witi yu, a go 'kom. A go 'go (fo) 'maket witi 'yu. je/FUT/aller/au/marché/avec/toi "J'irai au marché avec toi." Witi 'yu, a go 'go fo 'maket. A 'don 'mek 'dis 'wok 'kwik-'kwik. je/ACC/faire/ce/travail/vite-vite "J'ai vite fait ce travail." * 'Kwik-kwik, a 'don 'mek 'dis 'wok^ A 'don 'giv 'buk fo 'yi. je lui ai donné un livre" Fo 'yi, a 'don 'giv 'buk. 6- On pourrait citer comme contre-exemple le proverbe 'sofre-'sofre, 'kash 'monki (doucement-doucement, attrape singe) "petit à petit l'oiseau fait son nid". Mais il s'agit d'un énoncé "figé" et on ne trouve pas, dans une conversation ou un récit, d'expansion du prédicat thématisée. 135 Les termes exprimant le lieu, qui peuvent être un complément du verbe, sont également susceptibles d'assumer la fonction de complément du prédicat : Dem 'don 'bon 'mi fo Douala. ils/ACC/faire naître/moi/à/Douala "Je suis né à Douala." * Fo Douala, dem 'don 'bon 'mi. 4.1.1.1.4. L'expansion du nexus j L'expansion du nexus peut être thématisée. Elle l'est même fréquemment. Tandis que certains termes (localisateurs, par exemple) peuvent assumer les fonctions de complément du verbe, du prédicat ou du nexus selon les énoncés dans lesquels ils se trou¬ vent, les temporels, lorsqu'ils assument la fonction de complément, sont toujours une expansion du nexus. Exemples A go 'kom tu'moro. j e/FUT/venir/demain "Je viendrai demain" ou : 136 Tu'moro, a go 'kom. "Demain, je viendrai." Wi di 'lan 'plenti 'ting fo 'skul. nous/INAC/apprendre/beaucoup de/choses/à/école "NOus apprenons beaucoup de choses à l'école." Fo 'skul, wi di 'lan 'plenti 'ting. "A l'école, nous apprenons beaucoup de choses." A di 'go fo 'maket 'djesno. je/INAC/aller/au/marché/maintenant "Je vais au marché maintenant." Les trois types de compléments (du verbe; du prédicat; du nexus) que nous venons d'étudier peuvent être représentés dans le schème suivant : ou ou : Djesno, a di 'go fo 'maket "Maintenant, je vais au marché." V fo LOC ADV PREP N N Cv S P Cp Cn 137 La présence de crochets et de parenthèses autour de PREP, dans le Cn, indiquent que certains nominaux temporels (les noms de la semaine, notam¬ ment) sont optionnellement précédés de fo : A go 'kom (fo) 'sonde. je/FUT/venir/PREP/dimanche "Je viendrai dimanche." 4.1.1.1.5. Suites de compléments Nous avons vu que certains termes peuvent, selon la position qu'ils occupent dans l'énoncé, être une expansion du verbe, du prédicat ou du nexus. Il convient de noter également l'aptitude pour les compléments du prédicat ou du nexus 'à former une suite (leur insertion est récursive). Soit la phrase : A go 'mek 'dis 'wok witi 'yu 'kwik-'kwik. je/FUT/faire/ce/travail/avec/toi/vite-vite "Je vais faire ce travail avec toi rapidement." 'Kwik-'kwik, malgré la présence de witi 'yu, complément du prédicat, ne peut être considéré comme une expansion du nexus puisqu'il ne peut être théma- 138 tisé : * . Kwik-'kwik, a go 'mek 'dis 'wok witi 'yu. En outre, nous pouvons ajouter à cet énoncé l'adverbe temporel 'djesno : A go 'mek 'dis 'wok witi 'yu 'kwik-'kwik 'djesno. ou mieux : 'Djesno, a go 'mek 'dis 'wok witi 'yu 'kwik-'kwik. "Maintenant, je vais faire ce travail avec toi rapide¬ ment. " ' Kwik- ' kwik est, en fait,, une expansion du prédicat et de son expansion witi 'yu. Ceci peut être mis en évidence avec le découpage de la phrase en constituants immédiats : A go 'go fo 'maket witi 'yu 'kwik-'kwik 'djesno. LyJ Lçv Cpl Cp2 Cn NEXUS 139 De même, dans la phrase : A go 'go fo 'skul tu'moro fo 'moni •tam. j e/FUT/aller/à/école/demain/PREP/matin/temps "J'irai à l'école demain matin." qui peut être dite : Tu'moro, fo 'moni 'tam, a go 'go fo 'skul. ou : Fo 'moni 'tam, a go 'go fo 'skul tu'moro. ou encore : Tu'moro, a go 'go fo 'skul, fo 'moni 'tam. 'Moni 'tam est une expansion du nexus et de tu'moro : A go 'go fo 'skul tu'moro fo 'moni 'tam, Cv NEXUS Cnl Cn2 140 4.1.1.2. Les énoncés verbaux avec "bi" et "de" Le verbe 'bi (['bi] , [ ' b i n]) se distingue des autres verbes par le fait qu'il doit être obligatoi¬ rement suivi d'un terme attribut, qui forme avec lui le prédicat, lorsqu'il n'est pas marqué par une moda¬ lité aspecto-temporelle. Le verbe 'de (['de] , ['de]), contrairement à 'bi, peut se trouver dans un énoncé verbal à deux termes mais, en zone francophone, il n'admet pas de modalités aspecto-temporelles. 'Bi et 'de , tout en se distinguant des verbes "ordinaires" présentent donc des caractéris¬ tiques différentes. Si nous les traitons, ici, en¬ semble, c'est parce qu'ils sont, dans certains cas, en distribution complémentaire (zone francophone) ou en variation libre (zone anglophone). 4.1.1.2.1. "'Pi" et "'de" , verbes-substantifs7 4.1.1.2.1.1. P. EL F. 'De peut faire partie d'un énoncé verbal mini- 7- Un "verbe-substantif", ainsi nommé par E. Benveniste, est un verbe "de plein exercice" contrairement à la "copule", "marque grammaticale d'identité" (1966 : 187). Dans un certain nombre de langues, la même forme est employée pour le verbe-substantif et la copule. C'est le cas de "être" en français. 141 mal à deux termes. Il a alors une valeur existentiel¬ le ou locative : N ' de S P 'Got 'de. "Dieu existe." Grâce 'de. "Grâce est ici." 'Pidjin 'Frentsh 'no 'de. pidgin/français/NEG/être "Il n'y a pas de pidgin français." 'De peut être suivi d'une expansion locali- satrice, qui, à notre avis, doit être considérée com¬ me un constituant (annexe) du prédicat étant donné le lien sémantique qui existe entre elle et 'de (cf. 4.1. 1.1.2.2., p. 127). En outre, on verra qu'en P.E.A. fo peut être effacé aussi bien après 'de qu'à la suite des verbes de mouvement étudiés plus haut. Exemples A 'de fo 'hos. je/être/à/maison "Je suis à la maison." 142 mais * Fo 'hos, a "de. Grâce 'de (fo) 'de®. "Grâce est ici." mais * (Fo) 'de, Grâce 'de. 'De et son complément, le cas échéant, peuvent être suivis d'un nominal introduit par une préposition, le complément du prédicat (non thématisable) : A 'de (fo 'hos) witi 'yi. je/être/à/maison/avec/lui "Je suis (à la maison) avec lui." Le nexus peut avoir pour complément un adverbe ou un nominal (introduit ou non, selon les cas, par une préposition, cf. 4.1.1.1.4., p. 137) , ou encore un lo- 8- En P.E.F., l'effacement de fo après le verbe 'de n'est possible que si le terme localisateur est- un locatif. 143 catif précédé de fo : A 'de fo 'hos witi 'yi 'djesno. je/être/à/maison/avec/lui/maintenant "Je suis à la maison avec lui maintenant." ou 'Djesno, a 'de fo 'hos witi 'yi. "Maintenant, je suis à la maison avec lui." I 'de fo 'tshos 'eni 'de. il/être/à/église/chaque/jour "Il est à l'église chaque jour." ou 'Eni 'de, i 'de fo 'tshos. "Chaque jour, il est à l'église." A 'de witi ma pa'pa fo Cameroun, je/être/avec/mon/père/au/Cameroun "Je suis avec mon père au Cameroun." ou Fo Cameroun, a 'de witi ma pa'pa. "Au Cameroun, je suis avec mon père." 144 A 'de witi 'ma pa'pa fo 'de. "Je suis avec mon père là-bas." ou Fo 'de, a 'de witi ma pa'pa. "Là-bas, je suis avec mon père." Le schème de l'énoncé minimal avec 'de, "verbe- substantif", et ses expansions peut être ainsi repré¬ senté : N S (fo) LOC ! fo N 'de (- Cv PREP N ( ) Cp fo LOC ADV [(PREP)] N ") Cn Lorsqu'il s'agit de marquer le temps et/ou l'aspect au moyen d'une modalité aspecto-temporelle, c'est 'bi, et non plus 'de, qui est utilisé : A go 'bi fo 'hos. je/FUT/être/maison "Je serai à la maison." 145 et non A go 'de fo 'hos. Grâce bin 'bi (fo) 'de. Grace/PAS/être/PREP/là "Grâce était là." et non X Grâce bin 'de (fo) 'de. A la condition d'être précédé d'une modalité temporelle, 'bd. peut faire partie d'un énoncé à deux termes et prendre une valeur existentielle, comme le montre l'ouverture de ce conte : Tro'ki bin 'bi (...). 'Swayn bin 'bi. (...) tortue/PAS/être/ porc/PAS/être "Il était une fois une tortue (...). Il était une fois un porc.(...)" & (mais : tro'ki 'bi) Il y a donc, en P.E.F., distribution complé¬ mentaire entre 'de et MAT 'bi dans des énoncés mini¬ maux à deux termes, qui peut être représentée par le 146 schème suivant : N S 1 de MAT 'bi (Gf. le schème précédent pour les expansions). 4.1.1.2.1.2. P.E.A. Si les énoncés P.E.F. que nous venons de citer sont acceptables en P.E.A., 'de, dans cette variété, g peut en outre être précédé d'une modalité temporelle . Des énoncés tels que a go 'de (fo) 'hos ("je serai à la maison"), Grâce bin 'de (fo) 'de ("Grâce était là"), inacceptables en P.E.F. le sont tout à fait en P.E.A. Citons également cet extrait de conversation : (...) 'Wanma'dam, i bin 'de 'de witi yi 'man . (...) une/dame/elle/PAS/être/là/avec/son/homme "(...) Il y avait une dame qui était là avec son mari. (...)" 9- Nous n'avons pas trouvé, dans notre corpus, 'de précédé d'une marque aspectuelle ('don, di, 'nêba). Ce phénomène est également relevé par G. Schneider (1966) et L. Todd (1973) . 147 Il y a donc variation libre entre MT 'de et MT 1 bi. 'Bi et 'de, verbes-substantifs, s'insèrent, en P.E.A., dans le schème suivant : fo LOC J ADV |[ (PREP) ] N ( -) Cn Notons que MAT est toujours obligatoire de¬ vant 'bi dans ce type d'énoncé et que fo peut être effacé devant N. 4.1.1.2.2."'Bi" et '"de", copules 'Bi et 'de peuvent perdre leur sens propre pour devenir un terme grammatical qui permet à un autre terme, l'attribut, d'assumer avec lui la fonc¬ tion prédicative. 4.1.1.2.2.1. P.E.F. Seul 'bi peut avoir un N pour attribut : il marque, dans ce cas, 1'identité1^ entre deux nominaux. 10- "Identité" et pris ici dans le sens large que lui donne E. Benveniste : "quelle que soit, au point de vue logique, la modalité de cette identité : équation formelle ("Rome est la capitale de l'Ita¬ lie") , inclusion de classe ("le chien est un mam¬ mifère") , participation à un ensemble ("Pierre est Français"), etc."(1966 : 188-9). N (MT) , „ ' MAT 'bi T Cv ' PREP N ( ) Cp 148 Dans ce type d'énoncé, 'bi peut être précédé ou non de MAT : Ma 'nem 'bi Grâce, mon/nom/être/Grace "Je m'appelle Grâce." 'Dis 'man bin 'bi 'som tif-'man. cet/homme/PAS/être/un/voler-homme "Cet homme était un voleur." A 'bi 'titsha. "Je suis professeur." Lorsque l'attribut est un adjectif, on re¬ trouve la même distribution complémentaire, étudiée en 4.1.1.2.1.1., entre 'de et MAT 'bi : 'de ne peut accepter de modalités aspecto-temporelles tandis que 'bi ne peut s'en passer. Soit le schème : N N (MAT> 'bi ÂTT S P Exemples N ATT S P 149 Exemples i 'de 1smol "il est petit" i go 'bi 'smol "il sera petit" i tion 'bi 'smol "il est devenu petit", "il a minci" A cet énoncé "adjectival" minimal, peuvent s'ajouter les expansions suivantes : mais i go 'de 'smol i 'don 'de 'smol i 'bi 'smol N ATT ADV ADJ S P Cp Cn 150 Exemples Çomplément_du_grédicat__(non_thématisabl I 'de 'difre 'plenti. il/être/différent/beaucoup "C'est très différent." * 'Plenti, i 'de 'difre. Ç2ïïEll5}ëî}ts_du_nexus__( thémati sables) I 'de 'difre ('plenti) tu'de. "C'est (très) différent aujourd'hui." ou Tu'de, i 'de 'difre ('plenti). "Aujourd'hui, c'est (très) différent." I go 'bi 'difre ('plenti) fo 'de. "Ce sera (très) différent là-bas." ou Fo 'de, i go 'bi 'difre ('plenti). "Là-bas, ce sera (très) différent." 151 L'énoncé ayant pour attribut un nominal (cf. p. 148) n'admet pas d'expansion du prédicat (pour des raisons sémantiques) mais il est suscepti¬ ble d'être suivi par un ou plusieurs compléments du nexus : A 'bi 'titsha fo 'de 'djesno. je/être/professeur/PREP/là/maintenant "Je suis professeurlà-bas maintenant." ou 'Djesno, a 'bi 'titsha fo 'de. ou 'Djesno, fo 'de, a 'bi 'titsha. 4.1.1.2.2.2. P.E.A. En P.E.A., comme en P.E.F., seul 'bi peut mar¬ quer l'identité entre deux nominaux (cf. p. 147-8 et supra) : * A 'de 'titsha. mais 152 A 'bi 'titsha. "Je suis professeur." Mais, contrairement à ce qui se passe en P.E.F, 'bi ne requiert pas la présence d'une modalité aspecto- temporelle pour être suivi d'un adjectif : I 'de 'smol. ou I 'bi 'smol. "Il est petit." Notons, cependant, que la construction 'bi ADJ est fréquente chez les plus jeunes - qui parlent l'an¬ glais standard- mais pratiquemment inconnue des autres locuteurs. 'De peut, comme 'bi, être précédé de MT : I go 'bi 'smol. ou I go 'de 'smol. "Il sera petit." Il y a donc variation libre entre MT 'bi et MT 'de : 153 ( (MT) 'de ) ADJ N l(MAT) 'bij ÂTT S P En outre, 'b_i (sans MAT) peut précéder fo N. Cette utilisation de 'bi semble être une innovation de la jeune génération. Exemple Grâce 'bi fo 'hos. "Grâce est à la maison." peut remplacer Grâce 'de (fo) 'hos. Mais nous changeons de type d'énoncé : dans Grâce 'de (fo) 'hos , 'de est le verbe-substantif. Nous pouvons dire, en effet : Grâce 'de, "Grâce est ici" (cf. p. 141) . De même, dans Grâce bin 'bi/'de(fo)'hos, "Grâce était à la maison" (cr. p. 144-7), 'de et 'bi sont des verbes de plein exercice puisque l'absence, dans ce cas, de (fo) 'hos n'invalide pas l'énoncé comme tel. Par contre, dans Grâce 'bi fo 'hos, l'absence de 154 fo 'hos rend l'énoncé inacceptable : * Grâce 'bi. 'Bi, dans ce cas, est encore une fois la copule. No¬ tons également, pour appuyer cette affirmation que fo est ici indispensable : c'est lui seul, en effet, qui porte le sens de "localisateur" : N ATT S P Cette apparente étrangeté du système P.E.A est due, à notre avis, à un changement linguistique en cours. On remarque, en effet, une tendance à effa¬ cer la distinction entre 'bi et 'de (variation libre entre MT 'bi et MT 'de; possibilité d'énoncés tels que 'bi ADJ etc.). En outre, l'extension récente du champ fonctionnel de 'bi doit, sans aucun doute, être imputée à l'influence de la forme verbale de l'anglais standard "be". 4.1.1.2.3. En résumé En résumé, rappelons que : - En P.E.A. comme en P.E.F., seul 'bi peut marquer l'identité entre deux nominaux. 155 - dans les autres énoncés, quelle que soit la nature de 'bi et 'de -verbes-substantifs ou copules- - en P.E.F., 'de et MAT 'bi sont en dis¬ tribution complémentaire; - en P.E.A., MT 'de et MT 'bi sont en varia tion libre. 'bi et 'de P.E.F. P.E.A. VERBES- SUBSTANTIFS N|'de (MAT 'bi N (MT) ' de \ MAT 'bij COPULES N (MAT) 'bi N N (MAT) 'bi N ' de ' N tMAT 'bi] ADJ N (MT) 'de ADJ (MAT) 'bi ' N 'bi fo | ^ i LOC; Tableau 3. Emplois de "'bi" et "'de" en P.E.F. et en P.E.A. 156 $ 4.1.2. ENONCES NOMINAUX Les énoncés nominaux requièrent la présence du prédicatif na. Na est une modalité nominale. Il ne peut, comme les verbes, accepter de marques aspecto- temporelles. Il ne peut, non plus, être négativisé"'"''". Une distinction doit être faite entre les énoncés avec na, présentatif et marque d'identifica¬ tion, dans lesquels la présence du thème n'est pas obligatoire, et ceux avec na, locatif, -connu seule¬ ment des Anglophones- où le thème doit être exprimé. 4.1.2.1. "Na", présentatif et marque d'identification P 11- Selon nos propres observations. L. Todd (1973) note, en effet, la possibilité de 'no na (NEG na) : "/na/ is not normally negated (c'est nous qui sou¬ lignons) , and as recently as 1966 Gilbert D. Schnei¬ der in West-African Pidgin-English wrote that /na/ "... is an important structural marker which cannot be negated..."(p. 80). This may well have been true in the past, but a very recent survey in West Came- roon (January 1972) suggested to me that, in pré¬ sent day CP, equative /na/ and /be/ are so inter¬ changeable that this /na/ can be negated.[... ] When questioned about the possibility of negating /na/, most speakers claimed it could not be done, but, on further questioning, the consensus of opinion indicated that sentences of the type : pita no na kapenta, Peter's not a carpenter [...] were indeed acceptable and did occur" (p. 11). 157 Soit les phrases : (1) Na 'tru. c ' est/vérité "C1 est vrai." (2) Na ma ma'mi. "C'est ma mère." (3) Na 'yi. "C'est lui/elle." i (4) Ma 'nemy na Dominique, mon/nom/c1 est/Dominique "Je m'appelle Dominique." (5) 'Dis 'man, na tif-'man. cet/homme/c'est/voleur "Cet homme, c'est un voleur." (6) 'Dis 'galyna ma 'kombi. "Cette fille, c'est mon amie." Dans les phrases (1), (2) et (3), le thème n'est pas exprimé dans l'énoncé. En fait, c'est la situation d'ënonciation qui joue le rôle de thème. Na 'tru se rapporte à ce qui vient d' être dit. Na ma ma'mi et 158 na 'yi impliquent (a) soit que l'on vient de parler des référents de ma ma'mi et de 'yi, (b) soit que ceux-ci sont présents à l'acte d'énonciation. Dans les phrases (4), (5) et (6), le thème est exprimé (ma 'nem, 'dis 'man, 'dis 'gai) mais son absence, si elle est susceptible de changer le sens de l'énoncé, ne l'invalide pas pour autant : Na Dominique. "C'est Dominique." Na tif-'man. "C'est un voleur." Na ma 'kombi. "C'est mon ami(e)." Les énoncés de type "identificationnel" ayant pour thème un pronom sont absents de notre corpus. Il semble que seul le pronom substitutif soit accep¬ table : 'Yi,na 'titsha. "Lui/elle, c'est un professeur." mais 159 * 'Mi, na 'titsha. "Moi, c'est un professeur." Dans ce cas, on doit changer de type d'énoncé et employer 'bi : 'Mi, a 'bi 'titsha. "Moi, je suis professeur." De même, il semble que 'bi soit préféré à na dans le cas où les nominaux ont un réfèrent multipl Une fois, cependant, nous avons rencontré dans notre corpus une phrase avec na où les deux nominaux sont pluralisés : '01 'dat 'pipol-dem fo 'de, na yu 'on 'broda-dem. tous/ces/gens/PREP/là/PRED/tes/propres/frères "Tous ces gens qui sont là, ce sont tes propres frères." 12- En soumettant des phrases françaises à plusieurs locuteurs, nous avons remarqué qu'une phrase du type "cet homme est un voleur" était très fréquem¬ ment traduite par un énoncé nominal avec na : 'dis 'man, na tif-'man, alors que "ces hommes sont des voleurs" était spontanément traduit avec 'bi : 'dis'man, dem 'bi tif-'man ( 'dis 'man-dem, na tif-'man, étant cependant jugé acceptable). 160 4.1.2.2. "Na", locatif na [ (fo) ] N N P Na, locatif, n'est pas noté dans les études citées en 3.2. Son acceptabilité est même rejetée par L. Todd (1973 : 10; 1975 : 330). Il est toutefois pré¬ sent dans notre corpus chez des locuteurs de P.E.A. : "Head office",na fo Yaoundé. "La Direction se trouve à Yaoundé." i Pa Haman, na 'oda 1sayd 'de. "Pa Haman habite de l'autre côté." '01 'gut 'ting fo 'fish, na fo yi 'het. toute/bonne/chose/du/poisson/PRED/dans/sa/tête "Tout ce qui est bon dans le poisson, c'est dans la tête." 4.2. LA THEMATISATION Nous tenons à parler, dans ce chapitre, de la thématisation, car, si elle ne fait pas partie de l'énoncé minimal, elle a cependant une très grande importance dans l'énoncé pidgin. Elle est même obli- 161 gatoire si l'on veut pluraliser un nom sujet. C'est alors le pronom substitutif dem qui assume la fonction de sujet et qui nous renseigne sur l'unicité ou la mul¬ tiplicité du réfèrent du nom thématisé : 'Dis 'wuman go 'kom tu'moro. cette/femme/FUT/venir/demain "Cette femme viendra demain." 13 'Dis 'wuman , dem go 'kom tu'moro. ces/femmes/elles/venir/demain "Ces femmes viendront demain." La thématisation d'un nom en position de sujet avec la reprise anaphorique de ce nom par le pronom substitutif singulier i n'est pas obligatoire mais très fréquente : \ 'Dis 'wuman, i go 'kom tu'moro. "Cette femme, elle viendra demain." Il serait exagéré de traduire systématiquement des énoncés comme 'dis 'wuman, i go 'kom tu'moro par un procédé de thématisation similaire en français ("cette 13- La virgule indique la présence d'une légère pause entre le thème et le reste de l'énoncé. 162 femme, elle viendra"). En effet, si le thème ne fait pas partie du nexus de ce type d'énoncé pidgin, cette construction est tellement fréquente que sa valeur emphatique n'est pas très forte. Signalons, pour appuyer cette affirmation, que les phrases anglaises et françaises du questionnaire de Welmers ayant la construction du type N V ont été traduites, une fois sur deux environ, par la construction N, i V. Le choix de la construction simple (N V) ou de l'énoncé avec thématisation du sujet (N, i V) ne dépend pas du contexte linguistique. En effet, en étudiant trente-neuf phrases du questionnaire de Welmers , soumises aux cinq locuteurs cités p. 83, on remarque qu'un même énoncé est traduit par N V ou N, i V selon le locuteur. En outre, un même lo¬ cuteur donne parfois les deux constructions pour une même phrase, soit consciemment ("on peut également dire..."), soit en omettant ou en ajoutant i lors de la répétition de la phrase^. Dans notre corpus, 14- Chaque locuteur devait, en effet, répéter une fois chaque phrase traduite. I et III ont utilisé N, i systématiquement (avec, parfois, l'emploi conjoint de N seul) tandis que IV a toujours uti¬ lisé la construction simple (en variation avec N, i une fois). II a employé l'énoncé simple dans la majorité des cas (34/39 fois) et V a choisi dix-sept fois la construction simple et vingt- trois fois la stucture avec thématisation (dont une fois en variation avec l'énoncé simple). 163 la fréquence des constructions avec thématisation du sujet ou non semble également dépendre des locu¬ teurs . On serait tenté d'imputer la fréquence d'uti¬ lisation de la construction N, _i ... à l'influence des langues à classes dans lesquelles le nom sujet est obligatoirement suivi d'un "réfèrent" (basaa : hinunf h' bfjop, "l'oiseau/il/est entré", Bot Ba Njock, 1970, 21) mais il faut ajouter qu'en français "rel⬠ché", les phrases du type "cette femme, elle viendra 15 demain" sont relativement fréquentes . Le meme phé¬ nomène peut s'observer en anglais familier. La thé¬ matisation serait donc caractéristique du langage parlé -dans certaines langues, du moins- et peut- être doit-on y reconnaître, en pidgin, une tendance universelle du langage plutôt qu'une influence des langues à classes. De toute façon, ces deux inter¬ prétations ne sont pas contradictoires et peuvent être retenues. La thématisation du sujet lorsque celui-ci est un pronom personnel (phrase du type : 'wi, wi 'don 'si 'dis 'man, "nous, nous avons vu cet homme") 15- Cf. P. Cadiot, 1979. 164 est moins fréquente que celle du nom et a une va¬ leur emphatique plus forte. Par contre, la thémati- sation du nom avec dem (phrase du type : 'dis 'wuman, dem go 'kom tu'moro, "ces femmes viendront demain"), obligatoire si l'on veut pluraliser le nom sujet, a une valeur emphatique moins grande que N, i du fait ■] /T même de son caractère non redondant La fréquence de la thëmatisation du nom, et son caractère obligatoire si l'on veut le pluraliser nous font dire que si la construction N, i/dem V n'est pas un énoncé minimal, elle est néammoins "nor¬ male"17 . 16- Pour donner plus d'emphase au thème, on peut employer le pluralisateur -dem (utilisé dans toutes les positions excepté celle de sujet, cf. 5.2.) : 'Dis 'wuman-dem, dem go 'kom tu'moro. ces/femme-s/elles/FUT/venir/demain "Ces femmes, elles viendront demain." 17- Nous avons vu que la thëmatisation des expan¬ sions du nexus faisaient partie de la norme. Il convient de noter également l'aptitude pour l'expansion objectale à être thématisée à condi¬ tion qu'il y ait reprise anaphorique au moyen du pronom non marqué -ajn en position d'objet : A 'don 'si 'dis 'wuman. je/ACC/voir/cette/femme "J'ai vu cette femme." 'Dis 'wuman, a 'don 'si-am. "Cette femme, je l'ai vue." Cette construction est relativement peu fréquente. On étudiera, au chapitre VII, une autre façon de faire porter l'emphase sur l'objet. 165 4.3. CLASSES DES LEXEMES La multifonctionnalité de nombreux lexèmes et l'absence quasi-totale de paradigmes morpho-syn¬ taxiques semblent être un phénomène commun aux pid- - i 18 gins et aux creoles On s'est rendu compte, dans les pages précé¬ dentes, de l'importance de l'ordre des mots dans l'énoncé pidgin : c'est lui, en effet, qui nous ren¬ seigne sur la fonction des constituants. Ces fonctions ayant été établies, il s'agit maintenant de définir les classes de lexèmes. Ce qui permet de distinguer une classe, c'est la fonction (ou les fonctions) qu'elle assume et son aptitude à se trouver dans certains contex¬ tes. Ainsi, le nom se distingue du verbe par son apti¬ tude à assumer des fonctions non prédicatives et à être 18- Cf. B.L. Bailey, 1966 : 6; E. Jones, 1971 : 78; A. Valdman, 1978 : 7, et pour une approche plus théorique : P. Mûhlhâusler, 1974, chapitre 6. Ce phénomène est souvent considéré comme caractéris- que des pidgins et des créoles. Miihlhausler fait très justement remarquer que ceci peut se retrou¬ ver dans de nombreuses langues dont l'anglais : "In English, for example, we find many instances of items that are nouns and verbs at the same time (work, scream, scratch...) or verbs and adjectives (clean, dry...) and the notorious item round to belong to no less than five différent classes " (p. 105). C'est donc l'importance numérique des lexèmes plurivalents plutôt que le phénomène en lui-même qui semble être caractéristique des pid¬ gins et des créoles. 166 précédé de déterminants (cf. 5.). Par contre, il ne peut, comme le verbe, être précédé de modalités as- pecto-temporelles (cf. 6.). Si la définition d'une classe nominale et d'une classe verbale ne pose pas de grande difficulté, il n'en est pas de même pour les autres classes étant donné le nombre très important de lexèmes plurivalents (bivalents : verbo-adjectivaux, verbo-nominaux; trivalents : verbo-adjectivo-adver- biaux, verbo-nomino-adjectivaux; et même tétravalents : verbo—nomino—adjectivo—adverbiaux. Ce qui nous permet, par exemple, de poser une classe adjectivale qui ne soit pas une simple sous-classe des verbes (les verbo-ad- jectivaux), c'est la présence de termes monovalents. Nous avons pu ainsi définir cinq classes : celle des noms, des verbes, des adjectifs, des adverbes et des locatifs. Il ne sera question, ici, que des trois dernières, qui sont loin d'être évidentes. 4.3.1. L'ADJECTIF L'adjectif a la double propriété de pouvoir déterminer le nom qu'il précède (il peut lui-mê¬ me être précédé d'un ou de plusieurs déterminants; cf. 5.) et d'assumer la fonction attributive. Mais la reconnaissance d'un terme adjectival ne va pas de soi, comme dans la phrase : 167 I 'smol. "Il/elle est petit(e)." 'Smol, ou un terme équivalent, est considéré soit comme un adjectif introduit par une copule 0 (Gilman, 1972; Mbassi-Manga, 1973), soit comme un verbe (Todd, 1973). A notre avis, 'smol appartient à une sous- classe de verbes : les verbo-adjectivaux. 'Smol, en effet, peut être précédé de modalités aspecto-tempo- relles, tout comme 'go ("aller") et 'sabi ("savoir", mais, en outre, il a la propriété de pouvoir dé¬ terminer le nom : 'smol pi'kin, "petit enfant" (mais * 'go pi'kin; 36 'sabi pi'kin) . D'autre part, 'smol peut se trouver après 'de ou 'bi. : I 'de 'smol. (P.E.A. et P.E.F.) I 'bi 'smol. (P.E.A.) "Il/elle est petit(e)." I go 'bi 'smol. (P.E.A. et P.E.F.) I go 'de 'smol. (P.E.A.) "Il/elle sera petit(e)." 168 Cette structure est, semble-t-il, moins fréquente que celle du type i 'smol et il n'est pas certain qu'elle soit utilisée par tous les locuteurs (une étude sociolinguistique reste à faire sur ce sujet). Il est d'ailleurs remarquable qu'elle ne soit mentionnée dans aucune des descriptions citées en 3.2. (notre propre mémoire de maîtrise excepté). Pour établir une classe proprement adjecti¬ vale, il nous faut trouver des termes qui n'acceptent pas de modalités aspecto-temporelles et qui requièrent la présence de 'de ou de MAT 'bi (ou encore 'bi en P.E.A.) pour assumer la fonction attributive. C'est le cas des emprunts à l'anglais standard ou au français qui, dans ces langues, sont des adjectifs ou des par¬ ticipes passés,et qui ne font pas partie du "common core" lexical pidgin. Nous avons ainsi relevé : A 'layk 'gai 'we i 'de "naturelle", je/aimer/fille/que/elle/être/naturelle "J'aime les filles qui sont naturelles." 'Dis 'man, i 'de "compliqué" 'plenti! cet/homme/il/être/compliqué/beaucoup "Cet homme est très compliqué!" 169 I 'bi "intelligent", il/être/intelligent "Il est intelligent." I 'bi "paralysed". "Il est paralysé." I bin 'bi "paralysed". "Il était paralysé." Na "third" 'taym 'nao 'we 'dis to'ri di c'est/troisième/fois/maintenant/que/cette/histoire/INAC 'bi "repeated"1^. être/répétée "C'est la troisième fois maintenant que cette histoire est répétée." 19- Chez Christie N., fortement influencée par l'anglais standard, on trouve 'bi V-ED à l'intérieur d'une véritable construction passive (il n'y a pas de voie passive proprement pidgin) dans laquelle l'a¬ gent est exprimé et introduit par la préposition de l'anglais standard "by" : (...) 'Difre "groups" 'we dem di 'bi "organized différents/groupes/que/ils/INAC/être/organisés/ by" di mo'yoz "of" di 'kompon (...) par/les/membres de la belle-famille/de/la/concession "(...) différents groupes qui sont organisés par les membres de la belle-famille de la concession (...)" (...) An 'den, i go 'bi "declared" 'opun "by" et/alors/elle/FUT/être/déclarée/ouverte/par di 'tshif. le/chef "(...) Et alors, elle [la cérémonie] est ouverte par le chef." 170 Jesus-Christ 'no 'fit fo 'tok 'se 'peson Jésus-Christ/NEG/pouvoir/PREP/dire/que/personne i 'bat. I 'bi "forgiven" bi'kos i elle/être mauvaise/elle/être/pardonnée/parce que/elle/ 'bi 'daso 'man. être/seulement/homme "Jésus-Christ ne peut dire qu'une personne est mau¬ vaise. Elle est pardonnée parce que ce n'est qu'un être humain." Il semble que les numéraux (cf. 5.) appar¬ tiennent exclusivement à la classe des adjectifs. Des énoncés tels que dem 'tri (pour "ils sont trois") et dem go 'tri (pour "ils seront trois") sont ab¬ sents de notre corpus et ont été jugés inacceptables par nos informateurs qui disent : dem 'de 'tri; dem go 'bi 'tri. L'interrogatif 'hamos ("combien de", cf. 7.) appartient, lui aussi, exclusivement à la classe adjectivale. 4.3.2. L'ADVERBE Une grande partie des verbo-adjectivaux peu¬ vent être des expansions du prédicat ou du nexus. Cette (sous-)sous-classe est celle des verbo-adjec- tivo-adverbiaux... que nous appellerons plus simple- 171 * ment adverbes : 'sraol pi'kin "petit enfant" I 'smol. il/être petit "Il est petit." I 'de 'smol. il/être/petit "Il est petit." I 'don 'tshop 'smol 'rays. il/ACC/manger/un peu de/riz "Il a mangé un peu de riz." I 'don 'tshop 'smol. il/ACC/manger/un peu "Il a un peu mangé." I 'don 'tshop 'rays 'smol. il/ACC/manger/riz/un peu "Il a un peu mangé du riz." Par contre, le verbo-adjectival 'gut, "bon"; "être bon", ne peut se trouver dans tous les mêmes 172 contextes que 'smol : 'gut 'ting "bonne chose" I 'gut. il/être bon "Il est bon." I 'don 'mek 'dis 'gut 'ting. il/ACC/faire/cette/bonne/chos "Il a fait cette bonne action I 'don 'mek 'dis 'ting 'gut On doit dire I 'don 'mek 'dis 'ting 'fayn. il/ACC/faire/cette/chose/bien "Il a bien fait cette chose." I 'don 'tshop 'gut. On doit dire : I 'don 'tshop 'fayn. i1/ACC/manger/bien "Il a bien mangé." 173 Quelques lexèmes nous permettent d'instituer une classe proprement adverbiale puisqu'ils n'admet¬ tent pas, comme les verbes, de modalités aspecto- temporelles et qu'ils ne peuvent, comme les adjec¬ tifs, déterminer un nom en lui étant immédiatement antéposés, quelle que soit la position de celui-ci. Il s'agit, notamment, de 'djesno, "maintenant", et 'sofri, "lentement"; "doucement" : i 'de 'sofri "il est lent" i 'de 'djesno "c'est maintenant" C'est cette inaptitude qui nous permet d'ap¬ peler "adjectifs" plutôt qu'"adverbes" des lexèmes plurivalents tels que 'smol dans i 'de 'smol. 4.3.3. LE LOCATIF Certains lexèmes, qui indiquent le lieu ('ya, "ici"; 'de, "là"; 'opsay, "dehors"), partagent avec les adverbes le fait qu'ils ne peuvent être précédés de déterminants ni de modalités aspecto-temporelles. Mais, contrairement aux adverbes, ils peuvent , comme les noms, assumer la fonction de complément du verbe 174 et être précédés de la préposition fo. En outre, fo LOC peut être focalisé à l'aide de la particule na (cf.7. 1.4.). Etant donné ces caractéristiques nous consi¬ dérons ces lexèmes -monovalents- comme appartenant 20 a une classe distincte . Le tableau 4., à la page suivante, comporte des exemples de lexèmes monovalents et plurivalents. 20- Signalons également l'existence de 'so qui est un lexème bien particulier : il peut, comme l'ad¬ verbe, être complément du prédicat (a di 'mek-am 'so, "je le fais ainsi; de cette façon" ) mais HTÏ est également susceptible , comme l'adjectif, d'être attribut après 'de (i 'de 'so, "c'est ainsi; c'est cela"). 'So dans na 'so, "c'est cela", "oui", se comporte comme un nom. Il ne peut cependant être considéré comme un lexème plurivalent puisque, contrairement au nom, il ne peut être sujet et n'accepte pas de détermi¬ nants et que, contrairement à l'adjectif, il ne peut déterminer un nom. 175 " V > . * NOM VERBE ADJECTIF ADVERBE LOCATIF 'wuman "femme" - - - - ' hos "maison" - - - - 'go "aller" - - - - 'mek "faire" - - - — - 'tri "trois" - - — — 'hamos "combien de" - - — — 'djesno "maintenant" - — ' sofri "lentement" - " — — ■ya "ici" ~~ - - ' de "là-bas" ' tok "langue" ' tok "parler" - - - 'tshop "nourriture" 1tshop "manger" - - - ' fayn "être beau" "être bien" ' fayn "beau" "bien" 1 fayn "bien" ~ • 'popo "être véri¬ table" 'popo "véritable" 'popo "véritable¬ ment" 'trong "force" 'trong "être fort" 1trong "fort" 'trong "fort" ■ — !21 ' smol "petitesse" ' smol "être petit" ' smol "petit" "un peu de" ' smol "un peu" Tableau 4. Constituants monovalents et plurivalents 21- 'Smol, nom, est attesté dans le proverbe 'smol 'no 'bi 'sik, "être petit (de taille) n'est pas une ma¬ ladie", mais il s'agit d'un énoncé figé. * CHAPITRE V LE NOMINAL Le nominal est représenté, sous sa forme mini- male, par le nom ou le pronom. Il se distingue du constituant verbal par son aptitude à assumer des fonc¬ tions non prédicatives mais il peut également être prédicat lorsqu'il est précédé du prédicatif na. 5.1. LE NOM Rien dans la structure du nom ne nous renseigne sur l'existence d'un genre éventuel. On peut cependant établir une opposition entre les noms [+ humain] aux¬ quels on peut substituer, en toutes positions, une forme pronominale, et les noms [- humain] qui n'ac¬ ceptent que -ara comme substitut en position d'objet et qui ne sont pronominalisables que dans cette posi¬ tion et celle de sujet. 5.2. L'EXPRESSION DU NOMBRE Le pluriel est exprimé par le pluralisateur 177 -dem postposé au nom lorsque celui-ci assume une autre fonction que celle de sujet (le singulier, lui, n'est pas marqué). Exemples A go 'si 'dis 'wuman tu'moro. je/FUT/voir/cette/femme/demain "Je verrai cette femme demain." A go 'si 'dis 'wuman-dem tu'moro. "Je verrai ces femmes demain." Wi 'don 'tok fo yu pi'kin. nous/ACC/parler/à/ton/enfant "Nous avons parlé à ton enfant." Wi 'don 'tok fo yu pi'kin-dem. "Nous avons parlé à tes enfants." Na 'wuman. c'est/femme "C'est une femme." Na 'wuman-dem. "Ce sont des femmes." 178 Le nom en position de sujet ne peut être plu lise. Il faut, pour cela, qu'il soit thématisé. C'es alors l'utilisation, en position de sujet, du pronom substitutif pluriel dem qui nous renseigne sur l'uni cité ou sur la multiplicité du réfèrent du nom. Exemples 'Dis 'wuman go 'kom tu'moro. Cette/femme/FUT/venir/demain "Cette femme viendra demain." 'Dis 'wuman-dem go 'kom tu'moro mais 'Dis 'wuman, dem go 'kom tu'moro1. "Ces femmes viendront demain." 'Dis ba'nana 'don 'rayp. cette/banane/ACC/mûrir "Cette banane est mûre." 'Dis ba'nana-dem 'don 'rayp. 1- Rappelons que la virgule indique la présence d'u ne légère pause entre le thème et le reste de l'é noncé. 179 * » mais 'Dis ba'nana, dem 'don 'rayp. "Ces bananes sont mûres." Le nom thématisé peut, à son tour, être plu- ralisé avec -dem. Dans ce cas, il y a redondance puisque 1'information sur le nombre est donné deux fois, et l'emphase portant sur le thème est plus for¬ te : 'Dis 'wuman-dem, dem go 'kom tu'moro. "Ces femmes, elles viendront demain." 'Dis ba'nana-dem, dem 'don 'rayp. "Ces bananes, elles sont mûres." L'expression syntaxique du pluriel n'est pas obligatoire lorsque le pluriel est déjà présent dans le nom ou dans une expansion de celui-ci au niveau sémantique : A 'don 'si 'tri 'wuman(-dem). je/ACC/voir/trois/femme-s "J'ai vu trois femmes." 180 'Som 'pipol 'don 'si 'yi. des/gens/ACC/voir/lui ou 'Som 'pipol, dem 'don 'si 'yi. des/gens/ils/ACC/voir/lui "Des gens l'ont vu." Mais elle est souvent présente : (...) 'Dat 'wuman 'we i bin 'get 'dat 'tu pi'kin-dem (.. cette/femme/que/elle/PAS/avoir/ces/deux/enfant-s "(...) Cette femme qui avait ces deux enfants (...)" (...) 'Dat "wat-man 'pipol, dem bi 'lek fo 'stop ces/blanc-homme/gens/ils/PAS/aimer/PREP/s'asseoir fo 'blak 'pipol-dem, 'tok to'ri? chez/noirs/gens/raconter/histoire "(...) Ces Blancs, il aimaient s'asseoir chez les Noirs pour bavarder?" Pour exprimer le générique, le singulier est employé : 'tok to'ri "raconter des histoires" (exemple précédent) 181 A 'layk 'gai 'we i 'de "naturelle", je/aimer/fille/que/elle/être/naturelle "J'aime les filles qui sont naturelles." En zone anglophone, certains locuteurs emploient également les formes du pluriel utilisées en anglais standard : -S (réalisé [s], [z] ou [iz] selon le contexte phonétique; cf. A.Tellier, 1971 : 179-85) et les pluriels dits "anomaux" tels children (sing.: child), "enfants"; men (sing. : man), "hommes"; women (sing. : woman), "femmes". Les locuteurs de pidgin qui parlent l'anglais standard sont ceux qui utilisent le plus fréquemment ces formes, identiques à celles de l'anglais. Ils le font non seulement avec des lexèmes qui seraient iden¬ tifiés comme "anglais"(et non "pidgin") par des locu¬ teurs de P.E.F. mais aussi avec des mots de pidgin "courant" dont l'origine n'est pas toujours anglaise. Par exemple : moyo-z , "membres de la belle-famille" (d'origine duala). Cette influence de l'anglais ne se limite pas à ceux qui le parlent. En effet, certains Anglophones qui ont des contacts plus ou moins directs avec l'an¬ glais standard (dont les interlocuteurs connaissent 182 « * l'anglais standard et/ou parlent un pidgin anglici¬ sé) emploient parfois -S. Nous l'avons entendu le plus fréquemment avec 'yia, "année", dans des énon¬ cés, qui,paradoxalement, n'exigeaient pas un plura- lisateur puisque l'information pluriel était déjà don¬ née par un numéral. Par exemple : 'tri 'yiaz, "trois ans" . On peut également rencontrer, moins fréquemment, la forme pluriel anglicisée suivie du pluralisateur pidgin. On trouve ainsi dans notre corpus : 'wimen-dem, "femmes" (sing. : 'wuman) 'koloz-dem , "couleurs" (sing. : 'kolo) 'baks-dem, "sacs" (sing. : 'bak) La fréquence d'utilisation d'une forme du pluriel anglicisée ou du pluralisateur proprement pid¬ gin ne semble pas dépendre du contexte linguistique (facteurs internes) chez les Anglophones qui connais¬ sent effectivement l'anglais standard (mais il doit jouer un rôle important chez les non-scolarisés puis¬ que des lexèmes tels que 'yia favorisent l'emploi de -S et que les pluriels "anomaux" n'apparaissent pas; une étude reste à faire sur ce sujet). Par contre, le contexte sociolinguistique (facteurs externes) est décisif. Prenons, pour exemple, deux enregistrements 183 (A et B) où Christie N. nous raconte une histoire et deux autres où elle interroge des "papas de l'époque allemande" (C et D). Dans A et B, sur soixante-quatre formes pluriel, cinquante-six sont identiques à celles de l'anglais standard, deux sont une addition d'une forme anglici¬ sée et du pluralisateur pidgin, tandis que six seulement sont proprement pidgin. Par contre, dans C et D, sur trente-neuf pluriels, aucune forme n'est identique au pluriel de l'anglais standard. Christie N., face à un interlocuteur qui ne parle pas anglais, emploie une variété de pidgin plus "conservatrice" que lorsqu'elle s'adresse à des anglo¬ phones. De plus, dans C et D, elle est en position d'enquêtrice,et non plus de narratrice, ce qui lui permèt d'être moins "prise" par le contenu de l'énon¬ cé et d'avoir une vigilance métalinguistique plus active^. 2- Paradoxalement, dans D, ce n'est pas Christie N. mais son interlocuteur (qui ne parle pas anglais) qui utilise parfois -S : Christie N. : yu bin 'bi fo Douala fo 'hameni tu/PAS/être/à/Douala/pendant/combien ' yia? année "Vous êtes resté à Douala pendant combien d'années?" Pa Nk. : a 'bi fo Douala fo 'tu 'yiaz. je/être/à/Douala/pendant/deux/années "Je suis resté à Douala pendant deux années." 184 5.3. LES PRONOMS 5.3.1. LES PRONOMS PERSONNELS Il convient de faire une distinction entre pronoms substitutifs et pronoms allocutifs (nous uti lisons ici la terminologie employée par M. Houis, 1977) puisque ceux-ci ne peuvent, comme le nom et les pronoms substitutifs occuper la position de thème : 'Yi, na 'titsha. "Lui/elle, c'est un professeur." mais * 'Mi, na 'titsha. " Moi, c'est un professeur." I 'don 'si 'yi. "Il/elle l'a vu(e)." 'Yi, a 'don 'si-am. "Lui/elle, il/elle l'a vu(e)." mais 185 I 'don 'si 'mi. "Il m'a vu(e)." » 'Mi, i 'don 'si-am. 'Mi, i 'don 'si 'mi. * 'Mi, i 'don 'si. "Moi, il m'a vu(e)." 5.3.1.1. Pronoms allocutifs Les pronoms allocutifs sont accentués dans 3 toutes les positions excepté celle de sujet . Seul, le pronom de la Ire personne du singulier subit un changement morphologique. ACCENTUATION - + POSITIONS SUJET AUTRES S Ire personne a 'mi g 2e personne yu ' yu P Ire personne wuna ' wuna 1 2e personne wi 1 wi | Tableau 5. Pronoms allocutifs 3- Quand il ne fait pas partie d'un syntagme coordi- natif, cf. 5. 186 Ire personne En position de sujet, le pronom de la Ire per¬ sonne du singulier est a (réalisé [a] le plus souvent mais aussi [aj] par certains Anglophones subissant l'influence de l'anglais standard). Dans les autres positions, il a la forme 'mi. Le pronom de la Ire personne du pluriel est wi en position de sujet ([wi ] dans la plupart des cas, mais parfois [wu ] chez quelques "vieux papas"). Il est accentué dans les autres positions. Exemples E2Ëi*:i2I}_rï§_ sujet A 'don 'si 'dis 'man. je/ACC/voir/cet/homme "J'ai vu cet homme." Wi 'don 'si 'dis 'man. "Nous avons vu cet homme." ^2£ïê2_positions 'Dis 'man 'don 'si 'mi. cet/homme/ACC/voir/moi "Cet homme m'a vu(e)." 187 'Dis 'man 'don 'si 'wi. "Cet homme nous a vu(e)s." 'Dis 'man 'don 'tok fo 'mi. cet/homme/ACC/parler/à/moi "Cet homme m'a parlé." 'Dis 'man 'don 'tok fo 'wi. "Cet homme nous a parlé." 'Mi, a 'don 'si 'dis 'man. "Moi, j'ai vu cet homme." 'Wi, wi 'don 'si 'dis 'man. "Nous, nous avons vu cet homme." Na 'mi. "C'est moi." Na 'wi. "C'est nous." 2e personne Le pronom de la 2e personne du singulier est Yu en position de sujet. Il est accentué dans les autres positions. Celui de la 2e personne du pluriel est wuna ([wuna], [wana], [wona]) en position de su- 188 jet et ' wuna (['wuna], [ 'wana ], [ 'wona ]) dans les autres positions. Exemples £22îî:i2I!_d2_s2i2î: Yu 'don 'si 'dis 'man. 4 "Tu as vu cet homme." Wuna 'don 'si 'dis 'man. "Vous(pluriel) avez vu cet homme." ^2t22Ë_B22i2±2G2 'Dis 'man 'don 'si 'yu. cet/homme/ACC/voir/toi "Cet homme t'a vu(e)." 'Dis 'man 'don 'si 'wuna. "Cet homme vous a vu(e)s." 'Dis 'man 'don 'tok fo 'yu. cet/homme/ACC/parler/à/toi "Cet homme t'a parlé." 4- Il n'y a pas de "vous de politesse" en pidgin. Hors-contexte, yu est systématiquement traduit par "tu" mais dans les exemples tirés de notre corpus, nous emploierons "tu" ou "vous" selon les cas. 189 'Dis 'man 'don 'tok fo 'wuna. "Cet homme vous (pluriel) a parlé." 5.3.1.2. Pronoms substitutifs En position de sujet, le pronom substitutif singulier est i (réalisé [i] dans la majorité des cas et parfois [ji] chez certains Anglophones), le pronom substitutif pluriel, dem ([dem], [dem], [ndem], [ndem]). Dans toutes les autres positions, les noms [+ humain] peuvent être pronominalisës en 'yà pour le singulier et 'dem pour le pluriel.Lorsqu'ils assu¬ ment la fonction d'objet, tous les noms peuvent être pronominalisés avec la forme non marquée -am : les distinctions entre [+ humain] / [- humain] et entre singulier/pluriel ne sont plus pertinentes.Les noms [- humain] ne peuvent être pronominalisés que lorsqu'ils sont sujet ou objet. ACCENTUATION __ + POSITIONS SUJET OBJET AUTRES SINGULIER i -am 'yi [+ humain] PLURIEL dem 'dem [+ humain] Tableau 6. Pronoms substitutifs 190 Exemples E2ËiËi22_de_sujet Ma 'broda 'don 'si 'dis 'man. mon/frère/ACC/voir/cet/homme "Mon frère a vu cet homme." Ma 'sista 'don 'si 'dis 'man "Ma soeur a vu cet homme." 'Dok 'don 'si 'dis 'man. "Le chien a vu cet homme." Ma 'broda, ma 'sista et 'dok peuvent tous trois être pronominalisés en i. : I 'don 'si 'dis 'man. Il/elle a vu cet homme." De même : Mo'ni 'de. argent/être "Il y a de l'argent." I ' de. "Il y en a . " 191 'Dis 1ting di 'hambok 'rai. cette/chose/ennuyer/moi "Cette chose m'ennuie." I di 'hambok 'mi. "Elle/ça m'ennuie." La reprise anaphorique par dem du sujet thé- matisé permet de pluraliser les noms comptables : Ma 'broda \ Ma 'sista j , dem 'don 'si 'dis 'man. 'Dok J "Mes frères/mes soeurs/les chiens ont vu cet homme." 'Dis 'ting, dem di 'hambok 'mi. "Ces choses m'ennuient." Position_d j_ob jet Ma'mi 'don 'si 'dis 'ting(-dem). "Maman a vu cette chose (ces choses)." Ma'mi 'don 'si 'dis 'man(-dem). "Maman a vu cet homme (ces hommes)." Ma'mi 'don 'si 'dis 'wuman(-dem). "Maman a vu cette femme (ces femmes)." 192 Ma'mi 'don 'si 'dis 'bif(-dem). "Maman a vu cet animal (ces animaux)." Dans ces énoncés, tous les syntagmés nomi¬ naux en position d'objet peuvent être pronominalisés en -am. Par contre, 'yi ne peut se substituer qu'à 'dis 'man et 'dis 'wuman dont les noms ont le trait [+ humain] . De même, 'dem ne peut se substituer qu'à 'dis 'man-dem et 'dis 'wuman-dem. Autres_gositions Soit les phrases : A 'don 'tok fo 'dis 'man. je/ACC/parler/à/cet/homme "J'ai parlé à cet homme." Na ma 'broda. "C'est mon frère." Na ma 'sista. "C'est ma soeur." Ma 'broda, i 'don 'kom 'si 'yu. mon/frère/il/ACC/venir/voir/toi. "Mon frère, il est venu te voir." 193 Ma 'sista, i 'don 'kom 'si 'yu. "Ma soeur, elle est venue te voir." 'Man, ma 'broda et ma 'sista peuvent être remplacés par 'yi : A 'don 'tok fo 'yi. "Je lui ai parlé." Na 'yi. "C'est lui/elle." 'Yi, i 'don 'kom 'si 'yu. "Lui, il est venu te voir"; "elle, elle est venue te voir." De même, si l'on pluralise les noms des phrases précédentes ; A 'don 'tok fo 'dis 'man-dem. "J'ai parlé à ces hommes." Na ma 'broda-dem. "Ce sont mes frères." Na ma 'sista-dem. "Ce sont mes soeurs." 194 Ma 1broda-dem, dem 'don 'kora 'si 'yu. "Mes frères, ils sont venus te voir." Ma'sista-dem, dem 'don 'kom 'si 'yu. "Mes soeurs, elles sont venues te voir." 'Dis 'man-dem, ma 'broda-dem et ma 'sista-dem peuvent être remplacés par 'dem. Par contre, dans les phrases A 'don 'go fo 'rot. je/ACC/aller/sur/route "Je suis allê(e) sur la route." Na 'dok. "C'est un/le chien." 'Dis 'ting, i 'fayn 'plenti. cette/chose/elle/être beau/beaucoup "Cette chose est très belle." 'Rot, 'dis 'ting et 'dok ne peuvent être remplacés ni par -ara (étant donné leur position), ni par 'yi (puisqu'ils ont le trait lexical [- humain]). En ce qui concerne 'rot, on peut lui substituer un locatif : A 'don 'go (fo) 'de. "Je suis allë(e) là-bas." 195 5.3.2. LE PRONOM "'WAN" Le pronom 'wan ne peut se substituer au nom qu'à la condition d'être précédé d'un déterminant ('dis, 'dat, 'som, 'oda, 'eni ou encore un adjectif qualificatif; cf. 5.4.) : (...) Yu 'wan 'se a 'tel 'yu 'oda 'wan? tu/vouloir/que/je/raconte/toi/autre/PRON "(...) Tu veux que je t'en raconte une autre (histoire)?" (...) 'som 'wan, dem 'stil 'de fo 'wol? IND/PRON/elles/encore/être/dans/monde "(...) Certaines (femmes) sont encores en vie?" (...) 'Fayn 'wan 'de. belle /PRON/être "(...) Il y en a une belle (robe)." (...) 'Fayn 'wan, dem 'de. "(...) Il y en a des belles." 'Wan peut également se substituer à une phrase (toujours à la condition d'être précédé d'un des déter¬ minants cités plus haut) : 196 * V - Yu 'layk 'mi, 'no 'bi 'so? tu/aimer/moi/NEG/être/ainsi "Tu m'aimes bien, n'est-ce pas?" - 0! Yu 'fit 'tok 'dat 'wan! tu/pouvoir/dire/ce/PRON "Oh! Tu peux le dire!" ('Pat 'wan remplace : (yu 'fit 'tok) 'se a 'layk 'yu t "que je t'aime bien"; -am aurait pu également être utilisé : yu 'fit 'tok-am). 5.4. LE SYNTAGME DETERMINATIF 5.4.1. LES DETERMINANTS GRAMMATICAUX Les déterminants grammaticaux sont antéposés au nom. Ils forment un inventaire fermé. Certains peu¬ vent se combiner entre eux tandis que d'autres s'ex¬ cluent mutuellement. C'est leur distribution qui justi¬ fie 1' institution de plusieurs catégories de déter¬ minants et il convient de faire une première distinction entre les déterminants fixes et les déterminants mobiles ('oda, dont le changement de position entraîne un chan¬ gement de sens ; c3u;'- est thématisable) ^. 5- Les numéraux, qui sont des adjectifs, seront étu¬ diés en 5.4.2. 197 * 5.4.1.1. Les déterminants fixes Les déterminants fixes s'insèrent dans le schème suivant^ : I (('eni) (DEMONSTRATIF) (INDEFINI) J (ANAPHORIQUE) (POSSESSIF) NOM 5.4.1.1.1. Les possessifs Les possessifs sont morphologiquement iden¬ tiques aux pronoms personnels, exception faite de la Ire personne du singulier. Ils ne sont pas accen¬ tués . SINGULIER PLURIEL ma "mon", "mes" wi. "notre", "nos" yu "ton", "tes" wuna "votre", "vos" yi^ "son", "sa", dem "leur", "leurs" "ses" 6- Nous excluons la combinaison INDEFINI DEMONSTRATIF POSSESSIF, que nous n'avons trouvée qu'une seule fois, chez Christie N., et qui a été jugée inacceptable par nos informateurs (dont elle-même, plus tard). Il n'est donc question ici que des combinaisons couramment em¬ ployées . 7- yi est souvent réalisé £ ji] et parfois [njî]. 198 Le choix de la forme -singulier ou pluriel- du possessif dépend du caractère unique ou multiple de son réfèrent. A 'don 'si ma pi'kin* je/ACC/voir/mon/enfant "J'ai vu mon enfant." A 'don 'si ma pi'kin-dem. "Jai vu mes enfants." Yu pi'kin go 'kom tu'moro. ton/enfant/FUT/venir/demain "Ton enfant viendra demain." Yu pi'kin, dem go 'kom tu'moro. "Tes enfants viendront demain." Wuna pi'kin go 'kom tu'moro. "Votre(à tous deux) enfant viendra demain." Wuna pi'kin, dem go 'kom tu'moro. "Vos (à tous deux) enfants viendront demain." 5.4.1.1.2. Les démonstratifs "'dis" et "'dat" Le démonstratif 'dis se réfère à une chose ou à une personne proche du locuteur dans le temps et 199 4 $ dans l'espace. 'Dat ( [ ' d a t ], ['dan], [ ' d a ] ) , au contraire, indique 1'éloignement : (...) 'dat 'kan 'ting, 'we a bin 'si-am, i 'no ce/genre de/chose/que/je/PAS/voir-le/il/NEG 'fayn (...). A 'se, 'wi, fo 'Afrika, wi 'no 'get beau je/que/nous/en/Afrique/nous/NEG/avoir 'dis 'kan 'ting. ce/genre de/chose "(...) ce genre de chose [ne pas s'occuper de ses parents âgés] , que j'ai vu [en Europe] , ce n'est pas beau (...). Je dis que nous, en Afrique, nous n'avons pas ce genre de chose. (...) 'Dat 'taym, 'mi, a 'graf fo 'don, a 'go cette/époque/moi/je/partir/en/bas/je/aller fo Dschang (...) à/Dschang '(...) A cette époque, moi, je suis parti d'ici, je suis monté à Dschang (...)" Dat taym indique que 1'époque est éloignée dans le passé. Soit la même phrase avec 'dis : 'Dis 'taym, 'mi a 'graf fo 'don, a 'go fo Dschang. 200 'Dis 'taym indique que l'action, dans le récit, est postérieure à d'autres faits que l'on a déjà relatés. 'Dis 'taym peut se trouver dans un énoncé non passé et non futur alors que 'dat 'taym ne le peut : 'dat est marqué par rapport à 'dûs. 5.4.1.1.3. La combinaison DEMONSTRATIF POSSESSIF La combinaison du démonstratif et du possessif est assez courante. Soit les phrases : (1) Wuna 'tek 'dis ma 'gai, wuna 'go! vous/prendre/cette/ma/fille/vous/aller (2) 'Dat yu 'wuman-dem 'we yu bin di 'tif-am ces/tes/femme-s/que/tu/PAS/INAC/voler-les 'so, 'som 'wan, dem 'stil 'de fo 'wol? ainsi/IND/PRON/elles/encore/être/dans/monde Dans la phrase (1), 'dis détermine ma 'gai, dans l'exemple (2), 'dat détermine yu 'wuman-dem. 'Dis et 'dat ont une valeur d'anaphorique : leur présence indique que l'on a déjà parlé du réfèrent du N. Avec 'dis, il est possible que le réfèrent du déterminé soit présent à l'acte de parole. Par contre, 201 t l'emploi de 'dat indique toujours un certain éloi- gnement dans l'espace et dans le temps. Cette construction est difficilement tradui- sible en français et en anglais standards. La tra¬ duction la plus fidèle est, en fait, la structure très employée en français du Cameroun : POSSESSIF NOM là, où là a la fonction d'"article emphatique" (cf. G. Manessy, 1979b). Les phrases ci-dessus pour¬ raient être traduites de la façon suivante : (1) "Prenez ma fille-là, allez vous-en!" (2) "Vos femmes-là que vous voliez [à leur mari], il y en a qui sont encore en vie?" 5.4.1.1.4. L'indéfini "'som" 'Som est utilisé lorsqu'on parle d'une chose ou d'une personne non définie. Exemples A 'don 'si 'som 'wuman fo 'rot. j e/ACC/voir/une/femme/sur/route "J'ai vu une (quelconque) femme sur la route." 202 " A 'don 'si 'som 'wuman-dem fo 'rot. "J'ai vu des (quelconques) femmes sur la route." 5.4.1.1.5. La combinaison INDEFINI POSSESSIF 'Som peut être antéposé au possessif et ainsi déterminer le SN POSSESSIF NOM- Exemples A 'don 'si 'som ma 'broda, j e/ACC/voir/un/mon/f rère "J'ai vu un de mes frères." 'Som détermine ma 'broda. Il indique que ma 'broda n'est pas défini. On suppose donc obligatoire¬ ment qu'il y a plusieurs frères bien que le pluriel ne soit pas formellement marqué. A 'don 'si 'som ma 'broda-dem. "J'ai vu certains de mes frères." Ici, -dem pluralise tout le SN : 'som ma 'broda. 5.4.1.1.6. L'anaphorique "di" Di s'emploie devant un nom (1) qui a déjà été 203 cité dans l'énoncé ou (2) qui va être déterminé par une relative. Exemples (1) (...) I mi'top 1sora shut-'man. I 'luk il/rencontrer/un/chasser-homme/il/regarder di 'man. Di 'man 'se (...) le/homme/le/homme/que "(...) Il rencontra un chasseur. Il regarda l'homme. L'homme dit que (...)" (2) Di to'li 'we a 'wan 'tok i 'bi 'se (...) la/histoire/que/je/vouloir/raconter/e1le/être/que "Il était une fois (...)" Di peut être absent, ou remplacé, selon les cas, par 'dis ou 'dat sans qu'il s'ensuive un changement de sens de l'énoncé^ : (la) (...) I mi'top 'som 'shut-'man. I 'luk 'dat 'man. 'Dat 'man 'se (...) 8- L'inverse n'est pas toujours possible car di n'a pas la même distribution que 'dis et 'dat. Il ne peut, par exemple, être suivi du possessif : * di ma 'gai (la/ma/fille). 204 (2a) To'li 'we a "wan 'tok i 'bi 'se (...) ou 'Dis to'li 'we a 'wan 'tok i 'bi 'se (...) Pi est fréquemment utilisé par les Anglophones; beaucoup moins par les Francophones. L'emploi extrê¬ mement fréquent de di en zone anglophone est sans doute dû à l'influence du "the" (réalisé [da] ou [di] par certains Camerounais anglophones) de l'anglais standard où il est obligatoire : anglais : I saw the man "j'ai vu l'homme" I saw man pidgin : a 'don 'si (di) 'man Alors que dans notre corpus di n'est employé qu'avec un nom qui a déjà été nommé ou qui va être défini par une relative, la traduction des phrases hors-contexte du questionnaire de Welmers montre l'utilisation quasi-systématique de di. par les anglo¬ phones lorsque the est employé dans la phrase anglaise phrase 93 "he turned the canoë", "il a tourné la pirogue" i bin 'ton di ka'nu (anglophone) 205 i bin 'kopsay di ka'nu (anglophone) i 'don 'ton 'bak ka'nu (trois francophones) phrase 315 "the water is hot", "l'eau est chaude" 9 di wa'ta di 'hot (anglophone) di wa'ta 'hot (anglophone) wa'ta,i 'hot (francophone) wa'ta, i di 'hot (francophone) wa'ta 'don 'hot (francophone) La présence de di (anaphorique) dans ces deux exemples est un calque de l'anglais, mais peut-être se généralisera-t-elle dans le futur chez tous les locuteurs de pidgin de la zone anglophone. 5.4.1.1.7. "'Eni" 'Eni, "chaque" ne peut être précédé par aucun déterminant mais il peut être antéposé à un démonstra¬ tif, et, par conséquent, déterminer le SN DEMONSTRA¬ TIF NOM ou encore le SN DEMONSTRATIF POSSESSIF NOM. 9- L'absence du pronom i n'est pas une conséquence de la présence de di (anaphorique). Les énoncés du type di N, i... . sont fréquents en P.E.A. 206 Exemples A di 'go (fo) 'maket 'eni 'de. je/INAC/alier/au/marché/chaque/jour "Je vais au marché chaque jour." 'Eni ('dat) ma 'broda go 'kom tu'moro. chaque/ce/mon/frère/FUT/venir/demain "Chacun de mes frères viendra demain." En P.E.A., 'eni est parfois remplacé par 'evri (< A. "every" ) . 5.4.1.2. Les déterminants mobiles Il semble que 'oda (['oda], ['oda], ['ada] ['ara], ['ola], ['ara], ['ala]) peut être précé¬ dé de tous les déterminants étudiés plus haut : 5.4.1.2.1. "'Oda" ' ('eni) (DEMONSTRATIF)) (INDEFINI) (POSSESSIF) ('oda) NOM (ANAPHORIQUE) y \ 207 Pa Haman, na 'oda 1say 'de. Pa/Haman/PRED/autre/côté/là "Pa Haman habite de l'autre côté." 'Dat ma 'oda 'broda go 'kom tu'moro. ce/mon/autre/frère/FUT/venir/demain "Mon autre frère viendra demain." ('Som) 'oda est fréquemment remplacé par a' noda ( I was eating ) train de man9er" Par contre, les constructions bin 'bin, bin 'lif fo et bin 'bin di sont beaucoup moins proches de la structure de l'anglais. 246 On a vu que l'emploi de go seul situe le procès dans le futur, celui-ci étant considéré com¬ me non accompli. La présence de 'don permet de regar der le procès comme étant accompli. Exemples Mi, a 'no 'no 'weda i go 'wan 'bi 'twef-o-'klok , moi/je/NEG/savoir/si/il/FUT/vouloir/être/midi i go 'don 'kom. elle/FUT/ACC/venir "Moi, je ne sais pas si elle sera arrivée avant midi 'Taym 'we yu go 'kom, a go 'don 'tshop. temps/que/tu/FUT/venir/je/FUT/ACC/manger "Quand tu viendras, j'aurai mangé." Les locuteurs qui ignorent cette combinaison emploient 'don seul, la présence de go dans la propo sition complément du nexus suffisant à rendre tout l'énoncé au futur : 'Taym 'we yu go 'kom, a 'don 'tshop. 6.3.4. "GO DI" La combinaison go di est seulement employée 247 par les Anglophones qui utilisent go 'don. Pi met l'accent sur le développement du procès ou encore sur son caractère habituel ou itératif. Exemples 'evri 'de, a go di 'si 'yu. chaque^ our/je/FUT/INAC/voir/toi "Je te verrai chaque jour." (...) Wi go di 'si : 'ren go di 'fol layk 'wan nous/FUT/INAC/voir/pluie/FUT/INAC/comme/un 'mayl an 'son go di 'hot fo 'ya. mile/et/soleil/FUT/INAC/chauffer/PREP/ici "(...) Nous verrons : pendant que la pluie sera en train de tomber à un mile, le soleil brillera ici. " 6.3.5. "BIN 'DON DI" Bin 'don di est très peu usité, et seulement par des Anglophones dont le niveau de scolarisation £ est élevé . Cette combinaison permet de mettre l'ac¬ cent sur le développement du procès (cfi), considéré 6- 'Bin 'don di n'est présent qu'une seule fois dans notre corpus. Cette combinaison, ainsi que go 'don di (cf. infra), est relevée par L. Todd (1973;1975) qui remarque également sa très faible fréquence d'utilisation. 248 cependant comme accompli ( 'don) et situé dans le passé (bin). Exemple (...) Na 1so a bin 'don di 'tel 'yu. c'est/ainsi/je/PAS/ACC/INAC/dire/toi "(...) C'est ce que je t'avais dit." Le di de cette combinaison est difficilement traduisible en français (" ?c'est ce que j'avais été en train de te dire") . Par contre, la "forme pro¬ gressive" du plus-que-parfait anglais traduit très 7 bien cette combinaison : "That's what I'd been telling you." 6.3.6. "GO 'DON DI" Cette combinaison, utilisée par les locuteurs qui connaissent bin 'don di, permet de mettre l'accent sur le développement du procès (d_i) , considéré cepen¬ dant comme accompli ('don) et situé dans le futur (go). 7- Ici encore (cf. note 5) le P.E.A. se rapproche de l'anglais. 249 Exemple 1Ren go 'don di 'fol 'wen yu go 'kom fo 'ya. pluie/FUT/ACC/INAC/tomber/quand/tu/FUT/venir/PREP/ici "Il aura bien plu quand tu viendras ici." A. "It will have been raining when you corne." 6.4. TEMPS ET ASPECT NON MARQUES La forme non marquée (V) est fréquemment employée dans un énoncé qui est déjà situé dans le passé ou dans le présent (moment de 1'énonciation) à l'aide d'un autre verbe auquel est antéposée la marque "passé" ou "inaccompli", ou à l'aide d'un tem¬ porel. Elle est également utilisée dans des énoncés dont le contenu ne se situe pas dans un temps défi¬ ni : c'est le cas de certaines appréciations et de certains proverbes. Exemples Tu'de,na di 'de 'we wi 'wok. aujourd'hui/c'est/le/jour/que/nous/travailler "Aujourd'hui, c'est notre jour de travail." Fo 'moni 'taym, yu di ko'mot, yu di 'go fo 'farn, PREP/matin/temps/tu/INAC/sortir/tu/INAC/aller/à/plantation 250 yu 'wok. 'If yu 'don 'taya, yu 'kom 'bak tu/travailler/si/tu/ACC/se fatiguer/tu/venir/en arrière/ fo 'ton, yu 'wash yu 'skin.(...) à/maison/tu/laver/ton/corps "Le matin, tu sors, tu vas à la plantation, tu tra¬ vailles. Si tu es fatigué, tu reviens à la maison, tu te laves. (...)" I bin 'bi 'tu 'wik, 'som 'man i 'hang fo Bafut. (...) il/PAS/être/deux/semaines/un/homme/il/se pendre/à/Bafut "Il y a deux semaines, un homme s'est pendu à Bafut." 'Wen a bin 'finish ma 'skul fo 'nayntin 'siksti quand/je/finir/ma/scolarité/en/dix-neuf/soixante g a bin 'get 'smol 'wok fo P.W.D. . Fo 'nayntin je/PAS/avoir/petit/travail/au/P .W.D. /en/dix-neuf 'siksti 'wan, a 'wok fo 'de so'te fo 'tu soixante/un/je/travailler/PREP/là/jusqu'à/pendant/deux 'yiaz. ans "Lorsque je finissais ma scolarité en 1960, j'avais un petit travail au P.W.D. A partir de 1961, j'y ai travaillé encore pendant deux ans." 8- Public Work Department. 251 'Mi, a 'get ma bap'tis fo 'han fo 'wat-man moi/je/avoir/mon/baptême/de/main/de/blanc-homme g fo 1913 ; fo 'djeman 'taym. en/1913/du/allemand/temps "Moi, j'ai été baptisé en 1913; pendant l'époque allemande." 'Plenti 'ren, i 'no 'gut. 'Wen 'ren 'fol beaucoup de/pluie/il/NEG/être bon/quand/pluie/tombe 'smol, 'den,'smol 'tam, 'son ko'mot, i 'fayn. un peu/alors/petit/temps/soleil/sortir/il/être bien "S'il pleut beaucoup, ce n'est pas bon. S'il pleut un peu et que peu de temps après le soleil revient, c'est bien." 'Monki '.day, 'monki ' kom singe/mourir/singe/venir "Personne n'est irremplaçable." Hors-contexte, la forme non marquée (V) exprime le non-passé et le non-futur avec les verbes statifs"^. Les verbes actifs, par contre, sont pré- 9- en français. 10- Il s'agit, en fait, d'une distinction sémantique qui apparaît également au niveau syntaxique ; les verbes statifs "réfèrent à un état de chose et non à un événement, un procès ou une action" (Lyons, 1970 : 241) . 252 cédés du marqueur di . Exemples "je sais" : a 'sabi "j'aime mon travail": a 1layk ma 'wok "je l'ai" : a 'get-am "je mange" : a di 'tshop "je viens" : a di 'kom11 Cependant, nous ne dirons pas, comme L. Todd, que "stative verbs may not be preceded by di" (1974 :3) . En effet, nos propres observations nous permettent d'affirmer que les statifs peuvent être "activisés" au moyen de marques aspectuelles. 12 Exemples a 'smol je/être petit (mince; maigre) "je suis petit (mince; maigre)" 11- Notons, en outre, que a 'sabi , hors-contexte, sera traduit par "je sais" ("I know") tandis que a 'tshop sera traduit, dans la plupart des cas, par "j'ai mangé" ou "je mangeais" ("I ate") plu¬ tôt que par "je mange". Mais "je mangeais" ne se¬ ra pas traduit par a 'tshop mais bien par a bin 'tshop et "j'ai mangé" par a 'don 'tshop. 12— Il semole que certains locuteurs ne font pas tou¬ jours une distinction de sens entre di v et V. Par exemple, "il/elle est rouge" ("it is~red") a parfois 253 a di 1smol "je maigris/mincis" a 'don 'smol "j'ai maigri/minci" (...) Wi 'de fo 'kondre. Fo 'sonde, 'if 'kray nous/être/au/village/PREP/dimanche/si/deuil 'don 'bi, wi di 'go fo 'kray. ACC/être/nous/INAC/aller/au/deuil. (...) Nous sommes au village. Le dimanche, si un deuil est survenu, nous allons au deuil." (...) A 'don 'bi 'daso 'popo "Madame" (...) je/ACC/être/simplement/vraie/dame (...) Je suis simplement devenue une vraie dame(...)" (Extrait de "King fo Toly"; cf. annexe II). Pi'kin 'we a 'don 'bon fo 'ya, i 'don 'bik enfant /que/je/ACC/faire naître/PREP/ici/ils/ACC/être grand 'plenti. beaucoup "L'enfant que j'ai eu ici est devenu grand." pour équivalentsi 'ret (i'de 'ret) et i di 'ret. D'autres locuteurs, par contre, n'emploient que la première construction (et la deuxième , le cas échéant) pour "il/elle est rouge" et la dernière pour "il/elle rougit" ("it is reddening") . D'autre part, di semble dans certains cas donner une valeur emphatique au verbe statif plutôt que lui conférer un sens actif. Nous avons ainsi rencontré a di 'sabi-am avec le sens de "je le sais bien" et non celui de "je suis en train de faire sa connaissance". 254 Nomba-'tu pi'kin, i 'don 'get 'siks pi'kin. deuxièrae/enfant/il/ACC/avoir/six/enfants "Mon deuxième enfant a six enfants." (Il les a "ob¬ tenus" et les a toujours). Nous avons trouvé, assez fréquemment, d_i antéposé à 'bi, "être", chez Christie N. Exemples A di 'bi fo 'ya 'evri 'de. je/INAC/être/PREP/ici/chaque/jour "Je suis ici tous les jours." 'Tel 'mi, 'nao, 'dat 'taym 'we yu bin di 'bi dire/moi/maintenant/ce/temps/que/tu/PAS/INAC/être ' yong, ' taym f o 'djeman , 'taym fo 'inglish (...) jeune/temps/des/Allemands/temps/des/Anglais "Dites-moi, maintenant, durant toute votre jeunesse; du temps des Allemands, du temps des Anglais (...)" Dans ces deux exemples, di met l'accent sur la durée de l'état qui est susceptible de changement (dans le dernier exemple, il a effectivement changé l'interlocuteur de Christie N. est né au début de ce siècle !) . 255 6.5. RECAPITULATION : LES DIFFERENTS SYSTEMES ASPECTO-TEMPORELS PIDGIN On remarque la présence d'un système aspecto- temporel minimal, utilisé par certains Peul et cons¬ titué de formes employées par tous les locuteurs de pidgin. Celui-ci peut être représenté par le tableau suivant : \ \ASPECTS TEMPS NON MARQUE V ACCOMPLI 'don INACCOMPLI di NON MARQUE V V 'don V di V PASSE bin bin V bin 'don V - FUTUR go go V - - Tableau 8. Combinatoire aspecto-temporelle commune à tous les systèmes (système 1.) En plus de ces formes communes, le système P.E.F. comporte bin 'bin .qui a pour équivalent bin 'lif fo chez les"Anciens" et bin 'bin di chez certains Anglophones (système 2) . 256 \ASPECTS TEMPS \ NON MARQUE V ACCOMPLI ' don INACCOMPLI di INACCOMPLI ' bin NON MARQUE V V ' don V di V - PASSE bin bin V bin 'don V - bin 'bin V FUTUR go go V - - - Tableau 9. Combinatoire aspecto-temporelle du P.E.F. (système 2.) Le système 3., utilisé par la majorité des Anglophones, comporte deux combinaisons de plus que le système 1. C'est le système qui montre le plus de "régularité". Le système 4. est une élaboration du système 3., avec ses deux combinaisons supplémentaires. Dans le tableau de la page suivante, la com- binatoire du système 3. exclut les combinaisons entre parenthèses; celle du système 4. les inclut. 6.6. CONCORDANCE DES TEMPS ET DES ASPECTS Nous nous bornerons, ici, à quelques remarques sur ce sujet qui mérite une étude plus approfondie. 257 "\aspects non marque accompli inaccompli temps -.. \ V ' don di non marque V bin V 'don V di V passe bin V bin 'don V bin di V bin (bin 'don di V) futur go V go 'don V go 'don V go (go 'don di V) Tableau 10. Combinatoires aspecto-temporelles des systèmes 3. et 4. du P.E.A. Ce qui est frappant, en pidgin, c'est l'absence de contraintes syntaxiques ayant trait à la "concordance" des temps et des aspects. Nous avons déjà fait remarquer que lorsqu'un récit est situé une fois dans le passé , la présence de bin n'est pas obligatoire dans les SV qui suivent. En outre, toutes les combinaisons aspecto-temporelles semblent possibles . Le futur, dans le cas du discours direct, mais aussi dans celui du discours indirect, peut même être employé. Exemples A bin 'bin di^ 'hia to'ri fo 'dat 'taym a 'de 'smol. j e/PAS/INAC/INAC/écouter/histoire/PREP/temps/être/petite 258 'Onli fo tro'ki yi to'ri. Tro'ki bin 'bi. seulement/de/tortue/son/histoire/tortue/PAS/être 'Yi an 'swayn. 'Swayn bin 'bi. Tro'ki, i 'tshop elle/et/porc/porc/PAS/être/tortue/elle/manger 'swayn yi mo'ni. 'Afta, 'swayn di 'kom 'se : porc/son/argent/après/porc/INAC/venir/que 13 'giv ma mo'ni 'nao! Tro'ki 'se i 'neba donne/mon/argent/maintenant/tortue/que/elle/NEG-ACC 'get-am. 'Eni 'de; 'eni 'de. Fo 'wan 'de, avoir-le/chaque/jour/chaque/jour/PREP/un/jour 'nao, 'swayn 'don 'veks(...) alors/porc/ACC/se fâcher "J'avais l'habitude d'écouter une histoire quand j'é¬ tais petite. L'histoire de la tortue. Il était une fois une tortue. Elle, et un porc, aussi. IL était une fois un porc. La tortue prenait l'argent du porc. Alors, le porc vint lui dire : tortue, donne-moi mon argent maintenant! La tortue dit qu'elle ne l'avait pas pris. Chaque jour, chaque jour comme cela. Alors, un jour, le porc se fâcha (...)" (...) A bin 'don 'go 'si 'yi fo 'maket, i 'tok j e/PAS/ACC/aller/voir/lui/au/marché/il/dire 13- Cf. 7.1.2. 259 fo 'mi 'se i go 'kari 'mi fo 'bak mo'to. à/moi/que/il/FUT/porter/moi/sur/arrière/moto "(...) Je suis allé le voir au marché, il m'a dit qu'il me prendrait sur sa moto." (...) So,i bin di'say 'se i go 'go 'bak alors/il/PAS/décider/que/il/FUT/aller/en arrière fo 'yi 'hos. à/sa/maison "(...) Alors, il décida de rentrer chez lui." On a vu, en 6.3.3., que lorsqu'un énoncé est situé dans le futur au moyen de la modalité tempo¬ relle go, la répétition de celle-ci n'est pas obli¬ gatoire . Il suffit qu'elle soit présente une fois pour situer tout l'énoncé au futur : 'Taym 'we yu go 'kom , a 'don 'tshop. temps/que/tu/FUT/venir/je/ACC/manger "Quand tu viendras, j'aurai mangé." L'emploi de djL est également possible : (...) 'ren go di 'fol fo 'op 'de, wi di pluie/FUT/INAC/tomber/PREP/haut/là/nous/INAC/ 260 'hia 'son fo 'ya. sentir/soleil/PREP/ici "(...) il pleuvra là-bas pendant que nous aurons du soleil ici." 6.7. L'INACTUEL EN P.E.A. Chez les Anglophones qui emploient les combi¬ naisons bin di, go 'don et bin 'don (systèmes 3. et 4. 1'inactuel est marqué par la présence de 14 la modalité verbale fo ([fo], [fo]) Exemples 'If yu bin 'bi 'yong 'man, 'us 'kan 'ting yu si/tu/PAS/être/jeune/homme/quelle/sorte de/chose/tu fo 'layk fo 'du-am? INACT/aimer/PREP/faire-le "Si vous étiez un jeune homme, qu'est-ce que vous aimeriez faire?" 'If a bin 'bi 'frentsh 'gai, a fo 'don 'day! si/je/PAS/être/francophone/fille/je/INACT/ACC/mourir "Si j'étais une Francophone, j'en serais morte!" 14- Cf. au chapitre VII, l'expression de l'irréel en P.E.A. "conservateur" et en P.E.F. 261 Fo peut être suivi de V, de 'don V, de di V et même de 'don di V . Fo di V et fo 'don di V ne sont pas présents dans notre corpus mais sont signalés par L. Todd (1973). Cette dernière combinaison est, selon cet auteur, d'un usage fort restreint. 6.8. LES MODALISANTS 15 La fonction modalisante est assumée en pidgin par deux types de lexèmes : (1) par des "modaux" proprement dits qui doivent toujours être accompagnés d'un verbe et qui sont donc, d'un point de vue fonctionnel, des modali¬ tés verbales au même titre que les modalités aspecto- 15- Nous pouvons citer, à titre de définition, ces quelques lignes d'E. Benveniste (1974 : 187-8) : "Nous entendons par modalité une assertion com¬ plémentaire portant sur l'énoncé d'une relation. En tant que catégorie logique, la modalité com¬ prend 1° la possibilité, 2° l'impossibilité, 3° la nécessité. Ces trois "modes" n'en font que deux au point de vue linguistique, du fait que l'impossibilité n'a pas d'expression distincte et s'exprime par la négation de la possibilité. Ainsi possibilité et nécessité sont deux modali¬ tés primordiales, aussi nécessaires en linguistique qu'en logique et qu'il n'y a aucune raison de contes¬ ter. (...) La catégorie linguistique de la modalité comprend d'abord les deux verbes pouvoir et devoir. En outre, la langue a étendu la fonction modalisan¬ te à d'autres verbes dans une partie de leurs em¬ plois et par la même structure d'auxiliation, principalement : aller, vouloir, falloir, désirer, espérer." 262 temporelles ; (2) par des "auxiliaires modalisants" qui peuvent également fonctionner comme verbes admettant un complément objet. Les deux modaux rencontrés dans notre corpus sont 'fit , "pouvoir" et 'mos , "devoir".Les auxiliai¬ res modalisants sont : 'wan, "vouloir"; 'sabi, "savoir" bi'kin, "commencer"; 'finish, "finir"; 'layk, "aimer" ; 'tray, "essayer". Ces formes peuvent toutes faire partie de la construction (MAT) MOD V. Nous avons également ren¬ contré les auxiliaires modalisants et 'fit dans la construction (MAT) MOD fo V. Le choix de l'une ou de l'autre construction ne semble dépendre ni des locuteurs ni du contexte linguistique, comme le mon¬ trent les exemples ci-dessous : Wi 'no 'fit fo 'go 'kari 'wan 'peson fo nous/NEG/pouvoir/PREP/aller/porter/une/personne/à/ 'hos (...) a 'no 'se wi 'fit 'kari-am. (Patrick C.) maison/ je/NEG/que/nous/pouvoir/porter-la "Nous ne pouvons pas transporter une personne jus¬ qu'à la maison (...) je ne dis pas que nous pouvons la transporter." 263 I 'no go 'fit fo 'bilif "certain" tings fo Jésus. il/NEG/FUT/pouvoir/PREP/croire/certaines/choses/de/Je (Patrick C.) "Il ne pourra pas croire certaines choses concernant Jésus." 'Dem 'fit 'giv 'yu 'som 'smol 'ting. (Patrick C.) ils/pouvoir/donner/toi/une/petite/chose "Ils peuvent te donner un petit quelque chose." Di to'ri 'we a 'wan 'tok,i 'bi 'se (...) la/histoire/que/je/vouloir/raconter/elle/être/que Di to'ri 'we a bin 'wan fo 'tok-am,i la/histoire/que/je/PAS/vouloir/PREP/raconter-la/elle/ 'bi 'se (...) être/que "Il était une fois (...)" A bin 'wan 'tel 'yu 'som 'plaba (...) je/PAS/vouloir/raconter/toi/une/histoire • "Je voulais te raconter une histoire (...) (...) A bi'kin fo 'kuk.(Pa Z.) (...) je/commencer/â/faire/cuisine "J'ai commencé à faire la cuisine." 264 (...) 'Mi an 'yi bi'kin 'waka.(Pa Z.) moi/et/lui/commencer/voyager "(...) Lui et moi avons commencé à voyager." (...) dem go bi'kin 'hambok 'yu. (Pa Z.) ils/FUT/commencer/ennuyer/toi "(...) Ils vont commencer à te causer des ennuis." En zone anglophone, nous avons fréquemment rencontré bi'kin et 'fit suivis de la modalité aspec- tuelle di. Cette combinaison n'est jamais présente en P.E.F. et jugée tout à fait inacceptable par les locuteurs francophones que nous avons interrogés. Exemples (...) Dem bin bi'kin di 'tok 'se Jesus-Christ ils/commencer/INAC/dire/que/Jésus-Christ/ na 'daso 'man. PRED/seulement/homme "Ils commencèrent à dire que Jésus-Christ n'était qu'un homme." (...) Na 'onli 'djesno 'we 'ren 'don bi'kin c'est/seulement/maintenant/que/pluie/ACC/commencer/ 265 di 'fol 'smol-'smol. INAC/tomber/un peu-un peu "(...) C'est seulement maintenant qu'il a commencé à pleuvoir un petit peu." (...) i bi'kin di 'lukot fo 'dat 'swayn. il/commencer/INAC/s'occuper/de/ce/porc "(...) il commença à s'occuper de ce porc." (...) a 'no 'fit di 'go. j e/NEG/pouvoir/INAC/aller "(...) je ne peux pas y aller." 6.9. LES SERIES VERBALES La présence de verbes qui se suivent, sans répétition du sujet et sans marque de coordination est un phénomène que l'on trouve communément dans les langues de l'Afrique Occidentale, en particulier celles du groupe kwa (cf. Westermann, 1965; Stahlke, 1970; Bamgbose, 1972, 1973; Awobuluyi, 1973; Lord, 1973; Bole—Richard, 1978). On trouve également des séries verbales dans certains pidgins et créoles, tels le pidgin-english du Nigéria (Agheyisi, 1971), le krio de Sierra-Leone (Williams, 1973, 1976) et le sranan (Voorhoeve, 1957). Cette construction est pré¬ sente, en outre, dans des langues qui n'ont aucune 266 parenté linguistique avec les langues de l'Afrique de l'Ouest. Citons le chinois et le laotien (Bole-Richard, 1978), l'agarabi, le kobon et 1'iduna de Nouvelle- Guinée (Laughren, 1976). Il suffit de lire les études récentes sur ce sujet pour se rendre compte de sa complexité, et les auteurs sont loin d'être d'accord sur les différentes possibilités d'analyser les séries verbales d'une lan¬ gue spécifique (cf. articles cités supra, et, en particulier, Bamgbose, 1972, 1973 et Awobuluyi, 1973). Il s'agit pour nous, dans le cadre de cette étude, de savoir si les séries verbales rencontrées dans notre corpus doivent être considérées (1) com¬ me des énoncés complexes formés d'une séquence de propositions en syndèse (la marque de syndèse étant constituée par la non-répétition du sujet;cf. au chapitre VII la définition de ce terme), ou (2) comme des énoncés simples comportant des prédicats complexes. Pour cela, nous nous demanderons si la répétition du sujet est susceptible,d'entraîner un changement de sens ou non. Les remarques que nous suggèrent les énoncés relevés dans notre corpus ne peuvent être tenues pour une analyse. Une étude quelque peu sérieuse sur les séries verbales pidgin nécessite, en effet, un échan- 267 tillon, comportant ce type de construction, beaucoup plus important que celui que nous possédons actuel¬ lement et un recours (aussi aléatoire soit-il) à l'in¬ tuition des locuteurs afin de connaître les contextes dans lesquels il est possible ou non de se trouver en présence de telles séries de verbes et de savoir dans quelle mesure le remplacement d'un verbe par la pré¬ position fo, par exemple, ou l'addition, devant un verbe, de cette même préposition ou encore de la conjonction an, "et", est susceptible ou non de changer le sens de l'énoncé (nous espérons pouvoir entreprendre cette étude ultérieurement). Dans l'exemple suivant, extrait de notre corpus, un même locuteur utilise une série verbale composée de trois verbes puis reprend la phrase en répétant le sujet : A di 'pe mo'to, 'go 'kesh fo 'de. A 'pe je/INAC/payer/voiture/aller/atteindre/PREP/là/je/payer tak'si, a 'go 'kesh fo 'ton; fo dem 'ton. taxi/je/aller/atteindre/PREP/maison/PREP/leur/maison "Je paye une voiture et je vais jusque là-bas. Je paye un taxi et je vais jusqu'à la maison; leur maison." 'Pe♦.. 'go peut donc être considéré 268 sans difficulté comme faisant partie d'un énoncé complexe, en syndèse dans la première phrase (non- répétition du sujet), avec asyndète dans la seconde. Par contre, le sujet n'est pas répété devant 'kesh. En effet, un énoncé tel que : A 'go, a 'kesh fo 'de. je/aller/je/atteindre/PREP/là "Je vais, j'arrive là-bas." n'a plus le même sens que celui comprenant la série ver- bale 'go 'kesh, qui forme un prédicat complexe dans lequel une même action est exprimée. D'autres exemples de séries verbales susceptibles d'être analysées comme des énoncés complexes seront cités au chapitre VII. Nous ne retiendrons, ici, que des séries verbales pouvant être considérées comme fai¬ sant partie d'un prédicat complexe. A go 'tel 'yu 'hao a bin 'muf fo 'pies j e/FUT/raconter/toi/comment/j e/PAS/partir/de/endroit/ 'we dem 'bon 'mi fo 'kom 'rish fo Douala 'ya. que/ils/faire naître/moi/pour/venir/atteindre/PREP/Douala/ici "Je vais te raconter comment je suis parti de l'endroit où je suis né pour arriver ici à Douala." 269 (...) Wi bin 'waka 'go Nkongsamba. nous/PAS/marcher/al1er/Nkongsamba "(...) Nous sommes allés à pied jusqu'à Nkongsamba." (...) I 'no 'som 'medisin 'man 'we i 'fit il/connaître/un/médicament/homme/que/il/pouvoir 'tek 'yi 'go 'de. prendre/lui/aller/là "(...) Il connaît un guérisseur chez qui il peut l'ame¬ ner . " (...) wi 'fit 'kari-am 'go fo 'tshos. nous/pouvoir/porter-lui/aller/à/église "(...) nous pouvons le transporter jusqu'à l'église." (...) I bin 'tek 'dat 'kako 'go fo 'som 'bik 'ton. il/PAS/prendre/ce/fardeau/aller/à/une/grande/ville "(...) Il emporta ce fardeau jusqu'à une grande ville." i' s Dans ces énoncés, toutes les séries verbales comportent au moins un verbe de "mouvement" (dont le verbe 'çjo, "aller", dans les quatre derniers exemples). Notons que le premier verbe peut recevoir un objet et 1 fi que le second n'est pas précédé de MAT 16- Ceci n'est pas, cependant, une caractéristique des séries verbales pidgin puisque, on l'a vu, la forme non marquée du verbe est souvent employée dans un énoncé,lorsque,auparavant, l'information concernant le temps et/ou l'aspect a été donnée. 270 Le comparatif de supériorité s'exprime égale¬ ment, en pidgin, au moyen d'une série verbale : V 'pas. Exemples I di 'tshop 'pas 'mi. il/INAC/dépasser/moi "Il mange plus que moi" I 'bik 'pas 'mi. il/être grand/dêpasser/moi "Il est plus grand que moi." L'on pourrait se demander, cependant, si 'pas ne devrait pas être plutôt considéré comme une préposition pour deux raisons : (1) on a vu que de nombreux lexèmes pidgin sont multifonctionnels (en 4.3.) et (2) la forme comparative d'égalité, en pid¬ gin, fait appel à la préposition leke (leke ne peut être précédé de MAT) et non d'un verbe. Exemples I di 'tshop leke 'mi. il/INAC/manger/comme/moi "Il mange autant que moi." 271 I 'bik leke 'mi1^. il/être grand/comme/moi "Il est aussi grand que moi." Si l'on décide que 'pas est une préposition, rien ne nous empêche de considérer les deuxièmes ver¬ bes des séries verbales de nos exemples précédents ('kesh, 'go, 'rish) comme des prépositions. Un cri¬ tère d ' ordre prosodique peut cependant être invoqué contre cette proposition : la préposition leke est non accentuée, comme c'est le cas de presque toutes les prépositions, tandis que les verbes le sont. D'autre part, pour l'économie de la description, il est préférable, à notre avis, de considérer les exemples cités plus haut comme relevant des séries verbales puisque ce phénomène se retrouve en pidgin au niveau de la phrase complexe (cf. chapitre VII). En outre, il est également présent dans des langues africaines qui ont sans doute participé à la formation du pidgin-english. 17- Des énoncés tels que i 'de 'bik 'pas 'mi (il/être/ grand/dépasser/moi) et i 'de 'bik leke 'mi (il/ être/grand/comme/moi) ont été acceptés par des lo¬ cuteurs utilisant la construction 'de ADJ. Le comparatif d'infériorité est exprimé, en pidgin, par la négativisation du comparatif d'égalité : i 'no 'bik leke 'mi (il/NEG/être grand/comme/moi), "il n'est pas aussi grand que moi"; "il est moins grand que moi". CHAPITRE VII LA PHRASE Dans ce chapitre, nous nous proposons d'étu¬ dier les diverses modalités de la phrase puis de présenter les principaux types de phrases complexes rencontrés dans notre corpus. 7.1. MODALITES DE LA PHRASE 7.1.1. L'INTERROGATION Les questions globales (suscitant une réponse oui/non) n'entraînent pas, en pidgin, un changement de la structure de l'énoncé assertif. C'est l'intona¬ tion, montante, qui marque l'interrogation. Les questions segmentâtes requièrent la pré¬ sence d'un morphème interrogatif, qui peut être : (1) soit le déterminant 'us (['us], [ 'wus], [ 'h u s ], et même, en P.E.A., ['wij],['witj]) antéposé â 'kan suivi d'un nom (quel qu'il soit), ou directe- 273 ment antéposé aux noms 'say, "endroit", 'man, "homme" ou 'taym, "moment"; (2) soit l'adverbe 'hao, "comment"; (3) soit les pronoms 'weti (qui a le trait [- humain]) et 'hu (employé seulement en P.E.A., qui a le trait [+ humain] et qui n'assume que la fonction de sujet); (4) soit les adjectifs 'hamos et 'hameni ("combien [de]"). Chez certains locuteurs de P.E.A., l'emploi de 'hameni est réservé aux noms comptables. Dans un pidgin plus conservateur, 'hamos est utilisé dans tous les cas. Exemples E22i£i2D_rï§_22Î2Î: 'Us 'man 'don 'kom? quel/homme/ACC/venir " Oui est venu?" 'Hu 'don 'tok? (P.E.A.) "Qui a parlé?" 274 Pos ± t ion_de_comp Yu 'don 'si 'us 'man? tu/ACC/voir/quel/homme "Qui as-tu vu?" Wi di 'tshop 'us 'kan 'ting? nous/INAC/manger/quelie/sorte de/chose "Qu'est-ce que nous mangeons?" Yu di 'mek 'weti? tu/INAC/faire/quoi "Qu'est-ce que tu fais?" Yu 'get "Tu as combien d'enfants?" Yu 'get 'hamos mo'ni? "Tu as combien d'argent?" Yu 'get 'hameni mo'ni? Yu di 'go (fo) 'us 'say? tu/INAC/aller/PREP/ "Où est-ce que tu vas?" 275 Yu di 'mek-ain 'hao? tu/INAC/faire-le/comment "Comment le fais-tu?" Yu di 'mek-am fo 'weti? tu/INAC/faire-le/pour/quoi "Pourquoi le fais-tu?" Ces interrogatifs sont fréquemment thématisés. Exemples Thématisation_du sujet (...) 'Us 'kan 'bishop, i bin bi'kin fo quelle/sorte de/évêque/il/PAS/commencer/dans 'dis "diocèse"? ce/diocèse " (...) Quel évêque a commencé dans ce diocèse?" Thématisation_de_l_job^et 'Us 'man yu 'don 'si(-am)? quel/homme/tu/ACC/voir(-le) "Qui as-tu vu?" 276 'Weti yu di 'mek(-ara)? comment/tu/INAC/faire(-le) "Qu'est-ce que tu fais?" [ ' Hamos , . , > ^ ('Hameni)P1 kln i"1 'get(-am)7 combien de/enfants/tu/avoir(-les) "Combien d'enfants as-tu?" Thématisation_du_localisateur (Fo) 'us 'say yu di 'go? PREP/quel/endroit/INAC/aller "Où vas-tu?" Thémati sa tion_de_l_^ adverbe 'Hao yu di 'mek(-am)? comment/tu/INAC/faire-le "Comment le fais-tu?" 7.1.2. LA NEGATION La phrase négative est marquée par la présence de 'no antéposé aux modalités verbales (modalisants, modalités aspecto-temporelles et, aussi, en P.E.A., marque de l'inactuel), sauf s'il s'agit de 'don. Dans ce cas, NEG 'don revêt la forme 'neba (['neba] ['neva] [ 'neva ] [ 'noba ] ['nopa]). 277 Exemples A 'sabi. je/savoir/ "Je sais." A 'no 'sabi. "Je ne sais pas." I 'fit bi'kin 'giv-am. il/pouvoir/commencer/donner-le "Il peut commencer à en donner." I 'no 'fit bi'kin 'giv-am. "Il ne peut commencer à en donner A bin 'don 'no 'yi (...) je/PASS/ACC/connaître/elle "J'ai fait sa connaissance (...)" A 'no bin 'don 'no 'yi. "Je n'ai pas fait sa connaissance A 'don 'tshop. "J'ai mangé." * A 'no 'don 'tshop. 278 Mais A 'neba 'tshop. "Je n'ai pas (encore) mangé." Le nom d'une phrase ainsi nëgativisée peut avoir pour déterminant la même forme : 'no, "aucun(e)". Exemples A 'no 'get pi'kin. "Je n'ai pas d'enfant." A 'no 'get 'som pi'kin 'we i 'fit 'helep 'mi. je/NEG/avoir/un/enfant/que/il/pouvoir/aider/moi "Je n'ai pas d'enfant qui puisse m'aider." A 'no 'get 'no pi'kin. je/NEG/avoir/aucun/enfant "Je n'ai aucun enfant." A 'get 'no pi'kin. 'No 'man 'neba 'kom tu'de. aucun/homme/NEG-ACC/venir/aujourd'hui "Personne n'est venu aujourd'hui." 'Nating ([ 'not îq] ['natif]]), "rien", lorsqu'il est sujet ou objet, requiert la présence de la modalité 279 'no ou 'neba : A 'no 'get 'som 'ting. A 'no 'get 'nating. "Je n'ai rien." A 'get 'nating. Mais Dem 'don 'pie fo 'nating. ils/ACC/jouer/pour/rien "Ils ont joué pour rien." Très fréquemment, 'nating est déterminé par ' A 'no 'get 'no 'nating. "Je n'ai rien du tout." A 'get 'no 'nating. 7.1.3. L'INJONCTION L'injonction est marquée par la présence de 'mek placé au début de l'énoncé. Dans l'énoncé injonc tif, le verbe a toujours la forme non marquée. 280 Exemples 'Mek yu 1kom! INJ/tu/venir "viens !" 'Mek 'dem 'kom! INJ/ils/venir "Qu'ils viennent!" 'Mek i 'no 'kom! INJ/il/NEG/venir "Qu'il ne vienne pas!" Lorsque l'injonction concerne la deuxième per¬ sonne du pluriel, 'mek n'est pas obligatoire : 'Mek wuna 'kom! Ou Wuna 'kom! "Venez !" Wuna 'no 'blo 'dis 'ting, dem di "tape"! vous/NEG/souff1er dans/cette/chose/ils/INAC/enregistrer "Ne soufflez pas dans cet instrument, on enregistre!" (On aurait pu également dire : 'mek wuna 'no 'blo...). 281 Dans ces deux derniers exemples, c'est l'into¬ nation qui permet de distinguer l'injonction de l'asser¬ tion. Lorsque l'injonction concerne la deuxième person¬ ne du singulier, l'effacement de 'mek, optionnel, entraîne celui du pronom sujet : 'Kom! "Viens!" Les énoncés sans 'mek sont jugés plus péremptoires, moins "polis" que ceux comportant la modalité 'mek. 7.1.4. L'EMPHASE Nous avons déjà étudié, au chapitre IV, la thé- matisation. Un autre procédé syntaxique très fréquent pour faire porter l'emphase sur un nominal, un locatif précédé de fo, ou encore un verbe précédé également de fo , est l'emploi de la particule na1 antéposée à ces constituants. 1- Rappelons la fonction prédicative de na (cf. 4.1.2.). Ce double rôle, emphatique et prédicatif, d'une mê¬ me forme se retrouve en sango et dans d'autres langues africaines (Houis, 1976). 282 Cette focalisation avec na est possible en P.E.A. quelle que soit la position de ces constituants, excep¬ tion faite du pronom complément qui doit être auparavant 2 thematise (cf. infra) . Exemples Sujet Na 'king go 'tek-am. EMPH/chef/FUT/prendre-le "C'est le chef qui le prendra." Suj§t_thématisé Na di 'sem 'san, i 'de fo "Nord". EMPH/le/même/sable/il/être/au/Nord "C'est le même sable qu'on trouve dans le Nord." Objet Yu go 'tok na 'pidjin-'inglish. tu/FUT/parler/EMPH/pidgin-english "C'est le pidgin-english que tu parleras." 2- Lorsqu'un pronom sujet est précédé de na, il prend la forme accentuée : na 'mi go 'tek-am ("c'est moi qui le prendrai") et non : * na a go 'tek-am. 283 t22âii§2î:22î: 3 Yu di 'ste na fo Yaoundé? tu/INAC/habiter/EMPH/à/Yaoundé "C'est à Yaoundé que tu habites?" Attribut Yu bin 'bi na 1som 1trong 'boy! tu/PAS/être/EMPH/un/fort/garçon "Vous avez été un type vraiment fort!" Verbe I 'kom na fo 'lan^. il/venir/EMPH/pour/apprendre "Il est venu pour apprendre." En zone francophone, seuls les deux premiers exemples (positions de sujet et de thème) sont accepta¬ bles. Pour que na puisse être antéposé au nominal ou 3- Fo devient obligatoire lorsque le localisateur (no¬ minal ou locatif) est focalisé avec na. 4- 'Lan est bien un verbe puisqu'on pourrait le faire suivre du pronom objet -am. 284 encore au locatif ou au verbe (précédés de fo) en P.E. il faut qu'ils se trouvent en tête de l'énoncé : s'ils occupent une autre position que celle de sujet ou de thème, ils doivent être thématisés avant de pouvoir être focalisés avec na. Cette focalisation avec théma- tisation se trouve également en P.E.A. et est même obi gatoire pour le pronom complément. Exemples Na 'yi, a 'sabi. EMPH/lui (elle)/je/connaître "C'est lui (elle) que je connais." "Na fo 'de, a di 'sel-am." EMPH/PREP/là/je/INAC/vendre-les "C'est là-bas que j'en vends." Il convient de soulever ici une ambiguïté apportée par la traduction française : prenons celle du premier exemple (p. 281) : "c'est le chef qui le prendra". Cette phrase traduit deux énoncés distincts en pidgin : (1) Na 'king go 'tek-am. EMPH/chef/FUT/prendre-le 285 (2) Na 'king "we i go 'tek-am. PRED/chef/que/il/FUT/prendre-le Dans la phrase (1), le nexus est 'king go 'tek-am (na étant la particule emphatique). Par contre, dans la phrase (2), le nexus est na 'king (na étant le prédicatif) (1) signifie : "c'est bien le chef, et non une autre per¬ sonne, qui le prendra", tandis que (2) peut être inter¬ prétée comme : "c'est ce chef, et non un autre chef, qui le prendra". Un autre procédé emphatique est celui de la re¬ prise du pronom sujet immédiatement après le verbe (qu'il ait un complément ou non). Le pronom en position post-verbale prend alors la forme accentuée. Ce procédé semble beaucoup plus fréquent en P.E.A. qu'en P.E.F. La valeur de cette emphase est loin d'être évidente pour nous. On se contentera donc, ici, de signaler cette construction (qui n'apparaît dans aucune des études linguistiques citées en 3.2.) sans essayer de rendre l'emphase dans la traduction française. Exemples 286 I 'de 'yi fo Bali. il/être/à/Bali "Il est à Bali." (...) A 'kom 'mi 'bak. je/venir/moi/en arrière "(...) Je suis revenue." (...) A 'go 'mi fo 'fam. j e/aller/moi/à/plantation "(...) Je suis allée à la plantation." Tro'ki, i 'don 'go 'yi." tortue/elle/ACC/aller/elle "La tortue s'en alla." Ma pa'pa, i 'no di 'wok 'yi 'nating. mon/père/il/NEG/INAC/travailler/rien "Mon père ne fait rien." A 'no di 'tshop 'mi fu'fu. je/NEG/INAC/manger/moi/fufu "Je ne mange pas de "fufu"^." 5- Mets à base de farine de mais, d'igname ou encore de manioc. 287 A 'no di 'no 'mi 'som 'ting. je/NEG/INAC/savoir/moi/quelque/chose "Je ne sais rien." 'Mi, a 'no 'fit 'wok 'mi 'fam. moi/je/NEG/pouvoir/travailler/plantation "Moi, je ne peux pas travailler la terre." Nous n'avons pas trouvé cette construction avec un nom assumant la fonction de sujet : ? tro'ki 'don go 'yi. Il semble que le nom sujet doive être thématisé avant de pouvoir figurer dans ce type d'énoncé. D'autre part, cette structure emphatique n'est possible avec les ver¬ bes admettant un objet que si celui-ci est exprimé. En effet, dans la phrase : tro'ki, i 'don 'tshop 'yi, 'yi sera interprété comme étant l'objet ("la tortue l'a mangé") et non comme la marque d'emphase. Notons, enfin, dans le dernier exemple, que le pronom personnel de la Ire person¬ ne du singulier est trois fois présent : comme thème, com¬ me sujet et comme anaphorique du sujet en position post¬ verbale. Il serait intéressant de faire une analyse plus approfondie de ce type de structure et de savoir s'il existe dans d'autres langues. Signalons, enfin, l'emploi de 'sef (['sef], ['sep]), qui permet de faire porter l'emphase sur un nominal ou sur un énoncé entier. 288 Exemples Yu 'no 'fit 'sabi fo 'mek 'gut "music" 'sef. tu/NEG/pouvoir/savoir/PREP/faire/bonne/musique/même "Tu ne sais même pas faire de la bonne musique." 'Wen yu go 'kom, 'yu 'sef, yu go 'tok 'se ( ) quand/tu/FUT/venir/toi/même/tu/FUT/dire/que "Quand tu viendras, toi-même, tu diras que (...)" (...) witi 'ay 'sef, a 'tshop-am. avec/oeil/même/je/manger-le "(...) même avec les yeux, je le mange (le poisson)" Pour donner plus d'emphase, 'sef est souvent redoublé : (...) bot di 'steshon, Bamenda, 'we dem 'kol-am mais/la/station/Bamenda /que/ils/appeler-la di 'steshon 'sef-'sef, i 'de fo 'smol "plateau", la/station/même-même/elle/être/sur/petit/plateau 'den, di 'bik 'ton, i 'de fo 'don. alors/la/grande/ville/elle/être/PREP/bas "(...) mais la station, Bamenda, la station proprement dite se trouve sur un petit plateau tandis que l'agglo¬ mération est en bas." 289 7.2. LA PHRASE COMPLEXE Nous tenons pour complexe toute phrase qui comporte plus d'un nexus. 7.2.1. SYNDESE HYPOTACTIQUE6 7.2.1.1. La proposition relative La proposition relative est une expansion du 6- Nous ferons nôtres, ici, les définitions de M. Houis (1967) concernant les termes : asyndëte, syndèse, parataxe et hypotaxe. Asyndëte : "absence de formalisation d'une séquence de propositions. Cette absence ne va pas toutefois né¬ cessairement de pair avec l'absence de toute dépen¬ dance. On distingue une asyndëte paratactique ou jux¬ taposition pure et simple de propositions, et une asyndëte hypotactique où l'une des propositions mani¬ feste une dépendance par rapport à l'autre, impliquée par exemple dans un aspect verbal ou dans une parti¬ cule. Toutefois la proposition dépendante peut fonc¬ tionner seule, et telle qu'elle est formalisée, comme énoncé" (p. III). Syndëse : "formalisation d'une séquence de propositions telle que l'une d'entre elles se trouve marquée, donc formellement dépendante, par rapport à l'autre propo¬ sition qui est non marquée. La syndèse est paratacti¬ que ou hypotactique selon que la dépendance implique un rapport homofonctionnel ou hétérofonctionnel entre les propositions de la séquence" (p. XXII)" Parataxe : "des propositions formant une séquence sont en parataxe quand aucune d'entre elles n'est dans un rapport de subordination avec une autre. La parataxe peut être asyndétique ou syndétique selon qu'il n'y ait pas ou qu'il y ait une marque de liaison" (p. XVI). Hypotaxe : Des propositions formant une séquence sont en hypotaxe quand l'une d'entre elles est subordonnée à l'autre, c'est-à-dire qu'elle implique la présence de l'autre. On distingue une subordination résultant • /. 290 nominal. Qu'elle soit déterminative ou appositive, elle est introduite par la conjonction 'we. _ 7 Lorsque 1"antécédent est un nom (sujet, complé ment, attribut ou prédicat) et qu'il assume la fonction de sujet dans la relative, il est représenté dans celle ci par le pronom substitutif i. (singulier) ou dem (plu¬ riel) : ' we j 1 (dem V Exemples (1) 'Man 'we i di 'pas fo 'rot (,i) 'sabi homme/que/il/INAC/passer/sur/route/(il)/connaître ma pa'pa. mon/père de la contiguïté des propositions en présence (cas de l'asyndète hypotactique) et une subordination au¬ tonome (cas de la syndèse hypotactique). Dans le pre mier cas, la proposition subordonnée peut assumer à elle seule un énoncé; dans le second cas, cette pos¬ sibilité n'existe pas" (p.XIII) . 7- La transformation relative demande la présence de deux phrases de base comportant deux nominaux iden¬ tiques. Nous appelons antécédent le nominal de la proposition matrice qui se retrouve dans la relati¬ ve sous forme de pronom. 291 "L'homme qui passe sur la route connaît mon père." (2) 'Man 'we dem di 'pas fo 'rot (,dem) 'sabi ma pa'pa. "Les hommes qui passent sur la route connaissent mon père." (3) Di 'pipol 'we dem bin di lu'kot fo di les/gens/que/ils/PAS/INAC/s'occuper/de/les g 'swayn-dem (,dem) bin 'ron . porc-s/(ils)/PAS/courir "Les gens qui s'occupaient des porcs partirent en courant." (4) Di 'pipol 'we dem bin 'don 'si di 'ting (,dem) les/gens/que/ils/PAS/ACC/voir/la/chose/(ils)/ bin 'tel 'pipol di 'ting 'we i bin 'don 'hapon. PAS/dire/gens/la/chose/que/elle/PAS/ACC/arriver "Les gens qui avaient vu cette chose dirent aux 8- Les exemples (3) et (4) sont tirés de l'Evangile selon St Marc, di gud nyus : hawe St. Mark bi ratam (Société Biblique : Cameroun-Gabon, 1966), qui montre d'ailleurs des particularités P.E.A., telles la combinaison aspecto-temporelle bin di. Nous avons utilisé notre propre graphie et noté -entre parenthèses- la présence possible du pronom substitutif sujet qui permet de thématiser le no¬ minal et son expansion. 292 autres ce qu'ils avaient vu." Lorsque l'information concernant le caractère unique ou multiple du réfèrent de l'antécédent n'est pas présente au niveau sémantique (comme pour 'pipol; exemples (3) et (4)), celle-ci est donnée par le pronom sujet de la relative (exemples (1) et (2)). L'antécédent sujet et son expansion peuvent en outre être thëmatisés. C'est le pronom i ou dem (entre parenthèses dans nos exemples) qui assume alors la fonction de sujet et l'information sur le nombre peut être présente une fois de plus. Lorsque l'antécédent est objet dans la relative, il n'est pas obligatoirement exprimé. Il peut l'être sous la forme du pronom non marqué -am. Dans ce cas, 9 il y a emphase : ' we 9- Dans certains énoncés de locuteurs de P.E.A. -sans doute influencés par l'anglais standard-, 'we est même effacé : (...) Yu bin 'no 'dat 'gai dem bin 'kol 'se tu/PAS/connaître/cette/fille/ils/PAS/appeler/que "Pauline"? Pauline "(...) Tu connaissais cette fille qui s'appelait Pauline?" 293 Exemples A 'no 'no di 'ting 'we dem 'du(-am). je/NEG/savoir/la/chose/que/ils/faire(-la) "Je ne sais pas ce qu'ils font." A di 'giv 'yu ma pi'kin 'we a 'bon(-am). j e/INAC/donner/toi/mon/enfant/que/j e/engendrer(-le) "Je te donne mon propre enfant." Lorsque l'antécédent est complément du prédi¬ cat ou du nexus dans la relative, celui-ci n'est obli¬ gatoirement exprimé (sous forme de pronom) que dans cer¬ tains cas; notamment lorsqu'il est introduit par fo et que son absence rendrait l'énoncé ambigu. Exemples (1) A go ba'hat di 'man 'we a di 'wok fo je/FUT/détester/le/homme/que/je/INAC/travailler/pour 'yi? lui "Je vais détester l'homme pour qui je travaille?" (2) A go ba'hat di 'man 'we 'mi, a go 'wok? je/FUT/détester/le/homme/que/moi/je/FUT/travailier 294 "Je vais détester l'homme pour qui je vais travailler (3) Yu bin 1fet fo 'dat 'wa 'we dem bin tu/PAS/combattre/pendant/cette/guerre/où/ils/PAS 'drob 'djeman? repousser/Allemands "Vous avez combattu pendant la guerre où les Aile mands ont été chassés?" (4) Di 'taym 'we 'mi, a 'kom fo 'dat 'misis, a le/temps/que/moi/je/venir/chez/cette/dame/je bi'kin fo 'kuk. commencer/à/cuisiner "Quand je suis arrivé chez cette dame, j'ai commen cé à faire la cuisine." (5) 'Dat 'misis 'we yu bin 'kuk fo 'yi, i bin cette/dame/que/tu/PAS/cuisiner/pour/elle/elle/PAS 'bi na 'wat-man 'wuman? être/EMPH/blanc-homme/femme "Cette femme pour qui vous faisiez la cuisine, c'é tait une femme blanche?" Les énoncés (1) et (2) sont dits par la même personne, l'un à la suite de l'autre. Dans (1), le complément du prédicat introduit par fo, est for 295 mellement présent; dans (2) ce n'est pas nécessaire étant donné ce qui vient d'être dit. De plus, l'ambi¬ guïté nest pas possible : le nominal sous-entendu ne pourrait être pris pour un objet puisque a di 'wok 'man est inacceptable. Dans l'exemple (3) le complément n'est pas exprimé et ne le peut puisque l'antécédent est [- humain] (cf. 5. 3.1.2.). De toute façon, aucune ambiguïté n'est possible puisque la fonction d'objet est assumée par 'djeman. De même, dans l'exemple (4), on peut observer un phénomène analogue. Dans (5), par contre, le complé¬ ment doit être exprimé : en l'absence de fo 'yi, la proposition introduite par 'we serait interprétée comme une relative dont l'objet est implicite : 'Dat 'misis 'we yu bin 'kuk, i bin 'bi na 'wat-man 'wuman? "Cette femme que vous aviez fait cuire, c'était une femme blanche?" Lorsque l'antécédent fait partie d'un syntagme complétif et est, par conséquent, en même temps "complé¬ tant", le complété se trouvant dans la relative, la re¬ lation complété-complétant est obligatoirement marquée par le possessif de la 3e personne : 296 'we (...)( Y1 ) SN (. . . ) l dem j Exemples 'Wuman 'we a 'sabi yi pi'kin (,i) "de fo 'hos. femme/que/je/connaître/son/enfant/(il)/être/à/maison "La femme dont je connais l'enfant est à la maison." 'Dis pi'kin 'we dem pa'pa (,i) 'don 'day (,dem) ces/enfants/que/leur/père/ (il)/ACC/mourir/(ils) 'no 'bik. NEG/être grand "Ces enfants dont le père est mort ne sont pas grands." Dans ce dernier exemple, l'information concer¬ nant le caractère unique ou multiple du réfèrent de l'antécédent est donnée par le possessif dem. Elle peut être présente, une fois de plus, avec le pronom anapho- rique dem (entre parenthèses) qui permet la thématisa- tion du SN sujet et de la relative. Lorsque l'antécédent est un pronom personnel, il se retrouve dans la relative sous la forme d'un pro¬ nom de la même personne que celle de l'antécédent : 297 'Yu, 'we yu 'no 'gut "frentsh, yu10 'no 'fit toi/que/tu/connaître/bon/français/tu/NEG/pouvoir 'tok 'bat 'frentsh "except" 'wen yu 'wan parler/mauvais/français/excepté/quand/tu/vouloir 'daso "amuser", seulement/amuser "Toi, qui connais le bon français, tu ne peux pas parler le mauvais français sauf pour t'amuser." 7.2.1.2. La proposition introduite par "'se" La proposition introduite par 'se est suscep¬ tible d'assumer de multiples fonctions. Elle est, selon les cas, complément du verbe (objet), complément du prédicat, attribut, avec 'bi, et même prédicat avec na. Enfin, dans certaines tournures "impersonnelles", elle est ce que la grammaire traditionnelle appelle "sujet réel". Il semble que la proposition introduite par 'se peut se trouver après n'importe quel verbe. Avec un verbe qui peut être suivi du pronom -am, 10- Notons que le pronom auquel est apposée la relative est accentué. Nous ne savons pas, cependant, dans l'état actuel de notre recherche, si la thématisa- tion de l'antécédent et de la relative est obliga¬ toire; en d'autres mots, si la reprise anaphorique par le pronom (non accentué) en position de sujet dans la proposition matrice est obligatoire. 298 la proposition introduite par 'se peut assumer la fonction d'objet (phrases (1) et (2)) mais aussi celle de complément du prédicat (phrase (3)). (1) yu 1sabi 'se 'dat ma mo'ni 'we i 'lef, tu/savoir/que/cet/mon/argent/que/il/rester a go 'kib-am fo 'bay "du contreplaqué". je/FUT/garder-le/pour/acheter/du contreplaqué "Tu sais que cet argent qu'il me reste, je vais le garder pour acheter du contreplaqué." (2) 'Mi, a 'luk 'daso 'se 'dat 'man, dem 'no moi/je/voir/seulement/que/ces/hommes/ils/NEG 'sabi 'pie. savoir/jouer "Moi, je vois seulement que ces hommes ne savent pas jouer." (3) Wi di 'dring 'se 'dis wi 'broda, i bin 'go nous/INAC/boire/que/ce/notre/frère/il/PAS/aller fo 'kondre, i 'don 'kom 'bak (...) du/village/il/ACC/venir/en arrière "Nous buvons parce que notre frère était parti du village et qu'il est revenu (...)" ("nous buvons à la santé de notre frère qui. .."). 299 Avec des verbes tels que 'tok, "dire", 'se peut introduire soit le discours direct (4), soit le discours indirect (5) : (4) 'Dat 'man 'tok 'se : "'no, a 'no 'sabi 'som cet/homme/dire/que/non/je/NEG/savoir/quelque 'ting. chose "Cet homme dit : "non, je ne sais rien." (5) I 'tok 'se i 'no 'no di 'man. il/dire/que/il/NEG/connaître/homme "Il dit qu'il ne connaissait pas l'homme." Il est assez fréquent que le verbe 'tok soit effacé (6 et 7) : (6) Di 'man 'se : "'if yu 'no 'no, 'go 'aks-am!". le/homme/que/si/tu/NEG/savoir/aller/demander-le "L'homme dit :"si tu n'es pas au courant, vas te renseigner !" 11- 'Se ne peut dans ce cas être considéré comme un verbe -tout du moins en P.E.F. et en P.E.A. conser¬ vateur- puisqu'il n'admet aucune modalité aspecto- temporelle. 300 (7) Ma 'broda 1 se i 1 no di 'man. mon/frère/que/il/connaître/le/homme "Mon frère dit qu'il connaissait l'homme." 'Se est souvent accompagné d'un énoncé injonc- tif, avec 'mek, lorsqu'il s'agit d'exprimer le but (8) (8) 'Mi, a bin 'kom 'se 'mek 'dokto 'si 'mi. moi/je/PAS/venir/que/INJ/docteur/voir/moi "Moi, j'étais venue pour que le docteur me voie." Dans ce type de phrase, il arrive que 'se ne soit pas exprimé. Il y a alors asyndète (cf. 7.2.4. Par contre, dans les phrases (9) et (10), la présen¬ ce de 'se est obligatoire et celle de 'mek optionnelle Il convient de noter que (9) et (10), malgré l'apparen te similitude, n'appartiennent pas au même type de phrase que (8) : dans (8), la proposition introduite par 'se est complément du prédicat; dans (9) et (10), elle est objet. 'Mek, dans ces phrases, peut être rendu en français par un conditionnel portant sur le verbe de la proposition principale : (9) I 'wan 'se 'mek yu 'tok 'dat to'ri. elle/vouloir/que/INJ/raconter/cette/histoire "Elle voudrait que vous racontiez cette histoire." 301 (10) A 'layk 'se 'mek 'ren 'fol 'onli fo 'nayt. j e/aimer/que/INJ/pluie/tomber/seulement/PREP/nuit "J'aimerais qu'il pleuve seulement la nuit." La cause est généralement exprimée avec fo'sika antéposé à 'se (11). Fo'sika peut également se trou¬ ver devant un nominal : (...) fo'sika mo'ni pa'lava; fo'sika 'djumba à cause de/argent/histoire/à cause de/maîtresse pa'lava. (Extrait de la chanson Compétition fo Kumba). histoire "(...) à cause d'une histoire d'argent; à cause d'une histoire de femme." (11) Wi 'no 'get mo'ni fo'sika ma 'man 'no 'get nous/NEG/avoir/argent/parce que/mon/homme/NEG/avoir ' wok. travail "Nous n'avons pas d'argent parce que mon mari est sans travail." Une proposition introduite par 'se peut être attribut. Les contes sont généralement ouverts par une 302 phrase du type : (12) 'Dis to'ri 'we a 'wan 'tel 'yu, i 'bi 'se (...) la/histoire/que/je/vouloir/raconter/toi/elle/être 'se (...) que "Il était une fois (...)" Notons que i 'bi 'se est très fréquemment emplo¬ yé dans le sens de "c'est à dire". Chez Christie N., nous avons relevé 'se... après le prédicatif na : (13) (...) an 'wan 'ting na 'se i go 'kol di et/une/chose/PRED/que/il/FUT/citer/le "popular" 'nem 'we wuna di "use". familier/nom/que/vous/INAC/utiliser "(...) et il y a une chose, c'est qu'il citera le nom familier que vous utilisez." (14) (...) di "best" 'ting na 'se 'mek wi 'no la/meilleure/chose/PRED/que/INJ/nous/NEG 'bi 'frendz. être/amis 303 "La meilleure chose, c'est que nous ne soyons pas amis." 'Se permet à toute une proposition d'être ce que la grammaire traditionnelle appelle "sujet réel": (15) I go 'gut 'se wi tsha'kara 'maket. il/FUT/être bon/que/nous/semer la pagaïe dans/marché "Il sera bon de semer la pagaïe dans le marché." La proposition introduite par 'se est récursi- ve : (16) 'Ting 'we a di 'mimba i 'bi 'se wi chose/que/je/INAC/se rappeler/elle/être/que/nous/ 'don 'lan-am 'se 'Got i 'get 'ol 'trong. ACC/apprendre-le/que/Dieu/il/avoir/toute/puissance "Ce dont je me souviens, c'est que nous avons ap¬ pris que Dieu est tout puissant." On vient de voir que 'se permet à une proposi¬ tion d'assumer de nombreuses fonctions du nom. La cau¬ se et le but peuvent être exprimés avec 'se. De même, on a vu en 7.2.1. que "quand" pouvait être traduit à l'aide d'une relative ( ' ta.ym ' we. . . ) . En P.E.A., cepen¬ dant, fo'sika 'se et 'taym 'we ont tendance à être sys¬ tématiquement remplacés par bi'kos ([bi'kos], [bi'kos] 304 [bi'koz], [bi'koz]), "parce que" et 'wen (['wen], ['wen]), "quand" : (...) 'So, 'wen i bin 'don 'finish mo'ni, 'sorti alors/quand/il/PAS/ACC/finir/argent/une 'trong 'honga, i bin 'hol 'yi. forte/faim/elle/PAS/prendre/lui "(...) Alors, quand il eut dépensé tout son argent, une forte faim le tenailla." (...) 'prays fo to'mato, i bin 'bi 'wan 'hondret prix/de/.tomate/il/PAS/être/un/cent/f rancs 'frans bi'kos 'ren, i bin di 'fol 'plenti. francs/parce que/pluie/elle/PAS/INAC/tomber/beaucoup "La tomate coûtait cent francs parce qu'il pleuvait beaucoup." 7.2.1.3. Les propositions introduites par "'hao" ' Hao (['hao], ['hawe], ['hawe]) introduit deux types de propositions : (1) une proposition qui assume la fonction d'objet (le verbe de la pro¬ position matrice doit donc accepter le pronom -ara) et qui indique la manière; (2) une proposition si¬ tuée en début d'énoncé qui exprime la cause. 305 Exemples (...) i 1luk 1hao 'hos i di 'shayn. il/regarder/comment/maison/elle/INAC/briller "(...) il regarda comment brillait la maison." A go 'tel 'yu 'hao a bin 'muf fo 'pies 'we je/FUT/dire/toi/comment/je/PAS/partir/de/endroit/que dem 'bon 'mi fo 'kom 'rish Douala 'ya. ils/faire naître/moi/pour/venir/atteindre/Douala/ici "Je vais te raconter comment je suis parti de l'en¬ droit où je suis né pour arriver ici â Douala." (...) 'Hao ma 'het'no 'hoba fo 'skul, a ' lef comme/ma/tête/NEG/s'ouvrir/à/école/je/quitter 'skul, a bi'kin 'maket. école/j e/commencer/marché "Comme mon esprit ne s'éveillait pas à l'école, j'ai quitté l'école, je suis devenu vendeur au marché." (...) 'Hao yu bin 'lef 'yi 'se 'mek i 'go sa'lot comme/tu/PAS/laisser/lui/que/INJ/il/aller/saluer 'wi fo 'kondre, i 'kom sa'lot 'wi, wi 'glat nous/au/village/il/venir/saluer/nous/nous/être heureux 'popo. vraiment 306 "Comme tu l'as laissé aller au yillage pour nous saluer, qu'il est venu nous saluer, nous sommes vraiment heureux." 7.2.1.4. Autres subordonnées Les autres subordonnées, proprement pidgin, sont apparemment peu nombreuses. Elles sont introduites par : §2l£ê ' "jusqu'à ce que" (...) wi di 'waka fo mo'to so'te wi nous/INAC/voyager/en/voiture/jusqu'à ce que/nous 'don 'sel di mo'to. ACC/vendre/la/voiture "(...) nous avons voyagé en voiture jusqu'à ce que nous ayons vendu la voiture." fo , "pour" Fo est employé lorsque le sujet de la propo¬ sition Principale est le même que celui de la proposi¬ tion subordonnée. Il y a alors effacement du sujet de celle-ci : 307 (...) a go 'kib-am fo 'bay "du contreplaqué". je/FUT/garder-le/pour/acheter/du contreplaqué "(...) je vais le garder pour acheter du contreplaqué." £if , (['if] [ ' i f i ]) , "si" (...) Fo 'sonde, 'if 'kray 'don 'bi, wi di 'go fo PREP/dimanche/si/deuil/ACC/être/nous/INAC/aller/au 'kray. deuil "(...) Le dimanche, si un deuil est survenu, nous allons au deuil." Une proposition avec 1 if peut être suivie d'une proposition marquée par 'lek (£ ' Ie k], [ ' I e k ], l'ieke], [ 'Ieke], [ 'I a ke]). On a vu en 6.7. que certains locu¬ teurs de P.E.A. utilisent une modalité verbale (fo) pour exprimer 1'inactuel. En P.E.A. "conservateur" et en P.E.F., celui-ci est exprimé au moyen de la particule dicto-modale 'lek : 'If 'dis 'ay'no bin 'de, 'lek i di 'tap 'mimbo. si/cet/oeil/NEG/PAS/être/IRR/il/INAC/tirer/vin "S'il n'y avait pas cet oeil, il tirerait le vin de palme." 308 Une proposition introduite par 'lek ne peut assumer à elle seule un énoncé, il ne s'agit donc pas d'une proposition principale puisqu'elle est elle- même en rapport de dépendance vis-à-vis de la pro¬ position introduite par 'if. Il y a dépendance ré¬ ciproque entre les propositions marquées par 'if et 'lek Une autre construction est présente dans notre corpus : 'lek...'lek. Exemples 'Lek yu bin 'bi 'blak leke 'wi 'so, 'lek yu 'no si/tu/PAS/être/noire/comme/nous/ainsi/IRR/tu/NEG bin 'lef 'yi 'se 'mek i 'go sa'lot 'wi fo 'kondre. PAS/laisser/lui/que/INJ/il/aller/saluer/nous/au/villag "Si tu avais été noire comme nous, tu ne l'aurais pas laissé aller au village pour nous saluer." 12 'Lek a 'no 'graf fo 'de, 'lek a 'don 'day, a 'swe! si/je/NEG/partir/de/là/je/ACC/mourir/je/jurer "Si je n'étais pas partie de là-bas, j'en serais morte je le jure!" 12- "King fo Toly", Le couurier sportif du Bénin, 28 janvier 1974. C'est notre propre graphie qui est utilisée ici. 309 Ici encore, nous sommes devant deux propo¬ sitions en dépendance réciproque. Cependant, le rap¬ port entre 'lek et 'lek dans la construction 'lek,.. 'lek (soit 'lek2 ...'lekj) n'est pas le même que celui entre 'if et 'lek dans la construction 'if'lek (soit 'if... 'lekj). En effet, 'if peut introduire la proposition subordonnée d'une proposition non marquée par 'lek ce qui n'est pas le cas de 'lek? qui doit être suivi d'une proposition elle-même introduite par 'lekq. 7.2.2. SYNDESE PARATACTIQUE La coordination de deux propositions peut être marquée par : an , "et" (...) 'dis pi'kin, i bin 'glat an 'dat wok-'pipol cet/enfant/il/PAS/être heureux/et/ces/travail-gens fo 'dat 'ton, dem bin 'stat fo 'mek 'plenti 'glat de/cette/maison/ils/PAS/commencer/à/faire/beaucoup de/joie "(...) Cet enfant était très heureux et les serviteurs de la maison commencèrent les réjouissances." Lorsque le sujet de la proposition coordonnée 310 est le même que celui de la proposition précédente, il peut être effacé : (...) ma 'onkol bin 'tek 'mi fo Douala an 'kel mon/oncle/PAS/prendre/moi/à/Douala/et/emmener 'mi fo Mélong. moi/à/Mélong "(...) mon oncle m'a pris à Douala et m'a emmené à Mélong." bot , "mais" (...) 'man, i 'fit 'bi "capitaine" bot i 'no homme/il/pouvoir/être/capitaine/mais/il/NEG/ 'sabi 'pie. savoir/jouer "(...) un homme peut être capitaine mais ne pas sa¬ voir jouer (au football)." 'den et 'afta , "alors", "ensuite" (...) wi si'top 'de so'te 'tri 'mun. 'Afta, wi nous/rester/là/jusqu'à/trois/mois/après/nous ko'mot, wi 'go a'gen fo Yaoundé. partir/nous/aller/de nouveau/à/Yaoundé 311 % "(...) nous sommes restés trois mois là-bas. Après, nous sommes partis, nous sommes retournés à Yaoundé." (...) a1noda 'de, i 1kom 'tif mo'to fo 1som 'frend; un autre/jour/il/venir/voler/voiture/de/un/ami 'den,a'noda 'de i 'kom 'tif (...) ensuite/un autre/jour/il/venir/voler "(...) un autre jour, il est venu cambrioler la voi¬ ture d'un ami; ensuite, un autre jour, il est venu voler (...)" Chez les "Anciens", bi'fo remplace fréquemment •afta et 'den : (...) i 'se : 'mi,a 'don 'tel 'yu 'se :"bring 'mi il/que/moi/j e/ACC/dire/toi/que /apporte/moi 'pan". Bi'fo, yi 'moda 'bring 'pan (...) assiette/alors/sa/mère/apporte/assiette " (...) Il dit :"moi, je t'ai dit de m'apporter une assiette". Alors, sa mère apporta une assiette (...)" 'so , "ainsi"; "alors"; "par conséquent". (...) 'nayt, i 'don 'kom, i 'no 'sabi 'weti 'we nuit/elle/ACC/venir/il/NEG/savoir/ce/qui 312 i 'de fo fin'garet. 'So, i bin 'tel fin'garet 'se (...) il/être/dans/anneau/alors/il/PAS/dire/anneau/que "(...) La nuit était venue, il ne savait pas ce qu'il y avait dans l'anneau. Alors il dit à 1'anneau (...)" Certaines séries verbales (cf. 6.9.) relè¬ vent de la syndèse paratactique, la marque de syndèse étant constituée par la non-répétition du sujet commun: (...) 'wen dem 'don 'tshop, 'go 'fo wok-'ples, quand/ils/ACC/manger/aller/au/travail-lieu 'den, a go 'ste fo 'hos. alors/je/FUT/rester/à/maison "(...) quand ils auront mangé et seront allés au tra¬ vail, alors je resterai à la maison." (...) yi 'moda 'bring 'pan, 'tek 'dat 'tshop, sa/mère/apporter/assiette/prendre/cette/nourriture 'bruk-am (...) casser-la "(...) sa mère apporta une assiette, prit la nour¬ riture et la partagea (...)" A di 'pe mo'to, 'go 'kesh fo 'de. A 'pe je/INAC/payer/voiture/aller/atteindre/PREP/là/je/payer 313 tak'si, a 'go 'kesh fo 'ton; fo dem 'ton. taxi/je/aller/atteindre/PREP/maison/PREP/leur/maison "Je paye une voiture et je vais jusque là-bas. Je paye un taxi et je vais jusqu'à la maison; leur maison." Ce dernier exemple est très intéressant . Il comprend, en effet, non seulement un énoncé avec syn- dèse paratactique (a di 'pe mo'to, go 'kesh fo 'de) mais aussi un prédicat complexe ('go 'kesh) et un énoncé avec asyndète partactique (a 'pe tak'si, a 'go 'kesh fo 'ton; fo dem 'ton). 7.2.3. ASYNDETE PARATACTIQUE L'asyndète paratactique est très fréquente en pidgin. On aura pu le remarquer dans quelques uns des exemples déjà cités dans cet ouvrage : (...) 'Dat 'taym, 'mi, a 'graf fo 'don, a 'go cette/époque/moi/je/partir/en/bas/je/aller fo Dschang, a si'top fo Dschang, a 'lan dok'trin à/Dschang/je/rester/à/Dschang/j e/apprendre/catéchisme witi 'Inglish. avec/Anglais 314 i "(...) A cette époque, moi, je suis parti d'ici, je suis monté à Dschang, je suis resté à Dschang, j'ai appris le catéchisme avec les Anglais." Souvent, cependant, la dernière proposition est en syndèse (présence d'un coordinatif) avec l'avant- dernière : Fo 'sonde, 'if 'kray 'don 'bi, wi di 'go fo 'kray, PREP/dimanche/si/deuil/ACC/être/nous/INAC/aller/au/deuil 1 ^ wi di ' nak ' kon'dre 'droma, wi di 'dans an 'dring nous/INAC/frapper/pays/tambour/nous/INAC/danser/et/boire 'mimbo. vin "Le dimanche, si un deuil est survenu, nous allons au deuil, nous jouons du tam-tam, nous dansons et (nous) buvons du vin." 7.2.4. ASYNDETE HYPOTACTIQUE Nous avons noté, en 7.2.1.1. (p. 292, note 9) 13- Nous avons déjà noté, p. 310, l'aptitude pour le sujet de la proposition coordonnée d'être effacé lorsqu'il est identique à celui de la proposition précédente. 315 que 'we est parfois effacé lorsque l'antécédent est objet dans la relative : (...) Yu bin 'no 'dat 'gai dem bin 'kol 'se tu/PAS/connaître/cette/fille/ils/PAS/appeler/que "Pauline"? Pauline "(...) Tu connaissais cette fille qui s'appelait Pauline?" De même, 'se est parfois effacé lorsque la proposition qu'il introduit assume la fonction d'objet : A 'tink yu 'fiva 'yi. je/penser/tu/ressembler à/elle "Je pense que tu lui ressembles." Ces faits, présents chez des locuteurs de P.E.A., sont sans doute dus à l'influence de l'anglais standard, où that peut être effacé : A. Did you know that girl (that) they used to call "Pauline"? A. I think (that) you look like her. Il a été également signalé, p. 300, que 'se 316 n'est pas oujours exprimé devant une proposition subordonnée comportant la modalité 'mek : 14 Wi di 'go fo ONAREST 'mek dem 'tis di si'men. nous/INAC/aller/à/ONAREST/INJ/ils/tester/le/ciment "Nous allons à 1'ONAREST pour qu'on teste le ciment." (On pourrait dire : wi di 'go fo ONAREST 'se 'mek dem 'tis di si'men). (...) I 'put 'ting leke 'soit 'mek di "wounds", i1/mettre/chose/comme/se1/INJ/les/blessures dem "heal" 'kwik-'kwik. elles/guérir/vite-vite "(...) Il mit quelque chose qui ressemble à du sel pour que les blessures guérissent vite." Notons cependant qu'une phrase du type : "je l'ai fait tomber (la chose)" sera traduite en pidgin par : a 'don 'mek i 'fol (je/ACC/faire/il/ tomber), où 'mek n'est pas un auxiliaire mais un verbe de plein exercice (i 'fol étant une proposi¬ tion objet de 'mek ; pourrait-on dire : ?a 'don 'mek 'se i 'fol?). 14- Office National de la Recherche Scientifique et Technique. 317 Les exemples ci-dessus pourraient donc être également interprétés comme relevant de la syndèse paratactique (série verbale), où 'mek est le verbe "faire" : Wi di 'go fo ONAREST, 'mek dem 'tis di si'men. nous/INAC/aller/à/ONAREST/faire/ils/tester/le/ciment "Nous allons à 1'ONAREST et nous leur faisons tester le ciment." (...) I 'put 'ting leke 'soit, 'mek di "v/ounds", il/mettre/chose/comme/sel/faire/les/blessures dem go "heal" 'kwik-'kwik. elles/FUT/guérir/vite-vite "? Il mit quelque chose qui ressemble à du sel et fit se guérir vite les blessures." Un critère d'ordre prosodique (présence ou absence d'une pause - même virtuelle- entre les deux propositions) nous permettrait peut-être de sa¬ voir si ce type d'énoncé relève de l'asyndète hypotac tique ou de la syndèse paratactique. Une étude plus approfondie reste à faire sur ce sujet. Citons ce dernier exemple, relevant de 1'asyn 318 dète hypotactique : Wuna 'no 'blo 'dis 'ting, dem di "tape"! vous/NEG/souff1er dans/cette/chose/ils/INAC/enregistre "Ne soufflez pas dans cet instrument, on enregistre!" (Parce qu'on enregistre). CONCLUSION En conclusion de ce travail, nous voudrions attirer l'attention sur quelques caractéristiques du pidgin-english camerounais, que notre étude syntaxi¬ que et sociolinguistique a mises à jour. Si l'analyse linguistique du pidgin permet de considérer certains phénomènes comme relevant des processus de simplification et de réduction (cf. in¬ troduction, p. 4), on peut également constater une certaine élaboration de la syntaxe qui ne concerne pas directement la fonction référentielle1. Nous pensons notamment à la thématisation et la focalisation, dont on a pu mesurer l'importance, ainsi qu'à la possibi- 1- A propos de l'élaboration linguistique, A. Valdman (1976 : 28) note : "plutôt qu'une pensée plus pré¬ cise, qu'un plus haut niveau d'abstraction, l'éla¬ boration de l'outil grammatical dote les locuteurs d'une langue d'une plus grande marge de manoeuvre stylistique". Ce type de changement est appelé "développement" ou encore "expansion" par P. Miihlhâus 1er (1979) et défini par celui-ci comme "an increase in overall referential and non-referential power of a language", par opposition au "restructuring" ('bhanges due to contact with other languages which do not effect the overall power of a linguistic system"). 320 lité de choix entre 'yi_ (forme marquée) et -am (for¬ me non marquée) pour pronominaliser un nom [+ humain] en position d'objet, ou encore entre N fo N ou N, yj n pour la construction du syntagme complétif. D'autres processus d'élaboration -délibérés cette fois-ci- se rencontrent dans les argots. Ces phénomènes linguistiques dépendent étroi¬ tement de la situation sociolinguistique du pidgin- english camerounais. L'expansion de son champ fonction¬ nel, son appropriation par certains locuteurs nous incitent à parler de pidgin "vernaculaire" (cf. p. 38 la définition de ce terme, appliquée au français du Cameroun, par G. Manessy). La "vernacularisation" ainsi entendue détermine 1'"élaboration" -prise ici dans le sens strict que lui donne A. Valdman (1976) : stabilisation, expansion et complexification d'un pid¬ gin qui ne devient pas la langue maternelle de ses locuteurs-. Celle-ci s'accompagne, en zone anglophone, d'une variation linguistique en direction de l'anglais standard, due à l'influence normative de celui-ci. Ce type de changement est connu des créolistes sous le nom de "dêcréolisation". Nous l'appellerons, pour notre propos, "dépidginisation". Un exemple simple de ce pro¬ cessus est l'emploi de -S pour le pluriel des noms. 321 Les processus d'élaboration et de dépidginisa- tion se rencontrent tous deux dans les systèmes aspec- to-temporels du pidgin-english camerounais : chaque système peut être considéré comme plus élaboré que le précédent (IV plus élaboré que III; III plus élabo¬ ré que II etc. Cf. 6.5.) puisqu'il contient un nombre plus grand de combinaisons aspecto-temporelles. Mais, en même temps, pour les systèmes III et IV, on assiste à un processus de dépidginisation puisque ces systèmes, bien que formellement distincts de l'anglais standard, s'en rapprochent structurellement. Nous n'avons pu, dans le cadre de cette étude, qu'effleurer le problème de la variation en P.E.A. et avons expliqué, au chapitre III, pourquoi il nous était impossible, pour le moment, d'interpréter la relation entre pidgin et anglais en zone anglophone soit comme la manifestation d'un continuum, soit comme l'effet de la co-existence de systèmes distincts. La question reste ouverte. Nous nous demandons, cependant, si cet¬ te interprétation ne doit pas être nuancée. Est-on obligé, lorsqu'on parle d'un continuum linguistique ou de plusieurs systèmes co-existants, d'y englober tous les domaines de la langue (syntaxe, phonologie, lexique etc.)? Nous avons parlé, au chapitre III, des difficultés que représentaient la distinction entre anglais et pidgin aux niveaux lexical et phonologique. 322 Par contre, nous avons dû reconnaître l'existence de plusieurs systèmes aspecto-temporels. W. Labov (1971) a déjà souligné que les différentes composantes d'un code linguistique peuvent être relativement indépen¬ dantes et qu'un changement concernant l'une d'entre elles n'affecte pas obligatoirement les autres. Le continuum anglais-pidgin, s'il en est un, ne semble pas, à présent, concerner tous les domaines de la langue, comme c'est le cas pour le créole guyanais décrit par D. Bickerton (1973, 1975). Peut-être devrait-on envisager, dans la situation présente du pidgin et de l'anglais au Cameroun, plusieurs sys¬ tèmes co-existants pour tout ou partie de la syntaxe et un continuum (dont le basilecte pourrait être le P.E.F.) pour le lexique et la phonologie. Il semble donc que le processus de décréolisation (dépidgini- sation) affecte le lexique et la phonologie avant d'atteindre la syntaxe. Cette hypothèse devra être vérifiée par des études sur d'autres pidgins et créoles. ANNEXE I PIDGIN ET FRANÇAIS MAKRO Etant donné la nature du pidgin et du français makro ("langues d'hommes" et même de délinquants dans le cas du makro "étroit"; cf. p. 40-41), on compren¬ dra que notre connaissance de ces argots soit succinc¬ te. Nous nous contenterons donc de donner quelques exemples de lexèmes et d'expressions makro, qui se dis¬ tinguent de la langue courante, ainsi que des extraits de conversations que nous avons enregistrées. Pidgin makro Lexèmes_d_]_origine_duala français mille nuit chose jeu de car¬ tes duala i ko I i bu I u I ambo buka ' kolo bu ' lu 'lambo ' buka pidgin courant tozin 'nayt ' ting ? anglais thousand night thing game of cards 1t Nous utilisons ici la graphie de P. Helminger (1972), qui ne note que les tons hauts. 324 Lexèmes_d^_ori2ine_f rangaise français pantalon mère père frère soeur pidgin makro 'pan [rpa] re 'me re ' pe re'fre re' se pidgin courant ' trosis 'moda; ma'mi 'fada; pa'pa 'broda 'sista anglais trousers mother; mummy father brother sister Nous remarquons que les lexèmes peuvent subir une transformation : troncation, dans le cas de 'pan (< "pantalon" ) , ou inversion des phonèmes (avec un lé¬ ger changement dans leur réalisation : [e] devient [e] et [r] devient [r] ; [ider] devient [reme]; dans le cas de [rese], on assiste à un remplacement de [œ] , non employé en pidgin, par [e]) puis addition d'une voyelle identique. Expressions ~ "Tshop 'mof, "embrasser (amoureusement)"; littéra¬ lement : "manger bouche". ~ 'Tek Tokyo, "prendre ses jambes à son cou"; litté¬ ralement : "prendre Tokyo". Cette expression serait née pendant les Jeux Olympiques de Tokyo, où beau¬ coup de coureurs noirs avaient remporté des victoires. ~ 'Tosh 'fwa,('fwa «F. "foie"), "toucher foie", c'est- à-dire "casser la gueule". 325 Extrait de conversation en français et pidgin makro^ 1. Eux, ils sont au kwa'ta (quartier). 2. Ils sont au quartier en train de jouer aux cartes; au 'buka (jeu de cartes). 1. Au 'buka. Ils font le 'buka. 2. 'Plenti, 'plenti, 'plenti 'buka, i 'de 'de. beaucoup de/beaucoup de/beaucoup de/jeu/il/être/là "On joue beaucoup aux cartes par là." 1. Voilà! C'est-à-dire, 'wuna 'tu, wuna di 'buka. vous/aussi/vous/INAC/jouer "vous aussi, vous jouez aux cartes. Wuna di 'tok 'se na 'weti 'dat? vous/INAC/dire/que/PRED/quoi/cela Qu'est-ce que vous en dites?" 2. Ah! Qu'est-ce que tu fumes comme ça! 1. Ah! Fous-moi le terrain! 3. Fo'sika na 'buka 'haf 'pe 'yi. parce que/EMPH/jeu/moitié/payer/lui "Parce-que c'est le jeu qui le fait vivre en partie." 2- Les lexèmes makro sont soulignés. Les mots entre parenthèses :(1) dans les phrases en français makro, sont l'équivalent en français de France; (2) dans les phrases en pidgin makro, sont l'équivalent en pidgin courant. 326 t' * 1. 'Yu 'tu, yu di 'buka? toi/aussi/tu/INAC/jouer "Toi aussi, tu joues?" 3. 'Yes, 'plenti. "Oui, beaucoup." 1. Yu di 'buka witi 'plenti 'do (mo'ni) tu/INAC/jouer/avec/beaucoup de/fric "Tu joues avec plein de fric." 3. 'yes "Oui." 1. 'Do, dem di 'sen-am fo 'yu fo "pension" fric/ils/INAC/envoyer-le/à/toi/pour/pension "Le fric, on te l'envoie pour la pension, yu di 'tek 'dat 'do, 'pie 'dat 'ting, yu 'hia tu/INAC/prendre/ce/frie/jouer/cette/chose/tu/se sentir tu prends le fric, tu joues à ce truc, tu es content." 'fayn. bien 3. Tu es là, tu 'cjo (aller) à ' lewa (école), tu ' skul ("école" en pidgin courant, mais ici : "rester à l'é¬ cole") , tu 'kom (venir) au kwa'ta (quartier), tu es au 'buka (jeu). 2. Quand le professeur bavarde devant, on 'pie (jouer) le 'buka (jeu de cartes) derrière, nous alors! 3. Alors, ils ont raison d'échouer. Inutile d'accuser les profs! 327 « Extrait de conversation en pidgin makro Yu 'don 'si 'dat 'nga ('gai)? tu/ACC/voir/cette/nana "T'as vu cette nana?" 'Dat 'nga, i 'tok 'se a 'giv 'yi 'wan 'kolo ('tozin). cette/nana/elle/dire/que/je/donner/elle/un/mille "Cette nana, elle m'a demandé mille balles." A 'don 'giv 'yi 'tu mu'sanga ('hondret) 'ngo ('faf ta'li) j e/ACC/donner/elle/deux/cent/cinquante "Je lui ai donné deux cent cinquante balles fo yes'tade. PREP/hier hier. " Yu 'don 'si 'yi fo 'us 'kan 'polo ('pies)? tu/ACC/voir/elle/PREP/quelle/sorte de/endroit "Tu l'as vue où?" A 'don 'si 'yi fo 'maket. je/ACC/voir/elle/au/marché "Je l'ai vue au marché." ANNEXE II EXTRAITS DU CORPUS ECRIT Page suivante : "Je crois en Dieu", version P.E.A. (Pidgin English Catechism, Buea, 1972) et version P.E.F. (Holy Mass, Nkongsamba). La version P.E.F. s'inspire de l'orthographe française tandis que la version P.E.A. prend l'orthographe anglaise comme modèle. En outre, la version P.E.A. est plus proche de l'anglais standard que la version P.E.F. Exemples P.E.A. P.E.F. 1. 9 : the third day le/troisième/jour 1. 15 : Di noumba tri dé le/numéro/trois/jour 1. 9-10 : he sit 1. 17-8 : i stop fo man- il/s'asseoir il/s'asseoir/à/homme down for the right hand han fo God-Fada en bas/à/la/droite/main main/de/Dieu-Père for God the Father de/Dieu/le/Père 329 APOSTLES BELIEF I believe for God, -the Father whe he get ail strong, - whe he been make heaven and ground. - And for Jésus Christ his only Son, we Master, why he been conceive by the Holy Chost, - and born for the Virgin Maria. - He been look trouble for Pontius Pilatus, - them been nail he for cross, - he been die, them been bury he, - he been go for hell the third day he been djorup for die, - he been go for heaven, he sit down for the right P . E. A. hand for God the Father. - whe he get ail strong, - he go corne more for judge the people whe them live, - and the one whe them die. _ I believe for the Holy Ghost, - the Holy Catholic Church, - the Company for Holy People, - the excuse for bad, the skin whe i go djorup for die, - and the life whe i no go finish. Amen. 0 •A-SSLIX-.FO-SOP.I . Fada : A Béliv fo oi^Faoîf. • :...Di Fada wé guet ol trong,wé i mèk hévèn an grond,wé i mèk ol ting,di ouan wé wi di louk,an di ouan wé wi no di louk.A béliv fo ouan Massa,J.K., di ouan onlé Bikin fo God;wé i born fo God Fada, bifo tam i biginn;God wé i komot fo God,lait wé i komot fo lait, trou God wé i komot fo trou God. God i born yi,i no mèk yi;i bi dissem ting léké God-Fada.God i mèk ol ting witi yi.Fo séka wi,pipi fo grond,fo nouf wi fo troblo,i bi kam dong fo hé¬ vèn,i bi tèk nan-skin fo Virgin Marin,ba pawa fo Holy-Spirit,an i bi toni bing man.Fo séka wi tou, fo tam fo Pontmus Pilatus,dem bi nèll yi fo cross, i bi da,an dem bi béni .yi.Di noumba tri dé, i bi djorob fo da,léké holy bouk i bi tok bifo. I bi go op fo hévèn,an fo dé,i stop fo msn-hand fo God-Fada.I go karabak éguènn,witi glory,fo d.jos.s pipi wé dem dé,an di ouan wé ciem da;a yi kommandia no go finish. A béliv fo Holy-Spirit,di Massa,wé i di gib laf, wé i komot fo God-Fada an di Son.Witi God-Fada an witi Son,i guèt dissem adoration an dissem glory; na yi bi tok fo mob fo proféta.A béliv fo ouan , holy,katolik,an apostolik Tchos.A béliv fo ouan - baptism fo tchouss fo bad.An a di wèt djorob fo da- fo da-pipi,an laf fo grond wé i go kam. Amen. Sista dis tom MARRED FO SOUA SWIT PASS MACK ! Ton von ne wunian weli a don bin das>ol PtP<> Madarrt and a don came i sahy Waïtman contry. — You'tou w i t y dam wunna Waïtman contry. F o s s i k a dam-wan wi oll wi go marred Waïtman ? A no fitt. Wuscanna old Waïtman weh v o u don full soh soteeh hi keli you fo Home ? tl a, h n, ha... you n o \ 'neck m 1 a lo/f fsass soh. i You me/nba sav na H'aitmon ! ! m a r r e d mi ? So-oh ! Sa •' j Kamerounian boy weh n u ! Sol/a marred mi. — Wêêâ... Wèèé... Wêêê!..j na Solja marred you ? You de i 1 cress ? Young wuman leckev ! j you soh gry fo marred Solja ? J You get strong f 0 pala-pala ? I Hamoss tam weh dam So.'ja I don s è n d you f o d o c t a fossika bitt'am?... I — //U ? — No—oh! A bin marred dassol ! Govna dis wi Kamarouman | contry Govna weh some na! tfassol nèm fo Go ma dem get' j am bot noting no lôp insaid. j And hi de lèff you fo haoss 1 hi go fènd nyiou marred wity | cidilaïs wuman weh g*t diplôm. *" You no lock tm hown wiir dam wunna Govna. Tam don ichàn/ >ou no sabr soh ? Govna don lôrn dassot nô nba zéro, na Solja don tchêp nâmha won'. And nohv dam old cateqcry fo Solja urh dem bin tell w' ■ SislOj a say dis tam marred fo Solja swit pass mack. — Hem, ma sista / Tèll mi a hiya, you say marred fo Solja don betta ? — You sép /ouk ma skin, ma dot "s, ma s h us s and look mi sèp—sêp bife vou sabv. Fo I came fo market .tnh o qet f„ j ma passa pass ten tôztn frs. And a de waka dassol wity J choffèr hAoss ma man na ! Captèn. Hi no de dînai' no/inq fo mi.. . — Hé, S'Stal Wuscanna goudlock 1 you get soh. M. ' tou a go das¬ sol marred empty Govna weh get ndack fo oll contry. matoa sèp no lèp, dassol dam-wan fo service I — Sista, meck m a n no fui )Kii, dis tam noinha won mar red na n\ar,fd fo Sol/a bikoss marred fo Solja Pass mack 1 330 Extrait du Courrier sportif du Bénin (cf. p. 60). L'auteur de "King fo toly" est Francophone mais parle aussi l'an¬ glais . Cf. à la page suivante : - la transcription du texte dans notre propre graphie; - la traduction littérale; - La traduction "libre" (pour traduire cette conversation, nous avons adopté un regis¬ tre familier de français parlé. Notons que notre traduction n'a pas la prétention de représenter une "façon camerounaise" de parler le français ) . suit 331 i 'Sista, 'dis 'taym, 'maret fo 'sodja 'swit soeur/ce/temps/mariage/avec/militaire/être doux Maintenant, ma soeur1, c'est vraiment chouette 'pas 'maki dépasser/marque de s'marier avec un militaire! 'Tu 'yong 'wuman 'we dem 'sabi-am 'long 'taym, deux/jeunes/femmes/que/elles/connaître-elles/long/temps "Deux jeunes femmes qui se connaissent depuis longtemps dem 'mit-am fo 'maket : elles/rencontrer-elles/au/marché se rencontrent au marché : - Wêê!... 'sista, 'us 'say yu di ko'mot 'so? soeur/que1/côté/tu/INAC/sortir de/ainsi Wêê!... Ma soeur, d'où est-c'que tu sors comme ça? 'Long 'taym a 'neba 'si 'yu a'gen, 'us 'say long/temps/je/NEG-ACC/voir/toi/de nouveau/quel/côté Y'a longtemps que j't'ai pas vue, où yu bin 'go? tu/PAS/aller est-c'que t'es allée? 1- Le terme "soeur" a ici un sens large. Est "frère" ou "soeur" d'Ego, toute personne (apparentée ou non) qu'il considère comme proche de lui. 332 Na 'maret 'tat 'mi.A bin 'go 'waka fo 'hom EMPH/mariage/retenir/moi/PAS/aller/marcher/en/Europe C'est que j'suis mariée. J'suis allée en Europe witi ma 'man. avec/mon/homme avec mon mari. Yu 'tu 'don 'maret? Yu 'tu 'don 'go 'tut toi/aussi/ACC/se marier/toi/aussi/ACC/alier/chercher Toi aussi t'es mariée? Toi aussi t'as été chercher 'dat 'trobo? 'Mi 'dis, 'we a 'don 'ton 'daso cet/ennui/moi/ceci/qui/je/ACC/devenir/seulement des ennuis. Moi, comme tu m'vois, j'suis devenue leke "Nkott-Makanjo" fo'sika 'bat 'maret. comme/coupée-morue/parce que/mauvais/mariage comme de la "morue séchée" parc' que j'ai pas fait un bon mariage. 'Lek a 'no 'graf fo 'de, 'lek a 'don ' day, si/je/NEG/sortir/de/là/IRR/je/ACC/mourir Si j' n'avais pas fait ma valise, j'serais déjà morte a 'swe! je/jurer j'te jure ! Yu 'no 'get 'daso 'gut 'lok. '01 'ting fo tu/NEG/avoir/seulement/bonne/chance/toute/chose/sur/ T'as simplement pas d'chance. Tout sur 333 > i 'dis 'gron na 'daso 'gut 'lok. Mi 'dis, cette/terre/PRED/seulement/bonne/chance/moi/ceci cette terre dépend d'ia chance que t'as. Moi, 'we dem bin 'mimba 'se a 'no go 'maret, que/ils/PAS/rappeler/que/je/NEG/FUT/se marier/ à qui on arrêtait pas de dire que je m'marierais pas, tu'de, a 'don 'bi 'daso 'popo "madame" an a 'don aujourd'hui/je/ACC/seulement/vraie/madame/et/je/ACC aujourd'hui, j'suis devenue une vraie dame et j'suis 'kom 'sabi 'wat-man 'kondre. venir/savoir/blanc-homme/pays allée voir le pays des Blancs. - 'Yu 'tu witi 'dat wuna 'wat-man 'kondre! toi/aussi/avec/ce/votre/blanc-homme/pays Toi aussi avec votre fichu pays des Blancs! Fo'sika 'dat 'wan, 'wi,'ol, wi go 'maret à cause de/ce/PRON/nous/toutes/nous/FUT/se marier Est-c'que c'est pour ça qu'on va toutes se marier 'wat-man? A 'no 'fit- 'Us 'kan 'ol blanc-homme/je/NEG/pouvoir/quel/sorte de/vieux avec des Blancs? Moi, jamaisd'la vie! Qui est ce vieux 'wat-man 'we yu 'don 'fui 'so so'te i 'kel blanc-homme/que/tu/ACC/rouler/ainsi/jusqu'à ce que/il Blanc que t'as mené par le bout du nez jusqu'à ce qu'il 334 'kel 'yu fo 'hom? emmener/toi/en/Europe t'emmène en Europe? - Ha, ha, ha..., yu 'no 'mek 'mi, a ' laf 'pas ' so tu/NEG/faire/moi/je/rire/dépasser/ainsi Ha, ha, ha... tu m'fais bien rigoler! Yu 'mimba 'se na 'wat-man 'maret 'mi? tu/penser/que/PRED/blanc-homme/se marier avec/moi Tu penses que c'est avec un Blanc que j'suis mariée? No, o! Na Kame'runian 'boy,'we na 'sodja, non/ PRED/camerounais/homme/que/PRED/militaire Mais non! C'est avec un Camerounais, un militaire, 'maret 'mi. se marier avec/moi que j'suis mariée. - Wêêê... Wêêê... Wêêê! Na 'sodja 'maret 'yu? PRED/militaire/se marier avec/to C'est avec un militaire que tu t'es mariée? Yu di 'kres? 'Yong 'wuman leke 'yu 'so 'gri tu/INAC/être fou/jeune/femme/comme/toi/ainsi/ accepter T'es folle? Une jeune femme comme toi accepte 335 fo 'maret 'sodja? Yu 'get 'trong fo pour/se marier avec/militaire/tu/avoir/force/pour de s'marier avec un militaire? T'es forte en 'pala-'pala? 'Hamos 'taym 'we 'dat 'sodja 'don boxe/combien de/fois/que/ce/militaire/ACC boxe? Combien d'fois ce militaire t'a 'sen 'yu fo 'dokta fo'sika 'bita? envoyer/toi/chez/docteur/à cause de/bagarre envoyée à l'hôpital après une bagarre? Ha, ha, ha... Yu 'tu bin 'maret witi 'sodja toi/aussi/PAS/se marier/avec/militaire Ha, ha, ha... Toi aussi, tu t'es mariée avec un militaire bifo yu 'graf fo 'de fo'sika 'bat 'maret avant que/tu/partir/de/là/à cause de/mauvais mariage avant de ficher 1'camp parc'que t'étais pas heureuse en ménage an fo'sika 'se i 'bit 'yu. et/parce/que/il/battre/toi et parc'qu'il te battait. 'Nc5-o! A bin 'maret 'daso 'govna, 'dis Non/je/PAS/se marier avec/seulement/fonctionnaire/ce Mais non! Je m'suis simplement mariée avec un fonction¬ naire, ces 336 wi Kame'runian 'kondre 'govna 'we 'som notre/camerounais/pays/fonctionnaire/que/certains fonctionnaires camerounais dont certains na 'daso 'nem fo 'govna dem 'get-am EMPH/seulement/nom/de/fonctionnaire/ils/avoir-le n'ont de fonctionnaire que le nom bot 'nating 'no 1lef 'insay. An i di 1lef 'yu mais/rien/NEG/laisser/dedans/et/il/laisser/toi et rien à l'intérieur. Et il te laisse fo 'hos, i 'go 'fayn 'nju 'maret witi à/maison/il/aller/chercher/nouveau/mariage à la maison pour aller à la recherche d'un nouveau mariage avec "civilized" 'wuman 'we i 'get "diplôme", civilisée/femme/que/elle/avoir/diplôme une femme "civilisée" qui a des diplômes. Yu 'no 'lok 'mi 'wan 'awa witi 'dat wuna tu/NEG/enfermer/moi/une/heure/avec/ce/votre Tu ne m'enfermerais pas une heure avec votre 'govna. 'Taym 'don 'tshandj, yu 'no 'sabi 'so? fonctionnaire/temps/ACC/changer/tu/NEG/savoir/cela fichu fonctionnaire. Les temps ont changé, tu saisi 'Govna 'don 'ton nomba-"zéro", na 'sodja fonctionnaire/ACC/devenir/numéro-zéro/PRED/militaire Les fonctionnaires, c'est zéro, c'est les militaires 337 « 'don 1tshop nomba-'wan. An 'no 'bi 'dat 'ol ACC/manger/numéro-un/et/NEG/être/cette/vieille qui ont pris la première place. Et ce n'est pas cette vieille "catégorie" fo 'sodja 'we dem bin 'tel 'wi. catégorie/de/militaire/que/ils/PAS/dire/nous catégorie de militaires dont on nous parlait 'Sista, a 'se, 'dis 'taym, 'maret fo 'sodja soeur/je/que/ce/temps/mariâge/avec/militaire Ma soeur, j'te l'dis, maintenant, c'est vraiment 'swit 'pas 'mak. être doux/dépasser/marque chouette de s'marier avec un militaire. "Hein", ma 'sista! 'Tel 'mi, a 'hia, yu ma/soeur/dire/moi/je/entendre/tu Hein, ma soeur, est-c'que j'ai bien entendu, tu 'se 'maret fo 'sodja 'don 'beta? que/mariage/avec/militaire/ACC/s'améliorer dis que c'est mieux qu'avant de s'marier avec un militaire? 'Yu 'sef, 'luk ma 'skin, ma 'klot, ma 'shus, toi/même/regarder/mon/corps/mes/habits/mes/chaussures Toi-même, regarde-moi, regarde mes habits, mes chaussures, an 'luk 'mi 'sef-'sef bifo yu 'sabi. et/regarder/moi/même-même/avant que/tu/savoir et regarde moi bien avant de juger. 338 Fo 1kom fo 'maket 'so, a 'get fo ma pour/venir/au/marché/ainsi/je/avoir/dans/mon pour venir au marché comme ça, j'ai dans mon 'posa 'pas 'ten 'tozin 'fran. An a porte-monnaie/dépasser/dix/milie/francs/ et/je porte-monnaie plus de dix mille francs. Et je di 'waka 'daso witi "chauffeur" bi'kos INAC/se promener/seulement/avec/chauffeur/parce que m' promène que conduite par mon chauffeur parc' que ma 'man na 'kapten. I 'no di di'nay 'nating fo 'mi. mon/homme/PRED/capitaine/il/NEG/refuser/rien/à/moi mon mari, il est capitaine. I' m'refuse rien. He, 'sista! 'Us 'kan 'gut 'lok yu 'get 'so. soeur /quelle/sorte de/bonne/chance/tu/avoir/ainsi Hé, ma soeur, t'en as d'ia chance I 'Mi 'tu, a 'go 'daso 'maret "empty" moi/alors/je/aller/seulement/se marier avec/vide Moi, j'ai été me marier avec un 'govna, 'we i 'get 'det fo 'ol 'kondre, fonctionnaire/que/il/avoir/dette/dans/tout/pays fonctionnaire fauché, qui a des dettes dans tout le pays, mo'to 'sef 'no 'lef, 'daso 'dat 'wan fo "service"! voiture/même/NEG/rester/seulement/cette/PRON/de/service il a même plus d 'voiture, que celle de service! 339 - 'Sista, 'mek 'man 'no 'lay 'yu,'dis 'taym, soeur/INJ/homme/NEG/mentir/toi/ce/temps Ma soeur, qu'on t'raconte pas d'histoires, maintenant nomba-'wan 'maret, na 'maret fo 'sodja numéro-un/mariage/PRED/mariage/avec/militaire le mariage numéro un, c'est 1'mariage avec un militaire bi'kos 'maret fo 'sodja 'swit 'pas 'mak! parce que/mariage/avec/militaire/doux/dépasser/marque parc'que de s'marier avec un militaire, c'est vrai¬ ment chouette ! Page 342 : extrait de Cameroon Outlook (cf. p. 60). Les membres de phrases reconnus comme pidgin sont souli¬ gnés . Titre How fo bar service. "A propos des serveuses de bar ." Colonne 1 1. 3-4 : for this we kontri na "savise" for Bar. dans/ce/notre/pays/PRED/serveuse/de/bar "Dans notre pays, c'est la serveuse de bar." 340 1. 7-8 : sabit dem fine. serveuses/elles/être beau "les serveuses sont jolies." 1. 14 : na "c'est" 1. 19-20 : bar sabit whe wowo leke me bar/serveuse/qui/être moche/comme/moi " serveuse qui est aussi moche que moi" 1. 22-3 : manager talk say I no di attract customer dem. directeur/dire/que/elle/NEG/attirer/client/-s "le directeur dit qu'elle n'attirait pas les clients." Colonne 2 1. 6-7 : sabit dem get plenty money serveuses/elles/avoir/beaucoup de/argent "les serveuses ont beaucoup d'argent" 1. 8-9 : fine-fine beau-beau "très beaux" 1. 14-17 : time whe law fo Akwara been temps/que/loi/sur/prostituée/PAS/ "Quand la loi sur la prostitution était 341 hot plenty been cam beg me fo work chaude/beaucoup/PAS/venir/demander/moi/pour/travail stricte, beaucoup vinrent me demander du travail" 1. 19-20 : na true talk whe big massa tell me PRED/vraie/parole/que/grand/homme/dire/mo "ce que m'a raconté cet homme est vrai" 342 '•'EDVF^AV M^UST 14 10 7/, Bar ervice the most oppressed the most down trcdden employée for this we kon tri na "savise" for Bar. How many of us go to a particular drinking place because the^ 'sabit dem fine. And yet of ail the 10 percent 3 percent and recently 18 percent sala ry increases in tbe priva te sector the most this category of workers earn na three thousand, Some bar ovners do not even pay them monthly wa • ges but pay a commission of one franc per bottle sold. Recently a bar sa bit whe wowo leke me here in Kumba was sacked becau se "manager talk say I no di attract customer dem". This is the plight of these workers I thought so I mentioned this to one bar proprietor in Ba menda and he told me that 'sabit dem get plentv mo nev.' where do they get money for buy ail chat fi ne fine clothes and dedi- os and stoop". He said that the job provides th em the opportunity to get many customer for one day He continued "time whe law for Akwarabeen hot plentv been cam beg me for work without any pay. I do not know whether na true talk whe big mas - sa tell me but I see a]j of them smashir.gly dress- ed c.ou] d ail this he only on 3.000 CrA? 343 FINE-FINE tiOUN Fine-Fine xoman: Ha yi de add trouble Na yi de spoil kombi Na yi de bring eneny Ha yi de chakara fambul S-A T- 'C FU«-fiaa aonan; Na eneray for money, bhen yi enter for door, /t Lioney de Fine-Fine vioraan, na diei / Y S~ • . 6 \\ % K m f'Î7^ i\ E « » t L e " o ^ ■ / * « '". •, ° '.if-1' komot for Bindo'jh ' 4°«. (^5^* \\j& V ■ v\\ V *• liankon July, 1976 Jolie femme Une jolie femme : C'est elle qui crée les ennuis C'est elle qui gâche l'amitié C'est elle qui apporte la haine C'est elle qui bouleverse la famille Une jolie femme : C'est l'ennemi de l'argent^ Quand elle entre par la porte. L'argent sort par la fenêtre. Une jolie femme , c'est la mort! Poème de Jetimen (Anglophone) Remarque : la réduplication de fine ('fayn, dans notre graphie; littéralement : "jolie—jolie" ) a une valeur em¬ phatique . ANNEXE III EXTRAITS DU CORPUS ORAL N.O., Francophone, bafia, environ trente ans, caté¬ chiste, scolarisé, interroge pour nous en pidgin -et en notre présence- sa mère, non scolarisée, ne sachant pas le français. Yaoundé, juin 1977. Q. 'Us 'kan 'taym yu 'don 'kom 'ya fo Yaoundé? quelle/sorte de/temps/tu/ACC/venir/ici/à/Yaoundé "Quand es tu arrivée ici à Yaoundé?" R. A 'don 'kom 'ya fo 'tu 'mun 'djesno. je/ACC/venir/ici/PREP/deux/mois/maintenant "Je suis arrivée ici, il y a deux mois maintenant. Q. Fo 'tu 'mun 'djesno. Yu go 'go 'bak fo PREP/deux/mois/maintenant/tu/FUT/venir/en arrière/ Douala 'us 'kan 'de? Douala/quelle sorte de/jour "Il y a deux mois maintenant. Quand est-ce que tu vas repartir à Douala?" 345 R. A di 'go 'bak fo Douala fo 'dis 'las 'mun. je/INAC/aller/en arrière/à/Douala/PREP/ce/dernier/mois "Je vais repartir à Douala ce mois-ci." Q. Fo 'dis 'las 'mun. 'Weti yu 'don 'kom 'du PREP/ce/dernier/mois/quoi/tu/ACC/venir/faire "Ce mois-ci. Qu'est-ce que tu es venue faire 'ya fo Yaoundé? ici/à/Yaoundé ici à Yaoundé?" R. A 'don 'kom 'luk ma pi'kin. j e/ACC/venir/voir/mon/enfant "Je suis venue voir mon enfant." Q. 'We i 'de fo 'us 'say? que/il/être/où Qui est où?" R. 'We i 'de fo Yaoundé. Na 'so a 'don 'kom que/il/être/à/Yaoundé/EMPH/ainsi/je/ACC/venir 'luk-am. voir-le "Qui est à Yaoundé. Alors, je suis venue le voir." Q. 'So, yu 'don 'ste fo Douala? ainsi/tu/ACC/rester/à/Douala "Alors, tu habites à Douala?" 346 R. 'Yes, a 'don 'ste fo Douala 'plenti. oui/je/ACC/rester/à/Douala/beaucoup "Oui, je vis à Douala depuis longtemps." Q. 'Weti yu di 'du fo Douala 'de? Quoi/tu/INAC/faire/à/Douala/là "Qu'est-ce que tu fais là-bas à Douala?" R. A 'de fo si'top 'so, an a di 'kuk fu'fu, je/être/PREP/rester/ainsi/et/je/INAC/faire cuire/fufu a di 'kuk ma'kabo. Na fo 'de, fo Douala, a di je/INAC/faire cuire/macabo/EMPH/PREP/là/à/Douala/je/ di 'kuk ma'kala. 'Mi, a di 'sel-am. INAC/faire cuire/beignet/moi/je/INAC/vendre-les "Je vis là-bas, et je fais du fufu, je fais cuire des macabos.C'est là-bas, à Douala, que je fais des beignets. Moi, je les vends. Q. Yu di 'sel-am? tu/INAC/vendre-les "Tu les vends?" R. 'Yes. "Oui." Q. Fo 'us 'kan 'taym? PREP/sorte de/temps "Quand ça?" 347 R. A 'de fo 'graf fo 'bet fo 'faf o-klok. je/être/PREP/sortir de/lit/à/cinq/heures "Je me lève à cinq heures du matin." Intérêt du texte - L'interrogation (cf. p. 272-6) - La concordance des temps et des aspects : p. 344, ligne 6 du bas : yu go 'go 'bak,..?, réponse : a di 'go 'bak... (cf. p. 256-60) - Emploi de la construction 'de fo V (cf. p. 245, note 4). L.M., Francophone, bakoko, une trentaine d'années, ins¬ tituteur, interroge -en notre absence- en pidgin R., Francophone, abo, né en 1905, catéchiste (en duala), non scolarisé en français mais le parlant un peu.. Bonabéri (faubourg de Douala), janvier 1978. Q. (...) Bot bi'lif, 'trong bi'lif, i bin 'bi fo mais/foi/forte/foi/elle/PAS/être/chez 'pipol? gens "(...) Mais la foi, la vraie foi, est-ce qu'elle n'existait pas chez les gens?" 348 R. 'Trong bi'lif, i bin 'bi 'plenti, 'pipol bin forte/foi/elle/PAS/être/beaucoup/gens/PAS bi 'plenti 'tu. être/beaucoup/aussi "La vraie foi existait vraiment et les gens qui l'avaient étaient nombreux." Q. 'Dat 'taym, 'pipol bin 'bin 'hia 'plenti fo ce/temps/gens/PAS/INAC/écouter/beaucoup/PREP 'fada an fo kate'shist. père/et/PREP/catéchiste "En ce temps là, les gens écoutaient attentivement le prêtre et le catéchiste." R. 'Yes, dem bin 'bin 'hia fo 'fada an fo kate'shist. oui/ils/PAS/INAC/écouter/PREP/père/et/catéchiste "Oui, ils écoutaient le prêtre et le catéchiste." 'Dat 'taym, 'iven 'som kate'shist, i 'de fo 'bush, ce/temps/juand/un/catéchiste/il/être/dans/brousse En ce temps, quand un catéchiste était dans la brousse, 'pipol, dem di 'go fo 'wok, fo tsha'pia. gens/i1s/INAC/alier/au/travail/au/défrichement les gens, ils allaient défricher la terre. Dem di 'wok fo kate'shist. Dem di ils/INAC/travailler/pour/catéchiste/ils/INAC/ Ils travaillaient pour le catéchiste. Ils 349 'ben ka'sava, dem di 'ben ma'kabo. 'Eni cultiver/manioc/ils/INAC/cultiver/macabo/chaque cultivaient du manioc, ils cultivaient des macabos,tout 'kan 'tshop fo Cameroun, dem di 'ben-am sorte-de/nourriture/du/Cameroun/ils/INAC/cultiver-la ce qui pousse au Cameroun, ils le cultivaient fo kate'shist. Dem di 'wok 'fayn, dem di pour/catéchiste/i1s/INAC/travailler/bien/ils/INAC pour le catéchiste. Ils travaillaient bien, ils 'hia fo 'yi. écouter/PREP/le. 11 écoutaient." Intérêt du texte - Emploi de la construction bin 'bin V (cf. p.241) - 'bi (précédé de bin), verbe-substantif (cf. p.145) - Concordance des temps et des aspects : bin puis di (cf; p. 256-60) - Thématisation de l'objet, 1. 1 et 4 (cf. p.164, note 17). 3 50 Conversation entre P.Z., Francophone, ewondo, né vers 1905, ne parlant pas français, et nous-même. Dans un village, à une centaine de kilomètres de Yaoundé, août 1978. Q. (...) Yu bin bi'kin 'tok 'pidjin fo 'maket o tu/PAS/commencer/parler/pidgin/au/marché/ou "(...) Vous avez commencé à parler pidgin au mar¬ ché ou fo wok-'pies? sur/travail-lieu sur votre lieu de travail?" R. A bi'kin 'wok fo 'boy, 'som Lagos 'man, je/commencer/travailler/comme/boy/un/Lagos/homme "J'ai commencé à travailler comme boy, un homme de Lagos, i 'bi 'yong 'man, i 'bi 'tela, 'yi 'tu, i il/être/jeune/homme/il/être/tailleur/lui/aussi/il c'était un homme jeune, c'était un tailleur, lui non plus, il 'no 'sabi ma kondre-'tok, na 'yi bi'kin tu NEG/savoir/ma/pays-langue/EMPH/il/commencer/PREP/ ne savait pas ma langue maternelle, c'est lui qui a commencé à 'lan 'pidjin fo 'mi. (...) ' Dat 'wan, a apprendre/pidgin/à/moi/ ce/PRON/j e m'apprendre le pidgin. (...) Celui-là, je 351 a di 'wok 'boy fo 'yi, a bin 'lif fo 'wok je/INAC/travai1ler/boy/pour/lui/je/PAS/être/PREP/travail1er je travaillais comme boy chez lui, je travaillais 'boy fo 'yi. A di 'kuk 'tshop fo 'yi, a di 'go boy/pour/lui/je/INAC/faire cuisine/pour/lui/je/INAC/aller comme boy chez lui. Je faisais la cuisine pour lui, j'allais 'maket fo 'yi. 'Yi 'tu, i 'no 'sabi Yaoundé-' tok, marché/pour/lui/lui/aussi/il/NEG/savoir/Yaoundë—langue au marché pour lui. Lui non plus, il ne savait pas 1'ewondo, 'mi 'tu, a 'no 'sabi yi kondre-'tok, i bi'kin moi/aussi/je/NEG/savoir/sa/pays -langue/il/commencer moi non plus, je ne savais pas sa langue maternelle, il a commencé 'tok 'inglish fo 'mi. à me parler en pidgin." Intérêt du texte - Asyndète hypotactique (cf. p. 314-8) - Construction bin 'lif fo V (cf. p. 242-3) - Concordance des temps et des aspects : V, di V et bin 'lif fo V (cf. p. 256-60) - bi'kin tu V (bi'kin V ou bi'kin fo V, d'ordinaire; cf. p. 262) : influence du pidgin nigérian? Construction ancienne? 352 La mère de Christie N., de Bamenda, Anglophone non scolarisée et ne parlant pas l'anglais, nous raconte sa journée de la veille. Bamenda, octobre 1977. A wi'kop 'yestade 'moni, a 'go 'mi fo 'fam je/se réveiller/hier/matin.je/aller/moi/à/plantation Je me suis levée hier matin, je suis allée à la plan¬ tation a 'waka so'te a 'rish fo Azire, a 'si je/marcher/jusqu'à ce que/je/atteindre/PREP/Azire/je/voir j'ai marché jusqu'à Azire, j'ai vu 'wan mo'to, a 'bek-am 'se 'mek i 'kari 'mi, une/voiture/je/demander-la/que/INJ/elie/ une voiture, je lui ai demandé de nous emmener, 'mi an ma pi'kin. 'Dat mo'to 'kari 'wi moi/et/mon/enfant/cette/voiture/emmener/nous moi et mon enfant. Cette voiture nous a emmenés so'te i 'rish fo "Coopérative School", i 'se : jusqu'à ce que/il/atteindre/PREP/Cooperative/School/il/que jusqu'à la "Coopérative School", elle nous dit : "wuna 'pe 'wan 'hondret", bot a bin 'get 'onli vous/payer/un/cent/mais/je/PAS/avoir/seulement "vous devez payer cent francs", mais j'avais seulement 353 'fifti 'fran. A 'get 'onli 'fifti 'fran. cinquante/francs/je/avoir/seulement/cinquante/francs cinquante francs. J'avais seulement cinquante francs. A 'bek-am, 'bek-am 'se 'mek i 'kari 'mi an ma je/demander-le /demander-le/INJ/il/emmener/moi/et/mon je l'ai supplié de m'emmener avec mon pi'kin fo 'dat 'fifti. I di'nay 'yi. Ma enfant/pour/ces/cinquante/il/refusèr/lui/mon enfant pour ces cinquante francs. Elle a refusé. Mon pi'kin bin 'go 'don, 'mi 'wan, a 'fos 'go 'inta fo enfant/PAS/aller/en bas/moi/seule/je/d'abord/aller/entrer/dans enfant est descendu, Je suis arrivée seule à la 'fam bi'fo ma pi'kin di 'folo. A 'de plantation/avant que/mon/enfant/INAC/suivre/je/être plantation,avant mon enfant qui suivait à pied. Je suis restée » fo 'fam so'te...! A 'wok. 'Son, i bin à/plantation/jusqu'à ce que/je/travailler/soleil/il/PAS à la plantation tellement longtemps! Je travaillais. Le soleil était 'hot 'yestade! 'Beta 'no 'de. A 'wan 'wok, être chaud/hier/amélioration/NEG/être/je/vouloir/travailler brûlant hier! Ca ne s'améliorait pas. Je voulais travailler, 354 i di 'fol 'onli fo ma 'fes. I di 'fol 'onli i1/INAC/tomber/seulement/sur/mon/visage/il/INAC/tomber/seulement il me brûlait le visage. Il me brûlait fo ma 'fes. A 'tray 'wok so'te fo 'ivin sur/mon/visage/je/essayer/travailler/jusqu'à/PREP/soir le visage. J'ai essayé de travailler jusqu'au soir leke 'haf 'pas 'fo. Wi 'wikop fo 'fam, vers/demie/après/quatre/nous/partir/de/plantation vers quatre heures et demie. Nous sommes partis de la plantation, pi'kin 'tray di 'waka so'te...!Di 'we enfant/essayer/INAC/marcher/jusqu'à ce que/la/façon le gosse a essayé de marcher jusqu'à n'en plus pouvoir, 'we a bin 'taya, di 'we 'we a bin 'taya que/je/PAS/se fatiguer/le/façon/que/je/PAS/se fatiguer/ je m'étais tellement fatiguée, je m'étais tellement fatiguée fo 'dat 'fam! A bin di 'waka so'te dans/cette/plantation/je/PAS/INAC/marcher/jusqu'à ce que dans cette plantation! Je suis a 'kom 'bak, 'kom 'rish fo 'ya. je/venir/en arrière/venir/atteindre/PREP/ici revenue à pied jusqu'ici." 355 Intérêt du texte - Le temps du récit est marqué par un nominal ('yestade) et non par une modalité verbale. La forme verbale non marquée est ensuite employée dans la plupart des cas. - Reprise du pronom sujet immédiatement après le verbe pour marquer l'emphase (cf; p. 285-7) : ligne 1 du texte et ligne 7, p. 353. - Bin di. V (cf. p.239-40) - MOD di V ('tray di 'waka, ligne 11, p. 354); cf. p.264. - 'onli (inconnu du P.E.F.,qui emploie 'daso) Christie N., Anglophone, de Bamenda, une vingtaine d'années, études universitaires, nous décrit un "anniversaire de mort". Bamenda, décembre 1977. Di 'ting 'bi 'se, 'dis "death [ded] célébrations", la/chose/être/que/ces/mort/célébrations "C'est à dire, ces anniversaires de mort dem di 'tek 'pies, na bi'kos 'wen 'som ils/INAC/prendre/place/PRED/parce que/quand/un ont lieu, c'est parce que, quand un 'big 'man 'day, "especially" 'wen i 'day na important/homme/mourir/feurtout/quand/il/mourir/EMPH homme important meurt, surtout quand il meurt 356 fo 1taym "we i 1 no 'bi "convenient", 'wen 'ren pendant/moment/que/il/NEG/être/commode/quand/pluie pendant une période qui n'est pas facile, quand di 'fol an 'se mo'ni 'hat, an na 'sizon 'we INAC/tomber/et/que/argent/difficile/et/PRED/saison/que il pleut et que l'argent se fait rare, et que c'est la saison où "crops", dem 'stil..., 'tshop dem 'stil cultures/elle/encore/ cultures/elles/encore/être les cultures sont encore..., les cultures ne sont pas fo 'fam, dem go 'kip di 'day, "that [dat] is", à/plantation/ils/FUT/garder/le/mort/ceci/être encore récoltées, on va garder le mort, c'est-à-dire, dem go 'kip-am, "so that [dat]" 'wen 'dray 'sizon ils/FUT/garder-le/ ainsi/que/quand/sèche/saison on va le garder, ainsi, quand la saison sèche sera 'don 'rish, dem go 'mek 'wan 'de, an "mostly", na ACC/atteindre/ils/FUT/faire/un/jour/et/surtout/PRED là, on décidera d'un jour, et dans la plupart des cas, ça se passe fo "weekends". 'So, fo 'satode o fo 'frayde pendant/weekends/ainsi/PREP/samedi/ou/PREP/ pendant le weekend. Ainsi, le samedi ou le vendredi 357 'pipol, dem go 'kom. "Everybody" 'we i 'bi gens/ils/FUT/venir/tout le monde/que/il/être les gens viendront. Tout le monde qui est "concerned", "that [dat] is" di 'pipol 'we... concerné/ceci/être/les/gens/qui concerné, c'est-à-dire les gens qui... di "relatives of" di 'man 'we i 'don 'day, 'ol, dem les/parents/du/le/homme/que/il/ACC/mourir/tous/ils les parents de l'homme qui est mort, tous, ils go 'kom 'gada fo di kom'pon 'we dem FUT/venir/se rassembler/dans/la/concession/que/ils viendront se rassembler dans la concession où ils "get to" 'kray di 'day. voir/à/pleurer/le/mort doivent pleurer le mort." Intérêt du texte - Forte influence de l'anglais standard. Quelques proverbes 'sofre-'sofre 'kash 'monki doucement/doucement/prendre/singe "petit à petit l'oiseau fait son nid" 358 'smol 'no 'bi 1sik petitesse/NEG/être/maladie "être petit (de taille) n'est pas une maladie" 'ay 'no di 'shut 'bif oeil/NEG/tuer/gibier "un bon tiens vaut mieux que deux tu l'auras" 'ashja 'no di 'helep bot i di 'kul 'hat compassion/NEG/INAC/aider/mais/apaiser/coeur "La compassion ne change rien mais elle apaise les coeurs" Cf. l'article de L. Todd (1971). Cet auteur distingue cinq sortes de proverbes pidgin : - proverbes adaptés de l'anglais, peut-être par l'in¬ termédiaire du krio; - proverbes ayant des équivalents en lamso (une des lan¬ gues ethnique du Cameroun); - proverbes nés au Cameroun; - proverbes ayant des équivalents en krio; - proverbes dont on n'a trouvé d'équivalent nulle part ailleurs. Cette dernière catégorie est extrêmement intéres¬ sante ; elle permet d'émettre l'hypothèse selon laquelle il y aurait des proverbes typiquement pidgin camerounais. ANNEXE IV UTILISATION DES LANGUES VERNACULAIRES PAR LES STATIONS PROVINCIALES DE RADIO CAMEROUN Ces informations ont été recueillies en 1978, date à laquelle la Station de l'Ouest (Pays Bamilêké) n'était pas encore ouverte. Station du Littoral (Douala) - duala - Êasaa (variété de la Sanaga Maritime) - bamiléké (banjun) Station du Sud-Ouest (Buea) Une vingtaine d'idiomes sont parlés; parmi eux - duala 3 60 bakweri bakosi mbo batanga meta isu bikom ngemba lamso kaka bafut nsugli oku mungaka Station de l'Est (Bertoua) gbaya makaa Station du Nord (Garoua) fulfulde hausa arabe shuwa 361 Station du Centre-Sud (Yaoundé) - bafia - bamiléké (banjun) - Êasaa (variété du Nyong et Kele) - bamun - ewondo Dans cette station, la plupart des émissions en langues vernaculaires sont diffusées le matin et durent une demi-heure. froissions - magazine du Parti (activités de l'U.N.C.) - informations - demandes de disques - magazine de la santé - magazine de l'agriculteur - émission de la police : "au service de tous et de chacun" - communiqués personnels Les textes sont généralement écrits en français ou en anglais,dans un premier temps, puis traduits. ANNEXE V TABLEAUX PHONOLOGIQUES DU PIDGIN-ENGLISH SELON PLUSIEURS AUTEURS Labial Dental Palatal Pos t-Palacal Voiced Stops b d j g i Voiceless Stops P t cil k Voiceless Splrants f s sh h Nasals m n ny ng j Liquids w r y 1 Consonnes (Schneider, 1966 : 12) Table III. The Vowel Sounds of Pidgi a-Engllsh*^ Front Central Back lligh 1 u Mid ey e ow 0 l.ow a 13. The vowel symhols /ey/ and /ow/ are not Co be interpreted as diplithonçs or glides In closed syllables. The décision Co ucilize these symbols is a practlcal one making tt possible to Cype Pldgin-Fng11sh on any F.npllsh tvpewrlcer. Ccl = /e/ and fn] = /a/. Voyelles (Schneider, 1966 : 14) 363 Place of Articulatien Labial UCÎl'Tcl j» Dental ;.ivc-c- lar Palatc-i Alvco ] ~ T Palatal Velar Glottai: PLÛSIYL p b t d v: G itasajl t: n M AF'FRICATE tf dx J lu . Cxua'V-TIIJ - > -> j fricative f (-7) 3 c h [ J i fABIZ Ci1 FP.r.ICTT/.L CCI? SCILUiTS Consonnes (Todd, 1969 : 31) ^ \ • \ - j diphtongues : al, oi et au \'\ . [°] (cette dernière est \ ^ ! }~| inconnue du troisième \ -♦ m informateur). Voyelles (Todd, 1969 : 9) 364 Bi labial Labio- Dental Dental Palato- Alveolar Palatal Velar Glottal PL05IVE P b t d k g NASAL m n 1 AFFRICATE tS (dj) LATERAL 1 (r) FRICATIVE (J»> f 7 s S (5) h SEM-V07EL V j CP's Cohsonant Chart Consonnes (Todd, 1975 : 237) Voyelles (Todd, 1975 : 236) 365 CflHEKOOtl PIDGIi.' ENGLISH CONSONMJT CHART Plos t ve Ir.plosi v« K/tsal Lablo- Dental- dental a Iveol.ir P b Palato Post Palatal Velar Labial Glottal aiveolar aiveolar velar t d " « O '"h» Kp gb (bl) q b Affricace Frlcatlve Licui c Rc1 le d Friction- loss con- tir.uan: 'consonant /O" " !. » £ v t/dï / 2 Consonnes (Mbassi-Manga, 1973) Vov/e TTs" Close Kalf-Close Front Central 3ack Ope n Monophtongues Tableau des "seven consis tent terms", auxquels on peut ajouter à,q, ë et 5/"still struggling to become part of the System dont la présence est due l'influence du français . (Mbassi-Manga, 1973 : 87 — 8) 366 'he CPE dipthoag pattar.n inclue! do s : (a) two distinctivG 1 fronting" diptliongs Cail /lai/ (3E. to tell lies) [=>i] /b=>i/ (se. boy/kid/servnnt) (b) one 'opening' dipthong with two socially '42) distinctive productions: Cia] /fia/ r . -I / ~ ~ / (SE.fear) LxGj /fie/ (c) one 'backing' dipthong with two random variants ^ao-l /kao/ r , /ao/ (SE. cow) [au] . /k au/ 42' ^igerîantin"ablS t0 Nigerian Engligh and shows Nigérian influenças. /1£/ confiâtes HL/ie/ with SE /ie/'W°Uid therefore be considered déviant and Al/ .S0""?0"43 " the HL /i£/ and the Eranch /r e/ m ('biere1 ) Diphtongues (Mbassi-Manga, 1973 : 88) 367 labiales den taies palatales post- pala taies sourdes p t k OCCLUSIVES sonores b d g sourdes f S sh n COII STRICT IV ES sonores V sourdes tsh AFFRIQUEES sonores dj NASALES m. n ng LATERALE i VIBRANTE r Consonnes (Féral, 1975 : 32) 368 S voyelles oc .semi-voyelles ANTERIEURES CENT liALE ECSTEhlEURES FERMEES i (y) u (•:.■) II! TERIViELI A IRES 0 0 OUVERTE ! a. Les semi--voyelles sont mises entre parenthèses. Le symbole /e/ représente les deux réalisations Ce3 et Cs3 . Le symbole /o/ représente les deux réalisa¬ tions C03 et Cdl . Voyelles et semi-voyelles (Féral, 1975 : 33) REFERENCES AGHEYISI R. N. , 1971 West African Pidgin English : Simplification and Simplicity, Stanford University, Ph.D. Thesis, multigr., 212 p. ALEXANDRE P., 1963 Aperçu sommaire sur le pidgin A 70 du Cameroun, Cahiers d'Etudes Africaines III, 12, p. 577-82. 1966 Système verbal et prédicatif du bulu, Paris, Klincksieck. 1971 A few observations on language use among Cameroon- ese élite f amilies,, in Whiteley (éd.), p. 254-61. ARDENER E., 1956 Coastal Bantu of the Cameroons, London, Interna¬ tional Institute. AUBRY P., 1954 Pidjin: petite grammaire et vocabulaire, Yaoundê, Imprimerie St Paul, 56 p. AWA P., 1972 Pidgin English Catechism, Buea, 51 p. AWOBULUYI 0., 1973 The modifying sériai construction : a critique Studies in African Linguistics, vol.4., n°l, 370 ■» BAILEY B.L. , 1966 Jamaican Creole Syntax; a Tranformational Approach, Ithaca, Cambridge University Press. 1971 Jamaican Creole : can dialect boundaries be de- fined? in Hymes (éd.), p. 341-48. BAMGBOSE A. (éd.), 1972 The Yoruba Verb Phrase, Ibadan University, 195 p. 1973 The modifying sériai construction : a reply, Studies in African Linguistics, vol.4, n°2, p. 207-17. BARRETEAU D. (éd.), 1978 Inventaire des études linguistiques sur les pays d'Afrique Noire d'expression française et Mada¬ gascar, Paris, C.I.L.F., 625 p. BASTIN Y., 1978 Les langues bantoues,in Barreteau (éd.), p. 123- 185. BENJAMIN J., 1972 Les Camerounais Occidentaux; la minorité dans un état bicommunautaire, Université de Montréal. BENVENISTE E., 1966 Problèmes de linguistique générale I, Paris, Gallimard, 351 p. 1974 Problèmes de linguistique générale II, Paris, Gallimard, 286 p. BERRY J., 1971 Pidgins and creoles in Africa in Sebeok (éd.), p.510-36. 371 BICKERTON D., 1973 The nature of a croie continuura, Language, vol.49, n° 3, p.640-69. 1975 Dynamics of a Creole System, Cambridge University Press, VIII + 224 p. BOLE-RICHARD R., 1978 Problématique des séries verbales avec applica¬ tion au gen, Afrique et langage n° 10, p. 24-47. BOT BA NJOCK H.M., 1970 Nexus et nominaux en basaa, Paris, Sorbonne, Thèse d'Etat, 309 p. CADIOT P., 1*979 A propos des énoncés dans leur contexte, Langage et société n° 7, p. 31-48. CHOMSKY N., 1965 Aspects of the Theory of Syntax, M.I.T. press, Cambridge, 251 p. CONSTABLE D., 1974 Bilingualism in the United Republic of Cameroon : proficiency and distribution, Comparative éducation, vol. 10, n° 3. DECAMP D., 1971a Introduction : the study of pidgin and creole languages, in Hymes (éd.), p. 13-39. 1971b Toward a generative analysis of a post-creole continuum, in Hymes (éd.), p. 349-370. DIEU M., RENAUD P. et SACHNINE M., 1976 L'atlas linguistique du Cameroun, Bulletin de 1'Alcam, n° 1, Yaoundé, ONAREST, p. 1-32. 372 Pi gud nyus : hawe St Mark bi ratam, Société biblique Cameroun-Gabon, 1966, 56 p. DONEUX J.L. (ed), 1968 Questionnaires d'enquête linguistique (Greenberg, Tervuren, Welmers), Université de Dakar, 47 p. DWYER D., 1966 An Introduction to West African Pidgin English (produced for the United States Peace Corps), East Lansing, African Studies Center, Michigan State University, multigr., 572 p. FERAL C. de, 1975 Le pidgin english au Cameroun : quelques aspects linguistiques, Université de PARIS X, mémoire de maîtrise, multigr., V + 177 p. FONLON B., 1963 A case for early bilingualism , Abbia,n° 4, Yaoundé, p. 57-94. 1964 Pour un bilinguisme de bonne heure, Abbia, n° 7, Yaoundé, p. 7-47. GASTINES F. de, 1978 L'enseignement des langues nationales au collège Libermann de Douala, Recherche, pédagogie et Culture, n° 34. GILMAN C., 1972 The comparative structure in French, English and Cameroonian Pidgin English : an exercice in Lin- guistic comparison, Evanston, Illinois, North- western University, Ph.D. thesis,multigr., 214 p. GOUELLAIN R., 1975 Douala, ville et histoire, Paris, Institut d'Ethnologie, Musée de l'Homme. GREENBERG J.H., 1963 Languages of Africa, La Haye, Mouton. 373 GREENBERG J.H., 1968 Questionnaire d'enquête linguistique,in Doneux (ed), p. 10-27. GUIRAUD P., 1956 L'argot, Paris, P.U.F., 126 p. GUMPERZ J.J., 1964 Linguistic and social interaction in two commu- nities, American Anthropologist, part 2, vol. 66, n° 6, p. 137-163. GUTHRIE M., 1953 The Bantu Languages of Western Eguatorial Africa, London, International African Institute. HALL R.A. (Jr..) , 1958 Creolized languages and "genetic" relation- ships, Word, n° 14, p. 367-73. 1962 The life cycle of pidgin languages, Lingua, n° 11, p. 151-6. 1966 Pidgin and Creole Languages, Ithaca, Cornell University Press. HANCOCK I.F., 1971 A survey of the pidgins and creoles of the world, in Hymes (éd.), p. 509-23. HEINE B., 1970 Status and Use of African Lingua Francas, Munich, Weltforum Verlag. HELMINGER P., 1972 Dictionnaire duala-français, Paris, Klincksieck. 374 HOCKETT C.F., 1968 A Course in Modem Linguistics, New York, Macmillan, 13ème éd., 621 p. Holy Mass: Common Part, Nkongsamba, multigr., 64 p. HOMBERT J.M., 1973 Speaking backwards in Bakwiri, Studies in African Linguistics, vol. 4, n° 9, p. 227- 35. HOUIS M., 1967a Aperçu sur lès structures grammaticales des langues négro-africaines, Lyon, Faculté de Théologie, multigr., 311 + XLVIII p. 1967b Reflexions sur l'énoncé en situation, Word, n° 23, p. 321-34. 1974a La description des langues négro-africaines; 1. La description d'une langue, Afrique et Langage, 1er semestre, p. 11-20. La description des langues négro-africaines 2. Une problématique grammaticale, Afrique et langage, 2ème semestre, p. 5-39. 1976 Compte rendu de la mission à l'institut péda¬ gogique national de Bangui, rapport UNESCO, multigr., 28 p. 1977 Plan de description systématique des langues négro-africaines, Afrique et langage, n° 7, p. 5-65. HYMES D. (ed), 1964 Language in Culture and Society, New York, Harper & Row, 764 p. 375 HYMES D. (éd.), 1971a Pidqinization and Creolization of Languages, Cambridge University Press, 530p. 1971b Introduction (part III : général conceptions of process), in Hymes (ed.) , 1971a, p. 65-90. 1972 On communicative compétence, in Pride & Holmes (ed.), p. 269-93. JAKOBSON R., 1963 Essais de linguistique générale; 1. les fonda- tions du langage, Paris, Editions de Minuit, 260 p. JETIMEN, 1976 Anoda Man Ting, Mbengwi-Momo, Cameroun, multigr., 16 p. JONES E. , 197j. Krio : an English-based language of Sierra Leone, in Spencer (éd.), p. 66-94. KISOB J.A., 1963 Une langue vivante : le pidgin anglais, Abbia, n° 1, Yaoundé, p. 32-37 (texte en anglais : a live language : Pidgin English, p. 25-31) . LABATUT R., 1976 La phrase peule et ses transformations, Paris III, thèse d'Etat, multigr. LABOV W. 1971 The notion of "system" in creole studies, in Hymes (éd.), p. 448-71. 1976 Sociolinguistique, Paris, Editions de Minuit, 458p. LACROIX P.F., 1959 Observations sur la "koiné" peule de Ngaoundéré, Travaux de l'Institut de Linguistique, n° 4, 376 LACROIX P.F., 1962 Distribution géographique et sociale des par- lers peul du Nord-Cameroun, L'Homme, sept-déc., p.75-100. LATOUR DEJEAN M.L. de, 1977 Motivations pshychologiques et fonctions sociales de l'emploi du bangwa, du français et du pidgin dans une société africaine en mutation; le cas d'une chefferie en pays bamiléké, Cameroun,Stras- bourg, Université Louis Pasteur, thèse de 3ème cycle, multigr., 210 p. (annexe : 309 p.). LAUGHREN M., 1976 Sériai verbs, Bulletin de l'I.F.A.N., T. 38, sér. B, n°4, p. 872-89. LEFEBVRE C., 1974 Discretness and the linguistic continuum in Martinique, Anthropological Linguistics, vol. 16, n° 2, p. 47-78. LEROY J. et V00RH0EVE J., 1978 Les langues bantoues des Grassfields au Cameroun, in Barreteau (éd.), p. 117-21. LORD C., 1973 Sériai verbs in transition, Studies in African Linguistics, vol. 4, n° 3, p. 269-96. LYONS J., 1970 Linguistique générale, Paris, Larousse, 382 p. MANESSY G., 1975 Pidgin et créole; pidginisation et créolisation, Bulletin du Centre d'Etude des Plurilinguismes. n" 2, p. 3-14. —:2 1978 Observations sur un corpus de français oral recueilli dans le Sud du Cameroun, Bulletin du Centre d'Etude des Plurilinguismes, n5 5, p • 3 — 3 2 • 377 MANESSY G., 1979a Pidginisation , créolisation , évolution des langues, Sprache und Geschichte in Afrika, n° 1, p. 55-74. 1979b Expansion fonctionnelle et évolution, communi¬ cation présentée à la Conférence on Theoretical Orientations in Creole Studies, St Thomas, Virgin Islands, 28-31 mars. MARTINET A., 1970 Eléments de linguistique générale, Paris, Ar¬ mand Colin,221 p. MBASSI-MANGA F., 1964 Cameroon : a marriage of three cultures, Abbia, n° 5, Yaoundé, p. 131-44. 1973 English in Cameroon : a Study in Historical Contacts, Patterns of Usage and Current Trends, University of Leeds, Ph.D. thesis, multigr. 1976 Pidgin English is not a tone language, Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, n° 7, Yaoundé, p. 5-16. MUHLHAUSLER P., 1974 Pidginization and Simplification of Language, Pacific Linguistics, Canberra, 161 p. 1979 Structural expansion and the process of creo- lization, communication présentée à la Conférence on Theoretical Orientations in Creole Studies, St Thomas, Virgin Islands, 28-31 mars. NOSS P. (à paraître) Fula, a language of change, in Goodman, Han¬ cock, Heine et Polomé (eds.) : Readings in Creole Studies. 378 PAINVIN A., 1978 Essai de description syntaxique du pidgin, ré¬ gion de Buea, Cameroun, Paris, Université René Descartes, mémoire de maîtrise, multigr. PRIDE J.B. et HOLMES J. (eds.), 1972 Sociolinguistics, Harmondsworth, Penguin, 381 p. Questionnaire de Tervuren, in Doneux (éd.), 1968, p. 28-31. REINECKE J.E., 1964 Trade jargons and creole dialects as marginal languages, in Hymes (éd.), p. 534-46. RENAUD P., 1976 Le français au Cameroun, Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines^ n5 ï~, Yaoundé, p. 17-41. 1978 La situation linguistique du Cameroun: 1. coup d'oeil sur les langues, 2. aspects sociolinguis- tiques, in Barreteau (éd.), p. 473-92. SAMARIN W., 1971 Salient and substantive pidginization, in Hymes (ed.), p. 117-40. SCHNEIDER G.D., 1960 Cameroons Creole Dictionary, Bamenda, multigr. 1963 First and Second Steps in Wes-Kos, Peace Corps Training Manual, Athens, Ohio University, multigr 1966 West African Pidgin-English, Athens, Ohio, Ph.D. thesis, 242 p. 379 SCHNEIDER G.D., 1967 West African Pidgin-English - an overview : phono]ogy-inorpholcxjy, Jouri aj oL" English Linguistics, n° I, p. 49-96. 1974 Masa Troki Tok Scy..., Athens, Ohio University, multigr., 254 p. SEBEOK T.A. (ed.), 1971 Current Trends in Linguistics, n°7, Linguistics in Sub-Saharan Africa, La Haye/Paris, Mouton, 972 p. SPENCER J. (ed.), 1971 The English Language in West Africa, London, Longman, VI + 190 p. STAHLKE H., 1970 Sériai verbs, Studies in African Linguistics, vol. I, n° 1, p. 60-99. TAMBI JOT, 1973 Received Language Bilingualism in Cameroon : a Study in Functions and Attitudes, Université de Yaoundé, mémoire de D.E.S., multigr. TCHOUNGUI G., 1974 Aspects socio-linguistiques de l'anglais parlé par les étudiants camerounais francophones, Paris VII, thèse de 3ème cycle, multigr. TELLIER A.R., 1971 Cours de grammaire anglaise, Paris, SEDES, 399 p. TODD L. , 1969 Pidgin English of West Cameroon, Belfast, M.A. thesis, multigr., 227 p. 1971 West Cameroon pidgin proverbs, Journal of West African Languages, T. VIII, n° 2, p. 85-100. 380 TODD L., 1973 "To be or not to be"-what would Hamlet have said in Cameroon Pidgin? An analysis of Cameroon pidgin's "be" verb, Archivum Linguis- ticum, n° 4, p. 1 —i5. 1975 Base Form and Substratum : Two Case Studios of English in Contact, Universil.y of Leeds, Ph.D. thesis, multigr., 449 p. TREFFGARNE C., 1975 The Rôle of English and French as Languages of Communication between Anglophone and Francophone West African States,. London, A . E . T . TSUZAKI S., 1971 Coexistent Systems in language variation; the case of Hawaiian English, in Hymes (ed.)/ p. 327-39. VALDMAN A.,1976 La complexification dans le système des déter¬ minants des parlers franco-créoles, Bulletin du Centre d'Etude des Plurilinguismes, p. 11- 34 . 1978 Le créole : structure, statut et origine, Paris, Klincksieck, XVI + 403 p. VAN SLAGEREN J., 1972 Les origines de l'Eglise Evangélique du Came¬ roun , Yaoundé, CLE, IX + 297 p. VON HAGEN G., 1908 Kurzer Handbuch filr Neger Englisch an der West-Kiiste Afrikas. . . V00RFI0EVE J., 19 57 The verbal System of Sranan, Lingua, n° 6, p. 374-96. 381 VOORHOEVE J., 1971 A note on réduction and expansion in grammar, in Ilymes (éd. ) , p. 189. II 1973 Historical and linguistic evidence in favour of the rectification theory in the formation of creoles, Language in Society, n° 2, p. 133- 45. WALD P. , CHESNY J., HILY M. et POUTIGNAT P., 1973 Continuité et discontinuité sociolinguistiques; hypothèses pour une recherche sur le français en Afrique Noire, Nice, I.D.E.R.I.C./C.E.P.. 56 p. WALD P . et CHESNY J., 1974 Contexte et variabilité. Notes sociolinguisti¬ ques, Bulletin du Centre d'Etude des Plurilin- guismes, n° 1, p. 15-79. WALD P. et MANESSY G., 1979 Plurilinguisme : normes, situations, stratégies, Paris, l'Harmattan, 284 p. WALD P. et POUTIGNAT P., 1979 Français et sango à Bouar : fonctions marginales du français dans les stratégies interpersonnelles, in Wald et Manessy (eds.), p. 201-29. WEINREICH U., 1974 Languages in Contact, La Haye/Paris, Mouton, (ire éd. : 1953), 148 p. WELMERS W.E., 1968 Questionnaire d'enquête linguistique, in Doneux (ed.) , p. 32-47 . WESTERMANN D., 1965 A Study ofthe Ewe Language, London, Oxford University Press, (5ème éd.), 258 p. 382 WHINNOM K., 1965 The origin of the European-based Creoles and Pidgins, Orbis, n° 14, p. 509-27. WHITELEY W.H. (éd.), 1971 Language Use and Social Change, London, Oxford University Press, p. 254-61. WILLIAMS W.R., 1973 Sériai verb constructions in Krio, Studies in African Linguistics, supplément 2, 1971, p. 47-65 . 19 76 Linguistic Change in the Svntax and Semantics of Sierra Leone Krio, Indifina University, Ph.D. thesis, multigr., 261 p. LISTE DES TABLEAUX ET CARTES Tableau 1. Quelques réponses au questionnaire de Greenberg 98 Tableau 2. Les variétés de français et de créole martiniquais selon un in¬ formateur 105 Tableau 3. Emplois de 'bi et 'de en P.E.F. et en P.E.A 155 Tableau 4. Constituants monovalents et pluri- valents 175 Tableau 5. Pronoms allocutifs 185 Tableau 6. Pronoms substitutifs 189 Tableau 7. Le syntagme complétif 225 Tableau 8. Combinatoire aspecto-temporelle commune à tous les systèmes 255 Tableau 9. Combinatoire aspecto-temporelle du P.E.F 256 Tableau 10. Combinatoires aspecto-temporelles des systèmes 3. et 4. du P.E.A... 257 384 Carte 1- Le Cameroun : provinces, chefs- lieux et villes principales 7 Carte 2- Langues ethniques de "type A" et pidgin-english 12 Carte 3- Aire pidginophone au Cameroun 48 INDEX Abo, 15, 21, 347. Accent, 119, 120. Accompli, 234, 235, 246, 248 Accomplissement, 234, 236, 238 Adjectif, 148, 152, 166-170, 213-217. - numéral, 214-217. - qualificatif, 214. Adverbe, 170-173. Age, 84. Alternance linguisti¬ que, 59. Anaphorique, 202-205, 208 . Anglais, 8, 34-35, 42-43, 92-93, 169 (note), 181, 321, 357. Cf. aussi Pidgin. Annexe (terme), 122- 123. Antécédent, 290, 292 293, 295, 315. Appropriation, 23, 76, 320. Argots, 15, 39, 40, 320. Aspect, 230, 231. Asyndète, 289 (note), 290 (note), 300, 313-318,351 Asyndétique, 289 (note). Attitude, 37, 65. Attribut, 140, 147, 148, 151, 290, 297, 301. Bafang, 26, 29. Bafia, 27, 343. Bamiléké, 26, 28, 46, 47, 64, 76, 84, 85, 86. Cf. aussi Pidgin-english. Bamoun, 28, 86. Bamun, 28. Bangante, 28, 29 (note 16) Bangwa, 63, 73. Banjun, 28, 29. Basaa, 27, 29. Bassa, 23, 85. Bilinguisme , 33, 34. Boulou, 16, 28. 386 Bulu, 16-18, 25, 27, 36. Champ fonctionnel, 52, 53, 320. Co-existants (systèmes) 100-102. Collège Libermann, 29. "Common core", 4, 90, 100. Comparatif, 270. Complément, 127, 136, 137, 142, 290, 295. - du nexus, 137, 142, 150, 293. - du prédicat, 137, 142, 150, 293, 297, 298, 300. - du verbe, 132, 135, 136, 297. Complétif (syntagme), 217-225. Continuum, 90, 92, 100, 101, 104, 106, 108, 112, 321. Coordinatif (syntagme), 226-228. Dêcréolisation, 5, 320, 322. Démonstratif, 198-201, 207 . Dépidginisation, 320, 321, 322. Déterminants, 196-210. Déterminatif (syntagme) 196-217. Douala, 13, 14, 24, 31, 37, 75, 76, 85. Duala, 8, 13-15, 19, 21 23, 24, 27, 29, 36, 41 Ecole Nufi, 26, 27. Elaboration, 5, 320, 321. Emphase, 164 (note), 179, 224, 281-288, 292. Emphatique, 162-164, 343. Enoncé - marginal, 121. - minimal, 123, 140, 141, 149, 160. - nominal, 156-160. - révélateur, 120. - verbal, 123-155. Eton, 20. Ewondo, 16-20,24, 27-29, 3 6, 85, 3 50. Expansion, 122, 144, 149, 179, 292. - du nexus, 135-137. - du prédicat, 133-135, 138, 139. - du verbe, 124-139. - localisatrice, 127-132, 141. - objectale, 124-126, 132. - transito-dative, 128-133. Facultatif (terme), 122, 123. Fe'fe', 26, 29 (note). Focalisation, 132, 284, 319. Français, 8, 34, 35-42. - des militaires, 42. - makro, 15, 40, 41, 323, 325 Fulfulde, 25-27, 29 (note 16) Futur, 237, 238, 246, 248, 257, 259. Gbaya, 27. Graphie (pidgin), 117-119. Hypotactique, 289, 290 (note) 314, 351. 387 Hypotaxe, 289 (note), 317 . Inaccompli, 232, 233, 249. Inactuel, 260, 276. Indéfini, 201, 202. Injonction, 279, 281. Intercompréhension, 42, 47. Interférence, 90, 95, 99, 110, 111. Interrogation, 272-276. Intra-ethnique, 11, 37, 63. Introspection, 115. Irréel, 260 (note). Lexèmes classe des -, 165— 174. Locatif, 128, 142, 143, 173, 174. Locuteur légitime, 59. Makro français -, 15, 40, 41, 323, 325. pidgin -, 15, 40, 323, 325, 327. Mbo, 8, 21, 22. Modalisant, 261, 262, 276. Modaux, 261, 262. Monogénétique, 44. Multifonctionnalité, 4, 165. Négation, 276- 279. Neutre (langue), 24, 73, 77. Nexus, 122. Cf. aussi Complé¬ ment et Expansion. Nom, 166, 176-179. Nombre, 176, 177, 179, 220. Norme, 87, 114. Objet, 189, 191, 29*2, 297, 298, 300, 304, 315, 349. Officielle (langue), 29, 30, 43 79. Paratactique, 289 (note), 309, 313, 317. Parataxe, 289 (note). Passé, 235, 236, 238, 239, 248, 249, 257. Personnel (rapport), 63, 64. Peul, 85. Phonèmes, 91, 96. Phonétique, 94, 99, 100, 117. Phonologique, 91, 92, 94, 97, 99, 100, 321, 322. Pidginisation, 3. Pidgin-english - comme langue commerciale, 49, 55, 70. - - langue neutre, 73. - - langue première, 54. - et Allemands, 46. - et anglais, 43, 44, 80, 109, 181, 321. - et Bamiléké, 46, 57. - et Européens, 47. - et missions, 45. aire d'utilisation du -, 46, 47. définitions du - par les locu teurs, 66-70. locuteurs de -, 47-49. 388 Pluralisateur, 176, 220, 227. Pluriel, 176, 179, 181, 182, 183, 197, 198, 220-222. Polygénétique, 44. Possessif, 197, 198, 200, 201, 207, 295. Post-déterminants, 211- 213. Prédicat, 290, 297. Cf. aussi Complément, Ex¬ pansion. Presse, 32. Prestige, 75. Pronom -s personnels, 184-194. - - allocutifs, 184- 189. - - substitutifs, 184, 189-194. - substitutif, 227, 290. - 'wan, 195, 196. Questionnaire, 83, 97, 98, 116, 125, 204. Radio, 27, 32, 359. Réduction, 1, 2, 4, 319. Réduplication, 241, 343. Relative (proposition), • 289-297, 315. Scolarisation, 34, 84. Séries verbales, 265- 271, 312, 317. Simplification, 1, 2, 4, 319. Singulier, 177, 180, 197 198 . Statifs, 251-254. Subordonnée (proposition), 289 (note), 306-309. Substrat linguistique, 84. Sujet, 161, 163, 177, 178, 186- 190, 283, 290, 297, 303, 314 (note). Syndèse, 266, 268, 289, 290, (note), 309, 314, 317. Syndétique, 289. Syntaxe, 109, 111. Système, 5, 94-97, 100-102, 109, 154, 245, 255-257, 321, 322. - dynamique, 101, 107, 108. Temps, 231, 256, 257. Thématisation, 160-164, 220, 275, 276, 284, 319, 349. Tons, 119, 120. Transactionnel (rapport), 62, 63. Université, 33. Variante, 86. Variation, 86, 93, 95, 109, 110 321. Variété, 5, 35, 42, 43, 92, 104 106, 110, 111, 146. Véhiculaire, 37, 43, 53, 56. Verbe, 166, 229, 279. Cf. aussi Complément, Expansion. Vernaculaire, 8, 9, 35, 320. Vernacularisation, 5, 11, 38, 320. Vigilance métalinguistique, 89, 104, 183. 389 Vocabulaire pidgin (origine), 96 (note) Yaoundé, 19, 31, 37 ERRATA E§Së 1 ire au lieu de 1 5 1 5 9 25 37 39 66 67 3 19 4 13 1 1 10 75 81 826 932 121' m( 146 152 166 167 180 216 293' 10 9 10 10 1 1 12 syntaxiques exact aux «Lat. vernaculus illettrés vis-a-vis donne raccommodé de soit français). sont English", sur la définition marquée non acceptables pratiquement -adverbiaux). ("savoir"), bin 'layk vingt et un il synstaxiques exacte au Lat.< vernaculus illéttrés vis à vis donnent raccomodé ce est français. est English, sur la de la définition marqué inacceptables pratiquemment -adverbiaux. ("savoir", bi 'lek vingt-et-un celui-ci C. bé)0L\ -2- HËSê lire au lieu de 301 305 305 308 313 31 61 347 356E 358' 371" 374 3 10 14 fo'sika 'se ma 'man 'rish fo Douala atteindre/PREP/Douala courrier paratactique touj ours existait dem 'stil 'de 'ashya creole réflexions fo'sika ma man 'rish Douala atteindre/Douala couurier partactique ouj ours n'existait pas dem 'stil 'ashja croie reflexions I ■ ïvv;-i ■ ■ iâgpU.;"» , „; T'ISfev BPlgSRl !HBIP™ . ^'■$« ^B'-^SWEd ;••£;, -■: -"mv *^-- V ■■: ..... , Y-ïstai/Ji ;.: 5yyY ■ yy.YY ■ .. ' .':. ■ . '■ •...'. - ■■•'. - - ■ ' YgvYYYY YY:.;YY '. , y ■ ' iPH&» -:J ,..-: : -• .::Y;Y,--,VY.YYYY■,:. Y:; ÀJ,: _ _: . - ' ' I '-.y '•- Y; s?X §§§?è? ~ m ?T M .'g-:- -g" :'V'Y; ..-.- y-Yy'y Y Y ■ ;•..■ Y-;.. "g—— Y 'Y;':—,;^.,:^ ,- . ; - ^ Y.'Y ■ .;. ; , „ . .., ~~"M1 . "iV ; ;\£S* H(j ■|^9HS il■■■:• ... . . . "* .Y Y Y.YY:Y. ' , . - Y . '..'.., . • Y ...'. ■ .., ...... . ;■■"-• .... Y" Y. ...YYYY; Y,;. , ..... .. ;". . -". . ; _ -.■ , - • • - - ■ -r - ■. •■..■■ . . ... y-;, ■ - ., -.-• -•■iY i y ~<" yyy--' ri :• ■■'■:■ 1* ■"£■ .■:• ■~-:y. ..Y.-' gfriY..., g ■*£;-■ I -"-V"- 'V <;J|1'.' 5 T t-1> ■* 0- V ■■YVYY.vYyv;Ïyyy: . ;,YYYg.-::-Y i. ; .:: Y>; Y, ûYi YYgYYY^fc^giY-ï''Y, ■ .......... ., Y ; Y.:. Y- Y., ■; ; .'. Y'YY.;f ,. V.Y.. Y. ■ '"'...Y ,tYv YY. Y/..,...... ;. .; ' ;;Yy/:Y • Y m « ■m» ... . Tir i\K ■ •', ' ; • ~ Tç,„ :Y7;:,Y - ...... ■■-•'Y.! ...... v j'5; I û<^r&$£?$^Z%gj&W - * ' K' ' i '^0k-sfo.. »... ' ■-'■i:-: f I I - - ■ ■ . -YY Y' •r \. ..T^Y^.;-r: i .... ' ' "' ■ ' # 1 -v- » - r< r fe. i V ■ ...Y' ■YYV.Y,;,: Y;.:. vg.YY. ;. Y,s. .. ....;..- : :....■ .Y^YY » Y,. ;S:S. -YY Y Y; ,/-Y,:;. Y, . I ■S/ V'-;: y Y