UNIVERSITE DE NICE Institut d'Etudes et de Recherches Intererhniques et Interculturelles Victor BORGOGNO Lise VOLLENWEIDER- ANDRESEN CORSE: SITUATION MIGRATOIRE ET INSERTION DES IMMIGRES lere partie: ETUDE EXPLORATOIRE pour le compte de .la DATA R NICE, Decernbre 1983 avec la collaboration d 'Olivier DONNAT (CAESAR - Universite de Nanterre) IDERIC 33. bd de la Madeleine-06000Nice-TeIephone (93) 44.82.44 S 0 M M A R E ========================= o - INTRODUCTION : inventaire ou recherche? .••••.•....•.•.......•...................•.•.•............ 1 - HISTOIRE DES FLUX : Nous sommes tous des emigres ...••.••...•.......••...............•. 8 1.1. - L'EMIGRATION SECULAIRE des CORSES .•....•............................•.•...•.••.. 10 1.2. - L'IMMIGRATION en FRANCE et en CORSE du XIXo siecle a 1955 14 1.2.1. - L'immigration en France .•.••..•....•...••..................•....•.•...•..•......... 14 1.2.2. - L'immigration en Corse •••••.•...•.•..•.•.•••....•...•.......•••...•.•............... 18 1.3. - L'IMMIGRATION en FRANCE et en CORSE dans la PERIODE CONTEM- PORAINE ...•..••••.••.......••....•...••....•••.•...•...........•............•.•.................•...... 24 1.3.1. - L'immigration en France .•••.•.•..•..•...•••••••.•..••.•.•.•.•.•.•.....•••...•.•••. 24 1.3.2. - L'immigration en Corse dans la p e r iode contemporaine 30 1.3.2.1. - Le deve lopp ement eccnorn icue et derncqrap h ique .•••••..••.••.•.•. 31 1.3.2.1.1. - Le partage des emp lois: une cruelle absence ..•..........•.. 32 1.3.2.1.2. - Croissance de la population: Ie mirage demographique.. 42 1.4. - L'IMMIGRATION ITALIENNE : une f ide l it e r ecorro ensee ? .................•.• 51 1.5. - L'IMMIGRATION des ETRANGERS : malices de la statistique 1.5.1. - L'immigration rnaqh reb ine : 10. classe des manouvriers 2 - LE LOGEMENT et I 'ECOLE des ETRANGERS .......................•....•..•.................... 79 2.1. - HABITAT et HABITER : du classique et de I'insolite ...............•..••.....•.. 79 2.1.1. - L'habitat des "Iso les". Laisser faire Ie temps? .................•.•...• 8.4 2.1.2. - L'habitat des families: segregation conceptuelle 92 2.1.3. - Habiter et cohabiter : les ruses de I'espace .....•....................... 104 2.2. - L' ECOL E : Ie c lasse meht des dec lasses ........................•........................ 114 2.2.1. - La presence des e leves e tranqe rs dans I'ecole .........................• 115 2.2.2. - Structure scolaire et presence d'eleves e tranqe rs ..........•.........•. 116 2.2.3. - Le fonctionnement du systerne scolaire local par rapport a la presence d'eleves e t ranqe rs ............•....•.•.................................. 124 2.2.4. - Conclusion •...•....•...•..•......•...•.•..•.•.•................•......•.•................. 133 3 - ETUDE SOCIO-ECONOMIQUE............................................................................. 135 3.1. - L'APPROCHE STATISTIQUE : son interet et ses limites ....••.....•........... 135 3.2. - PREMIERES CONCLUSIONS .••..••.•........................................•••...•........... 138 3.3. - LA REPARTITION par NATIONALITE ......•...•..•.•..•.•.........................•..•. 142 3.4. - LE ROLE ECONOMIQUE .......••...•........•..•.......................................•...••. 150 pages 65 69 4 - CONCLUSION PROVISOIRE : la revolution symbolique n'a pas eu lieu............. 1:60 5 - SYNOPSIS de la DEUXIEME PARTIE de I'ETUDE 165 6 - ANNEXES au SYNOPSIS PRECEDENT "l 168 ANNEXE - Le bilan dem oq rap h ique de la Corse (ap re s Ie recensement de 1982) II - Tableau: regroupement familial III - Tableau: Dernandes devant Ie conseil de prud'homme. IV - Carte scolaire des effectifs des magh reb ins et des latins V - Pou rcentage des eleves e tranqe rs par canton VI - Pou rcen tage des e leves po rtuga is par canton VII - Pourcentage des eleves italiens et espagnols par canton VIII - Pou rcentage des e leves magh reb ins par canton -1 - o - INTRODUCTION : inventaire ou recherche ? Notre travail se voyait fixer initialement des objectifs modestes : cerner les carac­ te r lst iques du phenornene migratoire en Corse, dec r ire a grands traits, et dans leurs sp ec if ic ites reqiona les s i elles existaient, les conditions d'existence des irnrn iq res. Or cette enque te intervenait ap res de dramatiques evene rnents dont des irnrn iqres maqh reb lns avaient ete victimes, qui suqqe ra ien t I'idee d'une sorte de crise de la cohabitation, et, par ailleurs, nous constations, 8 notre grand etonnement, des nos premiers contacts avec Ie te r ra in que Ie phenornene migratoire et les conditions de vie des irnrn iq r es paraissaient parfaitement connues. Tout un savoir social, d'origine diverse, circulait sur ces questions, asscc ie 8, I'emer­ gence soudaine dans I'opinion insulaire d'un "p rob lerne de I'immigration", dont les termes etaient rarement def in is avec c la r te , mais dont les formulations suqqe ra ient toutes, que ce p rob lerne s'identifiait a la question du nombre des irnrniqres , et de I 'e xces dans ce nomb reo O'OU, pour nous, une question: pourquoi raconter, a nouveau, ce que tous en Corse (tous, c'est-a.-dire : journalistes, hommes politiques, sociologues ... ) paraissaient si bien connaitre ? II nous fallait ref lech ir a notre role, au role de le nque te sociale menee par des "so ec ia l istes'", 8 I'heure ou tout Ie monde s'improvise enque teu r social. Le risque e tant de sanctionner "scientifiquement" I'idee que les choses avaient at­ teint un point critique dans Ie domaine de I'immigration, en Corse: conditions de vie dep lo rab le s pour les imrn lq res , mais aussi, population d'etrangers trop nombreuse pour I'ne C'est-a.-dire de legitimer des decisions qui pouvaient etre 0ommagea- bles pour les irnrn iqres et qui de toute facon sent, de la resp onsab il it e du "politique" et non du sc ient if ique. -2- II nous fallait donc reconside re r notre demarche et fonder notre approche sur de nouveaux p rem isses. L'hypothese que nous f ormu larnes est qu'en Corse, comme ailleurs en France, les p rob lernes que connaissent certains travailleurs imrn iqres (notamment ceux qui ap- partiennent aux groupes ethniques "rac ises") sont grands,certes,et leurs conditions de vie, dep lo rab les , mais que cette situation n'etait pas nouvelle, et que les turbu- lences sociales qui se produisaient auteur de I'immigration e ta ie nt a attribuer a d'autres causes qu+a un "paroxysme" du phenornene migratoire (populations attei- gnant un chiffre insupportable, cap ac ites d'accueil insuffisantes, etc ... ) II fallait, a notre avis, voir dans ces turbulences, soit un effet de la crise tout court sapant les justifications econom iques de I'immigration, soit, se conjuguant avec elle, un effet de la crise des rapports sociaux sur lesquels se fonda it jusque la I'insertion des irnrn lqres dans notre societe et la cohabitation entre populations d'accueil et 1 irnrn iqres , sous I'effet de divers facteurs. Cette crise des rapports sociaux entre societe d'accueil et certains travailleurs im- rn iqres - qui n'est rien d'autre au fond que la mise en question du statut implicite de 'minoritaire" de ces derniers - peut donc etre representee non comme la crise causes par des facteurs de trop grande inadaptation - inadaptation des irnrn iqres au pays ou a la population d'accueil, inadaptation de la societe d'accueil aux immi- gres - mais au contraire comme la crise d'un modele d'adaptation, du processus par lequel la societe d'accueil s'adaptait - au sens transitif - I'immigration et les irnm iqres , processus auquel ces derniers s'ajustaient tant bien que ma_�I. ..... 1 - Parmi ces facteurs destab il isa teu rs , on peut citer des facteurs d l evo lut ion in­ terne a I' imm igration : par exemp Ie la rn on tee de nouvelles generations sco lar i-r' sees et soc ia l ise es en France rnoins-p or tees a accepter Ie statut social implicite "minoritaire" de leurs parents, Ie deve lopp ernent d'attitudes nouvelles susc it e chez les imrn iqr es par I'arrivee de la gauche au pouvoir, I'octroi de droits nou­ veaux aux irnrn ie.res comme Ie droit d'association, I'effet de mesure o ar t icutfa­ res com me la regularisation des sans papier qui, en Corse, eu pour effet d'in­ tegrer administrativement un nombre important de ces travailleurs (plus de 6.000) et suqqs rent des fantasmes d'invasion, etc ..• -3- Ce qui nous etait de rnande , c'etait ce que nous appelerions un inventaire de I'im­ migration - c test -a-df re un inventaire de I'inadaptation de I'immigration - par les objets, les formes rna te r ie l le s (ou les formes sociales reifiees : nombre des irnrn iqres p ense dans I'absolu, description des conditions de logement par reference aux normes d'habitabilite abstraite, positions sco la ires comme indicateur social dec is if , difference culturelle de I'immigre fixffien essence, racisme des Corses egalement e ssen t la l ise ... ) II e ta it necessaire de r ep ondre en partie a cette demande, car les irnrn iqres ont bien, conc re ternent , des p rob lernes auxquels il convient d'apporter des solutions techniques. Mais il fallait auss i explorer Ie contexte social par lequel les conditions ma te r ie l le s inven to r iee s , prenaient sens, et identifier, p eu t-e tr e ainsi, les facteurs de la crise qui Ie frappait ..• et qui expliquait, par la meme la soudaine "decouverte" de I'ina­ daptation de ces conditions. Ce la revena it a assoc ie r a I' inventa ire dernande un ob jet de reche rche plus amb it ieux- impliquant une approche plus globale et portant sur I'insertion sociale des immi­ qres , c on cu e com me un processus f'onde sur les rapports sociaux - de cohabitation - au travers desquels se negocie, s'impose, se dissout, Ie statut minoritaire implicite des im mig res. Mais notre demarche, ainsi p rec isee , ne pouvait ev idernment rneconna it re une sp ec lf i­ cite essentielle des conditions dans lesquelles elle allait se deve lcop e r , Elle avait pour cadre une region ou , certes, I'immigration, I'insertion des irnrn iq r es , phenome­ nes globalement geres et regules par I'etat au niveau national, ne pouvaient manquer de presenter des ca rac te res semblables a ceux qu'ils revetaient partout ailleurs en France, mais qui cependant, ne pouvaient etre consideree comme un simple cadre interchangeable pour tout un ensemble de raisons. -4- Au premier rang de ses raisons:la territorialisation dans I'lie d'un groupe social, que tous ses membres, sous des moda l ites va r ie es et qui re co iven t des traductions pol it iques fo rt dive rses, pensent comme un peup Ie auquel ils appartiennent, et dont I'lie est Ie territoire legitime. O'ou I'existence d'une question locale des flux migratoires, de l'immigration/con<;:ue',1 non comme forme assagie r eduite a des lip rob le mes'", ou p ensee uniquement en refe-I I rence a la sphere econorn ique , mais comme processus forts de territorialisation/de­ territorialisation des groupes sur Ie SID I "national", et p resente a la conscience des habitants de l Tle , sous des formes va riees , de la simple sensib il ite a la conceptua­ lisation politique. Notre objet se sp ec if ia it a lo rs dif f e rernment et s'elargissait en "insertion sociale des imm iqr es" dans un pays (?) une region (?) ou la question des flux migratoires re co it une traduction politique, dont la figure extreme consiste a concevoir - fan­ tasmer ? - de tels flux en reference aux effets de vitalisation ou de devita lisa t ion , qu'ils pourraient avoir sur un "p eup le " menace dans sa survie dernoqraph ique , et longtemps lui-meme rn ino r ise , Alors ne se pose plus seulement la question de I'insertion sociale des irnrn-iqres , du )1 mode de cohabitation, d'iadaptation" de la forme migratoire par la population d'ac- cueil, c'est-a-dire celie du statut social implicite que vont se voir attribuer les imrn iqr es , mais la question du statut de la territorialisation des groupes e tranqe rs sur Ie sol national, ou, si I'on veut, celie du statut des dif f e ren ts groupes e tranqe rs dans la territorialisation. Cette question qui sur les grands espaces du continent se dissout et se dissimule dans la fragmentation de mille segregations locales, est p reserrte et evidente dans chaque conjoncture de contact entre un membre de la population d'accueil et un irnrn iqre en Corse. -5- Du coup, les choses dev iennent inf in iment plus comp lexes en Co rse ; i I imp 0 rte de savoir, par exemple, comment vont se combiner, ou se cumuler les figures extremes du sta tut de minoritaire, I'exclusion relevant de la segregation sp on tarree , sociale, e t I'exclusion territoriale potentiellement totale, f'ondee sur la perception collective (mais comment nait ce collectif ?) d'un ca rac ts re ethnique non assimilable, et� consequent corrup teu r. Comment vont se re§ler les contradictions dintere t entre les entrep reneurs, qui ti- rent profit de la te r r ito r iatisat ion des "{rnrn iqr es'", et les leaders politiques qui en- tendent faire p reva lo ir les in te re ts sac res de la "nation", c+es t-a=dire la sauvegarde de son ir joute.Jr..,{_e.. L' aJr..ti.6anat on6Jr..e. des c.cv.:, anatogue..6 dans ta soc;« des POMe.Me.UI1..6 d' e.n:tJr..e.pJr..,{_.6e.-6 d' e.te. c.tJr..,{_ ute. , de. Vulc.aM.6ation, de. t6te.Jr..,{_e. ou. paJr..mi.. te..6 trUtte.uJr...6. MrU.6 c.e.tte. nJr..ac.tion indU.6tJr..,{_e.U.6 e , a vide. , c.onqu0tante., es« paJr..ve.nue. au scad« de. ta c.onc.e.ntJr..ation c.ap,{.;tali.6te. : it y a des h6te.lie.Jr...6 qui ac.hete.nt des tennes ou de..6 appaJr..te.me.nt.6 pui.6 inve..6�.6e.nt e.n Itat,te., tand,t.6 que. de. Jr..,{_c.hu e.ntJr..e.pJr..e.ne.uJr...6 de.vie.nne.nt h6te.lie.M e.t paJr..ticUpe.nt a des op0tatiOn6 immobiliVr..e..6. A Ajac.uo, r.a puiManc.e. de. t' un des n o.mf...tte..6 te..6 ptM pJr..O.6 pVr..u .6' appuie. .6uJr.. une. gamme. d' ac.ti­ v,{.;ti..6 vaJr..,{_e.e..6, te. c.omme.Jr..c.e., te. tJr..an.6,{.;t, ta PO.6.6e..6.6ion du une.ma te. ptU.6 .6omptue.uxl de. ta viUe.." Ces exemp les ne signifient nullement que les Italiens soient absents des rangs de ce qu'on pourrait appeler Ie proletariat local. Le p henornene ca racte r ist ique n'est ni 1 - op. cit. -56- en soi, la reussite de quelques uns, ni la position d+une majo r it e au bas de I'echelle sociale, mais la diffusion du groupe dans la structure sociale qui indique qu'il n'y a pas identification d'un groupe ethnique a une strate sociale et qui engage a renoncer aux referents' usuels pour decrire cette immigration, et, en tous cas, a ne pas utiliser Ie cadre inte rp r e ta t if qui preside, habituellement, a la lecture sociologique d'autres imm igrations plus recerites. La question qui reste p osee , et que nous n'avons que re Ie moyen de trancher, les denornb rernents statistiques ignorant cette variable, est celie d'une ineqa lite possible ent re les d iffe rents group es reg ionaux ita I iens face a cette vi rtua I ite de d iffus ion dans la structure sociale corse. On peut faire lhyo o these que Ie groupe �'::Hde, immigration tardive, immigration d'une "rnino r ite'! , immigration de voisins dans tous les sens du terme, occupe une position sp ec if ique dans la structure sociale ccrse , teridanc ie lle rnem t inf e rieu re a celie d'autres groupes, que son "deco llaqe" soit plus tardif, et voir en lui une sorte de groupe en transition entre ·Ie modele italien dominant, et Ie modele que nous quafif ie r ions de "tiers-mondiste", pour dire cela tre s vite. Des etudes plus app rofondies pourraient permettre de rep oridre a cette question. Cette insertion econorn ique originale semble correlee a une forme d'insertion sociale dont 1Dus, comme nous avons p il nous en rendre compte au cours de notre enque te , s'accordent iii dire qu'elle a evo lue avec Ie temps dans un sens positif, les Italiens, dit-on, "sachant s 'Jn teq re r" et les Corses manifestant une acceptation envers eux grandissant avec Ie temps, a mesure qu'on s'eloignait de la p e r iode de lirnmed iat ao res-querre , marquee elle, par un rejet certain des irnrn iqr es italiens. Et il est vrai que certains traits de I'insertion des Italiens en Corse semblent conforter cette opi­ nion : nous voulons parler de la f requence des nattJralisations (qui se poursuivent en­ core aujourd'hui au rythme de 200 par an) et I'existence d'un nombre annuel non ne­ gligeable de mariages mixtes franco-italiens (4 % des mariages pour la p e r icde actu­ elle). D'ailleurs Ie deo lo iernent original de I'insertion econorn ique du groupe que nous avons deer it pourrait etre cons ide re , en lu i-rneme , comme I'indicateur d'un -57- contexte social favorable pour I'insertion globale des immigrants: Nous pensons que cette lecture est sans doute ve r id ique mais a un trop haut niveau de generalite, et qu'elle ne rend pas compte du mode reel de cohabitation (ou du rapport de 'cohabitation) entre Italiens et societe corse , et de levo lu t ion de ce rap- port dans Ie temps qui pourrait etre beaucoup plus heurtee que ne Ie laisse transpa- ra Itre cette vision d'une amelioration progressive. faut Nous pensons qu'il faire porter la question non sur des phenomenes qui se situeraient sur I'axe conceptuel " rejet----acceptation" (homologue, du point de vue du sujet "accep te" de la p o lar ite "auto-segregatio1l-----integration") mais ramener I'interro- gation sur I'axe conceptuel "exclusioll-----inclusion" de I"'autre" dans I'espace legitime de cohabitation, et des manoeuvres app rop r iees de cet""autre"par rapport a ces processus. Cet axe conceptuel p r iv ileq ie la d irnens ion. symbolique du rapport de cohabitation, la dimension de representation des groupes comme to ta lites , a I'egard desquelles prevalent des processus qui sont de I'ordre des cristallisation b.f'l1�a.-I:e$'o; et des renve rsements souda ins. Ce qui a va r ie dans Ie temps ce n'est pas Ie de qre d'acceptation des Italiens, comme sanction positive, et devenant de plus en plus positive avec Ie temps de leur "bonne vo lont e integrative". Ce qui a va r ie ce sont les conditions p osees a I'inclusion des Italiens, en tant que totalite representee, embrassant abstraitement I'ensemble de ces sujets sociaux, a I'ensemble social legitimement te r r i to r ia l ise sur l Tle , �omme participants legitimes a cet ensemble. Une mutation souda ine - d'une souda ine te qui doit etre evidemment mesuree a I'echelle du temps historique - s+est faite, qui a change les conditions p ose es par Ie groupe d'accueil (et par consequent dominant)' a I'inclusion des nouveaux venus, comme tcta lite dans la to ta l it e sociale legitime de l Tle . La condition p csee a cesse d'etre I'assimilation. Le groupe a cesse d'etre soumis a un irnp e ra t if d'assimilation. Mais il nous faut p rec ise r ce que nous entendons, nous, -58- par irnp e ra t if d'assimilation. Pour nous cet irnp e ra t if est d'une autre nature, p osse de au moins d'autres dimensions, que la lecture qu'on en fait habituellement Ie laisse p a ra it re ,-et qui Ie re du it aux m ecan isrnes sociaux par lesquels on impose aux nouveaux venus de se conformer aux referents culturels, sociaux, politiques, historiques, du pays d'accueil, ou d'adopter les conduites des membres de la societe d'accueil : pour nous, cet imp erat if s'alimente a. une pulsion, qui Ie situe dans un autre champ que Ie "so­ cial", il est de I'ordre du symbolique : il signifi� sous mille�ects e)\�mille conjonc- tures, a. I"'autre" de disparaitre comme tel, de sevanou ir comme"autre',' c'est-a.-dire indissociablement de disparaitre ou de sevanoulr , si I'impossible exploit n'est pas ac- compli"et chacun sait qu'il ne peut I'etre. L"'assimilation" des e tranqe rs est un pro- \ cessus a. doub Ie face, I' une est la face ec la i ree, quo ique seve re, de la pedagog ie re- formatrice, I'autre est la face nocturne d'un rituel de mort: ref'ou le la plupart du temps mais qui parfois emerge en actes, du social. 1 La recitation de "nos ancetres les gaulois" imp osee a. un jeune algerien et les "raton- nades" sont p r is dans Ie meme noeud de significations. Une mutation s'est done faite, nous Ie pensons, qui a sens non d'une facilitation de I'integration pour les italiens, rna is qui a porte sur Ie prix a. payer pour la presence legitime. On voit mieux quel sens different peut reve ti r , selon lepoque , Ie phenornene des natu- ralisations. Pendant la p e r iode de I' imrried ia t ap re s-que rre Ie rejet des italiens (ou son double I'imperatif d'assimilation comme nous I'avons entendu) e ta it puissant; on ne saurait oublier que la p e r iode historique qui venait de se clore avait vu l+arrnee mussolinienne � occuper lTle , et I'OVRA y accomplir ses sinistres besognes, traumatismes que la par- ticipation de l 'a rrnee italienne a. la liberation de la Corse ap re s septembre 1943 e ta it sans doute impuissante a. effacer des rnerno ires. La situation des irnrn iq res italiens de- vait, dans lap res guerre, etre ma rquee jen t re autre, parce contexte difficile. 1 - Qu'on nous pardonne cet exemple "cliche" qui ne doitPlusbeaucoup se prod�ire reellement. D'autres formes plus subtiles d'acculturation dans I'education doivent avoir cours. 2 - Opera Vigilanza Repressione Antifascisti : police politique f asc iste , - 59 - Les naturalisations, nombreuses, de cette ep oque terno iqnent de strategies d"'assimi- lation", dans Ie sens ou nous avons entendu ce terme : elles ont des objectifs p rati- ques, acque ri r les droits du citoyen, et symboliques, tache r de devenir les "memes". C'est ainsi que J.RENUCCI peut ecrire " Af..ol1..o, J.l .. .o adootsuu: ie..o tla�on.o de. vi.vn»: e.t de. pe.n.oe.11. de..o COMe..o, pal1.ian:t mt2:­ me. ie.uJ1. iangue., .0 I actachaw; que.ique. n ocs a -6 aJ..I1.e. oubUe.I1. ie.uJ1. e.x:tJz.ac.:ti..on, deve­ nan:t, dec-or: "piu.o COI1..oe..o que. ie..o COMe..o'I•1 Mais Ie contexte social et aussi ideo loqique de I'insertion s'est t ransfo rrn e , Des ja- Ions peuvent etre rep eres : on peut noter la creation de la CEE, qui c rea it un refe- rent symbolique d'integration 8 un niveau transcendant les f ront ie r es nationales. On doit mentionner les reussi tes econorn iques et culturelles de I'ltalie qui rejaillissent sans doute en partie sur I'image' sociale de ses ressortissants. 2 On p eut concevoir aussi que la rr ivee "d+e tranqe rs bien plus e tranqes'' - les maghre- bins - ait soudain p rec ip ite la cristallisation d'un nouvel agencement des f ront is res sep a rant , pour les sujets sociaux en cohabitation, I'identite de t'a lter ite , llnte r ieur de la no rrna l ite sociale et son ex ter ieur , les italiens se trouvant assoc ies - ou s'as- sociant activement - a I'edification de nouveaux confins qui les englobent cette fois, et te Is qu' i Is sont. Dans ee basculement, la p rox irn ite culturelle, ou plut6t identitaire, cesse d'etre I'ali- ment secret mais puissant du rejet, du maintien a distance, et se transfigure en aff ln it e , L'opposition a cet "autre", dorn ina teu r ce lui-Ia , qu'est Ie f ranca is conttnental joue aussi son role dans ce r eiaqe ncerne nt : de ce cote la aussi s'edifient ou s'ebauchent de nouvelles f ront is res dans lesquelles p eu+-e tre les italiens sont inc Ius. C'est 18 tout I'enjeu, et tout Ie travail, de la redec ouve r te par une certaine intelligentsia 'corse de I'appartenance de I'lie a la mouvance culturelle italienne. 2 - J. RENUCCI : op . cit. Formule tiree d'un titre d'un p oerne de J. Preve rt Etranges e tranqe rs. -60- �e referent conceptuel a utiliser pour deer ire la position des italiens dans leur coha- bitation avec les Corses n'appartient pas au regist.re des processus connotant I'orga- nique (integration; incorporation; assimilation ..• ) Et si les acteurs Corses (et de tout pays d'accueil que l: qu'il soit) de ces processus se la rep reseritent ainsi, c'est que la perspective d'analyse que nous avons ouverte est proprement impensable pour eux car elle les obligerait a realiser la part decisive qui est la leur dans ces processus, et I'arbitraire de leurs revirements. Tou t est rep 0 rte su r les qua lites d ist inct ives, souda in de couve rte, de ce vo is in, e leve , soudain, a la position de familier : "il sait s '{nteqre r , il ep ouse des Corses " Ce qui est sur c'est que cette position de "cohabitant legitime" ne semble plus imp li- quer, pour les italiens, la dissimulation de leur appartenance nationale, ou celie de leurs liens avec Ie pays d'origine de la famille.1 Des lors les natu ra lisat ions qui sont toujours aussi f requen te s changent de sens et d'objectif, elles sent pour ainsi dire, instrumentales, el.les permettent de supprimer les derniers obstacles a la circulation sociale, de postuler a un emploi administratif, de voter, etc .•. n� Mais elle'srevetent plus pour Ie sujet Ie sens symbolique du passage d'une iderit ite a une autre. Ce rite n'est plus necessa ire , Les italiens qui ont conserve leur na t iona l ite ne se savent plus italiens en tant qu'italien signifierait etre exclu. C'est pourquoi quand, pour expliquer la sous-estimation probable des italiens dans les denornb-rernen ts issus des recensements, la revue "Economie Corse" ecr it :" ... auaw: un mode. de. vis: pltoc.he. de. c.e.iu,[ de. ia poputa;Uon 6ltan9-ai-6e., ii-6 [te.-6 ,uaUe.MJ -6 ' in:te.glte.n:t n auie.me.n:t ; beaueoup d.' enme. e.ux pe.u ven: -6 e. de.c.ialte.tr. nltan � dans ie.-6 Ite.c.e.n- -6e.me.n:t-6 -6aM e.n avoi». e.nc.olte. obtenu. ia na;UonaUte. ... " Nous inclinons 8. voir la moins une revendication ou une falsification, qu'un p henornene 1 iii ce qui me fait penser qu'ils ont atteint une dimension din teqra t ion ... je ne dis pas de fusion ... C'est que la generation des enfants c 'a present, se declare facilement d'origine italienne lorsaue vous leur parlez" nous a declare une en­ seignante Corse. -61 - de I'ordre du lapsus, qui n'implique nullement la vo lorite de dissimuler son apparte- nance ree lie, ca r cette de rn ie re est vecu sur un plan sep are de celui des apparte- mais sur un nances officielles ou for� plan ou la possession de la na t lona l i te f ranca lsa J l- nit par aller'de soi, a mesure qu te tre italien n'est plus sanc t ionne socialement, qu' se etre italien ce n'est plus etre e tranqe r, C'est Ie meme phenornene qui joue pour les jeunes nes en Corse de parents immigrants ita l iens , qui n'opterit presque jamais pour la nationa l ite italienne a 18 ans i.: s'ils agissent ainsi ce n'est pas par un veritable choix, c'est qu Tls n'ont pas conscience d'un choix a faire, car ce choix ne leur est plus socialement impose. S'ils se "savent" f ranca ls c'est d'un savoir inconscient qui s iqn if ie seulement qu'ils ont ce sse de se savoir e tranqe r , parce qu'ils ne se voient plus imposer de renoncer @. I'etre. Le changement du mode d'insertion des italiens en Corse - leur mode d'etre scc ia - lement, pour r ions nous dire - ne r ep ond donc pas, selon nous, a I'image d'une evo- lution linea lre , mais p luto t a I'image 0J'une revolution symbolique. CommeT(lt;pcepePlda-flt�hcarae:teriser, en u t ilisant les referents du sens commun, la si- tuation actuelle de ce tte population? Elle n'est pas vra iment un groupe assirn ile ou aspirant a I'assimilation, dans Ie sens - ou "etre assirn ile" signifierait avoir subi, sous leur forme achevee les impositions do- minatrices de la population d'accueil, et avoir renonc e a ses appartenances originelles. Elle n'est pas un groupe social marque par la segregation ou la discr irn ina t ion ; sa diffusion so atiale (elle ne subit pas de discrimination dans Ie logement, ne conna It pas de p henorne ne de "ghetto", elle est normalement p resente dans Ie logement so- ) . 'avons , , c ia l.): e t sa diffusion dans les structures sociales, que nous constateeg,demontrent Ie contraire. Elle ne forme pas une "colonie", resulta t d'une cloture sur soi ·du groupe, d'une "auto-exc Ius ion" • On ne peut que re en parler comme d'une cornrnunau te : la forte ne te rcqene ite interne, I'importante dive rs ite des origines regionales des groupes qui composent -62- cette population ne permettent qus re I'emploi d'un tel qua lif ica t if . .. Comment rep resente r cette presence eclatee et parfois indistincte qui reste pourtant presence, cette fragmentation qui reste consistance ? En revenant se Ion nous au sta- tut personnel acquis par chacun des membres du groupe: celui du "cohabitant legi- time", e tranqe r qui a cesse de I'etre sans voir ruiner la reference intime a ses appartenances. Le Consul d'italie ne voit pas d'autre terme pour designer la population de ses ressor- ...... tissants, que Ie mot fluide de "collettivita", et mene une politique discrete de revita- lisation de leur appartenance culturelle et de rappel du lien national aup res de ces derniers, sans suqqe re r de rupture avec la soc le te vc.o rse , crest ainsi que Ie Consulat fubli� un bulletin d'informations pratiques et juridiques1 a I'intention de ses ressor- tissants, organise diverses manifestations culture lies. Une information discrete est menee aup re s des jeunes sur les droits que leur reconnait I'ltalie, et, notamment sur Ie fait que, opteraient-ils pour la na t ional ite f ranca ise dans les conditions que nous avons dites, I'etat italien leur reconnai't la double natio- na lite. Ind ication qu i semb Ie etre presentee comme un en rich issement, et qu i n 'a apparemment pas Ie sens de tentative de "recuperation". Par ailleurs existe un reseau associatif, qui a la double vocation d tac tiv ites culturel­ les, et de prise en charge de personnes ou de families en difficulte.2 Un syndicat ouvrier d+ob edience derno-ch re t lenne , dans I'installation duquel il serait e tonnant que Ie Consulat n'ait pas pris part, est egalement rep reserite en Corse.3 Enfin deux "missions catholiques", I'une a Bastia, I'autre a Ajaccio, concourent cer- tainement, a leur man ie re , au maintient du sentiment d'appartenance des italiens de Corse. I ---------------------�----------------------------------------------------------) 1 - "Notiziario del Consolato d'italia in Bastia per gli italiani residenti in Corsica" : I Nouvelles (chronique ... ) du Consulat d'italie a Bastia pour les residents italiens en Corse. 2 - Les C/\RI (Comitato Assistenziale R�creativo Italiano) sieges a Bastia, Ajacc io Po rto -Vecch io. 3 - L'ACLI (Assoc iaz ione Cattolica dei Lavoratori Italiani) siege a Bastia -63- Un groupe regional dans cette immigration italienne de I'apres-guerre, ne laisse pas, nous semble-t-il, d'etre dans une position d'insertion p ar t icu lie re , Ce groupe nous avons dit que la derniere vague migratoire italienne en portait la marque: il s'agit des Sardes, qui forment un tiers (a en croire Ie Consulat d'italie) ou la mo it ie (selon J.RENUCCI) de cette vague, sans qu'aucun moyen statistique nous permette de preci- se r ces eva lua t ions. L'hyp o these que nous formulons a propos de I'insertion de ce groupe, c'est que sa conversion au statut de "cohabitant legitime" a ete plus tardive mais p eut -e tre aussi plus sp e c tacu la i re ; la press ion a I' exc Ius ion s' e tant ma intenue plus longte mp s, p ou r ceder la place finalement a une position originale. Le groupe est dans une situation d'identification p a r t icu l le re , Du cote Sarde : Ie sentiment d'appartenance a un ensemble regional distinct, avec Ie sentiment d'appartenance a I'ensemble national italien quand il ne Ie supplante pas, et les referents de l+iden t ite collective (langue, productions culturelles •.. ) sont puissants et vivaces. De plus, une nette tendance a une revitalisation de cette appar- tenance s'est fait jour, semble-t-il, dans I'histoire recerite , trouvant une certaine tra- duct ion sur Ie terrain politique, qui lui confe re quelque analogie avec la thernat ique r autonom iste oo rse. Du cote corse: les Sardes sont bien identifies comme tels, avant de I'etre comme italiens (e xc ep te dans les situations de discours off lc ielles) et longtemps cette eti­ quette a eu valeur de stigmate.1 Les Sardes pour les Corses, e ta ien t les plus "extre- mes des voisins", les plus p roches des p roches. En cette occurrence, il n'est que re e tonnant que les Corses, la population d"'accueil", c'est-a-dire dominante ait longtemps maintenu, ou produit, la plus grande distance sociale possible envers ces nouveaux venus. 1 - La conversion dont nous parlons n'est pas encore achevee totalement, ainsi "Ies Sardes sont les Arabes de I'ltalie" nous a declare un gerant de logements so­ ciaux. -64- Cette situation semble aujourd'hui renve rsee , voisinage et similitude changent de signe et d'effet, elles sont re decouve r tes ou revend ique es comme causes d'election reciproque. C'est ce que nous semble marquer la creation recerite a Ajaccio, d'une association culturelle sp ec lf lque rnent s,arde;1, en marge du rese au associatif italien, qui s'affirme et veut se faire reconnai'tre. La, encore, I'affirmation au grand jour de I'appartenance e x te r leu re , nous semble Ie signe Ie plus sur de I'accomplissement de I'inclusion au seln des cohabitants legitl- meso Mieux, I'embleme de I'association nous p a ra It rnerne suqqe re r une sorte de revendi- cation de position p r ivileqiee parmi les cohabitants legitimes, en soulignant precise- ment Ie voisinage des deux Iles , en suqqe rant p eut -e t re , en des iqnant rnerne , une sorte de cornrnunau te insulaire, trop longtemps restee inap e rcue , \ ASSNE SARDA SU NURAGHE Sede d' AJACC,O Assocl,tlon �trangere autorlsh par III Mlnlme de l'Int6r!eur TESSERA N° " "" .. ,,' Rilosciota 01 Socia Sig ...... ' I ( - ) Nato II " ..... \;' / I'i 1'(.' I I' " . f ...... "" ... """ ....... I A". I, .• J ••• , .;�\ •••••• " •••• , . F-es. ','. ,;_- 'r I ................. ' ?' ..... ,. .. -- " ,.0- . ',",0' .• ' 11 Presldente, AJACCI TATHAAI II Console d'ItaJla, , " ''''J.i;:��".J .. ' ... '�,\. � ---------------------------------- 1 - L'Association " Su nuraghe" c iest -a-df re "Ies .Tcurs" en sarde (Rappel des edifices neo+ithlques ca rac te r ist iques de la Sardaigne). " existe en France 11 associations Sardes qui regroupent environ 7.000 membres. -65- 1.5. - L'IMMiGRATION des ETRANGERS malices de la statistique Denombrer les e tranqe rs 8 partir d'un recensement ou d'une enque te dernoqrap h ique , les rassernbler en une population au sens statistique, produire socialement ces denom- brements, c'est prendre Ie risque de faire croire 8 I'existence des e tranqe rs comme 8 celie d'une cornrnunaute ree lle , de suqqe re r que ce qu'ils ont en commun est plus fondamental que ce qui les sep a re , bref de faire exister socialement cette population aux yeux des nationaux, des "non-e tranqe rs'", comme un tout consistant. La p ensee statistique fait subir 8 cette "population des e tranqe rs" un traitement exactement oppose 8 celui qu'elle fait subir 8 la population des nationaux. Pour ces derniers ce travail consiste 8 faire apparaitre I'infinie dive rs ite sociale, et donc, 8 la limite, les innombrables facteurs de division et de tensions, qui se dissimu- lent sous I'image d'un "corps" social p r e tendurnent in teqre , Pour la population des e tranqe rs c'est I'infinie dive rs it e des traits sociaux et les dif- f e reric es parfois c ons ide rab les des situations qui sont niees ou m inirn lsees , comme si elles ne ta lent 18 que pour mieux dissimuler une ident ite essentielle, celie d'une enti- te consistante, int eqrant ses diverses parties grace 8 un seul et puissant trait l+a lter ite par rapport 2UX nationaux. Jamais plus clairement que quand il s'agit des e tranqe rs la statistique n'apparart pour ce qu'elle est originellement : un instrument de gestion e ta t ique , Baliser, surveiller les f ront is res abstraites du "corps social national", (et par 18 Ie faire advenir ou re- produire son existence), est une des fonctions essentielles de I'etat, qui a partie liee avec celie de gardien du territoire : la secur ite du territoire, son int eq r i te , doivent etre garantis centre une trop forte intrusion e tranqe re , comme doit I'etre celie du "corps social". Espace et nombre sont les dimensions clefs de la vision d'etat - donc statistique 1 de la presence e tranqe re , C'est 18 une des origines de ia no.tion de seuil de tolerance, 1 - Le mot statistique p rovient , de I'italien "statista", gui i ., ' -, I: I·it -66- c+e st par la que s'impose lidee d'une limite a la concentration, au de la de laquelle il y a danger d'alteration. Diffusees hers de la sphere de I'etat, t it te ra lernen t divu lquees , les "statistiques", com­ me on dit, transforment tout sujet social en gestionnaire du "p rob lerne " des e tranqe rs , surveillant de "son" espace et comptable des intrus qu'il porte; et d'abord, les "sta­ tistiques" lui imposent une perception du monde social, marque par I'abstraction. C'est I'invention de I"'etranger" com me figure limite: tous les e tranqe rs renccn tres ou connus disparaissent des memo ires pour laisser la place a un individu abstrait, re­ duit a un seul de ces traits, l+a lte r lte , Trait in tr insequernent neqa t if , en tout e ta t de cause, connotant menace ou corruption. Le nurrie ro special que la revue "econorn ie Corse" publie en mai 1979 sur"les etran­ gers", est I'illustration parfaite de ce travail de la statistique sur les categories de perception de I'univers social. Premiere question du nurne ro : Combien sont-ils ? Premiere conclusions, en "encadr e'": "Au p a lrnar es de I'accueil : la Corse; premiere region de France pour Ie pourcentage des e tranqe rs (13,5 o/a). " La grille de lecture du social est insta llee , I'abstraction fait son oeuvre: les parti­ cu la r ites de chaque groupe d'etrangers, leur repartition par na t iona l ites (marocain ou toscan) la dtve rs ite des situations dimrn iqra t ion (provisoire ou durable), Ie niveau de I'insertion professionnelle (gros cornrne rcant ou manoeuvre) ne sont plus que :%,'� (en %) Agriculteurs exploitants Salaries agricoies Patrons de l'industrie et du commerce 220 7 730 1 35 3 83 ') ......... ' ...... 610 .; , .... _ .. , .. ". '3 7' ,-, -- •. ' 1 1 Professions liberales et cadres 2 2 185 220 10 365 - 1 1 46 Employes I 43 Ouvriers Gens de maison et femmes de menage Armee , " .. - - 1 640 '2 315 22,285 -, . 3 " 10 100 15. 48 27 " .. -', - ENSEMBLE LECTURE DU TABLEAU : La population active etrangere est classee par categorie socio-professionnelle. La derniere colonne indique l'importance des etrangers dans chaque categorie. Exemple : il y a 7 730 salaries agricoles et�angers qui repre� sentent 35 % de l'ensemble des etrangers et 83 % de la profess�on. -73- L"'abstraction" et I'''echange des attributs" y jouent a plein ainsi, les italiens qui ont deja p re te leur taux de na ta lite a I'etranger abstrait - c'est-a-dire Ie cas echeant , et Ie moment opportun a sa figure - limite, Ie rnaqhreb in - concede encore a ce meme etranger, I'avantage social de figurer parmi les "patrons de I'industrie et du commerce", ou bien parmi les "professions l ib e ra les et cadres" ou rnerne parmi les "agriculteurs .exploitants". Tandis que les rep resentarits d"'autres pays de la CEE" ou d"'autres pays" tout court, lui font I'insigne honneur de I'admettre dans les rangs de I'armee f ranca ise • (legion) En r ea lite , nous Ie savons bien, les rnaqhr eb ins sont can tonnes dans les trois catego- ries : salaries agricoles, ouvriers, personnel de service. (lis fournissent presque exclu- sivement Ie groupe des salaries agricoles, et pour Ie reste ils sont manoeuvres du battrne nt .j de 50 a 60 o/�],travailleurs saisonniers du tourisme pour quelques uns; enfin, gag eons que parmi les femmes de menage, beaucoup sont rnaqhreb Ines), 1 Mais nous savons par une autre source que Ie nombre total de ces trois categories salaries agricoles, ouvriers, personnel de service, s'eleve a 37.875 individus : nous voyons imrn ed ia temen t que nos travailleurs rnaqhreb ins rep resen tent 44 % de ces ca­ tegories2, ou se dessine une veritable classe sociale ; non la classe ouvr ie re (nous nous coupons ici de toute perspective th eo r ique •.. ) mais tout au moins ce que nous avons app e le la classe des "rnanouvr ie rs'! , des travailleurs manuels. (ce terme a rcha l- que nous p a ra It mieux app rop r ie que "manoeuvre" qui connote la question de la quali- fication). Mais, allons plus loin, cette "c lasse des manouvriers" est-elle horncqene ? il nous faut, la encore, de const ru ire Ie travail de I'abstraction. Nous constatons bien vite que la position des irnm iq res (= les maqh reb ins) y est p ar t icu l ie re . Le tableau c i-ap re s nous donne une premiere indication, qui, involontairement, par ailleurs, illustre �------- __ ---i I'impuissance de la ca teqo r ie "etranger" a - Revue "Economie Corse". N°7 - Janv.Fevr , 1978 : "La Corse et ses habitants" 2 - Probablement pres de 50 %, si I'on ajoute travailleurs clandestins, saisonniers et si I'on tient compte du fait que Ie chiffre des salaries agricoles Corse est notoirement "qonf le", -74- rendre Ie reel social puisque sous Ie titre" les e tranqe rs occupent les emplois les moins 'qualifies" on constate que les "latins" ( i e, majo r ita lrement des ita liens) sont ---�---- '. ouvriers '. ouvriers - .- qualifies', . specialises_, '. ' contremaitres b apprentis total I manoeuvres I Franc;ais 5 43 52 Italiens, Espagnols, , Portugais 2 - 50 48 . "" " , � Marocains, Tunisiens, .e Algeriens 26 74. 100 100 .. .. :.' . 100 v- , LECTURE DU TABLEAU : 52 % des ouvriers fran�ais sont OS ou M�1oeuvres alors que� 74 % des ouvriers maqhrebirie appartiennent d ces catc�g(lries. '" : .. .:':::':, " . � �. ...., On y voit que Ie groupe rriaqhr eb in est dote au plan des qualifications de caracteris- tiques qui en font un groupe nettement a part. Ceci nous donne une premiere indica- tion sur la position du groupe rnaqhreb in (i e : rnajo r ita i rernent des marocains) dans lavc lasse des manouvriers : ils sont majoritairement manoeuvre, 0 S (et nous savons que crest massivement.dans I'agriculture et Ie bat irnent). , , Nous retrouverons la la figure de cet ouv r ie r transnational dequa l if ie (dtsqua lif ie ?) dont les soc ie tes industrielles modernes ont besoin a partir des annees 60. II semble bien que ce soient les rnaqhr eb ins et eux seuls qui remplissent ce role en Corse. Mais une difference essentielle est a noter, c'est que la Corse n'est pas une societe indus- trielle. Si, lntr insequernent ce travailleur p ossede les attributs de son homologue des soc ie tes industrielles il s '{nse re dans un espace regional, ou la nature des ac t ivites productives, la structure des entreprises, Ie comportement culturel des entrepreneurs dete rm inent un ma rche de I' emp 10 i et de dest ins profess ionne Is (et donc soc iaux ••• ) individuels, radicalement diff e rents de ceux qui s'offrent a I'homme des usines e t des grandes villes. Crest la a la fois Ie malheur et la chance des irnrnlqres en Corse. .j -75- Les ac tiv ites p roductives ou sont emp loves majoritairement les immiqr es ( i e, les maqhreb ins) nous les conna issons , ce sont d'ul'le part I'agriculture ou ils forment en effet plus de 80 % de la main d'oeuvre sa la r iee du sec teur agricole rnode rne , celui qui se dep loie principalement dans la plaine orientale, et qui p rec isern en t a cause de la taille atteinte par les exploitations, e t la gamme redu ite de ses ac t lvltes (essen- tiellement viticulture et un peu d'agrumiculture) ne cess ite une main d'oeuvre sa la r iee p eu sp ecia Hsee ; et d'autre part, les ac t ivites du b a t irnen t et des travaux publics. Dans les deux ac t ivites , rna is pour des raisons dif f e rerrtes , les conditions sont r eunies pour que I'organisation du travail oeere une separation entre un noyau de travailleurs stables, occupant des postes a taches qua l if iees ou de resp onsab i l ite , remuneres con- venali'llement (ce qui ne signifie pas, car crest une autre question, dans des conditions de regulari'te administrative abso lue) et une strate de travailleurs, ernbauchss pour des emplois p reca ires , sous=rernuneres , dans une situation d'infradroit souvent abso lu au rnais regard des regles administratives dont les conditions d'emploi ne doivent pourtant pas suqqe re r qu'ils offrent simplement aux entrepreneurs I'opportunite d'un surprofit ; I'utilisation de cette strate de travailleurs, qui, cornrne les p ra tiques c 'economte informelles et de gestion "opaque" au regard administratif, semblent relever d'un modele culture l , p reex istant , de strategies econorn iques , chez les entrepreneurs Corses, no tarnment du bcatiment, semb Ie une condition essentie lie de I 'adap tab i I ite de ces en­ treprises aux a-coups de la conjoncture et aux p a r t icu la r it es de leur marche.1 Ce sont ev idemment les rnaqh reb ins qui fournissent cette strate de travailleurs. lis forment a ins i , pour une partie d'entre eux, a I'epoque du plein-emploi, ce volant de milliers de travailleurs "de reserve,,2, qui circulent entre agriculture, ba t irnent et tourisme, r ep ondant aux besoins qui se font sentir par "a coups" ou de man ie re cycli- que. 1 - Ceci est p a r t icul le rernent bien mis en lurn ie re par Michel PERALDI et Robert WEISZ dans un article a p a ra It re (M.P. et R.W. : "Protection et dependance les entreprises Corses du bat irnen t". CERFISE. Aix-en-Provence. Oct. 1983.) 2 - Michel PERALDI et Robert WEISZ : art. cit. -76- Bien entendu, tous les travailleurs rnaqh reb ins ne sont pas exclusivement concen tr es dans cette strate au statut p reca ire , ils sont inclus, en partie dans Ie noyau solide et sedentar ise des travailleurs, et c'est vrai davantage sans doute, a proportion des emplois offerts par ce secteur, pour I'agriculture que pour Ie bat imen t , en fonction meme de la "monopolisation" des emplois qu'y ont opere les travailleurs ma qh reb ins , L'image complete qui se degage, une fois les abstractions disso ees , pour la position des rnaqhreb ins dans les structures de I'emploi local, est celie d'un groupe formant la plus grande partie de ce que nous avons app e le la classe des manouvriers - figure locale du proletariat - s itue au niveau des postes les moins qualifies, et sc inde entre une partie s tab il isee et une partie qui joue Ie role de volant de main d'oeuvre de reserve, (a laquelle s'ajoute p er lcd iquernent les travailleurs saisonniers). C'est donc un groupe indispensable aux formes productives locales dont la defection, en p e r iodes de pleine ac t ivite du rno ins , peut se traduire en catastrophes econorn iques et qui ne peut trouver de substitut sur Ie marche du travail local, (sans que I'insuffi- sante revalorisation du travail manuel soit pour rien dans cette situation !). Mais c'est aussi un groupe que son statut social, formel ou implicite, conduit a. etre parmi les plus dom ines , Et c 'est enfin un groupe que son "stigmate ethnique" expose a. toutes les formes d'exclusion, ou de domination symbolique "informelle".1 1 - Ce poids des travailleurs rnaqh reb ins dans les formes productives locales, que nous avons determine que d'une fa¢on globale et moyenne pour la Corse ent is re , est encore plus accentue dans certaines zones d'emploi, dont les structures socio­ econorn iques se voient ainsi e t ranqernen t marquees par la presence silencieuse et invisible, de ce proletariat venu d'ailleurs. C'est vrai, par exemple, pour Ie Canton de Moita-Verde (Aleria) ou nous savons par I'INSEE que les e tranqe rs (au sens statistique, mais pour ce canton agricole, categories statistiques et categories so­ ciologiques se rejoignent, ce sont bien, pour la plupart, des rnaqhreb ins) rep reserr­ tent 42 % de la population et 70 % des actifs (c test-e -dtre sans doute 80 a. 90 % des "manouvriers"). Mais c'est vrai aussi pour Ghisonaccia, Porto-Vecchio, Prop ria­ no, Sar tene , ou les e tranqe rs - au sens statistiques - rep reseritent 25 % de la population (Ies maqh reb ins de 16 a. 20 % suivant les cantons), (Ajaccio et Bastia : 80 % d'etrangers statistiques et 5 a 6 % de maqhreb ins.) . -77- II se dessine la , dans cette identification d'un groupe ethnique m ino r ise et d'une strate part icu l ie re du proletariat, la figure d'une situation dont I'expression limite est celie de I'apartheid l. I -95- J - enque tes demoqrap h iques doit a notre avis regne�;-dans les listes des "offices" et de Provence-Iogis, tout au moins.(nous verrons pcurquoi Logirem est dans un cas different sur ce point); et si on s'en tient au critere formel de la na t iona l it e , ils sont certainement bien plus nombreux sans doute ; ce critere n'etant, s'agissant des Italiens,vraisemblablement pas beaucoup plus operant que pour les rencensements. Ceux qui figurent dans les fic,hiers de ces offices doivent etre vraiment les l tal iens de la plus recen te immigration, les plus visiblement italiens.] II se ra it t rop fac i Ie de conc lu re me can iquement, a la vue de ces ch iff res que les rnaqhreb ins sont exclus du logement social en Corse, par pure et simple discrimina- tion et qu ' ils Ie sont davantage par les offices locaux que par les organismes qu i ont leur siege sur Ie continent. Tout d'abord eca rtons cette derniere distinction qui selon nous n'a que re d'effets pratiques pour la question qui nous interesse. L'attribution des logements sociaux, que les organismes logeurs aient leur siege en Corse ou non, nous semble, dans tous les cas, etre une question tra itee presque ent ie rernent au niveau local. Tout en plus, peut-on dire, que les offices semblent avoir un systems d'attribution P Ius "opaque", et sans doute davantage soumis aux logiques et aux influences locales. Provence-Iogis et Logirem ont une partie de leur parc sous convention avec les rna i- ries et les conseils generaux, ce qui deja.les dessaisit largement ; mais, de plus, rnerne si toutes les candidatures sont examinees au siege des Soc ie tes , sur Ie conti- nent, il est patent que ce sent les agents locaux des Soc ie tes , immerges dans Ie milieu local, qui, charges d'instruire les dossiers, font les ve r itab les choix. L' ensemb Ie des organ ismes terno igne, de toute ev idence 1 d 'un fonctionnement identi- que, et probablement tributaires de logiques locales identiques, au niveau des attri- buticns de logements sociaux, et Ie t ra i ternen t du "p r ob le rne " de I'admission des families maqh r eb ines ne doit pas dif f e re r , des lors, fortement, d'un organisme a -96- I'autre. (Des oppositions mineures, qui ont une certaine traduction conflictuelle, entre les organismes, peuvent cependant se manifester ainsi Ie Directeur de Pro- vence -log is semb Ie rep roche raux off ices 10caLJx de se decha rge r de leu rs cas d iff i- ciles en les dirigeant vers son propre parc.) En fait, la distinction pertinente a faire entre les organismes a la fois pour expli- quer les differences (d'ailleurs mineures) qui existe entre eux sur Ie plan de la presence des families e tranqe res , mais aussi pour se faire une idee de la rnanie r e dont I'ensemble du secteur du logement social en Corse, tous organismes confondus, reagiirait aux demandes des families irnm iqr ees , dans une situation ou la p enu r ie ac- tuelle serait quelque peu resorb ee , est une distinction qui porte sur I'age des diffe- rents parcs. Sur ce plan, les deux offices et Provence-Iogis, s'opposent a Logirem. Pour les trois premiers organismes on peut dire que I'essentiel de leur parc a ete constru it au debut des anne es 60 a I'epoque de la forte demande de logements liee au rep eup lement souda in de I' ne que nous avons dec rit plus haut. A cette ep oque I' imm igration magh reb ine est enco re massivement une im mig ration d 'hom mes seu Is [ de plus, une partie non negligeable de la population familiale rnaqh reb ine meme"a vecu de tout remps en milieu rural (ou les p rob lernes de logement sont d'une autre nature et appellent d'autres types de rep onse ) tandis que Ie parc de logements so- ciaux est essentiellement concentre a Ajaccio et Bastia.] Les demandes de logements sociaux ernanant en nombre significatif des families maqh reb ines sont donc un p henorne ne relativement recent, qui s'est produit au mo- ment ou ce parc de logements anciens e ta it deja pour ainsi dire sa ture , tandis que la construction dans ce secteur s'interrompait. On ne peut dans ces conditions affirmer qu'il y ait eu conc rs ternent exclusion ou discrimination a I'egard des families maqhr eb ines , Tout au plus peut-on dire que I . f . ., t 't' . mtiq_ I"" es c irconstances ont a it que ces orqarusrnes n on pas e e rnassrvernen a epreu- veil dans ce domaine. r -97- Cette epreuve se redu it actuellement au p rob lerne de I'attribution des logements devenus annuellement vacants par suite du depart de leurs occupants. Le taux de rotation des locataires dans Ie parc de logements sociaux de ces organismes etant p a r t icu lle rement faible (20 logements l ib eres chaque anriee en Corse du Nord nous a-t-on dit).1 II est clair que dans ces conditions, les chances d'obtenir un lcqerne n t sont pour une famille rnaqh r eb ine tou t-a-f alt minimes, pour ne pas dire inexistantes. Mais sur des chiffres aussi reduits , est-ce vraiment significatif ? crest que dans la situation de p a rt icu l ie re p enu r ie en matiere de logements sociaux, que connait la Corse, ce type de logement est loin de connaftre la desaff ec t ion qu'il connait dans certaines regions du continent (2,6 % des logements du parc "national" f ranca is eta ien t vacan ts en 1977, avec des po in tes de 10 a. 20 % dans ce rta ines zones, du fait notamment •.•. de la forte presence e tranqe re.) crest au contraire un bien rare que les habitants du lieu sont , pensons-nous, p o rt es a. cons ide re r comme une chasse qa rdee dans laquelle ils ne verraient pas sans dep Ia isir s'introduire massive- ment des maqh reb ins , On p ou rra it dire que [usqua une p e r iode r ecen te , la situation du parc des logements sociaux, la moritee tardive de I'immigration familiale, tout un ensemble de c ircons tances rp at er le lles suffisent a. expliquer, dans une certaine me- sure, la faible presence des families maqh reb ine s dans Ie parc ancien de logements sociaux de la Corse, sans qu'il soit necessaire de mettre en cause une pratique d'ex- clusion manifeste (Nous serions p o rtes a. conclure, quant a. nous, que I'exclusion est restee en quelque sorte latente •.. ) Le p rob lsme de I'admission des families rnaqhr eb ines dans Ie logement social (ou celui de leur exclusion de ce type de logement com me on voudra ...• ) est un pro- b lsrne qui n'a pris ses ve r itab les dimensions que depuis une ep oque recente , mais qui ne va pas manquer de s+arnp l if ie r conside rab lernent dans un t re s proche avenir, 1 - Certains e tan t "pre-attribues", si I'on peut dire, sous la forme originale d'une squatterisation immediate par une autre famille �orse, nous a-t-on dit egale­ ment .•. -98- (si du moins Ie parc setend quelque peu, car dans Ie cas contraire les irnrn iq res partageant la p enur ie avec les Corses.ne conna Itront toujours que des formes la- tentes d'exclusion, ou des formes redu ites mesurables au taux de rotation annuel du parc par lecuei elles ne seront pas conce rnees.) Que va-t-il se passer pour ces families, eminemment justiciables au plan des crite- res economiques, sociaux, administratifs, d'un logement en HLM (et qui, de plus, rep reserrtent une clientele unanimement app rec ie e par les gestionnaires pour sa sol- veb il lte et la p onc tua l ite de ses paiements ... ) si, Ie parc s+e tendant quelque peu, des p oss lb ll ites nouvelles de logement s'offrent, qui placent les services d'attribu- tion dans Ie redoutable cas d'avoir a choisir entre des families corses et des famil- les irnrn iqrees ? Deja certains agents de ces organismes sont conscients du fait que estci1 besoin de 1e diLe si on app l iqua it les c r ite res legaux d'attribution qui ne p r evo ient pas de discrimina- tion ethnique pour la selection des demandes en instance, les families irnrn iq rees se- raient majoritairement prioritaires (I'exemple est donne pour Bastia). [)�ja leur pro- b lerne , en somme, n'est pas fant de loger les irnrn iq r es que de parvenir a ne pas les loge r .•• Or, certains indices ne laissent pas d t inqu ie te r , dans ce domaine du logement des families rnaqh reb lnes , L'un ressort du "mode d'operer" de notre dernier organisme la Logirem, celui que nous avons place a part, tel que ce mode d+op e rer est per- cep t ib le dans ses operations recentes, L 'autre est p Ius global et concerne la ma- niere techno-,politique d'erwisager ce p rob le rne , La Societe Logirem d'abord. Elle occupe une position p a rt icu l ie re a un double titre: 1 D'abord, son parc de logements en Corse, d'ailleurs r edu it , est recent: il a ete construit a la fin des annees 70. Le peuplement de ces ensembles, a donc eu lieu - II s'agit de I'ensemble Paise Novu a Bastia, 419 logements, de celui d"'Agliani, 99 logements et de I'ensemble pavillonnaire "Ies My r tes'! , 72 logements a Pro­ p riano. -99- a un moment OU la demande de logements sociaux ernanarit de f.amilles rnaqh reb i - nes se faisait sentir de tacon significative. Deux ierne carac ter lst ique : les agents de cette societe - parente de la SONACOTRA· avec qui elle partage un bureau d'etude a Ajaccio - lui reconnaissent explicitement une fonction (tre s) partielle de logement des e tranqe rs (ou d'aucuns s'empressent, un peu trop hat ivernen t au gre de ces agents, de voir une specialisation). Si bien que les operations de cette societe incluent des financements cornp lementa i- res deb loques par I'URCIL au titre de la part de 0,1 "/0 dest inee aux imm iq res dans la contribution patronale de 0,9 % a I'effort de construction : En contrepartie de ce financement Logirem cede des droits d'attribution a I'URCIL sur des logements destines ob I igato i rement a des imm iqr es , (De rnerne que d 'autres comp lernents de financement ou garanties d'emprunts donnent lieu a la cession d'autres droits d'at- tribution a divers autres organismes, comme les prefectures, les mairies, etc ••. ') Le "mode c 'op e re r" de cet organisme peut donc constituer, dans une certaine me- sure, un revelateur de la maniere dont est � et serait - concue I'insertion des fa- milles rnaqhreb ines dans des programmes de logements sociaux plus abondants. (II est bien entendu que ce qui peut se decouv r ir ta ne traduit pas nec essa irernent une sp ec if ic ite Corse: la rnan is re dont est envisage ce p rob lerne ayant evo lue sur Ie plan national, les traits de la situation Corse peuvent rep ondre a cette evolution: il faut imaginer un effet de "refraction" du "national" par Ie "local" p Iutct qu'une cesure entre les deux. - La Soc iete d' Econom ie M ixte SONACOTRA (Soc iete Nat iona Ie de Construction pour les Travailleurs), qui est so ec ia l isee dans la construction et la gestion des foyers-hotels pour travailleurs "Iso les" (majoritairement des migrants ..• ). La Societe - qui a longtemps compte dans son conseil d'administration des repre­ sentants du gouve rnement a Ige rien - a ete c reee en 1956, dans Ie contexte h is­ torique des debuts de la que rre dAlqer le . (elle s'appelait alors la SONACOTRA Soc iete Nat iona Ie de Const ruct ion p ou r les TRava i lieu rs A Ige riens). E lie p rend place actuellement parmi les plus grosses chaines hotelieres, et compte dans son patrimoine environ 250 foyers-hotels qui offrent plus de 66.000 lits - avec un service hotelier et parfois des structures d'animation - a leur clientele. Ces foyers sont concent res essentiellement a Paris, Lyon et Marseille. -100 - Toutes les ra isons que nous avons c itees plus haut exp I iquent p ou rquo i Ie p a rc de logements sociaux de Logirem abrite davan taqe d'etrangers que Ie parc des orga- n ismes plus anc iennement presents. Mais, du coup, compte tenu du moment ou elle opere sur Ie rna rche corse du loge- ment social, et de sa specialisation partielle dans la "mise en cohabitation" de cer- taines families etrangeres, et bien qu'il soit superieur a celui des autres organismes la faiblesse du taux des e tranqe rs admis dans son parc, et surtout de celui des fa- milles maqh reb ine s (3,5 'Yo) devient significative et inqu ie tan te , Autre observation; en examinant de pres la composition interne du groupe de fa- milles e tranqe res lcqees par exemple dans I'ensemble "Paese Novu" a Bastia on constate que Ie groupe rnaqhrebint St families dont 21 families marocaines) constitue moins de la rno it ie du groupe total des families e tranqe res (66 families sur les 419 menages que comporte I'ensemble, soit un peu plus de 15 'Yo) Ie reste e tant consti­ tue par des families du groupe latin (ou les italiens sont evidernrnen t majoritaires1.) Ceci suqqe re laop Hcatton stricte d'une regie de "quota" aux rnaqh r eb ins , ce qui, conjuque avec Ie fa ib Ie rythme de la construction de logements soc iaux la isse ma I auqure r de la satisfaction futu re des beso ins en logement de ces fam i lIes.2 Par ailleurs les ca rac ter lst iques socio-professionnelles des chefs de famille suqqe ren t qu'une selection severe a ete op e ree parmi les candidatures: il s'agit dans la plu- part des cas d'ouvriers qualifies (a leurs cotes se trouvent •.. 5 agents du ·Consulat du Maroc). Ce ca rac te re se lec t if de I'introduction des families e tranqe res corijuque au fait que parmi les locataires f ranca is les profils socio-professionnels sont egale- - Les Italiens jouent dans ce cas un role un peu sirn i la ir e a celui qu'ils jouent dans les denornb rements statistiques : opp o rtunernent "redecouve r ts" comme e tranqe rs , ils font nombre et permettent de tirer tous les profits du nombre des "etrangers" abstraitement cons ide res, lc i , ils permettent de remplir I'obli­ gation de loger "un quota" d'etrangers en limitant Ie nombre des rnaqh reb ins , (Alo rs que nous sommes surs qu'ils ont a peu pres les memes chances que les Corses d'obtenir un logement social, en general, ou p lu to t qu'ils sont les egaux des Corses devant la p enu r ie , 2 - Ce "quota" est encore inf er ieur dans une operation comme celie des "Myrtes" a Propriano : 4 families rnaqh r eb ines sur les 15 families e tranqe r es que compor­ te I'ensemble (72 pavilions). -101 - ment en general assez eleve,1 donne I'impression_que Ie type c 'op e rat ion de la Logi- rem rep ondvdavantaqe a des logiques marchandes qua des f ina l lt es sociales. La fonc- tion de "Iogeur" d t imm iqr e, en tant qu'elle consistera it a resoudre les p rob le rnes graves que connaissant les families maqh r eb ines ne p a ra It qus re remplie par cette soc iete si on en juge pa r ses op erat ions p assees , et on comp rend que ses agents r ecusen t cette etiquette. Mais ce qui nous parait Ie trait Ie plus important dans Ie mode c 'op e re-r de la Lo­ girem2 est Ie veritable devo iernent dont il terno iqne quant a I'interpretation des dis- positions administratives et f inanc ie res en vigueur pour I'aide au logement des immi- 9 res. La presence des families e tranqe re est strictement rnesuree aux droits d'attribution devo lus a l'URCIL3 par suite de I'octroi par ce dernier d'un financement corno lemeu- taire provenant des "enveloppes" rnone ta ires const ituees avec Ie 0,1 % dit "irnm iq re" par les ernp loyeurs (fraction de la contribution patronale de 0,9 % sur les-salaires verses, pour la Ide a l'eHort de construction). II n'est pas question d'admettre un nombre de families e tranqs res exc edant les droits crees par ces fin_ancements dits sp ec if iques , Ainsi se gen.eralise une segregation - ou une exclusion - a rqument ee sur une interpreta- tion totalement erronee de la loi. Car un glissement s'est opere, qu i+condu it a refuser aux irnrn iqres toute entree dans une zone de logement dont la construction n'a pas inclus dans son financement une part de ces fonds sp ec if iques , L'existence - Parmi les habitants f ranca is on trouve 135 fonctionnaires dent beaucoup d'en­ seignants. On peut imaginer, sans grand risque de se trornp e r, que beaucoup p a rm ices hab itants ont dep asse Ie "p lafond de ressou r ce s" ... a part i duque I on perd ses droits a un logement de ce type. 2 - II est bien errtendu que cette analyse du mode dop e re r de Logirem ne vise pas a mettre en cause ou 8_ st iqrna tise r les agents de cette societe, qui font tout ce qu'ils peuvent dans un contexte difficile. " se trouve qu'en enque tant en Corse, c'est l.oqlrern , seul op e ra teur de ce type, que no us e tudions pour de ce le r des ten dances et des logiques qui ne lui sont pas sp e c if iques et qui de plus s'impo­ sent aux agents sans que, Ie voudraient ils, il ne puisse que re les modifier. 3 - Voir plus haut "Ie logement des iso les" pour la signification de ce sigle. -102 de ce financement devenant la condition sine qua non d 'une adm ission de fam illes e tranqe res. Or, cette pratique va totalement a I'encontre de I'esprit de ces dispositions dites sp ec if iques (0,1 % "Imrn iqre" ou financements en provenance du Fond d'Action So- cia Ie) qui ne visaient nuJlement a creer un segment du secteur du logement social tota lement sep a re - dans son f inancement et sa c I iente Ie - ma is a degage r des res- sources s'ajoutant aux ressources habituelles - sans Ie moins du monde s'y substituer pour tenir compte des p rob lernes plus graves que connaissent les irnrn lqres dans ce domaine. Ainsi un organisme de logements sociaux ou une co llec t ivite locale - ou les deux 1 agissant sous la formule de la ZAC - operant dans une zone a forte presence de travailleurs irnrn lqres - peuvent acc ede r a des financements (provenant d'une enve- loppe const itu ee sur Ie plan national et u t i lisee selon Ie principe de la p e requa t ion) leur pe rrne t tan t de mieux regler un p rob le me que la presence e tranqe re est suppo- see agg rave r. Ainsi les travailleurs irnrn iqres ont normalement droit comme tous les autres travail- leurs a un logement social, ou que ce soit, mais dans I'esprit des dispositions dont nous parlons, comme ils app a rt lennent a un gro4:re, dont les besoins sont collectivement plus 9 rands que ceux de la f ract ion nat iona Ie des t rava i lieu rs, la ou les i mm ig res se trouvent en nombre, I'offre globale en logements doit etre auqmeritee par ces aides sp ec if ique s , Alors que selon la doc tr lne erronee qui a investi peu a peu la pratique des opera- teurs, les travailleurs irnrniqres ne peuvent plus se loger que I�., ou les responsables de la production de logements ont bien voulu faire appel aux financements specifi- ques. 1 - ZAC : Zone d'Amenagement Conce r tee . -103-' On devine la situation limite qui se dessine : au cas ou on ne tiendrait pas (on, c'est-a.-dire une co l lec t ivi te locale, un "op e ra teu r'", etc .•• ) a. loger des imrn iqres , notamment si Ia-p oo u lat ion locale est peu d isp osee a. cohabiter avec des etrangers, (et ou I'est-elle ?) il faudrait et il suffirait suivant cette doctrine, de ne pas de- mander de financements sp ec if iques , de monter des operations sans ce type de fi- nancement, pour etre legalement dispense, croit-on, de la p enib le obligation de 10- � se \1 ger ces categories de population. Occurrence nefaste que risque d�neraliser par { , I Ie role croissant dans ce type de p rob lsrnes qu 'attribue dans Ie domaine du logement social aux col lect iv ites locales, la loi sur la decentralisation; ces communes e tan t p a r t icu lie r ernent sensibles, pour des raisons evidentes, aux pressions a. I'exclusion des etrangers qu'exercent sur elles les plus bruyants de leurs administres.1 Et cette mesinterprttation de I'esprit des dispositions d'aide au logement des tra- vailleurs irnm iq res n'est pas lirn itee aux organismes operant dans Ie secteur du 10- gement social. II semble qu'elle soit reprise, et par consequent legitimee, au ni- veau de certaines administrations regionales. C'est ainsi qu'on peut lire dans I'etude de la DRE, p rec edernrnent cit�/le paragraphe suivant : " LOOEMENTS DES IMMIGRES Le. toge.me.n:t des immtgJti6 a 6ad:. t' obje.t d 'une. exude. c.onnie:e. a ta SONACOTRA e.t daM tu Jte:�uttat� e.nc.oJte. Jte:c.e.n:t� de.me.uJte.n:t vatabte.� a t'he.uJte. ac.tue.tte.. It ne. paJtait p� ne:c.e.��aiJt� d'e:voque.Jt ic.i c.e. do��ie.Jt, ta �otution de.vant �tJte. tJtouve:e. da� ta te:9i�tation �pe:c.i6ique. paJt un 6inanc.e.me.n:t nOJtmat de.� C'est Ie seul paragraphe consacre au logement des irnrn iq r es dans une etude qui comporte 56 pages dac ty loqraph iees (auqrnerrtees d'un certain nombre d'annexes). - C'est ainsi que Ie representant de I'URCIL a. Marseille, se plaint du - role de 'voyageur de commerce en financements" qu'il est oblige de jouer en Corse, en proposant sans grand succss les enveloppes f inanc ie res dont il dit disposer pour Ie logement des imm iq res , -104- On ne peut quletre surpris de cette "segregation (au sens de separation) concep­ tuelle", qui renvoit les besoins en logement de 1.300 families (environ 5.000 person­ nes) etd'une dizaine de milliers de travailleurs dits "Iso les'! , a une legislation mal interpr�tee et a un organisme qui refuse d'etre enf e rrn e dans cette "specialisation" jugee inconfortable par ses agents. Mais une fois passe Ie moment de la surprise, I'observateur se demande s'il ne vaut pas mieux finalement se re jou ir de ce de la issernen t des irnrn iqres par les "tech­ no structures" p lutct que de s+en indigner 2.1.3. - Habiter et cohabiter les ruses de II esp ace Tout semble indiquer, en effet, q.ue I'insertion residentielle des irnrn iqres en Corse, ne sera pas marquee, avant longtemps par ces figures urbaines carac te rtst iques de I'insertion de leurs homologues continentaux: Ie grand ensemble, et Ie foyer-hotel. Crainte d'exacerber la t rust ra tton d'une p op ulat ionJoca le , qui cultive son p rop re sentiment de de la issernen t , par des realisations trop ostensibles en faveur des immi­ qr es ; souci de ne pas offrir des cibles trop visibles a d'eventuels dynamiteros (qui auraient mal interpr�te les cons ignes parfois complexes de leurs mouvements), volon­ te de ne rien faire qui puisse fixer davantage ces populations ou encourager I'im- p lanta t ion fam ilia Ie Tous les motifs d'abstention, des plus explicitables au moins avouables, affleurent dans les discou rs des nomb reux responsab les touches pa r ce p rob leme de logement des migrants, et rendent pessimiste sur la "normalisation" des conditions de, loge­ ment des mig rants. Mais ce pessimisme est-il vraiment de saison ? et cet immobilisme p rev is ib le au plan de I'habitat, n'est-il pas la chance des imrn iqres en Corse, - et p eut -e t re celie des Corses - au plan de I"'habite-r" donc du "cohabiter" ? Par cette exclusion des formes classiques du logement social ils echapp ent aussi aux formes de reclusion qui leur sont consubstantielles, a des formules residentiel­ les s te reot yp ees dont chacun sait qu+e l les sent aujourd'hui en crise. -105- Du coup nous voila incites a regarder d'un autre oeil I'habitat des lmrn lqres , a Ie regarder du point de vue de leur spatialisation. Et on ne peut manquer alors d'etre frappes par I'extraordinaire diffusion spatiale des imrn iqr es; sur Ie terri- toi re Corse que nous appellerions utile, c'est-a-dire I'espace des grandes et pe- tites villes, Ie littoral, I'espace productif de la plaine orientale, mais aussi, dans des cantons menaces par la desertification. l * Ceci app a ra.It de f acon frappante sur la ca rte A, (source INSEE) ou nous f a isons une lecture tout- .. a=f a i t opp osee a celie que font les redac teurs de la revue "Eco- nomie Corse", car ce qui nous frappe c'est la non-concerrtra t ion des irnrn iqres , leur diffusion spat la le , Cette diffusion spatiale intense des imrn iqr es app ara It encore mieux sur la carte , ou est transcrite la presence des enfants d'immigres dans les ecoles primaires de I'lie (chiffres 82-83). Un seul canton Corse ne compte aucun enfant d'immigre sur les banes de ses eco les primaires : Altc di Casaconi (Campitello). Ce p henornerie dirnp lanta t ion dff fuse des irnrn.iqres serait a interroger pour lui- meme (Indep endamment de ses causes materielles ou ec onorn iques) pour Ie sens quia chez les irnrn iqr es eux-memes cet "hab ite r" qu'ils dep Io ierit ainsi1 mais il faut avant tout Ie replacer dans Ie contexte de cet "habiter" corse, ou , silencieu- sement, les imm igres p rennent place. Le retard de I'urbanisation sociale Corse peut s'in.terpr�ter comme une carence et Gn generer les habituels discours critiques, mais ne pourrait conside re r ce p h enorne ne sous son aspect positif, I'absence de verticalisation de I'habitat ? qui, (conjugue avec d'autres facteurs comme Ie confinement) aboutit a ce que la division sociale de I'espace, soit moins marquee, moins c r is ta ll isee que dans les grands espaces -' Bien entendu I'implantation est liee a I'emploi, on Ie sa it , Ma is on sait aussi que les referents eccnom iques surinvestissent toutes les interpr(ftations des mouvements mig ratoires, et reriden t suspect tout examen d 'un autre ordre de ressorts humains, Ie des ir , Ie choix ... Le mouvement migratoire un mouvement du coeur? Proportion .des etrangers dans ,l'ensemble de la population moins de 5 % OJ]] de 5 a 10 % .� de 10 a-20 % de 20 a 30 'I; • plus de 30 % Pour cent age par et latin canton d - 'taire s dans Ie pre - �s eleves rna - par rapp -elementa' ghrebins B ort aux eff a.r e et l' -l- ectifs t e ernen- otaux. �% o.Sj Populat' r.ori latine. • c..i.nz.n� � .. �;�­ �-�' d -106- urbains ou elle desiqne clairement "leurs lieux" et par la leur place sociale aux imrn iq r es , Du coup les p rox irn ites a-normales se generalisent, et leur codage sur les hierarchies sociales s'estompent. II est evident que les distances p e r cue s et e xo r im ees ne sevanou issent pas pour autant. De plus, il est clair que la socialite Corse echapp e sans doute plus que toute autre au modelage par les conjonctures res id'en t te l le s , qui n'influe que re sur une pratique relationnelle solidement referee a la parente/au village, a I'ap­ partenance nationale ••• Mais on peut tout de meme imaginer que cette p rox irn ite assez generalisee entre Corses et irnrn iqres (nous parlons ici p lu to t de la population familiale) qui dans les conditions de faible densi te humaine que connait la Corse, est bien diff e ren te des con jonc tu res de p rox im ite susc itees par les grands ensemb les u rba ins ou "Ies autres" ne peuvent etre p e rcus que sous la forme de masses anonymes, se traduise en situations beaucoup plus prop ices a la structu ration et a I'intensification des re­ lations. C'est au moins un des versants possibles vers lequel peuvent incliner les systernes relationnels mis en place, lautre e tant , au contraire, la generalisation de la micro-segregation et I'intensification de la conf l lc tua l ite interpersonnelle. D'autant que les "p r op r ie tes" de revitalisation, ou de ranimation de certains espa­ ces, que man ifestent les im mig res/ sont inden iab les et ne p euvent echapp era leu rs voisins. - Ainsi a Aghione (Vezzani) sur les 10 eleves que compte I'ecole primaire et ainsi maintenue en ac t ivite , on compte 7 Marocains et 2 Espagnols. - Ainsi a Tallone (Moi'ta-Verde) I'ecole primaire compte 19 e leves , parmi lesquels 13 Marocains et 3 Alqe r iens , Ainsi a Conca (Porto-Vecchio) ou parmi les 33 eleves on compte 2 Marocains, 8 Portugais, 3 Italiens. -107 - - A insi, exemp Ie plus frappant encore, a Omessa (N iolu Omessa) ou on comp te 11 e t ranqe rs sur 41 e leves , mais ou , surtout, la classe enfantine ne peut rester ouverte que grace a la presence de 5 eleves marocains. Certes, c'est aux Corses a statuer sur la valeur de cet apport, sur Ie signe - au sens rna themat ique - dont il doit etre af fe c te : enrichissement, corruption? revi­ talisation, envahissement ? Une classe menacee de fermeture reste ouverte grace a la presence d'enfants marocains .•. La survie de I'ecole est-elle payee d'un prix trop exorbitant? La survie d'une ecole a-t-elle un prix? Seuls les Corses et parmi eux les voisins des irnrn iqres peuvent decider. Mais en fait, on peut penser que la notion de decision collective est antinomique justement avec I'intensification des contacts - ce mouvement proprement anarchi­ que - ou tout devient possible. De nombreux entretiens nous ont permis de faire I'hypothese que ces p rox irn ites sans anonymat entre un petit nombre d'hommes.jointes a des facteurs quasi eth­ nologiques comme la p r irnaute du lien personnel, une fois qu'il a ete e tab l i , se tra­ duisent sans doute par quant i te d'exceptions furtives a la regie massive de la se­ gregation, et notamment bien sur parmi les jeunes. Car si, en Corse, la segregation semble avoir statut et p ouvo i r de norme sociale,les transgressions de cette norme sont nombreuses et les ruses de I'espace contribuent a les multiplier. L'absence d'une "division sociale de I'espace" pleinement "accomplie", circonscri­ vant clairement les sous-espaces devo lus aux irnrn iqr es , si elle cree des conjonctu­ res de p rox irn i te aux effets relationnels irnp revisib les - mais d'ou cependant les o o tent ia l ites de liens sociaux positifs ne sont pas absentes - p lace en revanche certaines categories sociales insulaires dans des situations inconnues sur Ie conti­ nent. Nous vous lons parler des classes dominantes et, parmi elles, plus so ec ia lernent des patrons d'entreprises ou d'exploitations ou travaillent les irnrn iqres. -108- Sur Ie continent la localisation des residences, qui est acco rdee avec Ie niveau eco- nomique social e t culturel de leurs occupants, "garantit", en raison d'une division sociale de I'espace rn ieux realisee parce que plus realisable, les membres des clas- ses sup e r ieures centre les inconvenients des p r oxirn ites incongrues : les ecoles a fort pourcentage dirnm iq r es , par exernp le , ne sont pas bat ies dans les beaux quar- tie rs. En Corse, la situation est differenfe : pour toutes sortes de raisons, au premier rang desque l les I'impossibilite d'inclure les irnrn iqres dans un parc de logements sociaux redu it e t insuffisamment vertical, la division sociale de I'espace est a I'etat d'ebauche, c'est I'a�archie des p rox irn ites qui p revaut , e ff e t renf o rc e encore par le nombre r edu it en somme to ta le des habitants qui limite, a proportion, Ie nom- b re des equ ip ernents collectifs, notamment les equ ip ernents scolaires. II n'est que re d'espaces d'ou le risque de la rencontre avec des irnrniqres soit tota­ lement exclu, et il n'est en tous casg,uered'ecole d'ou les imrn lqres soient absents �-sans qu'ils soient pourtant en nombre dernesu re , loin de la : les pourcentages qui aop ara issent sur les cartes scolaires renvoient a des chiffres souvent ridicules en va leu r abso lue). En sommel se realise ce t te occurrence impensable ail leurs : les patrons des imrn iqres , mais aussi en general les membres des classes dominantes, econorn iquernent ou cul- turellement, sont contraints de cohabiter conc re ternent avec les lmrn iqr es ; de par- tager avec eux lieux, -equ o ernents et symboles : leurs enfants se retrouvent avec les enfants d ' i m mig res su r les memes bancs sco la ires, des enfan ts de dec lasses sent en mesure de disputer aux leurs des places dans les classements et "f if ie res" . sco ra rres ou "dans I'orientation.(heureusement, il yale handicap de la hngue'§e:trait-on ten­ te de dire De plus i Is sont soum is a tous les "r isques soc iaux de la rencontre, notamment Ie "r isque" sexue I. C'est encore plus vrai dans les zones agricoles comme celles de la plaine orientale, ou , de plus, la cohabitation signifie p rox irn ite spatiale presque totale, les ouvriers logeant parfois non loin de la maison des maltres. -109- On comp rend dans ces conditions que les patrons, notamment, ne se bornent pas a gerer I'immigration, ou la force de travail irnrn iqr ee en se re f e rant uniquement a la sphere des interets econorn iques , et que d'autres in te re ts sociaux mis en jeu de f'acon inso lite, les inc itent a s I inte resse r de p res a la quest ion du p eup lement, qu'ailleurs leurs pareils ont les moyens spatiaux de rneconna Itre I'immigre ne les concerne plus seulement comme producteur il a a s+en soucier comme reproduc- ,----- teu r. On comprend mieux dans ces conditions de quels con trdles tacites, de quelles resis- tances imp I ic ites sont I'ob jet les demandes de reg roupements fam i I iaux ernanant des trava illeu rs iso les , de quelles selections, non-dites, elles sont accomp aqnees. On comprend mieux ces propos d'elus qui se montrent peu desireux de deve lopp e r et darne liore r Ie logement des irnrn iq res de leurs communes, de peur d'encourager It " chez eux, par une amelioration trop brutale, Ie des ir de faire venir leur famille .... L'absence de verticalisation de I'habitat, de concentration de I'habitat sur des espa- ces redu its , les carences quantitatives donc en logement produit�peuvent etre inter-' prttees comme une sorte de rate dent les effets ne laissent pas d'etre heureux : la division sociale de Ilespace est imparfaite, ina chevee , les irnrn iqr es ne se voient pas clairement assigner des lieux clairement des iqnes , dou des p roxirni tes inattendues s 'ouvrant sur toutes sortes de p o te.nt ia l ites , On peut def inir cette situation en disant que les irnrn iqres o 'ont pas les inconvenierits de la division sociale de lesp ace , Mais, inversement, nen perdent-ils pas, par trop, les avantages ? -110- Dans Ie cad re res ident ie I incomp arab lement plus e tendu des g randes cites du cont i- nent, cette division sociale de I'espace fixe a chacun une place a ccordee a son etre social, mais elle opere en tendances, se verifie sur des r equ lar it es tres generales et abstraites, et referees avant tout a des c r ite res appartenant a la sphere des concepts economiques. Dans Ie dep lo iernent reel de I'urbain ces grandes lignes de force se bri-,I sent et se refractent de toute part, effet des hasards sociaux et spatiaux et des stra-I tegies, ou des strataqsrnes , des individus et des groupes. Et si les irnrn iqr es comme d'autres couches populaires f ranca ises sont p ris peu a dans un mouvement log ique qu i les cantone, ou au contra i re les d ispe rse, dans ces f igu res resident ie lies devenues fam i I ie res que sont les grands ensemb les ou les foye rs- hotels pour "iso les'! , lieux qui les me tarno rp hosent en etres tout 8. la fois visibles et invisibles, il arriveauJ3iils rea llsent des auto-territorialisations so on tanees , qu'on p our - rait dire autoigerees s'il e ta it imaginable que leurs auteurs les pensassent comme telles ; surgissent alors ces quartiers anciens des grandes villes, que 10. resorption guette d'ailleurs, ou les imrn iqres s'adjugent parfois les profits les plus eleves de la centra lite urbaine, et ou tous les signes d'une appropri.a.:tion ethn iques sont visibles, commerces, bars, lieux de loisir. Lieux ou les irnmiqres se retrouvent, maintiennent des liens anciens, mobilisent leurs reseaux , vivent et expriment leur culture sous mil- I Ie formes. Territorialisation pratique et fonctionnelle donc/ mais symbolique aussi, dont Ie sens de "chez so i" vaut pour so i-rnerne mais aussi pour ,� les autres", a qui il est donne a voir, pour qui il est ostensible, et chez qui il peut inspirer un sentiment de deo os - . (" I h ,,) session no us ne sommes p us c ez nous •.• Dans les grandes villes du continent certaines de ces zones sont peu a peu re so rb ees (Ie "panier" ou 10. porte d'Aix a Marseille, b ien tdt la Goutte d'Or a Paris, ou les ecliles municipaux appellent ce genre d+op e ra t ion la "reconque te ") mais d'autres quar- tiers ethniques subsistent, et meme les "ghettos" des grands ensembles sont p a rf o is "r eapp rop r ies" sous une forme violente, et de tou rnes de leur usage normatif, par leu rs occup ants. -111 - Or, en Corse, tout se passe comme si ces au to=te r r i tor ia l isa t lons e ta ient impossibles ou proscrites : non seulement, en effet, il n'y a aucun quartier marque visiblement par la presence des imrn iqres , non seulement ces bars dont ils forment la clientele majoritaire, frequents sur Ie continent, sont un nombre infime, mais il est notoire qu'on leur interdit plus ou moins explicitement, I'acces a b eaucoup de lieux de ce genre. On p eut evidernrnent mettre en cause les attitudes fortement disc rim inato ires ou racistes des Co rses , mais ces explications tautologiques, qui connotent discrete- ment ou non Ie registre de I'indignation morale ne nous satisfait que re , On doit convenir aussi que ce type d'exclusions, d'interdits signifies a l'auto-territorialisation a subi une acceleration et une generalisation bru­ tale au cours de la periode recente, marquee notam-" ment par Ie plasticage des cafes qui servaient les immigres, et quIa ce titre elles sont une pratique dont la systematisation est a situer dans ce qui doit s'analyser comme une veritable lutte de classe, oppo­ sant manouvriers et Corses (ou classes dominantes cor­ ses) dont Ie declenchement est du pour 1 'essentiel a l'arrivee de la gauche au pouvoir et aux espoirs quI elle a suscitee aupres des immigres �n Corses. Les exclusions, ou plut6t leur systematisation propre a cette periode temoigneraient de la volonte politi­ que de "signifier" aux immigres Ie maintient local du statut minoritaire (1) ••• ou d'exclu. (Cette periode sera etudiee dans la deuxieme partie de notre travail). Mais un ordre d'explication spatial, si on peut dire, et intemporel doit, selon nous, etre p ris en consideration. L'espace - et Ie milieu - urbains proprement dits sont cons ide r ab lernant l irn ites 2 en Corse. Ici, il faut s'entendre, on assiste bien a un p henorne ne relatif de concentration des populations dans les deux grandes villes, Ajaccio et Bastia. Mais Ie milieu rural reste important (il comprend la rno it ie de la population de 1'lIe). On assiste aussi 1 - Par "minoritaire" nous nous referons a la "minoration" des droits, des cap ac it es d'un individu et non a la notion nurne r ique , Car I'un et I'autre ne coihcident pas necessa i rement. 2 - Sans pouvoir nous etendre beaucoup sur ce sujet ICI, indiquons que nous distin­ guons espace urbain/espace rural, non selon un concept geographique, mais se­ Ion Ie statut que chacun d'eux a dans I"'habiter" d'un sujet. -112- a une certaine urbanisation du littoral (mais Ie littoral Corse est un des moins ur- banises de France, 29 % centre 92 % pour la Cote d'Azur). Les deux villes importantes Ie sont a I'echelle de la Corse: Ajaccio et Bastia comp tent a peu pres 50.000 habitants chacune. Les 7 bourgades qui viennent ap res elles, en importance, totalisent ensemble une population de 30.000 habitants environ, soit une population de 4.000 habitants en moyenne pour chacune d'elles. L'espace urbain proprement dit, cet espace dont Ie dep loternent , la va r ie te , les accidents, sont capables de sec re te r et d'agencer des lieux contrastes et abondants auxquels, ma lq re Ie poids des stratifications sociales, et par Ie "jeu" meme que ces strat'ifications conce dent , viennent s'agreger des milieux sociaux varies, fait def au t a la Corse. C'est ce p henorne ne de rarete de I'espace,urbait:"l dans I'abondance de I'e cou rt qu i exp I ique Ie mieux a notre avis, ce refus collectif de laisser erne rqe r une te r r i to raa li te propre aux irnm iqr es. Groupe humain declasse et par consequent dec lassant , sa territorialisation n'est to- .le r ee que lorsqu'elle seo s re dans des espaces aux-rnernes dec lasses : qrands ensem- bles p ero her iques a I'habitat vertical, ou vieux centres deva lo r ises et degrades au moment ou les premiers immigrants les invest issent ; d:es espaces manquent en Absence de division sociale de I'espace "moderne" - accompli grace a la ve r t ica li te et a la dens ite humaine - ; ra re te , au sens fort, qui connote la va leujj de I'espace urbain traditionnel, voila pourquoi il n'y a pas de�ropre possible pour les im- m iq res en Corse, de �qui puisse porter la marque visible de leur presence. C'est leur auto-invisibilisation1 qui devient la condition de leur presence urbaine. 1 - Sachant cette metamorphose de la division sociale de I'espace qui la fait s'ac­ complir so us la forme de I'auto-invisibilisation, on n'en est que plus enclin a I'ironie quand on voit la Corse se jouer la c orn ed ie de la concentration insup- ...... 113 - Ainsi Ie seul bar tenu par un marocain, a notre connaissance, en Corse, qui est s itue a Bastia, a vu sa vitrine et surtout son enseigne de tru ites par une explosion. Ainsi Ie boucher Corse qui utilisant les services d'un sous-traitant marocain, vends , a Bastia, de la viande provenant de be tes abattues rituellement, cache-t-il I'inscrip- tion arabe qui I'annonce a I'interieur de sa boutique. Version spatiale de leur presence/absence sociale, les imrn iqres sont partout, et par consequent, nulle part. Mais centre la regie de I'invisibilisation, apparemment inv io lee , I'anarchie des p rox lm ites accomplit son travail: des liens se nouent, entre les enfants surtout, des relations circulent, qui un jour mettront en peril cet ordre spatial. 1 - (suite de la page p recederite) portable des irnrn iqres. Cette dramaturgie releve encore de I'abstraction statis­ tique. Pour lire et "parler" la presence, dans I'espace, des imm iq res , Ie social disparaft comme referent, et laisse place au pur espace administratif; I'espace statistique, qui s'investit de pertinence sociale quant a la mesure de la presence! imrn iqree , pour laquelle la seule donnee que son "programme" soit capable de ' prendre en compte, est Ie nombre, Ie taux. Toutes les autres donnees : invisi­ bilisation, auto-exclusion, domination absolue, p rec ar isa t ion , qui modulent et f ixent les effets de cette presence sont refusees par Ie p rog ramme. Devant ce taux, I'espace administratif, recouvrirait-il les situations les plus va r iees , en qua lite et en quant ite , devient partout identique a lui-meme : il "titre", en quelque sort� X % d'etrangers. Si la Corse e ta it encore ra ttachee a la region PACA, elle "titrerait" de la me me man ie re uniforme, un taux different. De ce fait I'habitant du canton de Santa Maria di Lota ou il n'y a aucun e tran i ger!(souffrJ\autant de la presence e tranqe r e que celui du canton de Moi'ta-Ver­ de ou les etrangers forment 42 % de la population. La verite est qu'ils en scuffrent aussi peu I'un que I'autre, Ie premier parce que a Santa Maria di Lota, il n'y a aucun e tranqe r , Ie second parce quia Mo ita Verde, c'est tout comme s'il n'y en avait pas, car ces e trariqe rs sont sociale­ ment imperceptibles, absorb es par les travaux des champs ou masque's par les hauts murs des dortoirs dits "SOMIVAC". La verite c'est qu'un taux d'etranger ne signifie rien en soi meme si I'etat qui nous habite veut qu'il soit lourd de sens. -114- LA SCOLARISATION DES ENFANTS DE T R A V A ILL E U R S I M MIG RES: le classernent des dec lasses Les statistiques scolaires et leurs limites Les chiffres relatifs a la presence des enfants de travailleurs irnrn iq res dans les dif f e rents e tab l issernents et niveaux d'enseignement ont ete obtenus auo re s des deux inspections acadern iques de la region. Afin d'affiner notre etude nous avons eu recours aux dossiers scolaires d'un cer- tain nombre d'etablissements� En effet les statistiques existantes ne nous per- mettaient pas toujours de situer p rec isernent la p lace des eleves des differentes na t iona l ites dans les diverses sections et f il is res , L'impossibilite d'obtenir dans chacune des f i lie res une ventilation de la popula- tion e tranqe re selon Ie sexe ernp eche I'analyse des variations eventuelles des cu rsus sco la i res des ga rcons et des f i lies. Enfin il a ete impossible de disposer d'un denornb rerrient incluant les "francais par acquisition" comme les f ranca is musulmans (Harkis) ou les eleves p csse dant la double nat iona l ite et qui se dec laren t f rancais , si bien que sont exclus de l'anatyse une population de leves dont on peut penser qu'ils connaissent les memes dlff icu ltes que les eleves e tranqe rs , Les discours des agents du systeme scolaire Par Ie fait meme de I'aspect exploratoire de notre etude, nous n'avons pu / interroger qu'un nombre restreint d'acteurs intervenant a des niveaux dif f e rents dans Ie milieu scolaire de I'lle. Leurs discours ne sont certes pas rep resen ta tlfs de I'ensemble des agents du syste me sc olaire, mais ils permettent neanrno ins I'elaboration d+hyp o the ses quant a la f acon dont I'ecole traite la difference culturelle. -115- LA PRESENCE DES ELEVES ETRANGERS DANS L 'ECOLE T endances nat iona les Bien qu'en France I'immigration e tranqe re ait ete officiellement suspendue en 1974, on constate que Ie nombre d'eleves e tranqe rs ne cesse d'augmenter ,'.' dans I' enseiqne rnent et continuera vraisemblablement a augmenter encore. D'ailleurs, on peut noter que leur proportion dans les effectifs scolaires d'ensemble s'accroit a un rythme superieur a I'augmentation .en valeur absolue, par I'effet de la diminution des effectifs des jeunes fran<;:ais.1 Ces phenomenes sont Ie resultat de deux facteurs : d'une part le"regroument familial" des irnm iq res et d'autre p a rt Ie taux de f econdite plus fort dans ces populations que chez les f ranca is , La situation en Corse Comme il ressort du tableau c i-ap res , la proportion des jeunes issus de I'immi- gration dans la population sco la ir e corse augmente progressivement, passant de 7,8 % en 1980 a 9,6 % en Hl82/83. Cette augmentation considerable est due aux trois phenomenes rnen tionnes p lust haut. - Diminution des effectifs corses. La population scolaire corse de c r o lt de 42 207 en 1980/81 a 39 105 eleves en 1982/83 (soit - 7,3 %). - Regroupement familial. 942 p-�rsQ�nesimmigrees sont a rr ivees en Corse de 1980 a 198'1.2 - Taux eleve de f econdit e , En 1978,14,4 % des naissances en Corse concernaient des enfants dont un des parents au moins e ta it etranger3, ce pourcentage est t res important compare au poids de la population e t ranqe re et compte tenu de sa composition (taux eleve de mascu lini te}. 1 - Voir I'etude de H. Bastide : Les enfants d'emigres et I'enseignement fran<;:ais, PUF, 1982. 2 - Statistiques de I'O.N.I. Nous ne connaissons.pas., a l ce "jour, ies chiffres de 1982. 3' - E.C. INSEE, n? 20, 1980. 12% de naissances de deux parents etrarrgers. -116- N omb re d' e leves Nomb re d'eleves . % d'etrangers au total et range rs ,1980/81 1982/83 1980/81 1982/83 1980/81 1982/83 Pre -e lernenta i r 7 648 7 683 714 822 9,3 10,6 1 e r deg re 17 906 16 552 1 n:4 2 086 9,7 12,6 2eme degre 20 211 19 003 1 110 1 225 5,5 6,4 Total 45 765 43 238 3 558 4 123 7 ,8 9,6 Ense ignement Tableau de la presence e tranqe re dans I'enseignement en Corse A la lecture du tableau ci-dessus, nous constatons d'autre part un grand eca r t quant au poids des etrangers entre Ie 1er et Ie 2-me deq re , Cette difference aussl marquee s'explique en partie certes par la nature du courant migratoire lui-meme (a rr ivee tardive des epouses jeunes avec des enfants en bas age) mais, comme nous Ie verrons ulte r ieu rernent , resu lte aussi indenia- blement du processus d'orientation sp ec if ique auquel sont soumis les enfants de travailleurs e tranqe rs. STRUCTURE :Se:aCAIRE ET PRESENCE D'ELEVES ETRANGERS �----------------------------------------------------------_. L'analyse de i'insertion des enfants de travailleurs irnrn iq r es dans I'appareil sco- laire corse nous conduit dans un premier temps a une description de celui-ci et a la constitution de la carte scolaire permettant un rep e raqe des dif f e re ntes nationa lites. II Y avait en 1983/84 7 683 enfants en "maternelle", rep a rt is d'une part dans des classes enfantines et, d'autre part, dans les 20 eco les maternelles de la Corse dui, Sud et les 32 eco les de la Haute Corse. -117 - Les"maternelles", dans I'lie cornrne dans I'ensemble des regions rurales f ranca lse s , sont en nombre insuffisant et ne permettent ni de couvrir I'ensemble du terri- to i re n i de rep ond re a la tota I ite des demandes dont Ie nomb re est souvent bien superieur a celui des places disponibles. 1er degre (f) '- co (fl OJ (fl 0> 0> co C C ::J 0> OJ o (fl OJ 0> .... L.. C L.. 0 co "- .... '0> L.. C ::J co co OJ co ::J fit co 0 « .... L.. f- .... 0... 0"" « 2 W f-w Classe 6° a 3° 688 39 264 31 �'38 217 51 48 6 % 38 % 5 % 5 % 32 % 7 % 7 CPPN CPA 140. 9 77 5 3 32 10 4 - 6 % 55 % 4 % 2 % 23 % 7 % 3 SES 127 5 59 2 15 29 16 1 4 % 47 o/c 1 % 12 % 23 % 12 % 1 Total 1er cycle 955 53 400 38 56 278 77 53 du 2eme degre 5;5% 41 o/c 4 % 6 % 29 % 8 % 6 Tableau de la repartition par na t iona l i te dans Ie 1er cycle du 2eme deg reo ------------------------------------_-----_---------------------------------- 1 - CCPN C lasse pre -p rofess ionne lie de n iveau, accue i lIent qui a redoub Ie au moins une fois, qui n lest pas juqe cap ab Ie dletudes genera les et qui est refuse a la fin de la 4eme en LEP. CPA Classe de p r e=app rentissage. -128- II ressort du tableau ci-dessus que la position des eleves e tranqe rs varie selon leur origine nationale. Les marocains sont les plus r ep reserites parmis les e tranqe rs dans Ie 1er cycle (soit 41 %), mais leur proportion dans les deux filieres les moins nobles est nettement sup e r ieu re ace. taux (55 % en CPPN-CPA et 47, % en SES). Pour les ita liens, c' est I' inve rse ils Jepre�entent 29 % des etra,ngers dans 'Ie 1er cycle et representent seulement 23 % des eleves e tranqe rs dans. les f i l ie res les moins nobles. Les p robab i l ites d+acces aux dif f e rentes filieres du 1er cycle varient de f acon consi- . de rab le selon I'origine na t iona le des eleves. En comparant les trois nat iona li tes f ranca is , italiens et marocains et en cons ide rant la repartition de ces eleves dans Ie 1 e r c yc Ie pendant I' annee sco la i re 1982/83, nous consta tons que les chances p ou r les eieves marocains de se retrouver dans les f il ie res les plus dep rec lees , condui- sant sinon a I'exclusion du moins a la marginalisation du systerne scolaire, sont de I'ordre de 34 chance'S sur 100, alors qu'elles sont de 2� sur 100 pour les eleves italiens et seulement de 8 sur lOO pour les eleves f ranca is. Franca is Italiens Maroca ins Classes de 6° a 3° 10 447 217 264 92 % 78 % 66 % Classes de CPPN 559 32 74 et CPA , 5 % 11 % 19 % \ SES 282 27 59 3 % 10.% 15 % Total 100 % 1'00 % ' 100 % Tableau de la repartition par filiere dans Ie 1er cycle du 2eme deq re des eleves suivant leur nat iona l lte , Le tableau de r ep a r t ion des e leves e tranqe rs dans Ie 2eme deqr e -129- semble indiquer qu'une selection severe s'est op e ree parmi les e tranqe rs , En effet, ils ne rep resentent plus que 2,2 % des effectifs des lyc ees et ce sont les italiens qui sont Ie plus rep r esen tes parmi les e tranqe rs (fl (]) -0 (fl - (]) CIl > �� f- '(]) (fl (fl (]) I­ -0 (]) Ol cr; C +' CIl o� f-w (fl c (]) (fl c CIl U o I- CIl 2 (fl c (]) 1 38 % I I­ '(]) Ol !:!2 o c Ol CIl fjt W (fl c (]) (fl C ::J f- " (fl CIl Ol ::J +' I- o 0... 3 Lyc ees 4 712 101 2,2% 6 6 % 33 33 o/c 12 12 % 41 40 % 4 4 % 2 BEP LEP CAP 1 07C 1 102 63 '5,8% 4 16, 106 9,6% I 1 6 I' 57 36 % 1 37 I 3 62 % 1 1 3 I 64 % I 3 4 Tableau de la repartition d'eleves etrangers dans Ie 2eme cycle. (fl (]) c, +' ::J <{ 2 % 1 Dans les LEp· les e tranqe rs rep r.esen tent 7,6 % des e leves , mais il faut voir de plus pres quelle est leur position dans les diff e rentes f il ie res de cet enseignement. A nouveau, les enfants issus de I'immigration sont plus presents au bas de la hierar- chie scolaire (6 % en BEP, 10 % en CAP). Les maqhreb ins sont au dernier rang. lis sent les plus reo reserites dans les classes p rep a rant Ie CAP alo rs que c'est I'inverse qui est vrai au niveau du BEP ou Ie groupe latin est Ie plus important parmi les etrangers. Par ailleurs en cons ide rant les populations f ranca ises , italiennes et marocaines p resentes dans Ie 2eme cycle, nous constatons que chez les f rarica is (Corses) la rnajo r ite prepare Ie bacca laur eat (soit 69 %), que les italiens conna is - sent une repartition p lu to t equ itib ree dans la preparation des trois diplomes2,satlction- 1 - LEP: Lycee d'enseignement professionnel 2 CAP, BEP, Bacca lau r ea t , nes par Ie systsrne scolaire, alors que chez les marocains la majo r ite de ceux qui I - ont reuss i a acc ede r au 2eme cycle du 2eme degre se retrouvent au Iycee d'�nsei- gnement professionnel, en CAP. Quand par ailleurs on sait par Ie discours des agents du systems scolaire que I'orientation en LEP n'est pas la consequence d'un choix mais celie d'un echec , on ne peut que constater que Ie parcours scolaire du jeune rnaqhreb in , meme pour celui qui a franchi les multiples obstacles, aboutit a des positions que Ie syste rne scolaire lui-meme qualifie de "situation d'echec". \ I F ranca is Italiens Marocains Lycees 69 % 36 % 31 % BEP 16 % 34 % 15 % CAP 15 % 30 % 54 % Total 100 % 100 % 100 % - Tableau de la repartition par filiere (dans Ie 2eme cycle du 2eme deqr e ) des des eleves suivant leur nat iona l ite , Dans la population maqhr eb ine ayant eu acce s au LEP, les filles sont pLus nom- breuses a se retrouver dans les ftlreres qui condul se rt- aux HEP, tandis que les qa r cons sont davantage presents dans les filieres qui conduisent aux CAP. Magh reb ins Latins I Filles Ga rcons Filles Ga r<;:ons CAP 38 % 62 % 58 % 42 % BEP 65 % 35 % 70 % 30 % -130- --131- Selon certains auteurs 1 il conviendrait d'attrib'uer cette ditferenciation a des attitudes opp osees a I'egard du systerne scolaire, la poursuite de la sco la r ite e tant pour les filles rnaqh reb ines un moyen Inesp e r e de se liberer de leur famille et de s'affirmer. II nous semble quant a nous que ce type dinte rp re tat ion fait p eut -e t re un peu trop bon rna rche du role important que peuvent jouer dans ces "cho lx" les attitudes et les dispositions des agents du systerne scol,aire eux -rnernes , qui les portent a se rep r esente r qar cons et filles de ce groupe ethnique selon des stereo- types opposes. Le qa rcon est d Iernb lee le de linquant en puissance, Ie cornp e t iteur sur Ie ma rche du travail, etc .•. , imposition d'attributs auxquels les filles echapp en t largement. Si bien que ces p re -juqemerrts pourraient tres bien expliquer les conduites de ces agents en vue d'influencer les choix de leurs e lsves , de telle sorte que les faits confirment ces presupposes. Une J) rofessionnalisation de basse qualification ----�--------------------�----�---------�- L'analyse de la proportion des eleves etrangers au sein meme des dif f e ren te s sections p rep a rant au CAP est a nouveau reve la tr ice de la position qu'occupent ces enfants dans Ie systerne educat if corse. Les f i l ie res du CAP sont c lassee s selon une h ie rarch ie subtile, fondee sur Ie type de metiers auxquels elles p r ep a r en t , _ Selon la va lo rjsat ion ou la depreciation du metier, les demandes d'admission dans Ie CAP correspondant seront sup e rieu res ou inferieures aux places disponibles, con- tribuant ainsi a la h ie ra rch isa t ion des CAP. Pou r les eleves et range rs, leu r prop 0 rt ion dep asse les 10 "/0 dans les sect ions CAP conside rees comme e tant les moins "nobles", les f i l ie res "b at irnen t" et "habillement, fabrication industrielle", la p rerrti'ere fortement refuseep a r les jeunes Corses epji r: cons ide rent ces professions comme deva lor lsantes , et la seconde ou les debouches sur Ie rnarche du travail local sont loin d'etre assures. 1 - C. BASDEVANT, "Les carrieres scolaires", in Crise d'identite et deviance chez les jeunes irnrn iqres , La documentation f ranca ise , 1983. -132- Fi I ie res % e leves e t range rs 19 % 16 % 14 % 14 % 10 % 8 % II 8 % 8 % 7,3% 7 % 6 % Ha billement, fabrication industrielle Maconne r ie Pe intu re Elec tr ic ite du ba t irnent Menu ise rie Cu is ine Mecan ique auto Meta Ilu rg ie Mecanique entretien Carrieres sanitaires et sociales Emp loye de co lle ct iv ite Tableau de la proportion d'eleves e tranqe rs dans les d if f e ren te s filieres p rep a rant au CAP Tout se passe com me si I'orientation, dans ce que nous appelons Ie "Iyc ee" des enfants de travailleurs imrn iqres se faisait selon des logiques qui evitent la mise en competition, sur un rnarche de I'emploi local restreint, entre jeunes issus de I'immigration et jeunes Corses, reproduisant ainsi les rapports sociaux. -133- CONCLUSION Ce qui app a ra it tout d'abord dans notre etude sur la scolarisation des enfants de travailleurs imrn iqr es est la position diff e rent ie lte qu'occupent les enfants selon leur na t iona l it e et leur culture d'origine. En effet, la place qu'occupent dans Ie systerne scola ire local les italiens est loin d'etre celle des rnaqh reb lns, II semble que les premiers ont connu une integration structurale, c'est-a.-dire que les enfants ital iens sont presents de f acon equ i lib ree dans les diff e rentes strates du systeme scolaire, permettant par I'obtention d'un cap ital "dip lome" neqoc iab le sur Ie marchs de I'emploi local une insertion socio-professionnelle equ iva lente a. ce lie des jeunes Co rses. Pa r cont re, p ou r les e leves magh reb ins, Ie parcours scolaire semble davantage etre ur:1 parcours d'obstacle que la voie vers I'integration et seule une rn ino r ite parvient a. franchir ces obstacles. En ef- fet a. chaque palier d'orientation un grand nombre d'eleves maqh r eb ins sont diri- ges vers les filieres les moins "nobles". Or ien tes pour une part directement ap res Ie primaire dans les SES, "Ies classes des fous", sinon ap re s la Seme dans les f i lie re s p a ra lle les , les CPPN et CPA "soupapes du systems scolaire", crest une sco la r ite qui deb ouche sur I'obtention d'aucun dlo ldme et qui n'assurent quasi- ment aucune formation p rofessionnelle. Les meilleurs seront or lerites vers les LEP qui sont loin de garantir une veritable formation professionnelle.; les qa r cons se trouveront plus massivement dans les f il ie res du CAP alors que les filles poursuivent davantage leur sco la r ite [usqua la 3eme et p rep a rent Ie BEP. Tout se passe comme si I'orientation generale de la sco la r ite de ces e leves , qui, "objectivement" les positionne a. un niveau plus faible et les p romet a. une p rofes- sionnalisation de basse qualification, dans les types de formation de statut infe- rieur, permettait la reduction des situations de competition pour I'insertion socio- professionnelle entre les descendants de I'immigration rnaqh reb ine et leurs condis- ciples Corses. -134- Pour expliquer la position qu'occupent les enfants rnaqh reb ins dans Ie systsrne scolaire p lusieurs raisons classiques sont souvent avanc ees : handicaps lies a I'origine soc ia le et culturelle, handicaps de la langue, ... Ces facteurs n'expliquent pas tout, rnerne si leur realite et leur poids sont inden iab les , O'autres rnecan lsmes , plus d iss imules , entrent, sans doute, en jeu dans cette assignation massive aux de rn ie rs rangs sco la ires. Peut-on cependant ecarter tout a fait ['b yp o the se que la position de ces eleves dans les classements scolaires doivent quelque chose et p eut -e t re beaucoup a la maniere dont les agen'ts de I'institution scolaire, sans doute a leur insu rnerne , se rep resenterit leur position dans les classements sociaux, et a I'image qu'ils ont de lident ite sociale e t culturelle de ces eleves venus d'ailleurs ? -135- ANAL YSE SOCIO - ECONOMIQUE (1) .------------------------ L' APP 'ROCHE STATISTIQUE : SON INTERET ET SES LlMITES Aborder la question des travailleurs irnm iqres en Corse place immanquablement Ie chercheur en situation de rep orid re a cette interrogation souvent en forme de def i ou d'injonction : combien sont-ils? II est vrai que les statistiques ernanant des diverses sources officielles, comme les estimations reprises par les responsables administratifs, socio-professionnels ou poli- tiques entretiennent un flou qu'il p aratt legitime de vouloir dissiper : les chiffres les plus generalement avances concernant la p op u la t ion etrangere en Corse se situent en effet entre 30.000 et 50.000 ; si la p lupart des observateurs ou des hommes de terrain p ref e rent parler d'une population de 30 a 40.000 personnes, d'autres sappu yant ] I , sur les statistiques de la Prefecture pensent qu'elle s'eleve plut6t a 50-55.000. C'est d'ailleurs plut6t ce dernier chiffre qui est repris dans la presse, la Corse devenant alors avec 22,47 % la premiere region f ranca ise , quant a la p rop o rt ion d'etrangers par rapport a la population globale, loin devant 1'lle-de�France (19,47 %) et Rh6nes­ Alpes (11,23 %).1 Comment ,expliquer de tels ecarts, une telle indetermination quant au nombre d'etran- ge rs en Co rse ? Essentiellement par la combinaison de deux- se r ies de facteurs. Tout d'abord I'appa- reil statistique est d'une rnan ie re generale insuffisant en Corse, ce qui � tous les niveaux induit une sous-information plus ou moins grave, mais celui-ci doit a tous les niveaux surmonter des dif f icultes plus marquees qu'ailleurs : dans lTle comme partout, les chiffres ne sont pas neutres et les enjeux qui leur sont attaches empe- chent f requernrnent une connaissance precise de la r ea lite , p rovoquant de longues p o lern iques et de violentes mises en question, comme cela fut Ie cas recernrnent pour Ie de rn ie r recensement de la population. Les eca r ts enr eq is tr es entre la "popu- lation legale" et la "population reelle" illustrent parfaitement a quel point tout - realisee !;Jar Olivier DONNAT (CAESAR) --�------�--------------� 2 - cf. par exemple "Le Nouvel Observateur" 20.11.82 -136- travail statistique est difficile et cornb ien il convient d'utiliser les r esulta ts avec la plus grande prudence 322.9 " Population legale selon les 240.2 Population "reelle" ' ... - ,gO, 06 11 2, 26 31 36 46 54 62 68 19 5 1982 Ecart entre Pop. recensee et Pop. reelle INSEE N° 24 (:) 1983 La seconde se r ie de facteurs explicatifs est liee aux p rop r le tes de la population e t ranqs re elle-meme. On sait que celle-ci ne se laisse jamais facilement comptabi- l is ar et que les statistiques ont une incap ac ite "structurelle" a l 'app rehende r reel- lement pour deux raisons essentielles : sa m ob il ite et sa relative c landes t in ite , Une partie, parfois importante comme en Corse, est en effet cornp ose e de travailleurs tre s mobiles, occupant souvent des postes saisonniers, se dep lacan t en fonction des off res d'emploi, retournant parfois pour une p e r icde assez longue dans leur pays d'ori- gine ; cette rnob i l ite rend difficile et alea to ir e tout recensement dans la mesure ou , image d'une situation a un moment donne, elle peut etre tr es diff e rente a une autre p e r iode de I "annee , Aussi dans un tel contexte, il ne saurait etre question d'exploiter les chiffres offi- ciels sans avoir ef fe c tue au p rea lab le une analyse_critique des diverses sources, Ce n'est qu+ap re s s'etre livre a une etude approfondie des imperfections et des erreurs de cou lant du mode de comptage de chacune d'entre elle8, ap re s avoir eva lue leur -137- de qre de f iab l l ite et proced� a divers ajustements compte tenu des inf o rrnat ions recueil- lies aup rss des hommes de terrain, qu'on pourra esp e re r , au-de la des chiffres officiels, tenter d'approcher statistiquement la rea l ite de I'immigration en Corse. II nous p aratt en effet indispensable, en dep it des importantes reserves que nous venons de souligner, de mener une analyse quantitative approfondie qui p e rrne tte de f ou rni r des. indications concernant I'importance de la population e tranqe re et ses ca racte r ist iques , autrement, reposant sur des donnees fiables, qui mette fin aux p o lern ique s s te r iles et aux manipulations souvent bien peu innocentes des chiffres de I'immigration. Notre ambition a ce niveau n'est en aucune f acon de parvenir a e tab iir Ie nombre ------- d'etrangers actuellement en Corse, mais, en corrigeant les donnees officielles en fonc- tion de leurs eventuelles imperfections "structurelles" et en recoupant les diff e ren tes informations ou estimations rassemb lees au cours de notre enque te , de mettre en evi- dence les principales lignes de force actuelles et de deqaqe r les tendances majeures observables depuis 1975.1 Convaincus qu'une meilleure connaissance du ph enornene migratoire passe par une eva- luation precise de son amp leur et de ses diverses composantes, nous nous app liquerons a decouv r i r tout ce qui cache derriere lopac lte des chiffres. Mais conscients de leurs limites et des dangers qui peuvent naitre d'une utilisation imprudente, nous savons com- bien il serait p resornp tueux et p e r i lleux d+esp e re r "photographier" la population immi- qre e et donner au travers des chiffres I'image exacte de sa re al ite , 1 - Cette date p resente Ie double avantage de correspondre au recensement de la population effectue par I'INSEE qui demeure le nque te approfondie la plus re­ cente sur la population e trariqe re en Corse, et au tournant de la politique d'immigration nationale (arret de I'immigration permanente en 1974). -138- PREMIERES CONCLUSIONS 1 L'analyse comparee des donnees statistiques fournies par les p r inc ip a les sources con- cernant I'immigration fait app a ra it re des permanences et des mutations par rapport aux annees 1975-76 que nous nous appliquerons 3 serier au cours de la seconde partie. Deux points nous paraissent resumer les evolutions majeures survenues r ecernrnent , te lies que nous les donnent 3 vo i r les ch iff res. - Le f lechissement de la population etrangere La population e tranqe re sest accrue en Corse 3 un rythme soutenu tout au long des annses 60 [usquen 1975/76, qui incontestablement marque un tournant dec isif dans I'histoire recente de I'immigration dans I'i'le. En effet, 3 compter de cette date, toutes_ les. statistiques portant sur la population globale ou uniquement sur la ma in-d 'oeuvre e tranqe re ind iquent une tendance plus ou moins marquee 3 la baisse qui nous pousse 3 affirmer que la population e tranqe re Ie est aujourd'hui inferieure 3 celie de 1975, qui rappelons-Ie se situait autour de 35.000 pe rsonnes, Les indices qui alimentent cette hypothese sont de plusieurs ordres : . Les chiffres p ub lies par la Prefecture, meme s'ils sont contestables 3 bien des egards, font app a ra It re une hausse sensible 3 partir de 1976 : de 50.400 en 1975 les effectifs totaux dim inuent, lege rement mais regul ie rement, jusqu 13 48.369 en 1980 (1981 et 1982 marquent un redressement certain qui est dO exclusivement 3 l 'oo eratton de regularisation et qui par consequent n'infirme en rien notre hypothese) . Les ch iff res conce rnant la ma in-d I oeuv re 8t range re su ivent une cou rbe ana logue - Ie nombre de travailleurs saisonniers introduits par I'ONI atteint un sommet en 1976, annee ou lion assiste 3 un renversement de tendance indiscutable, particulie- rement marque chez les marocains. - ce lu i des travail leurs permanents connait egalement une phase dec ro issante au cours de la p e r iode 1976-1980, arno rcee des Ie debut des annees 1970 en ce qui concerne les italiens. '1 les principales sources voir annexe -139- Certes, cette baisse de la main-d'oeuvre etrangere "officielle" p ou r ra it etre due a un accroissement de I' irrv is ib il ite des travailleurs irnrn iqres , c'est-a-dire a une gene­ ralisation de I'emploi de main-d'oeuvre clandestine, et p our ratt ne pas rendre compte de I'evolution reelle survenue depuis 1975. Une telle hypothese, en raison essentiellement des multiples ditf icu ltes rencont re es par I'economie insulaire au cours de la p e r iode re cen te , nous parait peu plausible personne ne peut nier I'existence de travailleurs irnrn iqres en situation irr equ l le re echanp ant au regard de l'Administration, mais tout Ie monde s'accorde pour reconnaf­ tre qu'ils e ta ient au debut des annees 80 plut6t moins nombreux que dix ans aupara­ vant et que surtout la rna jo r ite d 'entre eux a ete "official isee" par I"'operation de regularisation. Par consequent, la baisse observable au niveau des chiffres officiels de la main-d'oeuvre etrangere nous p a ra It etre plut6t inf e r ieure a la rea l ite , et en tout e tat de cause responsable de la baisse globale de la population e tranqe re en Corse entre 1975 et 1983. II nous p ara It meme possible, compte tenu des chiffres que nous venons d'exposer, d'avancer que cette baisse est due pour I'essentiel a celie des travailleurs marocains, notamment saisonniers, et dans une moindre mesure a un tassement voire meme a un tarissement relatif de I' imm igration italienne. - L 'extension de I' immigration farniliale maghrebine et portugaise La diminution de la population e tranqe re s'est accornp aqnee d'une profonde mutation de la nature de I'immigration : I'immigration familiale a cesse au cours des dernieres anne es d'etre globalement marginale, Maqh r eb ins et Portugais adoptant dans ce domai­ ne un comportement plus proche de celui des Italiens qui jusqu'en 1975 e ta lent les seuls a vivre principalement en famille (67 %). On se rappelle qu'en 1975, I'immigration rnaqh reb ine , qui e ta it majoritaire (60 %), e ta i t Ie fait pour I'essentiel d'hommes iso les , ce lib ata ires ou ayant la isse leur famille dans Ie pays d'origine : ils n'etaient au total que 12 % a v iv re en famille et Ie pour­ centage de fem mes dans les effect ifs 9 lobaux n' eta it que de 7 %. -140- Une telle situation en realite portait en elle-meme celie que nous connaissons hui : ceux qui parmi ces hommes "ce l iba ta i r ises'' souvent arrives de f raIche date en 1975 (70 % e te ient en Corse depuis moins de 7 ans) ont pu ob ten ir un travail stable et benef ic ie r de conditions de vie rendant possible une vie de famille, ont eu recours a la procedure de regroupement familial, et de ce l iba ta ires en 1975 sont devenus pe­ res de families eritou res de leur femme et dans la plupart des cas de plusieurs en­ fants. Les chiffres concernant Ie regroupement familial nous laissent deviner I'augmentation du nombre des femmes marocaines, tunisiennes mais aussi portugaises, et de celui des enfants beaucoup plus rapide du fait du taux de na ta l ite eleve de ces populations. Une preuve suop lernenta ire de I'essor considerable de I'immigration familiale et de la place qu'elle occupe aujourd'hui, nous est fournie indubitablement par la croissance rap ide et reguliere des effectifs e tranqe rs , maqhreb ins et portugais pour la quasi tota­ lite, dans les etablissements scolaires de I'fle au cours des de rn ie res annees. Cette double augmentation du nombre des femmes et d'enfants rn aqhr eb ins (et portu­ gais), conjuquee au recul p ara lle le des travailleurs iso les que nous avions sou l iqne pre­ cedernrnent , se traduit par une population e tranqe r e familiale de plus en plus large en Corse et unap rop or tfon d'hommes seuls de moins en moins dominante, ce qui a bien des egards reformule radicalement la question de I'immigration. Si on admet, com me Ie faisait alors I'INSEE, que la population e tranqe re globale en Corse e ta it en 1975 de I'ordre de 35.000 personnes, nous devons conclure compte tenu de la tendance a la baisse qui ressort de I'analyse statistique, qu'e'lle est aujourd'hui moins nomb reuse qu'on ne I'estime generalement, les chiffres les plus couramment avances (entre 35.000 et 50.000) paraissant assez largement au-dessus de la rea l lte , Afin de tab l i r une estimation de la population e tranqe re en Corse, nous avons eu re­ cou rs a deux modes de ca Icu Is d istincts. D'une part, nous avons che r che dans un premier temps a mesurer I'importance de I'immigration familiale en nous appuyant principalement sur les donnees des Inspec- -141 - tions Acadern iques dent la fiab il ite nous para'it la moins contestable; puis, disposant d'une evaluation du nombre denf'ants et de femmes pour les principales na t iona l ltes , nous nous sommes ef f o rc es de calculer pour chacune d'entre elles la population masculine a partir c 'hyo o theses relatives au quota Hommes/Femmes e tab l ies en fonction des donnees ac tual isees de 1975 ; en totalisant ainsi Enfants + Femmes + Hommes pour les principales na tlona l ites nous avons p u+ob ten ir une premiere estima­ tion globale. La seconde methode utilisee a cons iste a determiner dans un premier temps la po­ pulation active, a partir des donnees officielles disponibles notamment dans les deux secteurs d'activite majeurs (agriculture et BTP) et de recoupements des diverses es­ timations concernant la main-d'oeuvre en situation irr equ l ie re ; dans un ap re s avoir ac tua l ise les taux d+ac t ivite de 1975 des deux grandes composantes de I'immigration (Iatine et rnaqhr eb ine ) en fonction des evolutions obse rvees , nous p u ainsi obtenir une seconde estimation de la population e tranqe re globale. Les resu ltats produits par ces deux modes de calcul ne different que de quelques milliers duo ites (ce qui compte tenu des diverses indeterminations et approxima­ tions est faible) et convergent pour indiquer que la population e trariqe re reelle ne doit pas etre sup e r ieu re a 30.000 personnes. La comparaison des chiffres ainsi obte­ nus nous incite a penser qu'en rea lite elle se situe environ entre 26.000 et 30.000 en fonction du moment de I'annee cons ide re , et donc du nombre de travail leurs sai­ sonniers cornp tab il ises , Comment expliquer des lors que cette estimation soit infe­ rieure aux chiffres generalement cites a propos de I'immigration en Corse, et par­ fois de rnan ie re assez nette ? Trois facteurs qui peuvent parfaitement se combiner, nous paraissent en etre a I'origine : - certaines estimations ne reposent sur aucune analyse rigoureuse de la situation, ut il isees simplement a des fins ideo loq iques ou politiques pour venir appuyer une these ou une demonstration. - certains chiffres officiels, ceux de la Prefecture, surestiment notablement I'im- -142- portance de I'immigration italienne, ne prenant pas en compte Ie recul de cette de rnie re depuis une dec ennle . - I'impossibilite de mesurer et de connaltre la main-d'oeuvre en situation irregulie­ re conduit f requernrnent a oublier qu'elle est souvent sa isonn ie re et toujours tre s mobile, et ainsi a majorer son importance quantitative en la comptabilisant parmi les travailleurs e tranqe rs residant en Corse p lusieurs fois ou pour quelques mois de presence dans I' lie. LA REPARTITION PAR NATIONALITE La population maghrebine Celle-ci etait majoritaire en 1975 parmi la population e tranqe re (60 %), dont la p lup a rt (15.280) e ta it marocaine, les Tunisiens et les Alqe r iens demeurant a un ni­ veau tres modeste. Globalement, I'importance quantitative de cette population ne parai't pas avoir connu de tres fortes variations puisque nous I'evaluerions aujourd' hui a environ 16.000 a 18.000 personnes, c'est-a-dire legerement en baisse. Cepen­ dant, cette apparente et relative stab il lte masque en rea lite de profondes mutations et evolutions que nous allons tenter de p rec ise r au niveau de chacune des trois na­ t iona lites. Les Marocains 1 - Est toujou rs la cornrnunaute la p Ius rep resen tee , - la proportion de Marocains dans la main-d'oeuvre e tranqe re hors CEE est de I'ordre de 70 % (entre 75 et 80 % en Haute Corse) - cette proportion est plus forte dans I'agriculture (88 % des e tranqe rs declares a la MSA) - les Marocains sont toujours plut6t employes dans I'agriculture (ce qu'indiquent les chiffres de regularisation en Haute Co rse Hnte ress ent a 87 % des Marocains ou I'agriculture est devant les BTP (58%), a la difference de la Corse du Sud ou la domination des Marocains est beaucoup moins nette. -143- 2 - lis sont plus nornb reux en Haute Corse Haute Corse Corse du Sud regu la rises sco la ires adm iss ions ca rte de t rava i I renouvellement carte de travail 3.500 1.064 116 3.951 1.500 869 145 1.950 Par contre, la repartition entre les deux dep a rt ernents est moins inegale au niveau de la population familiale.· ;;- les scolaires par exemple, sont plus nombreux certes mais ne rep r esen tent que 55 % du tota I des Ma roca ins sco la rises. - les regrCiupements familiaux, on constate pour 1977-1981, 783 personnes en Haute Corse (580/0) pour 574 en Corse du Sud. - les admissions au travail de Marocains sont pour la p e r icde 1981-1983 plus nombreu- ses en Corse du Sud qu'en Haute Corse: 148 contre 116. Meme si les chiffres ne portent que sur un nombre restreint d'effectifs, ils indi- quent que les femmes (50 % des admissions au travail) travaillent plus facilement en Corse du Sud car vivant en milieu urbain a la difference de la Haute Corse (Plaine Orientale). 3 - La surrnascul in ite massive de 1975 (93 % selon I'INSEE) s'est assez notablement effacee sous I'effet conjugue de deux phenomenes: • une diminution des hommes adultes marocains que traduit tous les chiffres concer­ nant la main-d'oeuvre e tranqe re et qui est meme sensible dans les donnees de la P retectu re. une augmentation p ara l le le du nombre de femmes et d'enfants. 4 - Si on tente d'evaluer I'influence reelle de I'immigration familiale marocaine a partir de statistiques des Inspections Acadern ique s , on parvient a un chiffre de I'ordre de 1.100 families pour la region Corse. Les chiffres scolaires sont : Hte. Corse: 1.064 dont 270 en pre-elementaire Corse du Sud: 869 dont 155 en p r e -e lernenta i re -144- Si on reprend notre hypothese de base selon laquelle on peut obtenir les effectifs de la tranche d'age 0-3 ans en multipliant ceux de 3-6 ans qui sont sco la ries par 1,5, on obtient : p-our les 0-3 ans Haute Corse: 270 x 1,5 = 405 Corse du Sud: 155 x 1,5 = 233 Soit un total pour la population des 0-16 ans : Haute Corse : 1.tf64 + 405 1.469 Corse du Sud : 869 + 233 1.102 Si maintenant on admet, comme Ie fait I'ONI dans ses statistiques nationales, que les families marocaines sont comp csees en moyenne de 2,45 enfants, on obtient : Haute Corse : 600 families Co rse du Sud : 450 fam i lies En conclusion, les principales carac ter ist iques de I'immigration marocaine au vu des statistiques sent les su ivantes - composante essentielle de la population e tranqe re , et surtout de la main-d'oeuvre e tranqe re (70 % des travailleurs irnrn iqres hers CEE, plus de.50 % de la main d'oeuvre etrangere) - immigration familiale en accroissement constant depuis 1975, ce qui provoque no­ tamment une augmentation tre s sensib Ie du nomb re des enfants. - Ie volume des irnrn iqr es ce l iba ta ires ou "ce l iba tair lses" s'est arnenulse du fait ment de la demande plus faible de la part de I'agriculture insulaire. Elle se main­ tient neanrrio ins depuis plusieurs anriees a un niveau assez eleve en Haute Corse, beaucoup p Ius modeste en Corse du Sud. Globalement, on peut envisager une repartition de I'ordre de 8.500/9.000 en Haute Corse et 4.500/5.000 en Corse du Sud. - les carac ter lst iques concernant la place dans I'economie de I'lle et la repartition geographique paraissent globalement assez identiques.8. celles de 1975. -145- Les Tunisiel:ls - Ces derniers e taient est irnes a 1.845 par I'INSEE en 1975 alors que la Prefecture avanca it alors Ie chiffre de 2.699 qui, ap res une legere chute au des anne es su ivantes, est parvenu en 1982" done au te rme des regu la r isa t ions a II nous p ara It legitime d'evaluer la population tunisienne autour de 3.000, p lutct un peu au-dessus. - Le nombre important de Tunisiens regularises en Corse du Sud peut surprendre puisqu'il est de 727 (28 % du total). Or, une analyse des statistiques concernant les renouvellements des cartes de travail pour la p e r iode 1977-1983, d'une part indiquent une presence tunisienne reguliere a ce niveau et d'autre part confirment que les regularises sont demeures sur place. La main-d'oeuvre tunisienne p aralt done jouer un role non negligeable en Corse du Sud depuis p lus'ieu rs annees (peut­ etre 15 a 20 % de la main-d'oeuvre e tranqe re comme Ie suqqe rent les chiffres de I'ANPE) 2 - L'immigration familiale se rep a r t it de man ie re assez equitable entre les deux dep a rternents. - 132 enfants sco la rises en Haute Corse 168 "Corse du Sud Si on mene une analyse plus fine des chiffres scolaires, on constate que I'immi- gration familiale concerne des personnes p a r t icu l ie reme n t jeunes, ce qui tend a montrer qu'elle s'est deve lopp ee recernrnent , surtout depuis 1978 (ce que confirme les chiffres au regroupement familial: 161 personnes pour 1970-1975 et 264 pour 1976-1981). Les enfants tunisiens sco la r ies appartiennent en effet tres majoritairement, plus que les autres enfants e tranqe rs , aux petites classes: sur un total de 300 eleves 255 sont dans les classes elementaires ou p re=e lernerita ires (soit 85 %) En conclusion, nous retiendrons ceci : la population tunisienne est plus nombreuse en Corse du Sud, du fait de la presence deja ancienne d'une main-d'oeuvre avec un fort turn-over, travaillant en rnajo r ite dans les BTP ou Ie tourisme (peu dans I'agriculture). -146- - la population familiale est par contre r eo ar t ie sur les deux dep ar ternents ; la presence de femmes et d'enfants qui est recente vient se combiner a celie des femmes et des enfants marocains, pour faire de I'immigration familiale rnaqhreb ine I'une des·composantes de plus en plus marquantes de I'immigration en Corse. Les Algeriens - Ces derniers demeurent dans les deux dep ar tern en ts a un niveau tre s faible,et ont meme tendance a diminuer, qu'on peut situer entre 500 et 1.000 person- nes (Ia Prefecture les eva luant a 771). lis sont plus nombreux en Haute Corse cepen- dant : sco la ire : 126 Haute Corse - 106 Corse du Sud r equ la r isa t ions : 63 Hau te Co rse - 40 Co rse du Sud regroupement familial: chiffre t re s faible au niveau regional (23 pour 5 ans) et meme nuls pour la Corse du Sud. La population latine Globalement en leQere baisse, I'essor de I'immigration portugaise ne compensant pas totalement Ie dec lin de I'italienne et de I'espagnol : on la situerait volontiers autour de 10.000 personnes. Les Italiens - On se rappelle que I'INSEE avanca it a leur propos Ie chiffre officiel de 7.015 (23 %) tout en estima�t leur nombre reel a environ 10.000. Plusieurs indices font penser que I'immigration italienne s'est relativement tarie au cours de la p er lode ecou lee : - Adm iss ions au travail 136 en 1977 121 en 1978 115 en 1979 113 en 1980 67 en 1981 - Les chiffres officiels dont nous disposons concernant les salaries des BTP 701 en 1974 695 en 1978 673 en 1979 - Le sondage qu'a realise a notre demande I'INSEE a partir des donnees du recense- ment de population de 1982 indique une baisse du nombre global des e tranqe rs , et notamment des Ital iens, dans les communes du Sud de l Tle . -147- Sa r te ne : 20 % d'etrangers en 1975 - 13 % en 1982. De su rc ro It I'age des personnes figurant dans ce sondage indique clairement qu'il s'agit d'une migration ancienne, qui ne se renouvelle plus. Ceci est pleinement con- f irrne par les chiffres scolaires : alors que les Italiens rep resen ten t 42 % de la popu­ lation e tranqe re scolaire dans Ie secondaire, ils ne constituent que 22 % dans Ie pri­ maire. En conclusion: immigration ancienne, traditionnellement imp lan tee majoritairement en Co rse du Sud. - Population ou les ar r ivees ne parviennent p Ius a compenser les departs. En effet, si il existe, surtout en Corse du Sud, une population italienne lrnrn iqree de longue date, bien irnp larrtee en Corse, il y a toujours un mouvement de va et vient entre la Corse et I'ltalie (Ia Sardaigne en premier lieu, bien entendu). Or, si les departs se sont poursuivis et peut etre meme acc e le r es du fait de la baisse d'activite dans les BTP, les arr ivees ont eu tendance a. dec ro it re de rnanie re sensible. A ce la , plusieurs raisons: crise dans les BTP (ceux qui durant la p e r iode de croissance des BTP parve­ naient a se mettre a leur compte et faisaient venir des membres de leur famille ou des amis sent de plus en plus rares, voire inexistants), arrachage des vignes particu­ lerement important dans Ie sud de I'lle (Frqar l ... ), concurrence accrue de la main d'oeuvre portugaise et rnaqhreb ine dans les BTP. Les Portugais - L'extension de I'immigration portugaise est spectaculaire depuis 1975 : I'INSEE estimait alors les effectifs portugais a moins d'un millier au total et ceux-ci occupaient une place tout -a=fa it marginale au sein de la population etran­ gere residant en Corse (3 %). On trouve les preuves de I'essort de la cornrnunaute po rtuga ise dans les ch iff res su ivan ts : - regroupement familial: 165 personnes introduites entre 1970 et 1975 291 " 1976 et 1981 " - adm iss ions au t rava i I : on p eu t note r les 176 ca rtes de I iv r ees en Co rse du Sud a des Portugais en 1988, chiffres tre s e leves compte tenu du niveau de la popu­ lation d'alors. Depuis, la moyenne par an est plus faible, mais nettement -148- a la p e r iode qui precede. les ch iff res off ic ie Is des sa la ries du B TP 148 en 1974 (2,83 % to ta I effect ifs) 318 en 1978 (5,33 % " main-d'oeuvre sa isonn ie re in t rodu ite par I'ONI. Nulle jusqu'en 1975, elle s'est accrue depuis regulierement jusqu'en 1980. La nouvelle place qu'occupent les Portugais dans Ie paysage de I'immigration nous est conf irrnee par Ie nombre de Portugais regularises (pres de 700 dans l Tle , soit plus de 10 % du total, dont 410 en Corse du Sud) et par les effectifs scolaires d'autre part. 507 eleves soit 12,3 % des effectifs e tranqe rs , Par ailieurs,.Ia structure par ages des e lsves portugais confirme tres clairement qu'il s'agit d'une immigration recen te . 83 % des eleves portugais sont sco lar ises dans Ie p re=e lernenta lr e et I'elementaire. Grace au mode de calcul deja utilise, on peut estimer la population portugaise de - 16 ans 8. un peu p Ius de 600 enfants (350 en Corse du Sud, 250 en Haute Corse), et Ie nomb re de fam i lies donc a 300. En conclusion : - Essor cecen t et considerable de I'immigration portugaise, plus sensible en Corse du Sud: globalement, elle a au moins triple depuis 1975." s'agit essentiellement d'une immigration familiale de personnes jeunes dont on peut faire I'hypothese qu'elle se substitue a I'immigration italienne dec linante , (surtout Corse du Sud, emplois surtout dans les BTP, comportements analogues ..• ). - Developpement p a ra l le le d+isoles a la fois dans les BTP et dans I'agriculture. Les Espagnols - La population espagnole semble avoir connu une evolution strictement a I'inverse de la portugaise ; me me si son niveau de 1975 e ta it certainement assez nettement inf e r ieu r a celui de celle-ci aujourd'hui. Tous les indicateurs sont en effet a la baisse. -149- - regroupement familial 168 personnes pour 1970-1975 28 " 1976-1981 admissions au travail chiffres de plus en plus neq l iqe ab les , de I'ordre de 5% au total. main-d'oeuvre sa isonnie re 295 personnes introduites pour 1970-1975 183 " 1976-1981 - chiffres officiels salaries BTP : 1974 : 143 (2,73 % total eHectifs 1978 112 (1 ,88 % 1979 105 (1,74 % " " -150- La population active e tranqe re e ta it eva luee par I'INSEE en 1975 a 22 285 personnes, so it 27,4 % des actifs t rava i llant en Corse. On peut retenir ici les points suivants a propos de la situation de 1975 - concentration dans deux secteurs, I'agriculture et les B.T.P . . 24 % des e tranqe rs (75 760) travaillent dans I'agriculture ou ils rep resentent 80 % des salaries agricoles (I 'l[\fSIEE reconnait les. avoir assez la rqe rnen t surest irnes et pense que la realite se situait autour de 7 000), 39 % des e tranqe rs (18 691) travaillaient dans les B.T.P., so it 57 % des t rava i lieu rs de ce secteu r dans les deux cas, les etranqe rs occupaient les emp lois les moins qualifies . O.S. manoeuvre 48 % du total des latins 74 % du tota I des magh reb ins . O.Q. app rent is 50::% du total des latins 26 % du tota I des magh reb ins L 'evolution de I 'economie insulaire 1975-1983 L'economie corse n'a pas connu de mutation decisive au cours de cette p e r iode dans Ie sens ou aucun nouveau secteu r ne s 'est deve lopp e , aucune innovation majeu re notablement c rea tr ice d'emplois n'est apparue et ou , en definitive, I'activite econo- mique est aujourd'hui toujours concent ree dans trois secteurs, comme elle le ta lt en 1975, a savo ir I'agriculture, les B.T.P. et Ie tourisme. La permanence que I'on releve au niveau de la structure econorn ique ne do it cepen- dant pas masquer la stagnation ou meme la crise enreqistr ee par chacun de ces trois secteurs, a des moments dif f erents et a des deq res divers, et la degradation globale de la situation economique au cours de la p e r iode 1975-1983. II faut rappeler en effet que la p e r iode p rec eden te fdJt" quelque so it Ie jugement qu'on porte sur Ie mode de deve lopp ernen t alors mis en oeuvre et sur les condi- tions de celui-ci, celie de la croissance et de la creation d'emplois : 30 000 emplois -151- ont ete c rees entre 1962 et 1975, soit une augmentation de 59 %, les B.T.P. connaissant un essor p ar t icu lie rernent brutal (+ 12,9 % au niveau des effectifs globaux), une agriculture moderne se dep loyant largement dans la Plaine Orientale (Ie nombre de salaires agricoles augmentant de 82 %) et Ie tourisme se develop- pant au rythme annuel de 9 % au point de multiplier Ie nombre de vacanciers par 1 d ix en mo ins de v ingt ans . Ces trois secteurs qui dominent l'econorn le insulaire ont depuis connu une baisse d lac t iv ite , des les anriees 1975-76 pour la viticulture, beaucoup plus r ecernrnent pour les B.T.P. et Ie tourisme, du fait de la conjoncture generale qui, comme chacun Ie sait, est devenue defavo rab le r.ma is aussi et surtout de dif f icu ltes propres ; la tendance globale n'est plus depuis quelques annees a la creation d'emplois, mais a I'aggravation du ch6mage. Les repercussions sur Ie niveau de I'emploi sont p a r t icu l ie re rnen t manifestes a partir de 1981 ou Ie nombre de licenciements econorn iques atteint Ie chiffre de 514 (250 en Haute-Corse et 264 en Corse du Sud) ; il a encore augmente en 1982, surtout en Haute-Corse, sao's qUB nous soyons en mesure de dire dans quelle propor­ tion 2. Para l le lernerit , la courbe concernant les inscrits a I'ANPE a connu une acceleration brutale a compter du dernier trimestre 1981 qui semble s'etre pour- suivie jusqu la aujourd'hui : + 22 % entre debut 1981 et debut 1982, et + 25 % entre debut 1982 et debut 1983. Cette brutale et recente aggravation du ch6mage est due incontestablement a la baisse d'activite dans les B.T.P. et dans une moindre mesure au relatif recul du tourisme ces toutes dernieres annees, A cela plusieurs preuves : 1 - cf Economie Co rse, n ? (1980 ) 2 - Le chiffre figurant dans les statistiques de la DOTE d'Ajaccio est de 583 pour seulement 10 mois (Ies donnees de Fevrier et de Decembre n'y figurent pas), ce qui laisse supposer de I'ampleur de I'augmentation. -152- - la plupart des licenciements economiques concetnent des etablissements de BTP ; d'ailleurs ils sont p a r t lcu l ie rernent nombreux entre Decembre et Fevrier, p e r iode creuse de ce secteur dact ivtte , - selon une estimation de I'ANPE de Bastia, 60 % des personnes inscrites seraient des travailleurs des BTP, - les offres d'emplois dans les BTP ont chute en Haute-Corse de 41 % en Janvier 1983 par rapport a I 'annes p recederite , - les chiffres du chomaqe ont commence a s+acc ro ltre des I'instant ou les BTP ont connu une baisse d+ac t ivi te , c'est a dire en 1981 ; jusque la on peut penser que ce secteur est demeure relativement florissant (Ies salaries officiellement dec lares ont cont inue a augmente r jusqu' en 1979, tous les ind ices para issant 1 enco re assez favo rab les en 1980) . La situation est apparue recernrnent a ce point alarmante que Ie Prefet a cru neces- saire d'alerter Ie cabinet du Premier Ministre par une lettre ou il affirme qu'en Haute-Corse "Ie nombre de permis de construire est passe de 3 088 en 1981 a 2 151 en 1982 et que les previsions de la Direction Dep a r temen ta le de l'Equipement pour 1983 s'abaissent a 1900", alors que la commande publique par ailleurs "qui e ta it de I'ordre de 300 millions de francs devait se tenir en dessous de 180 millions en 1983" 2. La baisse de l 'act lv ite touristique, qui p a ra It etre dans une moindre mesure a I'origine de I'aggravation du chornaqe , notamment a cause de la diminution du nombre d'offres d'emplois saisonniers, est plus difficile a mesurer car elle est ex t rernernen t r ecerite , La crise de I'agriculture qui est celie avant tout de viticulture est plus ancienne puisque les signes avant-coureurs sont apparus en 1975 et que les premiers arra- chages de vigne datent de la campagne 1976/77. 1 - cf sur ce point BAROU, p. 32-33. 2 - "ARRITI", 19.5.1983. -153- Cette crise tre s generalement trouve son origine dans les p rofondes mutations que connaft Ie marche du vinauniveau rnond ia l , dont I'importance a susc ite la mise en place d'une reglementation communautaire destinee a r edu i re la surface du vignoble de la CEE au moyen de primes d 'a rrachages. Ne parvenant plus a ecou le r leur produit, tres lourdement ende t tes , les viticulteurs de I' lie ont eu recou rs en masse a cette p roc edu re au point que les a rrachages se poursuivent aujourd'hui, alors que Ie seuil initialement p revu est d'ores et deja dep asse : de 30 000 hectares, Ie vignoble corse est passe au niveau actuel d'environ 17 a 18 000 hectares, certaines sp e c ia l is tes estimant meme qu'il va se reduire dans un proche aven i r a 13 - 14 000 hectares. Par ailleurs, il faut ajouter que la seconde ac t iv ite agricole de lTle au niveau de la production et surtout de I'emploi de salaries, I'agriculture, a elle aussi connu de trss graves dif f icu ltes (gels successifs, p rob lernes de debouches, ... ), qui se sont traduites dans certains cas, beaucoup moins nombreux que pour la vigne neanrno ins , par des arrachages, notamment dans la region de Porto-Vecchio. Cette crise se traduit au niveau des salaires agricoles par une diminution assez sensible des effectifs : alors que ceux-ci e ta ien t 2 799 lors du recensement general 1 de I'agriculture (RGA) de 1970, ils n'etaient plus dans Ie RGA de 1979 que 2 220 . II est evident que la crise qui a frappe tour a tour I'agriculture plus Ie secteur des BTP, et la stagnation generale, voire la recession recente de I'economie insulaire ont eu des repercussions importantes sur la main-d'oeuvre etrangere, compte tenu de la place qu'occupait celle-ci en 1975. En reprenant une analyse par secteur, on observe les evolutions suivantes par rapport a la situation de 1975 : l' - Ces chiffres ne concernent que les salaries permanents et sont bien entendu fort e lo iqnes de la r ea l ite ; ils constituent neanrno ins une preuve de la reduction des effectifs salaries agricoles, meme s'ils en traduisent t re s impar­ faitement I'ampleur. -154- • Agriculture Le nombre d'etrangers cornp tab il lses par la Mutua l ite Sociale Agricole (MSA) est de 2 629 pour I'ensemble de lannee 1981,82 % e tan t maqh reb ins et 80 % travail- lant en Haute-Corse. Ce chiffre ne peut etre compare a ceux des RGA puisque sont comprises ici routes les personnes ayant ete dec la r ees au cours de l+annee , ne serait-ce que pour un moils, et non les seuls salaries permanents. Neanrno lns en dep it de ce mode de comptage qui devrait plut6t conduire a une sur-estimation, il est indenlab le que ces statistiques sont bien en dessous de la rea lite , une partie importante de la main-d'oeuvre e tranqe re employee dans I'agriculture ne tan t pas dec la ree , Les resultats des regularisations exceptionnelles de 1981/8'2. nous Ie montrent clai- rement puisqu' a cette occasion 2 704 person:nes' (soit.41 % du total) declarant travailler dans I'agriculture ont ete cornp tab itisees , II serait e r rone neanrno ins d'ajouter de chiffre a celui officiel de la MSA pour l 'annee 1981 ca r i I fau t fa i re une distinction tres nette entre les i rrequ I ie rs et les non-declares a la MSA : des deux groupes sont en partie indentiques, mais en partie seulement, car on peut parfaitement etre un clandestin et etre declare s, la MSA, et inversement etre titulaire d'une carte de travail et ne pas etre declare a la MSA. Les services de I'INSEE par exemple nous paraissent commettre cette erreur quand ils eva luent (officieusement) la population e tranqe re dans I'agriculture a environ 5 000 personnes, additionnant les chiffres des regularisations a ceux de la MSA. Pour notre part, compte tenu des diverses informations ou estimations que nous avons recueillies aup res des hommes de terrain, il nous p a ra It probable que la pro- portion de travailleurs irnrn iq res non declares a la MSA est de I'ordre de 40 % ce qui ferait une population active e tranqe re dans I'agriculre d'environ 4000 personnes pouvant aller [usqua 5 000 lors de la p e riode de pleine ac t iv ite , 1 - Pr ec isons que Ie Directeur de la MSA estime lui-meme a 20 % la proportion de salaries agricoles non declares. -155- Nous ferons une distinction entre trois categories de population: • les sala ires agricoles travaillant en permanence dans la me me exploitation. II est tres difficile d+eva lue r I'importance relative de cette population fournie pour I'essentiel d'hommes arrives dans les annees 1960 ayant fait venir depwis lors leurs femmes et leurs enfants, et occup ant sujounf 'hu! dans les exploitations des postes de chefs d' equ ip e ; i I do ivent rep resente r 20 a 30 % du tota I. • la main-d'oeuvre agricole sa isonnie re introduite par I'ONI. Celle-ci est de I'ordre de 2 000 personnes ces dernieres annees , 85 % concernant des exploitations de la Haute-Corse; a cote de I'immigration marocaine, largement majoritaire (75 %), on peut signaler celie de portugais, ndtamment pour Ie conditionnement des c lernent lnes , et celie traditionnelle des yougoslaves dans les exp loitations f crest ie res de la Co rse du Sud. Ce 3¥pe d'immigration nous p a ra It globalement bien reglee (ce sont souvent les memes effectifs qui viennent chaque annee , repartant normalement au terme de leur cont rat) , meme s'il est Indeniab le qu'une partie de la maini-d'oeuvre, marocaine notamment, a tendance a demeurer sur place au -dela de la p e r icde au to r isee , en cherchant un emploi dans Ie tourisme ou les BTP lors de la p e r iode creuse de I'agriculture (avril a septembre/octobre). Cependant on peut penser, compte tenu du fait qu'il n'y a eu que 379 saisonniers de requ lar ises en 1981/82 (279 en Haute­ Corse et 100 en Corse du Sud) que leur nombre est relativement peu e leve, · la main-d'oeuvre clandestine. Tout Ie monde s'accorde pour re conna It re que, I'operation de regwlarisation n'a pas mis fin a la presence de travailleurs clandes­ tins dans I'ne qui, notamment lors de la p e r iode estivale et a I'occasion de la r eco lte des agrumes, continuent a vendre leur force de travail a 13 ou 14 francs de I'heure. Ces derniers sont p a rt iculie rernent mobiles, passant du continent a I'lie et d'un secteur econorn ique a I'autre, sans qu'il soit possible de les evaluer p rec isernrnent , en raison meme de leur c landest in ite , II serait neanrno ins surprenant, puisqu'ils ne -156- peuvent etre en Corse que depuis la fin juin 1982 (car sinon p ou rquo i n'auraient­ ils pas p rof ite de lco e rat lon de regularisation, si peu selective dans I'lie 7), que leur nombre exce de 1 000/1 500 . • Le secteur du BTP En 1979, les effectifs e tranqe rs salaries dans Ie BTP se leva ient a 3 118, soit 51,80 % du total, selon la Caisse Nationale de Surcompensatiorn qui ne prend en compte que les travailleurs declares. Les autres chiffres dont nous disposons sont les suivants : 4 500 personnes travaillent dans Ie secteur BTP dans des etablissement de moins de 10 salaries (enque te de I'INSEE sur I'artisanat realisee au printemps 1979) - 1672 travaillent dans les BTP dans des e tab l issernents de plus de 10 salaries, d+ap res les Declarations Annuelles de Salaries de 1981, dont 1 441 manoeuvres. Si on accepte I'hypothese selon laquelle 60 % des travailleurs des BTP sont e tranqe rs (Ils-rep r esenta ient 57 % en 1975), on peut en conclure que Ie nombre de travailleurs imrn iqres declares est de I'ordre de 3 500/4 000. Par ailleurs, on sait que Ie nombre de r equ.la r ises en 1981 et 1982 travaillant dans Ie BTP se leva it a environ 3 500 (52 % du total) rep a r t is a peu pres egalement dans les deux dep ar te rnents , On ne peut dire pour les memes raisons exp osees a propos de I'agriculture que ces derniers doivent etre ajoutes en tota lite aux 3 500/4 000 officiellement declares avant 1981. Cependant, compte tenu de I'importance du travail au noir dans ce sec­ teur d'activite que tout Ie rn ohde se plait a souligner, et de I'arrivee de nouveaux clandestins, il nous p ara It vraisemblable de situer Ie nombre de travailleurs immi- 9 res emp loy es dans Ie B TP autou r de 7 000. 1 - Economie Corse, n " 23, Juillet 1981. -157 - • Les aut res secteu rs La repartition par sectel:Jr des travailleurs regularise�en_j§!'l?1/82 _§ef"Dble indiQ®L..Que la main-d'oeuvre e tranqe re res!.�_concentree da.ns les deux 2.r::inc!paux ,secteurs _Que ,.........J nous venons d'etudLer, les autres demeurant a un niveau faible (7 % du total). Les seules donnees dont nous disposions dans ce domaine concernent Ie tourisme J. RENUCCI dans une etude non pub liee a ce jour sur Ie personnel des etablissements touristiques en Corse estimait que Ie nombre de tranqe rs occupant des emplois ,touristiques saisonniers (plongeurs, femmes de chambre, .•. ) e ta it de I'ordre de 800. Hormis Ie fait qu'il faut p eu t=e tre revoir ce chiffre a la baisse pour les deux de rn ie res saisons, il est evident que ces travailleurs ne peuvent etre tous comptabili- ses en plus car la majeure partie, comme nous I'avons deja precise, passe d'un secteur a- l+aut re suivant la saison et risque fort de figurer deja parmi les saison- niers du BTP ou de I'agriculture. En conc Ius ion, nous ret iend rons cec i la population active e tranqe re qui selon I'INSEE e ta it sup e r ieu re a 22 000 per- sonnes en 1975 a, selon nos estimations, dirn inue puisqu'elle se situerait aujourd'hui au total aut�ur de 17 000/18 000. i Agricul- Femmes divers Leg ion BTP tu re de se rv. Tou risme Et ranqs re Total 1975 estimation 8 691 7 576 640 3 078 2 300 22 285 INSEE 1983 4 000 800 1 800 2 000 17 000 notre "V7 000 a a a a a estimation 5 000 1 000 2 000 2 500 18 000 Tableau de la repartition de la population active e tranqe re par secteur d+act iv ite en 1975 et 1983. -158- Cette diminution est due essentiellement a la baisse considerable d'offres d'emplois dans I'agriculture. Les e tranqe rs (Ies marocains a 70 ou 80 %) constituent toujours la quasi-totalite de la main-d'oeuvre salariee dans ce secteur, mais celle-ci a de c ru tres brutalement, surtout en Corse du Sud: si on accepte I'estimation de 7 000 salaries pour 1975, on peut chiffrer cette baisse a environ 40 %. - la repartition de la main-d'oeuvre e tranqe re sembie s'etke legerement rnodif iee en faveur des BTP. En effet, si on peut penser que I'agriculture et Ie BTP conti­ nuent a- emp loyer la tres grande rnajor ite des actifs e tranqe rs , ce second secteur semble avoir, au cours de la p e riode 1975-1980; p rof ite du recul de I'agriculture en absorbant une partie des travailleurs l lb er es. Si on rep rend, par exemple, les chiffres des regularisations, on constate que plus de la m o it ie (52 %) des effectifs t rava i l laien t rdans Ie BTP. Or, on s'accordegenerale­ ment pour r econna Itre que les clandestins sont proportionnellement moins nombreux dans ce secteur que dans celui de I'agriculture ; (Ies saisonniers qui restent sur place au terme de leur contrat, cont rdles des services administratifs plus difficiles, .. ), ce qui nous pousse a penser que la proportion travaillant dans Ie BTP est encore plus importante, p eut -e tre de I'ordre de 60 %. - Ie nombre de travailleurs irnrn iqres inscrits a I'ANPE, qui e ta it negligeable jusqu'au dernier trimestre 1981 (4 % du total des inscrits), s'est brutalement accru a partir de cette date et continue a augmenter a un rythme eleve, en dep it meme des variations sa isonn le res , Ce fait nouveau ne signifie nullement que la main-d'oeuvre e tranqe re ne connais­ sait pas Ie chdrnaqe auparavant, comme nous avons deja eu I'occasion de Ie p rec i­ ser ; il ne doit pas non p lus faire croire que la to ta l ite des chdrrieu rs e t ranqe rs actuels sont inscrits a I'ANPE : en raa l ite cet accroissement spectaculaire du nombre det ranqe rs au chdrnaqe secourus n'est que la partie visible d'un ch6mage chronique et d'un sous-emploi permanent d'une partie importante de la main- -159- d'oeuvre e tranqe re : tous ceux qui ne sont attaches de manie re constante a une exp to itat ion agricole ou a une entrep rise de BTP (50 a 60 % du total ?) connais- sent des p e r iodes creuses et alternent en permanence des phases de travail et des phases d'inactivite. - la main-d'oeuvre e tranqe re feminine a cesse d'etre, comme en 1975, totalement marginale, meme si elle ne constitue encore qu'une composante modeste de la population active e tranqe re : les admissions au travail concernent a pres de 50 % des femmes en Corse" du Sud (ce mouvement e tant plus perceptible dans ce departe- ment, ce qui est normal puisque I'immigration familiale y est plus importante), et environ 35 % au niveau regional; il s'agit Ie plus souvent des emplois traditionnel- lement occup es par les femmes lmrn iqrees (femmes de menage, domestiques, .•• ). Par ailleurs, la forte proportion de femmes inscrites au ch6mage avant la fin 1981 (entre 35 et 40 % du total) et Ie fait que Ie volume des effectifs ait continue a augmenter au de la 1 indiquent clairement la vo lorite d'une grande partie des femmes irnrn iqrees de prendre place sur Ie rna rche du travail. II p a ra It d'ailleurs probable, avec I'arrivee des jeunes filles sco la r isees dans l Tle , que cette tendance ira en s' amp I if iant dans un aven i r assez proche. Cette derniere remarque nous conduit a souligner une derniere evolution concernant la main-d'oeuvre e tranqe re , dont on peut relever les premiers signes mais qui incon- testablement devrait marquer les anriee s a venir : il s'agit de I'arrivee sur Ie rnarche du travail des premiers elements de la deux iarne generation, c'est-a-dire les enfants dont les parents ont irnrn lqre au cours des annees 1960 et qui ont suivi leur scola- rite en Corse. II est encore difficile de conna It re la nature et I'ampleur des muta- tions qui en dec ou le ront , mais on peut deja observer la presence de certains de ces jeunes a des p ostes de vendeu r, de co iffeuse p ou r les f i lies ou de rne can ic ien p ou r les qa r cons , ce qui peut-etre pourrait etre I'annonce d'une certaine restructuration du rna rche de I'emploi insulaire. 1 - Les donnees de I'ANPE ne permettent p as.. dep u is nove rrtb.fe 1982, de conna It re Ie nombre de femmes e tranqe res inscrites au ch6mage. -160 - 4 - CONCLUSION PROVISOIRE : la revolution symbolique n'a pas eu lieu II est difficile de conclure ce travail dans la mesure ou , comme nous I'avons dit, - il n'est que la premiere partie d'analyses plus amples qui, nous l 'esp e rons , Ie ren- dront plus comp let. NQUS esp e rons cependant avoir app or te des elements de reflexion concernant les deux axes p rincipaux qui ont oriente notre demarche insertion sociale, et territo- ria I isation. La question de I'insertion sociale, (c'es-a-dire du mode de cohabitation) a surtout ete abo rdee a travers les deux exemples, a la fois diff e ren ts et semblables du loge- ment et de la scolarisation. II convient d'ailleurs que no us precisions en quoi ces exemples sont dif f e rents : bien que nous n'ayons pas eu Ie loisir dans Ie cadre de cetravail d'exposer c 'un point de vue theo r ique ce que nous entendons par "rapp.o r ts de cohabitation" Ie contexte aura suffi pour faire comprendre ou ' ll s'agit pour nous de I'interaction sociale directe entre voisins des irnrn iq res - voisins statistiques ou voisins spatiaux - et irnrn iqr es , et au travers desquels, dans une logique agonistique et competitive, s'instaure, de f a con plus ou moins stab-le et achevee suivant les champs sociaux et institutionnels, un statut de minoritaire,impose aux irnrn iqr es i ce s "nouveaux venus". Au rega rd de cette inte ract ion et des chances de succe s des dom inants tous les champs sociaux n'offrent pas les memes p oss ib ll lt es. II est evident que plus une institution est proche du niveau national et de I'etat et plus elle a de chances de fonctionner impartialement et de neutraliser ces rapports de force que sont les rapports de cohabitation et I'exclusion segregative qui est inherente au statut de -161 - . . . 1 rn ino r ita i re , Plus une institution - au sens d'organisation - est e to iqnee de I'etat et du niveau national et plus elle risque d'etre p ene t ree , empreinte, des rapports de cohabitation et de leurs effets. Le niveau du pouvoir politique local est Ie niveau ou la gestion de I'insertion des lmrn iqres sly exerce S()US la forme la plus ouverte de la discrimi- .' \' na t ion a leu r encont re. Le champ d ' enjeux que cont ro Ie'" les p ouvo i rs locaux est sans doute celui ou I'imposition du statut minoritaire sera Ie plus explicite et Ie plus visible socialement. On voit imme d ia temen t que la construction et la distribution logements sociaux - qu i sont de p Ius en plus sous Ie c on tro le des co l lec t iv ites locs - les - decentralisation oblige - sont des processus ou jouent a plein les rapports de cohabitation (pas ceux qu'on attendrait) dans Ie sens de rapports de force pour en exclure le.s imrn iqres , et sous deux aspects: la distribution des "produits" entre les groupes, surtout quand elle se fait dans un contexte de p enu r ie , et la distribu- tion des groupes dans I'espace, quand la p rox irn ite de residence avec les imrn iq res est cons ide ree comme dec lassarite , Tout indique donc que I'ecole et Ie logement social ont toutes les chances, a priori, de constituer, pour I'insertion des irnrn iqres et les rapports de cohabitation, deux poles opposes, au point de vue de la resistance a I'imposition du statut minoritai- re : I'ecole devrait constituer Ie lieu de resistance Ie plus fort, et Ie champ du logement social, Ie point de resistance Ie plus faible. Nous avons donne dans Ie texte les elements de reflex ion permettant au lecteur de se fa i re une op in ion quant aux effets d ' imp os it ion du sta tut m ino rita i re dans ces champs opposes, pour ce qui concerne la Corse; nos conclusions sont donnees sous r ese rve 1 - ce qui ne retire rien, evidemment, aux critiques qu'on peut lui faire par ail­ leurs a propos de son role dans la reproduction des discriminations de classe. Nous sommes dans 1::e domaine _de I'insertion des lmrn iqres , secteur sp ec if ique du fonctionnement social: il s'agit en somme de voir comment les imrn iqr es sont admis ou ne sont pas admis au jeu "normal" ou national des differencia­ tions et des discriminations. -162- Tout indique cependant que de rnanie re generale Ie groupe rnaqhreb in se trouve globalement frappe d'une segregation que nous appelerions "de rang". Son rang I social "exprime" dans I'ordre distinctif ou consommatoire, ou son rang dans les distributions de biens rares OU collectifs (Ie logement social, les f il ie res scolaires) sous peine de voir doit etre Ie dernier, sri' Ii 113 u8ut pas qae se c reer chez ses voisins-statistiques et spatiaux- une dissonance dangereuse pour la paix sociale. La multiplication de ce type de dissonances ap res mai 81, est sans doute a I'origine de la crise du modele de cohabitation dont nous avons p a r le plus haut. Pour ce qui concerne notre deux isrne axe: la question de la teritorialisation des groupes e tranqe rs , sans anticiper sur les analyses que nous conduirons pour achever notre travail, il est clair que Ie groupe rnaqh reb in , comme tota l it e abstraite, se voit, en regie generale frappe d'exclusion territoriale tendancielle : il ne fait pas partie des groupes dont la ma jo r i te pense qu'ils sont legitimement te r r ito r ia l ises dans I'lle. La revolution symbolique les introduisant dans la societe d'une Corse devenue plu- rielle n'a pas eue lieu et n'est pas pour demain. De plus, les elites c o rses ne semblent que re p or tees , en regie generale, a rompre sur ce point avec la ma jo r i te dite silencieuse. II faut bien voir ce que cela signifie : Ie rnaqh reb in est I'etranger, au sens total; sa presence, rnerne quand elle est visiblement utile - et condamnerait-on par ail- leurs I'exigibilite perpetuelle de ce brevet d'utilite - est corruptrice, al ienan te . Ou, p luto t , tous ses traits subissent une conversion, s'inversent en leur contraire sa j5fBSenCe n'est p e r cue que comme Ie manque du "bien" que nec essa irernen t elle supplante, ici crest un tracteur qu'il a ernp eche qu'on achs te ; la crest Ie travailleur corse de la revolution industrielle absente qu'il remplace, ailleurs encore -163 - voici I'immeuble qu'il a ernp e che qu'on renove en faisant en sorte que Ie proprietaire succombe, c'est hurna in , a la tentation d'un profit scandaleux. Des lors, le grand jeu statistique, rn ed ia t ique , rep resen ta t if , gestionnaire, politique, et .•• sociologique avec cette presence, les milles tours de ce t "inventaire" sont af- faire d'exorcisme ou toutes les formes se valent: soit on e xaqe re Ie peril pour appe- ler I'attention sur ses p rob le rne s , et dire qu'on ne rep end plus de rien, soit au contrai- re on Ie minimise pour montrer que I'on n'est pas atteint par Ie mal. (Ainsi, cette municipalite qui n"'ebruite" pas Ie nombre de ses irnrn iqres pour montrer qu'elle s+en sort indemne ou, au contraire cette autre qui l 'exaqe re pour montrer I'etendue de ses p rob lernea.) La ra c isa t ion de cet e tranqe r , p henornerie premier et pathologie de la cognition, sort renf'orcee de ces "inventaires" t ruques , Exclusion symbolique, ainsi serrions-nous terites de nommer cette operation mentale absurde qui consiste devant des statistiques montrant la dim inution progressive et mor- telle a terme, des effectifs scolaires globaux, a deplorer avant tout, la proportion gra,ndissante des e leves e tranqe rs dans ces effectifs, e tranqe rs dont Ie nombre n'est cependant pas suff isant pour enrayer Ie dec lin general. Les populations te r r itor ia l isees dans I'lie par la croissance des arinees 60, mal accep- tees comme force de travail, car liees a un modele econom ique recuse, sont refusees comme force de peup lement, cornrne richesses dernoq rap hiques , car cons ide rees comme "dena tu rantes". .9an�_ la population st�gne Or >� Corse comme Ie reste de la France / ,:__..---�- La dernoq raph ie surgit soudain comme p rob le rne autonome, a penser de f a con autonome en refoulant I'angoisse des economies qui p at inent , -164- Des lors, ne peut-on concevoir I"immigration, n'importe quelle immigration, comme ressource dernoqrap h ique et non comme menace, en imaginant Ie type d'organisation sociale ou ce type d'alternative serait p r ive de sens ? un type de societe OU aucun groupe ne pourrait etre cons ider e comme denaturant, parce que I'identite des groupes ne se ra it plus f onde e en natu re ? Pour lutter centre cette exclusion, et p eut -e tre la renve rse r , nous ne croyons que re a la demarche "cu lt ivee " de I'animation ou du spectacle artistique qui ne fait que mimer, I'espace d'une breve catharsis pour elites, I'interculturalite qui compte, celie des classes pop u la ires. Paradoxalement, contre tous les avis, nous croyons davantage au travail du "peup Ie" corse, p a r t icu l ie rernent celui de la jeune generation, dans les p rox im ites silencieuses des quartiers ou des, villages, et surtout aux ressources symboliques que pourrait mo­ biliser, si on I'y aide, la nouvelle generation dimrntqres. -165- SYNOPSIS de la DEUXIEME PARTIE de I'ETUDE ---------------------------------- La deux ierne partie de ce travail se situera en cont tnuite avec la premiere et visera a approfondir les themes de la cohabitation/insertion sociale, et de la co-territoria- I isa t iori. Elle comportera les 3 parties suivantes I - Etude diachronique Reprise de la perspective historique. Etude de la p e r iode 1974-1983 a - Asp ect II inventa i rell * Etude du poids de I'immigration dans I'evolution demographique de I'ne entre 1975 et 1982. (voir tableau annexe 1) * Mise a jour des denombrements statistiques a partir de I'exploitation des enque te s demographiques qui ont suivi Ie rencensement de 1982. * Etude des transformations internes des formes migratoires : effets de la suspension de I'immigration en 1974, sur Ie rythme des regroupements fa­ miliaux. (voir tableau annexe 2) b - Etude des transformations soc iales , economiques et politiques de la "situatlon migratoire". * Transformation du contexte pol itique. La p e r iode est marquee par I'arrivee de la gauche au pouvoir, et regionale­ ment par la mise en place du nouveau statuto Le premier evenement a un retentissement considerable sur la situation migratoire corse. A partir des premiers espoirs susc ites par la position ideologique de la gauche a I'egard de I'immigration, et des premieres mesures prises en faveur des lrnrn iq res , vont se c r ee r les conditions d'une double lutte qui mettra en crise Ie modele de cohabitation et susciter I'expression d'une crise de la territorialisation : -166- _ Une lutte des classes p a r t icu l ie res celie qui va s'engager entre les manou­ vriers et leurs patrons; lutte des classes evidemment non conforme aux canons theor ique s , dont la regularisation spectaculaire des "sans papier" et la rnont ee des litiges prud'hommaux vont constituer des episodes mar­ quants. (voir annexe 3, 4, 5,6,7,8.) _ Une lutte de classement (P. Bourdieu) qui est proprement celie qui met en crise Ie modele de cohabitation et dans laquelle s'inclut (au de la de leurs causes circonstancielles) aussi bien les attentats centre les maghreb ins que la manifestation qui les a suivis a Bastia. Une attention p a rt icu l is re sera p o rt ee a I'attitude des forces politiques et synd ica les loca les. * Transfo rmation du contexte econorn ique. La p e r iode est egalement marquee par I'accroissement de la crise economique nationale et locale, et il sera inreressant d'analyser, au plan du statut social (cohabitation + territorialisation) si I'equation : ch6mage = exclusion territo­ riale, se verifie. II - Etudes synch fon iques a - Etude sp e c if ique de I'immigration marocaine (et non plus rnaqhr eb lne , ca­ tegorie abstraite ut il isee dans la p r ob lerna t ique de I'imposition de statut, dont I.'usage de cette ca teqo r ie est p rec isernent une consequence) pour echaop e r nous-rnernes a I'abstraction que nous avons condarnnee , Histoire de cette immigration, composition regionale, organisation associative, role du consulat. b - Etude du mecanisme sociologique comp let du regroupement familial (hypo­ these est faite qu'il estsurdetermine par un processus de selection sociale -167- et professionnelle) avec analyse de la contradiction patron/leaders politiques sur I'interet et les risques de la territorialisation d'etrangers. c � Analyse des attitudes de la deux ierne generation dlrnm iqres rnaqhr eb ins par rapport a sa condition globale, aux impositions de statut, a sa pratique sociale et politique, aux mobilisations culturelles dont elle fait preuve. Complement de I'analyse de la scolarisation, du role et de la position des �u�immigres dans Ie systsrne scolaire et de leurs attitudes a I'egard de I'ecole. Differenciation sexuelle dans ces attitudes et insertion des femmes sur Ie ma rche de I'emploi. III - Prolongement theorique Esquisse d'une p rob lerna t ique des rapports de cohabitation pour def in ir Ie mode d'insertion globale des imrn iq res, Le cas de la Corse, comme mise en relief par­ t icu lie re , par I'interaction de deux types de rn ino r it es. Tableau 1 LE BILAN DEMOGRAPHIQUE DE LA CORSE (f>,.."U-�6 'Z.t.CewHhLt""j-cLt_ Iq�t) Solde Solde Variation Population Naissances Deces naturel migratoire totale / /1962 / /t 76;;-/0./ / .. // / / /"" /" ,,' / /' / .' /117• 177 14. 199 � 2.978 +.,")0.642' + ,33. 2f,O 1968 209. 7�O /,/ /', / .' .: // / ./ / ./ 1.9.496 17.366/ + 2.130, + 15.515 ' + 17.645 / --�1�g�7�---�42'�-5------'--b_-'-------�����----����--���----����--- 18.133 18.269 - 136 + 12.889 + 12.753 1982 240.178 Nbre de personnes ....• - - - "" , .. ,-_- ... - . , . ' , ,. ..., ..' .. �,. .... - --,.. '" �". '."" - 20 _-- A9lo H. TAB; Regroupement familial de 1970 a 19.81 !?elon les differentes nationalites. effectif total Marocains Maghrebins Italiens ... - .. -_- Portuqais TAB Nombre de demandes devant 1e consei1 de prud'hommes de Haute-Corse en Industrie et Agr�cu1ture des �trangers et des fian�a{§ a�-t�81 a �3.-- �- Nbr. de demandes. - - ... _. - Etrangers INDUSTRIE (BTP) ---Fran�ais':_s - - - Etrangers AGRICULTURE __ _ � ....... __ ... �_-·Fr_an�ais . _ Pourcentage par canton des eleves maghrebins et latins dans le pre-elementaire et l'elemen­ taire par rapport aux effectifs totaux. Population Population latine. ?ourcentage �ar canton des eleves etrangers dans le pre-elementaire et l'elementaire par rapport aux effectifs totaux. �(l. Zo ;,. ;0 % .J� ?>o 0. "Lo % es e eves portuqais dans Ie pre-elernentaire et l'elernentaire par rapport a l'effectif total des eleves �ortugais en Corse dans Ie ?re-elernentaire et l'elernentaire. • c.. r -.Z. �.I 0 mains de 1 % � de 1 a 5 , t: ffi1l � de 5 a 10 % .i M � de 11 a 20 % " -" -; • plus que 20 , -. Pourcentage par canton des eleves italiens et espagnoles dans le pre-elementaire et l'elemen­ taire par rapport a l' e f-f e c t i.f total des eleves italiens et espagnols en Corse dans le pre­ elementaire et l'elementaire . ..".- VI\ - D moins de 1 % § de 1 a 5 % • IIIIII de 5 a 10 % g f'j de 11 a 20 % • plus que 20 % = �Pourcentage par canton des eleves maghrebins dans le pre-elementaire et l'elementaire par rapport a l'effectif total des maghrebins en Corse dans le pre-elementaire et l'elemen­ taire .. I "T INC -Ol-LOTA 0 moins de 1 -% � de 1 a 5 % • de 5 a 10 % ITJll- . -� m I' de 10 a 15 % d; • de 15 a 20 %