mm ' . e. i.êdkain Crjuuj " ^,r* r'^ v> n Ï0ài I ~rà ><-PC-A- o; r{V ..;.• P^VÇi :P;^:p A': ~më£:^ fi uinet ' Ç0sd pdflp mi wm\ ■ - ■ : A LPXCASION _ :,':• Ê 1 iHÎENAIRÉ * ff* ■ - ,!■ SI " 51 ï ■ï«m0kâélÊm mÈSÊm ■ • s&ggSSa a « tes .ï» A || - a,,. S SÉSlll rt-~ ; r'. ■l'W ÇAPPpcrp! ■ fe#s vgsl^Éfês; my ;3Sé»C 11 M ! tâl , a, picard & mm é * S //> Sourfiol * * - ' paris -IP-' ' __Q=_===^ EDGAR Ç)Ul{4ET E„ LEDRAIN Edgar QUI^ET R I*'OCCASION DU CEflTEflHIRE ®® IMPRIMERIE fi. PlGRpÛ & KftftH 11, Rue Soufflet, Paris. EDGAR QUINET i L'enfance d'Edgar Quinet.—Le collège. e ne compte pas, dans cette courte brochure, donner une étude complète sur Edgar Quinet et sur son œuvre. Nos contemporains ne connaissent guère — ils ont tort — que le professeur inspiré du Collège de France, et le ferme républicain de l'exil. Quinet fut pareillement un écrivain aussi fécond qu'original, dont les livres, où la philosophie et l'histoire sont relevées par la poésie, forment une masse assez imposante. Sans entreprendre un travail qui dépasserait les limites d'une brochure et qui rem¬ plirait sûrement un volume de quatre ou cinq cents pages, je tâcherai de fournir du moins les renseigne¬ ments les plus indispensables sur l'auteur. Quinet naquit à Bourg-en-Bresse, le 17 février 1803. « J'étais si chétif, dit-il, en venant au monde, surtout si pâle, qu'il ne semblait pas que je pusse vivre. Ma mère, quoique calviniste, me laissa baptiser dans le catholicisme, seul culte pratiqué dans le pays. » En sa troisième année, Mme Quinet le mena voir M. Qui- net, commissaire des guerres à l'armée du Rhin, en résidence à Wesel. Pendant quelques mois, l'enfant habita un palais du roi de Prusse, joua avec les cava¬ liers d'Austerlitz, les accompagnant au fourrage, se faisant traîner par deux grands moutons, au son de la trompette. Ce fut au commencement de 1807 que l'on revint en Bresse et qu'on s'installa dans la cam¬ pagne de Certines De quel pinceau Edgar Quinet a représenté les lieux pittoresques de sa première en¬ fance ! « Au couchant, de vastes forêts de chênes, où nous nous perdions quelquefois des jours entiers, de grands étangs qui me semblaient des lacs, enveloppés d'ombre ; au levant, à trois quarts de lieue au plus, un rideau de montagnes qui me paraissaient inacces¬ sibles ; le Revermont, premier gradin du Jura et des Alpes ; entre les forêts et la montagne, des bruyères, des taillis, des vernets, des verchères, des savanes, de petits pâturages, de vastes plaines de blé ; un horizon de paix, de silence éternel; un air, celui des ma- remmes, plein de langueur ; au-dessus de. cet océan de genêts, de bruyère et de seigle, sur un monticule, notre maison, ombragée de cerisiers dont les branches tendaient leurs fruits jusque dans l'intérieur des chambres et principalement dans la mienne. » Voilà, avec son cadre, la vieille maison qui appartenait à la famille Quinet depuis le seizième siècle. C'est là que le jeune enfant vécut avec les paysans et avec la na¬ ture, faisant pour la vie la nécessaire provision de poésie. Qui donc l'a osé accuser de manquer de lyrisme et de couleur, et d'avoir la phrase pâle etabs-. traite ? Ne sait-il pas aimer et peindre admirablement les sites agrestes de son pays bressan, comme il dé- peint aussi le Rhin aux grandes eaux. C'était, avec un tour particulier, un élève de Jean-Jacques Rousseau. Il y a un siècle, l'éducation des enfants, même dans la famille, manquait parfois de douceur. Mme Qui- net, distinguée, élégante, d'idées hardies, se montra pleine de tendresse et de sensibilité pour son fils, mais pas toujours M. Quinet. Lui-même avait été élevé fort rudement par la plus redoutable des mères, d'une famille parlementaire du Dauphiné, ensevelie dans un couvent, malgré elle, jusqu'à l'âge de trente ans. « J'ai vu mon père interdit devant elle à plus de cin¬ quante ans... Deux fois par semaine, elle faisait venir chez elle'un garde de ville pour fouetter les trois en¬ fants. S'ils étaient sans reproche, le châtiment comp¬ tait pour les fautes à venir. » M. Quinet, « n'ayant pas connu les caresses, ne les fit point connaître aux autres .. Ses grands yeux bleus errant sur moi, m'interdisaient sans qu'il parlât. » En 1811, la famille Quinet quitta Certines,où elle revint cependant quelquefois, pour la petite ville de Charolles, non loin des collines vineuses de Saint- Point et dans le voisinage de Lamartine, que connut plus tard Edgar Quinet. Là, tout enfant, il vit pas¬ ser de pauvres soldats qui allaient à la bataille et en même temps rencontra le conventionnel Baudot, « œil d'aigle, bouche souriante, grand habit noir, bas de soie Il venait chaque soir passer deux heures chez mes parents. » Les petits soldats, pleins d'ardeur, lui firent aimer la France. « Dès ce temps, le nom de France eut toute sa magie pour moi. » Et longtemps il se souvint de cette figure « gracieuse, si souriante, la plus aimable peut-être que j'ai vue», — 8 — du vieux conventionnel, lequel parlait peu de ses souvenirs, mais jeta cependant un jour ces mots mys¬ térieux : « D'autres hommes ont la fièvre pendant vingt-quatre heures ! Moi, Madame, je l'ai eue pen¬ dant dix ans. » La fièvre généreuse de la Révolution française anima, non pas seulement pendant dix ans, mais durant sa vie, toute l'âme et tous les gestes de Quinet. En même temps qu'il écoutait respectueuse¬ ment Baudot, il avait affaire à un maître de musique qui, tout en lui enseignant à racler du violon, lui apprit la Marseillaise et à maudire l'ancien régime. Ses parents étaient plus discrets. Ce furent des étran¬ gers qui allumèrent en lui la double flamme — elle n'en faisait qu'une alors — patriotique et révolution¬ naire. Avec sa mère, il lisait les classiques : La Bruyère, Racine, Corneille. Voilà pour la préparation pre¬ mière. Voilà comment s'est formé le jeune Quinet. Toute sa vie ne sera que le développement de son enfance et des germes qui furent déposés en lui dès les premières années. Lors de l'invasion de 1814, il avait onze.ans ; douze ans à Waterloo. Il n'oubliera jamais ces heures ter¬ ribles et ne pardonnera pas aux Bourbons ni aux gens d'ancien régime d'être revenus avec l'étranger. Plein d'enthousiasme, il voulut s'enrôler contre l'en¬ vahisseur, et se demandait avec angoisse si sa petite taille ne serait pas un obstacle. Du quartier des pauvres, il avait vu partir un vieillard de soixante- quinze ans, tout courbé, mais qui ce jour-là s'était redressé dans sa haute taille. Héroïque père Gre¬ nouille, il revint, la tête tendue d'un coup de sabre et enveloppé de charpie et de haillons. « Je devais ce souvenir à cette grande figure stoïque du Pauvre, qui m'est toujours restée présente, sur les ruines de la France. » Dans l'automne de 1815, les maisons de Charolles s'illuminèrent par ordre, pour fêter le retour de la légitimité, et comme les autres celle de M. Quinet père. Mais, tout à coup, on s'aperçut qu'il y avait une longue bande noire rompant l'alignement féerique. Le petit Edgar — on le lui pardonna — avait soufflé sur l'illumination familiale. Jamais Quinet ne devait désarmer contre ceux qui célébraient ainsi les défaites de la patrie. Cependant, à un moment, il cessa de penser com¬ plètement avec la foule; tout en aimant comme elle le nom de la France, il se mit à chérir d'autres idoles : la liberté et le droit. Après avoir 'passé quelque temps au collège de Bourg, — on le mit en pension de bonne heure, — Edgar Quinet entra, en 1817, au collège de Lyon, dirigé par l'abbé Rousseau. Ce qu'il fallait à cet en¬ fant épris de vie libre, amoureux d'indépendance et de solitude, c'était de n'être point astreint à la règle commune et de pouvoir rêver librement. On le com¬ prit. Il eut un petit réduit étroit où il put travailler à son aise et où nul être étranger ne le vint troubler. Dans ce silence, son esprit s'éveilla. Il était impos¬ sible de le plier .à une tâche imposée ; il détesta les études classiques tant qu'elles furent une obligation, il les adora dès qu'il put, à son caprice, s'y livrer. Mais du premier coup, sous ses deux maîtres, MM. Chachuatet Clerc, il se passionna pour les mathéma- tiques, lesquelles ne tarissent pas l'imagination et dont il sentait la sublimité et la poésie. Plus tard, il se refroidit pour elles et se laissa envahir par d'autres amours intellectuelles. En même temps, la nuit, rallumant sa lampe, il lisait dans l'original Dante, Pétrarque, L'Arioste, le Tasse. Dès ses jeunes années, il conçut, pour la pa¬ trie de l'art et de la belle lumière, un amour qui ne fléchira jamais et qui lui valut à sa mort les larmes de toute l'Italie. Il couvrait aussi de poésies de toutes nuances son papier et jusqu'à ses livres. Pour bien écrire en prose ne faut-il pas, dans la jeunesse, avoir débuté par rendre harmonieusement sa pensée? Dans ses vers, il exprimait ses luttes intérieures, ses débats avec une vision de songe qui le tourmentait. Au collège, il eut pour compagnons le docteur Trousseau et Jules Janin, à la tête espiègle, aux beaux cheveux noirs bouclés. Il se lia avec quelques camarades auxquels il garda toujours un souvenir attendri. Le sauvage des débuts s'humanisait un peu vers la fin. A dix-sept ans, il fut déclaré admissible à l'École polytechnique (septembre 1820). Quelle joie de re¬ trouver Certines, avec tous ses arbres et la maison familiale dans laquelle aucun deuil n'avait encore passé ! Quelles lectures ! quelles promenades ! quels entretiens délicieux avec sa sœur, plus jeune que lui ! quelles promesses de ne jamais se marier et de vivre ensemble dans une tendre amitié! Au mois de no¬ vembre 1820, il prit la route de Paris avec son père, qui en voulait à tout prix faire un polytechnicien, mais renonça bientôt à son projet. II Paris. — Herder. — M. Cousin. —Jeune femme. — Strasbourg. — Heidel- berg. — Minna Moré. usqu'a cette date, nous avons eu pour nous guider dans la vie d'Edgar Quinet, Quinet lui-même. Il avait pendant l'exil, comme pour se refaire une patrie, raconté ses souvenirs de jeunesse. En 1870, quand il revint et qu'il trouva envahie la France aimée, et accomplis les désastres que, dès 1831, il avait entrevus, Quinet n'eut pas le courage de continuer à parler de lui-même. En usant des papiers de son mari et des causeries intimes Mme Quinet a complété l'Histoire de mes idées — un petit chef-d'œuvre — par : Avant l'exil, Depuis l'exil et Mémoires d'exil. Nous retrouvons le jeune Edgar Quinet à Paris, à la fin de 1820, délivré de l'Ecole polytechnique. Mais, comme il était pauvre et que sa famille ne pouvait longtemps lui envoyer de quoi vivre, on le mit chez un banquier, à l'essai. Il y resta six mois sans toucher aucun salaire; ainsi l'avait réglé une sœur de sa mère, fort riche, mais de laquelle il ne — 12 — tirait aucune aide. A quarante-huit ans elle avait épousé un receveur général, pourvu de quatre-vingt mille livres de rentes, et ne voyait rien de plus beau que la finance. Rien ne convenait moins au tempé¬ rament et aux littéraires ambitions d'Edgar Quinet. En cachette, dans les heures de loisir, il écrit : les Tablettes du Juif errant, d'un tour spirituel auquel il renoncera bientôt, car il appartient à une généra¬ tion grave et austère, laquelle traite tout sérieuse¬ ment et ne passe pas à travers la vie en jetant sur toutes choses un sourire de moquerie. Mme Quinet lut à son mari, mais sans lui en révéler l'auteur, les Tablettes du Juif errant qui le ravirent. Combien il en eût été moins charmé, s'il eut appris que c'était l'œuvre de son fils ! Indomptablement, sans rien écouter que lui-même, Edgar Quinet suit sa voca^- tion, se résignant à la douleur et à la suppression du maigre subside que lui envoie sa famille. Il consent, stoïque, à toutes les souffrances, pourvu qu'il atteigne sa véritable destinée et qu'il lui soit permis de penser et d'exprimer ses pensées. En 1823, il écrivit une œuvre perdue : Histoire de la personnalité humaine, où se marquait son esprit particulier. Déjà il était attiré par la métaphysique de l'histoire. Iierder commence à le passionner. Il compose en 1824 : Introduction a la philosophie de l'Histoire, que juge ainsi Jouffroy : « C'est le début d'un grand écrivain », et traduit les Idées de Herder, travail qu'il achève en 1824. Quel courage tenace chez ce tout jeune homme! Ne sa¬ chant pas l'allemand, il se met à l'œuvre, apprend la langue inconnue, tout en rendant le texte avec la dernière exactitude ! L'amour de Herder et de ses belles idées le soutenait dans cette tâche : « Depuis l'âge, dit-il, où l'on commence à être ému par le génie et à souffrir par son cœur, ce livre a été pour moi une source intarissable de consolations et de joie. Jamais, non jamais, il ne m'est arrivé de le quitter sans avoir une idée plus élevée de la mission de l'homme sur la terre ; jamais sans croire plus pro¬ fondément au règne de la justice et de la raison ; ja¬ mais sans me sentir plus dévoué à la liberté, à mon pays, et en tout plus capable d'une bonne action. Que de fois ne me suis-je pas écrié, en déposant ce livre, le cœur tout ému de joie : Voilà l'homme que je voudrais pour ami. » Toute la haute moralité qui soutiendra plus tard dans la vie Edgar Quinet, n'apparaît-elle pas dans ces lignes ? Il ne suffit pas à un jeune homme, débutant dans les lettres, de travailler solitairement dans sa cham¬ bre. Que deviendrait-il sans des maîtres, sans une certaine ambiance qu'il tente naturellement de se créer. Presque tous cherchent des appuis et des cama¬ raderies autour d'eux, parmi les hommes célèbres et parmi les jeunes gens de goûts studieux. Edgar Quinet fréquenta M. Cousin, alors dans toute sa gloire et dont l'esprit agité et même la grandilo¬ quence un peu comédienne ne manquaient pas de séduction. Toutefois, il ne subit jamais, comme tant d'autres disciples, le joug de M. Cousin. C'était une nature rebelle à tout frein qu'Edgar Quinet. Chez le philosophe éclectique, il vit Benjamin Constant, Royer-Collard et,, en 1825, Michelet, avec lequel il noua une de ces amitiés que la mort seule peut — i4 — rompre, et qui dura cinquante ans. Tous deux s'émancipèrent de la tutelle de M. Cousin et se livrè¬ rent à leurs prédilections philosophiques sans se sou¬ cier de plaire ou de déplaire au maître, qui exerçait alors et devait surtout exercer plus tard, une autorité presque souveraine. Edgar Quinet fit aussi, vers le même temps, la connaissance de M. de Gérando, fort au courant de la philosophie allemande, et alla passer les dimanches dans sa campagne, à Thiais, en compagnie de Mi- chelet. De temps à autre, il se rendait à Charolles, et poussait-jusqu'à son beau pays de l'Ain. C'est à ce moment que se place son premier amour, plein de luttes et de tourments, et qui déchira son cœur pendant une année. Le jour des funérailles du gé¬ néral Foy, il monte chez une jeune femme de la Bourgogne, amie de la famille Quinet et qui, atteinte d'un anévrisme, était venue à Paris pour consulter le docteur Laënnec. Ils avaient tous les deux le même âge ; vingt-deux ans. Qu'elle était attirante dans sa douce et poétique tristesse, cette jeune mère toute dévouée à ses deux petites filles ! Il l'aima, elle lui rendit ses sentiments affectueux. Mais, après quel¬ ques mois de passion, il se mit à fuir et à gagner Strasbourg, pour éviter les regards qui l'enchaînaient. Il ne pouvait supporter aucun lien, pas même l'amour. Et cependant, cette femme ne manqua pas pour lui d'enchantements. « Elle était poésie à toute heure, en tout lieu... écrit-il dans Ahasvérus, quand elle cherchait de sa terrasse, après le jour, l'étoile du Berger pour la faire voir à son enfant, et quand elle entendait dans son jardin son grand peuplier trem- bler et qu'elle disait : « Voici le soir ! » et aussi le long du canal, quand elle voyait l'eau frissonner, et quand elle ouvrait sa porte à l'odeur des vignes, en avril et en mai, et dans sa cour, quand le rossignol, sur un groseiller, lui chantait jusqu'à minuit, pour l'amuser, comme à ses petits, et quand assise, sans rien dire, sur son banc, elle tenait tout le jour mon âme dans sa main, comme un livre ouvert qu'on feuillette et qu'on ne finit pas. » Edgar Quinet appelle l'aimée « celle dont ma bouche est trop rude pour prononcer le nom de miel ». Ainsi le jeune homme rigide, déjà tout occupé de justice, de liberté, de conscience, d'idées abstraites, eut son heure d'attendrissement divin. Ne regrettons pas de le sentir humain et tout proche de nous. Ce¬ pendant, afin de se dégager de l'anneau qui serre de plus en plus sa volonté, il part pour l'Alsace, à la fin de septembre 1826. Le climat de Strasbourg ne con¬ venant pas à sa santé, il se dirige vers l'Allemagne et séjourne à Heidelberg, où enseignait le savant Creutzer « aux cheveux écarlates, à la mâchoire proé¬ minente et à la science des Triades » et où il se lia pareillement d'amitié avec Schlosser. Dans quels enivrements le plongent et le savoir de l'auteur de la Symbolique et les belles montagnes qui dominent la vallée du Neckar ! Là il écrivit l'Essai sur Herder dans une ferveur fort singulière. C'était alors un pays où la poésie remplissait tout, les fêtes, les imagina¬ tions, et où partout débordait la vie intellectuelle. Après son Essai sur Herder, il composa à Heidelberg, en 1828, ses pages sur l'Origine des Dieux, un peu embrumées et dans une forme que l'on ne retrouvera — 16 — plus sous la plume ordinairement lumineuse de Qui net. Ce fut à Heidelberg et à Grùnstadt, chez Mn,c Kayser, dans une bonne famille de notaire, où l'on faisait, le soir, de la musique et qu'égayaient dix jeunes filles, qu'Edgar Quiriet, plus sensible qu'on ne le sup¬ pose, eut son second roman. -11 distingua une jeune fille d'une beauté pure et presque religieuse, d'une tête de madone, Minna Moré, et se mit à l'aimer. « Ne marche pas plus loin, Ahasvérus, va, ton voyage est fini. L'heure qui vient de passer est une éternité! Sous ce frais lilas, voilà ton ciel... Dans ce vallon ombragé de noyers, mes pieds s'arrêteront à jamais... Une enfant m'a dit : Je t'aime. » Cet amour ne s'épanouirait-il pas dans le mariage? Mais avait-il un établissement suffisant à offrir à une fiancée ? Ne serait-il pas entravé par une famille et empêché d'accomplir ses vastes desseins ? Minna Moré fut quittée pour un temps, mais sans qu'elle cessât jamais de remplir la pensée de Quinet. III Voyage en Grèce. — Lamartine. — Voyage en Italie. — Mariage avec Minna Moré. — La faculté de Lyon. — Le collège de France. Le 9 février 1829, il s'embarque pour le pays de Platon, sur la Cybèle. Quelles émotions lui pro¬ cure la Grèce qu'il parcourt et dont il admire les sites avec une âme d'historien et d'évocateur! Il se pro¬ mène, dans tous les sens, à travers la terre classique, visite le Taygète aux cinq têtes blanches, le golfe de Messénie, le mont Lycée, boit dans l'Eurotas et dans l'Ilissus, à la fontaine de Clepsydre, contemple Sparte la puritaine, Corinthe la désolée, et passe deux jours de poésie à Athènes. C'est à ce voyage que nous de¬ vons La Grèce moderne, le livre peut-être dans lequel Quinet a montré le plus tout son génie de peintre, toute la magie avec laquelle il sait rendre le paysage historique. « J'allai m'asseoir de longues heures sur les marches du temple de Jupiter panhellénien, je n'étais alors qu'à quelques milles d'Athènes. Du haut de ce promontoire, j'avais en face de moi l'île de Sa- lamine, dont les sommets à angles aigus, couleur de craie, et allongés en pointe parallèlement à l'isthme, déchiraient de leur soc la nappe d'un bleu foncé, que la mer étendait jusque sous mes pieds. Sur le second plan, les montagnes plus hautes de Mégare traçaient au Nord une ligne d'azur jusqu'à l'Acropole de Co- rinthe. Vers le Sud, des rivages marqués par des lignes blanches et presque étincelantes, bordaient d'une lisière de teu la chaîne hérissée du mont Hy- mette, et fuyaient vers le cap Colias. Mais mes yeux ne pouvaient se détacher d'une masure de forme car¬ rée, la seule qui parût dans cet horizon, et qui res¬ semblait à une ferme ou à un monastère abandonné. Elle était à ma droite, assise sur des collines légère¬ ment élevées, et les ombres des montagnes qui se prolongeaient jusqu'à elle, la détachaient vivement de tout le reste. C'était le Parthénon. La ville entière restait cachée dans les replis du terrain et derrière les rochers de la citadelle. Il est difficile de peindre ce que je ressentais alors. Les regards attachés pendant de longues heures sur ces pierres, dont je ne pouvais distinguer la forme, je ne sais quel charme prodi¬ gieux, et qui ne ressemblait à nul autre, m'attirait de ce côté. Ce n'était pas une ville en décombres, mais un être réellement animé, un être souffrant et en¬ chaîné qui était cache derrière la montagne ». Mais ce ne sont pas seulement les souvenirs de l'antiquité qui le passionnent en Grèce. Homme mo¬ derne, douloureux, il souffre avec ses frères, il est exalté par leur héroïsme. Sur la route de Tripolitza à Argos, il rencontre seul, sans armes, le président Capo d'Istria, et près de lui Nikitas, le Bayard des Klephtes. « Il est grand, svelte, prêt à s'élancer, il a les pieds rapides des hommes'de l'antiquité. Quand je le vis, la fièvre avait pâli sa noble et belle figure. Il est impossible de porter la tête avec plus de fierté et de candeur. Une flamme pure, comme celle de l'é- pée, jaillit de ses yeux bleus. Son âme farouche qui essaie de sourire, est sur ses lèvres que voilent des moustaches, couleur des bruyères des montagnes ; et cette sévérité relève le fond de douceur, de franchise, et l'enthousiasme naturel qui illumine le haut de son visage. Vêtu de blanc, sans broderies, avec le léger turban de mousseline des Souliotes, il n'y avait que son beau sabre, pendu à sa poitrine, qui pût le faire reconnaître dans le groupe où il se tenait caché. » On a peine à se détacher de ces portraits, si précis dans leur beauté, et des belles descriptions qui rem¬ plissent, avec les nobles idées, la Grèce, moderne. Qui donc, en lisant ces pages, oserait encore reprocher à Quinet le vague brumeux ou la déclamation? C'est à la fois simple, clair et splendide. Voilà peut-être, avec l'Histoire de mes idées, l'œuvre maîtresse d'Edgar Quinet. Cette même année 1829, revenu en France, il se lie plus étroitement avec Lamartine, son voisin, pour lequel il professait des sentiments de vive admira¬ tion, et dont il jugeait fort bien le talent : « C'est par les détails, les sentiments intimes, et aussi par les paysages que Lamartine est si attrayant, bien plus que par ses pensées philosophiques et par la grandeur de ses conceptions. Puis, il n'est jamais déraisonnable ni baroque. La voix musicale de Lamartine nous berce, la pensée se repose, le cœur jouit pendant ces mélo¬ dies. Chez Victor Hugo, ce sont des instruments de cuivre éclatants, des fanfares qui vous réveillent en — 20 — sursaut et vous tiennent debout... On peut appeler Lamartine un classique... Quelle élévation ! quelle noblesse !... Elevons toujours très haut cette gloire littéraire ! Lamartine est une des plus belles étoiles du ciel de France! » Quel dommage que Quinet ne se soit pas livré plus souvent à la critique littéraire ! Avec quelle finesse et quelle exactitude il juge les écrivains et en distingue le caractère essentiel! C'est pendant l'exil, en se remémorant sa jeunesse, ses promenades de 1829 à Saint-Point et à Milly qu'il s'exprimait ainsi sur Lamartine. Nous l'avons vu, pour fuir la jeune femme entre¬ vue le jour des funérailles du général Foy, s'en aller vers l'Est, à Strasbourg ; pour se consoler de la pro¬ longation de ses fiançailles avec Minna Moré, partir pour la Grèce. Comme il aimait encore la douce alle¬ mande et que les obstacles ne s'écartaient pas, il s'ache¬ mina, sur le conseil de Michelet, vers l'Italie. « Il son¬ nait onze heures au campanile de Saint-Marc, lorsque j'arrivai à Venise. J'avoue que cette année, en Italie, a été une fièvre de poésie. L'enivrement qui me sai¬ sit sous ce ciel de feu ne se calma pas un jour ; toutes les magnificences éclataient à la fois : dans la peinture, dans le marbre, dans la musique, dans la langue italienne, enfin dans la race la plus belle. Je ne sais comment j'ai pu tenir pendant quatorze mois (1832-1833) à cette vie haletante ; du matin-au soir, exploration des ruines ; heures dévorantes dans les musées, dans les églises; travail absorbant dans les bibliothèques, au milieu de tant de trésors accumulés; car j'ai tout vu, et bien vu. Mon pauvre Ahasvérus a étonné par les flammes qui s'en échappent à chaque ligne ; je le crois bien, c'est le livre et le temps le plus brûlant de ma vie. » Edgar Quinet visita avec ravissement Pise et Florence, en proie à un vérita¬ ble délire. Mais ce fut avec un sentiment tout parti¬ culier qu'il s'approcha de Rome, comme, du reste, autrefois d'Athènes. « Là, aux bords des Maremmes, sur le seuil d'une « ostéria », j'eus la vision de la beauté la plus accom¬ plie. Comme j'allais passer le « ponte Felice », une jeune fille sortit d'une maison voisine ; elle s'approcha, m'apportant des pêches et des raisins de la montagne. Ses yeux noirs brillaient au soleil sous la toile blan¬ che, dont sa tête était couverte ; de longs pendants d'oreilles tombaient sur ses épaules ; elle avait le teint des beaux marbres, quand le soleil les a dorés, et la taille d'Agrippine dans un corset écarlate et or. J'ar¬ rêtai mon cheval, je la contemplai quelque temps avec étonnement et ravissement comme une madone rustique descendue de sa niche. Pendant mon séjour à Rome, lorsque les femmes d'Albano de Tivoli et de Frascati se rassemblent sur les degrés de Saint- Pierre, en même temps que les « pifferari » descen¬ dent des montagnes, je retrouvais parmi elles des airs de tête des sibylles de Raphaël et du Dominiquin. » Dans cette grande ville, autrefois reine de l'univers, il laisse entrer en son âme toutes les impressions d'art, tous les souvenirs ; il aime Saint-Paul hors les murs, mais sans partager la foi de ceux qui se cour¬ baient dans la vieille basilique : « Quand je m'age¬ nouillai comme eux, mon esprit rebelle se tenait de¬ bout, au milieu de l'église, en face de l'hostie. » Il voulut aussi voir tous les lieux de rêve de l'Italie : — 22 — Naples, Caprée, Passtum, Salerne, salua vers.Capoue les cimes perdues dans la brume. A ce voyage en Italie nous devons : Les Révolutions d'Italie, Allemagne et Italie, un peu de Merlin l'enchanteur et Ahasvérus. Il composait, tout en se promenant à travers le beau pays, son Ahasvérus, et en lisait des fragments à ses compagnons, parmi lesquels M. Chenavard, qui l'ap¬ pelait familièrement Ahasvérus. C'est pendant une halte de Quinet, sur un bloc de pierre, que Sébastien Cornu le portraitura ; il portait alors des moustaches. En 1858, le peintre fit le grand portrait à l'huile, en même temps que David d'Angers, le médaillon. De son séjour en Italie, Edgar Quinet emporta l'a¬ mour de la belle contrée, la haine de l'autrichien, le grand désir de la liberté pour ce peuple dont l'unité nous a coûté si cher. Son Ahasvérus parut en 1834, au retour de Quinet. C'est une œuvre d'imagination romantique et de symbolisme mystérieux, laquelle cependant eut l'approbation de Chateaubriand et fît dire à Lamartine : « On nous broierait tous dans un mortier que nous ne fournirions pas la quantité de poésie qu'il y a dans cet homme. » Peut-être, à dis¬ tance, Ahasvérus, ce long poème en prose, malgré ses belles visions, n'a-t-il pas pour nous la même magie que pour les hommes de 1834. Cette même année fut bien remplie pour Quinet; il revit le salpn de Mrae Récamier, avec tous les hôtes illustres del'Abbaye- aux-Bois et fut admis à entendre la lecture des Mé¬ moires d'outre-tombe, ce qui lui inspira un article de la Revue des Deux-Mondes : Une lecture à l'Abbaye-aux- Bois. Il renoua des relations avec Francis de Corcelles, Tocqueville, Sainte-Beuve, Montalembert. Il vit La- — 23 — mennai's qui lui inspira toujours une si grande véné¬ ration. Pour bien juger la société et pour y obtenir de l'influence, ne faut-il pas un peu avoir traversé toutes les écoles et vu les personnages les plus divers ? En même temps, il commençait en vers son Napo¬ léon qui ne devait paraître qu'en 1836. Mais ce qui marqua singulièrement pour lui cette année 1834, ce fut son mariage, si longtemps désiré, avec la char¬ mante et exquise Minna Moré. Il eût voulu emmener la jeune femme à Certines, dont il aimait les grands arbres comme des frères. | Saules contemporains, courbez vos longs feuillages Sur le frère que vous aimiez. Mais, pour ne pas trop vite dépayser la jeune Alle¬ mande, il s'installa pour quelque temps à Bade, puis à Heidelberg, loin de Certines et de Paris, où il fai¬ sait cependant quelques apparitions. La rive gauche du Rhin, il la souhaitait à la France; alors les provinces rhénanes nous donnaient toute leur sympathie. M. Mar- cellin Berthelot nous a raconté que, dans sa jeunesse, il fut fort étonné d'entendre, au marché, les paysans s'exprimer en notre langue. D'Allemagne, Edgar Qui- net écrivait : « Je suis ici comme une vedette de l'es- prit français. » En même temps que les procès poli - oO tiques, il déplorait l'abaissement, l'apathie de ce gouvernement de Juillet, semblable au chapeau de Désaugiers, lequel ne peut tomber parce qu'il est par terre. A La Marseillaise de la Paix, de Lamartine, n Quinet devaiyxépondre par Les Bords du Rhin, dans lesquels il réclame pour nous Ta rive gauche du fleuve. A Heidelberg, il composa Prométhée, dont il marque — 24 — le but : « Délivrer l'esprit enchaîné, protester contre le dogme de la fatalité ; affranchir le monde. » Pour l'impression du poème, il passe à Paris l'hiver de 1838 et fréquente ses anciens amis, auxquels il en ajoute de nouveaux, ne dédaignant pas les salons élégants où l'esprit parfois se répand avec tant de liberté. En 1839, nous trouvons Edgar Quinet à Lyon, 9 rue Jarente, près du rempart d'Ainay. On lui a donné une chaire de littératures étrangères dans la¬ quelle il traite du Génie des religions (1841) et cons¬ titue les éléments de son futur livre. Là, il a voulu décrire « la genèse de l'esprit » comme, dans La Créa¬ tion (1870), « la genèse du monde physique ». Mais dans l'exil lyonnais, quel désir de Paris ! C'est là seulement que la voix de l'artiste et du penseur trouve un écho et produit tout son effet. M. Ville- main créa pour Quinet en 1841 une chaire d'Histoire des littératures et des institutions comparées du Midi de l'Europe. Sa pensée, nettement formulée, sur la rive gauche du Rhin, qui devrait être française, l'empêcha diplomatiquement d'être pourvu d'un enseignement sur les littératures du Nord. Quinet débuta dans sa chaire, en février 1842. Les Jésuites vont devenir bien¬ tôt l'objet de ses études et de ses discours éloquents et passionnés. Nous avons dans un volume : Les Jé- k- suites, les leçons d'Edgar Quinet. Que leur reproche- t-il ? Leur esprit de gouvernement, et d'avoir affai¬ bli la vigueur des races, là où ils se sont installés : ils ont énervé les peuples du Midi. Le pays qui les prend est un pays qui prend avec lui une cause de dé¬ cadence et de mort. Voilà la thèse. La deuxième le¬ çon (17 mai 1843) renferme un portrait d'Ignace de Loyola, le chef-d'œuvre peut-être de Quinet, et que je voudrais pouvoir en entier citer dans cette bro¬ chure. Ses discours sur les Jésuites furent suivis par d'autres sur l'Ultramontanisme. En 1845, il prit pour sujet de son cours : Le Christianisme et la Révolution française, pareillement publié en 1846. C'était au Collège , de France, non dans les assemblées, que se disaient les vraies paroles de vie, et que l'on exaltait la jeunesse en lui parlant de patrie, de droit, de li¬ berté. « A peine entrez-vous dans la vie, dans votre mis¬ sion, que l'esprit du passé, l'esprit qui craint l'avenir, murmure : « Que t'en coûte-t-il ? Abaisse un mo¬ rt ment ton cœur ». Eh bien, non, nous maintien¬ drons notre pensée haute et désintéressée... Avec elle, il est fort possible que vous ne deveniez jamais rien dans votre village, mais vous serez des hommes de vérité. C'est encore aujourd'hui la dignité la plus rare sur la terre. » En 1846, le 29 janvier, Michelet ouvrit seul son cours, sans le voisinage de son frère, « plus que frère ». Celui-ci avait préféré descendre de sa chaire que de subir la modification imposée par M. de Sal- vandy qui voulait, du titre de son enseignement, supprimer le mot « Institutions ». IV 1848. — Edgar Quinet à la Consti¬ tuante et à la Législative.—Le Deux- Décembre.— L'exil à Bruxelles, puis à Veytaux. Sa mère mourut à Charolles, le 5 février 1847. Comme le pasteur protestant manquait, Edgar Qui¬ net eut assez de courage pour remplir, dans la cir¬ constance, la fonction sacerdotale : quelles belles paroles au bord de cette tombe, et dans un moment aussi tragique : « Quand mon cœur se séchait pour le bien, où allais-je puiser la vie nouvelle ? Chez toi. Qui me nourrissait de sa pensée? Toi. Qui me sou¬ tenait de sa force supérieure ? Toi. Tu étais ma lu¬ mière, et ma lumière s'est éteinte; et tu m'as laissé dans les ténèbres. Je me réveille d'un songe... il me semble que la vie est avec toi dans ce linceul et que la mort est avec moi... Ton long veuvage, dont nous n'avons jamais pu te consoler, est fini. Tu as enfin quitté ton triste habit de deuil; car tu retrouves mon père avec lequel se sont écoulées les seules années que je t'ai vue regretter. Tu sors de l'enceinte de la ville où la moitié de tes jours s'est passée et tu en¬ tres dans la cité immortelle des âmes... » A cette date commence la campagne des banquets à laquelle s'associe Edgar Quinet, lequel ne peut — 28 — comprendre qu'en France on mette trente-quatre millions d'hommes hors du pays légal: « Toutes ces choses ne seraient pas arrivées, si nous ne nous étions endormis, comme des hommes fatigués, après le tra¬ vail des trois journées de juillet. » Quinet, le 24 février, en son costume de garde na¬ tional, le fusil chargé, marche sur les Tuileries. La révolution le fit colonel de la onzième légion de la garde nationale, et lui rendit sa chaire dans laquelle il remonta le 8 mars 1848, inaugurant les cours du Collège de France, au milieu d'un immense audi¬ toire qui dut se transporter dans la grande salle de la Sorbonne. Le département de l'Ain l'envoie, par plus de cin¬ quante mille voix, à la Constituante. Voilà le profes¬ seur, le prophète, en pleine politique, s'élevant con¬ tre l'expédition de Rome, et abandonnant la suite de ses Révolutions d'Italie pour publier la Croisade romaine (avril 1849). Au bout d'un an la Constituante fut remplacée par la Législative, où entra pareillement Edgar Quinet, encore nommé par le fidèle départe¬ ment de l'Ain. Depuis avril 1849, les perquisitions, toutes les plus odieuses mesures inquisitoriales étaient en usage, surtout en province, si bien que Quinet, toujours ardent pour la liberté, lança une brochure fort indignée : L'État de Siège, dans laquelle perce la vision du Deux-Décembre. A la tribune et dans un livre, L'enseignement du peuple (1850), le député de l'Ain demande l'unité d'enseignement dans le pays, condition essentielle de l'unité morale, de la paix et de la force nationales. Peu de temps avant les grandes angoisses patrioti- ques, EdglJ Quinet passa par la grande douleur fa¬ miliale. Il perdit, le n mars 1851, la femme sûre et si passionnément aimée qu'il avait rencontrée non loin du Rhin mystérieux, et qui lui échappa, à la suite d'une fluxion de poitrine. Sur la tombe de cette Minna Moré qui fut sa sœur à lui, Michelet prononça le discours et fit l'œuvre sacerdotale. Le coup d'État ne surprit nullement Quinet ; il l'avait depuis longtemps pressenti et annoncé. Et le Deux-Décembre, quelle force opposer à celle de Bo¬ naparte ! Comment soulever le peuple de Paris ? Il se méfiait de tout et ne voulait plus se battre pour per¬ sonne. On l'avait fauché aux journées de Juin; on avait mutilé le suffrage universel. 11 n'était nullement disposé à se faire tuer pour la Législative, en majo¬ rité hostile aux réclamations populaires. Caché pen¬ dant quelque temps chez Emile Souvestre, Quinet put éviter les agents de Bonaparte et gagner la fron¬ tière. Rappelons ici les lignes par lesquelles il clôt les Révolutions d'Italie, achevées en exil. « Le banni est celui qui, à son foyer, se sent proscrit par la cons¬ cience des hommes de bien. Mais toi, tu habites avec le droit. Partout où tu es, si tu restes fidèle à toi- même, tu es dans le pays de ton père... sois une conscience. » Le 10 décembre, muni d'un passeport au nom de Golesco, valaque, il fut à travers mille dangers amené en Belgique, par la princesse Cantacuzène. Il lui restait quelques milliers de francs, à peine de quoi vivre une année ; il se logea dans une petite chambre à quarante francs par mois, et prit des repas à quatre-vingts centimes. Dans le Livre de l'Exilé, — 3° — publié seulement en 1876, il a mis toute son amer¬ tume, toutes ses colères, tous ses espoirs et toutes ses joies. « Je me suis approché de la frontière et j'ai prêté l'oreille, et toute une nation rassemblée de l'autre côté ne faisait pas plus de bruit qu'un fleuve tari dans son lit ou qu'un désert sur lequel a passé un vent de mort .. Et je m'écriai : « Où est la France ? Je ne sens plus le parfum de ses champs. Comment s'est-il exhalé ? Sa terre a-t-elle aussi perdu sa beauté? » Mais, dans les douleurs de l'exil, il eut bientôt une grande consolation et un grand réconfort. La chère femme si dévouée, pendant de longues années, à Quinet, le rejoignit avec son fils Georges, le dernier jour de décembre 1851 et lui devint la patrie et la famille. L'exilé ne fut pas seul. C'est à l'Hôtel de Ville de Bruxelles qu'eut lieu, au milieu des proscrits, le mariage d'Edgar Quinet avec Mme Asaky. Leur voyage de noces se fit à Blankerberghe, aux en¬ virons d'Ostende, Blankerberghe qu'au moment du départ salue si tristement Edgar Quinet : « Adieu donc, belle plage moirée, vagues terribles et soumises, coquillages nacrés, semés sur la digue, voix lamentable du vent qui gémit jour et nuit, vieux pêcheurs groupés sur l'escalier de la dune, devisant sur l'événement du jour. Adieu ! pauvres enfants, petites machines à dentelle, qui travaillez sur le seuil des portes bien tard dans la nuit, pâles et vieillies avant que d'être jeunes, mal vêtues, estropiées, pour fabriquer des ornement superflus aux riches, aux dé¬ sœuvrés du monde ! » Mais Quinet ne s'attardait pas dans la contempla- — 3i — tion de la nature ; il remplissait ses longues heures d'exil par le travail et par la publication de livres qui étaient en même temps des actes. Après avoir donné son tome troisième des Révolutions d'Italie, il reprit le drame des Esclaves, il écrivit l'étude sur Marnix et la fondation delà République des Provinces-Unies, la Philosophie de l'Histoire de France et une partie de Merlin, dans le petit appartement de la place des Nations, qu'il habita dans les premières années de son séjour à Bruxelles. Partout on retrouve l'éter¬ nelle pensée de la France momentanément assoupie, mais qui bientôt s'éveillera de sa léthargie, du droit disparu du monde, semble-t-il, mais qui, sans tarder, reparaîtra plus éclatant. Voici la fin de La philosophie de l'histoire : « Avez-vous vu, dans mon pays, la perte du Rhône ? Le fleuve qui descend du haut des Alpes, arrive, confiant et à pleins bords. Tout à coup, comme si l'embûche avait été tendue dès l'origine des choses, il disparaît. On le cherche sans le trou¬ ver : il s'est perdu dans le puits de l'abîme, il est enseveli dans les entrailles de la terre; une couche prodigieuse de rochers accumulés depuis les premiers jours le recouvre, et la pierre est scellée sur lui aux deux bords par des bras de Titans. Maintenant les rives de Savoie et de France, les troupeaux de chè¬ vres, de mulets, le traversent à pied sec et l'insul¬ tent; la sonnerie de leurs clochettes couvre ses mu¬ gissements. Cependant, pour avoir disparu, le fleuve n'est pas tari ; son ancien génie vit encore ; il lutte dans les ténèbres, il mugit sous la terre, il travaille dans le sépulcre, il use de sa poussière d'écume la roche éternelle. A la fin, il reparaît, à quelques cen- — 32 — taines de pas, à la lumière, un peu calmé, plus bleu, plus majestueux, mais ni brisé, ni dompté par cette épreuve. » Au moment où il s'occupe des Roumains et de leur nationalité, Edgar Quinet voit s'éteindre son beau- fils, Georges Mourouzy, à l'âge de seize ans. Il fut, le 16 mars 1856, le prêtre de cet enfant, comme il l'a¬ vait été autrefois de sa propre mère dans le cimetière de Charolles : quelles fortes et lamentables paroles ! « Pour enseigner à cet enfant chéri que l'homme n'est rien que ce qu'il se fait lui-même, et pour le dé¬ rober aux fastueuses séductions, sa mère l'amena en bas âge en France, comme au foyer de la justice et du bon droit. C'était le temps où nous élevions de nos mains cette cité de liberté qui s'est si prompte- ment écroulée sous la violence, pour se réparer et se relever plus belle par la conscience et la raison. Oui, cette cité se relèvera ; je le jure ici, par tout ce qu'il y a de plus saint sur la terre, par la fosse ouverte de cet enfant innocent, mort injustement en exil... Cher enfant... le Dieu de justice... te donne, à cette heure, cette patrie immuable, invincible, toujours glorieuse, jamais défaillante, que tu as tant appelée et que je n'ai jamais pu te donner ici-bas. Personne ne te l'enlèvera, dans une nuit d'embûches, cette pa¬ trie divine... » Le malheur s'acharnait après le proscrit. Le climat de Bruxelles, les durs hivers de cette ville en chas¬ sèrent Quinet et Mn,e Quinet qui, en 1858, allèrent s'installer près du Léman, où ils vécurent encore douze ans, en attendant la patrie. C'est dans cette solitude de Veytaux, devant ces beaux horizons, qu'il 33 — acheva Merlin l'enchanteur (1869), dont le plan le préoccupait depuis trente ans.- « Ce que j'ai conçu dans la jeunesse, je l'ai exécuté dans l'âge mûr. Peut- être est-ce pour cela que plus d'une pensée joyeuse s'achève sur un ton grave... Merlin, le premier pa¬ tron de la France, est devenu le mien... La tradition de Merlin, qui plonge dans nos premières origines, s'est accrue à travers le moyen âge jusqu'à nos jours, reflétant le coloris de chaque temps. J'ai repris ce fonds commun, je l'ai développé avec la même liberté que mes devanciers. » Dans ce livre, où l'idée n'est pas toujours facile à suivre, il y a des pages d'une belle poésie romantique, dans lesquelles Quinet a mis ses propres enivrements, et où l'on voit jusqu'à quel point le penseur austère goûtait la nature et celle en particulier, que lui pré¬ sentaient les environs du Léman. « Ici, je puise la sérénité des jours limpides dans la coupe bleue du Léman, qui s'ouvre pour faire au Rhône une entrée triomphale... Voyez-vous Mon- treux, toujours baigné d'un soleil printanier, et ce collier noir de forêts qui s'enlève autour de la cime du Cubli ?.,. Les quatre saisons se sont assemblées à la fois autour de moi : le printemps aux doux yeux changeants de pervenche, de violette et de jonquille dans le lit abrité de la Verraye; l'été dans la lumière embrasée du matin, qui sort de la gorge du Valais comme de la gueule d'un four; l'automne dans les grappes cramoisies du sorbier qui pendent sur l'arbre effeuillé; l'hiver avec ses glaces sur le front de Noir- mont, de Jaman et de Naye. A leurs pieds est le vil¬ lage. » (Tome Ier, p. 358). — 34 — En 1859, le 30 août, avec une admirable indigna¬ tion, il protesta contre l'amnistie que lui offrait Na¬ poléon III. « Ceux qui ont besoin d'être amnistiés, ce ne sont pas les défenseurs des lois ; ce sont ceux qui les renversent. On n'amnistie pas le Droit et la Justice. Je ne reconnais à personne le droit de me proscrire, de me rappeler à son gré dans mon pays, sauf à me proscrire encore. Je ne puis me prêter à ce jeu où se perd et s'avilit la nature humaine. » Quinet, pendant la belle saison, voyage un peu et passe par Coppet, qu'anime le souvenir de Mme de Staël. Avec quelle bonne grâce le reçoivent la famille d'Haussonville et le vieux duc de Broglie ennemis de l'Empire, et quels portraits trace des maîtres de la maison l'auteur de Merlin ! « M. de Broglie entre à son tour; sa perruque, du plus beau noir, dissi¬ mule son âge ; figure fine, acérée ; toute sa personne est d'une grande distinction. J'étais assis dans le vaste fauteuil qui était celui de M. Necker. Je voulus le céder à M. de Broglie qui refusa et prit un tabou¬ ret. Mme Auguste de Staël, Mmc d'Haussonville étaient sur le canapé... » Parlant de son histoire de la cam¬ pagne de 1815, dont Buloz retardait indéfiniment la publication dans la Revue des Deux-Mondes, Quinet en vint à s'exprimer nettement sur M. Thiers et sur sa partialité à l'endroit de Napoléon Ier. « Que vou¬ lez-vous, répliqua M. de Broglie, M. Thiers est amou¬ reux de Napoléon, et l'amour ne raisonne pas ! » M. d'Haussonville se rendait aussi quelquefois à Veytaux, pour visiter Quinet et aussi le sansonnet familier, venu de Bohême et qui ne quittait pas le cabinet de travail de son maître.-Presque autant que — 35 — le pouvait faire Quinet, M. d'Haussonville adorait, paraît-il, « l'oiseau des fées ». Edgar Quinet travaillait — le sansonnet près de lui— à la Révolution, qui parut en 1865, et qui éveilla les susceptibilités de Louis Blanc et de ses amis. Amant passionné de la Révolution, qui fut son culte, Quinet ne l'admettait pas cependant tout en¬ tière. Avec des mots terribles, il flétrit les massacres de Septembre et Marat : « La face et la main de Marat sont restées empreintes dans le suaire de sep¬ tembre. Mais cette idée, qui fut celle d'un homme, comment a-t-elle pu se réaliser ? Nier la contagion de la démence... Parmi les hommes qui venaient de se baigner dans le sang de ces prêtres, combien de¬ vaient, peu d'années après, plier le genou à Notre- Dame, aux fêtes du concordat et du sacre! » Plus loin, Edgar Quinet se demande si la Terreur était nécessaire — un tel régime, en effet, ne se justifie que par la nécessité. — Et il répond : non; les ré¬ voltes, en effet, ne l'ont pas précédée; mais elles l'ont suivie, comme les filles viennent après leur mère. Chose étrange, au moment même où fonc¬ tionnaient les charrettes révolutionnaires, un homme d'ancien régime, Joseph de Maistre, à Saint-Péters¬ bourg, au milieu d'émigrés français, affirmait que le sang versé par Robespierre était indispensable au salut de la France. J'ai exposé en rapporteur impartial la thèse d'Ed¬ gar Quinet, reprise par lui dans Critique de la Révolu¬ tion. Quelles pages superbes dans son histoire ! Il n'y a rien de comparable peut-être à la peinture de la mort de Mirabeau et de celle de Marat. — 36 — S'il se permet quelques critiques, il n'en reste pas moins l'adorateur fervent de la Révolution française et son philosophe le plus sûr et le plus clairvoyant. Les yeux fixés sur la France, ne comprenant pas les républicains qui prêtaient serment à l'Empire pour entrer au Corps législatif, blâmant avec la der¬ nière sévérité ceux qui se tournaient vers l'idée d'un empire libéral, Quinet, tourmenté par ses soucis po¬ litiques, n'en poursuivait pas moins, dans sa retraite de Veytaux, ses pacifiques travaux. Il achève la Créa¬ tion, déjà en germe dans son esprit depuis de longues années et qui parut en 1870, à la veille de l'effon¬ drement. La Guerre. — La République. — Le retour en France. — L'Assemblée de Bordeaux et de Versailles. — Quinet député de Paris. — Ses derniers li¬ vres. — Sa mort. Le 18 juillet, la guerre fatale éclate; le 4 septem¬ bre — tant les désastres se succédaient rapidement — l'Empire n'était plus possible et s'écroulait dans la défaite et dans la honte. Le G septembre, au matin, Edgar Quinet, avec sa compagne d'exil et un léger bagage, prenait la route de Paris. Ses manifestes, placardés en blanc sur les murs de Paris, ainsi que ceux de Victor Hugo, ne contribuèrent pas médio¬ crement à relever les courages. « Nous avons repris, s'écrie—t—il le 21 septembre, dans un Appel aux Fran¬ çais, ce drapeau républicain qui n'a jamais été souillé par l'invasion. » Aux élections du 8 février 1871, le nom de Qui¬ net sortit le quatrième des listes parisiennes, après ceux de Louis Blanc, de Victor Hugo, deGaribaldi. « Il est bien doux d'avoir l'unanimité d'une ville comme Paris, dit Quinet à son médecin le docteur Gubler ; pourtant je n'ai rien fait pour arriver à la popularité. — Vous n'avez rien fait que de la méri¬ ter. ,» Tout malade il gagna son poste, à Bordeaux, où il - 38 - arriva exténué par la souffrance physique et morale et par les rudes privations du siège. Voici ce qu'il déclara — il le déclara d'une voix que la faiblesse atténuait, mais d'un cœur terme, — devant les nou¬ veaux représentants de la nation : « Ainsi l'esprit féodal allemand se venge de nos institutions démo¬ cratiques en faisant d'elles l'instrument de notre ruine. C'est là, la pensée de la Prusse : obliger la France à se mutiler elle-même ; faire de la France un peuple tributaire de cinq milliards... Voilà le droit nouveau allemand où se mêle la haine féodale à la haine de race. » En parfait philosophe, Edgar Quinet avait parfai¬ tement vu ce qu'était cette horrible guerre : c'était la lutte de la féodalité contre la démocratie, laquelle fut vaincue — pour un temps — dans ce duel. Malgré son âge et son épuisement, Edgar Quinet servait de toutes ses forces la République, dont il avait toujours désiré le triomphe ; il luttait contre ceux qui la voulaient renverser et qui créaient ainsi la Commune, et contre ceux aussi qui la déclaraient provisoire. Il dictait à sa femme, sa fidèle secrétaire, l'historiographe de sa vie : La République, conditions de la Régénération de la France, qui porte cette con¬ clusion : « J'ai vu la liberté naître, vivre et mourir, renaître pour mourir et renaître encore... Les peuples qui ont une lente croissance ont une longue durée, tels que les êtres organisés dont la vie est d'autant plus longue qu'ils ont été lents à se former... La France, comme nation, a devant elle un immense avenir... Ainsi, de longs siècles seront; il n'est pas possible — 39 — d'en douter. Les vérités que nous avons mises en lumière, pour lesquelles nous avons dépensé notre vie, les rempliront de leur immortalité, et prendront corps d'âge en âge. » Sa santé déclinait; la mort de Michelet, à Hyères, le 10 février 1874, lui avait porté un coup très sen¬ sible. En vain le promena-t-on aux bords de la mer, puis dans les Pyrénées et aussi dans sa Bresse aimée, par tous ces sentiers de France qu'il célébra si divine¬ ment, on sentait que rien ne pourrait empêcher le terme d'être prochain. Cependant, dans les inter¬ valles de ses voyages et de ses vacances, il continuait de siéger exactement à son banc, de prendre part aux discussions passionnées de l'assemblée, et d'é¬ crire des livres. Il publia : L'Esprit nouveau, dans le¬ quel il se rapproche, lui, l'historien, du monde phy¬ sique, sans toutefois négliger la psychologie et l'his¬ toire. Le sentiment du beau, très vif chez l'homme, il le rencontre chez les bêtes où le mâle déploie certains artifices pour s'attirer l'amour de la femelle. Ainsi le monde humain est comme soudé au monde animal. Le livre se termine par ces réflexions que l'on a gra¬ vées sur son tombeau : « Prenez garde, au moins, de mourir tout vivants. Il est des temps où l'on vieillit plus vite qu'en un autre. Dans les âges sceptiques, les âmes vieillissent promptement parce qu'elles ne savent où se retrem¬ per. Jamais une conversation intérieure, ni un souf¬ fle des hautes régions. L'homme se fait poussière longtemps avant sa mort, et il ne s'en aperçoit pas. Là est le danger de notre temps, la sécheresse mo¬ rale. Cherchons donc des sources nouvelles pour nous y abreuver, pendant que la soif nous reste encore. « Je ne terminerai pas mon livre, comme Condor- cet, avec l'espoir de supprimer la mort. Mais je dirai : « Qu'ai-je à craindre ? Le sort de l'univers, avec tout ce qui vit et respire, les mondes eux-mêmes se dis¬ soudront pour renaître. Leur existence a ses limites marquées. Les soleils s'éteindront pour se rallumer. Demanderai-je pour moi seul un privilège qu'ils n'ont pas ? Non, j'accepterai le sort commun à tous les êtres, vivre, mourir, pour revivre. » L'Esprit nouveau ne fut pas la dernière œuvre de cet esprit souverainement actif. Ce fut en ébauchant Vie et Mort du génie grec, en se retrempant dans la beauté et dans l'énergie antiques qu'il expira, en mai 1875, à l'âge de soixante-douze ans. Le souvenir de Salamine et de Platée accompagna jusqu'au dernier souffle cette âme héroïque. Une grande force s'en allait avec Edgar Quinet. Il avait été, jusqu'à la fin, le plus ferme représentant en ce pays de la conscience, de la conscience irréducti¬ ble. Une seule chose l'avait guidé dans tous ses ac¬ tes : le droit. Je renvoie les admirateurs d'Edgar Quinet, au volume qui vient de paraître : Edgar Quinet, Extraits de ses œuvres (Hachette). M. Gustave Kahn m'a remis trop tard une belle étude critique sur Quinet. Que ne l'ai-je reçue à temps pour en faire profiter les lec¬ teurs de cette brochure ? TABLE DES MATIÈRES Pages I. — L'enfance d'Edgar Quinet. — Le collège 5 II. — Paris. •— Herder. — M. Cousin. —- Jeune femme.— Strasbourg. — Heidelberg. — Minna Moré 11 III. — Voyage en Grèce. — Lamartine. — Voyage en Italie. ■—• Mariage avec Minna Moré. — La faculté de Lyon. — Le collège de-France 17 IV. — 1848. — Edgar Quinet à la Constituante et à la Législative. — Le Deux-Décembre. — L'exil à Bru¬ xelles, puis à Veytaux 27 V.— La Guerre. — La République.— Le retour en France. — L'Assemblée de Bordeaux et de Versailles. — Quinet député de Paris. — Ses derniers livres. — Sa mort. . 37 Paris. — Imp. Alcide Picard et Kaan, u, rue Soufflot.