~ -f 'J <ï EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE PARIS i 931 INDOCHINE FRANÇAISE ' VSf '^ 'r ... R J. GAUTHIER, M , '■ Ingénieur des Travaux Publies de l'EtaU Chef du Service Hydraulique du Tonkin. ' : j|p , ,.V5 • M- * '"A, h,\M* \i -, , :: 1 3Hkï 5 Asë m* ERRATA Page 18, 14e ligne : au lieu de : (voir page 94), lire (voir page 96). Page 25, 13e ligne : au lieu de : (page 35), lire (page 39). Page 55, 20e ligne : au lieu de : (pages 35 et 36), lire (pages 40 et 41). Page 75, lre ligne : au lieu de : (page 80), lire (page 84). Page 87, 8e ligne : au lieu de : (voir pages 20 à 22), lire (uoir pages 24 à 26). Page 88, dernière ligne : au lieu de : (voir page 51), lire (voii* page 55). DIGUES DU TONkIN par J. GAUTHIER, Ingénieur des Travaux Publics ae lEtat, Chef du Service Hydraulique du Tonkin. EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE PARIS 1931 INDOCHINE FRANÇAISE HYDRAULIQUE AGRICOLE TRAVAUX DE DÉFENSE CONTRE LES INONDATIONS DIGUES DU TONKIN PAR J. GAUTHIER, Ingénieur des Travaux Publics de l Etat, Chef du Service Hydraulique du Tonkjn. CENTRE DE DOCUMENTATION ET DE RECHERCHES SUR L'ASIE DU SUD-EST ET LE MONDE INDONESIEN BIBLIOTHEQUE Me HANOI IMPRIMERIE D EXTRÊME-ORIENT 1930 INSPECTEURS GENERAUX INGENIEURS EN CHEFS ET INGENIEURS, CHEFS DE SERVICE DES TRAVAUX PUBLICS DE L'INDOCHINE, AYANT PARTICIPE AUX ETUDES ET TRAVAUX DE DIGUES DU TONKTN Direcleurs généraux et Inspecteurs généraux : MM. Guillemoto (1899-1905) De Larminat, p. i. (1903) Jullidiere (1906-1910; Constantin (1910-1918; Bonneau (1919-1921) Pouyanne (1921-1922) Lefèvre, p. i. (1922) Pouyanne (1923-1927) Favier, p. i. (1928) Pouyanne (1929- ) Ingénieurs en Chefs : MM. Carreau (1900-1901) Desbos (1902-1909) Langon (1907-1909) Dussaix (1910-1912) Lefebvre (1913-1915) Denain (1915-1917) Normandin (1918-1926) Lemai (1926-1928) Dupont (1928-1929) Lemai (1929-...) Ingénieurs, Chefs de service : MM. Rouen (1901-1902) Gajan (1902-1905) Babonneau (1905-1909) Rochelle (1909-1910; Guermeur (1910-1911) Babonneau (1911-1912) Rouen (1912-1913) Rob ert (1913-1914) Scotto 1)1 \ ettimo (1914- 1915) Bergue (1915-1916) Ullmann (1916-1927) Rouen (1917-1919) Auphelle (1919-1920) Rouen (1920-1921) Auphelle (1921-1923) De Beauchamp (1923-1924) Auphelle (1924-1929) Gauthier (1929-....) CENTRE DE DOCUMENTATION ET DE RECHERCHES SUR L'ASIE DU SUD-EST ET LE MONDE INDONESIEN BIBLIOTHÈQUE DIGUES DU TONKIN NATURE DU PROBLEME A RESOUDRE SCHEMA DE LA PRESENTE ETUDE D'une façon générale, les inondations sont considérées comme un fléau redoutable, et on doit reconnaître qu'elles laissent souvent derrière elles des villages dévastés, des récoltes détruites et parfois des vies hu¬ maines sacrifiées. C'est ainsi, la plupart du temps, pour des périodes toujours trop longues, la misère et le découragement de populations ruinées sur de vastes étendues. Les inondations sont cependant susceptibles de présenter, au point de vue agricole, d'appréciables avantages. Elles améliorent, en effet, les régions submergées par l'apport de limons restituant aux terres sur¬ menées les éléments fertilisants absorbés par la culture. Tout serait dope pour le mieux, s'il était possible de discipliner les inondations, de façon à profiter de leurs bienfaits, sans avoir à craindre leur trop terrible menace. Certains pays, avantagés par leur topographie et leur hydrologie, ne souffrent point de la calamité des grandes crues et ne tirent que des bé¬ néfices du voisinage des fleuves : l'Egypte par exemple, doit sa ferti¬ lité aux inondations périodiques du Nil. La nature est d'ailleurs peu prodigue de semblables privilèges et les régions ainsi favorisées restent l'exception. Dans la majorité des cas, et depuis les temps les plus lointains, les populations riveraines des fleu¬ ves à fortes crues ont été dans l'obligation de se défendre contre le fléau possible en cherchant à le limiter par des endiguements. - 8 - Les travaux successivement accumulés dans le cours des siècles ont alors sensiblement conservé aux régions protégées leur topographie originelle ; les cultures, même médiocres ont pu s'étendre partout, au prolit d'une population qui s'est elle-même accrue. Un régime artificiel spécial s'est ainsi établi, devenant une condition d'existence impérative pour la région intéressée, dont la seule préoccu¬ pation s'est traduite finalement par le perfectionnement possible des travaux de défense peu à peu réalisés. ★ ★ ★ Ainsi, d'une façon générale, les premiers travaux exécutés dans un pays exposé au. danger des inondations ont consisté à rendre, dans la mesure du possible, les crues inoffensives en les maintenant dans un lit majeur de largeur réduite, créé de main d'homme. La solution a le mérite de la simplicité, du fait que les remblais de défense sont aisément obtenus à l'aide d'emprunts effectués dans les ter¬ rains voisins. Elle comporte par contre, certains inconvénients, dont le plus grave réside dans la fragilité relative des levées construites, fragilité qui croît avec leur hauteur. Devant cette dernière difficulté on a, par des travaux appropriés, cherché à abaisser, en période dangereuse, le plan d'eau des crues au droit des zones menacées. JEn principe, le problème de la défense contre les inondations doit donc comporter, en premier lieu : d'une part, l'exécution d'en.diguements longitudinaux insubmersibles, ou, le plus souvent, l'amélioration des réseaux de digues créés par les générations passées ; d'autre part, la recherche des solutions' susceptibles d'assurer aux crues un plan d'eau minimum et d'en atténuer ainsi le danger. On doit souligner, en outre, que la sécurité d'une digue dépend sou¬ vent de la solidité des berges du fleuve proche avec lesquelles elle peut être entraînée, si les terrains menacés par les courants ne sont point efficacement protégés à l'aide d'ouvrages rationnellement étudiés. Dé là, la connexité des travaux de digues et des travaux de défense des berges. Nous dirons enfin que, — quels que soient les soins apportés dans l'exécution de l'ensemble des travaux ci-dessus, — un réseau d'endi- guements nécessite toujours, à la montée des eaux, une surveillance de tous les instants. Il est un fait acquis que toute cause de rupture déce¬ lée à temps, peut être, dans la majorité des cas, aisément combattue. Au Tonkin, l'exécution des premiers endiguements remonte aux temps les plus lointains et l'amélioration des travaux de défense y est apparue aux Ingénieurs Français comme une nécessité impérative dès leur arrivée à la Colonie. On peut dire que toutes les solutions susceptibles d'accroître la sécu¬ rité du delta ont été tour à tour étudiées. On est malheureusement obligé de constater que la plupart d'entre elles ont été pratiquement reconnues inapplicables, et que la seule réellement efficace, en partie réalisée actuellement, devait consister à améliorer l'immense réseau de digues couvrant tout le pays et à le protéger contre les érosions des fleuves. Le développement qui va suivre comprendra deux parties : l'une indiquant — après quelques considérations générales sur l'hy¬ drographie et les digues du Tonkin, — les moyens étudiés pour abais¬ ser le plan d'eau des crues du Fleuve Rouge et de ses défluents ; la seconde détaillant les travaux d'amélioration des endiguements du delta réalisés depuis l'Occupation Française. Celle dernière partie, de beaucoup la plus importante, comportera dans ses grandes lignes : un examen d'ensemble des causes de ruptures des remblais de dé¬ fense, question étroitement liée à celle des études et travaux de digues ; un compte-rendu détaillé des programmes successivement élaborés, en particulier, du programme de 192G et des travaux accessoires qu'il doit comporter ; un aperçu des améliorations futures à apporter aux endiguements secondaires du delta, jusqu'ici négligés ; enfin un chapitre spécialement consacré à la surveillance et à la dé¬ fense des digues en temps de crue. PREMIERE PARTIE GÉNÉRALITÉS SUR LES DIGUES DU TONKIN ET LES MOYENS ENVISAGÉS POUR DIMINUER L'ALTITUDE DES CRUES DU FLEUVE ROUGE ET DE SES DÉFLUENTS CHAPITRE PREMIER Généralités sur l'Hydrog rapliie du Tonkiu et les I^ndigueuienls «lu Fleuve Itouge et de ses Déllueuls. Sommaire. — s 1er. Les fleuves du Toukin. — § 2. Formation du delta et appalrition des premières digues. — § 3. Le Fleuve Rouge et ses crues. — § 4. Travaux exécutés sous les dynasties annamites ; insuf¬ fisance des résultats obtenus. — § 5. Critique des endiguements insubmersibles : a) danger des digues ; b) influence des digues sur le lit des fleuves ; c) les digues et l'hydraulique agricole ; ouvrages des digues. — § 6. Nécessité de la conservation des digues au Tonkin S 1er. — Les fi.euves du Tonkin Le Tonkin est traversé par deux grands fleuves : d'une part, le Fleu¬ ve Rouge, dont les deux principaux affluents sont, à droite, la Rivière Noire et, à gauche, la Rivière Claire ; d'autre part le Song Thai-Binh où se rassemblent les eaux du Song Cau, du Song Thuong et du Song Luc- Nam. Le bassin du Song Thai-Binh n'est point gravement exposé au dan¬ ger des inondations ; ses cours d'eau, vaguement endigués ont des crues peu importantes et de courte durée. Il sert, dans une certaine mesure, d'exutoire aux crues du Fleuve Rouge, par l'intermédiaire de deux im¬ portants défluents, le Canal des Rapides et le Canal des Bambous. Le bassin du Fleuve Rouge est par contre menacé presque chaque an¬ née par des crues souvent très longues et de forte altitude. Le danger auquel il est exposé explique l'important réseau de digues qui le dé¬ fend, et que nous avons reproduit sur la carte ci-annexée, (PL I) où sont indiquées en outre, les principales digues du bassin du Tbai- Binh. Pour bien faire comprendre l'absolue nécessité des travaux de défen¬ se du Tonkin contre les inondations, nous allons donner quelques dé¬ tails sur les origines et la lopographie du delta tonkinois, ainsi que sur le régime du grand fleuve qui l'a créé. — H - § 2. — Formation du delta et apparition des premieres digues A son entrée dans le délia, le Fleuve Rouge a déposé la plus grande partie des matériaux de dimensions appréciables fournie par les éro¬ sions des courants et le ruissellement des hautes régions ; d'autre part, les sables lourds dont une importante proportion a été absorbée par le Day et le Canal des Rapides, disparaissent peu à peu au delà d'Ha¬ noi . Par contre, le fleuve et ses défluemts transportent en tout temps et sur iuut leur parcours, une grosse masse de matières terreuses, de faible densité, qui leur donnent leur teinte caractéristique. En temps de crue les vitesses, — qui, même dans le delta, atteignent souvent 2 à 3 m. à la seconde, — intensifient le travail d'érosion, et les terrains de mauvaise tenue, caractérisant les immenses plaines traver¬ sées, sont abondamment entraînés. Les matières solides charriées qui, en période normale, ont été chiffrées de 0 k. 100 à 0 k. 500, atteignent alors 3 k. et même 3 k. 500 par mèlre cube. On a pu estimer ainsi à 130 millions de tonnes, représentant 80.000.000 de mètres cubes, la masse des limons transportés chaque année. Le rapprochement des embouchures et l'abondance des alluvions pré¬ cipitées expliquent la puissance de colmatage du Fleuve Rouge et de ses défluents et rallongement continu du delta tonkinois, qui a été évalué, en certains points, — en particulier au Sud de la province de i\am-Dinh, dans la région de Phat-Diêm, — à 10 kilomètres par siècle. Cette apparition de terres neuves et riches a été mise à profit, de tout temps, par les villages des régions maritimes qui se sont toujours rapprochés des rives nouvelles, dès que les circonstances l'ont permis. Chaque avance sur la mer a été marquée par la construction d'endigue- ments littoraux, défendant les parcelles gagnées contre l'envahissement des eaux saumâtres. C'est l'histoire de l'extension progressive de tous les villages conquis sur les flots, dont les limites définissent des rectangles allongés, cloi¬ sonnés parallèlement au rivage, avec, du côté de l'intérieur les agglo¬ mérations situant les emplacements des centres primitifs. Cette avance continue sur la mer a eu l'inconvénient de créer des terrains de trop faihle altitude, laissant souvent, — à l'abri des bour¬ relets longitudinaux des fleuves, des dunes littorales ou des digues trop hâtivement constituées. — des zones insuffisamment nourries par les apports des crues ou des courants marins. Ce l'ait explique les cu¬ vettes noyées et la grande étendue des terrains, d'altitude inférieure à celle des hautes marées et qui se rencontrent à 80 et même 100 km. de la mer. Ainsi, les premières digues du Tonkin ont été vraisemblablement des endiguements littoraux, complétant la défense primitivement assurée par les dunes maritimes ; puis, pour fermer latéralement les cloisonne¬ ments successivement réalisés, des digues bordant les fleuves et cons¬ truites sur leurs bourrelets longitudinaux devenus insuffisants. Cette obstruction du bas delta, peu favorable à l'écoulement des crues a, peu à peu, amplifié l'inondation, et, les riverains, à l'amont des zones maritimes, ont dû à leur tour défendre leurs récoltes me¬ nacées à chaque montée des eaux. Ceci n'est d'ailleurs qu'une hypothèse. Il est vraisemblable aussi, qu'en même temps qu'apparaissaient les digues littorales, des diguet- tes aient été construites le long des fleuves, pour défendre, au droit des bourrelets longitudinaux trop bas, les terrains en culture contre les crues tardives d'été ou les crues de printemps. Ces diguettes, d'abord isolées et se fermant autour des propriétés, ont dû peu à peu se souder pour constituer des remblais continus. Ainsi peut s'expliquer la création du réseau tourmenté des endigue¬ ments du Tonkin dont le tracé désordonné a été, dans un but d'éco¬ nomie, trop souvent conservé lors des renforcements successivement exécutés. Il est résulté de là aussi que tout colmatage des terrains protégés a été suspendu, du fait des travaux de défense et que la topographie du delta est restée sensiblement ce qu'elle était à l'époque lointaine des premières digues littorales. § 3. — Le Fleuve Rouge et ses crues Le Fleuve Rouge ou Nhi-Ha prend sa source au Yunnan à 2.500 m. d'altitude, à une vingtaine de kilomètres au Sud du Lac de Ta.-Li ; il a une longueur totale de 1.300 kilomètres, et la frontière chinoise se trouve approximativement sur le milieu de son cours. Dans sa partie supérieure, jusqu'à Man-Hao (Chine), le lit du fleuve est très encaissé ; de Man-Hao à Viétri, le cours moyen est encore cou¬ pé par une trentaine de rapides ; à la frontière, près de Lao-Kay, il est grossi du Nam-Ty. Ce n'est qu'à l'entrée du delta, à hauteur de Viétri qu'il reçoit ses deux Grands affluents, la Rivière Noire et la Rivière Claire. — iô — Le delta mesure, à vol d'oiseau, 150 kilomètres environ, alors qu'il faut compter, de Yiétri à la mer, 220 kilomètres en suivant les méan¬ dres des digues. Le bassin versant du Fleuve Rouge, à l'amont de Yiétri, et les bassins versants de ses deux grands affluents ont ensemble une superficie de 12 millions d'hectares ; la partie basse du delta,, qui serait inondée, sans les endiguements, a une surface vingt fois moindre. Le bassin de la Rivière Noire est approximativement de l'importance de celui du Fleuve Rouge et jouit sensiblement du même ' régime ; il a donc une grosse influence sur les crues du delta. A l'entrée du delta, après avoir reçu l'apport de ses affluents, le Fleuve Rouge ne débite à l'étiage que 700 mètres cubes à la seconde. Au même point, en période de grande crue, le débit peut atteindre 30.000 mètres cubes ; ce chiffre est réduit sensiblement du quart, du fait des prélèvements du Day et du Canal des Rapides. Entre Hanoi et la mer une partie des crues s'évacue : sur la rive droi¬ te, par le Canal de Nam-Dinh et le Song Ninh-Co, et, sur la rive gau¬ che, par le Canal des Bambous et le Song Tra-Ly. Des jaugeages effectués a,u cours de ces dernières années ont permis de déterminer les courbes, reproduites ci-contre, donnant les débits ap¬ proximatifs correspondant aux diverses altitudes des crues. Les plus fortes crues ont lieu en juillet et août ; les altitudes maxima ne se maintiennent en général que durant quelques jours, mais réap¬ paraissent généralement à plusieurs reprises chaque année. En somme, la plupart du temps, le fleuve reste menaçant dans cette période de deux mois. Par une curieuse coïncidence, les très grandes crues ont lieu à in¬ tervalles à peu près réguliers d'environ 11 ans. On cite en effet, com¬ me montées exceptionnelles, celles des années 1893, 1904, 1915, 1926. Le graphique ci-après donne, à titre de renseignement, les fluctua¬ tions du plan d'eau, d'une part, au cours de la grande crue de 1926, marquée par d'importantes ruptures, d'autre part, au cours des crues des deux dernières années durant lesquelles les digues renforcées se sont parfaitement comportées. L'altitude la plus forte constatée aux échelles d'Hanoi a atteint (11.92) en 1926 ; ce chiffre, lu peu de temps avant la rupture de Lam-Giu aurait pu atteindre la cote (12.00). De grandes crues toujours accompagnées de ruptures ont fréquemment dépassé la cote (11.00). H est absolument certain qu'avec des digues plus robustes, ces chif¬ fres auraient été accrus ; on a estimé parfois qu'il n'était pas impos¬ sible que l'altitude des crues puisse atteindre exceptionnellement la cote (13.00) à Hanoi. En particulier, M. Normandin, ancien Ingénieur en Courbes des débits du Fleuve Rouge du Canal des Rapides et du Day > ■ :...": .:;Sr . ■ ■ . ■ V\,%' . 1-& m/m ."L ' . , ■ CRUES DU FLEUVE ROUGE à HANOI Graphique de la crue de 1926 (j Srèches fin Juillet à l'amont d'Hanoi) Graphique des crues de 1923 et 1929 (sans ruptures de digue) HANOI MENACÉ PAR LA CRUE DE 1926 Photo Aéronautique Militaire — i7 - Chef du Tonkin, recourant à un„e documentation recueillie depuis 1883, a calculé que cette altitude, possible lors de la crue de 1904, aurait pu être légèrement dépassée en 1893. A titre de renseignement, nous dirons cpie l'étiage moyen des basses eaux à Hanoi est à la cote (2.20) et que souvent le plan des crues, dans les parties où les digues sont les plus hautes, dépasse de 8 m. le niveau des rizières ; nous signalerons aussi que certaines rues d'Hanoi sont à l'altitude (6.00), soit à 7 m. 00 au-dessous des plus hautes eaux pos¬ sibles. Ces chiffres indiquent, en même temps que l'importance de la mon¬ tée des eaux, quel peut être derrière la brèche apparue, l'effet d'une rupture de digue en période de grande crue. § 4. — Travaux exécutés sous les dynasties annamites Résumé de l'œuvre accomplie. — Les premières digues du delta ton¬ kinois dateraient de près de mille ans, mais on n'a de précisions sur les travaux effectués qu'à partir du treizième siècle. Des Annales, rédigées sous la dynastie des Lê, indiquent, en par¬ ticulier, qu'en 1248, toutes les provinces du Tonkin reçurent l'ordre de concourir à la construction d'endiguements défendant le delta jusqu'à la mer. — Dès cette époque des essais intéressants d'organisation tech¬ nique et administrative furent tentés pour amplifier et entretenir les travaux exécutés. Dans la suite, les textes anciens mentionnent fréquemment les acci¬ dents survenus et les réparations qu'ils ont nécessitées. Le réseau des digues s'est peu à peu étendu à tous les déficients du Fleuve Rouge et les remblais exécutés ont fait l'objet de fréquents renforcements. Le XVe siècle, en particulier, marque des efforts sérieux, qui se sont continués jusqu'à la fin du XVIII0 siècle, époque à laquelle les travaux ont été ralentis et même suspendus, du fait des troubles qui ont alors ensanglanté le pays. Ils furent repris vigoureusement au commencement du XIXe siècle avec la dynastie des Nguyên (1). (1) On note aussi, sous les Nguyên, divers travaux originaux, tels que : le dra¬ gage des embouchures à l'aide de herses tirées par des bateaux ; l'ouverture de longs canaux d'évacuation, comme le Cuu-Yên (Hung-Yên) ; le creusement d'une nouvelle entrée au Canal des Rapides complètement comblé è son départ du Fleuve llouge. De cette même épqque date aussi le Code de Gia-Long, dont un article, — qui n'a d'ailleurs jamais été abrogé, — édicté la peine de mort contre les auteurs de coupures clandestines des digues. Ainsi, de siècle en siècle, par des efforts sans cesse renouvelés, s'est constitué au Tonkin un très important réseau de digues. En particulier, l'endiguement du Fleuve Rouge avait été construit, avant l'arrivée des Français en. Indocliine, pour maintenir des crues de cote (9.00), à Hanoi. insujjisance des résultais obtenus. — L effort réalisé, bien que con- siuerauie, était très insuffisant. JLes dernières digues renforcées par ies Rois d Annam étaient trop basses et fréquemment submergées ; u autre pai'i, elles il'avaient en moyenne que 4 à 'o m. de largeur de plateforme et leurs talus amont et aval étaient sensiblement de même inclinaison, et raidis souvent à i/JL (voir page 94). L imbibition gagnait de ce fait rapidement la mas¬ se des terres et, après des affaissements réitérés des remblais côté casier, qui atteignaient peu à peu la plateforme, les digues se rompaient irré¬ médiablement. Une grande partie du delta, chaque année submergée, était-en som¬ me impropre à toute culture et comportait de vastes étendues maréca¬ geuses constituant, avec la broussàille de leurs roseaux, d'excellents repaires pour les pirates. Les provinces de Bac-Ninh et de IIung-Yên étaient particulièrement éprouvées : on cite sur la rive gauche du Fleu- ge Rouge, à l'aval de Hanoi, entre Yan-Giang et Bân-Yên-Nliân, une zone qui, — actuellement fertile et riche, — paraissait alors condamnée à une irrémédiable ruine. On peut d'ailleurs, en parcourant les digues actuelles, suivre dans les casiers protégés, les vestiges nombreux des anciens bouleversements dûs à la ruée des eaux, et qui se traduisent, tantôt par de larges et pro¬ fondes mares, tantôt par des dunes sablonneuses laissant, dans l'éten¬ due des rizières, des zones définitivement stériles. La forme même des digues, avec leurs boucles irraisonnées, a souvent eu son origine dans l'exécution hâtive, entre deux crues, de raccords des remblais contour¬ nant les affouillements, au droit des brèches apparues. Il est, en somme, au Tonkin, bien peu de digues anciennes qui aient résisté longtemps à la poussée des eaux, bien peu de villages bor¬ dant les fleuves du cîelta qui aient pu, deux années de suite, en toute quiétude, cultiver et améliorer leurs rizières mal défendues. Quoi qu'il en soit, la masse des terres remuées, avant notre arrivée à la Colonie, a été considérable, et si l'on, se reporte à l'époque ancien¬ ne de l'exécution des premières digues et à la rusticité des moyens mis en œuvre on ne peut s'empêcher d'admirer l'effort fourni. 5. — Critiques des endiguements insubmersibles Généralités. — Le système de défense contre les inondations à l'aide de levées insubmersibles a donné lieu de tout temps, au. Tonkiri comme ailleurs, à de sévères critiques et, au lendemain de chaque catastrophe, la question de l'arasement des digues a été invariablement soulevée. On prétend en particulier, que les digues ne peuvent qu'accroître les désastres des inondations et qu'il vaut mieux supporter la submer¬ sion lente et progressive du débordement général d'un fleuve non endigué, que le brusque envahissement des eaux canalisées dans une brèche fortuite. On objecte souvent aussi que les endiguements ont pour conséquence un relèvement continu du lit des fleuves, entraînant un exhaussement corrélatif des digues, qui se trouvent ainsi condamnées tôt ou tard à un abandon définitif, du. fait des hauteurs excessives à atteindre. On prétexte enfin que les endiguements, en isolant les terrains ri¬ verains, les privent de l'apport régénérateur des crues, en môme temps qu'ils accroissent les difficultés de leur irrigation et s'opposent à leur assèchement. Nous allons ci-après examiner avec quelques détails ce qui doit être retenu des critiques faites des endiguements du Tonkin ; nous justi¬ fierons ensuite, dans un paragraphe spécial, l'absolue nécessité de leur conservation. a) Considération sur les dangers des digues et leur efficacité. — Une dique qui se rompt, en période de forte crue, donne toujours lieu à des catastrophes qu'il est à peu près impossible d'enrayer. C'est l'évasion de l'énorme masse liquide, jusque là emprisonnée, qui se localise dans la brèche ouverte, et la ruée des eaux contre laquelle toute lutte est illu¬ soire ; c'est, aux abords immédiats du fleuve, le courant qui emporte tout, et un peu plus loin la précipitation des sables lourds qui enfouis¬ sent les cultures sous un amas stérile ; c'est enfin, la submersion très rapide de vastes étendues pour longtemps noyées et dont les cultures de l'année sont anéanties. L'inondation paraît en somme s'être accrue, du fait des travaux réalisés ; la digue semble avoir amplifié Je mal qu'elle prétendait conjurer. La défense contre les inondations à l'aicîe de digues longitudinales constitue, certes, une mesure imparfaite, qui laissera toujours des aléas et des inquiétudes. C'est, on doit le reconnaître, la plupart du temps, la seule solution réalisable, la seule d'ailleurs à laquelle 011 se soit finalement résolu dans presque tous les pays où la menace des fleuves s'exerce sur de vastes territoires. Elle a été appliquée, en particulier : en France, pour la Loire, en Italie pour le Po, en Hongrie pour la Theiss, en. Chine, pour les fleuves intéressant le Kuang-Tong. Les résultats obtenus, dans chaque cas, où l'amélioration des endi- guements a été énergiquement envisagée, ont toujours été pleinement couronnés de succès. Pour ne citer qu'un exemple, nous dirons qu'en Italie, où les ruptures des digues du Po, étaient particulièrement fré¬ quentes, il n'a plus été, — à la suite des importants renforcements en¬ trepris en 1872, — enregistré d inondation sérieuse dans une période de l'ordre d'un demi siècle. Cette constatation a fait conclure à M. Normandin, ancien Ingénieur en Chef du Tonkin « que l'on peut très bien (( se défendre contre les inondations uniquement par un système de c. digues convenablement établies et bien surveillées pendant les crues ». Il est des cas exceptionnels cependant où des digues exhaussées, ren¬ forcées et sévèrement surveillées, ayant constitué des défenses sûres du¬ rant de longues années, se sont brusquement révélées comme insuf¬ fisantes pour assurer à elles-seules la lutte contre des crues d'impor¬ tance jusque là inconnue. Tel est l'exemple récent et particulièrement impressionnant des en- diguements du Mississipi qui, — après avoir permis, sans accident gra¬ ve, le développement économique d'une riche vallée s'étendant sur plus de 10 millions d'hectares, — ont brusquement cédé en 1927, pro¬ voquant la perte de 200 vies humaines, l'évacuation de 700.000 per¬ sonnes, enfin des dégâts évalués à 200 millions de gold-dollards. On doit signaler que semblable crue ne s'était vue, aux Etats-Unis, depuis deux siècles et qu'elle n'a provoqué, en somme en 1927, qu'une seule rupture. On doit ajouter aussi que le Mississipi est l'un, des plus grands fleuves du monde et que son débit, pouvant atteindre un mil¬ lion de tonnes d'eau à l'heure, dépasse dix fois celui du Fleuve Rouge. Quoi qu'il en soit, il est dans tous les pays des calamités imprévi¬ sibles laissant, quand elles apparaissent, singulièrement désarmés l'art de l'Ingénieur et ses calculs les plus pessimistes. Le Tonkin, — tant par ses orages d'été, que par les trombes d'eau apportées par les typhons violents et parfois réitérés qui se comblent à la même époque sur ses exutoires, — reste une des contrées du monde où le danger des éléments déchaînés se présente avec une gravité par¬ ticulièrement angoissante. Il est, dans ces conditions, impossible d'affirmer que ce pays puisse être définitivement sauvé des inondations par des digues, quelle que soit leur puissance. Photo Aéronautique Militaire DIGUE EN CHARGE A L'AMONT D'HANOI EN JUILLET 1926 — 21 — Ce que l'on peut dire est que les travaux actuellement en cours au Tonkin tiennent largement compte des constatations les plus alarmantes qui ont pu être faites, et que les digues, à leur achèvement, seront en mesure de résister, dans d'excellentes conditions, à des crues ayant l'amplitude des plus fortes crues connues. Les digues renforcées ne dispenseront certes jamais les populations et l'Administration du Tonkin d'une vigilance constante et sans arrêt à la montée des eaux, mais elles leur rendront possible, d'une manière inconnue jusqu'alors, une lutte efficace contre les dangers qu'elles cour¬ ront toujours au moment de chaque crue importante. b) Influence des digues sur le lit des fleuves. — Il semblerait, à pre¬ mière vue, comme on l'a objecté, que les eudigueirçents longitudinaux insubmersibles doivent a.voir, pour conséquence, un relèvement con¬ tinu de l'altitude des crues et qu'il faudrait, par suite, indéfiniment les exhausser pour éviter leur submersion. Il est un fait indéniable que les niveaux maxima constatés pendant les crues ont augmenté, du fait des renforcements successivement exécutés. Cela provient exclusivement de ce que les ruptures étant de moins en moips fréquentes, les abaissements de la cote maxima du plan d'eau qu'elles provoquent forcément ont progressivement diminué en propor¬ tion directe de la diminution de ces ruptures. Nous allons montrer ci-après que l'allongement et le colmatage des fleuves endigués n'ont, en fait, dans l'altitude des hautes eaux, qu'une influence inappréciable. Effets de rallongement des fleuves. — L'allongement de certains fleu¬ ves, en particulier des fleuves à delta, est indiscutable ; on doit admet tre aussi qu'un fleuve endigué charrie à la mer plus de matières solides que s'il pouvait en déposer librement une masse importante sur de vastes étendues inondées et que par suite cet allongement s'en trouve accru. Une conséquence fatale de cet allongement est la diminution de la pente générale du lit et par suite de la vitesse des eaux ; il résulte de là que .pour assurer un même débit, la section doit s'accroître et cela ne paraît possible à première vue que par un relèvement de l'altitude des crues. Ainsi semblerait se justifier la théorie de la digue irrémé¬ diablement insuffisante ou condamnée à de perpétuels exhaussements. En fait, le relèvement du plan d'eau causé par l'allongement du lit est toujours très faible et il faut, pour qu'il devienne un inconvénient sérieux, les apports, presque millénaires, de fleuves charriant aux em¬ bouchures, de façon continue, de très grosses masses d'alluvions. — 22 — 11 a été calculé que pour le Mississipi, dont le delta s'allonge de 6 km. 500 par siècle, l'exhaussement de la ciue à 100 kilomètres de la mer serait da,ns ce temps à peine de 20 centimètres. Pour Je Fleuve Rouge, M. Rouen, ancien. Chef du Service de l'hydrau¬ lique du Tonkin, a estimé en 1915 qu'un allongement possible de 15 kilomètres au cours des siècles derniers, n'avait pu apporter à l'altitude des crues, entre Yiétri et la mer, que des modifications de peu d'im¬ portance, sinon négligeables. Exhaussement du lit des fleuves. — L'exhaussement des fonds sem¬ blerait, à première vue, se justifier du fait du volume considérable des alluvions charriées, dont le dépôt, — ne pouvant plus s'effectuer sur les vastes étendues antérieurement submergées, — aurait une tendance à. se localiser dans le lit artificiel créé. Le colmatage très apparent entre les berges du fleuve et le pied des digues, tendrait d'ailleurs à confirmer le fait. En réalité, il n'en est rien. Les dépôts se localisent dans le lit majeur, du fait du ralentissement des vitesses au moment du débordement et des obstacles rencontrés ; ils diminuent peu cette partie de la section mouillée, qui reste d'ailleurs sans effet appréciable sur l'écoulement des crues, comme nous le verrons plus loin. En somme, la section assurant la grosse masse du débit, en période de crue, peut être approximativement considérée comme déterminée par celle du lit mineur, dont les berges seraient prolongées jusqu'au plan d'eau (a b c d sur le croquis ci-dessous). Là, les vitesses ne subissent plus les causes de ralentissement rencontrées dans le lit majeur et dé¬ veloppent une force vive du courant, se traduisant par une force d'en¬ traînement qui s'oppose au dépôt des matières charriées. Cette force d'entraînement est exprimée par mètre carré de fond, à l'aide de la formule de Boys : F = 1.000 H i, où II exprime la profondeur et i la penje du fleuve „ On voit ainsi que la force F est d'autant plus grande que la crue est plus forte. Ceci indique que les digues, en créant une section mouillée de plus grande hauteur, facilitent le transport des matières solides à la mer. La force des courants étant plus grande, l'érosion est, de son côté, plus accentuée ; on peut craindre ainsi un accroissement excessif de la quantité des matériaux entraînés. Pour le Fleuve Rouge, la grande té¬ nuité des alluvions de la zone endiguée assure malgré tout, — compte tenu de la vitesse des eaux qui comme nous l'avons vu, atteint et dépasse même souvent 2 mètres à la seconde, — leur transport en des points très lointains. En admettant qu'il y ait compensation entre l'érosion des fonds et des dépôts des matières lourdes qui s'y effectuent, il n'en est plus de même pour les berges dont l'usure progressive ne peut qu'amplifier à la lon¬ gue la section du lit moyen. Il est à présumer que, de cette façon, la perte de section par colmatage du lit majeur est amplement récupérée ; on peut conclure de là que les digues doivent» avoir pour conséquence, non pas un exhaussement du fond du lit mais un élargissement des fleuves qu'elles intéressent. Ainsi s'établit un heureux équilibre entre la section d'écoulement et le débit des crues, dont l'altitude, entre les endiguements créés, doit rester sensiblement constante. Toutes les études et constatations faites par les Ingénieurs spécialisés qui se sont souciés de la question, ont d'ailleurs permis de conclure nettement que les modifications apportées au fond du lit des rivières, du fait des digues, restent absolument inappréciables dans des périodes de très longue durée. Ainsi se justifierait l'hypothèse d'après laquelle un fleuve, dans un terrain alluvial, se creuse toujours le chenal qui lui est nécessaire. Le seul colmatage indiscutable, celui du lit maieur, est, nous le répé¬ tons, à neu près sans influence sur le plan d'eau des crues. — Il a par contre l'avantage d'améliorer peu à peu la stabilité des remblais de défense, du fait de l'apport, — qui pourrait d'adw^ frTe artificielle¬ ment accru, — des alluvions au pied des talus intérieurs. M. Normândïn a recueilli, à l'appui de cette thèse, une très importante documentation auprès des Ingénieurs italiens ayant étudie avec un soin particulier le régime du Po (TV T1 a été reconnu, d'autre part, en Amé- rifme nue l'élévation, des crues du Mississioi ne pouvait etre due a un exhaussement du fit du fait des digues ' en Allemagne il a ete meme prouvé qu'eu bien des trop.cons du Rhin endigué, le niveau des hau¬ tes eaux avait, pour un même débit de crue, diminué de façon appré¬ ciable. (1) Rapport de Mission en Italie en novembre 1921. Pour le Fleuve Rouge, M. Desbos, ancien Ingénieur en Chef du Ton¬ kin a fait remarquer, dès 1905, que le lit ne subissait aucune surélé¬ vation apparente ; que s'il en était ainsi le. niveau moyen des eaux pen¬ dant l'étiage serait lui-même accru, particularité que n'oint révélé aucune des observations faites. Dans la suite, tous les rapports présentés ont eu ici, sur le même sujet, les mêmes conclusions. Ainsi, contrairement à l'opinion qui est souvent admise au Tonkin, le lit du Fleuve Rouge ne subit, du fait des digues, aucune modification fâcheuse ; si l'exhaussement présumé se réalise « il est si minime et si lent qu'il serait absolument impossible d'en déterminer l'impor¬ tance » (1). c) Les digues et l'hydraulique agricole. — Ouvrages des digues. — Les digues, en isolant des fleuves les casiers qu'elles ferment, semblent, de prime abord, justifier au point de vue agricole, les difficultés ci-dessus signalées. Elles paraissent, en effet, susceptibles de gêner les irrigations par pri¬ ses directes qui sont, au Tonkin, la règle dans le bas delta, où les berges des fleuves sont basses et où les marées, agissant par refoulement, por¬ tent l'eau douce à de lointaines rizières, par l'intermédiaire de multiples canaux intérieurs. Elles retiennent, d'autre part, la masse des eaux que les pluies de Eété accumulent peu à peu dans les cuvettes de moindre altitude, qui sem¬ blent, de ce fait, condamnées à perdre chaque année le bénéfice d'une récolte. On peut prétendre enfin qu'elles s'opposent à l'épandage bienfaisant des limons des crues sur les terres surmenées, cela dans un pays où les engrais sont rares ou coûteux. Cette gêne n'est qu'apparente. Pour remédier, en effet, aux inconvé¬ nients ci-dessus, il a été construit depuis longtemps, dans les digues, des ouvrages spéciaux, — caractérisés par les dispositifs de fermeture de leurs têtes, — et qui permettent à volonté, d'assurer ou de supprimer la communication des casiers avec les fleuves qui les longent. Du fait des ouvrages en question les irrigations ne sont nullement con¬ trariées. A la rigueur, elles peuvent même être assurées au cours d'une crue si, — ce oui est fréouent, — les pluies du delta sont en retard, sur les orages des hautes régions. On voit par là, l'appréciable avantage de pouvoir, le cas échéant, sauver des méfaits de la sécheresse, les riz (1) Rapporl de M. Rouen du 18 octobre 1915. — 25 — du 10e mois, qui seraient, d'ailleurs sans les digues, condamnés à une submersion certaine. En matière d'assèchement, il est incontestable, qu'il y a moins à faire pour évacuer les apports des pluies que ceux des inondations qui, sans les remblais de défense, se renouvelleraient en, bien des points du delta plu¬ sieurs fois par an. — Les digues permettraient même, à la faveur de stations de pompage aménagées en des points convenablement choisis, de refouler par dessus leurs crêtes les eaux surabondantes et d'assurer ainsi en tout temps un assèchement, impossible sans cela, tout au moins à certaines époques de l'année. Enfin, en ce qui concerne la régénération des terres par l'apport des eaux troubles des crues, les digues peuvent permettre, comme nous le verrons plus loin (page 35), de l'obtenir en même temps d'ailleurs que le colmatage des cuvettes basses, —- sans pour cela jeter, à la fois sur tout le delta, les perturbations violentes que créerait la suppression des di¬ gues. D'après la géographie de Tu-Duc les plus anciens ouvrages des digues dateraient du règne de Gia-Long (début du XTXC siècle) el leur exécution se serait poursuivie activement sous Minh-Mang. A cette époque on avait fort bien compris déjà qu'il fallait placer dans les digues « des conduits souterrains » assurant soit l'irrigation, soit le drainage, soit simultané¬ ment ces deux opérations, suivant les besoins saisonniers de l'agriculture. Nous devons noter que certains ouvrages d'irrigation, construits très loin de la zone maritime, ne pouvaient jouer leur rôle qu'en période de crue ; il y a là une mesure de sage prudence qui prévoyait les cala¬ mités des années sèches, et, dans une certaine mesure, la fertilisation des terres par l'emploi des eaux troubles (1). Les premiers ouvrages exécutés dans le corps des digues étaient sou¬ vent de rudimentaires canalisations, constituées par des troncs d'arbres creusés ; lors de récents travaux, on en a démoli de très anciens, enfouis dans la masse des remblais, dont ils compromettaient l'étanchéité. D'au¬ tres ouvrages, plus sérieux, véritables aaueducs voûtés, ont été nour la plupart, bien construits, à l'aide de bonnes bricrues et d'un mortier très résistant, très adhérent, dont nous avons vainement recherché In formule ; quelaues-uns d'entre-eux, allongés au moment des renforce¬ ments des remblais, sont encore utilisés. (1) Tel est le cas de l'écluse de Phuong-Cong (digue rive gauche du Fleuve Rouge, à 10 km. à l'aval de Hanoi), qui existe encore actuellement. Voir à ce sujet « L'irrigation dans le delta du Tonkin » par E. Chassigneux ; Revue de géo¬ graphique annuelle ; tome VI ; 1912 ; fascicule I. — 2 6 — Depuis l'occupation française, les ouvrages des digues se sont multi¬ pliés dans le bas delta où les écluses construites, se comptent actuellement par centaines. Assez rares sur le canal des Bambous, elles sont très nom¬ breuses sur le Tra-Ly le canal de Nam-Dinh, le Fleuve Rouge à l'aval de Tân-Dê, et sur tous les défluents secondaires qui traversent la province de Thai-Binh, au Nord du Tra-Ly. Plus haut, en particulier, dans les digues du canal des Rapides, des ouvrages, complétant l'œuvre annamite ont été exécutés pour assécher certains casiers bas de la province de Bac-Ninh. On est ainsi arrivé à assurer, dans d'excellentes conditions, l'irriga¬ tion et le drainage du bas delta ainsi que l'assèchement de quelques parcelles basses du moyen delta. À ce point de vue, de grands travaux, ayant pour base la fermeture du Day, à l'aide d'un barrage automatique, sont actuellement envisagés : l'abaissement du plan d'eau de ce défluent permettra une grande partie de l'année, l'évacuation des profondes dé¬ pressions existant sur ses deux rives. En ce qui concerne les travaux de colmatage, des essais ont été faits, mais on s'est heurté à des difficultés dont s'accommodent mal les popu¬ lations, et qui résultant de la lenteur d'évacuation des eaux décantées et de l'inutilisation d'assez longue durée des terrains à traiter. C'est line question demandant une mise au point préalable, mais qui ne peut être que facilitée par l'existence des endiguements longitudinaux des fleuves. Nous devons, en somme, conclure de ce qui précède nue les digues sont susceotibles d'apporter une aide précieuse aux irrigations par prises directes, au drainage, et, le cas échéant, au colmatage et à la fertilisa¬ tion des casiers bas. Elles ne peuvent donc, en aucune façon, être une entrave au déve¬ loppement agricole du delta tonkinois. T1 y a là une déplorable légende, aussi iniustiflée nue celle de l'exhaussement du lit drs fleuves endigués, et au'il convient de chasser, comme elle, des esprits inquiets, qui veu¬ lent à tout prix voir dans les digues du pays, en même temps qu'un . - * ' ■ cons'tnnt danger, une cause de dévalorisation du vaste terroir qu'elles protègent. § 6. — Nécessité de la conservation des digues au Tonkin Si l'on considère, d'une part, la faible altitude de l'ensemble du delta, d'autre part, la grande étendue des bassins versants et la masse d'eau con¬ sidérable qu'ils reçoivent, on conçoit que, — les digues étant arasées —• — 27 - le lleuve et ses défluents seraient insuffisants pour évacuer à la mer les apports des crues, sans débordements d'une exceptionnelle gravité. On. est obligé de reconnaître que, sans les digues, l'inondation, pres¬ que continuelle, aurait peu à peu modifié la topographie des lieux ; les apports de limons auraient insensiblement colmaté les cuvettes, en même temps que se seraient développés les bourrelets longitudinaux des fleu¬ ves. Là, comme ailleurs, l'altitude de l'ensemble des terrains se serait accrue et les ravages des inondations auraient été moins graves. Il ne pouvait en être ainsi au Tonkin. Vraisemblablement, si, à l'époque ancienne où furent construites les premières digues, les popu¬ lations déjà denses avaient pu profiter suffisamment des produits de la terre, elles ne se seraient point astreintes aux laborieux travaux de dé¬ fense alors exécutés. Les digues du Tonkin se sont, en somme, imposées de tout temps. Sans elles, c'eut été fréquemment la famine et l'exode sans cesse croissant de l'habitant vers des régions moins menacées. Actuellement, la question, si souvent agitée de la suppression des di¬ gues, ne doit plus se poser : elles sont devenues indispensables pour une mise en culture suffisamment vaste, au profit d'une région surpeuplée. La population du delta tonkinois se chiffre en effet" à 3.500.000 habi¬ tants, représentant une densité de 500 habitants au kilomètre carré. Des études méticuleusement conduites, — en particulier, après la grande crue de 1.915 (1) — font ressortir, avec une netteté impression¬ nante, ce que deviendraient, sans les digues, pour une période de très longue durée, les rizières tonkinoises. Le profil en long schématique ci-joint (PL II), dressé à cette époque, — et qui intéresse les terrains de la rive droite du Fleuve Rouge, com¬ pris entre Lien-Mac et l'embouchure du Day, est à ce sujet particu¬ lièrement significatif. La zone teintée montre ce nue serait, — compte tenu de l'altitude des marées, — l'inondation après l'arasement des remblais de défense : on voit qu'en période de hautes mers la submersion du moyen et du bas delta serait presque générale, avec une lame d'eau atteignant sou¬ vent 1 m. 50 et même 2 mètres d'épaisseur. Ce document indique en outre quelle pourrait être l'importance de la submersion, par les flots salés, des casiers du bas delta, après la sup¬ pression des digues littorales. L'inondation serait d'ailleurs alimentée durant de longs mois. Les premiers débordements du lit mineur se produisent er> effet dès Tnn- parition à Hanoi d'une crue de cote C7.00") et le fleuve ne descend nés (1) Voir Notice de M. Peytavin du 10 avril 1916, — 28 - au-dessous de cette altitude dans toute la période comprise entre le 15 juin et le 15 septembre ; de nouvelles montées apparaissent même sou¬ vent au-delà de cette dernière date. Ces constatations montrent immédiatement la répercussion désas¬ treuse que pourrait avoir l'arasement des digues sur la production rizi- cole du Tonkin.. La culture des riz du 10; mois, dont le repiquage a lieu de juillet à août et la récolte en novembre serait à peu près'im¬ possible sauf sur quelques points hauts de superficie très réduite ; celle des riz du 5e mois, qui s'effectue surtout dans les casiers du bas delta, serait diminuée de moitié. On peut conclure de là que la suppression des digues du Tonkin en- trainerait, avec la ruine immédiate de ce pays, l'émigration de deux- mi liions d'indigènes. Ce n'est que dans un avenir très lointain que les générations futures pourraient reprendre possession du sol de leurs ancêtres. On a calculé en effet, — en tenant compte des dépôts localisés des sables lourds et de l'évacuation à la mer d'une partie des alluvions, — que les exhaus¬ sements par colmatage des terrains submergés n'atteindraient que quel¬ ques millimètres par an, et qu'il faudrait, dans ces conditions, plusieurs siècles pour donner à l'ensemble du delta une altitude suffisante poul¬ ie mettre à l'abri des inondations dangereuses. — C'est là une solution chimérique à laquelle il n'est point possible de s'arrêter. En somme le régime hydrographique du bassin du Fleuve Rouge et la topographie spéciale de ses terrains de faible altitude générale, mais comportant néanmoins des bourrelets saillants et des cuvettes basses, font que le delta tonkinois ne peut être comparé aux autres deltas de la Colonie, en particulier, à celui de la Cochinchine. Ailleurs les digues ne sont point nécessaires ; ici elles se sont imposées de tout temps ; malgré leurs incontestables inconvénients, elles s'imposent plus que jamais, du fait de l'énorme population qu'elles protègent el qui vit grâce à elles. Cela justifie pleinement les décisions prises chaque fois que l'oppor¬ tunité des endiguements du Fleuve Rouge et de ses d.éfluents a été dis- culée. Les enquêtes faites et les discussions engagées à ce sujet, tant par les souverains annamites que par des Commissions spéciales insti¬ tuées depuis l'occupation française ont toutes conclu à la nécessité des digues. Nous citerons, d'une part, les résultats des enquêtes faites en 1803 par Gia-Loue. en 1833 et 1836 par Minh-Mang, en 1872 par Tu- Duc ; d'autre part, les conclusions des Commissions réunies par l'Ad¬ ministration du Protectorat en 1886, 1895, 1905 et 1915. CHAPITRE II Moyens envisagés an Toiiltiu. powr diminuer l'altitude (les ernes. Sommaire. — § 1er. — Classement des solutions étudiées. — § 2. Créa¬ tion de réservoirs d'emmagasinernent. — § 3. — Reboisement des hautes régions. —- S 4. Evacuation du trop-plein des crues dans des cuvettes naturelles. — § 5. Amélioration du lit majeur du Fleuve Rouge. — § 6. Aménagement des défluents existants ou création de nouveaux défluents. — § T. Aménagement du lit mineur ; régularisa¬ tion par redressements. — § 8. Utilisation agricole des eaux de crues. — § 9. Conclusions sur l'emploi au Tonkin des moyens clas¬ siques préconisés pour diminuer l'altitude des crues. § 1er. — Classement des solutions étudiées Nous avons fait ressortir, dès le début de la présente étude, les avan¬ tages particuliers des travaux susceptibles d'abaisser le plan d'eau des crues, avantages qui se traduisent par une réduction de l'importance des remblais de défense et, dans une certaine mesure, par une atténua¬ tion de la gravité des catastrophes, en cas de rupture des digues. L'intérêt de la question n'a point échappé aux Ingénieurs français qui ont successivement cherché à appliquer &u Fleuve Rouge toutes les méthodes pouvant être envisagées pour diminuer l'altitude de ses crues. Ils ont, en. effet, tour à tour songé: au reboisement des versants ; à la construction de barrages de retenue ; à l'évacuation du trop-plein des crues dans des cuvettes naturelles ; à l'amélioration du lit majeur du fleuve ou à l'aménagement de ses défluents ; au redressement de son lit ; enfin, à l'utilisation agricole des eaux troubles à la montée des eaux, — 30 — § 2. — Reboisement des hautes régions Les versants dénudés et à foule pente apportent rapidement aux lliaL wags la presque totalité des eaux reçues, qui entraînent avec elles les matières solides arrachées au sol. Les forêts, par contre, avec l'encombrement de leur végétation, op¬ posent un obstacle fort appréciable au ruissellement. Le feuillage des arbres retient, en outre, une partie des pluies qui disparaît par évapo- ration, tandis que les racines facilitent 1 Infiltration de l'eau dan§ le sol, et surtout dans Fépaisse couche spongieuse d'humus que consti¬ tuent à la longue les débris végétaux accumulés. Ces facteurs favorables font des forêts un régulateur des crues et on a,-par suite, intérêt, chaque fois que cela est possible, à reconstituer la végétation qu'un déboisement millénaire a, dans bien des ca,s, peu à peu supprimée'. Au Tonkin, les défrichements irraisonnés, pratiqués par les popula¬ tions des hautes régions, et les incendies des montagnes, ont peu à peu diminué l'importance des forêts qui, à une époque lointaine, recou¬ vraient la totalité des versants du Fleuve Rouge et de ses affluents. Le problème paraît difficile à résoudre. On ne saurait, en effet, re¬ constituer la végétation disparue sur d'immenses étendues peu habitées ou inhospitalières et qui échappent au Contrôle forestier ; à plus forte raison on ne saurait arriver, en territoire chinois à un résultat quel¬ conque. L'inconvénient du déboisement, dans le cas particulier du Fleuve Rouge, est d'ailleurs moins grave qu'on est tenté de le croire. On cons¬ tate, en effet, généralement, qu'en Extrême-Orient, la grande forêt anéantie est rapidement remplacée par une brousse épaisse et haute, qui est de nature à s'opposer dans une large mesure à l'écoulement des eaux de ruissellement. § 3. — Création de réservoirs d'emmagasinement On peut diminuer l'importance des crues, quand la topographie des lieux s'y prête, en fermant les vallées des régions hautes, soit sur le cours d'eau lui-même, soit sur ses affluents. On constitue ainsi des bar¬ rages-réservoirs qui peuvent, dans certains cas, retenir des masses d'eau considérables. Si les crues sont de faible durée, leur importance peut être ainsi réduite et le danger d'inondation diminué. — 3i - Un exemple de barrage de ce genre est celui construit en France, sur le Furens, qui atténue très sensiblement le danger des crues de la Loire. De façon fort générale, nous devons dire que les grands barrages, en tant que régulateurs des crues, sont assez critiqués ; leurs avantages se réduisent, la plupart du temps à une utilisation purement locale, pour la production de force motrice. Nous ajouterons encore que les réservoirs, créés en pays montagneux, sont exposés à un colmatage rapide et que leur capacité se trouve, de ce fait, dans un temps relativement court, singulièrement réduite (1). Au Tonkin, les hautes vallées resserrées du Fleuve Rouge, de la Ri¬ vière) Noire et de la Rivière Claire se prêteraient assez bien à l'exécution de barrages de retenue. Malheureusement, les crues sont ici trop importantes et de trop lon¬ gue durée pour qu'il soit possible de s'arrêter à cette solution. On a calculé, en effet, que pour abaisser devant Hanoi le plan d'eau de 1 mètre pendant 6 jours, il faudrait pouvoir emmagasiner 1.700 millions de mètres cubes d'eau. Les barrages nécessaires de¬ vraient être nombreux et de dimensions supérieures à celles de tous les grands ouvrages existants. Ce serait une dépense énorme à engager et cela, sans résultats définitifs. Pour ces dWerses raisons, M. Normandin a définitivement condamné au Tonkin la solution des grands barrages, dans sa note sur les crues du Fleuve Rouge du 30 mai 1924 (2). § 4. _ Evacuation par déversoirs du trop-plein des crues dans des cuvettes naturelles On peut diminuer le danger d'une crue en rejetant sur des dépres¬ sions où l'inondation n'offre point d'inconvénient, la lame d'eau dé¬ passant une altitude déterminée. Cette évacuation peut être réalisée, soit à l'aide de déversoirs de superficie, soit à l'aide de siphons s'amor- c-ant automatiquement dès que la crue devient dangereuse. L'idée d'évacuer une partie des crues du Fleuve Rouge, à l'aide de déversoirs pratiqués dans les digues, a toujours particulièrement i n té - (1) En Algérie, le réservoir de Tlélat ne contient plus que 24.000 m3 au lieu de 720.000 lors de sa construction ; celui de Djidiouia qui pouvait contenir 700.000 m3 en contient à peine 70.000. (2) Annales des Ponts et Chaussées (janvier-février 1925). — 32 — ressé les Ingénieurs qui, à la Colonie, se sont souciés de la question cle§ inondations. —- On doit reconnaître d'ailleurs que la solution est une des seules capables de donner un résultat certain sans dépenses excessives. Elle a reçu il y a quelques armées un commencement de réalisation ; il est vraisemblable que des résultats satisfaisants auraient été obtenus, sans l'hostilité rencontrée de la part des indigènes, et qui a dû se tra¬ duire par l'abandon des travaux et des expériences ébauchés. Trois cuvettes du haut delta peuvent être utilisées dans ce but : l'une dans la région de Viétri, l'autre dans la province de Son-Tay, la troi¬ sième dans celle de Vinh-Yên. L'aménagement du. casier de Viétri, compris entre le Fleuve Rouge, la Rivière Claire et le Chemin de fer du Yunnan, n'a point été envi¬ sagé ; sa capacité a été jugée trop faible ; il présente, en outre, l'in¬ convénient de ne point comporter d'exutoire. La dépression de Son-Tay est comprise entre la Rivière Noire, le Fleuve Rouge, le Day et la Route coloniale 110 6. Son utilisation pré¬ senterait deux inconvénients : celui de nécessiter une surélévation de la route ci-dessus pour obtenir une capacité suffisante ; celui aussi de re¬ jeter les eaux reçues, sinon dans le fleuve lui-même, tout au moins dans un de ses principaux défluents, le Day. Cette solution ne saurait d'ailleurs être reprise à l'heure actuelle, du fait de la création dans la région envisagée, d'un important réseau d'irrigation (station de pompage de Pliu-Xa). L'aménagement de la cuvette de Vinh-Yên, limitée par la Rivière Claire, le Fleuve Rouge, le S on g Ca-Lo et les monts du Tam-Dao, a paru préférable aux deux autres. La capacité de la dépression, qui est de 1.200 millions de mètres cubes, aurait permis d'absorber, pendant 5 jours, un débit de 3.000 mètres cubes à la seconde et d'abaisser ainsi à l'aval le plan des crues de 0 m. 50 environ. Ce sont là des chiffres intéressants, et le projet envisagé dès 1895. favorisé par quelques circonstances heureuçes, semblait susceptible d'une facile réalisation. La cuvette de Vinh-Yên présente, en effet, l'avantage de comporter un exutoire vers le Song Thai-Binh, par l'intermédiaire du Song Ca- Lo et du Song Cau et non point vers le bassin du Fleuve Rouge comme les deux dépressions précédentes. Les populations, exposées à la fois aux inondations du Song Ca-Lo, au ruissellement des versants du Tam-Dao et aux ruptures des digues du Fleuve Rouge, n'avaient pas fait d'opposition préalable à une sub- — 33 — mersion régulière dont elles ne saisissaient pas d'ailleurs exactement les effets. Celte submersion, d'assez courte durée, du fait de l'évacuation rapide assurée, n'aurait que rarement détruit les récoltes, et les terres en cul¬ ture auraient bénéficié de l'apport des limons du fleuve. Dans ces conditions, il fut possible, en 1896, d'exécuter sans aucune difficulté, les déversoirs envisagés. Mais à la première crue qui les.uti¬ lisa, en 1899, les indigènes, contrairement à l'accord intervenu, s'op¬ posèrent, devant l'inondation en résultant, au fonctionnement de la plupart d'entre eux. On doit reconnaître d'ailleurs que les coupures, exécutées sans revêtements, s'agrandirent rapidement, et continuèrent à fonctionner bien au-dessous de la cote prévue. Des travaux, exécutés par la suite, dans la province, ont contribué à accentuer cette première hostilité rencontrée. D'une part, le Song Ca- Lo fut barré à son embouchure et les chances d'inondation réduites de ce fait ; d'autre part, il fut exécuté des travaux d'assèchement dans la région de Phuc-Yên. Mieux défendues contre l'envahissement des eaux, les populations du Vinh-Yên, par un sentiment bien humain, n'ont pas voulu consentir à un sacrifice qui devait favoriser unique¬ ment les régions de l'aval. De graves difficultés sont alors apparues lors des crues de 1905 et 1909, et l'utilisation de ces déversoirs fut abandonnée. On a songé, plus tard, en 1917, à remplacer les déversoirs, — qui comportaient le double inconvénient d'être fragiles et de débit dif¬ ficilement réglable, — par des siphons s'amorçant à la cote désirée et cessant de fonctionner par la manœuvre d'un dispositif approprié. Après un essai satisfaisant d'un ouvrage de ce genre, — détruit plus tard par une coupure de la digue, — on a reculé, pour la généralisation de ce procédé, devant la dépense qu'il aurait entraînée. On a fait enfin, l'année suivante, l'essai, qui n'a pas été renouvelé, d'un déversoir comportant un barrage à poutrelles, permettant de régler l'épaisseur de la lame déversante. Depuis lors, on a, en pratique, renoncé à ce moyen de défense, qui amplifié et perfectionné, aurait pu, peut-être, donner des résultats satis¬ faisants s'il ne s'était heurté à l'opposition irréductible des populations. On doit ajouter d'ailleurs que les avantages du système, probables pour de très nombreuses années, auraient cependant été peu à peu at¬ ténués du fait du colmatage progressif des terrains submergés. Bien que ce colmatage dut être vraisemblablement très lent, il n'en faut pas moins observer qu'il eut à la longue fait disparaître le bénéfice à retirer de cette solution. 34 ~ § 5. — Amélioration du lit majeur du Fleuve Rouge Les digues du Fleuve Rouge constituées peu à peu sous les dynasties annamites, par les travaux de nombreuses générations, ont conservé presque partout leurs tracés primitifs. Ces tracés, arrêtés au hasard, sans études spéciales, sans souci d'une coordination dans les travaux des deux rives, devaient fatalement présenter de graves défectuosités. Lu lit majeur artificiel créé par les digues est d'une largeur très va¬ riable, présentant des maxima de 7 kilomètres, et des minima de 1.100 mètres entre Yiétri et Hanoi, de 500 mètres, entre Hanoi et Hung-Yên. Dans les vastes épanouissements créés, où les dépôts d'alluvions ont été considérables, des casiers intérieurs sont apparus avec l'obstacle de leurs endiguements secondaires, de leurs villages et de leur végé¬ tation. Dans le détail des tracés, les sinuosités à faible rayon se multi¬ plient souvent d'une façon irraisonnée. En présence, d'une part de l'énorme masse des remblais déjà ac¬ cumulés qu'il faudrait abandonner, d'autre part, de la quantité plus grande encore des terres qu'il faudrait entasser dans les casiers bas actuellement protégés, on n'a pas cru devoir envisager jusqu'à ce jour la régularisation des tracés de ces digues. On n'a pas cru devoir non plus s'arrêter l\ l'élargissement systémati¬ que du lit majeur parfois préconisé dans certains rapports parlemen¬ taires. Il a été démontré qu'un accroissement d'un kilomètre de l'écar- lement, des digues entre Hanoi et Hung-Yên n'aurait pour conséquence qu'un abaissement de quelques centimètres seulement du niveau des crues. On conçoit de ce résultat, peu à peu, atténué par le colmatage d'un lit majeur plus grand, ne compenserait point les formidables dépenses nécessitées. Il est à présumer d'ailleurs que l'incorporation, dans la zone submersible, d'une grosse superficie rie propriétés jusque là dé¬ fendues, ne manquerait pas de soulever de véhémentes protestations de la part des populations intéressées. Devant toutes ces difficultés on s'est, en somme, jusqu'ici contenté d'exécuter des variantes éloignant les digues du. fleuve, dans les parties les plus menacées, et d'atténuer ou de supprimer les sinuosités excessives du tracé. Quelques digues neuves importantes ont, de ce fait, été créées. On peut, citer, en particulier, sur la rive droite du Fleuve Rouge, les contre- digues de Ha-Tri (5 kilomètres) et de Vinh-Xuân et, sur la rive gauche. — 35 — la digue de Lam-Giu, la contredigue de Hai-Bôi et quelques variantes en cours d'exécution sur les provinces de Phuc-Yên et de Yinh-Yên (1). D'autre part, tous les projets de renforcements entrepris depuis 1926, ont comporté 1 amélioration des courbes saillantes ou concaves des an¬ ciens tracés. Nous dirons enfin que des mesures administratives ont été prises pour enrayer les empiétements nouveaux du lit majeur et assurer sa désobs- truction progressive. Nous citerons à ce sujet l'arrêté du T"- juillet 1917 de M. le Résident supérieur au Tonkin. § 6. — Amélioration des défluents ou création de nouveaux défluents Un fleuve, qui se développe dans un cône de déjection comme celui qui constitue le delta du Tonkin, comporte généralement des défluents dans lesquels se répartit l'apport des crues. Si ces bras secondaires sont nombreux et de section importante, les débits, dont ils sont capables, sont de nature à réduire l'altitude des crues et par suite l'effet des inondations. En Cochinchine, les multiples bras se détachant du Mékong, en par¬ tagent les eaux et suffisent généralement à empêcher toute submersion préjudiciable au développement des rizières. On a donc intérêt quand des défluents existent à les améliorer par des travaux appropriés (curages, approfondissements, etc...), de façon à aug¬ menter leur section, à régulariser leur pente, à leur assurer enfin, en période dangereuse, un débit plus considérable et plus régulier. On a naturellement au Ton.kin songé à se rendre compte s'il n'y avait point possibilité d'abaisser le niveau des crues en augmentant le débit des défluents du grand fleuve, en particulier de ceux situés à l'amont, d'Hanoi, qui seuls peuvent avoir une influence appréciable sur l'alti¬ tude des eaux dans le moyen delta, c'est-à-dire dans la zone la plus exposée. — Ces défluents sont au nombre de trois ; le Song Ca-Lo et le canal des Rapides sur la rive droite, et, sur la rive gauche, le Day, au droit du Song Ca-Lo. Aménagement du, Song Ca-Lo. — Le Song Ca-Lo a été, comme nous l'avons vu, barré en 1900 pour faciliter l'évacuation du réservoir de Vinh-Yên ; sa réouverture permettrait, en période de fortes crues, un (1) On vient, en outre, d'ébaucher les travaux de grandes digues neuves à Vu- Diên, Nhu-Trac et Phuong-Tra (Hanam). — 36 - prélèvement qui a été évalué à 1.000 mètres cubes environ. — Le bar¬ rage actuel protège de l'inondation les provinces de Vinh-Yên et de Phuc-Yên ; la remise en eau. de ce défluent secondaire et son aména¬ gement nécessiteraient de forts endiguements. On peut se demander, dans ces conditions, si la dépense à engager serait compensée par une amélioration suffisamment apparente du régime des crues du Fleuve Rouge. Aménagement du Day. — L'étude la plus approfondie qui ait été faite est celle de l'aménagement du Day. — On prétend que ce défluent, jadis important, a eu son débit très diminué par suite de la construction de la route de Hanoi — Son-Tay. Il est actuellement, en période d'étiage, complètement bouché à son confluent avec le fleuve alimentaire et ne débite qu'en temps de crues. Son régime est très complexe : il reçoit en effet, non seulement les eaux du Fleuve Rouge, mais celles des ver¬ sants du Ravi et de tous les massifs rocheux situés sur sa rive droite, il reçoit en outre l'apport du canal de Nam-Dinh. L'étude de l'aména¬ gement de ce défluent est, de ce fait, fort compliquée et les résultats qu'elle a donnés (évacuation de 3.700 mètres cubes supplémentaires) n'offrent point une certitude satisfaisante. On a fait remarquer, d'au¬ tre part, cpie depuis le confluent, le chemin parcouru par les eaux est sensiblement plus long par le Day que par le Fleuve Rouge (240 kilo¬ mètres au lieu de 200) et qu'ainsi apparaissait un doute dans l'efficaci¬ té de l'aménagement. Le projet, étudié après la grande crue de 1915, n'a pas été repris. Aménagements du Canal des Rapides. — L'utilisation du Canal des Rapides paraît, à première vue, susceptible de donner de meilleurs ré¬ sultats. La distance du confluent à la mer est plus courte par le canal et le Thai-Binh que par le Fleuve-Rouge ; ce défluent présente, d'autre part, en période de crue, un plan d'eau à pente relativement forte au départ, circonstance favorable à l'augmentation du débit. Son aménage- gent présente par contre l'inconvénient possible d'un transport lointain d'alluvions susceptibles de compliquer l'entretien, du chenal d'accès au port d'Haiphong. — Il est de nature en outre à changer le régime du Song Thai-Binh, au préjudice d'une population nombreuse. — Le Canal des Rapides enfin se déplace dans des terrains très sablonneux, et ses digues, longtemps fragiles, ont, à un moment donné, justifié la cons¬ truction d'un barrage de fermeture qui a été emporté par la suite. Il serait dangereux, dans ces conditions, malgré les renforcements actuels des endiguements, de chercher à augmenter le débit de ce défluent. Pour toutes les raisons ci-dessus, un aménagement spécial du Canal des Ra¬ pides n'a pas été retenu. — 37 ~ Création de nouveaux défluents. — On a pensé enfin à créer un dé- fluent à l'aval du canal des Rapides ; l'étude ébauchée prévoyait un canal de 40 kilomètres de longueur, dont le fond aurait suivi le thalweg des rizières et qui aurait été limité par des digues de 4 mètres environ de hauteur. Ce défluent devait donner un débit de 1.200 mètres cubes à la seconde pouvant abaisser à l'aval le plan d'eau de 0 m. 25 environ. — La solution aurait l'inconvénient d'augmenter le réseau des digues à sur¬ veiller et de supprimer 1.500 hectares de terrains en culture. L'avan¬ tage de ce gros travail n'a pas été jugé suffisant pour justifier sa mise en œuvre. Conclusions sur l'aménagement des défluents. — Cette question de l'aménagement des défluents des fleuves à delta est excessivement déli¬ cate ; elle l'est particulièrement pour les défluents du Fleuve Rouge, du fait de l'exceptionnelle mobilité de leur lit. On conçoit, en effet, la difficulté de discipliner, én période de crues, sur de grandes longueurs (plus de 100 km) les formidables masses d'eaux boueuses qui se déplacent elles-mêmes entre des rives et sur des fonds inconsistants. Il est à craindre que les eaux, trouvant un chemin plus facile dans le bras aménagé, s'y ouvrent un chenal d'une importance imprévue et reportent ainsi sur le défluent une grosse part du danger partiellement évité sur le fleuve principal. Il est à prévoir aussi que celui-ci, débitant moins à l'aval, aura une puissance d'érosion plus réduite qui pourra se traduire à la longue par une diminution de la section mouillée ; s'il en est ainsi, le plan des crues reprendra peu à peu son altitude ancienne. Enfin, il est permis de supposer que le volume supplémentaire des alluvions apportées au défluent ait pour effet de ne donner à l'accrois¬ sement de débit du bras aménagé qu'une durée momentanée. Il ne paraît pas, — pour toutes ces raisons, — possible de considérer que l'aménagement de l'un des grands défluents du Fleuve Rouge, puis¬ se se traduire, même au prix de grosses dépenses, par des avantages appréciables et définitifs. § 7. — Aménagement du lit mineur. — Régularisation par redressements Il est une méthode de régularisation des rivières à courant libre qui consiste, par un redressement du lit, à améliorer les conditions de la - 38 - navigation. La suppression des méandres raccourcit les trajets à par¬ courir ; les pentes, du même coup, se trouvent accrues ainsi que les vitesses et, par suite, la puissance d'érosion des eaux ; il résulte de là que les seuils disparaissent peu à peu et que le mouillage s'améliore daris les passes difficiles. La mesure ayant, en somme, pour conséquence un. approfondisse¬ ment du lit, doit se traduire par un abaissement corrélatif du plan d'eau, circonstance favorable pour la défense contre les inondations, en pério¬ de des crues. Cette solution, a été, dans certains cas, appliquée en Europe : on peut citer en Hongrie, l'exemple de la Theiss, dont la longueur a été, de cette façon, réduite de plus d'un tiers. Nous devons noter, dès maintenant, que ce mode de régularisation ne peut s'adapter avec succès qu'à des rivières à fond relativement ré¬ sistant et charriant peu de matières solides, et que son emploi n.e doit être, par suite, fait qu'avec beaucoup de circonspection. Nous signalerons en passant que le redressement du lit du Mississipi a été jugé en 1927, par M. E. Jardin, Major général, Ingénieur en Chef à Washington, « comme un procédé trop incertain et trop risqué, pour que son utilisation soit à recommander ». En réalité cette solution, à laquelle ont songé parfois au Tonkin des techniciens consciencieux, mais connaissant mal le delta, n'a jamais été jusqu'ici préconisée par les Ingénieurs Français ayant eu à s'occuper ici de la défense contre les inondations. Le procédé serait certainement inefficace. Toutes les rivières obéissent, de façon inéluctable, à la loi du « ser- pentement » et le Fleuve Rouge, plus que tout autre, ne saurait échap¬ per à cette règle impérative. Dès que le moindre obstacle apparaît ici, — et les crues en fournissent constamment, — le courant, dévié sur une berge inconsistante, y créé des affouillements ; la rive attaquée, d'abord rectiligne, s'arrondit peu à peu ; la vitesse augmente alors avec la cour¬ bure apparue et les eaux sont rejetées sur la rive opposée, où le même phénomène se reproduit. En somme, en terrains instables, — et c'est incontestablement le cas du delta, — une régularisation du lit mineur, non accompagnée d'ou¬ vrages de défense presque continus, ne saurait être durable. Dans le cas particulier des redressements, les sinuosités, dans un temps plus ou moins long, se substitueraient aux alignements artificiellement créés, et le danger, momentanément évité, réapparaîtrait infailliblement. La besogne à envisager serait d'ailleurs considérable ; elle devrait porter sur de multiples rectifications intéressant des sections de grandes dimensions, et qui entraîneraient souvent l'abandon des digues exis- — 39 — tantes, à reconstruire ailleurs. Les travaux à entreprendre, auraient en- lin pour conséquence la perle définitive d'importantes étendues culti¬ vées, que les occupants n'abandonneraient point volontiers. § 8. — Utilisation agricole des eaux de grue Cette solution est étroitement liée au problème général des irriga¬ tions du Tonkin, qui fait actuellement l'objet d'études de grande enver¬ gure et doit recevoir une solution prochaine sur les fonds d'emprunt à émettre par la Colonie. Nous avons fait ressortir déjà, l'importan.te quantité d'alluvions trans¬ portées par le Fleuve Rouge, en période de crues (3 k. à 3 k. 500 par mètre cube) ; nous avons signalé aussi, la construction, au temps des Rois d'Annam, dans les digues du moyen delta, d'écluses à radiers hauts permettant, en cas de sécheresse, d'utiliser les eaux des crues de moyen¬ ne importance ; nous ajouterons à cela qu'il a été fait, au Tonkin, l'es¬ sai de deux ouvrages exécutés, l'un dans la province de Phu-Tho, l'autre dans celle de Ha-Nam, dans le but d'obtenir, — en employant l'eau trouble des crues, — le colmatage des cuvettes basses, impropres à la culture des riz du 10e mois. Ainsi apparaît la possibilité d'une solution fort séduisante consistant à abaisser l'altitude des crues en multipliant les ouvrages de prise du haut et du moyen delta, opération qui se traduirait, du même coup, par une rapide amélioration des terrains endigués. La topographie et le régime hydrographique du bassin du Fleuve Rouge se prêteraient assez bien à ce projet. Les eaux fournies aux casiers à fertiliser pourraient, en effet, après décantation, s'évacuer : d'une part, dans le Day, dont l'utilisation serait singulièrement faci¬ litée par sa fermeture à l'aide d'un barrage automatique dont le projet est actuellement à l'étude ; d'autre part, dans le Song Thai-Binh, d'altitude inférieure à celle du Fleuve Rouge. Au point de vue de l'abaissement de l'altitude des crues, le résultat ne pourrait être appréciable que par l'utilisation simultanée d'un grand nombre d'écluses à fort débouchés ; il se traduirait accessoirement, nous le répétons, par le comblement des dépressions actuellement noyées, et par la régénération des terres surmenées. Le problème n'est point sans soulever d'assez grosses difficultés et ne peut être entrepris qu'après une étude d'ensemble de très grande envergure. Il nécessite, en dehors de l'exécution d'ouvrages coûteux. l'aménagement intérieur des casiers à colmater, l'ouverture de longs canaux d'amenée et d'évacuation, enfin des travaux de protection des réseaux d'irrigation en service ou, en cours de réalisation. Il y a là une besogne de longue haleine qui ne semble pouvoir être utilement entreprise qu'à une époque, où une sécurité suffisante des digues, permettra de procéder, sans crainte de dégâts excessifs pro¬ voqués par les inondations, à l'aménagement complet du sol tonkinois. § 9. — Conclusions sur l'emploi au Tonkin des moyens classiques, préconisés pour réduire l'altitude des crues En somme, on ne saurait au Tonkin, même au prix d'énormes dé¬ penses, envisager, avec la certitude de résultats appréciables et défini¬ tifs, la réalisation de travaux susceptibles d'abaisser sensiblement, au droit des terrains menacés, l'altitude du plan d'eau des crues. Le Fleuve Rouge et ses défluents ont un régime trop spécial, ils dé¬ bitent trop et se déplacent sur de trop grandes longueurs, dans des ter¬ rains trop instables, pour que les solutions classiques puissent ici porter tous leurs fruits. Le reboisement des hautes régions n'est point possible, pas plus d'ail¬ leurs que la création de grands barrages de retenue ; l'aménagement du fleuve, celui du Day ou celui du Canal des Rapides ne sauraient, d'autre part, malgré de gros sacrifices d'argent et de terrains, résoudre le problème pour une période suffisamment longue. Il semble, en définitive, que l'évacuation localisée des crues dans les dépressions de Vinh-Yên et de Son-Tay, préalablement aménagées, pourrait seule constituer un palliatif sérieux à la montée des eaux ; l'hos¬ tilité rencontrée, dès les premières expériences faites à ce sujet, montre à quel point cette solution a toujours paru absolument inacceptable aux populations intéressées. Quant aux évacuations multiples réparties dans le haut et le moyen delta, elles ne sauraient à elles seules résoudre le problème et se traduiraient surtout par une amélioration appréciable des terrains intéressés. Chapitre I Oéiiéralitès. — Causes de rupture des digues. Sommaire. — § 1er. Généralités ; classement cles causes de rupture — § 2. Défectuosités du tracé des endiguements ou de leur profil en long : a) défectuosités du tracé: étranglements et épanouissements du lit majeur ; proximité du fleuve ; b) défectuosités du profil en long : hauteurs excessives, hauteurs insuffisantes — § 3. Cheminement de l'eau sous les digues ou au travers des digues : a) Cheminement de l'eau sous les digues : cas des terrains sablonneux ; cas des terrains mouvants ; effets des n.appes artésiennes ; b) Cheminement de l'eau au travers des digues : effets de l'imbibition ; éboulements des talus extérieurs ; renards et suintements ; cheminement de l'eau dans les remblais argileux. — Causes accidentelles des chemins d'eau : danger des ouvrages d'art ; présence d'animaux souterrains. § 1er. — Généralités. — Classement des causes de rupture des digues Devant l'obligation de renoncer aux travaux spéciaux habituellement envisagés pour diminuer l'altitude des crues, il n'est resté finalement au Tonkin, pour combattre l'inondation, cpie l'unique ressource d'op¬ poser à la menace des eaux, des remblais suffisamment hauts, étanclies et robustes. La solution qui consiste à se défendre contre les inondations exclusi¬ vement à l'aide d'endiguements insubmersibles, ne se heurte d'ailleurs point, à d'insurmontables difficultés, surtout si les hauteurs des rem¬ blais doivent rester dans des limites admissibles, et c'est précisément le cas pour le Fleuve Rouge. On doit reconnaître d'ailleurs que, tout en poursuivant l'étude des moyens de défense accessoires ci-dessus détaillés, les Ingénieurs Fran- - 44 — cais ont, dès le début de l'occupation, cherché à donner, d'année en année, plus de sécurité aux digues du delta. Les efforts faits dans ce sens ont été considérables et se poursuivent encore vigoureusement à l'heure actuelle. Ils ont porté successivement sur l'amélioration du pro¬ fil et de la section des digues, sur le perfectionnement des moyens d'exé¬ cution des terrassements, enfin sur la protection des remblais particu¬ lièrement exposés. Pour bien comprendre la nécessité des soins à apporter dans l'étude et l'exécution des endiguements, il est utile de connaître les causes des accidents qui ont pu être constatés. L'histoire des ruptures des digues constitue ainsi un utile enseignement, donnant les moyens de prévoir le danger, de le combattre efficacement, de réaliser enfin des améliora¬ tions devant donner aux digues de l'avenir un maximum de sécurité. Le Tonkin comporte à ce point de vue un passé particulièrement im¬ pressionnant et dispose de ce fait, — par une juste compensation — du bénéfice de la pénible expérience des accidents qui trop souvent dévastèrent le delta (1). Les causes de rupture des digues, que nous détaillerons ci-après avec des exemples choisis dans le pays, — peuvent se classer en deux grandes catégories : celles inhérentes au mauvais tracé des endiguëments ou aux défec¬ tuosités de leur profil en long ; celles résultant du cheminement de l'eau dans le sous-sol ou aux tra¬ vers des remblais. § 2. — Défectuosités du tracé des endiguements ou de leur profil en long a) Défectuosités du tracé. Etranglements ou épanouissements du lit majeur. — Quand l'écarte- ment, des digues des deux rives a été rationnellement établi sur de longs tronçons, le plan d'eau des crues présente une pente continue et les vitesses du courant ne sont point sujettes à de brusques variations. (1) Pour ne citer que quelques accidents récents, nous dirons que la crue de 1913 a provoqué une trentaine de ruptures, celle de 1915, 48 ruptures, enfin celle de 1926, 5 encore (3 sur le Fleuve Rouge, une sur le canal des Bambous , une autre sur le Song Trà-Ly). - 45 - Il en est tout autrement si des étranglements ou (les épanouissements viennent changer le régime de l'écoulement. Tout rétrécissement du lit se traduit par un remous d'exhaussement à l'amont, une chute à l'aval et un accroissement de vitesse erRre les deux biefs. La surélévation du plan d'eau est de nature à augmenter très sensiblement la charge des digues et leur chance de submersion ; l'augmentation de vitesse au-delà de l'étranglement peut, d'autre. part, être un danger pour les remblais. L'inconvénient des étranglements, peut être fort sérieux s'il n'y est point paré, soit par une rectification des endiguements trop rapprochés, soit, tout au moins, par l'exhaussement et le renforcement des remblais menacés. On attribue aux étranglements du lit majeur du Fleuve Rouge cer¬ taines ruptures de digues du Tonkin : M. l'Ingénieur en Chef Denain cite, en particulier, dans un rapport du 15 janvier 1917, la rupture de Lien-Mac, qui serait due au rétrécissement des Quatre-Colo.nnes à l'a¬ mont d'Hanoi. Nous dirons aussi qu'une des régions du delta tonkinois qui ont été, dans le cours des siècles, les plus bouleversées par la ruée des eaux, à la suite de rupture de digues, est certainement celle située à l'amont de deux étranglements successifs des digues du Fleuve Rouge, dont le pre¬ mier se trouve au droit des villages cle Cam-Co sur la rive droite et de Phu-Ti, sur la rive gauche. A Phi-Liêt (Bac-Ninh), en particulier, les ruptures ont été très fré¬ quentes : un vieux mandarin de la province a affirmé en avoir connu dix-huit dans sa carrière ; plus récemment on a eu à déplorer deux nouvelles brèches, l'une en juillet 1915, avec une crue de cote (11.20) l'autre en juillet 1924, avec une crue de cote (11.12). L'autre rive a été également éprouvée ; nous ne citerons que les gran¬ des brèches de Xam-Duong et de Xam-Thi, l'une de 120 m. de largeur, l'autre de 650 m., qui ajoutant, en 1915, leur débit à celui de la cou¬ pure de Liên-Mac ont causé la plus grande inondation connue des ca¬ siers de Hadong, Phu-Ly, Nam-Dinh et Ninh-Binh. Nous donnons ci-joint, (Voir Pl. III) un extrait de carte au 1/25.000e qui fait ressortir : d'une part les étranglements en question qui limi¬ tent le lit des crues à une largeur de un kilomètre environ, après un épanouissement atteignant 6.500 m. ; d'autre part, les traces laissées, dans les casiers ' inondés par les courants issus des brèches successive¬ ment ouvertes clans les digues. Sans vouloir attribuer à cette situation défavorable des endiguements des deux rives la totalité des accidents survenus, nous avons cru devoir néanmoins souligner la coïncidence. N-ous nous empressons d'ailleurs d'ajouter que de très importants tra- - 46 - vaux d'exhaussement, de renforcement et d'étanchement ont été exécu¬ tés, dans la région, au cours de ces dernières années et que, depuis, les digues en charge par de fortes crues n'ont donné lieu à aucune inquié¬ tude. . Tout épanouissement du lit majeur se traduit, au contraire, par une réduction de pente et par. suite de vitesse ; il se produit, dan.s ce cas, une précipitation abondante d'aliuvions et les bancs formés sont de nature à créer des tourbillons ou des divagations du fleuve d'une rive à l'autre, toutes circonstances défavorables encore à la solidité des rem¬ blais de défense. Proximité du fleuve. — Les digues trop rapprochées du lit mineur son.t exposées à un écroulement dans le fleuve, si les berges peu consis¬ tantes viennent à être sapées par le courant des crues. L'accident est particulièrement à craindre près des rives concaves, où la vitesse s'am¬ plifie et où, par suite, l'érosion peut devenir très rapide. Il va de soi que tous les travaux de renforcement des digues deviennent illusoires si les remblais restent exposés à ce danger particulièrement grave. L'usure des berges est surtout à craindre dans le cas des cours d'eau se déplaçant en terrains alluvionnaires. De ce fait, dans le delta du Tonkin, les courbes concaves des fleuves restent toujours une menace sérieuse pour les digues, dont elles se rapprochent d'année en année, si elles ne sont point fixées à temps. Dans les études de digues, — qu'il s'agisse d'un réseau à créer ou de variantes s'imposant sur un réseau en service, — il est donc essentiel d'éloigner le plus possible les remblais du fleuve, surtout au droit de ses berges concaves. Ce principe a largement été appliqué au Tonkin dans les projets récents des longues digues neuves du Vu-Diên, Nhu- Trac et Phuong-Tra, dont la construction est en cours sur la rive droite du Fleuve Rouge. Nous verrons plus loin que pour parer au danger des érosions, il convient non seulement d'étudier sévèrement le tracé des digues, mais d'entreprendre en même temps la défense des berges menacées. b) Défectuosités du profil en long. Hauteurs excessives. — Le fait, pour une digue de défense contre les inondations, d'être haute, paraît, à première vue, une qualité essen¬ tielle ; il semble bien que son profil en long sera d'autant meilleur, qu'il réservera une revanche plus forte sur le plan des plus hautes eaux connues. — 47 — Il ne faut point exagérer cependant dans ce sens, les remblais hauls mis en charge accidentellement étant exposés à des accidents spéciaux. Il a été maintes fois constaté, en effet, dans l'exécution des grandes digues, qu'une masse de terre, souvent considérable, se détache, du côté de l'eati, dès que les remblais atteignent une certaine hauteur. L'étude de la question a préoccupé d'éminents ingénieurs, comme M. Resal, qui définit les « hauteurs dangereuses » qu'il convient de ne point dé¬ passer. Cet accident, qui se produit surtout à la baisse des eaux, est particu¬ lier aux grandes digues des barrages-réservoirs ; il est rare pour les remblais de hauteur relativement réduite des endiguements de lit ma¬ jeur. On le combat en employant des terres suffisamment sablonneuses, en adoptant, pour les talus mouillés de faibles inclinaisons, en exécu¬ tant enfin, de fortes banquettes de pied. En matière de défense contre les inondations, il faut renoncer au système exclusif des digues si celles-ci doivent atteindre des hauteurs excessives. En 1927, après une crue exceptionnelle du Mississipi, les Américains ont jugé impossible de donner aux digues le nouvel exhaussement qu'elles auraient réclamé pour être insubmersibles : déjà hautes de 18 pieds en moyenne, il eut fallu accroître en certains points cette dimen¬ sion de 12 et même 19 pieds. On conçoit d'ailleurs que de semblables hauteurs augmenteraient sin¬ gulièrement le danger résultant d'une brèche fortuite. Tel n'est point le cas au Tonkin, où les plus fortes digues du Fleuve Rouge n'atteignent qu'exceptionnellement 7 à 8 n>. de hauteur. Hauteurs insuffisantes. — Si la crête des digues a été mal calculée, ou qu'une crue exceptionnelle, d'altitude jusque là inconnue vient à se produire, la submersion des remblais est inévitable. C'est là, un des accidents les plus redoutables qui se puisse rencontrer. Dans ce cas, en effet, la digue fonctionne en déversoir et la lame évaluée, d'épaisseur souvent importante, prend, sur les talus aval, une vitesse maxima à. la base du remblai, qui s'affouille rapidement. L'érosion gagne alors, de proche en proche, la masse des terres qui, da!ns un temps très court, ne peuvent plus résister à la poussée des eaux et s'écroulent, laissant une brèche que le flot envahissant agrandit en peu de temps. Tout effort pour enrayer la catastrophe devient alors vain Jusqu'à ces dernières années, les ruptures par submersion des digues du Fleuve Rouge et de ses défluents se produisaient presque à chaque crue ; tous les accidents de 1926 et en particulier, la grande brèche de Lam-Giu, près de Hanoi, ont eu cette cause. - 48 - On. doit noter que souvent, avec une surveillance suffisamment active de la montée des eaux, la submersion a pu être évitée par la construc¬ tion liâtive de diguettes de faible section. On peut citer, comme un effort considérable dans ce sens, celui réalisé en 1926, sur les provinces de Hanam et de Hung-Yên, où un fragile barrage a été, par un travail de jour et de nuit, réalisé couche par couche, au fur et à mesure de la menace croissante, sur de très grandes longueurs. Le faible obstacle ainsi opposé à la grande crue a suffi à éviter complètement l'inonda¬ tion. § 3. — Cheminement de l'eau sous les digues ou au travers des digues Le cheminement accidentel de l'eau sous les digues est dû à la mau¬ vaise qualité du sol d'assise, notamment quand ce sol est constitué par des terrains perméables (sables ou graviers) ou des argiles délayées et des vases fluentes. Il peut, exceptionnellement, consister en courants artésiens, qui se mettent en charge en période de crue. La pénétration de l'eau, dans le corps des digues peut provenir, soit de la mauvaise qualité des remblais et de l'insuffisance de leur section, soit de causes accidentelles : plantations des talus, ouvrages dans les remblais, présence d'animaux souterrains. La question du cheminement, de l'eau, sous les remblais ou au tra¬ vers des remblais revêt, dans son ensemble, un intérêt capital pour la bonne tenue des digues ; nous allons la traiter ci-après avec quelques détails. a) Cheminement de l'eau sous les digues. Cas des'terrains sablonneux. — Il arrive fréquemment qu'une digue prenne appui sur un terrain sablonneux. Au Tonkin, en particulier, on. a, dans le cours des siècles, — dans la hâte de parer aux accidents des crues, -— reconstruit souvent des digues sur les apports meubles pro¬ venant de la décantation des eaux troubles évacuées par les brèches. Il y â là une faute grave et, dans tous les travaux récents, on s'est soucié d'enlever, dans la mesure du possible, les bancs sablonneux à l'empla¬ cement des digues neuves construites. Il n'en reste pas riioins acquis que, sous de nombreux tronçons d'exé¬ cution ancienne, la présence de terrains perméables donne lieu à de fré¬ quentes inquiétudes à la montée des eaux, du fait de l'abondance des infiltrations qui s'y révèlent. • BRÈCHE DE GIA-QUAT (Rive gauche du Fleuve Rouge) BRÈCHE A SES DEBUTS Photos Luzet Hanoi BRÈCHE APRÈS L'INONDATION DU CASIER — 49 — Nous allons expliquer ci-après le processus de ces infiltrations et in¬ diquer les moyens d'y remédier. La question des infiltrations sous les ouvrages en terrains perméables, soumis à des pressions hydrostatiques n'est pas nouvelle ; on s'en est soucié à maintes reprises, au sujet surtout des précautions à prendre dans la construction des grandes barrages-réservoirs. Elle a été traitée récemment à la Colonie par M. lt. de Fargues, Ingénieur des Ponts et Chaussées, dont nous étendons ci-après les conclusions au cas parti¬ culier des digues. En supposant une digue bien construite, avec de bonnes terres, le cas est complètement assimilable à celui d'un barrage sur sol permé¬ able. L'eau en charge, trouvant à la base du remblai un chemin de moin¬ dre résistance, y pénètre avec une vitesse plus ou moins grande, sui¬ vant la hauteur de la crue et la largeur de la digue. Il résulte d'expériences faites, notamment par les Ingénieurs Anglais et Américains, qu'il existe, pour un terrain donne une vitesse d'infil¬ tration critique, au-delà de laquelle les éléments constituant ce terrain sont entraînés. Si cette vitesse est dépassée, le sol d'assise est peu à peu bouleversé, et la digue perdant alors son appui, se trouve condamnée dans un temps plus ou moins long à un affaissement inévitable. Il a été, d'autre part, vérifié expérimentalement par Darcy et Dupuis que la vitesse des filets liquides, suivant la ligne d'infiltration, est pro¬ portionnelle à la perle de charge par mètre courant. Si J est la perle de charge, la vitesse en question est donnée par une formule simple de la forme : u = kJ où k est un coefficient variable avec la nature du sol. A l'amont, la pression est celle donnée par la cote de la crue ; à l'aval elle est nulle. Si l'on suppose, sous toute la digue, le terrain d'égale perméabilité, la pression de l'amont à l'aval décroîtra régulièrement ; le diagramme des pressions aux divers points de la ligne d'infiltration sera ainsi donné par une droite ayant, sur le talus amont, pour ordon- — 50 — née maxima la hauteur d'eau de la crue, et au pied du talus aval une ordonnée nulle. , Il résulte de ce. qui précède que la vitesse d'infiltration est propor¬ tionnelle à la perte de charge, c'est-à-dire à la. pente de la ligne des pres¬ sions. Cette pente sera par suite d'autant plus faible que la ligne d'in¬ filtration aura une plus grande longueur. En Amérique, il a été déterminé, — à la suite de l'examen d'accidents survenus à des barrages en terrains perméables, — toute une série de valeurs à attribuer à un coefficient m, qui, multiplié par la charge H à l'amont, fournit une formule simple : L = m II donnant la longueur de la ligne d'infiltration. Nous indiquons ci-après les valeurs du coefficient m, établies par l'Ingénieur canadien Bligh : Sables très lins 18 Sables fins 15 Sables à gros grains . 12 Sables et graviers 9 Graviers 6 à 4 Pour les barrages en maçonnerie, la longueur, parfois très impor¬ tante à donner à la ligne d'infiltration, peut être obtenue en augmen¬ tant le développement des éléments de l'ouvrage en contact avec le sol, soit par de profonds ancrages des parafouilles, soit par la construction de larges garde-radiers, soit même par l'exécution de rideaux de pal- planches. La ligne d'infiltration est déviée ainsi suivant des plans ver¬ ticaux. Pour les digues en terre, le moyen à la fois le plus sûr et le plus éco¬ nomique est d'augmenter, dans une large mesure la dimension du rem¬ blai à sa base. On y arrive aisément, soit par l'adoucissement des talus, soit par l'exécution de banquettes de pied à l'aval, soit enfin par un retour horizontal à l'amont, des remblais imperméables de la digue. On peut adapter l'une ou l'autre de ces solutions à chaque cas parti¬ culier qui se présente, et même les employer simultanément, si la dif¬ ficulté à résoudre est particulièrement grave. Cas des terrains mouvants. — Si le terrain d'appui des digues est constitué par un sol mouvant (argiles délayées, vases ou tourbes), le cheminement de l'eau sous le remblai se produit, toutes proportions gardées, de la même façon que dans le cas précédent. L'Ingénieur Bligh — 5i - admet alors, pour le calcul de la longueur de la ligne d'infiltration, le même coefficient m = 18 que pour les sables très tins. bu égard à la grande mobilité du sol, il peut arriver, dans ces cas particulièrement défavorables, que, sous la forte pression hydrostatique développée, l'eau, — trouvant, en un point de la masse mouvante, un chemin de moindre résistance, — vienne à s'échapper brusquement sous forme cl un jaillissement violent à l'aval, dans les terrains protégés. Cet accident, appelé siphonnement est assez fréquent dans le delta ton¬ kinois. Il s'est produit, en particulier, ces dernières années, sur la rive droite du Fleuve Rouge, à quelques kilomètres d'Hanoi ; les jaillisse¬ ments apparus, fort importants, se sont peu à peu atténués et ont fina¬ lement disparu, à la suite des renforcements successivement exécutés. Quoi qu'il en soit l'accident reste sérieux. S'il n'est point découvert à temps, il peut prendre rapidement d'alarmantes proportions : le sous- sol peu à peu entraîné par le courant souterrain, provoque l'affaisse¬ ment de la plateforme, et la digue submergée est condamnée à une destruction certaine. Cette menace est d'ailleurs généralement accompagnée d'accidents se¬ condaires dus à l'instabilité du sol d'assise et qui ne sont point sans gravité. Les digues qui sont souvent de grande hauteur et de forte sec¬ tion exercent des charges importantes sur le terrain qui les reçoit. Si celui-ci comporte des couches détrempées ou tourbeuses, les remblais mal assis glissent, se déforment, s'affaissent ou se fendent, et leurs chan¬ ces de résistance, en période de crue, se trouvent considérablement dimi¬ nuées. Les solutions préconisées pour le cas des terrains d'assise de nature sablonneuse restent entièrement applicables. Les banquettes de pied de l'aval et les retours horizontaux des remblais à l'amont jouent alors le double rôle d'allonger la ligne d'infiltration et de constituer en même temps une butée efficace des talus en mouvement. Effets des nappes artésiennes. — La présence de nappes en charge sous les digues donne lieu, parfois, à de forts curieux accidents. Nous cite¬ rons le cas à Man-Xuyên, (province de Hung-Yên) d'un renard, à écoule¬ ment ascensionnel, qui, jusqu'à ces dernières années, débitait abon¬ damment bien avant que le talus amont de la digue soit en charge. En période de hautes eaux, il donnait lieu à des entrainements abondants de sables noirs ; on cite, au cours de la crue de 1926, un très important affaissement de la plateforme, dû à l'excavation creusée sous la digue par le courant souterrain. Depuis, la masse des terres amoncelées, dans la région du jaillissement, a atténué l'accident qui ne se traduit plus que par une forte imbibition des banquettes exécutées. Au moment des crues, la colonne d'eau ascendante, se frayant, à la sortie, un chemin dans les sables entraînés, rappelait de façon frap¬ pante les griffons astésiens alimentant certaines sources des régions dé¬ sertiques de l'Afrique du Nord. De même que dans ces cas-spéciaux, on a pu se rendre compte, à Mau-Xuvên, de la verticalité et de la grande profondeur du puits alimentaire, qui dépassait certainement dix mètres. Le phénomène s'explique naturellement de la même façon que les sources artésiennes, par l'existence sous la digue, d'une nappe souter¬ raine qui se met en charge au moment des crues. On peut supposer que des sables, déposés lors d'une rupture ancien¬ ne, sur des argiles compactes aient été recouverts peu à peu dans la suite par des alluvions imperméables. On peut admettre aussi que le banc poreux ainsi emprisonné, est en communication, soit avec une cuvette du lit majeur, soit avec le fleuve lui-même. Les eaux drainées par les sables se mettent ainsi en charge, à partir d'une certaine altitude de la crue et trouvant, immédiatement à l'aval de la digue, un terrain de moindre résistance, s'échappent verticalement, comme il a été expli¬ qué plus haut. La coupe schématique donnée ci-contre permet de suivre aisément le processus présumé du jaillissement. b) Cheminement de l'eau au travers des digues; Efjets de Vimbibition — Eboulements des talus extérieurs ; renards et suintements. — La qualité capitale d'une digue est d'être étanche ; les remblais exécutés par les procédés ordinaires ne le sont jamais ri¬ goureusement. De ce fait, si une digue se trouve en charge durant une période de longue, durée, elle arrive à s'imbiber plus ou moins abon¬ damment ; l'inconvénient s'amplifie, si elle est soumise, dans le même temps, à de fortes pluies. L'accident sans conséquence, en général, pour des remblais de grande épaisseur et bien exécutés, à l'aide de bonnes terres, peut devenir rapidement très grave, dans le cas de digues exa- géremment perméables ou de dimensions trop réduites. Il se produit alors une déformation caractéristique des talus extérieurs, qui peut s'expliquer comme suit : Au fur et à mesure de la montée de la crue, suivant des plans m n, m' n', etc... la masse des remblais imprégnés s'accroît et se trouve limitée successivement par des courbes telles que m p, m' p' Ces courbes, infléchies vers le bas,ont pour ordonnées les hauteurs piézo- Renard à écoulement vertical alimenté par une nappe artésienne Coupe schématique expliquant l'accident Nota: Le trait interrompu indique le gabarit de renforcements exécutés en cours de ces dernières années - 53 ~ métriques des nappes d'infiltration, qui diminuent graduellement, au fur et à mesure de l'augmentation de la masse des terres rencontrées. il arrive un moment où une courbe, telle que m" p", atteint le pied du talus ; il se produit alors des suintements ; la couche basse se dé¬ trempe de plus en plus' ; le coefficient de frottement des terres du rem¬ blai sur elles-mêmes ou sur le sol d'assise diminue. Comme daps le cas déjà étudié des sous-sols perméables, si la vitesse des filets liquides atteignant le talus dépasse la vitesse critique, les terres sont entraînées ; des glissements se produisent alors et le talus s'affaisse en prenant la double inflexion indiquée au croquis ci-dessus. L'accident est générale¬ ment accompagné de renards, plus ou moins abondamment alimen¬ tés et qui deviennent rapidement dangereux, s'ils débitent de l'eau trou¬ ble. Si la vitesse limite n'est point atteinte, l'imbibition a seulement pour conséquence, des suintements sans gravité. Les éboulements des talus sont, naturellement favorisés si le terrain d'appui est imperméable et glissant. Au Tonkin, avant les renforcements entrepris en 1926, l'imbibition complète des digues était la règle chaque année et, au cours des crues de longue durée, les affaissements des talus, gagnant souvent la plate¬ forme des remblais se multipliaient, nécessitant de laborieux travaux et une surveillance de tous les instants. En général, l'accident prévient, et il peut être efficacement combattu à l'aide de bambous fichés dans les zones menacées. On conçoit, mal¬ gré tout, qu'une négligence dans cette fixation des terres serait de nature à entraîner la perte de la digue. Actuellement, les effets de l'imbibition ont pu être, au Tonkin, sin¬ gulièrement diminués, sinon complètement supprimés, pour toutes les digues étanchées, sur leur talus amont, par des masques corroyés mé¬ caniquement. Cheminement de l'eau dans les remblais argileux. — Les argiles, sur¬ tout dans les chantiers à gros effectifs dont la surveillance continue est difficile, — sont employées, la plupart du temps, sous forme de gros¬ ses mottes parallélipipédiques juxtaposées, très humides, dont les joints sont après coup plus ou moins bourrés à l'aide de terres de meme natu- - 54 — re. En cours de travaux, les remblais exécutés donnent, à première vue, l'impression d'une masse très dense, très homogène et rigoureusement imperméable. Il n'en est plus de même, lorsqu'après dessication, l'ar¬ gile a rendu son eau et que, soumises à un retrait considérable, les mot¬ tes primitive? se sont reconstituées, avec des joints amplifiés. L'ensemble obtenu est alors assez semblable à une maçonnerie de gros blocs, sans mortier ; on conçoit qu'il constitue, à la montée des eaux, un véritable drain. On doit reconnaître que l'inconvénient de semblables remblais a dû apparaître dès les temps les plus lointains, et que rares sont les digues entièrement construites en argile. Toutefois, de fréquents renards d'eau claire, apparaissant dans des talus à peine imbibés, ne peuvent s'expli¬ quer que par la présence, dans les remblais, de couches de glaise isolées laissant serpenter l'eau en charge comme dans de véritables conduites. En général, il n'y a pas entraînement de ferres dans les eaux s'in- filtrant entre les mottes d'argile. L'accident à craindre, — et il reste assez grave, — est un glissement général, sous l'effet de la poussée hydrostatique, des remblais mal assis sur la couche où se produit le ruissellement. Il va de soi qu'une digue, entièrement en argile, serait très rapidement disloquée par la masse des eaux en charge qui la traver¬ serait à la première crue. Nous devons signaler un cas fort curieux des méfaits de l'argile qui a été constaté jusqu'à ces dernières années sur la digue de Nhu-Trac (R. D. du Fleuve Rouge, province de Hanam), où des renforcements im¬ portants, justifiés par la proximité du fleuve, paraissaient, de prime abord, devoir donner à la digue une étanchéité parfaite. Il n'en était rien ; à chaque crue, la plateforme empierrée se soulevait en grosses bosses nettement localisées dont le crevassement était accompagné de sif¬ flements caractéristiques. Le phénomène s'explique par la juxtaposition de deux remblais de qualité différente, l'un peu étanche côté fleuve, l'autre satisfaisant côté casier. La digue primitive, constituée par des mottes argileuses laissant des vides, emmagasinait une provision d'air qu'isolait, dans le haut, la ter¬ re battue de la plateforme. La mise en charge des crues refoulait cet air qui, ne pouvant trouver un échappement latéral, donnait lieu aux gon¬ flements signalés ci-dessus. L'accident n'a jamais eu de conséquences graves, du fait de la présence d'un surveillant Européen qui est arrivé chaque fois à réduire les soulè¬ vements, en chargeant, à l'aide de sacs à terre et de moellons, la plate¬ forme en ses points menacés. On se rend compte qu'il aurait pu être très sérieux à la moindre défaillance. De très importants renforcements du talus amont, exécutés en 1926. — 55 - ont suffisamment étanché la cligne et pareils accidents ne se sont plus manifestés depuis cette époque. Causes accidentelles des chemins d'eau dans les digues. — Quelle que soit la qualité des terres utilisées, des causes accidentelles peuvent, en période de crues, provoquer des renards, souvent d'ailleurs très impor¬ tants. Ces accidents sont alors particulièrement graves, du fait qu'ils peuvent apparaître brusquement, sans avoir été clécelés par de précé¬ dentes crues. Nous examinerons tour à tour ci-après, le danger des plan¬ tations, celui des ouvrages d'art, celui enfin des animaux souterrains. Danger des plantations. — Le principe du danger des plantations sur les digues a donné lieu à de nombreuses controverses. Il est actuelle¬ ment admis, en particulier en France, que les arbres doivent être sévère¬ ment proscrits dans les talus des digues. Les chemins d'eau peuvent se faire, soit par infiltration dans la rami¬ fication des racines vivantes, surtout si les plantations existent de part et d'autre de la digue ; ils sont plus accentués encore, s'il s'agit de ra¬ cines mortes, dont la pourriture constitue peu à peu de véritables cana¬ lisations dans les remblais. À la Colonie, la présence d'arbres, dans les digues (voir photo, entre p. 35 et 36), a d'autres inconvénients. Nous citerons, en particulier, l'arrachement possible avec démolition des talus, sous L'effet des vents cycloniques, accident d'autant plus grave qu'il peut se produire pendant une crue ; nous citerons aussi le danger, — dont nous parlerons plus- loin, —• des animaux souterrains, attirés souvent par la végétation. Dans les récents travaux de renforcement, quand des plantations des digues ont été supprimées, des précautions spéciales ont été prises pour assurer l'étanchement des remblais à leur emplacement. Suppression des plantations Coupe des masques étanches Le travail a consisté (voir croquis ci-dessus) à combler, à l'aide de ter¬ res choisies, soigneusement damées, les excavations préalablement net¬ toyées de tous débris végétaux et à recouvrir ce remblai d'un corroi d'ar- gile de 0 m. 50 d'épaisseur terres ordinaires. 56 le profil a été complété ensuite par des Danger des ouvrages d'art. — La présence des maçonneries dans les remblais est toujours une menace pour la digue. 11 se produit, en effet, infailliblement, des infiltrations au contact des maçonneries et des ter¬ res, et ces fuites peuvent devenir rapidement dangereuses, surtout si les ouvrages son.t en mauvais état. Pour combattre le cheminement de l'eau, il est nécessaire d'échelon¬ ner, sur le corps des ouvrages, des « chicanes », sortes d'apneaux en maçonnerie, qui s'opposent, dans une certaine mesure à la marche des infiltrations et allongent le parcours des filets liquides, dont la vitesse se trouve diminuée. Il est indispensable aussi que les ouvrages puissent résister sans se roippre, tant aux lourdes charges verticales qu'aux sous-pressions qu'ils sont appelés à supporter ; on conçoit, en effet, qu'une maçonnerie dis¬ loquée ne peut qu'être favorable à la pénétration des eaux en charge dans la masse des terres. Très fréquemment, en particulier à la Colonie, dans les terrains allu¬ vionnaires des deltas, les ouvrages sous forts remblais sont sujets à des accidents caractéristiques, dont la similitude frappante implique les mê¬ mes causes initiales. Il s'agit, d'une part, de cassures verticales intéres¬ sant, souvent des sections transversales entières ; d'autre part de rup¬ tures de radiers. Nous expliquons sommairement ci-après ces accidents : Cassures verticales. — Elles sont dues à la variation des charges et à la mauvaise tenue du terrain d'assise. Le poids du remblai, très impor¬ tant en effet au milieu, décroît rapidement à partir des arêtes de la plate¬ forme, pour arriver à une valeur nulle au pied des talus. Ce défaut d'uniformité des charges, sur un terrain manquant de ré¬ sistance, se traduit, dans le sens de la longueur de l'ouvrage, par de véritables mouvements de flexion, particulièrement importants dans la partie centrale. La rupture des maçonneries, non susceptibles de résister à des efforts d'extension, se produit alors infailliblement. (Voir croquis schématique ci-dessous). i Coupe transversale d'une écluse d'assèchement exécutée dans la digue de Vu-Bien près des têtes dans la partie médiane Ronds de iomA __ .. .. ••• • ■■■< <■- -°i ■-.V-: |c°| irond de 10 "%> par m! * A. Armature de traction (4 Ronds de 25j»< sous chaque biedroit) Béton au mortier de ciment à 300Kg. Rupture des radiers. — En dehors des causes ci-dessus, les radiers peuvent se briser, — surtout s'ils intéressent des ouvrages des digues, — sous l'effet des fortes sous-pressions qui apparaissent au moment des grandes crues. Mesures à adopter. — Frappé des accidents ci-dessus, qui étaient la rè¬ gle pour tous les ponts voûtés sous forts remblais de tout un long tron¬ çon de la ligne de Yinh à Dong-Ha, nous avons personnellement étu¬ dié, en 1925, des ouvrages susceptibles de résister aux efforts ci-dessus et qui ont donné pleine satisfaction. Les principes directeurs de notre projet étaient : d'une part, de répartir sur le sol une pression unitaire réduite, cela par l'intermédiaire d'un radier général indéformable comportant de lar¬ ges empattements sous les têtes ; d'autre part, de faire de l'ensemble du pont, une sorte de longue poutre creuse, susceptible de travailler à sa partie inférieure à la traction et de résister ainsi aux efforts de flexion que nous avons fait ressortir ; enfin, de constituer un radier pouvant supporter les plus fortes sous- pressions possibles. Sans modifier sensiblement les types d'ouvrages habituellement adop¬ tés, le béton armé nous a permis une solution satisfaisante de la ques¬ tion. Nous avons, pour cela : 1° muni les fondations des piédroits de fortes armatures longitudina¬ les et solidarisé la semelle réalisée, au corps de l'ouvrage, par de robus¬ tes ancrages ; . 2° donné au radier la forme d'une voûte renversée armée, constituant monolithe avec la fondation des piédroits. Nous avons adopté ce type pour les écluses d'assèchement qui traver¬ sent les digues neuves en cours d'exécution à Nhu-Trac, Yu-Diên et Phuong-Tra (Hanam) où les fonds tourbeux, révélés par les sondages, imposaient des ouvrages particulièrement robustes. Nous donnons ci-après la coupe transversale de l'un des ouvrages en question. Précautions à prendre en temps de crue. — Il est à remarquer enfin que certaines précautions doivent être prises en ce qui concernera fer¬ meture des ouvrages d'irrigation. Le fermeture, côté fleuve, générale¬ ment assurée par des portes, n'est jamais complètement hermétique ; il se peut aussi que lors d'une crue rapide, les portes se soient coincées et ne ferment plus. Si, à ce moment, les poutrelles de la tête côté casier sont toutes en place, l'ouvrage se met en charge et travaille comme une - 58 - conduite forcée. Comme il n'a pas été établi pour résister aux efforts d'extension développés, sa solidité se trouve compromise et les remblais qui l'enrobent sont eux-mêmes exposés. Pour écarter, dans ce cas, tqut danger d'une rupture de la digue, il est expressément recommandé de ménager un écoulement continu dans le casier, par l'enlèvement, spit de la totalité, soit d'une partie seulement des poutrelles de la tête aval. Présence d'animaux souterrains. — Souvent la faible altitude des ré¬ gions endiguées laisse, une partie de l'année, de part et d'autre des rem¬ blais, de vastes étendues noyées ne pouvant être aisément occupées par l'habitant. Ce fait explique l'existence, au milieu d'une végétation lu¬ xuriante, de véritables agglomérations sur les talus de certaines digues du Tonkin. Il explique aussi la présence, à l'intérieur des terres assai¬ nies, d'une vie animale qui n'aurait su trouver ailleurs un habitat pos¬ sible. Ainsi se sont développés — dans certains cas, heureusement ex¬ ceptionnels, — des colonies de rongeurs, de reptiles, de termites, qui ont peu à peu troué, de leurs multiples galeries, la masse des remblais. On conçoit que ce travail souterrain, souvent mal décelé, constitue pour la sécurité des digues une menace grave. Dès qu'une crue a permis de présumer son existence, il importe, à la baisse des eaux, d'entrepren¬ dre les travaux de recherche et de réparations qui s'imposent. Il a fallu dernièrement, à l'amont cl'Hanoi, et plus loin, vers Liên-Mac, ouvrir la digue du Fleuve Rouge, de part en part et très profondément pour dé¬ couvrir et combler de longues galeries et de larges grottes pratiquées par des termites. CENTRE DE DOCUMENTATION ET DE ' RECHERCHES SUR L'ASIE DU SUD-EST ET LE MONDE INDONESIEN BIBLIOTHEQUE CHAPITRE II Travaux «le «ligues exécutés «Icpuis l'o«*cu|»atlou fnuiçnisc jiis<|u9eii 19*26. Sommaire. — § 1er Renforcements antérieurs à la crue de 1915. — § 2. Programme de 1918. — § 3. Programme de 1924. § 1er. — Renforcements antérieurs a la crue de 1915 Pendant longtemps un des principaux soucis des Ingénieurs Français a été, comme nous l'avons vu, de chercher à résoudre le problème de l'abaissement du plan d'eau des crues. A notre connaissance aucun projet ayant trait à une amélioration de grande envergure des endiguements n'a été mis au point avant les crues de 1915. On a, certes, fait, antérieurement à celte date, d'importants cubes des terrassements, mais par tronçons localisés et, en général, en des points nettement menacés. L'exhaussement et le renforcement des digues ont été ainsi réalisés progressivement, sans que jamais de gros travaux d'ensemble aient pu être entrepris. On manquait jusque là de précisions sur le régime du Fleuve et de ses affluents ; on manquait peut être de confiance dans la solution uni¬ que de la digue insubmersible ; on manquait surtout) des moyens finan¬ ciers indispensables. En somme, les programmes de défense importants et bien définis ne datent guère de plus de dix ans. Quoi qu'il en soit, d'appréciables améliorations ont été, antérieure¬ ment à 1915, apportées aux endiguements du Tonkin., dont les talus ont été adoucis, la plateforme élargie et qui ont fait l'objet, dès notre arrivée à la Colonie, d'importants exhaussements. On est arrivé ainsi, en peu de temps, à contenir des crues atteignant à Hanoi la cote (10.00). — 6o — On peut estimer que, dans la période de 1884 à 1915 (Voir graphique après page (97) le cube des digues du Fleuve Rouge et de ses principaux défluents a été largement doublé. De cette époque datent aussi l'exécution ou le renforcement des di¬ gues de cloisonnement et de ceinture. On peut citer comme principaux ouvrages de ce genre : d'une part, deux digues de cloisonnement : l'une partant de la rive gauche du Fleuve Rouge, à hauteur de Van-Thuong pour atteindre, tout en servant de route (R. C. n° 2) les terres hautes de la province de Pliuc- Yên ; l'autre, qui traverse la Route n° 196, à hauteur du village de Luc- Diên et qui protège une grosse partie de la province de Hung-Yên, en cas de rupture de la digue rive gauche du Fleuve Rouge à l'amont de Thiêt-Chu ou de rupture de la digue rive droite du Canal des Rapides ; d'autre part, deux digues de ceinture, défendant les villes de Hanoi et de Nam-Dinh, et qui limitent les accidents aux ruptures pouvant se produire entre les deux points d'enracinement des remblais de secours dans les digues principales. § 2. — Programme de 1918 Ce n'est guère qu'en 1918, et comme conséquence des études particu¬ lièrement approfondies de M. l'Ingénieur en Chef INormandin, que fut re¬ connue <( la nécessité d'entreprendre contre les eaux un œuvre de dé¬ fense systématique ». A cette époque on espérait encore pouvoir abaisser le plan d'eau des crues par l'utilisation des cuvettes de Vinh-Yên et de Son-Tay, ainsi que par l'aménagement du Day et la suppression de certains étranglements du Fleuve Rouge. Les travaux d'exhaussement et de renforcement des digues, quoique importants, restaient au second plan dans le programme qui fut alors élaboré. Aucun moyen d'étanchement des remblais n'y était d'ailleurs prévu. On doit reconnaître cependant que la question des terrassements était déjà assez largement traitée. La cote de la plateforme a été, en effet, déterminée en donnant une revanche de 0 m. 50 par rapport au plan d'eau qui venait d'être constalé et l'altitude de la crcte des digues devait ainsi atteindre à Hanoi la cote (12.00). On s'est attaché aussi, à partir de cette époque, à porter à 6 m. la largeur de la plateforme et à obtenir partout, pour les talus, des incli- ( 12.75) à Hanoï Hanoï Remblai ordinaire Masque en artjite^f / ~7~ J .vvHWtUBWiuUUW'll Profil du programme de 1924 (partiellement exécuté) ^isj. Nota: La plateforme a été réduite à 6700 en cours d'exécution liâ^oLi Hanoï P. H . E. . ( 12.00) à Hanoï (l2.oo) Remblai ordinaire rmiR^mPrraD?r7nxiPTrn5 Profil entravers type du programme de 1926 - 6i - naisons à deux de base pour un de hauteur côté fleuve, et à 3/1, côté casier. On a commencé à prévoir en outre, pour les digues dépassant 5 m. de hauteur, des banquettes de pied de part et d'autre des rem¬ blais. Depuis la crue de 1915, les chantiers de terrassements ont d'ailleurs été conduits avec une activité particulière et on peut compter qu'ils ont fourni aux digues du Tonkin, dans la période de 1915 à 1918, un cube supplémentaire de 12 millions de mètres cubes (voir graphique page 97). § 3. — Programme de 1924 Dans la suite, l'échec des essais de submersion du Vinh-Yên, ainsi que les doutes apparus au sujet de l'efficacité de l'aménagement des dé- flueitfs ont décidé l'étude exclusive d'une amélioration rationnelle des endiguemenls. En 1924, un gros projet comportait uniquement des travaux de ter¬ rassements, a été présenté. Les travaux comprenaient à la fois l'exhaus¬ sement, le renforcement et l'étanchement des digues. La plateforme des digues exhaussées devait laisser une revanche de 1 m. 00 sur les crues de cote (11.75), pour permettre de lutter effica¬ cement contre une montée exceptionnelle atteignant l'altitude (12.50) à Hanoi. Le profil prévoyait une plateforme de 7 m. 00, mais en réalité cette dimension a été réduite à 6 m. en cours d'exécution. Les talus conser¬ vaient les inclinaisons du programme précédent, mais se trouvaient butés à l'aval, pour les digues hautes, par une série de banquettes éche¬ lonnées, de 5 m. 00 de largeur, espacées verticalement de 1 m. 50 et dont la dernière était arasée à 3 m. 50 seulement au-dessous de la plate¬ forme exhaussée. Cette disposition, tout en donnant plus de stabilité aux remblais, devait combattre efficacement les effets d'imbibition et les chemins d'eau sous les digues, dont nous avons signalé l'impor¬ tance au chapitre précédent. A cette époque, et à la demande de l'Inspection Générale, un masque d'argile imperméable a été prévu pour la première fois, pour l'ensem¬ ble des digues. Le masque étudié, de 1 m. 00 d'épaisseur horizontale, s'appuyait sur le talus amont de la digue à étancher et s'encastrait à sa ba:se dans le terrain naturel, pour former une clef de 1 m. 20 de profondeur et 0 m.75 de largeur ; il se terminait supérieurement à vingt centimètres au-des¬ sous des plus hautes eaux connues (11.75 à Hanoi). — 62 — Nous donnons ci-après le profil de l'ensemble des remblais qui fut alors étudié, et qui a été appliqué sur d'assez longs tronçons. Les chantiers, en pleine activité, avaient ajouté aux cubes déjà accu¬ mulés en 1924 quatre millions et demi de mètres cubes de remblais quand survint la ^catastrophe de juillet 1926, dont l'exceptionnelle gra¬ vité justifia 1 élaboration immédiate du nouveau et vaste programme, pour lequel on travaille encore à plein rendement à l'heure actuelle, et dont nous allons ci-après entreprendre une description détaillée. CHAPITRE III Programme de 1926. Sommaire. — I. — Détails du programme — § 1er. Programme ini¬ tial. — § 2. Changements apportés au programme initial ; classe¬ ment des digues ; profils des digues ; digues de lrc catégorie ; di¬ gues de 2e catégorie ; profils spéciaux. — II. —Exécution des Ira vaux — S 1er. Organisation des chantiers et de leur surveillan¬ ce. — § 2. Amélioration de la qualité des remblais : a) remblais ordinaires ; b) remblais corroyés. I. — Détails du programme. § lpr. — Programme initial Au lendemain de la grande crue de 1926, qui a atteint à Hanoi la cote (11.92) et qui a été marquée par d'importantes ruptures par submersion, il fut décidé de reprendre vigoureusement, dès la baisse des eaux, les travaux des campagnes précédentes et d'accroître la sécurité des digues, en particulier, par un nouvel exhaussement les mettant à l'abri des plus hautes eaux possibles. Dans une lettre du 6 août 1926 au Résident Supérieur au Tonkin, M. l'Inspecteur Général Pouyanne définit le programme à réaliser, justifie l'altitude à admettre pour la crête des digues, et trace les grandes lignes de l'organisation à envisager, en vue d'intensifier l'activité des chantiers et de terminer les travaux prévus dans un minimum de temps. A la réception de cette lettre, le Résident Supérieur au Tonkin, M. Rorïn, réunit les Administrateurs et Tong-Doc des provinces du delta et — en présence de l'Inspecteur Général des Travaux Publics, de l'In- - 64 - génieur en Chef de la Circonscription Territoriale, M. Lemai, et de l'In¬ génieur Principal chargé des travaux des digues à cette époque, M. Aupiielle, — arrêta les modalités définitives des travaux à prévoir et des conditions de leur réalisation. Il fut alors décidé de prendre, au minimum, la cote (12.00) à Hanoi pour le niveau des hautes crues moyennes, ce qui, avec une revanche de 1 m. 30, devait permettre de maintenir une crue exceptionnelle sus¬ ceptible d'atteindre la côte (13.30) dans la traversée de la ville. Cette revanche de 1 m. 30 sur le plan d'eau de la crue de juillet 1926 a été appliquée aux digues du Fleuve Rouge jusqu'à hauteur de Nam- Dinh ; pour ces mêmes digues au-delà de Nam-Dinh et pour les dé- lluents, elle a été réduite à 1 m. 00, pour atteindre au minimum 0 m. 60 dans le bas delta. L'altitude ainsi obtenue pour l'ensemble des digues laisse une marge large sur toutes les constatations et les résultats des cal¬ culs les plus pessimistes ; elle doit écarter potir longtemps, sinon de façon définitive, tout danger de submersion. Dans l'ensemble, abstraction faite de l'altitude de la plateforme, et de sa largeur qui a été portée à 7 mètres, — de façon, à donner aux rem¬ blais une épaisseur proportionnée à l'accroissement de leur hauteur, — les dispositions du profil de 1924 ont été conservées dans le nouveau programme. Toutefois le masque en argile, — qui a été maintenu dans le pro¬ jet, — devait être interposé entre deux couches de remblai ordinaire et se retourner horizontalement à sa base sur une largeur de 3 m. (Voir, en regard, après page 62 les profils de 1924 et 1926). La réalisation du programme était prévue en trois phases : la première ayant trait à l'exécution de remblais ordinaires devait donner rapide¬ ment, d'une part, une surélévation de la digue à la côte de défense, avec une plateforme de 4 m. 00 de largeur, d'autre part, un renforce¬ ment du talus amont de 2 m. 00 d'épaisseur ; accessoirement une par¬ tie des banquettes du. casier devait être entreprise ; La seconde phase devait consister en l'exécution du masque en ar¬ gile ; En troisième lieu, enfin, on devait assurer à la plateforme sa largeur définitive de 7 m. 00 et réaliser, en, même temps qu'un dernier renfor¬ cement du talus amont, l'isolement de la couche étanche ; en outre les banquettes du casier devaient être achevées. Les travaux devaient intéresser une longueur totale de 520 kilomètres de digues et le cube des remblais à mettre en œuvre avait été approxi¬ mativement chiffré à 21.500.000 mètres cubes. 8réche Lêm-Siu Photo Aéronautique Militaire DÉBUT DE L'INONDATION EN JUILLET 1926 (Après la rupture de Lam-Giu). — 65 - § 2. — Changements apportés au programme initial Dès le début des travaux, d'assez notables chapgemlnts ont été ap¬ portés au profil-type ci-dessus décrit ; puis les digues furent classées, suivant leur importance en deux catégories ayant chacune leur profil particulier ; enfin des profils spéciaux furent étudiés pour les digues en mauvais terrains ou baignées par des mares latérales. En ce qui concerne la longueur des endigu.ements à améliorer, nous devons signaler qu'à la suite de décisions qui survinrent à diverses re¬ prises, le programme, peu à peu accru, devait finalement s'étendre sur près de 840 kilomètres. Classement des digues. — IJ est un l'ait indiscutable qu'une digue doit être d'autant plus épaisse et plus étanche qu'elle est en charge sur un,e plus grande hauteur. Il faut admettre aussi qu'une rupture est d'au¬ tant plus grave que la brèche est alimentée par un débit plus fort. Il faut faire intervenir enfin dans l'étude du profil d'une digue, l'im¬ portance plus ou moins grande du casier qu'elle protège. Il est logique de tenir compte dans un projet d'ensemble, de ces diverses circonstances, et de proportionner judicieusement les travaux à entreprendre et les dépenses qu'il comporte aux exigences des différents cas. Dans cet ordre d'idées, — et sans vouloir compliquer outre mesure la question, — les digues du bassin du Fleuve Rouge ont été classées en 2 catégories ; la première comprenant des digues hautes (1) (4 m. 00 à 8 m. 00), ou celles protégeant de vastes étendues ; la seconde, relative aux digues basses (2 m. 50 à 4 m. 00) et à celles défendant des casiers de superficie réduite. Sur les bases ainsi définies, le classement des digues à renforcer a été finalement celui indiqué au tableau ci-dessous (2) : (1) Nous considérons comme hauteur d'une digue la distance vertical^ comprise entre la cote de défense et le pied du talus côté casier. (2) Voir carte planche Y. — 66 - INDICATION DES FLEUVES ET DÉÉLUENTS DIGUES DE lre CATÉGORIE DIGUES DE 2e CATÉGORIE km. km. km. km. Fleuve Rouge j R. D. ( R. G. 164,991 156,407 43,413 40,745 321,398 84,158 Canal des Rapides | R. D. \ R. G. 30,090 25,000 22,400 25,941 ! 64,000 48,341 Day ( R. D. f R. G. 5,500 30,300 17,300 74,700 35.800 92,000 Phô Day R. G. 13,417 13,417 » Canal des Bambous .... Song Trà-Ly . ; r. d. r. G. R. D. R. G. » » » » » » » D 38.404 41,838 25,000 28,800 80,242 53,800 46,027 404,568 Canal de Nam-dinli . 1 R. D. R. G. » » » i )) 15,800 30,227 Totaux .. 434,615 839,183 Profil-type des digues de lre catégorie. — (Voir ci-contre). — Le programme initial prévoyait l'exhaussement immédiat de la plateforme des digues à renforcer. Il y avait là, en particulier pour les digues empierrées, une complication, susceptible de gêner la surveillance des travaux et celle des digues en temps de crues. Pour tourner la difficulté, l'altitude de sécurité a été obtenue, partout, par l'exécution d'une banquette d'exhaussement en remblais ordinaires de 1 m. 50 de largeur en crête, établie côté fleuve, et qui laisse disponible pour la circulation une plateforme de 4 m. 50 à 5 m. 00 de largeur, suivant l'importance des digues. Le prolongement du talus amont de cette banquette, incliné à 2/1, a donné le gabarit du premier renfor¬ cement exécuté, et qui est nettement supérieur à celui que devait com¬ porter le profil de 1926. Digues de 1=e catégorie 1? Digue prenant appui sur bon terrain («—■ — -A Côté Fleuve 2iDigue avec mares latérales I» 7^ ^ 5.00 ,1. 5.0 0 J o I * H.Edesmaresilatéralesto — I Légende Renforcements ord"=s en voie d'achèt Masques corroyés en cours Remblais corroyés non ébauchés Remblais ordinaires à prévoir Digues de 2? catégorie ^ '•Vï. r . . . - r'.o4 ^ n» **V\ê aV-■ o.;- . 'vï : r 'Vi ^' 8ï H _ 67 — Celte première phase des travaux est actuellement eu voie d'achè¬ vement pour i ensemble des digues du programme. Une autre modification du profil initial a été la conséquence de l'aban¬ don définitif du masque en argile, auquel a été substitué du côté du lleuve une seule couche homogène en terres argilo-sablonneuses cor¬ royées mécaniquement. Cette mesure se justifie par les difficultés rencon¬ trées à la Colonie pour obtenir un étanchement satisfaisant par l'argi¬ le. Ce travail, qui réclame des soins d'exécution particuliers, n'a point donné satisfaction à l'usage. Des fentes de retrait sont en effet apparues au moment de la dessication de l'argile dans les masques du programme précédent qui ont, de ce fait, entraîné souvent les mêmes sujétions de surveillance que les remblais ordinaires. Les nouveaux masques étudiés ont 3 m. d'épaisseur. Ils prennent ap¬ pui sur le sol et sur le talus amont des premiers renforcements dont ils ont l'inclinaison, soit en général 2 m. de base pour 1 m. de hauteur. Ils sont conduits jusqu'à la cote prévue pour la digue exhaussée ; ils n'appellent aucun revêtement, la couche extérieure, non corroyée, de faible épaisseur étant susceptible de se gazonner rapidement. Du fait de la surépaisseur ainsi donnée à la digue sur son talus amont, une partie des banquettes de pied du talus côté casier a pu, dans la généralité des cas, être supprimée. A l'achèvement des masques — en cours actuellement — la circula¬ tion pourra s'effectuer sur la banquette supérieure et la largeur définitive de 7 m. sera obtenue alors, sans aucune difficulté, par l'exécution d'un dernier remblai de 2 m. 50 prenant appui sur la plateforme actuelle dont l'empierrement sera démoli. Cet élargissement constituera pour les digues principales, la dernière phase des travaux de terrassements. Les dispositions adoptées donnent ainsi à la plateforme sa largeur prévue. Elles évitent le rechargement de la totalité de l'ancienne digue, tout en assurant amplement à l'ensemble des terrassements la section du programme initial. La superposition sur le talus amont des rem¬ blais corroyés en cours compense, en effet, largement, la partie non exécutée des banquettes aval, précédemment prévues, qui deviennent inutiles. La risberme supérieure donne au profil l'allure des digues de la Theiss (Hongrie) qui peuvent être classées parmi les plus fortes digues du monde. Profil-type des digues de 2e catégorie. — Le profil spécialement étu¬ dié pour les digues secondaires préAroit, en lre phase, les mêmes tra¬ vaux que pour les digues principales (banquette d'exhaussement'et ren¬ forcement amont). Ces premiers travaux ont donné d'excellents résul- — 68 — lais. Il n'a élé signalé, en effet, au cours des crues de 1928 el 1929, au¬ cune menace des digues en question, du fait d'un manque de stabilité ou d'étanchéité des remblais renforcés. Celte constatation indique que, —- eu égard à l'importance réduite de la pression hydrostatique, en période de hautes eaux, — la section des digues basses est actuellement suffisante et qu'il n'est point né¬ cessaire de prévoir le masque des cas précédents. Il est, par contre, apparu indispensable d'exécuter le rechargement à la cote de défense, de la plateforme de l'ancienne digue. Les typhons qui, dans le bas delta, ont coïncidé deux années de suite (1928-1929) avec d'assez fortes crues, ont fait ressortir l'urgence de ce travail. Les banquettes de 1 m. 50 prolongeait les renforcements exécutés, ont été en effet partiellement emportées par la violence des vagues ; elles cons¬ tituent une protection trop précaire qu'il est indispensable d'améliorer. Le profil fourni par le premier renforcement, complété par le rechar¬ gement envisagé, donnera partout une plateforme de 6 mètres de lar¬ geur, amplement suffisante aux besoins de la circulation. Profils spéciaux. — Il a été étudié un profil spécial (voir après page 66), applicable aux digues baignées par des mares permanentes et re¬ posant sur des terrains détrempés et tourbeux. Dans ces cas heureuse¬ ment exceptionnels, — nettement caractérisés par les déformations des terrassements anciens qui ont glissé sur leurs assises inconsistantes, — il est apparu nécessaire d'ajouter au profil normal .des banquettes sup¬ plémentaires, de part et d'autre du corps de la digue. On a pu ainsi assainir et stabiliser les talus en mouvement et, en particulier, éviter la dislocation des masques corroyés, accident préjudiciable à leur étan- chéité. Ces banquettes, de 5 à 6 m. de largeur minimum, dépassent d'une vingtaine de centimètres le plan des hautes eaux de la saison pluvieuse ; sur les tronçons particulièrement exposés, leur largeur a été accrue : elle varie ainsi suivant les cas de 6 à 12 m. du côté casier et de 5 m. à 8 m. du côté fleuve. Nous noterons enfin qu'exceptionnellement le gabarit des digues a été amplifié. Tel est. le cas par exemple de la digue neuve de Lam-Giu, construite au droit de la grande brèche de 1926, dont la plateforme a été portée à 10 m. de largeur ; tel est le cas aussi de toute la digue de défen¬ se de Hanoi, qui comporte cette dimension sur une longueur totale de six kilomètres. D'autres fois, l'accroissement du profil a été obtenu pour certains remblais sur mauvais terrains par un adoucissement à 3./1 et même 4/1 du talus côté fleuve. — 69 - II.—Exécution des travaux. § 1er. — Organisation des chantiers et de leur surveillance Si le programme de 1926 a été marqué par des soins spéciaux dans les éludes, il devait l'être aussi par le souci de réaliser avec toute la cé¬ lérité désirable des remblais irréprochables. Cette nécessité de « faire vite et bien », appliquée à des travaux de l'envergure de ceux prévus, a imposé une organisation particulièrement altentive des chantiers et de leur surveillance. On doit souligner que la lourde tâche réalisée chaque année a été largement facilitée par la concordance des efforts des chefs de province et de leurs collaborateurs annamites et de ceux des agents du Service des Travaux Publics de la Circonscription Territoriale du Tonkin. Cette collaboration de tous les instants a permis de réduire au minimum les difficultés qui pouvaient se présenter dans les rapports avec la popula¬ tion indigène, notamment au moment du règlement des indemnités dues aux propriétaires riverains des digues ; elle a permis en outre de faciliter le paiement rapide et régulier des coolies employés aux travaux. Les terrassements à entreprendre, — qu'il s'agisse de remblais ordi¬ naires ou de remblais corroyés, — ont été, pour chaque campagne, frac¬ tionnés en de multiples lots, ne dépassant pas individuellement 25 à 30.000 piastres. Ce morcellement a permis, chaque année, de s'étendre sur de grandes longueurs, de restreindre l'effet des défections possibles, de faciliter le recrutement des coolies et la surveillance des travaux. II a été fait appel pour cela à tous les tâcherons ayant déjà des réfé¬ rences, aussi bien aux entrepreneurs connus qu'aux spécialistes beso¬ gneux, mais réputés pour leur conscience professionnelle. Cette utilisa¬ tion des compétences a pu être réalisée en instituant le paiement d'acomp¬ tes décadaires ; par ce moyen, la puissance financière des entreprises, — qui n'est pas toujours une garantie de bon travail, — n'avait pas à intervenir. D'autre part, l'Administrai ion des Travaux Publics a estimé qu'il fal¬ lait à pied d'œuvre un personnel technique compétent pour conduire rapidement et sans à-coup une besogne aussi vaste. Dans ce but elle a divisé l'ensemble des digues en sections rattachées au Service Hydrau¬ lique et comportant des Subdivisions dirigées par des Ingénieurs ou des Agents techniques en résidences sur les travaux. On a pu ainsi, sans grosses difficultés, rassembler sur les digues du delta des effectifs impressionnants,, ayant atteint certains jours 70.000 unités ; cet effort continu a permis de terminer, chaque année, avant la montée des eaux, la totalité des cubes prévus. §2. — Amélioration de la qualité des remblais Nous parlerons successivement de ce qui a été fait pour les remblais ordinaires et les remblais d'étancliement. a) Remblais ordinaires. On est étonné de constater le peu de soins qu'apportent les indi¬ gènes, livrés à eux-mêmes, dans les travaux de terrassements. Ce fait est d'autanI plus déconcertant qu'ils sont, en la matière, d'infatigables ouvriers, habitués dès leur jeune âge à remuer de la terre, dans des conditions souvent difficiles. Le fait n'en est pas moins acquis que, sans une surveillance active, ils constituent des remblais, soit à l'aide de mottes empilées en vrac, soit en entassant à flanc de talus des terres jetées au panier. Ils semblent vouloir ignorer la pioche et la dame. Ti est à présumer, dans ces conditions, que toutes les premières di¬ gues du Tonkin, exécutées sans aucun contrôle technique, opposaient à la montée des eaux, un remhlai de résistance et d'étanchéité douteuses. Depuis 1926, le personnel spécial installé sur les digues a pu veiller sévèrement à l'application des conditions techniques imposées aux t⬠cherons et aux entrepreneurs et la qualité du travail exécuté a été, de ce fait, considérablement améliorée. En particulier, les mauvaises terres ont pu être refusées, et les rem¬ blais, exécutés par couches horizontales damées et sans mottes, offrent ainsi des garanties de solidité et d'imperméabilité non obtenues jusque là. b) Remblais corroyés à l'aide d'engins mécaniques. En matière de défense contre les crues, l'emploi du matériel mécanique fait au Tonkin, depuis 1926, ne comporte point de précédent d'égale envergure. La question des corrovages appelle ici, de ce fait, une étude quelque peu détaillée. Après un historique de l'emploi des corroyeurs au Ton¬ kin.. nous dirons quelques mots, successivement, des terres employées, du matériel utilisé, des résultats obtenus. CAMPEMENT DE LA SUBDIVISION DE CAO-DUONG (Hanam) 1AMPEMENT DE LA SUBDIVISION DE PIIUONG-TRU Photos Indochine Films (Ilungyên) — 7i — Historique cle Vemploi des corroyeurs au Tonkin. Les trois premiers corroyeurs à essence livrés à la Colonie étaient réservés à l'exécution des parties en remblai du Canal du Song Cau. A peine débarqués, en 1924, ils furent utilisés, durant deux mois, pour la réfection après rupture, de la digue de Phi-Liêt (R. G. du Fleuve Rouge, province de Bac-Ninh). Rien qu'employés hâtivement sur des couches trop épaisses (épaisseur de 0 m. 40, réduite par corroyage à 0 m. 20), les résultats obtenus ont été encourageants. Plus lard, en 1926, 20 nouveaux corroyeurs à essence furent com¬ mandés. Une mise au point des appareils et de l'organisation des chan¬ tiers, — suivant les conditions techniques actuellement imposées, — fut faite sur des renforcements en cours dans la traversée d'Hanoi (entre la rue de France et l'Hôpital). Immédiatement après commencèrent les grands travaux de la digue de Lam-Giu, sur laquelle neuf corroyeurs à essence ont permis l'exécution, de janvier à décembre 1927, de 582.000 mètres cubes de remblais. L'année suivante, le matériel en service fut augmenté de 15 rouleaux à vapeur et des lots de masques corroyés importants ont alors été entre¬ pris chaque année. La nécessité de pousser, tant l'achèvement de l'étanchement en cours des digues existantes, que l'exécution d'une importante longueur de digues neuves, a justifié récemment une commande de 12 rouleaux à vapeur supplémentaires et, à titre d'essai, de 3 rouleaux à mazout. Le matériel employé comprendra ainsi, à partir de la campagne pro¬ chaine, 53 engins, soit : 23 corroyeurs à essence ; 27 rouleaux à vapeur ; et 3 rouleaux à mazout. Qualités et consistance des terres employées. La terre qui convient le mieux aux remblais corroyés doit être coiù- posée de 25 à 30 % de sable et de 75 à 70 % d'argile. Cette composition assure aux remblais, s'ils sont bien exécutés, une parfaite étanchéité ; la terre ainsi constituée est d'ailleurs meuble et sa mise en œuvre n'offre point de difficulté particulière. - 72 — On s'e$t soucié, à diverses reprises, au cours des travaux de ccrroyage des digues, de rechercher la proportion de sable contenu dans les terres employées. De nombreuses expériences ont été faites dans les Subdivisions par des procédés sommaires ; des analyses plus précises ont été effectuées par le Service des Mines. Les analyses approximatives par lavage et décapitation des terres em¬ ployées ont été faites en volume et en, poids. Les résultats obtenus — d'ailleurs à des dates et en des points différents, — ont été assez dis¬ semblables. La proportion de sable varie de 6 à 57 % dans le§ analyses en poids, de 3 à 21 % dans les analyses en volume. Ces chiffres indi¬ quent, d'une façon générale, plutôt une insuffisance de l'élément sable. Les quelques analyses faites par Je Service des Mines font ressortir un pourcentage de sable beaucoup plus considérable. Naus rappelons, en passant, que des analyses anciennes du Laboratoire de l'Agriculture ont donné souvent 70 % de sable de diverses grosseurs. Vraisemblablement, les expériences de chantier, bien que faites avec soin, ont été faussées, du fait de l'entraînement dans les opérations de lavage, d'une part des éléments les plus tenus. Nous devons noter (pie, partout, les sables qui ont pu être recueillis sont d'une extrême finesse. A ce sujet, nous tenons à souligner qu'il a été constaté que des terres contenant un excès de sable très fin peuvent cependant donner d'excel¬ lents remblais. Il est à présumer que dans ce cas. les fines molécules de sable se mêlent intimement à l'argile qui les enrobe, pour constituer malgré tout, un ensemble compact et imperméable. Dans ces conditions, les terres employées ont pu être, sauf d'assez .rares exceptions, prélevées dans les chambres d'emprunt avant servi aux renforcements ordinaires. Un gros inconvénient, souvent rencontré au Tonkin, réside dans l'hu¬ midité excessive des terres employées, soit que cette humidité provienne des pluies, soit qu'elle résulte de la submersion des terrains voisins des digues. Des pluies fréquentes paralysent complètement un chantier de cor¬ rovage ; les couches de terre fraîchement répandues se détrempent rapi¬ dement ; celles en cours de corrovage deviennent glissantes ; dès qu'une averse un peu importante survient, c'est pour le moins, même en saison chaude, un chômage de 24 heures. Une année pluvieuse rend ainsi aléatoire l'achèvement d'un programme de corrovage de quelque im¬ portance. L'inconvénient n'est pas moins grand pour la conduite des lots où la digue est baignée de chaque côté par des mares permanentes de gran¬ de étendue. L'assèchement des terres d'emprunt demande alors du temps — 73 — et la question se complique si, du fait de pluies fréquentes, la submer¬ sion se renouvelle a plusieurs reprises. Les terres imprégnées d'eau sont inutilisables ; il faut les faire sécher a.vant l'emploi sur les banquettes et les talus des digues. C'est là une sujétion qui immobilise les équipes et décourage les meilleures volontés. Matériel utilisé. Les corroyeurs employés peuvent se classer en deux groupes : les cor- roveurs à essence et les rouleaux à vapeur. a) Corroyeurs à essence. — Les corroyeurs à essence utilisés sont du type Brunet. Ils sont actionnés par un moteur à essence à 4 cylindres de 75 m/m d'alésage et de 140 m/m de course La vitesse du moteur est de 1.200 à 1.400 tours par minute et sa puissance est, de 12/16 chevaux. Ces engins pèsent 3 tonnes, couvrent une largeur de 1 m. 20 et don¬ nent ainsi une compression de 250 kilogrammes par décimètre de jante. Ils ont l'avantage de s'inscrire facilement dans les courbes de faible rayon et de permettre, le cas échéant, l'exécution de masques de lar¬ geur réduite. Ils ont l'avantage aussi de pouvoir emprunter les bacs et les ponts en charpente (1). Leur gros inconvénient réside clans leur fragilité. Les efforts acci¬ dentels qu'ils peuvent avoir à fournir (terre trop humide, couches trop épaisses) les condamnent presque infailliblement à de longues pannes et de coûteuses réparations. Ils exigent une surveillance rigoureuse de tous les instants, tant de la machine même crue des remblais à mettre en œuvre. b) Bouleaux compresseurs à vapeur. — Les rouleaux à vapeur em¬ ployés sont de marque Albaret. La force effective du moteur est de 8 C. V. ; le nombre de tours, correspondant à une vitesse de 5 kilo¬ mètres à l'heure, est de 285. (1) A égalité de poids ils fourniraient un corroyage plus énergique. Il a été prati¬ quement reconnu, en effet, que les roues de faible diamètre donnaient les meilleurs résultats. ~ 74 — A Le diamètre du piston est de 0.145. Ces rouleaux pèsent 5 tonnes et ont 1 m. 75 de largeur. La com¬ pression obtenue atteint, par suite, 285 kilogrammes par décimètre de janle. lype de roue cannelée ( roue avant dun rouleau à vapeur) 1% Ces appareils, à roues interchangeables, cannelées ou non, peuvent servir indistinctement au corrovage des remblais ou aux travaux de cylindrage. Plus encombrants et plus lourds que les corroyeurs à essence, ils ne sauraient être utilisés comme eux sur des courbes à très petits rayons, ou sur des couches basses détrempées peu résistantes. Ils ont, par contre, la grande supériorité d'une robustesse à toute épreuve. Tous les cylindres utilisés jusqu'à ce jour ont pu sans arrêt, même de courte durée, terminer la tâche pour laquelle ils étaient dési¬ gnés. Cet avantage n'a pas échappé aux entrepreneurs, qui, après quelque appréhension, ont tous montré une préférence marquée pour ces engins. Diverses applications des corroyages. — Résultats obtenus. — Jus¬ qu'ici une seule digue neuve a été corroyée mécaniquement, dans toute sa masse : c'est la digue de Lam-Giu, construite sur la rive gauche du Fleu¬ ve Rouge, à l'aval d'Hanoi, au droit de la grande brèche de 1926. Elle re¬ présente une longueur de 2958 mètres et un cube de 582.000 mètres cubes. Par contre, un très gros effort a déjà été fourni pour l'exécution des masques ci-dessus décrits qui s'étendront, fin 19-31, sur plus de 200 kilo- mêtres de digues. D'autre part, dans un programme spécial de défense des berges, que nous détaillerons plus loin, — programme comportant de longues va¬ riantes des endiguements menacés, — il est prévu l'exécution de mas¬ ques spéciaux de forte section et particulièrement stables (Voir profils — 75 — page 80). Les premiers chantiers à ouvrir prendront une activité par¬ ticulière dès la prochaine campagne sur les digues de Ha-Nam, où une vingtaine d'engins mécaniques seront utilisés. Le malaxage et la compression énergique des couches superposées, à l'aide des corroyeurs, ont permis d'obtenir partout des remblais par¬ faitement compacts et étaqches. Le premier travail exécuté a trait à la digue neuve, déjà citée, de Làm- Giu (1926-1927) qui s'est, jusqu'ici, parfaitement comportée : bien qu'ayant subi l'épreuve de deux crues importantes (11.42) à Hanoi, en juillet 1928 ; (11.10), en août 1929, les remblais neufs n'ont donné lieu à aucune infiltration, aucun suintement. Leur tassement, de l'ordre de quelques décimètres, pour une hauteur dépassant 10 mètres en certains points, est négligeable. Les masques latéraux actuellement terminés et qui ont été aussi en charge à diverses reprises, ont également donné partout toute l'étanchéité désirée. Il est vraisemblable enfin que les masques spéciaux des di¬ gues neuves permettront la mise en charge des remblais, dès leur achè¬ vement (1). Rendement des corroyeurs. Le bon fonctionnement d'un chantier de corroyage dépend d'assez nombreux facteurs qu'il n'est pas toujours, — surtout à la Colonie, — aisé de grouper pour des périodes de longue durée. Il faudrait, en particulier, que l'on, puisse à la fois disposer d'engins en parfait état et en assez grand nombre, en même temps que de moyens de réparations rapides ; travailler toujours en dehors de la saison des pluies et utiliser des chambres d'emprunt assainies, à proximité des travaux ; corroyer enfin des tronçons d'assez grande longueur. On devrait dans les conditions les plus favorables, par journées de 10 heures et par machine pouvoir assurer le corroyage de 400 à 500 mètres cubes de remblais. (1) Accessoirement nous signalerons un travail de peu d'importance et n'inté¬ ressant point la défense contre les inondations, mais qui fait ressortir de façon toute particulière l'indiscutable valeur des remblais corroyés mécaniquement. Il s'agit de l'exécution récente sur le réseau d'irrigation du Song Câu, des hautes banquettes assurant le passage de canal de navigation sur le siphon de Van-Gia : aucune faiblesse de ces remblais ne s'est révélée après la mise en eau, qui a cepen¬ dant été effectuée alors que les travaux étaient à peine terminés. - 76 - Ces résultats ont été confirmés par certains auteurs. Nous citerons en particulier le cours de Barrages de M. Bonnet signalant : un rendement journalier de 500 mètres cubes obtenu à Torcy par des rouleaux à yapeur de 5 tonnes ; et un rendement de -30 à 40 mètres cubes à l'heure fourni sur les digues des canaux du Nord et de Montbéliard à la Haute Saône, par des corroyeurs à pétrole pesant 3.000 kilogrammes en ordre de marche. Au Tonkin, ces chiffres ont été obtenus, sinon dépassés lors de l'exé¬ cution de la digue neuve de Lâm-Giu. On. se trouvait là, dans des condi¬ tions exceptionnelles (large surface de corroyage, matériel neuf, cham¬ bres d'emprunt faciles, proximité d'Hanoi) qui n'ont plus jamais été rencontrées dans l'exécution des masques d'élanchement. Par la suite, des renseignements groupés par le service notamment sur Ha-Dông en 1927-1929, ont fait ressortir le cube moyen corroyé par jour¬ née de travail, pour des périodes à peu près ininterrompues : à 220 mètres cubes environ pour les rouleaux à essence utilisant 240 coolies et à 300 mètres cubes environ pour les rouleaux à vapeur utili¬ sant 290 coolies. Il est prudent, dans ces conditions, tout au moins pour l'exécution des masques, et en tenant compte de facteurs défavorables, la plupart inhé¬ rents à la Colonie, de ne jamais compter par machine et par jour, sur un cube corroyé dépassant 250 à 300 mètres cubes. Prix de revient des remblais corroyés. Dans Ions les travaux exécutés jusqu'ici au Tonkin les entrepreneurs ou tâcherons ont été chargés exclusivement de la fourniture des terres et de leur préparation préalable (damage, piochage, mise au gabarit) L'Administration s'est réservée les travaux de corroyage et a pris par suite à sa charge tous les frais relatifs aux réparations et à la conduite du maté¬ riel (personnel et combustible). Il convient, par suite, de faire ressortir, d'une part, les prix de revient payés aux entrepreneurs, d'autre part, ceux relatifs au corroyage pro¬ prement dit. Prix payés aux entrepreneurs. — Il est normal qu'il soit demandé pour les remblais corroyés mécaniquement, des prix supérieurs à ceux rela¬ tifs aux remblais ordinaires. Photo Indochine Films MASQUE CORROYÉ EN COURS D'EXECUTION (on vo,it, à gauche lejs redans pratiqués dans le talus de la digue à étancher, à droite une banquette de pied en remblais ordinaires) D'une part, ii est exigé l'emploi de terres d'excellente qualité, conte¬ nant des proportions définies de sable et d'argile et celle circonstance peut nécessiter, soit l'ouverture de chambres d'emprunt éloignées des digues, soit des mélanges de terres réclamant une main-d'œuvre spéciale. D'autre part, il faut tenir compte des sujétions du répandage en couches minces, clu piochage en iines mottes, de l'interposition parfois nécessaire de sable entre les diverses couches. Enfin, il faut bien se rendre compte que pour un même cube de remblai mis en œuvre une masse de terre vierge plus importante est nécessaire dans le cas des masques étanches que dans le cas des remblais courants. Il est reconnu qu'un mètre cube de terre vierge pesant de 1.700 kilogrammes à 1.800 kilogrammes a une densité dépassant 2.000 kilogrammes après corroyage. Dans le cas du remblai ordinaire on a généralement un décalage en sens inverse. Il n'est pas exagéré de compter que le coolie fournit ainsi sur la digue un cube supérieur de un cinquième à celui qu'il portait jusque là dans les travaux de renforcement. Il est équitable que ce travail supplémen¬ taire soit rétribué. Compte tenu, tant des circonstances ci-dessus énumérées, que des cau¬ ses accidentelles de chômage préjudiciables aux entreprises, il faut comp¬ ter actuellement, suivant les difficultés, que le prix payé à l'entrepreneur pour l'exécution d'un mètre cube de remblai corroyé, dépasse d'un peu moins d'un tiers (0 $ 13 à 0 $ 18) le prix qui lui serait attribué pour l'exécution de remblais ordinaires. Prix du corroyage proprement dit. — Les dépenses entraînées au cours d'une campagne de corroyage comprennent : le paiement du combustible (essence ou charbon) et des ingrédients divers nécessaires aux corroyeurs ; les frais de personnel (mécaniciens, gardiens, surveillants) ; enfin le rem¬ placement ou la réparation des pièces défectueuses. Nous avons récapitulé les dépenses engagées durant la campagne 1927- 1928 pour les lots exécutés sur la province de Ha-Dông et déduit de ce travail les prix de revient du mètre cube de remblai corroyé. Ces prix sont les suivants : 0 $ 033 pour les remblais exécutés à l'aide de corroyeurs à vapeur, et 0 $ 044 pour les remblais exécutés à l'aide de corroyeurs à essence. Les travaux qui ont été exécutés par la suile laissent présumer une aug¬ mentation de 0 $ 01 à 0 $ 02 de ces prix moyens, du fait de Léloigne- rnent des chantiers, des chômages dûs aux pluies ou aux pannes, du mau¬ vais état de certains engins. Il n'est pas excessif actuellement de compter sur une moyenne de 0 S 0-5 par mètre cube de remblai corroyé. Il convient d'ailleurs de majorer ce chiffre de 0 $ 02 environ, pour tenir compte de l'amortissement du matériel utilisé. Il faut donc compter, 0 $ 07 par mètre cube pour la totalité des frais de corroyage proprement dits. En définitive, on doit admettre qu'au Tonkin le supplément total de dépenses à envisager par mètre cube, du fait de la substitution des rem¬ blais corroyés aux remblais ordinaires doit s'évaluer, suivant les cas de 0 # 20 à 0 $ 2ô. Ces chiffres, absolument justifiés ne sont pas excessifs ; ils sont plei¬ nement compensés par les indiscutables avantages obtenus. CHAPITRE IY Programme spéeiaS aie défense des berges. Travaux accessoires «lia programme aie P. *ogramme complémentaire (si'amclÛM'iiUoii aï «'s eiialigiiemenis. SOMMAIRE I. — Programme spécial de défense des berges Construction de digues neuves. § 1er. Nécessité de la fixation des berges dans les courbes concaves. — § 2. Méthode des points fixes. — § 3. Moyens de défense projetés (régula¬ risation et fixalio?! des courbes ; application des lois de F argue). — 5-i 4. Construction de digues neuves : généralités ; profils adoptés : a) di¬ gues neuves en terrains argileux détrempés ; b) digues neuves en ter¬ rains arg-ilo-sablonneux de bonne qualité. — Premiers travaux. II. — Travaux accessoires du programme de 1926. S 1er. Empierrement des digues. — § 2. Ouvrages des digues : a) allon¬ gement et restauration des ouvrages existants ; b) ouvrages spéciaux au droit des villes de Hanoi et de Nam-Dinh. — § 3. Suppression des plan¬ tations des digues. III. — Programme complémentaire d'amélioration des endiguements § 1er. Définition des réseaux secondaires : a) digues du Fleuve Rouge à l'amont de Yiétri ; b) digues prolongeant dans le bas delta le réseau renforcé ; c) digues des déficients secondaires ; d) endiguements du bassin du Song Thai-Rinh. — § 2. Etendue des réseaux secondaires à améliorer et consistance des travaux à envisager. — § 3. Digression sur les endiguements• littoraux. I. — Programme spécial de défense des berges Construction de digues neuves. § Ier. — Nécessité de la fixation des berges DANS LES COURBE^ CONCAAEs A l'achèvement du programme de renforcement élaboré eu 1924, re¬ pris en 1926, et depuis, considérablement amplifié, tout le bassin du Fleuve Rouge, à l'aval de Viétri, sera denté de digues hautes, solides et étanches pouvant être avantageusement comparées aux plus fortes digues du monde. 11 restera malgré tout, après le gros effort accompli, une menace grave en bien des points du delta, où le fleuve, dans ses courbes concaves, sa¬ pant peu à peu ses berges, se rapproche d'année en année des rem¬ blais de défense et les condamne irrémédiablement, dans un avenir plus ou moins lointain, à une destruction certaine. ' Jusqu'à ces dernières années, la fragilité relative des digues laissait au second plan le danger en question, et de ce fait, aucun projet im¬ portant de fixation du lit mineur n'a été mis au point. Des travaux assez onéreux ont cependant été exécutés, comme nous le verrons plus loin, pour enrayer dans la mesure du possible, au droit des points les plus menacés, l'arrachement des fonds et l'érosion des berges. On doit reconnaître qu'ils sont nettement insuffisants. Actuellement, il importe à tout prix, — si l'on veut conserver par¬ tout l'avantage acquis des renforcements et étanchements exécutés, — de défendre de façon définitive, pai des enrochements importants et ra¬ tionnellement établis, tous les points où l'érosion des berges concaves reste encore une menace grave pour les digues proches (1). Avant de détailler le programme spécial étudié à cet effet, nous dirons quelques mots des moyens spéciaux employés jusqu'ici au Tonkin et qui constituent une méthode de fortune dite méthode « des points fixes ». (1) D'une façon générale tous les pays défendus par des endiguements se sont souciés d'assurer une protection solide des tronçons de digues menacés. Nous signalerons, en particulier, qu'il vient d'être étudié aux Etats-Unis, un projet géné¬ ral de revêtement des berges, utilisant les méthodes connues qui ont fait leurs preuves, et pour lequel une dépense de 110.000 gold-dollars a été prévue. POINTS FIXES DE NHU-TRAC (Hanam) (à droite la digue actuelle, en bordure du fleuve, à l'horizon une digue abandonnée) — 8i - s 2. — Méthode des points fixes Il a été adopté jusqu'ici une demi-mesure, consistant à défendre uni¬ quement les berges concaves sur leurs tronçons voisins des digues. La méthode employée, spéciale à la Colonie, consiste à fixer le point en danger par un amoncellement de moellons jetés à la main, s'étalant largement à la base, pour se réduire au sommet à un simple perré. On constitue ainsi une véritable cuirasse mobile, pouvant se déformer sans se détruire. Des approvisionnements, constitués à proximité, permettent de recharger immédiatement le mur de défense s'il vient à s'affaisser, du fait de l'affouillement par les courants de fond. 11 existe, tant sur le Fleuve Rouge que sur ses défluents, un très grand nombre de points fixes qui, depuis longtemps, défendent ainsi des di¬ gues trop proches des courants, et laissent, quand le danger devient sérieux, tout le temps nécessaire pour l'exécution à l'arrière, de contre- digues s'éloignant de la zone menacée. Le Fleuve Rouge comporte, en particulier, au droit de profondeurs impressionnantes, des points fixes, où le talus des enrochements pro¬ longe celui de la digue. On peut citer comme exemple de ce genre( les défenses de Vu-Diên, Nhu-Trac et Phuong-Trà (Ha-NamJ, où la digue est à l'aplomb des berges, devant des fonds de près de -30 mètres. Le défaut du procédé est de localiser la défense, sur un faible tron¬ çon, au droit de la digue menacée ; l'érosion se continue alors peu à peu, à l'amont et à l'aval du point fixe, qui, — s'il n'est point sur¬ veillé attentivement, — finit par constituer un éperon saillant isolé, condamné tôt ou tard à un effondrement définitif (voir croquis ci- après). On est ainsi conduit peu à peu à allonger les enrochements, de part et d'autre de la courbe attaquée. Cet allongement n'est d'ailleurs effectué, en général, qu'à l'époque trop tardive où l'érosion a gagné de nouveau la digue. Il en résulte peu à peu une déformation de la courbe, qui se brise souvent aux points défendus, pour constituer en bordure immédiate du remblai, un ali¬ gnement plus ou moins dentelé, susceptible d'apporter des perturbations graves dans les courants des crues. On peut citer comme exemples ca¬ ractéristiques de ces déformations, ceux des courbes de Vinh-Xuân, Nhu-Trac et Phuong-Trà (Rive droite du Fleuve Rouge). Dans un rapport du 15 janvier 1917, M. l'Ingénieur en Chef Denain faisait ressortir l'inconvénient du procédé et en même temps la grosse dépense en moellons qu'il entraîne : il signalait que certains points fixes avaient absorbé plus de 15.000 mètres cubes de moellons depuis leur création. Nous nous sommes rendu compte que cette consommation est bien plus forte encore à l'heure actuelle ; à titre d'exemple on peut citer la défense de Nhu-Trac qui a nécessité jusqu'ici près de 31 mètres cubes par mètre linéaire, soit au total 45.000 mètres cubes au moins. § 3_ — Moyens de défense projetés (régularisation et fixation des courbes ; application des lois de fargue) Il importe donc d'abandonner définitivement la méthode ci-dessus et de recourir au procédé plus scientifique et plus sûr, consistant à fixer, par des enrochements longitudinaux, les berges du lit mineur suivant leurs courbures naturelles (1)- Nous avons signalé déjà que les rivières à fond mobile sont astreintes à la loi du serpentement. Il faut donc, dans la mesure du possible, ne rien changer aux courbes apparues et les tenir, sur toutes leurs lon- (1) Nous signalerons qu'on n'a pas cru devoir préconiser au Tonkin l'applica¬ tion de la défense par épis noyés qui, — au point de vue de l'amélioration des conditions de navigation, — a donné des résultats dans le Cua-Câm et le Canal des Bambous. En ce qui concerne la protection des digues, la méthode par enro¬ chements longitudinaux est plus sûre. Elle permet, en effet, de réduire au mini¬ mum les érosions du fait de la possibilité de tracer parfaitement des courbes régulières à rayons variables ; elle évite, d'autre part, les effets des remous qui, avec les vitesses excessives des courants de fond, se produiraient entre les épis. / 83 — gueurs par des enrochements, chaque fois qu'il en est encore temps ; si elles ont été déformées par des défenses irrationnelles, il faut les lais¬ ser se reconstituer- et préparer à l'arrière, en temps opportun et aux points voulus, les enrochements longitudinaux qui doivent assurer leur fixation. A ce sujet, il est à remarquer que les règles de Fargue, — notam¬ ment celle relative à la variation graduelle et continue des courbes, — sont entièrement applicables au Fleuve Rouge II suffit, pour s'en ren¬ dre compte, de suivre le tracé de ce fleuve sur la carte au 1/25.000e. Dans ces conditions, il sera relativement aisé, pour les tronçons défor¬ més, de créer un arc médian à variations continues, se raccordant tan- gentiellement, à l'amont et à l'aval, avec les parties de berge suscep¬ tibles d'être conservées. Il a été fait déjà, sur le Fleuve Rouge deux essais fort intéressants de régularisation de ce genre, l'un à Xam-Thi, l'autre à Co-Liêu (Ha-Dông). Les courbes ont été fixées, suivant les règles ci-dessus, par de longs en¬ rochements longitudinaux, rattachés à la digue par des « traverses », susceptibles d'assurer un. rapide colmatage des terrains du lit majeur. Ces ouvrages ont donné jusqu'ici toute satisfaction. Créées en 1917, sur l'initiative de M. l'Ingénieur en Chef Denain, ces courbes ont nécessité une consommation en moellons, très inférieure à celle qu'aurait exigé l'aménagement rie points fixes (14 m3 500 par mè¬ tre linéaire pour Cô-Liêu ; 5 mètres cubes pour Xam-Thi). § 4. CoXSTRUCTIOX DE DIGUES NEUVES Généralités. — Jusqu'ici, chaque fois (pie la ruine d'un point fixe est devenue pour la digue proche un danger trop menaçant, il a été construit, à l'arrière, de courtes contredigues et la défense des berges ci été continuée par les mêmes moyens de fortune. Ainsi s'expliquent les nombreuses boucles que comportent actuelle¬ ment les endiguements du delta et qui, parfois, à la suite de reculs successifs se superposent, en laissant des tronçons déchiquetés, vestiges des ruptures anciennes. Les régularisations envisagées ci-dessus vont nécessiter parfois d'im¬ portantes rectifications des digues existantes. Il importe, en. effet, d'aban¬ donner définitivement les remblais longeant le fleuve et d'étudier, au droit des enrochements nouveaux, des tracés réguliers, distants de 150 à 200 mètres au moins des nouvelles berges défendues. — 84 — Profils adoptés. — Les excellents résultats obtenus à Lam-Giu ont fait ressortir que le corroyage mécanique des remblais dans toute leur masse peut permettre d'obtenir, dès le début et de façon définitive, l'étanchéité nécessaire à la sécurité des digues. Aussi fut-il décidé d'abord d'exécuter, à l'aide de remblais corroyés, la totalité des digues neuves. Les premiers chantiers ouverts à Nhu-Trac et Vu-Diên (digue rive gauche du Fleuve Rouge, province de Ha-Nam) où d'importantes va¬ riantes sont en cours d'exécution, ont fait apparaître des difficultés, assez courantes dans le bas delta, et qui ont eu pour conséquence 1 Aban¬ don des projets primitifs, comportant exclusivement des remblais cor¬ royés. Les difficultés en question ont eu leur source dans la nature des ter¬ res d'emprunt, constituées exclusivement d'argiles plastiques très hu¬ mides, absolument impropres au corroyage sans un séchage préalable et l'addition d'une importante quantité de sable. Pour réaliser, malgré cet inconvénient, des digues étanches, sans pour cela interrompre les travaux des entreprises en cours, il a été étudié un profil spécial prévoyant à la fois des remblais ordinaires et des rem¬ blais corroyés. Cette solution mixte, qui se traduit par une économie appréciable, paraît offrir des garanties d'étanchéité satisfaisantes, tout en exigeant un matériel relativement réduit. M. l'Inspecteur Général, a décidé, par la suite, de l'étendre à toutes les digues neuves, en apportant toutefois, — dans le cas possible de l'emploi de terres assainies et de bonne qualité, — quelques modifi¬ cations aux profils de Nhu-Trac et Vu-Diên. Nous donnons ci-après quelques détails sur les deux profils étudiés : a) Digues neuves en terrains argileux détrempés. — Le gabarit de la digue reste le même que celui de 1926 (plateforme de 7 m., talus à 2/1 côté fleuve et à 3/1 côté rizière ; banquette au. pied du talus aval). La première phase des travaux comprend l'exécution de remblais or¬ dinaires et prévoit l'aménagement de deux plateformes de 8 m. de lar¬ geur, l'une pour l'approvisionnement des sables nécessaires aux corro- yages, l'autre pour le séchage préalable des terres argileuses à utiliser. La deuxième phase comporte l'exécution d'un important masque corroyé, ayant 3 m. de largeur en crête et dont la section représente près de la moitié du profil de la digue. Ce masque, bien qu'exécuté après les remblais ordinaires, ne s'appuie sur eux que par une partie surabondante uniquement corroyée dans le but d'éviter des tassements dans le corps de la digue. Profils en travers de digues neuves 1= Digues en ierrains argileux déirempès Plateformes pour approvisionnement de sable et de ferre a sécher o' K- —T^Qo _ 3.00 Côté fleuve \eLe phase des travaux Exécution de remblais ordinaires de la partie a b c d e f 21 phase des travaux B. Exécution de masque ghikl après avoir retaillé le remblai ordinaire suivant la verticale g h C. Corroyage simultané de la partie e h m pour éviter tassements ultérieurs D. Exécution de ta partie supérieure d n i m en remblais ordinaires mais avec addition de sable 2° Digues en terrains argilo-sablonneux assainis 7.00 _j ■"imTiiiuvnw tu^nisri lUvf /Vota: Les remblais ordinaires et le masque corroyé sont conduits parallèlement. EXÉCUTION DE LA DIGUE NEUTE DE NHU-TBAC ( lre phase d'CS travaUX, remblais ordinaires) ; (à droite la digue actuelle). Photo Indochine Films - 85 - Le profil doit être complété, en dernier lieu, par l'exhaussement à la cote de défense des terrassements de la première phase, à l'aide de rem¬ blais ordinaires additionnés de sable. b) Digues neuves en terrains argilo-sablonneux de bonne qualité. — Le gabarit de la digue est le même que dans le cas précédent. Le masque étancbe conserve aussi sensiblement les mêmes dimen¬ sions. 11 présente, dans le corps de la digue, au contact des remblais ordinaires, une surface plane inclinée à 1/2 ; il est parfaitement stable, du fait qu'il prend uniquement appui sur le sol. Les difficultés du cas précédent n'existant plus, on peut prévoir que les remblais ordinaires et les remblais corroyés seront conduits parallè¬ lement. Programme à réaliser. — Premiers travaux. — La question de la défense des berges vient d'être reprise récemment et un avant-projet d'ensemble relatif à l'enrochement longitudinal des principales courbes concaves du Fleuve Rouge a été dressé. (1) La dépense prévue, évaluée à 2.700.000 piastres et qui comprend une importante longueur de digues neuves (30 kilomètres environ) n,'est point hors de proportion avec les résultats à obtenir. L'effort sans précédent réalisé au cours de ces dernières années, pour l'amélioration des digues du Tonkin, impose impérativement cet effort nouveau. Sans lui, l'énorme sacrifice consenti risque d'être vain. D'ores et déjà, l'amélioration des courbes enrochées est en cours et les chantiers de trois importantes digues neuves sont ouverts, sur la province de Phu-Ly, à Vu-Diên, Nhu-Trac et Phuong-Trà. (Voir PL IV, le plan de la variante de Phuong-Trà). Ces digues qui doivent remplacer trois des tronçons les plus exposés des endiguements de la rive droite du Fleuve Rouge ont une longueur totale de 9 kilomètres et représentent plus d'un million de mètres cubes de remblais, dont, la moitié environ doit être corroyée mécaniquement. IL — Travaux accessoires du programme de 1926. Les importants travaux de renforcement et d'étanchement ci-dessus décrits, doivent être nécessairement complétés par l'exécution de chaus- Cf) Voir rapport de M. l'Ingénieur en Chef Lemai, du 4 octobre 1929. — 86 — sées neuves sur les digues exhaussées et par rallongement des ouvrages d'art construits dans le corps des remblais. D'autre part, les solutions de continuité des digues, laissées dans la traversée des villes nécessi¬ tent la prévision d'ouvrages spéciaux. Nous détaillons ci-après ces divers travaux, connexes des travaux de terrassements, et dont l'importance appelle une justification. Nous dirons, pour terminer, quelques mots au sujet de précautions prises au cours des travaux de renforcement, et qui ont trait à la suppression des plantations existant dans les talus des digues. § 1er. — Empierrement des digues L'empierrement de la plateforme des principales digues du Tonkin a été ébauché depuis longtemps sur quelques tronçons à circulation par¬ ticulièrement intense. Des vestiges d'anciennes chaussées enfouies dans les remblais exhaussés, indiquent l'époque déjà ancienne de leur exé¬ cution. Ce n'est guère cependant que depuis une dizaine d'années, qu'un effort sérieux a été fait pour assurer la continuité des empierrements sur de grandes longueurs. De 1920 à 1926 il a été ainsi créé sur les digues du delta *300 kilomètres environ de chaussées empierrées. Cette amélioration de la viabilité des digues, envisagée surtout pour faciliter leur surveillance en temps de crue, a permis accessoirement de constituer de véritables routes secondaires desservant les villages rive¬ rains des fleuves ; la liaison des digues à l'important réseau routier du delta a été d'ailleurs assurée à l'aide de nombreuses voies transversales qui, très utiles à l'habitant, permettent en outre, en cas de besoin, de porter secours, dans un minimum de temps, aux points les plus loin¬ tains des remblais en danger. Les travaux jusque là exécutés ne comportent que des empierrements sommaires créés et entretenus par le Service Hydraulique. Ils ont été assez négligés depuis 1926, du fait de l'éventualité de leur abandon, au moment de l'élargissement à 7 m. des banquettes d'exhaussement ac¬ tuelles. La question de la reconstitution des chaussées sur la plateforme des digues exhaussées va être reprise au fur et à mesure de l'achèvement des travaux de terrassements ; les empierrements actuels vont être dé¬ molis et, les matériaux récupérés, réemployé? dans la mesure du pos¬ sible. Photo Indochine Films RECONSTRUCTION D UNE ECLUSE DANS LA DIGUE REVE DROITE DU SONG TRA-LY - 8y - Dans une mise au point récente de§ travaux restant à entreprendre sur les digues du Tonkin, l'exécution de chaussées empierrées sur les di¬ gues renforcées, a été prévue sur une longueur totale de 640 kilomètres. Nous avons fait ressortir sur la carte des endiguements du delta (voir Pl. Y) les empierrements envisagés et qui représentent au total une dépense évaluée à 700.000 piastres. § 2. — Ouvrages des digues (1) a) Allongement et restauration des ouvrages existants. — Nous avons signalé déjà (Voir pages 20 à 22) la multiplicité des ouvrages construits dans les digues, en vue d'assurer l'assèchement des casiers submer¬ gés par les pluies de l'été, ou l'irrigation par prises directes des riches rizières du bas delta. Ces ouvrages, dont quelques-uns d'exécution lointaine, ont été cons¬ truits au gabarit des digues de leur époque. Là, —- comme trop souvent en matière de travaux, — on s'est soucié des seuls besoins du moment, sans présumer qu'un jour il faudrait voir plus grand et remanier l'œu¬ vre ébauchée. Dans le cas particulier, la méthode a des excuses, notam¬ ment celle de l'économie, que justifiait pleinement l'insuffisance des moyens financiers, pour les travaux qui souvent ont été, — tout au moins pour une grosse part, — réalisés par l'habitant. Quoi qu'il en soit, les importants renforcements des digues, en voie d'achèvement, nécessitent l'allongement de toutes les écluses comprises dans l'étendue du programme de 1926. Sans cette opération, l'exhaus¬ sement des remblais à la cote de défense serait impossible au-dessus des ouvrages ; sans elle aussi, les raccords des remblais neufs aux têtes exis¬ tantes seraient; imparfaits et laisseraient des points faibles non renfor¬ cés, rendant illusoire la masse coûteuse des terrassements nouveaux. Chaque ouvrage à remanier a fait l'objet d'une visite préalable et chaque projet d'allongement a comporté, en même temps, les travaux de restauration des maçonneries conservées. Les ouvrages à remanier ont été répartis par lots et les travaux, acti¬ vement poussés depuis 1929, seront terminés dans le courant de l'année prochaine. Il aura été alors allongé et revu, 170 ouvrages (2) d'importance et de débouchés variables ; la dépense entraînée sera voisine de 300.000 piastres. Ci) T1 n'est point question ici des ouvrages de fermeture des défluents du Canal des Bambous actuellement envisagés pour améliorer les conditions d'assèchement de la province de Thai-Binh. (2) 49 pour le Fleuve Rouge, 52 pour le Song Trà-Ly, 36 pour le Canal des Bam¬ bous, 2*6 pour le Canal de Nam-Dinh, 5 pour le Day et 2 pour le Canal des Rapides. — 88 — b) Ouvrages spéciaux au droit des Villes. — Ville d'Hanoi. — A la suite de l'exécution en 1926-1927 des remblais de défense devant Hanoi, le port s'est trouvé isolé de la ville. Pour remédier a cet inconvénient, des brèches ont été laissées à mi-hauteur des digues pour permettre la continuité des communications. il ne pouvait y avoir là qu'une solution temporaire. Des escaliers, des rampes d accès maçonnées et des passages dans la digue comportant des fermetures de secours, ont été étudiés. Uii autre inconvénient résultant de l'exécution des remblais a été la stagnation, sur les boulevards longeant le fleuve, des eaux de pluie qui restent sans écoulement possible. Des buses ont été établies provisoire¬ ment sous la digue ; ce moyen d'évacuation, impossible en temps de crue, doit être complété par tout un système d'égouts rattaché au réseau de la ville. L'ensemble des divers travaux ci-dessus est importait ; il représente au total une dépense de 200.000 $ environ.. L'exécution des divers ou¬ vrages étudiés a été jusqu'ici différée, les crédits mis à la disposition du Service Hydraulique ayant, chaque année, été réservés aux travaux plus urgents de renforcement des digues menacées. Ville de Nam-Dinh. — Pour ce qui a trait à la défense de la ville de Nam-Dinh, une double complication se présentait, du fait de l'impor¬ tance du port et de l'exiguité relative de son terre-plein,, du fait aussi de la faible distance séparant le canal des quartiers populeux construits à l'amont et à l'aval des quais. La difficulté a été résolue : d'une part, au droit des immeubles, en exécutant une digue mixte comportant, du côté de la ville, un mur à parement vertical, et, à l'ar¬ rière, un remblai atteignant souvent la berge du fleuve ; d'autre part, devant le port, en. supprimant complètement la digue et en la remplaçant par un mur étanche comportant, — dans le prolonge¬ ment des appontements et au droit des voies d'accès au port, — de larges ouvertures pouvant être obturées en temps de crue. Les travaux, en cours actuellement, représenteront au total une dé¬ pense de 50.000 piastres. Nous noterons que des travaux analogues seront entrepris cette année pour assurer la défense de la ville de Thai-Binli. § 3. — Suppression des plantations des digues Nous avons fait ressortir, dans les généralités du début (voir page 51), les multiples dangers des plantations des digues. Leur suppression, DÉFENSE DE LA VILLE DE NAM-DINH ir laPIpj MUR AU DROIT DU PORT DIGUE MIXTE (À l'amont oit à l'aval du Port) PLANTATIONS DES DIGUES BANIAN SACRÉ SUR UNE DIGUE RENFORCÉE DU FLEUVE ROUGE Photos Indochine Films PLANTATION DE LONGANNIERS CONSERVÉE SUR LE TALUS AVAL D'UNE DIGUE RENFORCÉE (Hanaiïl) - 89 - depuis longtemps décidée, a lait l'objet de textes officiels. Nous cite rons, en particulier les circulaires du 29 novembre 1923 et du 9 dé¬ cembre 1924 du Résident supérieur prescrivant l'enlèvement des arbres » sur les digues, leur talus et sur une largeur de 10 m., à partir du pied du talus opposé au lleuve ». On doit reconnaître que la mesure a été assez timidement appliquée et, qu'au moment de l'ouverture des grands chantiers de 1926, il restait fort à faire. On peut signaler, en particulier, à cette époque, des planta¬ tions ininterrompues de longaniers tant sur les digues du Fleuve Rouge, (notamment dans la région de Vu-Diên (Phu-Ly), de Xuân-Moi (Bac- Ninh) et du centre.de Hung-Yên), que sur celles du canal des Bambous et du Song Trà-Ly. On peut citer, en outre, un peu partout, de nom¬ breux arbres isolés de fortes dimensions (banians et faux-cotonniers; très dangereux, du fait de leurs grosses racines à fibres molles particu¬ lièrement putrescibles. A partir de 1926, tous les arbres plantés sur les talus à renforcer ont été impitoyablemenl détruits, cela sans que les villages riverains, — in¬ demnisés et bénéficiant, du bois récupéré, — aient soulevé de protesta¬ tions sérieuses. On doit signaler d'ailleurs que les plantations des talus côté casier ont été respectées, dans la mesure du possible, ainsi que tous les arbres « sacrés », voisins des pagodes, imposants par leur masse, aussi vieux que les digues, et voués de ce fait à une vénération ancestrale. Ainsi ont peu à peu disparu les belles allées ombreuses qui donnaient à certain.es vieilles digues du Tonkin un charme très spécial, et qui ont été sacrifiées au souci bien humain, de se défendre avec le maximum de garantie, contre le fléau particulièrement redoutable que constitue l'inondation. Nous rappelons nue toutes les nrécautions ont été prises pour assurer aux digues, à remplacement des plantations supprimées, toute l'ét.»*»- chéité désirable (Voir page 55). III. — Programme complémentaire d'amélioration des endiguements. S l0r. — Définition des réseaux secondaires. Tous les travaux jusqu'ici détaillés se rapportent aux digues princi¬ pales du Tonkin, à celles qui défendent les grands casiers fertiles, pour lesquels toute rupture est une ruine certaine et Aient, ajouter chaque fois quelques pages pénibles à l'histoire du pays. C'est là, indiscutablement, que deA7ait être d'abord porté le gros effort déclenché en 1926. — 90 A côté de ces digues qui sont d'un intérêt capital pour la vie du delta, il existe au Tonkin, toute une série de longs endiguements secondaires créés de toutes pièces par l'habitant et entretenus par lui, et qu'il est logique de mettre en harmonie, par des travaux appropriés, avec le grand réseau renforcé, auquel ils sont d'ailleurs étroitement rattachés. Ces endiguements comprennent (Voir carte Pl. V) : ceux du Fleuve Rouge, à l'amont de Yiétri ; ceux prolongeant, jusqu'aux embouchures, les digues actuellement renforcées ; ceux intéressant les défluents secondaires du bas delta ; ceux enfin, défendant quelques casiers menacés du bassin du Song Thai-Binh. a) Digues du Fleuve Rouge à l'amont de Viétri. — Les importants apports de la Rivière Noire et de la Rivière Claire, immédiatement à l'amont des grands endiguements du delta, provoquent au-dessus de Yiétri une intumescence très forte qui a obligé depuis long-temps les habitants de la vallée à se défendre contre les inondations. Des digues ont été construites dans ce but jusqu'à hauteur de Phu-Tho, et même au- delà de ce centre, sur la rive gauche. Les levées actuelles sont insuffi¬ santes, autant comme altitude que comme section : elles sont fréquem¬ ment rompues et la Colonie a dû les reconstruire ou les réparer à di¬ verses reprises. T1 est logique par suite de comprendre leur restauration dans le pro¬ gramme complémentaire à envisager. b) Digues prolongeant dans le bas delta le réseau renforcé. — Ce sont, jusqu'aux endiguements littoraux : le prolongement des digues du Fleuve Rouge, à partir de Ngo-Dong, sur la rive droite et de Yen-Tu-Ha, sur la rive gauche ; le prolongement des digues du Song Trà-Ly, à l'aval de Thai-Binh et du Dav, à l'aval de Phu-Ly. Dans la même catégorie peuvent se classer le prolongement de la digue rive droite du canal de Nam-Dinh jusqu'au Day et du canal des Bambous, jusqu'au Song Thai-Binh. D'une façon générale, le programme de 1926, largement étendu de¬ puis cette épocpie, s'est arrêté aux points où le fleuve et ses défluents, voisins des embouchures ou d'exutoires de faible altitude, n'ont ja¬ mais de crues très hautes et où, de ce fait, l'inondation en cas de rup¬ ture est peu importante et de courte durée. Au delà, les digues, — dont les dimensions diminuent graduellement, — se soudent finalement aux endiguements marins et ont, dans une — 9i — large mesure, Je même rôle que ceux-ci, du l'ait qu'elles s'opposent à certaines époques, à J'envahissement des terres par les Ilots salés. La plupart des en.diguements de l'extrême bas delta ont été mal tra¬ cés. Trop rapprochés des rives, ils sont fréquemment détruits par les courants des crues ; les lits des lleuves y sont d'ailleurs moins fixés que partout ailleurs, du fait de l'inconsistance des fonds et des berges, constitués par des alluvions trop récentes, et le danger de coupures des digues est ainsi accru. Il faudra vraisemblablement abandonner fréquemment les travaux existants, d'ailleurs de peu de valeur, et étudier de nouveaux tracés ne gênant point les embouchures et assurant aux digues une durée satis¬ faisante. c) Digues des défluents secondaires. — Nous classerons dans cette ca¬ tégorie : d'une part, les importants bras alimentés par le Canal des Bambouls et qui sillonnent la province de Thai-Binh (1), d'autre pamt, un défluént du Fleuve Bouge, le Song Ninh-Co, qui intéresse la province de Nam-Dinh. Les défluents du Canal des Bambous sont, de l'amont à l'aval : le Song Tiên-Hung, le Song Dan-Hoi, le Song Giêm-Ho et le Song Hoa, ce dernier formant limite des deux provinces de Hai-duong et Thai- Binh. Les digues de ces cours d'eau sont relativement peu hautes, sauf celles du Song Tiên-Hung, qui sont d'ailleurs particulièrement fragiles et défendent mal de très riches casiers. Les digues du Song Ninh-Co protègent elles-mêmes de vastes rizières et l'intérêt particulier qu'elles présentent a été marqué à diverses re¬ prises par d'importants travaux de renforcement et d'exhaussement exécutés de la propre initiative des riverains. d) Endiguemenls du bassin du Song Thai-Binh. — Trois rivières importantes, le Song Cau, le Song Thuong et le Song Luc-Nam ras¬ semblent, leurs eaux, pour constituer, à Sept-Pagodes, le Song Thai-Binh. Nous avons vu déjà qu'à l'aval de ce point, le fleuve est grossi par les apports de deux défluents du Fleuve Bouge : le canal des Bapides et le canal des Bambous. Le Song Cau est endigué sur sa rive droite, à partir de Ha-Cliau (pro¬ vince de Thai-Nguyên) et, sur sa rive gauche à partir de Quê-Trao (pro¬ vince de Bac-Giang) ; les digues de la rive droite défendent, outre les casiers bas des 3 provinces de Thai-Nguyên, Phuc-Yên et Bac-Ninh, le centre de Bac-Ninh lui-même. Les digues de la rive gauche protègent avec celles du Song Thuong, la vaste plaine comprise entre les deux ri¬ vières. (1) Nous rappelons que la fermeture dg ces défluents est actuellement envisagée. Le renforcement de leurs digues serait, dans ce cas, abandonné. — 92 — Les digues du Song Thuong, importantes à l'aval de Phu-Lang- Thuong, se prolongent assez à l'amont de ce centre et, sur la rive droite, se retournent sur 1 un des affluents, le Song' Bao-Cau. Toutes intéres¬ sent exclusivement la province de Bac-Giang. Les rivières ci-dessus, dans leurs parties endiguées, sont proches des régions mamelonnées qui délimitent le delta dans sa partie Nord. Elles s'y sont creusé un lit parfois assez encaissé et la pente des crues y est assez forte. Il résulte de ce concours de circonstances défavorables, qu'au moment des grandes pluies, la masse liquide, rassemblée rapidement dans une section relativement étroite, produit dans la zone endiguée une forte intumescence, qui par contre s'affaisse très vite, dès qu'elle atteint les régions basses où les eaux peuvent s'étaler. II résulte de là aussi que les digues construites sont assez exposées ; on peut citer, en particulier, pour le Song Gau, 3 ruptures, au cours de la même crue, en 1918. De fréquents travaux de renforcement et d'ex¬ haussement ont dû être exécutés à différentes reprises, notamment sur la province de Bac-Giang. Les budgets de la Colonie ont à diverses re¬ prises aidé les riverains dans les travaux en question. Le Song Thai-Binh n'est assez sérieusement endigué qu'entre Sept- Pagodes et Haiduong et ses digues comportent même, sur la rive droite, deux solutions de continuité, l'une, à l'amont du canal des Rapides, l'autre, à l'aval de Cap-Diên, au droit de 2 cuvettes basses, qui ont vraisemblablement été laissées pour permettre un assèchement rapide des régions à la baisse des eaux. Après une longue interruption à l'aval de Haiduong, les digues du Song Thai-Binh réapparaissent sur la rive droite, pour se rattacher à celles du canal des Bambous, cela vraisem¬ blablement du fait de l'intumescence produite par les crues de ce dé¬ fi uen t. Actuellement tout le réseau ci-dessus, négligé depuis 1926, est en mauvais état. Il est indispensable que la question de son amélioration soit, reprise complètement dans un programme d'ensemble, notamment pour les endiguements relativement importants existant à l'amont de Sept-Pagodes. ? 2. — Etendue des réseaux secondaires a améliorer et consistance des travaux a envisager Les réseaux que nous venons de détailler comportent dans leur en¬ semble des remblais d'assez faibles sections (2 m. -50 à 4 m. 00 de lar¬ geur de plateforme ; 2 m. 00 à 4 m. 00 de hauteur) ; ils sont par contre assez étendus : leur longueur totale peut en effet être évaluée à près de 1.000 kilomètres. - 93 - Ils ont tous les défauts des premières digues annamites : mauvais tracé, section insuffisante, talus trop raides. La cote de la plateforme est généralement trop basse ; les banquettes d'exhaussement construites, dans le prolongement du talus amont, sut- la plate-forme de certaines d'entre elles, — notamment sur le Song Thuong el le Song Ninh-Co, — l'indiquent clairement. Il faudra donc vraisemblablement procéder, en même temps qu'à des Ira vaux de renforcement, à un exhaussement général des remblais, qui ne dépassera d'ailleurs pas, en moyenne, 0 m. 50. A ces travaux devront s'ajouter de longues variantes éloignant les remblais des berges, en particulier, dans les zones maritimes. Nous es- limons que, dans cet ordre d'idées, les digues du bas Fleuve Rouge et du Day seront à reprendre à peu près complètement. Il est difficile, eu égard à l'incertitude des données actuelles, de chif¬ frer avec quelque exactitude le cube des remblais à mettre en oeuvre et la dépense en résultant. Nous croyons toutefois ne point exagérer en esti¬ mant à 15.000.000 de mètres cubes les terrassements nécessités et en éva¬ luant, — toutes indemnités comprises, — à 4.500.000 de piastres la dépense à engager. C'est en somme, — en regard du gros sacrifice consenti pour les endi- guements principaux, — un chiffre faible. Il convient de ne point re¬ culer devant cette dépense nouvelle qui permettra un heureux parachè¬ vement des travaux du programme de 1920. Il va de soi, que tous les travaux ci-dessus ne doivent et ne peuvent être entrepris immédiatement. Le résultat, actuellement obtenu sur les grandes digues du Tonkin, déjà considérable, demande pour être complet encore un gros effort. Il convient, pendant deux ou trois ans, d'y employer tout le personnel disponible et toutes les ressources financières mises, pour les digues, à la disposition des services techniques. Il ne faut point, pour l'instant disperser ces ressources et ce personnel sur des chantiers lointains et qui n'ont malgré tout qu'un intérêt de second plan. Ce n'est en somme que lorsque le grand programme de 1926 sera complètement terminé, que le programme complémentaire ci-dessus pourra être entrepris. § 3. — Digression sur les endiguements littoraux Nous ne voulons point, — en traitant complètement la question des endiguements littoraux — sortir du cadre que nous nous sommes tracé — 94 — et qui a trait exclusivement à la défense du delta tonkinois con.tre les crues de ses lleuves. Nous ne pouvons cependant passer sous silence cette question, qui se trouve, là encore, liée à celle des lleuves endigués. Nous avons fait res¬ sortir déjà, en parlant de l'histoire des première» digues, l'enchaîne¬ ment continu, progressif, de fous les remblais de défense, depuis les enclôtures littorales jusqu'aux endiguements atteignant les confins du haut delta. Il faut donc, logiquement, pour que le réseau soit complet, qu'il se ferme partout sur le littoral ; il faudrait aussi, par voie de conséquence, pour que le programme des améliorations ne laisse point de lacune, qu'il comprenne la totalité des endiguements marins. En. fait, ces endiguements existent dans tout le bas delta ; mais com¬ bien fragiles, du l'ait surtout de la hâte trop grande qu'ont eu les habi¬ tants à vouloir s'étendre sur la masse encore mouvante des aliuvions, au fur et à mesure de leur émersion des Ilots salés. A chaque tempête un peu forte, ils se brisent et l'accident peut être fort grave, si un raz de marée vient à refouler les eaux saumâtres très avant dans les terres. Tout récemment, au cours du raz de marée qui a sévi en juillet 1928, les digues se sont rompues sur de multiples tron¬ çons, notamment sur la province de Nam-Dinh, où les riz du 10e mois ont été anéantis jusqu'à 20 kilomètres de la cote. Ce fut là, pour 1 habitant, une perte beaucoup plus grave que celle qu'eut causée aux mêmes points, l'inondation par débordement du Fleuve Rouge et de ses défluents. Il faudrait en somme, pour assurer une fermeture efficace des casiers marins et leur raccord aux endiguements longitudinaux des fleuves, substituer à la plupart des levées existantes, des digues robustes, bien orientées, inspirées de celles de polders d'Europe. Il semble, à première vue que ce soit là une besogne d'un intérêt temporaire du fait de l'allongement continu du delta, dont la consé¬ quence doit être, dans un temps plus ou moins long, la transformation des endiguements construits en levées intérieures inutiles. Ce serait commettre une faute grave que de s'arrêter à cet incon¬ vénient, d'ordre lointain, et qui n'est en fait point grave. Nous avon? vu, en effet, que sur les points du littoral où l'alluvionnement est le plus rapide (entre le Day et le Ninh-Co), l'avance du delta est limitée à 10 km. environ par siècle. En supposant, au pis, que cette avance soit continue, on pourrait fort bien tous les cent ans, construire de nouvelles disrues solides ; celles laissées à l'arrière constituant, à la fois d'utiles cloisonnements et une amélioration du réseau routier, très justifiée par la richesse des casiers littoraux. Dans l'intervalle de l'exécution de deux endiguements littoraux suc¬ cessifs, la mise en valeur des terres neuves se poursuivrait dans les mêmes conditions qu'à l'heure actuelle, par l'attribution de lais de mer, dont l'endigage resterait à la charge des concessionnaires. La grande étendue des terres fertiles aménagées serait ainsi efficace¬ ment protégée par des endiguements construits par la Colonie. Au delà, sur le front de mer, la situation actuelle maintenue n'intéresserait que des casiers réduits, et qui seraient d'ailleurs appelés à leur tour à être un jour, défendus de façon définitive. Ce ne sont là, pour l'instant, que de simples suggestions. Il reste encore beaucoup à faire pour protéger le delta contre les inondations de ses fleuves et cette besogne est particulièrement urgente. Ce n'est donc point, pour l'instant, qu'il faut songer à réaliser de très gros tra¬ vaux dans les zones maritimes. De toute façon, nous tenions à souligner, d'ores et déjà, l'importance de la question, en même temps que sa connexité avec celle actuellement traitée, des endiguements des fleuves du Tonkin. CHAPITRE V Retendue et culte «les digues renforcées. Dépenses filites et à faire. Sommaire. — § 1er. Résumé des travaux du progranime de 1926 ; éten¬ due et cube des digues. — § 2. Evalution des dépenses faites et à faire. § 1er. — Résumé des travaux exécutés depuis l'occupation française (Etendue et cube des digues;. Nous donnons ci-après : d'une part, — dans le même profil, — le gabarit de la digue primi¬ tive, celui obtenu en 1926, celui enfin qui sera réalisé à l'achèvement du programme ; d'autre part, les profils superposés d'une grande digue du delta et des digues du Mississipi, du Pô et de la Theiss (1). De ces documents ressort nettement le gros effort fourni depuis l'Occupation, française, — en particulier depuis la grande crue ce 1926, — et qui rend actuellement les digues du Tonkin, avantageusement comparables aux plus grandes digues du monde. Nous avons indiqué, en outre, sur une carte du delta (Pl. V) tous les endiguements qui seront améliorés à l'achèvement des travaux en cours. (1) Document emprunté à la Notice du 30 mai 1924 de M. Normandin sur les crues du Fleuve Rouge. Profils en travers indiquant les renforcements successivement exécutés sur les digues du Fleuve Rouge Légende Nota:- Le profil enveloppant (trait fort) donne le gabarit définitif d'une digue de 1eie catégorie.Pour les digues de 21 catégorie la plateforme est réduite à 6700 et sa revanche sur le plan des plus hautes eaux est partout de 17(voir profil PLIX) Travaux exécutés sous /es dynasties annamites •. Renforcement et exhaussement exécutés de 1883 à 7926 Renforcements et élargissement du programme c/e J$26(Travaux en cours). y//////a / " , , ... . ; 4—5,00 irogrammel ■c. U. 'ieryai.>fyr» ju^r, Lir*tT, , ij^f< ,{i^r t f i^>7ynPfrï?rprrV» nuf, Profils comparatifs des digues du Fleuve Rouge, du Mississipi, du Po et de la Théiss 1 1°°-—J |4_p^P_h -—nronramme Lj 5,00 A §£lÉ <-/, n ^ ^/Ipnoqramme gl_5^P ,| u iQ2 J k sM> J | Nota :_ Le profil indiqué pour les digues du Mississipi est antérieur à la crue de 1927 |.§Pmp-H — 97 — On se rend compte : que le Fleuve Rouge sera, sur ses deux rives, doté, — des confluents avec la Rivière Claire et la Rivière Noire aux contins du bas delta, — de digues hautes, considérablement renforcées, et étanchées, en outre, par des masques corroyés jusqu'à hauteur de la Ville de Nam-Dinh, point à partir duquel la hauteur réduite des remblais n'impose plus ce travail ; que le Canal des Rapides sera lui-même endigué fortement de chaque côté et partiellement étanché ; que les trois défluents à l'aval d'Hanoi auront fait l'objet aussi de sérieux renforcement,s : le Canal des Bambous1 jusqu'à Ninh-Giang, le Tra-Lv jusqu'à Thai-Binh, le Canal de Nam-Dinh sur presque toute sa longueur, le Day jusqu'à Phu-Ly, sur tous ses points non défendus par des obtacles naturels et, en particulier, sur toute sa rive gauche. La longueur des digues renforcées se chiffrera ainsi à près de 840 kilomètres ; les masques corroyés mécaniquement s'étendront sur plus de 400 kilomètres. Actuellement, les renforcements constituant la pre¬ mière phase des travaux sont terminés, et à la fin de 1981, les masques corroyés s'étendront sur une longueur dépassant 200 kilomètres. Pour donner une idée des cubes exécutés nous dirons : que le volume approximatif des digues du Fleuve Rouge et de ses dé¬ fluents, évalué à 20 millions de mètres cubes environ à l'arrivée des Français était en 1915, de 32 millions de mètres cubes ; qu'il a été exécuté 9 millions de mètres cubes, de 1917 à 1923 et 4.500.000 mètres cubes de 1924 à 1926 ; que le nouveau programme de 1926 aura permis à la fin de 1931, d'accroître ces cubes de près de 26 millions de mètres cubes : (don.t 4.500.000 mètres cubes de remblais corroyés). qu'il donnera enfin, à son achèvement, pour l'ensembjle des digues du bassin du Fleuve Rouge, un cube total voisin de 80 millions de mètres cubes. Ces chiffres montrent qu'on aura depuis notre arrivée au Tonkin quadruplé la masse des remblais de défense et que l'effort a été parti¬ culièrement considérable au cours de ces dernières années. Nous avons traduit graphiquement ci-contre les étapes successives du vaste travail fourni. — 9$ - § 2. — Evaluation des dépenses faites et a faire Nous détaillons ci-après les dépenses déjà réglées, de 1924 à fin 1929, et celles restant à engager : d'une part, pour l'achèvement du pro¬ gramme de 1926, compte tervu de ses remaniements et des travaux acces¬ soires qu'il comporte ; d'autre part, pour l'exécution des travaux spé¬ ciaux de protection qui doivent impérativement compléter ce pro¬ gramme. Nous ajoutons enfin à ces dépenses celles du programme complémentaire d'amélioration des endiguements secondaires. 1°) Travaux cle renforcement et d'étanchement exécutés depuis 1924 jusqu'à Vachèvement du programme élaboré en 1926. Dépenses engagées de 1924 à fin 1930. 10.800.000 $ Dépenses à prévoir à partir de 1931, pour achèvement du programme de 1926, y compris empierrement des digues, exé¬ cution et remaniement de nombreux ou¬ vrages d'art 4.700.000 15.500.000 $ 2e) Travaux définitifs de protection des berges et de rectification des endiguements en danger du fait de la proximité du fleuve Fourniture et emploi de moellons d'en¬ rochements 900.000 $ Exécution de digues neuves 1.700.000 Acquisition de terrains et indemnités diverses 100.000 2,700.000 3°) Programme complémentaire d'amélioration des endiguements secondaires. Renforcement et digues neuves . 4.000.000 $ Imprévus et indemnités diverses 500.000 4,500.000 Dépense totale pour l'ensemble des travaux 22.700.000 77.000.000 "i' 76.000.000 75.000.000 73.000.000 72.000.000 71.000.000 70000.000 69.000.000 68.000.000 67.000.000 66.000.000 65.000.000 64.000.000 63.000.000 62.000.000 61.000.000 60.000.000 59.000.000 58.00.0.000 57.000.000 56.000.000 55.000.000 54.000.000 53.000.000 52.000.000 51.000.000 50.000.000 49.000.000 48.000.000 47.000.000 46.000.000 45.000.000 44.000.000 43.000.000 42.000.000 41.000.000 40.000.000 39.000.000 38.000.000 37.000.000 36.000.000 35.000.000 34.000.000 33.000.000 U7.000.000) 29.000.000 28.000000 27.000.000 Renforcement des digues du Fleuve Rouge et de ses défluents Graphique des cubes exécutés depuis /occupation Française Légende Cubes exécutés Cubes restant à exécuter 26.000.000 25.000.000 24.000.000 23.000.000 22JOOO.OOO 21.000.000 20.000.000 INONDATIONS DE 1926 RIZIERES SOUS L EAU Photos Luzet Hanoi 1 PRÈS DU PONT DOUMER COUPURE DE LA ROUTE COLONIALE N INONDATIONS DE 1926 DE CHEMIN DE FED DE JTANOI-HAT/PHONG Photos Luzet Hanoi INONDATIONS DE 1926 VILLAGES SINISTRES Photos Luzet Hanoi CENTRE DE DOCUMENTATION ET DE RECHERCHES SUR L'ASIE DU SUD-EST ET LE MONDE INDONESIEN BIBLIOTHÈQUE — 99 - Les dépenses fartes jusqu ici otu permis, non seulement 1 exécution de travaux de renforcement et d'étanehement mais encore le comble¬ ment des importantes brèches de la crue de 1926 et l'exécution de nom¬ breuses contredigues éloignant les remblais du fleuve trop proche ; elles auront permis aussi l'amélioration îles sinuosités les plus accentuées du tracé des digues, et, dans une certaine mesure l'entretien des chaussées usées. Nous devons ajouter qu'il a été prélevé sur les crédits alloués des sommes assez fortes pour le paiement d'importantes fournitures de moellons employés aux travaux connexes de la défense des berges et pour l'achat d'un puissant matériel de chantier (20 kilomètres de voie Decauville avec 500 wagonnets et 5 locomotives, un groupe motopompe. 20 rouleaux corroyeurs à essence, 30 rouleaux à vapeur). Si l'on n 'avait, point fait ressortir l'immense étendue à défendre contre l'inondation, la grande longueur des digues et la masse gigantesque des remblais les constituant, les chiffres ci-dessus, indiscutablement très élevés, pourraient sembler, à première vue, excessifs. Ils le paraîtraient plus encore, si on les mettait en parallèle avec les dépenses relatives à certains autres grands travaux de la Colonie. Pour ne citer que quelques exemples, nous rappellerons que la ligne de che¬ min de fer de Vinh à Dông-Hà, longue de 300 kilomètres, aura coûté à peine quinze millions de piastres, matériel compris ; nous dirons que celle de Tanap à Thakliek, comportant de difficiles passages en monta¬ gne, ne dépassera pas ce chiffre ; nous dirons encore que les canaux du Song Cau, assurant, avec de multiples ouvrages, un important ser¬ vice de navigation et d'irrigation réclameront à peine 5.000.000 de pias¬ tres au budget de la Colonie. Cette comparaison est d'autant plus impressionnante que les travaux ci-dessus donnent lieu, dès leur achèvement, à des recettes ou bénéfices et. que, dans chaque cas, l'utilité de l'œuvre réalisée apparaît immé¬ diatement, contrairement à ce qui se produit pour les digues, connues seulement des riverains, — qui ne les respectent pas toujours, — et auxquelles on ne songe guère, même au Toukin, qu'au moment des grandes crues. II n'en reste pas moins acquis que toute rupture de digue se traduit toujours par la ruine de populations importantes et le bouleversement économique de la région et qu'un ouvrage suffisamment solide, suscep¬ tible d'éviter la catastrophe et de permettre au cultivateur d'améliorer ses terres en toule quiétude, constituerait pour le pays le plus grand des bienfaits. Sans vouloir proclamer que les digues renforcées et protégées suivant le programme actuel, résoudront définitivement au Tonkin le problème de la défense outre les inondations, on peut affirmer que, dans un avenir peu lointain, les accidents qui, à chaque grande crue étaient la .règle, deviendront l'exception, ainsi d'ailleurs que les formidables dé¬ gâts qui en furent toujours 11'inévitable conséquence. 11 ne faut point oublier en effet que les perles représentant la valeur des récoltes noyées, des villages détruits, des routes et des voies ferrées emportées par la ruée des eaux se traduisent chaque fois par des chif¬ fres énormes. Nous rappelons à ce sujet que les dégâts causés par les inondations de 1915 ont atteint 7 millions de piastres et que ceux cons¬ tatés, après les ruptures de 1926 ont été estimés à près de 20 millions de piastres. Les gros travaux entrepris au Tonkin au cours de ces dernières années sont donc pleinement justifiés. Ils doivent être continués sans défail¬ lance, et on ne peut que rendre hommage aux autorités administratives et techniques qui surent, an lendemain d'une catastrophe sans précé¬ dent, imposer leur volonté, convaincre les hésitants et finalement dé- elancher et soutenir l'œuvre énorme en cours de réalisation. En passant, nous dirons qu'en Amérique, après la grande catastrophe de 1927, il a été dressé, — en vue de la défense de la vallée alluvion¬ naire contre les crues du Mississipi, — un projet, actuellement en cours d'exécution, se chiffrant à environ 600.000.000 de gold-dollars ; on a es limé que le sacrifice l'ait se justifierait, même si une rupture ne devait se produire que tous les 150 an.s. CHAPITRE VI Surveillance et défense des digues en temps de crue. Sommaire. — § 1er. Généralités. — § 2. Autorités administratives et techniques chargées de la surveillance et de la défense des digues. — § 3. Prévision des crues : aperçu théorique de la question. ; rè¬ gles empiriques ; annonce des crues au Tonkin : formule de M. Normandin. — § 4. Organisation de la surveillance. — § 5. Orga¬ nisation de la défense. $ 1er. — Généralités Dans tous les pays protégés des inondations par des endiguements, il a été constaté que la plupart des catastrophes auraient pu être évitées, avec une surveillance suffisamment attentive des digues, qui se serait traduite par l'exécution, en temps voulu, de travaux de consolidation ou d'exhaussement des remblais menacés. Il est apparu nécessaire aussi de prévoir assez à l'avance les montées exceptionnelles, de façon à pouvoir prendre les dispositions qui s'im¬ posent, dès que le danger d'une crue devient particulièrement grave. Au Tonkin, à l'époque encore proche, où la submersion des digues était à craindre, ce renseignement permettait de hâter les travaux sommaires d'exhaussement qui se sont imposés bien des fois. En France, des services d'annonce des crues ont été depuis longtemps organisés sur des bases uniformes, pour tous les bassins fluviaux. Une instruction générale et des règlements particuliers précisent, d'une part, le rôle technique des agents des Ponts et Chaussées, d'autre part, le rôle administratif des diverses autorités : préfets, sous-préfets et maires. Pour ce .qui a trait spécialement à la surveillance et à la défense des digues, il va de soi que toutes les consignes données doivent être stric¬ tement respectées, et qu'une grande discipline doit être appliquée à tout le personnel utilisé. — 102 — La nécessité d'une sévérité exceptionnelle à ce sujet, s'est imposée dès les temps les plus reculés. M. Bonneau, ancien Inspecteur Général des travaux Publics de 1''Indochine cite, dans un mémoire, dont nous par¬ lerons plus loin, une tradition de Babylone, suivant laquelle on jetait les Ingénieurs dans les brèches des digues dont ils n'avaient su empê¬ cher la rupture. Au Tonkin, la surveillance des digues est, à l'heure actuelle, parfai¬ tement organisée et disciplinée et toutes les mesures ont été prises pour assurer l'exécution rapide des travaux de défense qui peuvent s'imposer au cours d'une crue. La connaissance du régime du fleuve et de ses affluents permet de déterminer, à l'avance, avec une approximation suffisante les fluctua,- tions du plan d'eau et de parer ainsi au danger possible d'une brusque montée exceptionnelle. Le Résident Supérieur au Tonkin, M. Robin et son intérimaire en. 1.927, M. Gkaffeuil se sont souciés après les inondations de 1926, de la revision des textes jusque là appliqués à la montée des eaux, et les arrêtés et circulaires rédigés à partir de cette époque sont d'une absolue précision en ce qui concerne le rôle et les devoirs de chacun en période critique. Un véritable plan de mobilisation prévoit, dès que les circonstances le nécessitent, le concours rationnel des populations riveraines et l'em¬ ploi de l'outillage dont elles disposent. Une étroite liaison entre les autorités administratives et techniques assure la collaboration qui s'im¬ pose dans les efforts à fournir. Un matériel important p pu être consti¬ tué, pour le transport rapide par eau ou par terre, des matériaux né¬ cessaires, aux points souvent lointains des digues menacées. Il est à signaler enfin que les troupes de la garnison d'Hanoi sont appelées à intervenir en cas de danger d'inondation et que des consi¬ gnes ont été arrêtées, d'accord entre le Général Commandant d'Armes et. le Résident-Maire pour préciser tous les détails de leur utilisation. § 2. — Autorités administratives et techniques chargées de la surveillance et de la défense des digues En application de l'arrêté du Résident Supérieur du 25 mars 1927, un Inspecteur des Affaires Politiques et Administratives en service au Ton¬ kin est, pendant la période des crues, affecté exclusivement à la sur¬ veillance administrative du réseau des digues, à la centralisation et au contrôle de toutes les questions s'y rattachant. Il est assisté dans cette lâche par le Comité privé indigène constitué en Comité permanent de — 103 — surveillance administrative des digues et ouvrages de protection contre les inondations. Ce haut fonctionnaire, choisi parmi les anciens Résidents des pro¬ vinces du delta, connaît par suite parfaitement la question des endigue- ments du Tonkin. 11 est, en tout temps chargé de renseigner le Résident Supérieur sur l'état général des digues et l'opportunité des travaux de renforcement ; à ce point de vue, il assure ainsi la liaison qui s'impose entre l'Autorité Supérieure et les Services Techniques. En période de crue, son rôle est surtout de veiller à l'indispensable discipline qui doit régner sur la vaste étendue des digues et se traduire, en particulier, par la stricte application des mesures édictées pour rassembler et main¬ tenir, en cas de besoin, la masse des travailleurs nécessaires à la dé¬ fense. Le rôle des Résidents, dans la limite de leur province, n'est pas moins important. Ces fonctionnaires, avec le concours des Autorités Manda- rinales, cantonales et communales sont, en effet, chargés de l'organi¬ sation de la surveillance, de la préparation de la mobilisation des tra¬ vailleurs, de la conduite disciplinée des équipes appelées à lutter pied à pied contre les eaux menaçantes. Le rôle des Résidents, fort laborieux à tenir, est d'une importance capitale ainsi d'ailleurs que celui de leurs collaborateurs an.namjtes. L'énergie apportée par le Chef de la province, l'exemple de dévoue¬ ment donné par lui, dans les périodes critiques, sont toujours un sti¬ mulant qui entraîne les masses et permet seul le gros effort collectif parfois nécessaire. La direction technique de la défense appartient à l'Ingénieur en. Chef de la Circonscription Territoriale du Tonkin qui a comme collaborateur immédiat le Chef du Service Hydraulique. Ce dernier fonctionnaire attribue chaque année à ses agents et, — si besoin est, à un personnel supplémentaire fourni par les autres services techniques du Tonkin, — des secteurs de surveillance, avec des consignes sévères et précises. T1 est chargé, d'autre part, de recueillir tous les renseignements relatifs à la connaissance du régime des crues et, en. particulier, les lectures hydrométriques d'observateurs spécialement répartis sur le fleuve et ses défluents. !1 dispose enfin, pendant la période dangereuse, du matériel affecté aux tournées de surveillance ou aux travaux de défense. On a compris de tout temps, au Tonkin, l'importance de la surveil¬ lance et de la défense des digues à la montées des eaux. Sous les dynas¬ ties annamites, le Code de Gia-Long et des règlements ministériels frappaient, en cas de ruptures des digues, les autorités responsables de sanctions fort sévères allant jusqu'à la peine de mort. Il y a une tren¬ taine d'années, on prononçait encore impitoyablement la suspension — 104 — des fonctions du Tri-Huyên qui avait laissé la digue se ronïjpre dans sa circonscription, ainsi d'ailleurs que la révocation des Chefs de canton et Ly-Truong, s acquittant mai de l'entretien des digues en temps ordi¬ naire et de leur surveillance pendant les crues. §3. — Prévision des crues Aperçu théorique de la question de l'annonce des crues. — La ques¬ tion de la propagation des crues est excessivement complexe. M. Denis ëydoux, Professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées a déclaré « que « l'irrégularité, d'une part, des apports, d'autre part, des formes, du lit, a en rend l'étude à peu. près inabordable autrement que par l'expérience « directe, sauf dans quelques cas spéciaux ». L'étude théorique la plus complète à ce sujet que nous ayons pu con¬ sulter est celle de M. Bonneau, ancien. Inspecteur Général des Travaux Publics de l'Indochine (1). Cette étude est basée sur des renseignements techniques recueillis sur le Fleuve Rouge et elle a pour but principal d'expliquer certaines singularités des crues de ce cours d'eau. En ce qui concerne l'annonce des crues, l'auteur conclut qu'en con¬ naissant les altitudes du plan d'eau sur une échelle donnée, on peut en déduire mathématiquement les cotes sur les échelles placées à l'aval. Les calculs qu'il présente montrent, en effet, qu'une intumescence dont la hauteur h est connue en un point , en fonction du temps, ne peut se propager que d'une seule manière vers l'aval, de sorte que le pro¬ blème est complètement déterminé. Quoi qu'il en soit, M. Bonneau ne préconise point ce mode de pré¬ vision des crues, qui nécessite, chaque fois de très long et très laborieux calculs, consistant à développer l'intumescence en série de sinus et de cosinus dont on suit la propagation, vers l'aval. Nous signalerons, qu'en dehors du. problème sur l'annonce des crues, M. Bonneau traite, dans son mémoire, de nombreuses questions qui, dans une large mesure sont susceptibles cle permettre des rectifications des résultats fournis par les règles empiriques dont nous parlerons plus loin (influence des endiguements et du lit majeur en particulier). Règles empiriques relatives à la, prévision des crues. — C'est en somme à l'aide de règles empiriques, basées sur les observations de très nombreuses crues, qu'il est possible d'arriver le plus aisément à (1) Voir Annales des Ponts et Chaussées, mai — juin 1924. prévoir assez longtemps à i'avance les fluctuations probables du plan d'eau en un point déterminé. Le principe est de chercher une corrélation entre les montées à la station qu'on s'est fixée et celles relevées dans une ou plusieurs stations choisies le plus loin possible à l'amont, pour que les prévisions puis¬ sent être établies suffisamment tôt (1). La durée de propagation de la crue, de chacun.e des stations de l'amont à celle considérée, entre alors en jeu : elle indique, en effet, quelles doivent être la date et l'heure des lectures à faire à l'amont, pour que la montée soit connue à l'aval, à une heure déterminée. Les règles ou formules résultant des observations faites donnent, en somme, la montée inconnue en fond ion des montées lues à l'amont au moment voulu (2). Annonce des crues au Tonkin ; formule de M. Normandin. — La pré¬ vision des crues au Tonkin s'effectue à l'aide d'une formule simple, basée sur les principes ci-dessus. Son auteur, M. Normandin, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, — dont nous avons cité à main,tes reprises les intéressantes études sur le Fleuve Rouge — s'est soucié de rechercher une relation approxi¬ mative entre la montée des eaux à Hanoi et les montées observées à l'amont, sur le fleuve et ses deux affluents, la Rivière Noire et la Rivière Claire. Après de nombreuses observations faites de 1902 à 1912, il a été cons¬ taté que les durées de propagation des ondes qui forment les crues sont approximativement : de 24 heures, de Hoà-Binh (Rivière Noire) à Hanoi, et de 36 heures, de Yên-Bay, (Haut Fleuve Rouge) et Tuyên-Quang (Rivière Claire), à Hanoi. En comparant, avec le décalage ci-dessus, les cotes d'Hanoi à celles de Yên-Bay, Iioa-Binh et Tuyên-Quang, il a pu, — après de nombreux tâtonnements, — être établi une relation approximative entre la montée des crues aux divers posles ci-dessus. (1) Nous rappellerons qu'on appelle montée, pour chaque poste d'observation, l'exhaussement du plan d'eau, dans un môme temps, soit généralement pendant 24 heures. (2) Ce mode de prévision des crues a été notamment appliqué dans le hassin de la Seine par Belgrand, qui a établi que la montée probable à Paris, s'obtient en multipliant par 2 la moyenne des montées totales observées sur 8 échelles hy¬ drométriques placées à l'amont sur le fleuve et ses affluents. En prenant pour inconnue la montée clés eaux M à Hanoi pendant 24 heures ; en désignant par Ml et M2 les montées en 24 heures à \ên-Bay et Tuyên.-Quang, antérieures de 36 heures à celle considérée pour Hanoi ; en appelant enfin M3, la montée en 24 heures, observée à Hoà-Binh- 24 heures plus tôt cpie celle considérée pour Hanoi ; la relation déterminée est la suivante : M= 0,5 Ml + 0,04 M2 + 0,45 M3 Celte formule met en évidence l'action prépondérante des apports du Haut Fleuve Bouge et de la Rivière Noire et l'influence presque négli¬ geable de la Rivière Claire. La relation est applicable pour les crues supérieures à Hanoi à la cote (9.00). Elle donne des résultats satisfaisants pour des montées ne dé¬ passant pas 0 m. 50 par jour ; elle permet, dans ce cas, d'apprécier à 10 centimètres près, et 24 heures à l'avance l'altitude du plan d'eau à Hanoi. La formule est, par contre, en défaut si on se trouve en. présence du commencement d'une montée très rapide du fleuve et de ses afin en ts. Il a élé constaté, d'autre part, que lorsqu'une crue succède à quel¬ ques jours d'intervalle, à une crue antérieure d'importance et d'allure comparables, les montées observées à Hanoi sont toujours inférieures à celles constatées lors de la crue antérieure. D'une façon générale la formule reste utilisable. Dans les cas spéciaux ci-dessus, des corrections peuvent d'ailleurs être faites, en se basant surtout sur les renseignements qui ont pu être rassemblés lors de crues anciennes, de régime semblable à celle du moment. Le Service Hydraulique, qui suit attentivement, depuis quelques an¬ nées, le Fleuve et ses affluents, pendant les crues, reçoit chaque jour, dès la montée des eaux, les renseignements des postes d'observation, en déduit la montée probable à Hanoi, dans les 24 heures qui suivent, et la fait connaître télégraphiquement à tous les Chefs de province du delta. § 4. — Organisation de la surveillance Il est un fait acquis qu'une digue en terre ne se rompt point brus¬ quement. La montée des eaux peut être suivie partout et la submersion empêchée par des moyens de fortune souvent suffisants ; les déforma- lions des talus extérieurs, conséquence de l'imbibition des terres, ne se- traduisent point par un danger immédiat, pas plus que les renards, si importants soient-ils ; les érosions des courants, pour les digues trop- proches du fleuve, ne sauraient enfin « sans prévenir » entraîner le brusque écroulement des remblais. — 107 — Chacune de ces menaces, prise individuellement, reste grave, si elle n'est point décelée à temps. L'essentiel est donc d'assurer, en premier lieu, en période de crue, une surveillance de tous les instants des digues en charge. Cette surveillance, imposée par un arrêté du Résident Supérieur, en date du 1er juillet 1917, a été précisée dans les moindres détails par une circulaire de la même autorité, en date du 11 juin 1927, adressée à tous les Chefs de province. En applicalion des instructions données, chaque année, à la montée des eaux, il est établi sur toutes les digues du delta, des postes de garde, édicules sommaires (1), édifiés par les villages riverains, dans le but d'abriter, pendant toute la durée des crues, des équipes de veilleurs, chargés de l'examen de tronçons nettement définis. Les Tri-Phu et Tri- Huyên, siégeant à proximité de la digue, ont le contrôle de tous les postes dépendant de leur territoire. Les règlements ci-dessus prescrivent, en outre, l'évaluation préalable des moyens matériels (bambous, outillage, etc...) qu'il pourra être exigé de chaque village, en cas de nécessité reconnue. En même temps que cette surveillance organisée par les provinces, il esl prévu une surveillance technique, assurée par des agents du Ser¬ vice Hydraulique qui s'installent sur les digues, au centre des secteurs qui leur sont désignés. Ces agents, qui reçoivent, au départ, des instruc¬ tions précises, restent en liaison pendant toute la durée des crues, d'une part, avec le Résident de la province, d'autre part, avec le Chef du Service Hydraulique. Les Chefs de secteurs sont, depuis 1926, placés sous le contrôle des Chefs de Subdivision affectés aux travaux de renfor¬ cement de digues. Les Chefs de subdivision provinciaux restent à la disposition des Chefs de province pour la surveillance des digues relevant de l'autorité de ceux-ci. Le rôle de chaque agent, tant au point de vue de la surveillance des digues que de l'exécution des travaux de défense, est nettement précisé dans une circulaire de l'Ingénieur en Chef du Tonkin, en date du 16 juillet 1927. § 5. — Organisation de la défense a) Réquisition de la main-d'œuvre et du matériel des villages. — Le tout u'est point, par une surveillance active, de déceler la menace, il faut pouvoir la combattre dans un minimum de temps, et pour cela (1) Il a été construit, depuis celle année, des postes en maçonnerie sur la plu¬ part des grandes digues du delta (voir photos ci-après). — ioB — rassembler rapidement le nombre de travailleurs, judicieusement pro portionné aux travaux à entreprendre. Il faut aussi pouvoir approvi¬ sionner sans retard le matériel ou les matériaux nécessités. A ce sujet, la circulaire susvisée du Résident Supérieur est d'une précision remarquable. Les instructions données confèrent toute auto¬ rité aux Chefs de province pour réquisitionner, en cas de besoin, les populations riveraines et les employer aux travaux de défense qui les intéressent au premier titre. Les états dressés chaque année prévoient une relève de travailleurs qui peut avoir lieu tous les 5, 7 ou 10 jours, de manière à ne point troubler de façon sensible la vie ordinaire des villages. Eu cas de 1 organisation de chantiers permanents de longue durée, des crédits peuvent être demandés télégraphiquement, pour assurer la nourriture des travailleurs. La circulaire du 11 juin 1927 prévoit enfin et réglemente la fourniture de l'outillage, ainsi que celle des bambous et des embarcations qui peuvent être exigées de l'habitant. Nous ajouterons que, la plupart du temps, dans une mesure de sage prévoyance, les chefs de province, par l'intermédiaire des autorités man.darinales constituent, à l'avance, sur la plate-forme des digues des approvisionnements de terre, en vue des réparations urgentes qui peu¬ vent s'imposer. b) Technique de la défense. — Il est indiscutable que, dans cer¬ tains accidents graves, une parfaite connaissance du régime du fleuve et une longue expérience acquise au cours de précédentes crues, ap¬ portent une aide puissante dans le choix de la solution à adopter, et qui doit toujours être arrêtée dans un temps très court. Dans ces cas spéciaux, le Service Hydraulique, est immédiatement avisé, pour l'étude sur place des moyens de défense imposés par les circonstances et des mesures à prendre pour rassembler les matériaux et le matériel néces¬ sités. A vrai dire, les travaux hâtivement conduits, lors des accidents cou¬ rants, — qui apparaissent chaque année, plus ou moins menaçants, — n'imposent point, en général, une science particulière, et on doit re¬ connaître que les indigènes les exécutent assez habilement. Toutefois, pour éviter toute défaillance ou tout malentendu dans les mesures à prendre, des instructions détaillées, traitant chaque cas parti¬ culier, ont fait l'objet d'une circulaire de l'Ingénieur en Chef de la Circonscription Territoriale M. Normandin, en date du 10 avril 1924. Un exemplaire de cette circulaire est remis chaque année à la montée des eaux, tant aux Subdivisionn'aires provinciaux qu'aux agents de surveil¬ lance des secteurs. . POSTE DE FORTUNE SUR LE CANAL DES BAMBOUS (Thaï-Billh) Photos Indochine Films POSTE DE VEILLE EN MAÇONNERIE SUR LE FLEUVE ROUGE (Hadoilg). CONCLUSIONS I Les riverains des fleuves sujets à de fréquents et importants déborde¬ ments, — des fleuves à delta en particulier, — se sont souciés, dès les temps les plus reculés, de construire des digues. Ces digues, s'amplifiant peu à peu et fixant, en même temps, derrière elles une topographie particulière des régions en culture, se sont, par la suite, imposées impé¬ rativement. 11 n'est point d'exemple au monde de pays où les habitants aient pu abandonner les digues construites par leurs ancêtres. Au Tonkin, plus qu'ailleurs, du fait surtout de la densité de la po¬ pulation, les digues se sont imposées de tout temps. Leur destruction à l'heure actuelle entraînerait la ruine certaine de tout le pays. II 11 est à peu près impossible, dans la majorité des cas, même au prix de gros sacrilices pécuniaires, de réduire la menace des inondations par un abaissement appréciable et de longue durée du plan d'eau des crues ; le moyen de défense le plus sûr consiste indiscutablement, sauf certains cas exceptionnels, en l'amélioration des endiguements existants. Cette amélioration., — portant sur le tracé et le profil des digues, en même temps que sur la qualité des remblais et le perfectionnement de leur protection contre les courants, — est susceptible d'assurer, sinon une sécurité définitive, tout au moins un maximum de garantie, net¬ tement confirmé par tous les grands travaux déjà exécutés dans ce sens, notamment en Italie. Au Tonkin, tous les moyens susceptibles d'abaisser l'altitude des crues et par suite ( importance des digues ont été consciencieusement étudiés. Quelques-uns d'entre eux, — notamment l'utilisation de grands déversoirs au droit de cuvettes naturelles — ont été expérimentés sans succès. Finalement aucun d'eux n'a pu être retenu. — I 10 — La seule solution possible est restée, en somme, — là comme à peu près partout où il existe des endiguements anciens — dans le perfection¬ nement de ces endiguements. m Les travaux considérables exécutés dans ce sens, ces dernières an¬ nées, ajoutés à ceux peu à peu accumulés, au cours des siècles écoulés, ont permis de donner aux digues du Tonkin une section comparable à celle des plus fortes digues du monde. En somme, à l'heure actuelle, tout danger de rupture par submer¬ sion paraît, pour longtemps, sinon définitivement conjuré ; la surveil¬ lance en temps de crue, parfaitement organisée et disciplinée permet de lutter à peu près sûrement contre les défauts localisés d'étanchéité qui pourraient se révéler ; enfin, l'entretien et le perfectionnement continu des travaux de protection des berges voisines des digues laisse un mini¬ mum de craintes au sujet des érosions dangereuses par les courants du fleuve. Ainsi se trouve assurée, en ce moment, dans tout le delta tonkinois, une sécurité réconfortante, — que viendra accroître encore le para¬ chèvement, des grands travaux déjà réalisés, — e£ qui permettra peu à peu de porter, en toute quiétude, de nouveaux efforts sur les améliora¬ tions agricoles des régions endiguées et de compléter, en, particulier, l'œuvre déjà magistralement ébauchée des irrigations et des dessèche¬ ments. Hanoi, le 2 novembre 19-30. BIBLIOGRAPHIE relative à la défense du Tonkin contre les inondations. noms des auteurs MM. Desbos, Ingénieur en Chef du Ton¬ kin. dates des documents designation des documents 1905 26 août 1913 Normandin, Iugé-i| nieur an Chef du^ janvier 1918 Tonkin. 30 mai 1924 Lefèvre, Ingénieur en Chef du Ton¬ kin. Rouen, Ingénieur (18 principal, Chef du Service Hydrauli¬ que. Peytavin, Ingénieur auxiliaire des T. P. 1913 octobre 1915 1915 1915 Demain, Ingénieur 15 janvier 1917 en Chef du Ton¬ kin. f 25 nov. 1918 Bonneau, Insp. géné-l ral des T. P. de 30 janvier 1919 l'Indochine. f I mai-juin 19 Pouyanne, Insp. gé¬ néral des T. P. de l'Indochine. Lemai, Ingénieur en Chef du Ton¬ kin. 1924 26 août 1926 4 oclohre 1929 Rapports el études présentés en 1905. Les crues du Fleuve Rouge. Rapport sur l'aménagement du Ton¬ kin pour la lutte contre les inonda¬ tions. Les crues du Fleuve Rouge et la dé¬ fense du délia du Tonkin contre les inondations (Annales des P. et C.). Inondation de 1913 dans le bassin du Fleuve Rouge et les bassins secon¬ daires. Aménagement des eaux du Tonkin. Mémoire de S. F. Hoang-Cao-Khai, suivi d'un rapport technique de M. l'Ingénieur principal Rouen. Les crues du Fleuve Rouge et les inondations du Tonkin en 1915. Exposé d'un programme de travaux de défense du Tonkin contre les inondations. Note sur tes inondations du Tonkin. Rapport sur les inondations du Ton¬ kin. Etude sur la propagation des crues (Annales des P. et C.). Lettre au Résident Supérieur au Ton¬ kin sur les mesures susceptibles d'accélérer les travaux de renforce¬ ment des digues du Fleuve Rouge et de ses déficients. Rapport sur le renforcement des di¬ gues du Fleuve Rouge et de ses dé 11 liants. TABLE DES MATIÈRES Nature du problème a résoudre. — Schéma de la présente étude PREMIÈRE PARTIE GÉNÉRALITÉ SUR LES DIGUES DU TONKIN ET LES MOYENS ENVISAGÉS POUR DIMINUER L'ALTITUDE DES CRUES DU FLEUVE ROUGE ET DE SES DÉFLUENTS CHAPITRE PREMIER Généralités mu:* l'hydrographie ,<1ii Tonkin et les endigaeiiieiïts du Fleuve iSouge et de ses déflueiits. Pages § 1er. — Les fleuves du Tonkin 13 §2. — Formation du delta et apparition des premiers digues 14 §3, — Le Fleuve Rouge et ses crues 15 S 4. — Travaux exécutés sous les dynasties annamites 17 Insuffisance des résultats obtenus. S 5. — Critiques des endiguements insubmersibles 19 Généralités. — a) Considération sur les dangers des digues et leur efficacité. — b) Influence des digues sur le lit des fleuves — Effets de l'allongement des fleuves. — Exhaussement du lit des fleuves. — c) Les digues et l'hydraulique agricole. — Ouvrages des digues. §6. — Nécessité de la conservation des digues au Tonkin 26 — ii4 — CHAPITRE 11 .Hoyeus envisagés an Tonkin pour diminuer l'altitude des érues. Pages § 1er. — Classement des solutions étudiées 29 §2. — Reboisement des hautes régions 30 § 3. — Création de réservoirs d'emmagasinement 30 $ 4. — Evacuation par déversoirs du trop-plein des crues dans des cuvettes naturelles 31 S 5. — Amélioration du lit majeur du Fleuve Rouge 34 § 6. — Amélioration des défluents ou création de nouveaux délluents .... 35 Aménagement du Song Ca-lo. — Aménagement du Day. — Amé¬ nagement du Canal des Rapides. — Création de nouveaux dé¬ lluents. — Conclusions sur l'aménagement des défliients. § 7. — Aménagement du lit mineur ; Régularisation par redressements .. 37 § 8. — Utilisation agricole des eaux de crues 39 § 9. — Conclusions sur l'emploi du Tonkin des moyens classiques préco¬ nisés pour réduire l'altitude des crues 40 DEUXIÈME PARTIE ÉTUDES ET TRAVAUX DE DIGUES AU TONKIN DEPUIS L'OCCUPATION FRANÇAISE CHAPITRE PREMIER (ié]icriilité< <$Jmoançr Van ,Viétri \j~P.T.") Route N LUC NAM HU-LANG-THUONG VEÏ ôutint 3EPT- PAGODES -TRIEU rYEN-NHAN .uan Tra Phi/dm HUNGY %clM Rntit0 A/f 1Q Echelle : au 4 00.00 0 Légende Endiguements Routes Terrains non en- Inondés à ue crue inondés en cas de ru. BASSIN DU FLEUVE ROUGE.INDICATION DES TERRAINS NOYES DANS L'HYPOTHESE DE L'ARASEMENT DES DIGUES GOLFE DU t Profil en long de Liên-Mac à la mer (Tracé abcdefgh de l'extrait de carte ci-contre) Niveau de débordement (8.00) Plan de comparaison (soo) -- Cotes du terrain naturel. (uo) oo o O oooo O O o o OQ 10 CD r- o o>cmcj ln in o o ^ où vb iD -4 ^ ^ eô co ur> SQ OO O oo mo 3 sfr cô oôtô co o o ooooooooooo o o o o o cm OOcocotnin*cp°?o>o o co co Q ci -4- sf fô t>î st* ooo o o o O O o ifloo (O O O Q OC cùoôrô — Cvi ~ NO- s g S S§8 8 8 8 ~ Sgg£$8 8$§?8B88 8gSg §85 d d — o d - d — o - nnû — — cm o o — cm cmcmcmcmcmcmcmcmcm cnoo oo oo ac 00-+UOlDr~COCT>0 — CM CO co m ooooooooro