X INSTITUT D'ETUDES ET DE RECHERCHES Juin 1977 INTERETHNIQUES ET INTERCULTURELLES (I.D.E.R.I.C) Centre Associé de Formation aux Relations Interculturelles (C.A.F.R.I) 34, rue Verdi - 06000 NICE Tél : 87 01 75 ACTION DE FORMATION AUPRES DES FEMMES IMMIGREES DU QUARTIER DES VIGNASSES NICE Rapport d'activités pour l'année 1976/77 Sossie ANDIZIAN Jocelyne STREIFF iWUOTHtQUt Of l'UNlVMSIT» ♦ecTiON terr«B8 lOO. Bd H«frtot 06200 - NICB PJUc. :cc\/Vioy\ JTDHfRUO- 099 0000009 C- o ACTION DE FORMATION AUPRES DES FEMMES IMMIGREES DU QUARTIER DES VIGNASSES NICE 1. INTRODUCTION L'action que l'équipe du CAFRI a entreprise auprès des femmes immigrées du quartier des Vignasses, en Septembre 1976, visait à l'amélioration de la perception et de l'usage des Ins¬ titutions avec lesquelles cette population se trouve le plus fréquemment en contact (1). A l'issue de l'exécution de la première phase, nous avions souligné la nécessité de fixer les objectifs de l'inter¬ vention en fonction de l'analyse des problèmes que rencontre la communauté et de proposer des modes de résolution de ces pro¬ blèmes qui tiennent compte des spécificités culturelles des popu¬ lations concernées (2). La connaissance approfondie du milieu, que nous avons acquise au terme de cette expérience, et une réflexion portant sur nos divers modes d'intervention, nous amènent à définir ici avec plus de précision les conditions méthodologiques de mise en place et de réalisation de ce type d'action auprès des femmes immigrées. Pour atteindre une pleine efficacité, l'action de forma¬ tion que nous nous proposions de mener devait remplir trois (1) Cf. Projet de formation des Femmes immigrées, IDERIC,: Novembre 1975. (2) Rapport intermédiaire, IDERIC, Mars 1977. conditions : - Elle devait produire des effets sur l'ensemble de la commu¬ nauté ; - Elle devait être en mesure de résoudre, au moins partiellement, le problème abordé ; - Elle devait permettre aux femmes de la communauté de contri¬ buer à la résolution de ce problème. Il s'agissait donc, en fait, d'instituer le groupe des femmes comme porteur d'une dynamique concernant la communauté toute entière. Dans cette perspective, nous avons centré notre action sur les trois domaines qui nous semblaient les plus pro¬ pres à renforcer cette dynamique : - La scolarisation des enfants, - La santé, - Les rapports avec les Services Sociaux. Au cours de cette année, c'est le troisième thème qui a fait l'objet de la démarche la plus approfondie. C'est en effet dans le domaine des relations des immigrés avec les Services I Sociaux que nous nous trouvions en mesure de réunir le maximum de conditions favorables : - d'une part, c'est ce type de problèmes qui a suscité les demandes les plus nombreuses de la part des femmes immigrées ; - d'autre part, la présence des Assistantes Sociales sur le quartier et leur volonté de participer à l'intervention ont permis de donner à la formation un caractère plus concret. Cela n'a pas été le cas pour les problèmes relatifs à la santé, par exemple, où l'intervention isolée d'une sage- femme n'a pu résoudre les problèmes qui se posaient effective¬ ment aux femmes immigrées dans leurs relations avec leur médecin. 2. DEROULEMENT DE L'ACTION. 2.1. Détermination de l'objectif. L'objectif a pu être plus précisément défini par la mise en relation des demandes recueillies d'une part auprès des Institutions, et d'autre part, auprès des femmes immigrées. Nous avons procédé de la manière suivante : 2.1.1. Prise de contact avec les Assistantes Sociales assurant des permanences dans le quartier, qui étaient d'appar¬ tenances institutionnelles diverses : C.A.F. ; D.D.A.S.S. ; U.S.B.T.P. ; Ecoles. Ces discussions nous ont permis de procéder à un premier repérage des problèmes que pose aux Institutions l'incompréhen¬ sion, par les femmes immigrées, du fonctionnement des Services Sociaux - incompréhension qui se manifeste soit par l'absence de fréquentation des lieux de permanence, soit par des retards dans les démarches nécessitant un découpage temporel, soit par des erreurs dans la rédaction des formulaires. Les dysfonction¬ nements étaient expliqués par un manque d'informations et une attitude passive, surdëterminêe par le handicap linguistique. Pour les institutions, il s'agissait donc d'adapter les populations immigrées aux normes institutionnelles, et de dé¬ finir la formation en termes d'inculcation de règles et d'ap¬ prentissage de la langue française en vue d'assurer un meilleur fonctionnement de leurs services. 2.1.2. Dans un second temps, nous avons procédé à une étude de milieu en collaboration avec les Assistantes Sociales, afin d'observer les pratiques de la communauté dans ses rela¬ tions avec les Institutions et de situer le niveau de compré¬ hension que les femmes immigrées ont des différentes institu¬ tions . L'enquête auprès des femmes immigrées s'est attachée, tout d'abord, à expliquer le nombre peu élevé de personnes se rendant à la permanence des Assistantes Sociales. Les causes en étaient principalement le manque d'informations et une mauvaise perception du rôle respectif des Assistantes Sociales, l'absence de coordination des différents services entretenant cette con¬ fusion. Cette situation mettait les Assistantes Sociales dans l'obligation d'aller vers les familles dans les cas les plus urgents, ce qui contribuait à donner un caractère personnel aux relations Assistantes Sociales/Immigrés. Aussi l'image de l'Assistante Sociale "amie de quelques familles", à qui elle "rendait service" était-elle très répandue. L'appropriation personnelle de l'Assistante Sociale constituait un enjeu essentiel pour les femmes de la communauté, celles-ci mettaient en place diverses stratégies pour y parvenir : guetter l'arrivée de l'Assistante Sociale pour être la première à l'in¬ viter, lui offrir des cadeaux, lui faire grief du temps qu'elle passait chez les autres familles... Ce type de comportement contribuait à établir une dépendance à l'égard de l'Assistante Sociale et renforçait le caractère d'assistance du travail social. D'autre part, l'observation systématique des pratiques des femmes immigrées nous a permis de mieux cerner leur percep¬ tion des Services Sociaux. Cette perception n'est toutefois pas homogène. Elle se situe à différents niveaux selon les indivi¬ dus, ou pour un même individu selon l'institution envisagée. Sommairement, on pourrait distinguer trois niveaux : • L'incompréhension est caractérisée par la méconnaissance du système des prestations sociales, particulièrement de la relation qu'il implique entre droits et obligations et des pos¬ sibilités de recours en cas de non-aboutissement. Cette incom¬ préhension pousse les femmes à s'en remettre entièrement à l'Assistante Sociale pour la résolution de leurs problèmes et à se soumettre aux décisions des Institutions, sans exercer aucun contrôle sur les démarches effectuées. Ce type de comportement est surtout fréquent chez des femmes arrivées en France depuis peu de temps, et ayant peu d'occasions de sortir de chez elles. Madame J., en France depuis deux ans et demi, s'aperçoit au cours de discussions avec ses voisines, qu'elle n'a pas touché l'intégralité des Allocations de Maternité. Accompagnée d'une voisine, elle vient à la séance de formation organisée autour de ce problème, soumettre son cas à l'assistante sociale dans l'espoir de récupérer les sommes impayées. Mais elle est dans l'incapacité de répondre aux questions que celle-ci lui pose sur la façon dont les démarches ont été menées. Madame J. s'en remèttait totalement au médecin et ignore tout de l'uti¬ lisation des formulaires. Après enquête, l'assistante sociale retrouve parmi tous les papiers que Madame J. conserve soigneusement, sans toutefois les classer, l'un des feuillets destinés à la Caisse d'Allocations Familiales, non signé par le médecin. . La compréhension hétéronome : nous entendons par là une connaissance fragmentaire du système qui autorise une certaine prévision (garder la feuille de revenus annuels, sachant qu'on en aura besoin plus tard, par exemple), mais dans laquelle la perception des relations entre les différentes institutions reste relativement indifférenciée. On peut noter, également, une mauvaise perception des découpages administratifs (confusion entre la Mairie et la Préfecture par exemple) et des niveaux de pouvoir. Ce type de compréhension,qui suscite un certain degré d'initiative, n'est toutefois pas à même, dans la plupart des cas, de permettre la conduite de stratégies totalement adéquates. Il est notamment à l'origine de comportements maximalistes, conduisant le plus souvent à des échecs, et à des relations am¬ biguës avec les assistantes sociales, oscillant entre dépendance et agressivité. Notre population se situe dans sa majorité à ce niveau de compréhension ; l'implantation relativement ancienne de quelques familles, ainsi que la faible mobilité de la population favorisent un apprentissage "sur le tas" des institutions, les 1 femmes dont la durée de séjour est la plus longue communiquant aux dernières arrivées leurs connaissances en la matière. L'in- convénient majeur de ce type d'apprentissage est qu'il conduit à une "fossilisation" des acquis, phénomène que l'on peut obser¬ ver également en ce qui concerne l'apprentissage linguistique. Madame B., en France depuis cinq ans, a toujours des problèmes avec les Institutions. Elle professe une mé¬ fiance excessive envers les Assistantes Sociales, le Directeur de l'école, les médecins, etc... C'est que son expérience en France lui a fait comprendre qu'elle avait un certain nombre de droits, et qu'il lui apparte¬ nait de les faire respecter. Par principe, elle refuse toujours les décisions des Institutions et n'accepte aucune explication. A.-la suite d'un accident survenu à son fils, Madame B. décide avec son mari de refuser la proposition d'indem¬ nisation de l'assurance adverse jugée insuffisante, mais ils ne tentent aucune démarche en vue d'obtenir une somme supérieure et se contentent d'en parler à l'assis¬ tante sociale ; pour Madame B., en effet, seuls les gens ayant des relations sont en mesure d'obtenir satisfac¬ tion : "Ton mari connaît des gens, il peut nous aider". Devant l'impossibilité de l'assistante sociale de ré¬ pondre à sa demande, Madame B. réagit violemment et l'accuse de faire preuve de mauvaise volonté. . La compréhension autonome implique la présence de cer¬ taines conditions nécessaires pour une "utilisation correcte" des Institutions, notamment une perception différenciée des diverses filières institutionnelles, une bonne connaissance des droits et obligations, ainsi que des aménagements possibles. Ce niveau de compréhension, qui suppose une certaine distanciation, favorise l'acquisition d'une plus grande auto¬ nomie dans les rapports aux Institutions. En ce qui concerne les Services Sociaux, les relations avec les Assistantes Socia¬ les sont moins personnalisés, ce qui permet d'éviter les con¬ flits caractéristiques de la "compréhension hétëronome". Ainsi, le recours à l'Assistante Sociale se fait dans un but bien précis, à un moment où son intervention est nécessaire pour faire aboutir la démarche. Dans notre population, il est rare d'observer des femmes dont les rapports aux Institutions se situent à ce niveau. En effet, cela exige un certain nombre d'années de séjour dans 7 le pays de résidence, une maîtrise minimum de la langue française, ainsi qu'une longue pratique des Institutions. Madame L. n'avait pas perçu les Allocations Familiales du mois de Juillet, le mandat étant arrivé pendant que sa famille effectuait un séjour au Maroc. Elle se renseigne auprès des P.T.T. qui exigent une lettre de réclamation signée de la Caisse d'Allocations Familiales pour entreprendre des recherches. Madame L. va exposer le problème à la Caisse d'Allocations Fami¬ liales ; constatant que ses démarches ne produisaient aucun effet, Madame L. demande à l'Assistante Sociale de la Caisse d'Allocations Familiales d'intervenir pour débloquer la situation. Celle-ci, après enquête, s'aperçoit que la lettre de réclamation est restée dans le dossier et fait le néces¬ saire pour la faire parvenir à son destinataire. 2.1.3. L'amélioration de la perception et de l'usage des Institutions suppose donc la mise en place d'une formation qui permette aux femmes immigrées de parvenir à la compréhension autonome. Il s'agit, entre autre, de modifier le sens et la nature des relations Assistantes Sociales/Femmes immigrées. On pourrait illustrer cette démarche par le schéma suivant : A.S. F.I F. I. A.S. - Attitude passive - Attente de l'arrivée hypothétique de l'Assistante Sociale - Accumulation des retards dans les démarches Autonomie Initiative des démarches Déplacement des femmes immigrées vers les Ser¬ vices Sociaux chaque fois qu'un problème précis en impose la né¬ cessité Pour réaliser cet objectif, il est nécessaire de lier l'action de formation des femmes immigrées à une intervention auprès des Institutions. Il convient, à présent, d'examiner les conditions méthodologiques d'une telle approche. 3. METHODOLOGIE. 3.1. Quelques problèmes relatifs à la constitution d'un groupe de formation. L'étude de milieu que nous avons effectuée en préalable à notre action de formation nous a permis de mettre en évidence les résistances des femmes immigrées à la constitution d'un groupe de formation. Il nous est apparu dès lors important d'analyser ces résistances en nous interrogeant sur la signifi¬ cation que peut prendre la création d'un groupe de femmes dans une communauté (institutionnalisation des conflits), la position de ce groupe au sein de la communauté, et l'attitude de la com¬ munauté à l'égard de la formation. Dans la plupart des cas, la constitution du groupe obéit d'abord aux normes administratives d'affectation du budget (nécessité d'avoir tant de stagiaires pour faire démarrer un cours ou pour entreprendre un cycle de formation). D'autre part, les critères de recrutement tels qu'ils sont définis par les différentes institutions ne tiennent pas compte de la stratifi¬ cation sociale, ni des régulations des groupes naturels. Or, l'identité des problèmes sociaux ne suffit pas à assurer la mobilisation collective du groupe des femmes autour d'un pro¬ gramme de formation. De ce fait, il était exclu pour nous d'avoir un groupe unique astreint à une assiduité et à une fréquentation de type scolaire avec des horaires précis et réguliers et des programmes préalablement élaborés. Au contraire, il était nécessaire de s'adresser en priorité à des "groupes naturels" constitués de manière spontanée par des individus "mobilisés" autour d'un même problème. 3.2. La transmission des connaissances : la question des relais. Par ailleurs, les résultats de l'étude de milieu aussi bien que l'observation d'un certain nombre d'actions en cours dans la région, nous ont conduit à écarter la perspective de former quelques individus-relais qui auraient par la suite as¬ suré la transmission des connaissances. En effet, l'attribution d'un tel statut à quelques membres de la communauté n'est pas sans poser de sérieux problèmes, conduisant même parfois à leur exclusion de leur groupe d'origine. De plus, ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui ont des "compétences" dans tel ou tel domaine. Au contraire, il arrive souvent qu'un individu soit capable de comprendre telle institution et pas telle autre en fonction de l'expérience spé¬ cifique qu'il en a eue. En réalité, la rediffusion des apprentissages se fait à travers les réseaux de communication propres à ce type de com¬ munauté. Dans cette mesure, nous pouvons dire que tous les habitants des Vignasses ont participé de façon directe ou indi¬ recte à la formation, les groupes "formés" constituant des relais pour les autres. Toute la population a été informée du contenu des séances de formation ; ainsi, chaque fois qu'un membre de la communauté a eu à faire face à un problème traité dans le cadre de la formation, il s'est adressé aux personnes ayant bénéficié de cette séance pour s'informer de la marche à suivre. 3.3. Une formation centrée sur problèmes. Dans la plupart des actions de formation, les contenus sont définis après une analyse des besoins de la population concernée. Mais en réalité, cette recherche s'inscrit dans une typologie de réponses préformées, les institutions disposant par avance d'un éventail déterminé de possibilités qu'il est fort rare de les voir remettre en question. Ainsi, les demandes ont tendance à s'aligner sur ces possibilités objectives et se limitent à des cours d'alphabétisation ou d'enseignement ménager. Il arrive souvent, qu'une fois ce type d'action mise en place, les femmes qui étaient supposées l'avoir "demandée" la suivent de façon très irrégulière et pour la majorité d'entre elles finissent par y renoncer sous divers prétextes. Ces observations nous ont incité à réduire, dans la mesure du possible, les décalages entre les contenus de forma¬ tion et les problèmes réels que rencontrent les femmes immigrées dans leur pratique sociale. Nous avons donc adopté une démarche qui consiste à arti¬ culer un processus pédagogique sur les problèmes à la fois concrets et actuels, tels que nous avons pu les cerner tout au long de l'intervention. Cette démarche nécessite une présence continue sur le terrain et une très grande souplesse dans les modes d'interven¬ tion. Nous avons traité en priorité les problèmes susceptibles de mobiliser le plus grand nombre de femmes. Trois grands thèmes ont fait l'objet de séances collectives répétées : - Allocations de maternité - Certificats d'hébergement - Déclaration de revenus i Parallèlement, les problèmes ne concernant que des indi¬ vidus isolés (justice, chômage, etc...) étaient traités cas par cas avec les intéressés. Les séances de formation se déroulaient de la façon suivante : PREMIER TEMPS. - Identification_du_problème : mise en relation de la façon dont l'institution propose de le traiter et des pratiques élaborées par les femmes pour y faire face. . étude de cas : allocations non perçues, retards, etc. . explication des échecs par l'Assistante Sociale . présentation des institutions concernées en précisant leur mode de fonctionnement et leur rôle SECOND TEMPS. ~ ï§Qtative^de_résolution_collective_du_problème, avec les con¬ seils de l'Assistante Sociale. Souvent celle-ci recommençait avec les femmes toutes les démarches, en situant les erreurs commises dans le processus d'ensemble. 4. EVALUATION. Les résultats de notre action seront envisagés ici, sous deux aspects. D'une part, nous essaierons d'en déterminer les effets chez les femmes immigrées ayant suivi la formation, d'autre part, nous tenterons de voir en quoi elle a introduit un certain nombre de changements dans la pratique des travail¬ leurs sociaux appartenant aux institutions concernées. Quant aux changements plus globaux, affectant les pra¬ tiques de la communauté considérée dans son ensemble, nous fai¬ sons l'hypothèse qu'ils pourront être analysés à plus long terme. Notons toutefois qu'il apparaît de façon indiscutable, i chez les femmes ayant été touchées par la formation, une tendan¬ ce à prendre en charge celles qui sont le moins en mesure de faire face à leurs problèmes. 4.1. Effets sur les femmes immigrées. Les Assistantes Sociales nous ont fait part de l'accrois¬ sement du nombre des femmes des Vignasses se rendant aux per¬ manences. Il semble que celles-ci attendent de moins en moins la visite d'une Assistante Sociale dans le quartier pour lui soumettre leurs difficultés et qu'elles prennent plus facilement l'initiative de résoudre les problèmes qui se posent dans leurs familles en cherchant l'aide des personnes compétentes ; de ce fait, les demandes deviennent plus précises et l'intervention de l'Assistante Sociale trouve une efficacité accrue. La perception des institutions, quoique meilleure, reste encore peu différenciée et nécessite une plus grande expérience des démarches. De plus, l'impact de la formation sera forcément limité si -les acquis qu'elle permet ne sont pas renforcés par l'Institution elle-même. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point précis. 4.2. Articulation formation/travail social. Avant la mise en place de la formation, le projet a fait l'objet de discussions collectives au cours de réunions in¬ formelles avec les travailleurs sociaux du secteur. Cette colla¬ boration s'est poursuivie avec une assistante sociale en parti¬ culier, durant toute la durée de l'intervention, sous des formes diverses : - Détermination en commun des objectifs, l'assistante sociale relayant les demandes de l'Institution, tandis que nous nous attachions plus précisément à cerner les difficultés rencon¬ trées par les femmes immigrées. - Participation active aux séances de formation. - Evaluation des résultats. Cette démarche, ainsi que la présence d'une arabophone dans l'équipe, ont permis une meilleure compréhension par l'assistante sociale des problèmes posés à la communauté. D'autre part, son intervention sur les groupes se subs¬ tituant à une pratique d'assistance individuelle a contribué à modifier les relations assistante sociale/femmes immigrées en en réduisant le caractère personnel. 4.3. Rôle des institutions. Afin de garantir les effets de la formation à long terme, il paraît indispensable que celle-ci s'assure la parti¬ cipation des institutions avec lesquelles ces populations sont en contact. Sans cette participation, la formation est condamnée à n'être qu'une tentative isolée de réduction des dysfonction- nements qui sont par ailleurs indéfiniment reproduits par les institutions. Il paraît donc souhaitable de s'orienter vers la créa¬ tion de services spécifiques animés d'un souci pédagogique et disposant d'un personnel bilingue. La prise en charge par ces services des familles immigrées dès leur arrivée en France, permettrait notamment d'éviter l'acquisition de pratiques ina¬ déquates qui risquent de se fixer, ce qui rend difficile toute tentative de formation ultérieure. 5. PERSPECTIVES. La nécessité s'impose à présent d'appliquer cette métho¬ dologie à l'apprentissage d'autres institutions pour en vérifier la pertinence et les possibilités de transposition. Nous nous centrerons plus particulièrement sur deux domaines que nous avons commencé à explorer au cours de cette année et qui semblent réunir toutes les conditions requises pour mener à bien une entreprise de formation : la santé et la scolarisation des enfants. 5.1. La santé. L'enquête auprès des femmes immigrées que nous avons menée en préalable à cette action mettait en évidence la mécon¬ naissance générale de l'organisation des services de santé. Il conviendra donc, dans un premier temps, de situer avec plus de précision, comme nous l'avons fait pour les Ser¬ vices Sociaux, les différents niveaux de compréhension des institutions médicales et les pratiques mises eh place par les familles immigrées pour résoudre les problèmes de santé. Cette analyse ne pourra faire l'économie d'une étude approfondie pour chaque groupe des représentations culturelles relatives à la 14 maladie, à la reproduction et aux rapports que l'individu en¬ tretient avec son corps. Il s'agira, dans un deuxième temps, d'examiner les pra¬ tiques des institutions à l'égard des familles immigrées. Nous pouvons rappeler les premières observations qu'il nous a été donné de faire à ce sujet dans un rapport intermédiaire. Nous remarquions que la surutilisation des structures hospitalières, notamment en ce qui concerne les enfants, provient en grande partie de l'attitude de méfiance dont les médecins font preuve envers les femmes immigrées. La sous-estimation de leurs capacités de compréhension, autant que le handicap linguis¬ tique, font qu'ils ne prennent que rarement la peine de leur fournir des renseignements précis sur l'évolution de la maladie et sur l'utilisation des médicaments. On peut ainsi noter un manque d'information générale sur l'utilisation correcte des moyens contraceptifs, qui conduit à des échecs répétés dans ce domaine. Là encore, il est clair que l'action de formation ne peut trouver une pleine efficacité que si elle contribue à modifier les pratiques des institutions médicales à l'égard des immigrés. A cet effet, nous nous proposons de déterminer le conte¬ nu de la formation après une enquête auprès des Services de santé afin de définir avec eux les problèmes spécifiques que pose la prise en charge de la santé des migrants. Dans ce but, des contacts seront pris dans les mois qui viennent avec les responsables des Services de santé qui sont plus fréquemment en contact avec les familles immigrées : méde¬ cins du quartier, puéricultrices et médecin de la P.M.I., responsables des structures hospitalières de la région. 5.2. La scolarisation des enfants. Les rapports que les femmes immigrées entretiennent avec l'institution scolaire sont le plus souvent caractérisés par la passivité et l'incompréhension, leur propre expérience de l'école étant nulle ou très limitée. On peut noter également une surestimation du rôle de l'école française dans l'adaptation de leurs enfants à la société d'accueil. Cette perception de l'école conduit les familles immi¬ grées à reconnaître son autorité sans exercer aucun contrôle sur les pratiques qu'elle développe à l'égard de leurs enfants. Par ailleurs, l'école renforce cette attitude en ne leur envoyant des informations que sous forme de sanctions : redoublements, échecs, orientations, sans leur laisser l'opportunité de mieux appréhender ses structures et son fonctionnement. Les parents ne peuvent qu'accepter avec passivité les décisions de redoublements et d'orientations à l'école primaire1. Or, on sait combien le cursus primaire est déterminant dans l'avenir scolaire des enfants. Les contacts des femmes immigrées avec l'institution scolaire sont presque inexistants (handicap de la langue, absence de maîtrise du système). Le contrôle du travail de l'enfant n'est que formel et se limite à l'exercice de l'auto¬ rité parentale sans efficacité réelle. Bien qu'ayant au départ des aspirations très élevées quant à la poursuite des études, les femmes immigrées valorisent l'orientation des enfants dans les filières d'apprentissage. Le fait d'appprendre un métier à l'école est perçu comme une promo¬ tion par rapport au père, même s'il s'agit des mêmes secteurs. D'autre part, la nécessité pour ces familles d'avoir un autre revenu assez rapidement justifie la réduction des aspirations. Le rôle de la formation dans l'amélioration des condi¬ tions de scolarisation des enfants de migrants ne peut être que très limité. En effet, c'est à l'institution scolaire elle-même qu'il incombe de mettre en place des structures spécifiques pour ces enfants. Notre objectif sera donc essentiellement de favo¬ riser les contacts entre les femmes immigrées et l'école, en organisant notamment des réunions avec les instituteurs en présence d'une arabophone. Ce contact nous paraît indispensable pour que s'amorce une prise en charge par les femmes immigrées de la scolarisation et du devenir professionnel de leurs enfants. 0 0