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DCCCC.XXXV, ' La Cathédrale Sainte - Réparafe de Nice de ses origines à nos jours Georges DOUBLET La Cathédrale Sainte-Réparate de Nice de ses origines à nos jours 19 34 IMPRIMERIE GASTAUD 16, RUE FONCET, 16 NICE INTRODUCTION Nous voudrio?is donner, d'après les documents des Archives départementales, communa¬ les et paroissiales, une idée de l'intérêt que présente, tant pour les Niçois de naissance ou d'op¬ tion que pour des étrangers, la cathédrale Sainte-Réparate de Nice. L'abbé Célestin Albin de Cigala, jadis vicaire d'une des paroisses de Nice, décédé en 1929 à Paris où il était attaché à la paroisse Notre-Dame de Lorette, essaya de le faire dans une plaquette publiée en 1900. Il avait le mérite de chercher le premier à faire connaître la cathédrale de Nice. Ce fut un de nos amis. Nous avons néanmoins le vif regret de déclarer que son travail a été insuffisant pour beaucoup de raisons. Puissions-nous avoir mieux essayé d'atteindre plus d'exactitude. Que tel visiteur ne s'arrête pas seulement à la première impression que l'édifice peut cau¬ ser, à ce qu'il semble d'abord une banale église du xvne siècle, à ce que les stucateurs en ont surchargé l'intérieur d'anges, d'angelots et de dorures. Qu'il ne le croie pas trop précipitamment dépourvu de toute curiosité. Nous ne lui dirons pas que ce soit un chef-d'œuvre et l'un des plus beaux monuments de France. Mais nous le prierons de vouloir bien l'étudier avec un peu de patience. Peut-être estimera-t-il alors que cette cathédrale mérite quelque attention et n'est point la première venue. Une partie de l'âme de la cité continue à y vivre pour quiconque veut bien se donner la peine d'être un peu attentif. Et ce ne sont pas seulement des souvenirs de l'histoire locale qui se présentent au visiteur à qui il se peut qu'ils soient assez indifférents. Plus d'une fois, c'est l'histoire générale qui réclame ses droits à n'être pas négligée ici; et le visiteur, pour peu qu'il soit averti, a devant lui de grands noms du passé qui méritent son respect. « J'arrive », disait S. Exc. Mgr Paul Rémond, aujourd'hui siégeant à Nice, dans le mandement qu'il data du 8 juil¬ let 1930, jour de son intronisation, « dans une province de vieille tradition chrétienne, où tous les habitants entourent l'Eglise et ses ministres d'une respectueuse sympathie, où l'on aime le culte divin et la beauté des cérémonies liturgiques ». Dans l'esprit de ces paroles, puisse notre travail faire connaître et aimer la cathédrale de Nice mieux qu'elle n'a été jusqu'à présent connue et aimée. Nous avons l'honneur de placer ce qui suit sous les auspices de M. Jean Médecin, maire de Nice et député des Alpes-Maritimes, de la Municipalité, des autorités civiles et religieuses et de nos concitoyens. Nous remercions tous ceux qui auront bien voulu collaborer amicalement à la publication de ce travail. Les notes y ont été volontairement limitées au minimum, afin qu'il soit plus facile à lire. Lorsque Pierre Gioffredo mit son premier ouvrage sous le patronage de la municipalité niçoise de 1657-58, il disait, dans un avis au lecteur : « Mon livre est informe; ce n'est qu'un ourson que d'autres lécheront mieux que moi, une œuvre que certains limeront à nou¬ veau, si je n'y arrive pas. » 7 ........ ■•■W* "■ '.. ■ ST/t -^2 ... m DIDIER PALLETIS, évêque de Nice, qui entreprit, en 1650, la reconstruction complète de la cathédrale ÇGrand Séminaire de Nice) il RAIMOND RECROSIO, barnabite, évêque de Nice, que l'Eglise a déclaré vénérable en 1805. CGrand Séminaire de Nice) iV '-IV. : • V-'- ••• JEAN-BAPTISTE COLONNA D'ISTRIA, évêque de Nice, que Napoléon Ier nomma chevalier de la Légion d'Honneur et Charles-Albert, grand-croix des Saints-Maurice-et-Lazare CGrand Séminaire de NIoeD [ VI i i T* ■ y--"" „, , : • . • . :-: - ' ' - " -. •• ~ ... ' - ' ' . ^ :" . ! ■'■■"' - ... - ' - • . ■ ■ v ' ' - - - - / , '■ ' .... , " - '. 'i'râ ' <\ v,:> ' 3 ^ - M \ 1 /s -^Ë CHAPITRE PREMIER La Cathédrale Sainte - Réparate de Nice de ses origines à nos jours Une tradition acceptée par l'Eglise veut que sainte Réparate ait été une vierge marty¬ risée à 15 ans, à Césarée de Palestine, sous Trajan Dèce. Elle est mentionnée par un texte hagiographique dont l'un des Bollandistes, le P. Suyskens (i), a dit, dans le tome Ier des Acta sanctorum d'octobre, pour le 8, jour où sa mort est placée, que ce récit ne mérite qu'une con¬ fiance relative (« fides sublesta »). Sous le vocable de cette martyre palestinienne est placée, à Florence, une petite église, voisine de la cathédrale. Une autre tradition veut qu'une partie de ses reliques ait été obtenue en 1060 par un Niçois, Rambaud Rostang, et qu'il les ait déposées dans un oratoire bâti par lui au pied de la colline où était la Nice d'alors, dominée par un petit château qui ne cessa de s'agrandir dans la suite. Ce Rambaud Rostang avait pour père Rostang qui, connu de 1032 à 47, est qualifié en 44 de vicomte. Non pas un vicomte de Nice, comme certains l'ont cru à tort (sans parler de ceux qui crurent par erreur et répètent encore, sans se soucier de la vérité historique, qu'il y eut en ces temps-là des comtes de Nice) ; ni un vicomte de Gap, ce que d'autres ont dit à la légère. Le titre de vicomte, porté par Rostang en 1044, tient uniquement à ce qu'il avait l'avoue- rie, autrement dit la charge de défendre les biens et droits temporels, de l'évêché de Vaison (2). Il était l'un des fils du mariage de Laugier, coseigneur de Vence, et d'Odile, laquelle, mariée d'abord avec Miron, peut-être un seigneur des environs de Nice, avait eu de celui-ci Ponce, qui fut évêque de Nice au moins depuis 1010 jusqu'à 30. Un frère de Rostang, Pierre, fut évêque de Sisteron avant 1030 et le resta jusqu'en 40 ou 41. Un autre, Rambaud, eut de sa première femme (nommée Accélène ou Gisèle) ou de la troisième (Adélaïde) Pierre, qui a été évêque de Vaison d'environ 1059 à 92 et qui donna en 1073, le 21 avril, moyennant « le cadeau de deux chapes et d'une crosse, toutes trois très belles », à l'évêque pro tempore de Nice, non pas, quoique cer¬ tains le répètent à la légère, « le comté de Drap » (qui n'existait pas et qu'il n'avait pas le pou¬ voir de créer), mais simplement le fief, sans autre qualificatif, de ce village. Un acte dont l'ori¬ ginal ne se retrouve pas, mais dont il existe deux copies anciennes. (1) Mort en 1771 à Anvers, dans la maison professe des Jésuites ; le dernier Bollandiste qui y ait terminé sa vie. Lors de la campagne scientifique de 1752, où le P. Stilting se l'était adjoint, Benoit XIV leur avait témoigné, à Rome, une bienveillance qu'il convient de rappeler. (2) On ne saurait trop répéter à ceux qui ne le savent pas ou veulent l'ignorer que le mot « comitatus » est, dans beaucoup de textes du XIG siècle, synonyme d' « episcopatus » et par conséquent signifie diocèse. Rostang est qualifié de vicomte parce qu'il veille au temporel du « comitatus », autrement dit de 1' « episcopatus » ou diocèse de Vaison. Le « comitatus Niciensis » ou « Cimqlensis sive Niciensis » dont parlent des textes d'alors (l'un d'eux porte « comitatus sive episcopatus Niciensis ») n'est pas un comté dans le sens où nous prenons le terme. 9 Le royaume d'Arles ou de Bourgogne-Provence avait cessé d'exister en 1032. La Provence constitue depuis 979 une marche qui avait été créée par le roi contre une menace éventuelle des deux derniers rois carolingiens de France, Lothaire et son fils, le futur Louis V, qu'il s'était associé. En 1073, date où l'évêque de Vaison, cousin germain de Rambaud Rostang, donne Drap à la mitre pro tempore de Nice, le marquisat de Provence appartient au comte de Provence Ber¬ trand (un descendant de la famille comtale d'Arles) pour les 5/8 et, pour le reste, à sa sœur Ger- berge. Elle hérita de lui, épousa Gerbert, comte de Gévaudan, et lui donna une fille, Douce. Celle-ci se maria en 1112 avec le comte de Barcelone Raimond Bérenger III, chef de la maison de la marche d'Espagne, lequel devint ainsi le comte de Provence Raimond Bérenger Ier. Un acte, dont il n'existe qu'une copie du xviii" siècle, signale la chapelle Sainte-Réparate parmi les possessions de l'abbaye bénédictine de Saint-Pons. Il sembla aux éditeurs du chartrier de celle-ci dater d'environ 1075. Elle est mentionnée dans une bulle de Luce II de 1185 O) qui indique qu'un prieuré y était établi. Le nom du premier prieur que l'on connaisse est dans un acte de 1203, dont il existe une copie du XVIII* siècle, prise, à en croire celle-ci, sur une du xxne. Pour l'histoire de cette chapelle, bornons-nous à quelques détails. En 1208, le chapi¬ tre de la cathédrale Notre-Dame se plaint de ce que les moines baptisent à Sainte-Réparate, y enterrent sans en avoir le droit et reçoivent « injustement des dîmes dues non à leur couvent, mais à la cathédrale, en tant qu'église-mère (tanquam ad matrem) ». En 46, l'abbaye reçoit d'un subdélégué apostolique, et malgré les protestations des chanoi¬ nes, « les droits paroissiaux sur les gens des faubourgs et agrandissements de la ville, notam¬ ment à la Condamine supérieure et à l'inférieure de Sainte-Réparate ». Acte promulgué dans cette église, « devant l'autel de la sainte ». En 54, mention d'un cimetière joint à cet édifice. En 1315, d'une habitation que l'abbé avait dans Nice et qui, d'après un acte de 65, était contiguë à cette chapelle. Le nom d'une de nos rues actuelles au sud de la cathédrale, « rue de l'Abbaye », évoque cette maison. En 67, le « chapelain » de Sainte-Réparate porte le titre de curé : il est en même temps prieur, non pas, comme celui de 1185, de Gordolon près de Roque- billière, mais d'une chapelle construite au pied de Gattières, non loin du Var, Notre-Dame. En 1406, un curieux incident, consigné dans un registre, qui appartient à la Bibliothèque Vaticane, du cardinal Antoine de Challant, qui avait été secrétaire de l'antipape Benoît XIII. Le 18 août, il est question de démolir, « à cause d'incursions de soldats », le couvent de Sainte- Croix que les Frères mineurs possédaient depuis 1250 et qui prit, dans le dernier quart du xv" siècle, le nom de Saint-François. Les syndics de Nice réclament « les os » de sainte Réparate qui, après avoir « reposé de longues années au château », avaient été « donnés en dépôt », disaient-ils, à ces religieux. Ceux-ci refusent de rendre « le corps », disent que la ville leur en a « fait don » et exhibent un écrit qui en fait foi. L'évêque François, jadis référendaire de la cour de l'antipape qui l'avait nommé au siège d'Imola en 1399 et transféré à celui de Nice en 1403, et tout le clergé niçois veulent reprendre les reliques à main armée, avec l'assistance de soldats, se précipitent dans l'église du couvent et forcent l'autel où elles reposaient. Les Franciscains accourent et empêchent l'évêque de les emporter. Benoît XIII, qui est à Nice, décide, après avoir consulté trois des cardinaux de son obédience (Nicolas Brancaccio, un Napolitain, de qui Challant fait par erreur un Alban et un sujet du roi de France, Pierre du Puy, un Français, et Amédée de Saluzzo, un Lombard), décide qu'elles appartiennent à la ville et au clergé et les (1) Le régime seigneurial a fini à Nice en 1144 ou bien vers 1144 où l'on trouve le régime municipal. 10 remet en présence de ces trois cardinaux, à François et à ses prêtres qui, « pour plus de sûreté (ut securius servaretur corpus) », reportent ces restes de la vierge martyre au château de Nice et les placent dans le côté droit de la chapelle Saint-Lambert. « Quelques mois après, comme l'on craint une irruption de soldats », ils les portent à l'abbaye de Saint-Pons, selon l'avis des trois cardinaux et d'un quatrième (Pierre de Turey, un Français) et, en présence de 13 citoyens et de 3 ecclésiastiques, les confient à l'abbé, au prieur, au procureur et au sacriste, qui, après avoir juré de les remettre, dès qu'ils en seraient requis, à la ville et au clergé, les placent dans le côté droit de leur église, dans une petite caisse (capsula) de bois, sur un autel de pierre. Comme les Franciscains ne dissimulent pas qu'ils sauront les enlever, l'antipape charge P. du Puy et A. de Saluces, peu après, de les mettre dans un autre lieu de l'abbaye et sous un nom, « qui ne fût pas communément connu (quod non esset commune), de quelque sainte qui fût connue dans la contrée (alicujus sancte cognite in regione) ». Ils les placent sous celui d'une sainte Simplicie, vierge et martyre (1 ), dans un creux d'un mur d'une petite chapelle où, hors de leur église, on enterrait les Bénédictins. Afin qu'on le retrouve un jour, ils scellent une pierre de 3 ou 4 palmes de long sur un de large (78 à 104 cm. sur 26), « où est gravée l'Adora¬ tion des Mages (lapis in quo incisi sunt Magi Reges, simul accincti et annexi cum camellis, ado¬ rantes Dominum) ». Benoît XIII trouve que l'endroit n'est pas convenable pour une « relique si insigne ». Les deux cardinaux la placent à la droite du maître-autel de « la partie inférieure » de l'église, sous une inscription qui disait : « Corps de sainte Simplicie, vierge et martyre ». Une attestation est remise à l'abbé Paul Laugiero et déposée dans les archives de l'abbaye. L'oubli tombera pour très longtemps sur cette histoire fort compliquée. En 1422, l'abbé de Saint-Pons Louis Badat, qui devint évêque de Nice en 18), donne à la confrérie, récemment fondée, des Pénitents noirs (ou de la Miséricorde) un local ou terrain au sud de la chapelle, pour que cette association y construise un oratoire contigu à l'édifice. Un inventaire de 40 montre que Sainte-Réparate possédait notamment « une grande croix d'argent doré, garnie de quinze boutons et placée dans une grande caisse »; que ce coffre « est dans la sacristie neuve et avait été dans la grande salle (aula) du prieuré ». En 54, le Conseil de ville, sur une demande « du prieur de la paroissiale Sainte-Réparate », décide de l'aider « à réparer et agrandir » l'édifice et en particulier le clocher. Au xvie siècle, le haut de la colline où se dressaient sur le plateau de l'est la cathédrale Notre-Dame (2) et dans la partie de l'ouest le château ducal devient, sur l'ordre du duc Char¬ les III, un ensemble de puissantes fortifications. Au milieu des ouvriers et des soldats, la vie n'est plus tenable là-haut pour les gens d'Eglise, qui souhaitent que le siège du diocèse soit trans¬ féré dans les quartiers inférieurs. D'où, de longues tractations qui allaient durer plus de trois quarts de siècle et dont voici l'essentiel. Elles semblent avoir commencé en 1512, Jérôme de Capitani d'Arsago, élu d'Ivrée, ayant été en septembre précédent transféré à l'évèché de Nice. Il aurait, ou le souverain, promis 300 écus d'or pour l'aménagement d'une nouvelle cathédrale. En 17, le duc, qui se méfie de (1) Auprès de Lucéram, dans la chapelle Notre-Dame dé Piété-, il y a un retable qui, probablement enlevé de l'église de ce village, fut retouché dans le premier quart du siècle dernier. Un des personnages y représente, d'après l'inscription, non pas « saint Simplice » (quoi qu'en ait dit èn Î912 l'auteur d'une monographie de cette com¬ mune), mais la sainte si connue, à en croire la notice du XVe siècle. (2) A noter que c'est seulement l'évêque Chuet (mort eh 1601) qui, dans la fin de son épiscopat, au moins depuis 1480, décembre, joint à son prénom la formule f évêque de Nice et comte (episcopus Niciensis et cornes) ». Comte d'où? De Nice? Personne ne l'imaginera. De Drap ? ce n'est pas dit. 11 son neveu le roi de France François Ier, presse les travaux. En 21, à l'automne, à cause de ces chantiers, son mariage avec une infante de Portugal est bénit non à Notre-Dame, mais fians les quartiers inférieurs, dans l'église des Dominicains (qui n'existe plus depuis la construction du palais de Justice). En 25, à la suite de différends entre le chapitre et l'abbaye de Saint- Pons, Martelli, vicaire du commendataire de celle-ci (le cardinal diacre de Saint-Eustache Paul Medici de Caesis), s'adresse au pape Clément VII et dénonce les violences des chanoines. En 28, à Chambéry, Martelli veut remettre le monastère au pape qui, sous réserve de la renon¬ ciation du commendataire (le cardinal Innocent Cibo, neveu d'Innocent VIII et, par sa mère, de Léon X), l'unirait à la construction d'une nouvelle cathédrale de Nice et d'un nouveau palais épiscopal. Il suggère, non sans demander une pension, que Sainte-Réparate soit démembrée de l'abbaye et unie à la cathédrale, aûn que les chanoines, « qui n'ont pas un lieu fixe », puis¬ sent y célébrer leurs offices. Je ne sais quelle intervention du duc, mentionnée dans un acte de 29, empêcha de réaliser ce projet; il mit la main sur le monastère. Mais en 31, octobre, Mar¬ telli cède Sainte-Réparate au chapitre pour y établir la cathédrale, les chanoines cédant la paroissiale Saint-Jacques à l'abbaye. En 33, à Bologne, « dans la salle inférieure du palais apostolique, près de la fenêtre qui a vue sur la basilique Saint-Pétrone », le duc finit par approuver le projet de transférer la cathédrale à Sainte-Réparate 0 ). Clément VII approuve à son tour. Les chanoines sont autori¬ sés, en 38, à faire leurs offices « dans ce prieuré de Saint-Pons,». En 42, janvier, sur l'interven¬ tion des syndics et de quelques citoyens de Nice, nouvel acte qui stipule que le prieur et l'abbé céderont l'église en échange de Saint-Jacques et dit que l'accord de 33 n'avait abouti qu'à « scan¬ daliser » la population. Là-dessus, mort de l'évêque Arsago. En février, le dataire Capodiferro le remplace. En 44, mai, Jean-Baptiste Provana de Leyni lui succède. Ses statuts de décembre constatent que les chanoines occupent Sainte-Réparate. En 45, l'évêque et eux s'installent, avec l'autorisation de l'abbé, dans la maison abbatiale. En 46, Martelli est remplacé par un homonyme. Provana meurt en 48, septembre, et Paul III lui donne pour successeur, en février sui¬ vant, le Savoisien François de Lambert, qui fit son entrée en 51. Les choses paraissaient réglées, mais ne l'étaient guère; des chicanes s'entremêlaient. En 61, mai, supplique des chanoines au duc Emmanuel-Philibert qu'ils prient d'obtenir du Saint-Siège une bulle qui leur permette de s'installer. Il les prend sous sa protection (2). En août, à Sainte-Réparate, dans la chapelle de la Miséricorde, en présence de trois des syndics et du « curé » de cette église, nouvelle convention signée par le chapitre, le vicaire général, l'abbé et l'un des moines, sous réserve de l'approba¬ tion de Rome. « L'église paroissiale » deviendra cathédrale et l'abbaye recevra Saint-Jacques. Les registres de l'état des âmes, prescrits par le concile de Trente, commencent à être tenus en 64, avril, pour les baptêmes et les mariages. L'église y est appelée simplement « parrochia ». Tout cela n'avait encore rien de définitif. Encore une convention en 76, juillet. (1) Quand l'abbé Albin de Cigala dit que Sainte-Réparate fut « reconstruite en 1532 sur les plans de Bes- ten qui venait de bâtir le pont du Paillon », ce n'est qu'une assertion en l'air. (2) Les chefs de la Maison de Savoie n'ont guère porté que le simple titre de « seigneurs » de Nice jusqu'à la fin du 3e quart du XVIe siècle. Le titre de « comte » de Nice, surgi comme par hasard dans un acte de 1392, repa¬ raît en 1554 ; puis il est rare jusqu'en 1574. Le terme de comté est un peu plus fréquent. Voir « Nice historique », 1934, fascicule de janvier-février. D'autre part, c'est l'évêque Lambert qui, le premier, au moins depuis 60, avril, porte le titre de « comte de Drap ». L'origine de ce qualificatif est inconnue. Mais il a duré. 12 En 83, mai, une délibération du Conseil de ville ne donne pas à Sainte-Réparate le titre de cathédrale. Elle était, du moins dans une de ses parties, en voie d'agrandissement. Une diffi¬ culté retardait les travaux. Ne fallait-il pas acheter et démolir une maison ayant appartenu à un Richardo qui était mort et dont les deux filles étaient appelées à hériter de lui ? D'où, quatre délibérations communales où l'édifice est nommé simplement « église », jamais cathédrale. Celle de mai 83 (il y en eut une en juin suivant et deux en 87, janvier) parle de « la nouvelle construction (la nova fabrica) que l'on fait maintenant dans l'église Sainte-Réparate ». L'évêque Lambert meurt en août suivant. Il avait, en 78, février, béni dans ce petit édifice le mariage d'Annibal Grimaldi, fils du baron (et futur premier comte) de Beuil Honoré, avec Anne Provana de Leyni, fille de l'amiral ducal André sous le commandement de qui les galères d'Emmanuel-Philibert s'étaient distin¬ guées dans la bataille dite de Lépante. Lambert n'avait pas paru dans deux autres mariages célébrés à Sainte-Réparate. En 77, février, celui de Bernardin de Savoie, chevalier de l'An - nonciade, comte de Cavour (il descendait d'un bâtard de Louis de Savoie-Achaïe) et gouver¬ neur du fils d'Emmanuel-Philibert, avec sa cousine germaine Isabelle, veuve de Philippe de Montjouant (la dame qui aurait en 60, à ce qu'on dit, joué le rôle de la duchesse Marguerite pour duper le corsaire musulman Occhiali et faire baiser sa main à ce renégat, convaincu que, en retour de ce qu'il aurait rendu la liberté au duc, fait prisonnier vers le cap Saint-Hospice, il avait l'honneur de présenter ses hommages à la tante du roi de France François II). Le prince Charles-Emmanuel assiste à la cérémonie où son gouverneur prend femme; « toute la cour » y est également. En 78, février, « l'évêque de Vence » P) bénit à Sainte-Réparate le mariage, auquel le duc assiste, de Joachim de Simiane avec Victoire Grimaldi, sœur d'Annibal, qui se maria dans cette église la semaine suivante. L'évêque Pallavicini de Ceva, fils du marquis de Ceva Jules-César et frère d'une poétesse qui avait fait imprimer ses œuvres à Lucques en 69, remplace Lambert en 83. En 85, juin, il reçoit « à la cathédrale », comme dit Gioffredo, le duc de Savoie Charles- Emmanuel I6r et l'infante d'Espagne Catherine-Micheline, fille du roi Philippe II. Le cardinal Granvelle, archevêque de Besançon, leur avait, en mars, à Saragosse, donné la bénédiction nup¬ tiale. Us débarquent sur la plage de Nice, au pied du rempart sud dont l'actuelle terrasse exté¬ rieure occupe l'emplacement. Grégoire XIII, mort le 24 avril précédent, avait béni, le quatrième dimanche de Carême (le 31 mars), la Rose d'or qu'il destinait à la petite-fille de Charles-Quint, devenue duchesse de Savoie. Sixte-Quint a chargé l'évêque d'Albenga, Luc Fiesco, de la lui remettre. Ce prélat s'en acquitte sous un arc de triomphe momentané, œuvre d'un Ardenti, « peintre et sculpteur » du duc. Pallavicini assiste à la cérémonie en habits pontificaux, entouré de son clergé, et donne ensuite, du haut d'un autel installé à la sortie de ce monument destiné à n'être qu'éphémère, la bénédiction du Saint-Sacrement aux souverains. Puis, « alla cathé¬ drale », écrit Gioffredo, « Mgr vescovo recita una breve e dottissima orazione, la quale finita che ebbe, bacia le mani alla duchessa ». A la cathédrale ? Mais Notre-Dame du Château est trop peu accessible depuis longtemps. Il doit s'agir de Sainte-Réparate qui n'est pas encore le siège du diocèse. L'historien niçois lui prête le titre qu'elle avait lorsqu'il écrivit. En 87, juin, en 88, janvier et juin, le conseil de ville veut « contribuer à.la construction (la fabrica) » en faisant du cimetière, qui était au nord, une place publique. Mais il demande (1) Louis Grimaldi de Beuil, ancien évêque de Vence et oncle d'Annibal. 13 que les voisins, qui en bénéficieront, supportent les deux tiers des frais. Dans ces trois délibéra¬ tions, l'édifice n'est pas qualifié de cathédrale. Il est vrai qu'en 86, juillet (et ceci complique la question), un acte passé entre l'abbé de Saint-Pons et les chanoines, « dans l'habitation de l'évêque », mentionne un trésorier élu par le chanoine prieur (celui-ci agissait en tant que com¬ missaire de la nonciature à Turin pour la perception des dépouilles de feu l'évêque Lambert) et par le chapitre pour « la construction de la cathédrale »; et qu'en 87, mars, un acte reçu à Lan- tosque indique une chapellenie de Sainte-Anne qui était « dans l'église du château (in ecclesia arcis) ». Donc Notre-Dame n'est pas qualifiée de cathédrale. On est porté à croire que c'est en (ou vers) 90 que Sainte-Réparate devient cathédrale. En cette année, le journal, dont Scaliero cite un passage, d'un Niçois, Jean Bochio, dit que Pallavicini officia devant le duc « nella chiesa cattedrale di Santa Reparata ». En outre, si l'on examine soigneusement les registres de cette paroisse, on remarque qu'elle est qualifiée de cathé¬ drale dans celui des baptêmes, en juin 90, le 12, où un « curé », Arnous, inscrit deux actes aux¬ quels il joint des mots qu'il importe de noter. Dans les actes de ce genre, il se bornait jusqu'au 7 à se qualifier de curât ou de curatus, selon qu'il usait de l'idiome local ou du latin. Mais, le 12, s'il se qualifie seulement de curatus Dive Reparate sur l'un qui est en latin, il s'intitule curât de l'eglise catredalo de Nizza sur un autre qui est en niçois. De plus, il ajoute en latin un souhait à noter, qu'il rédige en termes à peine différents. Sur le premier, In eternum vivat, qui te scrip- sit; sur le second, il remplace par un banal Diu les deux premiers mots. Or, sur les actes anté¬ rieurs, rien de tel. Enfin, en marge de ces deux actes et perpendiculairement aux lignes qu'il vient de tracer, il écrit Justum est regnum celorum. Pourquoi cette affirmation et ces souhaits ? N'est-ce pas en raison de ce qu'Arnous est heureux d'être devenu, sinon le 12, du moins entre le 7 et le 12, curât d'une église devenue une catredalo ? En second lieu, le journal de Jean Bochio appelle Sainte-Réparate, à propos de 90, 29 septembre, chiesa cattedrale. Enfin, en 90, 2 décembre, lorsque le chanoine infirmier baptise un Karadja Rabbe, fils d'Ali, « Turcho délia terra di Lenosam del regno di Fes », il signe en s'intitulant « infirmario délia présente chiesa cathédrale ». Pallavicini y sacre deux évêques. En 92, mai, où il est assisté par « l'évêque de Vence » et celui d'Albenga, il impose les mains à Guillaume Le Blanc, à qui Clément VIII venait de per¬ mettre en février d'unir les sièges de Grasse et de Vence. En 93, décembre, où « l'évêque de Vence » (1) et celui de Vintimille l'assistent, au prévôt de notre chapitre, Clément Isnardi, jus¬ que-là vicaire général de Nice, qui devenait évêque de Glandèves. Il n'y confère qu'une fois le baptême, en 98, le jour de la Toussaint, moins de quatre semaines avant de mourir en visite pas¬ torale à Eze : c'est à un juif. Parmi les autres baptêmes conférés dans cette église sous son épiscopat, notons trois musulmans : outre celui dont il a été parlé, voici deux Barbaresques, Ayaadac (95, mai) et Bagarin (96, avril). Par charité chrétienne, les parrains leur donnent comme « cognome » le leur : ainsi le Marocain devient un Drago, Bagarin un Grimaldi, et Ayaadac un « Grimaldi di Boglio » (l'addition du titre féodal va vraiment trop loin), parce que tous deux ont pour parrain le second comte de Beuil, Annibal Grimaldi, gouverneur du comté de Nice. Parmi les autres parrains, en 85, février, l'archevêque de Bari Antoine Del Pozzo (représenté par le premier comte de Beuil, Honoré Grimaldi) ; en 94, janvier, « l'évêque de Vence et abbé de Saint-Pons ». Pallavicini ne bénit aucun mariage. A noter en 95, juin, celui d'un « Grimaldi de Beuil » (2) et d'une Ferra. D'autre part, quatre mariages ont eu lieu en 89, (1) C'est encore de Louis Grimaldi de Beuil qu'il s'agit dans cet alinéa. (2) Prénommé Jean-André. C'est le ci-devant Barbaresque Ayaadac. 14 avril, dans cette église, « davant l'autar de la Misericordia », et trois y sont célébrés, en mars suivant, « dans la chapelle de la Miséricorde ». Pallavicini a donné des statuts dont une copie existe dans un manuscrit de la Bibliothè¬ que Inguimbertine de Carpentras. Son successeur en a reproduit dans les siens divers détails qui semblent concerner spécialement Sainte-Réparate. Ainsi il interdit aux « clercs » de s'éloi¬ gner « de l'église sans la permission du curé ou du maître de chapelle (1) ou du chapitre », et aux laïques de jouer à quoi que ce soit, durant les offices, soit dans une rue, soit notamment sur une place voisine « de l'église » (2), sous peine d'une amende de 3 écus dont un quart revien¬ dra au dénonciateur. D'autres interdictions ont, semble-t-il, un caractère plus général. « Les clercs » ne porteront pas, à moins d'un motif qui justifie « leur peur (3) », de capes munies de manches (4) ; il semble craindre qu'ils n'y dissimulent une arme et ne cèdent à un mouvement de colère. Ils ne joueront ni aux cartes, ni aux dés, ni « aux gros ballons » (5), ni « à ces boules que l'on pousse avec des maillets de bois » (6), ce qu'on appelait le jeu de crosse. Ils ne pren¬ dront aucune part à des tournois (7) et ne regarderont pas les gens qui se livrent à l'un de ces cinq divertissements. Ils pourront jouer à la petite balle (8), mais seulement de loin en loin et pour une raison de santé; encore devront-ils ne le faire ni en public ni pour gagner la somme la plus légère. Pallavicini paraît combattre ainsi tout ce qui pourrait pousser les « clercs », soit à la colère, soit à l'avarice. Quant aux laïques, il leur interdit, sous peine de telle sanction que l'Ordinaire prendra, de chanter tel Noël qui soit burlesque (9). Quelle idée pouvons-nous avoir de l'édifice qui disparaîtra à partir de 1650 ? Il ne faut regarder qu'avec prudence la gravure (datant d'environ 1543) d'Eneà Vico, qui représente le siège de Nice par les Turcs et les Français ; le dessin qui est dans la vue de Nice du livre, publié en 1575, de Belleforest. C'est sans doute d'après cet ouvrage que l'abbé Albin dit que c'était « un magnifique édifice de style ogival d'après le procès-verbal d'une visite pastorale ». Mais ce pro¬ cès-verbal n'existe pas. Il aura métamorphosé un dessin fantaisiste, qui existe, en un procès- verbal, qui est imaginaire, d'une visite pastorale, qu'il n'aurait pu dater. Bornons-nous à deux dessins plus précis. Le plan de Nice que le peintre niçois Jean-Louis Baldoino fit pour les Jésui¬ tes, arrivés ici en 1606, juin ; il fut payé par la municipalité et aura servi à la gravure (œuvre d'on ne sait qui), laquelle fut faite à Rome en 1610 et dédiée par le Niçois Pastorelli à son protecteur, le second comte de Beuil, Annibal Grimaldi, alors gouverneur du comté de Nice. Et la vue, datée de 1625, de Nice par un certain Laurus. Sur ces deux dessins, plus nets que les anté¬ rieurs (chez Vico il y a de la confusion, et chez Belleforest au moins de la gaucherie), Sainte- Réparate n'est pas de style ogival, malgré la fantaisie de Belleforest qui n'aura pas visité notre ville. Mais l'église est caractérisée par une coupole à lanterne (ce que les Niçois du xvii' siècle appelaient « le trône ») et par un clocher dont vous verrez qu'il était inachevé en 1601 (1°) et que l'évêque Martinengo le termina tant bien que mal 17 ou 18 ans après. Enfin consultons les documents inédits dont je vous résume ici les plus importants. (1) c Magister musices ». Noter qu'il leur prescrit, d'autre part, d'apprendre la musique. (2) « On pense ainsi à la place aux Herbes et a la rue qui passe à l'ouest de l'édifice. (3) « Justa causa timoris ». (4) « Capae manicatae ». (5) « Pila major ». (6) « Globi qui malleis ligneis impelluntur ». (7) « Hastiludia ». (8) « Parva pUa ». (9) « Risum movens ». (10) Donc il est trop beau chez BeUeforest où il a une haute flèche que flanquent des clochetons. 15 L'église ouvrait au nord sur l'ancien cimetière, devenu, vous l'avez vu, une place publi¬ que : la place aux Herbes, comme on l'appela. Il s'y voyait un puits 0) et un orme (2) plus haut, dit un texte de 1622, que le toit de la cathédrale. Cet arbre était « chargé de moins de feuilles que de moineaux, dont il suffisait d'un seul coup de mousquet pour abattre des quantités ». Il était plus que bicentenaire, si ce fut en 1622 l'orme dont parle un acte de 1401. A l'intérieur, une seule nef, bordée d'autels dans des chapelles t3). La confrérie du Saint- Sacrement en possédait deux au sud : l'une, la plus ancienne, à l'emplacement où vous voyez la chapelle Saint-Joseph, et une contiguë, là où se trouve maintenant la chapelle de la Sainte Vierge et de sainte Rosalie. En 1593, juin, une inhumation a lieu « dans la chapelle du Saint- Sacrement ». Egalement au sud, la confrérie de la Miséricorde ou des Pénitents noirs possédait deux chapelles, dont l'une, concédée à la corporation des maîtres maçons, était (une inhuma¬ tion y a lieu en 1602, janvier) sous le vocable des Quatre saints couronnés. Elle avait été auto¬ risée vers 1422 à bâtir « un oratoire » dans un local dépendant de Sainte-Réparate. La confrérie avait un mont-de-piété donnant sur ce que nous appelons la rue Sainte- Réparate, « près de la petite porte de l'église », dit l'évêque Martinengo en 1606. Ses deux cha¬ pelles étaient dans la partie sud-est de l'église. L'actuelle chapelle des Quatre occupe sans doute l'emplacement de celle dont il est parlé en 1602. Il semble qu'un passage conduisait de l'église au palais épiscopal et ouvrait où est l'actuelle chapelle Sainte-Réparate. Rien ne per¬ met d'avoir une idée des chapelles du côté nord. On ne sait où placer l'autel des Reliques dont l'évêque Pallavicini s'est occupé à deux reprises. Une inscription disparue, dont il survit une copie, dit qu'il fit la récognition de reliques de la Sainte Croix et des saints Jean-Baptiste, Pierre, Paul et Laurent, jugea qu'elles étaient tenues « d'une manière peu convenable et dans un coin vulgaire (minus decenter et in abscondito) » et les plaça dans un « sacrarium ». Puis il laissa une certaine somme pour l'huile d'une lampe qui brûlerait devant ces reliques (4). Et la chapelle Saint-Joseph où le chanoine Joseph Chiabaudo demanda, en 1649, avril, à être inhumé. Divers textes parlent d'autels qu'on ne saurait placer avec précision en tel ou tel point de la cathédrale d'alors. Un de saint Sylvestre : en 1596, février, une inhumation a lieu « in Santa Reparata a San Silvestro », et en 1605, septembre, « nella sepultura di San Silvestro », ce qui semble indiquer la présence d'un caveau. Un acte de 1604, mai, apprend qu'à cet autel était attachée une chapellenie des saints Honorât, Ponce et Siacre, à laquelle Honoré Martelli, en son vivant abbé de Saint-Pons, avait légué un calice d'argent et une chasuble de satin. Un autel de sainte Elisabeth : le Niçois Fabrice Sforza en est juspatron en 1614, juin, et une inhumation est faite dans cette « chapelle » en 1618, juillet. Probablement aussi un autel de sainte Barbe : dans les comptes capitulaires de 1610 il est dit que « les tapis de sainte Barbe » avaient été réparés. On ne. sait si « la chapellenie de la Madone appelée Quern genuit, adora- vit » (5) , mentionnée en 1619, novembre, où le chanoine infirmier en était le recteur, était.atta¬ chée à tel autel ou avait le sien en propre. L'évêque Martinengo rebâtit à ses frais et « de fond en comble (a fundamentis) », d'après une inscription de peu postérieure à 1620, l'une des deux chapelles de la confrérie du Saint- Sacrement, celle dont l'actuelle chapelle de la Sainte Vierge et de sainte Rosalie OGeupe l'em- (1) Belleforest et Baldoino le donnent. (2) On le voit chez Laurus. (3) Comme dans les églises Saint-Martin, Saint-Jacques de- jadis, Saint-Jacques d'aujourd'hui et Saint- François-de-Faule. (4) En mourant, il laissa, dit Scaliero, pour l'entretien d'un maître de chapelle 300 écus d'or que le chapitre plaça sur la ville au taux de plus de 8 %. • (&) « Adoratrice de son divin Fils ». 16 placement, et il y établit en 1612 un caveau pour lui et ses successeurs. Sur la pierre tumulaire on lisait, rédigés en latin, deux distiques et une ligne en prose. Après sa mort, la confrérie plaça sur un des murs une longue inscription en latin qui relatait sa brillante carrière de prêtre, de religieux et de diplomate et fut brisée accidentellement à la fin du xvii0 siècle. Le testament, daté de 1646, juin, du chanoine prévôt Rossignoli montre qu'il existait, alors du moins, un « ca¬ veau capitulaire », où il demanda à reposer. L'évêque Martinengo (1) fait son entrée en 1601, le 16 janvier. Le 30, à la nouvelle que la paix fut, le 17, signée à Lyon entre le roi de France Henri IV et le duc de Savoie Charles-Emma¬ nuel Ier (2), il chante le Te Deum. Le 6 suivant, pour le même motif, il préside une procession d'actions de grâces. Le 26 mai, il inspecte la cathédrale. Il prescrit que le clocher (on verra qu'il n'était pas achevé) soit réparé dans sa partie supérieure; qu'on en retire le lit du sonneur, « vu que l'autel est en dessous »; que nul ne couche plus dans cette pièce; que toutes les toitures soient réparées dans les deux mois, vu que la pluie s'infiltre dans l'édifice; que les confession¬ naux soient placés dans des endroits plus discrets; que les divers revenus, notamment ceux de la confrérie du Saint-Sacrement, soient inventoriés avec plus de soin. L'armoire des reliques sera peinte à l'intérieur, tendue de soie, ornée d'un tendelet sur le devant et munie de petits trous vitrés par où les fidèles puissent lire « les inscriptions des bulletins des reliques ». Le reli¬ quaire de sainte Réparate, garni d'une étoffe de soie « avec une ouverture ». Martinengo préside un synode en avril 1602, les séances ayant lieu tantôt à la cathédrale, tantôt au palais épiscopal. En voici les principales ordonnances. « La cathédrale et paroisse de Sainte-Réparate et du Château... Saint Basse, martyr, fut le premier évêque (3) ; saint Siacre, confesseur, le second (4)... Il sera établi des orgues dans la cathédrale (5)... et des archives à l'évêché... Les chanoines ne devront pas se livrer aux j eux, danser, aller dans les cabarets, chas¬ ser, notamment aux oiseaux (6) ; durant les offices, il leur faudra chanter, ne pas bavarder, éviter les conflits de préséance, se déplacer avec réserve et piété ». Ce qui suit, peut concerner Sainte-Réparate aussi bien que telle église du diocèse. Les détails n'en sont pas moins des plus instructifs pour cette époque lointaine. Le tableau de l'autel ne sera pas trop vieux et n'aura « rien de ridicule et de profane » (7). Il y aura à droite de l'autel, une fenêtre ; mais elle sera grillagée pour que n'entre « ni un serpent, ni une hirondelle, ni une bête nuisible et immonde, ni une araignée ». On ne mettra sur l'autel rien de vain ou de superstitieux. Il ne servira à rien de profane, à nul sortilège. On chassera des églises les chiens; on y supprimera « tous les mau¬ solées (8), tant de marbre que de fer », s'ils empêchent d'approcher des chapelles, surplombent l'autel ou y sont adhérents, ainsi que tous ces colliers ou chaînes que l'on met au cou des malfai¬ teurs. On n'y poussera pas de cris (9) durant les enterrements, sous peine de 50 pièces d'or et, dans ces circonstances, on ne mettra rien de superstitieux dans le nombre, soit de cierges qui brûleront, soit de messes qui seront célébrées. Dans les processions ne figureront pas « des gens (1) Un Rasino qui semble avoir adopté le nom de Martinengo par reconnaissance envers on ne sait quelles bontés de cette famille, (2) Dans des instructions confidentielles qu'il avait données, le 8, au prélat qui allait partir de Turin pour venir prendre possession de son siège (elles sont conservées à l'Archive d'Etat de Turin), on note cette recomman¬ dation. « Nous savons parfaitement (benissimo) que les Niçois aiment la licence et la violence plus que les Fiémon- tais et y sont poussés notamment par. leur pauvreté. Mais, pourvu qu'ils soient fidèles comme ils l'ont toujours été, il faut supporter ces défauts naturels avec la prudence et la douceur que l'on a eues jusqu'ici ». (3) Tradition admise par l'Eglise. (4) Erreur que l'Eglise n'a pas sanctionnée. Dans une autre page du livre où il publia ses ordonnances, Martinengo (ou l'imprimeur dont il n'aura pas rectifié l'inexactitude) le qualifie de premier évêque. (5) Et, suivant les ressources, dans d'autres églises. (6) « Aucupia ». (7) « Nihil quidquam scurrilis, prophani et lascivi. » (8) « Mausolea ». (9) « Clamores et ejulatus ». 17 déguisés en démons, en chevaux, en lions ». Les cimetières ne serviront pas « aux jeux, mar¬ chés, bacchanales C), festins ». Les chapelles ne seront pas des endroits infects » (2). Les prê¬ tres (ici Martinengo renchérit sur les mesures de son prédécesseur) devront ne danser ni en public ni en privé, ne pas regarder les gens qui dansent, ne pas jouer de comédies, ne pas aller où il en est représenté, ne pas porter de longs cheveux, de longues barbes, de souliers rouges ou verts en public, de petits escarpins (3) « perforés ou tailladés », ne se livrer à aucun jeu défendu (4), ne pas regarder ceux qui s'y livrent ni les « mimes, jongleurs et histrions », ne pas se promener la nuit venue, ne pas entonner des chants profanes dans les rues, ne pas exécu¬ ter de morceaux de musique, ne pas se masquer, ne posséder ni chiens ni éperviers, ne por¬ ter ni une bague (à moins qu'elle ne corresponde à une dignité) ni (sinon en voyage, avec l'au¬ torisation de l'Ordinaire, mais seulement pour en imposer aux bandits et à charge de n'en faire jamais aucune sorte d'usage) « des armes, notamment des arbalètes, escopettes, objets d'hast ou de trait » (5). Ils devront posséder une bibliothèque dont Martinengo indique les livres essentiels : Concile de Trente, Catéchisme romain, diverses Sommes (notamment, cela va de soi, celle de saint Thomas d'Aquin), la Bible en latin, l'Index des livres défendus, le Bré¬ viaire, le Missel « naguère réformé », l'Ordinaire de l'office, le Petit office de la Sainte Vierge, l'Office propre (avec la messe) du Saint Suaire, le Légendaire du Christ et des saints » (la Légende des saints de Jacques de Voragine ?) etc... Le clergé devra être sévère à l'égard des blas¬ phémateurs (6), histrions, bohémiens (7), hérétiques, juifs (8), gens qui s'occupent de « malé¬ fices, sortilèges, fascinations, enchantements, nécromancie, géomancie, pyromancie, chiroman¬ cie, philtres, striges, lamies, etc... ». Les fidèles ne devront point porter de reliques appendues à leur cou; ni les femmes, avoir dans les églises des sièges qui se fassent remarquer; ni les acteurs, représenter, sans l'approbation de l'Ordinaire, la Passion de Notre-Seigneur, des épi¬ sodes de la vie des saints, leur martyre. En 1603, Martinengo règle un différend survenu entre ce corps et le chanoine sacriste. La moitié des oblations faites à l'église du Château, l'émolument de la grande croix que l'on porte aux enterrements, le quart des oblations que les autres églises font à la cathédrale, appar¬ tiendront à ce prêtre, qui devra en retour, à ses frais, nettoyer les chandeliers du maître-autel de celle-ci, faire brûler 13 brandons aux grandes fêtes, en fournir un « selon l'usage antique », pour la Chandeleur, à l'Ordinaire et à tout chanoine assistant à la grand'messe, et; pour le jeudi saint, fournir l'huile destinée au saint chrême. Ce règlement de mars fut modifié en août. Moyennant une pension annuelle de 16 écus d'or, le sacriste, conservant « l'honneur, la dignité, la prééminence et le soin, qu'il a pris jusqu'ici, de la sacristie », se dessaisit de ce qui lui avait été accordé ainsi que de ce que rapportaient « la sacristie et le luminaire des Apôtres » ; le chapitre assurera les dépenses que ce chanoine avait assumées. En 1604, août, il le nomma prévôt (9). (1) « Bacchanalia ». (2) « Loca sordida, ad nauseam inducentla ». (3) « Scarpitulae ». (4) Ici reproduction de la liste donnée par Pallavicini. (5) Balistrae, hastae, sclopetti, tela ». (6) Pour la première faute, 25 ducats d'or. Pour la seconde, 50. Pour la troisième, 100 et l'exil. Il semble d'autre part que l'évêque demande que le coupable reste, pour la première fois, debout une journée entière, les mains liées derrière le dos, devant la porte de l'église ; qu'il soit, pour la seconde, battu de verges le long des rues ; qu'il ait, pour la troisième, la langue percée, étant mis ensuite aux galères à perpétuité. (7) « Cingarii ». (8) Ils devront porter un bout d'étoffe jaune, ne pas avoir de nourrices ou servantes chrétiennes et, s'ils sont médecins, ne pas soigner de chrétiens. (9) D'ailleurs en vain. C'est au Saint-Père que les circonstances donnaient la nomination. Clément VIII choisit Rossignoli. 18 Cette année-là, le 30 novembre, l'évêque visite sa cathédrale à nouveau. Il constate que les chanoines ne portaient pas de vêtements canoniaux; « ce qui est assez peu convenable ». Il leur prescrit, sous diverses peines (y compris l'excommunication), d'en avoir, « avant la fin de décembre », qui ressemblent à ceux des autres cathédrales « dont les chapitres sont bien réglés ». Quatre lui répondent qu'ils sont prêts à obéir, mais à condition que le Saint-Siège les autorise à prendre un tel habit. Ils prétendaient (et d'autres d'ailleurs) se borner à porter « une bande de toile blanche »; ce qu'ils appelaient leur scapulaire en signe de ce qu'ils obéis¬ saient (selon eux du moins) à la règle dite de saint Augustin. L'évêque tient bon et s'adresse notamment à deux cardinaux, Alexandre de Médicis, archevêque de Florence et préfet de la congrégation des Rites (il devint l'éphémère pape Léon XI en 1605 et ne régna que du 1er au 27 avril), et Aquaviva, archevêque de Naples. Le chapitre a député à Rome le chanoine sacriste qui lui écrit en 1605, février : « Résistez à Sa Grandeur; cela vous coûtera moins de 40 écus; sinon, vous auriez à en débourser plus de 400 ». Ils recourent (à une date inconnue) à la Con¬ grégation des Rites. Ils lui exposent que, depuis le transfert de la cathédrale à Sainte-Réparate, ils ont « dû, faute d'un cloître et d'une habitation canoniale, vivre séparément, devenir locatai¬ res chez des particuliers, ne plus suivre leur règle ni faire la profession qu'elle comporte, et se borner au port de la bande blanche ». Ils ajoutent qu'ils demandent la sécularisation; que Martinengo a écrit là-dessus au cardinal dataire Arigoni. Et qu'il importe que la chapellenie de saint Barthélémy, fondée à la fin du xv° siècle par l'évêque Chuet dans la cathédrale d'alors, soit transférée dans l'actuelle; un autel du saint, bâti ; les six chapelains, mis à même de célé¬ brer les trois messes quotidiennes auxquelles la fondation les oblige et qui, « depuis qu'ils n'ont plus libre accès dans la forteresse », ne peuvent être dites. Le 9 décembre, Martinengo rend une ordonnance contre les hérétiques, sorciers, blas¬ phémateurs, duellistes, usuriers, médecins dont les clients ne se confesseraient pas dans le cas d'une maladie grave, débiteurs de legs pieux, débauchés, contre les gens qui travailleraient un dimanche ou le jour d'une fête d'obligation, ne paieraient point la dîme, ne lui demanderaient pas son avis avant de placer ou changer un banc dans une église, contre les femmes qui fran¬ chiraient la clôture d'un couvent ou entreraient dans une église nu-tête. En 1607, le conflit relatif au scapulaire blanc recommence. « Nous ne sommes pas sous la juridiction de l'évêque. — Portez des habits canoniaux dans la quinzaine. — Nous ne le pou¬ vons. — J'accorde un sursis de dix jours. — Il nous est impossible de déposer notre signe de régu¬ larité. — Vous n'êtes pas des réguliers; chacun de vous vit chez soi; vous avez des biens person¬ nels ». Nous résumons ainsi une série de contestations du 8 août au 5 septembre. Le 1er décem¬ bre, Martinengo interdit le port de l'insigne sans autre délai. Les chanoines en appellent à Rome. En juin 1608, Burrato, lieutenant du protonotaire Crescenzi (celui-ci était auditeur géné¬ ral de la Chambre apostolique), donne, le 6, gain de cause à l'évêque et Crescenzi, le 27, en informe le duc qu'il prie d'obliger les chanoines, sous peine d'une amende de 25 ducats et, s'il faut en venir là, d'excommunication, à se conformer dans la quinzaine aux ordres de Marti¬ nengo et porter un habit canonial. C'est seulement après la mort du prélat qu'Urbain VIII sanctionna la sentence de Cres¬ cenzi en 24, le 12 janvier. L'évêque aura patienté. Quand il teste en 19, le 14 juillet (Paul V l'ayant, par un bref de 13, 7 mai, autorisé à disposer de 3.000 écus d'or au maximum) ; il lègue au chapitre non seulement 100 de ces pièces, pour qu'une lampe brûle sans cesse devant le Saint- Sacrement, et 50, pour chanter un requiem « avec mes armoiries et quelques torches le jour et à l'anniversaire de ma mort ou, si c'est mon successeur qui le chante, le lendemain », mais encore son grand calice, 5 chasubles, 2 mitres, son pontifical, son cérémonial et 100 écus dont les intérêts 19 seront servis annuellement « à l'organiste ou au souffleur des orgues ». Et les exécuteurs testa¬ mentaires qu'il choisit sont deux chanoines, le prieur (qui était son Vicaire général) et soit l'archidiacre, soit le prévôt, tous trois témoins, ainsi que trois autres chanoines, le préchantre, l'infirmier et le curé, de ses dernières volontés. Au surplus, quand Martinengo fit impri¬ mer ses statuts qui parurent en 20, l'année de la mort du prélat, le chanoine prévôt Rossignoli les avait loués dans huit distiques latins qui figurèrent dans ce livre. Il poussa même l'huma¬ nisme jusqu'à y dire ce qui suit. « Pallas, après avoir enfin quitté cette terre indigne, avait dit qu'elle montait dans l'éther. Elle en avait pris le chemin. Mais vint à sa rencontre François (Martinengo), chef et gloire de notre troupeau. Il lui montra ces ordonnances rédigées en ter¬ mes savants et imprimées en grec (!) et en latin. Alors la déesse vierge dit : S'il règne une si grande sagesse sur la terre, à quoi bon me diriger vers le royaume de Jupiter ?... La renommée dit qu'Hercule débarrassa, par des chants anciens, les forêts de leurs monstres et les royaumes de leurs tyrans. Vous, Monseigneur, par vos saintes lois vous repoussez les démons au loin et les forcez à descendre dans les lacs du Styx. Il a la gloire d'avoir vaincu des monstres mortels. Mais vous en aurez une plus grande : celle de triompher des ennemis qui habitent le Tartare » (à savoir l'Enfer). Après la période aiguë de la crise de « la bande de toile blanche », il s'est produit un événement qui aura pu amener les deux parties à l'apaisement. « Le desservant ou curé (ser- viente osii curato) de l'église du Château qui est sous le titre de l'Assomption », l'ancienne cathé¬ drale Notre-Dame, le duc Charles-Emmanuel Ier désire qu'il dirige là-haut une vraie paroisse où il administrera les sacrements aux habitants de la ville supérieure qui sont pour la plupart des fonctionnaires et soldats de la forteresse. Durant le séjour du souverain en 1614, il lui a assuré un traitement annuel de 216 liv., soit 12 s. par jour. Ce prêtre sera à la nomination du gouverneur du Château. En 15, août, au palais épiscopal, en présence de l'évêque et du gouver¬ neur, celui qui avait été ainsi nommé « sous réserve de l'approbation du Saint-Siège », con¬ clut un accord avec les chanoines dont les droits se trouvaient diminués par l'acte ducal. Ils auront le juspatronat; ce curé donnera, ainsi que ses successeurs, chaque année, à la sainte Réparate, à l'évêque, pour le cens cathédratique, un florin et, au chapitre, une torche de cire blanche pesant 3 liv. La cure de Sainte-Réparate n'en restait pas moins diminuée. En compensa¬ tion, dès 17, janvier, Martinengo agrée, sous réserve de l'approbation de Rome, la proposition des chanoines que voici en résumé. « Nous érigeons la cure de la cathédrale en canonicat. De 24 membres que notre corps compta primitivement, il est, par les injustices des guerres (l'inju¬ ria di guerre), tombé à 12, puis à 8. Les curés qu'il nomme, furent d'abord amovibles, puis inamovibles. Il est temps que cette cure revienne, si l'Ordinaire l'agrée, sous l'ancienne admi¬ nistration (l'antico governo) d'un chanoine. L'actuel curé Pierre Raiberti deviendrait chanoine à condition de se conformer à divers principes qu'il serait tenu, ainsi que ses successeurs, de jurer, lors de l'entrée en possession de ce canonicat, d'observer. Il ne siégerait qu'après les 8 autres chanoines, irait aux heures canoniales, jouirait de la maison canoniale qu'on appelle la Clastra (du moins de ce qu'il en faudrait pour lui, son secondaire et le maître de musique), aurait la totalité de ce que rapportent les funérailles et mortalages, excepté s'il s'agit d'un empereur, roi, duc, prince et autre grand personnage où il ne recevrait que la moitié, et, s'il usait d'un diacre et d'un sous-diacre, donnerait un sol à chacun d'eux ». Martinengo approuve, érige sa cure en canonicat, réserve l'approbation de Rome et nomme ainsi Raiberti chanoine curé. Le chapitre charge celui-ci d'obtenir la sanction suprême qui fut accordée, dès le 10 mars, (1) Mot vide de sens. Il n'y a pas une expression grecque dans les « Constitutiones ». Mais un poète a le droit de prendre des libertés. 20 par le vice-légat d'Avignon, Jean-François, des comtes de Guidi Bagni, archevêque de Patras « in partibus », qui devint nonce à Paris en 29 et ensuite cardinal. Martinengo cherche à agrandir les dimensions insuffisantes de la cathédrale. En 16, mars, il demande au Conseil de ville l'autorisation de faire empiéter « sur la place du puits de Sainte- Réparate les autels construits de long en long (di longo in longo) dans la partie nord de cette église ». Le Conseil y consent, à condition que le prélat n'occupe pas plus de 5 à 6 palmes (environ 1 m. 30 à 1 m. 56) et que la ville n'entre point dans les frais. Le même jour, un des cha¬ noines informe le conseil « qu'une personne » (c'était Martinengo qu'il ne nomme pas) désire élever « au nord, près du maître-autel, une chapelle symétrique à celle que l'évêque construit au sud (!) et que cette personne demande que la ville lui donne le terrain ». Les syndics sont chargés d'examiner en quoi cela contribuerait « à la beauté et grandeur de la cathédrale ». En mai, un autre chanoine informe le conseil que le prélat souhaite d'élever, « à gauche du maî¬ tre-autel » (à gauche par rapport au Christ du crucifix de cet autel), « à l'endroit où est le clocher, une chapelle symétrique à celle qu'il construit à droite »; qu'il demande à la ville de l'aider pécuniairement et de lui abandonner 3 maisons, 2 de Jean Capello que des experts estimaient valoir 2.253 écus d'or, et une d'un Cabriero. L'assemblée vote à Martinengo 300 écus d'or payables un tiers lors de la démolition des maisons, un au commencement des travaux de la chapelle, l'autre à la fin. L'évêque construit une chaire qui porta la date de 1604 et ses armoiries; des chancels dont il entoura le chœur. Il reconstruit à ses frais les fonts baptismaux que les chanoines déco¬ rèrent d'une pyramide de bois que dominait une statuette de saint Jean-Baptiste. Il établit des orgues. On conserve deux rapports de lui au Saint-Siège, datés d'époques où, dit-il, la goutte l'empêchait de se rendre « ad limina ». Ils témoignent de ce qu'il fit pour améliorer sa cathédrale et de ce qu'elle était. « L'église était assez mal ornée », écrit-il vers 1606. « Elle est petite. Je l'ai réparée et améliorée de mon mieux. Les autels étaient mal (valde maie) construits. Elle n'avait ni trône épiscopal, ni orgues, ni chancels, ni une chaire qui fût décente, ni des fonts baptismaux qui fussent convenables. J'y ai remédié. Le clocher reste inachevé. La ville ne consent pas à participer aux réparations ». Et vers 1618. « La sacristie n'est guère riche en orne¬ ments. J'ai installé des orgues très belles (perpulchrum organum), une chaire admirable (egre- gium pulpitum), un siège épiscopal qui correspond à la nouvelle forme du cérémonial (ad novam formam caerimonialis redacta sedes), de très beaux (perpulchrum) fonts, un pavement conve¬ nable (decens). J'ai achevé le clocher qui ne l'était pas et qui est magnifique (turris egregia). J'ai blanchi les murailles. L'église avait été, ainsi que les chapelles et autels, dévastée. J'ai tout remis en état et construit une grande chapelle (ampla capella) », celle du Saint-Sacrement où il a voulu reposer. Entre ces deux dates, il vaudrait la peine de lire (mais nous en parlerons en son lieu) l'inventaire, dressé en 1610, des argenteries. A propos de l'orgue, il serait intéres¬ sant de posséder un exemplaire du livre qu'un des premiers organistes de la cathédrale, Jean- Baptiste Délia Faia (ou Délia Fargia), a publié en 1619 à Nice et dont Bonifaci avait un exem¬ plaire au début du siècle dernier. Cela dut être l'un des premiers produits de la typographie locale. L'artiste y avait mis en musique « les vêpres solennelles de toute l'année ». Des docu¬ ments montrent qu'il avait sous ses ordres un Speranza, employé à « tirer les soufflets de l'or¬ gue, chanter au lutrin ou à l'orgue, remettre des peaux aux livres du chœur, réparer les trous du serpent, sonner d'une trompette qu'on avait achetée pour les offices des morts ». (1) La chapelle (d'alors) du Saint-Sacrement. 21 Tous les travaux de Martinengo justifient l'inscription qui « se lisait sur la porte de la cathédrale » l'année qui suivit sa mort, dit Bonifaci. Un de ces distiques subtils, tels que beau¬ coup de vers latins de notre historien niçois Gioffredo. L'auteur inconnu joua sur le nom propre Reparata et le participe passé, employé au féminin, reparata. La traduction rend assez mal ce concetto du xviic siècle. « Moi qui n'aurai été que de nom, durant une partie de l'épiscopat d'un prélat si grand, une cathédrale, je suis maintenant, grâce au pieux Martinengo, vraiment répa¬ rée, vraiment une Sainte-Réparate. « Nomine quse tantum fuero sub praesule tanto, nunc Martinengo sum Reparata pio ». Grâce à ce que l'on a conservé de la comptabilité capitulaire, divers détails revivent pour ces vingt années. La cathédrale a des bancs qui, chaque année, durant trois jours de la semaine sainte, sont dégradés par les enfants qui, lors des offices des Ténèbres, manifestent une piété qui est plutôt de la turbulence. Dès qu'ils voient qu'il ne reste qu'un cierge sur le chan¬ delier triangulaire, qu'on le cache derrière l'autel et que le clergé fait, selon l'usage rituel, un bruit confus pour exprimer le désordre de la nature au moment de la mort du Rédempteur, ces gamins frappent sur les bancs. Si violemment que, pour les empêcher « de faire trop de vacarme et de briser les bancs et même les portes », il fallait charger les croquemorts de les surveiller et, détail savoureux, un fouet à la main. Le compte des dépenses que le chapitre fit entre 1602 et 6, grâce à 400 écus que Clément VIII lui avait envoyés sur les cens que ce corps avait achetés sur les dépouilles, comme l'on dit, de l'évêque Pallavicini, montre qu'il put ainsi agrandir le toit et les murs de la nef, établir une porte et un escalier permettant d'aller au clocher, démolir « un ancien mur rond en forme de chapelle, où était le maître-autel, à l'emplacement duquel on mit la grande porte », flanquer celle-ci de deux petites, aligner le mur sur la façade, placer des ver¬ rières et des étoffes (impannate) « à la grande façade » et à la coupole, acheter à Lyon une croix et huit chandeliers en laiton pour le maître-autel, faire divers travaux à la sacristie, à « la chambre des orgues (la caméra delli organi) », au pavement, à la porte qui menait de l'église dans la demeure épiscopale, verser un acompte de 46 écus sur les orgues, installer une pyramide (ciborio), surmontée d'un saint Jean, de noyer sur les fonts, acheter un grand ciboire dont la coupe était d'argent et les pieds et couvercle, dorés, se procurer « une trompette (tromba) pour les offices des morts », etc... Dans ce qu'il reste de la comptabilité ordinaire, quelques traits à relever. En 1606, le chapitre répare la croix « du petit reliquaire » et celle du ciboire, charge un Hector, « orfè¬ vre italien », de retoucher des argenteries dégradées, remet en état un châssis de la coupole (chiassiso del throno), décore la porte «lors de la venue des princes», paie «au musicien» (musico) B. Clemente « le mal qu'il a pris de mettre en musique le graduel ancien », en achète un neuf à Avignon et le fait couvrir d'une peau. En 7, il paie les branches de myrte qui gar¬ nissaient habituellement la porte le jour de la sainte Réparate, celles qu'on avait employées à l'occasion d'un synode, un rideau destiné à un tableau que nous ne possédons plus, Le Saint Esprit. En 10, un devant d'autel (pallio), une croix « de bois doré et peint » pour le taberna¬ cle, des pompons (fiocchetti) destinés au pavillon de celui-ci. En 19, la réparation de deux vitrages par un Carme. Martinengo préside à plusieurs cérémonies qu'il convient de rappeler. En 3, le 24 mai, devant le duc Charles-Emmanuel Ier et trois de ses fils (ceux-ci allaient s'embarquer le 7 juin pour l'Espagne), il prononce l'oraison funèbre de Marie d'Autriche, décédée à Madrid le 24 février, fille de Charles-Quint, veuve depuis 1576 de l'empereur Maximilien II et tante de la femme dont le duc de Savoie était veuf depuis 98. En 4, fin de mars, il sacre, assisté par 22 « l'évêque de Vence » et celui de Senez, Etienne Le Maingre de Boucicaut, nommé évêque de Grasse. Il confère la Confirmation, en 8, juillet, à un Turc de Bône que le vicaire général avait baptisé depuis quatre semaines. Et le Baptême, sept fois. Notamment en 3, mars, à un Vivalda, dont le père, « don Alexandre », était chef de l'artillerie du château : le parrain est le duc de Savoie (représenté par le comte de Beuil Annibal Grimaldi, gouverneur du comté). A deux juives : l'une a pour parrain en 1, février, un prince de l'Empire, le marquis d'Esté Philibert, général de la cavalerie de Savoie et fils d'une bâtarde du duc de Savoie Emmanuel-Philibert. A deux Turcs (dont l'un « de Scilla au royaume de Naples ») et à une Turque, celle-ci bap¬ tisée en 6, à 16 ans, comme l'un d'eux, âgé de 65 ans, le jour de Pâques. Martinengo marie en 4, fin février, l'une des filles du premier lit du comte de Beuil, Julie, avec le comte Gui Malabaila : parmi les témoins, « l'évêque de Vence et abbé de Saint-Pons », grand-oncle paternel de l'épousée, et Clément Isnardi, évêque de Glandèves ('). Il chante deux Te Deum pour des circonstances dont l'Etat avait à louer le Seigneur : en 1, le 30 janvier, le duc ayant fait la paix avec la France, et, en 15, le 29 mai, Charles-Emmanuel Ier l'ayant faite avec l'Espagne. En 6, « l'évêque de Vence et abbé de Saint-Pons » est l'un des témoins de l'abjuration d'une Génevoise protestante et d'un fils de celle-ci. En 8, janvier, le curé de Sainte-Répa- rate se rend à Saint-Dominique pour y baptiser une fille du second lit du comte de Beuil. Le parrain est le duc de Savoie (représenté par ledit « évêque et abbé »). La marraine, une fille du souverain, Marguerite, fiancée au duc de Mantoue François IV (représentée par une fille du marquis de Graglia, gouverneur du château de Nice). En 10, le 31 mai, lundi de la Pentecôte, un scandale à l'occasion de la chaleur com- municative, comme on dit, des élections municipales. Un homme venait de donner un coup d'épée, dans une rue, à un autre Niçois qui n'avait pas ses opinions. L'agresseur se réfugie dans la cathédrale et, pour y être plus en sûreté, dans la chapelle du Saint-Sacrement. La foule s'y rue, l'épée à la main, et le blessé assène un coup de son arme dans la poitrine de son adversaire. Martinengo était à Turin. L'église profanée resta fermée jusqu'au 10 juin où son collègue de Glandèves, Clément Isnardi, qu'il avait chargé d'administrer provisoirement notre diocèse, procéda, le matin de la Fête-Dieu, à la réconciliation liturgique de l'édifice. L'évêque Maletti reprend en 30 l'idée de son prédécesseur au sujet d'une chapelle à cons¬ truire au nord, de manière à ce qu'elle soit symétrique à celle du Saint-Sacrement. En novembre, le 24, un contrôleur en parle au Conseil de ville, à qui il rappelle la décision municipale de 16, mars. Les syndics décident de faire visiter l'emplacement envisagé et de demander un rapport. Rien ne prouve ni que les fondations aient été posées en 31, janvier, ni que l'évêque voulût recons¬ truire la cathédrale de fond en comble. Si Bonifaci et Villa-Rey l'ont dit, ce sont des exagéra¬ tions, surtout pour ce dernier point. Au surplus, même en novembre 30, il n'est guère prudent de songer à un travail même restreint. On vit sous la crainte de la peste que l'on avait cherché à conjurer dès 29, septembre, par une procession générale. L'épidémie a éclaté à Tourrettes- Levens en août, six jours après que Maletti venait de prescrire des prières, d'ordonner de sonner les cloches, « le matin à 14 heures » (style italique) et le soir après l'Angelus, de s'agenouiller et de réciter 3 Pater et Ave durant ces tintements spéciaux, ainsi que, détail à noter, « de ne pas laisser d'eau bénite dans les bénitiers, vu que des méchants y répandent les (1) En 7, Martinengo maria non pas à Sainte-Réparate, mais dans l'église des Dominicains, une sœur de Julie, Catherine, avec Philippe de Lusema. 23 germes du fléau. » Il éclate en 31, le 23 mai. Du moins on en constate, ce jour-là, en ville, assez de cas pour que le Conseil décide et prie l'évêque d'approuver un vœu qui sera prononcé, le 8 suivant, non pas à Sainte-Réparate, mais à Saint-François, où ce corps se retira le 24 mai (1 ). « Nous prierons avec une ferveur plus grande la Sainte Vierge et les saints Sébastien et Roch qui intercédèrent déjà pour la ville (gia nostri intercessori). De nouveau (di nuovo), nous implorerons sainte Rosalie et saint François-Xavier (2). La ville offrira une lampe d'argent à la Madone de l'Annonciation de l'église de Saint-François, un parement de soie à chacune des chapelles Saint-Sébastien et Saint-Roch, une lampe d'argent à l'autel de saint Xavier (sic) de l'église des Jésuites, une autre à la chapelle Sainte-Rosalie de Lucéram (3), où sont quel¬ ques reliques de la sainte. La ville élèvera à celle-ci un autel dans l'église Saint-François, y fera brûler une lampe d'argent, offrira le grand tableau (ancona) et les parements nécessaires à cet autel, y fera dire une messe chaque semaine et célébrera annuellement, le 4 septembre, la fête de sainte Rosalie comme une fête d'obligation (corne di precetto) ». Dans ce vœu, rien qui concerne la cathédrale. La dévotion à sainte Rosalie s'explique non pas seulement par le fait qu'un village du diocèse avait de ses reliques, mais parce que, six ans auparavant les restes mortels de la sainte, décédée en 1160, près de Palerme, dans la solitude d'une grotte du mont Pellegrino, venaient, d'après les autorités ecclésiastiques, d'être retrouvés et, après avoir été promenés trois fois autour de la ville, de faire cesser la peste qui y faisait rage. Maletti meurt au début de décembre, avant qu'elle n'eût cessé ici, d'une crise d'asthme (4). Un épiscopat fécond en incidents. En 22, février, à la nouvelle que Maletti vient d'être préconisé, il y a, le 10, à Sainte-Réparate, « une solennité de réjouissance » pour laquelle le chapitre alloue 4 liv. 6 s. à l'organiste « Délia Fay, qui a chanté et joué de l'orgue ». En vue de son intronisation, les chanoines paient 3 liv. 6 s. pour 2 cantara — environ 90 kilos, chiffre énorme, dira-t-on, de branches de myrte qui décoreront l'église, 4 s. 4 den. pour 8 feuilles de papier royal (carta reale) où ses armoiries seront peintes, et 4 liv. 6 s. au peintre niçois Jean- Gaspard Baldoino qui les exécuta. Il arrive le 15 mai et, dit Scaliero, les chanoines « le portè¬ rent » dans la cathédrale, donc, je suppose, dans une « portantina », et le trouvèrent lourd ( di peso ). Il n'a baptisé que des enfants dont les noms importent peu et n'a béni aucun mariage. Mais que de difficultés avec les chanoines ! Le Saint-Père sécularisa le chapitre en 24, janvier (5). Dès 22, conflit relatif au partage des dîmes. C'est une affaire des plus compliquées. L'évêque réclame 60 setiers de grains que les chanoines lui refusent. Il consent à ce que provisoi¬ rement, ils en mettent en dépôt, pour lui, ce qu'ils disent accepter, 39 et demi. Us ne tiennent pas leur parole. Leur grenier est forcé. Appel à la Chambre apostolique. En 25, nouveau conflit du même genre. Le chapitre écrit à son procureur, l'archidiacre, qui était à Rome : « Nous nous méfions des témoins que l'évêque produit et qui mènent une vie fâcheuse (taie quale). L'un a été, comme voleur, banni du diocèse de Vintimille ». Au début de 26, le protonotaire et (1) Bonifaci dit qu'en 23 l'évêque avait permis d'ériger une confrérie de l'Ange gardien dans l'église de ce couvent. (2) La canonisation de celui-ci avait été fêtée ici, dans l'église des Jésuites, en 22, le 4 mal. (3) L'église était alors « annexée à la prébende du chanoine archidiacre » (acte de 27, janvier). (4) Le 23 Juin, l'un des chanoines a, « cause de la peste », testé en plein air, « dans sa vigne », au quartier de La Mantéga. (6) Décision que l'évêque Cantono fera, nous ignorons pourquoi, confirmer en 1745 par Benoît XIV. 24 chanoine prévôt Rossignoli signifie à Maletti une requête des plus dures, dont l'original est gardé. « A moi, dont la dignité est la plus haute après la vôtre et qui suis sous-collecteur des dépouilles pour la Chambre apostolique, vous avez notifié, en ces termes dérisoires (sub his verbis pro ludibrio) aux seigneurs les chanoines et le prévôt, d'exhiber l'original du décret par lequel, le 24 novembre dernier, la Congrégation invite V. G. à revêtir la cape pontificale dans la salle (in aula) et d'accompagner V. G. par derrière tant à l'aller qu'au retour. Une copie notariée du décret, dont l'original vous fut présenté et lu par nous, vous a été remise. L'usage de cette église est, depuis un temps immémorial, que l'Ordinaire soit précédé par les cha¬ noines et suivi par les magistrats de la ville... Veuille V. G. laisser en paix des gens fatigués de tant de procès et accablés de quotidiennes jussions de votre part ». Résultat : le 25 février, jour des Cendres, durant l'office capitulaire, Maletti fait appréhender Rossignoli, qui est conduit à la prison épiscopale. Emoi des fidèles réunis « pour la messe et le sermon ». Le 28, un frère du prisonnier recourt au Sénat. « L'arrestation est illégale, vu que mon frère est exempt, et injustifiée ; l'évêque est suspect. » Les magistrats ordonnent la mise en liberté. Maletti répond aussitôt. « Votre décision est nulle ; vous ne connaissez rien aux questions du christianisme ; cessez de tomber dans les pièges de Satan. » Et le 2 mars : « Le prévôt est excommunié ». Le Sénat en appelle au duc et somme le prélat de retirer, dans les 24 heures, ce qu'il a écrit. Le 9, l'évêque reçoit du duc l'ordre de relâcher le prisonnier et, le 29, va à Turin, pour cette affaire, avec le recteur de la maison des Jésuites et divers religieux. Il revient en août et s'embarque sur une frégate qui le mène à Civita-Vecchia, d'où il se rend à Rome. En 27, décembre, le duc saisit « le comté de Drap aux dépens de l'évêque » qui rentra à Nice, en 28, septembre, ayant obtenu à Rome gain de cause. Il ne resta à ses ouailles, qui avaient « violem¬ ment » pris le parti de Rossignoli, qu'à faire la paix avec Maletti. En 25, juin, rapport de quatre chanoines, dont le curé Raiberti et le sacriste. L'original en est conservé. A la procession de la Fête-Dieu, les prieurs de la confrérie du Saint-Sacrement ont prétendu marcher en file derrière le chapitre et avant le dais. Le prévôt et les quatre leur ont dit : « Ce n'est pas votre place ; mettez-vous de chaque côté du dais ». Ils ont refusé. Le prévôt et le sacriste ont prié l'évêque, qui tenait l'ostensoir, de le leur commander. Ils ont re¬ fusé. Il le leur a, sur les instances du sacriste, enjoint encore trois fois, avec menace d'excom¬ munication. L'un d'eux a éteint sa torche et est parti « d'une façon si inconvenante (con touta irriverenza) » que le marquis de Dogliani, gouverneur du comté, lui a enlevé de force la torche, a failli la lui briser sur la tête et s'est écrié : « Avez-vous la prétention d'avoir le pas sur le chapitre et les torches de Son Altesse ? » Maletti a aussitôt excommunié le réfractaire. Eh 28, mars, le chapitre décide de n'assister l'évêque ni quand il se vêt ni quand il écoute un sermon et de ne le reconduire que jusqu'à la porte de sa maison et stipule que, lors¬ qu'ils viennent le prendre chez lui, il doit être, « conformément au cérémonial romain », vêtu de la cape. En juin, le vicaire général établit, au nom de Maletti, un règlement pour la pro¬ cession de la Fête-Dieu en vue d'empêcher non seulement les conflits de préséance entre les confréries, mais aussi les scandales que pourraient provoquer soit des tableaux profanes exposés par les habitants, dont aucun, quel que soit son rang, ne devra se mettre à une fenêtre durant le passage du cortège, soit l'attitude des juifs. Marcheront devant le dais « les drapeaux de la ville » (à savoir, ceux des quatre syndics et de l'assesseur), celui de Son Altesse, les torches, « selon l'usage », le chapitre « et autres (et al tri) de la cathédrale ». En 30, mars, une notice conservée dans les archives capitulaires résume les incidents de jadis. « Quand le chapitre allait au chœur, le prévôt et d'autres mettaient des chapes ; l'archidiacre, le prieur et d'autres portaient un surplis et une bande de soie blanche, ancien habit des chanoines réguliers. De là, des désordres dont le culte souffrait. Le chœur n'était plus qu'un lieu de rumeurs et de mauvaises paroles. Pour mettre un terme à ces scandales, l'évêque (Martinengo) recourut à la Congrégation des Rites, qui prescrivit le port uniforme de la chape ». En septembre, nouvel incident. Le chanoine Turato avait été nommé préchantre par le vice-légat d'Avignon, au nom du cardinal légat Barberini, qui était autorisé à le faire par le Saint-Siège. Maletti le déclare excommunié et veut lui substituer un Martini. Turato en appelle à Rome. Deux baptêmes à noter. En 29, janvier, celui d'un fils d'Impérial Grimaldi, seigneur de Gattières, dont le parrain est Félix de Savoie, gouverneur du comté de Nice et bâtard légitimé du duc Charles-Emmanuel Ier, et en août suivant, le 19, celui de Pierre Gioffredo qui, né le 16, était appelé à devenir l'un des meilleurs historiens niçois. Un seul Te Deum : en 30, novembre, celui que Maletti chante à la nouvelle de la paix conclue entre Louis XIII et Victor-Amédée Iar, dont le règne avait commencé en juillet. Durant la vacance du siège, un conflit en 33, lors des vêpres de l'Assomption. Deux chanoines se disputent la préséance (le prévôt Rossignoli et le curé Bonta), entonnent l'office simultanément et se couvrent la voix à qui mieux mieux. Quand il s'agit d'aller chercher l'hos¬ tie pour le salut, Rossignoli dit à Bonta de le faire ; le curé répond au prévôt : « Vous avez officié ce matin et jusqu'ici ; continuez. » Rossignoli renouvelle l'ordre que Bonta transmet à un « vice-curé ». Le prieur de la chapelle du Saint-Sacrement refuse l'accès à celui-ci. Alors l'archidiacre Thaon, qui est vicaire capitulaire, met une chape, va prendre l'hostie et donne la bénédiction. Trois baptêmes à noter. En 32, février, celui d'une juive par le vicaire capitu¬ laire : Félix de Savoie est parrain. Quatre jours après, celui d'un enfant que la femme dudit Félix tient sur les fonts. En avril suivant, celui d'une fille du sergent-major du château de Nice : parrain, le seigneur de Monaco Honoré II (représenté par l'avocat Charles Isnardi, co- seigneur de Gorbio), et marraine, la dame de Monaco Hippolyta Trivulce (la femme du séna¬ teur Ferrero la représente). « En 1632 », dit l'abbé Albin, « le municipe érigea une chapelle à sainte Rosalie, dans le transept gauche de la cathédrale ». Rien de plus faux. L'église n'avait pas encore de tran¬ septs et, quand le reste de sa brochure montre qu'il crut parler du transept sud (qui d'ailleurs n'existait pas), il ignora que, à la suite des travaux commencés en 1650, le transept du sud contint la chapelle du Saint-Sacrement et celui du nord, la chapelle de la Sainte Vierge et de sainte Rosalie. Disposition qui fut intervertie, il ne l'a pas su non plus, à la fin du XVIIe siècle. Durant la vacance du siège, le Conseil de ville songe à aménager à Saint-François, selon le vœu, un autel de sainte Rosalie, à y placer un grand tableau, à acheter une lampe d'argent qui brûlera devant l'autel, à avoir les parements nécessaires. Il n'est même pas question de con¬ struire, à proprement parler, une chapelle dans cette église franciscaine. En mai, premier anni¬ versaire du jour où les médecins avaient reconnu en 31 que la peste était à Nice, le Conseil charge quatre quêteurs de chercher de l'argent « en ville » : sans doute pour cet autel. En septembre, il paie 175 florins au peintre niçois Jean Rocca, qui avait achevé « l'ancona » et les 15 ducatons pour le service que les Franciscains faisaient à cet autel. En 33, janvier, il charge les syndics d'imprimer le vœu, d'en envoyer plusieurs exemplaires à Palerme et de tâcher que cette ville cède quelques reliques de la sainte, comme Lucéram en avait. La mesure est prise au reçu d'une lettre d'un Caissotti (Charles-Antoine), qui avait écrit de Rome aux syndics que, s'ils faisaient cette demande, elle serait exaucée. En juin, ils le chargent, le 5, de s'adresser de leur part « aux illustrissimes et excellentissimes sénateurs (giurati) de l'heureuse ville (felice 26 città) de Paierme » et de demander que la relique soit mise dans une châsse d'argent. Le 25, ils écrivent à Paierme et assurent que, « aussitôt que le vœu fut prononcé, la peste cessa ». C'était solliciter gravement la vérité ; mais ces mots ne pouvaient manquer de produire l'effet ■voulu. La dévotion ne perdrait rien à cette entorse donnée aux faits. L'évêque Marenco, transféré de Saluces, fait son entrée en 35, le 30 mars, dimanche des Rameaux. A la mi-octobre, le Conseil charge les syndics de prier l'évêque de se rendre, dès que « la relique (la reliquia di santa Rosalea) » sera arrivée, à Saint-François où il la confierait aux religieux. Il semble qu'elle soit arrivée le jour de la Toussaint ; un citoyen de Nice, Denis Clerici, avait été chargé, le 15 juin, par le Sénat espagnol de Paierme, de l'amener. Marenco décide, d'accord avec le chapitre, qu'elle sera placée conformément au vœu. Puis il veut qu'elle le soit dans la cathédrale, « où l'on peut construire une belle chapelle Sainte-Rosalie (una bella capella di santa Rozalia) à l'emplacement où sont les orgues » ; que cela sera « plus conve¬ nable ». Il menace, s'il n'en est pas ainsi, d'interdire la procession dont le vœu a parlé et même celles du 15 août, de la saint Roch et de la saint Sébastien. La majorité du Conseil décide, le 11, que le vœu sera transféré à Sainte-Réparate ; que la relique y sera placée, après avoir été reçue au son de canons et mortiers, dans une cassette (cassieta) à 5 clefs, dont 4 resteront aux mains des syndics pro tempore, l'autre étant à la disposition de l'Ordinaire ou, en son absence, du chapitre. Mais le Conseil stipule qu'un acte établira que la relique est la propriété des Niçois, que ceux-ci ne contribueront pas à la construction d'une chapelle dans la cathédrale et que la municipalité paiera annuellement aux Franciscains les 15 ducatons promis. L'évêque trans¬ fère le vœu. Le 16, à l'évêché, convention entre lui, le chapitre et les prieurs de la confrérie du Saint-Sacrement. Ceux-ci abandonnent leur chapelle qui était à l'est de celle du Saint-Sacre¬ ment et dont l'emplacement correspondit à celui de l'actuelle chapelle Saint-Joseph. On y établira un autel provisoire de sainte Rosalie, en attendant l'achèvement de la chapelle à élever « du côté des orgues » ; il ne créera aucun droit, ne causera pas le moindre préjudice à la confrérie et, quand elle le voudra, sera enlevé. L'acte précise qu'il sera « vers l'évêché et au sud ». La chapelle serait donc élevée au nord, face à celle où était conservée la sainte Réserve. Le 17, Marenco reçoit la relique au port Saint-Lambert, sur la plage au sud de notre quai des Etats-Unis, et, sous le dais tenu par les quatre syndics, la porte d'abord au pré des Oies (l'actuel quartier Saint-François-de-Paule) où beaucoup de pestiférés avaient été inhumés hors des rem¬ parts, puis à la cathédrale, où, après un sermon d'un jésuite, il charge le curé de la faire vénérer par la foule. Le lendemain, dans la chapelle du Saint-Sacrement, nouvel acte qui confirme celui de l'avant-veille. Il dit que la relique était « dans une châsse qui, ayant la forme d'un aigle, avait au-dessus un ange et les images des saintes Rosalie, Nymphe, Olive, Christine et Répa- rate ». Des vers avaient été composés pour la réception, on va voir par qui, et enluminés par le peintre niçois Rocca, à qui le Conseil paya, le 9 décembre, 9 florins. Et, en 36, le 9 juin 16 liv., 10 s. au peintre niçois Jean-Gaspard Baldoino, « pour avoir fait diverses armoiries et poésies à propos de l'entrée de la sainte ». Le reliquaire a été volé au début de notre siècle. Outre la description brève qu'en donne l'acte cité, on en trouve de plus ou moins complètes et différentes dans Gioffredo, Scaliero, Toselli et Albin. Il est difficile d'en avoir une idée exacte, et déplorable qu'il n'en ait été pris ni un dessin, ni surtout une photographie. On devine que ce fut une fort belle pièce de l'orfèvrerie hispano-sicilienne de 1635. Il portait une in¬ scription latine qui contenait les noms des sept personnages par qui, au nom du senatus Panor- nitanus, le reliquaire et « l'os demandé par les Niçois » avaient été envoyés pour que sainte Rosalie fût « la commune patronne » des deux villes et qu'il y eût « un saint témoignage de l'affection régnant entre elles ». La châsse fut réparée en 1771. 27 En 36, conflit entre les chanoines et les syndics que ceux-là voulaient troubler, « mal¬ gré une tradition de plus d'un demi-siècle », dans la possession d'un banc de bois placé « à côté (ad latus) » du trône de l'Ordinaire, pour y substituer celui que le chapitre avait « dans un autre lieu de la cathédrale ». La municipalité recourt au nonce à Turin, Fauste Caffarello, qui enjoint aux chanoines, sous peine d'une amende de 50 pièces d'or et menace d'excommunica¬ tion, de ne rien innover. En 37, juin, le Conseil paie 37 liv. 17 s. au peintre J.-G. Baldoino « pour fourniture et fac¬ ture du tableau de sainte Rosalie (Rosalia) placé à Sainte-Réparate dans la chapelle du Corpus Domini ». Cette toile a péri. C'est à elle sans doute que se rapporte le paiement, fait par le trésorier municipal de 36-37, de 19 s. accordés « au maçon pour mettre le tableau de sainte Rosalie (Rosa¬ lia) » et de 9 s. pour 4 « pattes pour le tableau ». En septembre, l'évêque est parrain, en sa cathé¬ drale, d'un fils d'Alexandre De Alessandri, gouverneur de Saint-Hospice, né sur la paroisse Saint-Jacques dont le curé assiste à la cérémonie accomplie par le chamoine prieur. En novembre, le duc Victor-Amédée Ier étant mort à Verceil le 7 octobre, la municipalité avait dépensé 250 écus pour un catafalque destiné au requiem qu'elle se proposait de faire chanter à Sainte-Réparate. Mais il éclate un conflit entre elle et le sénat. Le 1er décembre, elle le fait démolir et la cérémonie eut lieu, d'ailleurs aux frais des Niçois, dans la paroissiale de Sospel (1). Survient la guerre civile où les deux frères du duc défunt, le cardinal Maurice (qui n'avait pas reçu le sacrement de l'Ordre) et Thomas (de qui descend l'actuelle Maison d'Italie), veu¬ lent enlever à leur belle-sœur Chrétienne, sœur de Louis XIII, la régence et la tutelle de leur neveu Charles-Emmanuel II. Marenco aide Maurice à s'emparer de Nice en 39. Le 6 août, il va, avec 3 citoyens que les syndics envoyaient, lui baiser la main à Saint-Pons, le conduit devant la porte du Pont (qui, sur l'ordre du gouverneur du comté, fidèle à la régente, reste fermée), puis devant la porte Saint-Eloi (que les pêcheurs rompent à grands coups de masses de fer), et le loge au palais épiscopal. Le 12, il l'assiste lors du serment de fidélité que le sénat prête au jeune duc entre les mains de l'oncle rebelle. Le 1er septembre, il l'accompagne au château dont le gouverneur, Janus de Sales, frère de feu le célèbre évêque de Genève-Annecy, faisait semblant depuis quelques jours de lui refuser l'entrée et la lui donne sans coup férir. En 41, mai, il assiste encore Maurice de Savoie lors du serment de fidélité que les syndics lui prêtent le 21. Cette fois, grâce à un «manuscrit d'un citoyen de Nice » reproduit (non sans une addition de quelques mots inexacts) par Scaliero, on peut évoquer une cérémonie des plus imposantes. Une grande estrade devant le maître-autel. Une autre, dans la chapelle du Saint-Sacre¬ ment, « pour la commodité des gens » du cardinal. A droite du maître autel, « un peu plus bas que le siège de l'évêque, à la place où les syndics se mettaient (2) », un trône avec un dais de damas blanc et rouge et des tapis, pour Maurice, qui est vêtu de pourpre, couleur cardinalice. Autour de lui, son frère bâtard Emmanuel de Savoie, marquis d'Andorno et gouverneur de Bielle, et, comme l'Espagne soutenait la rébellion, plusieurs chevaliers de la Toison d'Or. Il reçoit le serment de fidélité des quatre syndics et de l'assesseur, Jean-François De Orestis, puis, semble-t-il, des représentants des vigueries du comté. La veille, pour remercier notre munici¬ palité de l'acte qu'elle venait de promettre d'accomplir, il lui avait fait savoir par Ferrero, second président du Sénat, qu'elle serait pro tempore comtesse de L'Escarène. Un titre qui ne survécut (1) En 38, des reliques de sainte Rosalie arrivent de nouveau dans « une statue » envoyée de Palerme, « avec une couronne d'argent », par un François Barralis qui, domicilié là-bas, en faisait don à Nice, à condition qu'elles fussent placées à Saint-François. (2) « Et en face de la chapelle Saint-Barthélemy », dit Scaliero. 28 pas à la réconciliation de Maurice avec sa belle-sœur. Il avait, ainsi que son frère, inféodé La Turbie, avec titre de baron, en 40, mars, à Marenco, l'ayant, dès décembre précédent, nommé chef et chancelier du Collège niçois des docteurs, auquel les deux princes conféraient les prérogatives et immunités de l'Université de Turin. Le prélat rétrocéda son fief en 40, novembre, à l'un de ses neveux. En 42, juin, fin de la guerre civile. Le 30 juillet, Marenco chante le Te Deurn en présence de Maurice, qu'entouraient 50 Suisses en armes et sa garde de carabiniers, et préside une proces¬ sion d'actions de grâces. Une des conditions de la paix avait été que le cardinal déposerait les insignes cardinalices qu'il avait depuis 35 années et (l'on a vu qu'il n'avait pas reçu le sacrement / de l'Ordre) épouserait l'une de ses nièces, qui était sa filleule. Le Saint-Siège a consenti et accordé les dispenses nécessaires. Le 13 septembre, Marenco salue le nonce à Turin, Cecchinelli, qui vient l'annoncer à Maurice et, le 21, à Sainte-Réparate, reçoit le chapeau rouge du prince, l'évêque assis¬ tant à cet acte. Après quoi, une messe durant laquelle un second simulacre (un premier avait eu lieu à Turin) du mariage a lieu (le marquis de Pianezza représentant l'épousée). Le 28, Marenco chante un Te Deum à la fois pour l'accord intervenu entre la régente et ses beaux-frères et pour le fait que, le 9, Louis XIII, frère de la mère du jeune duc de Savoie, avait enlevé Perpignan aux Espagnols (pour qui Maurice et Thomas avaient pris si longtemps parti contre la France). La bénédiction nuptiale fut donnée, le 29, au prince et à la princesse 0) non pas à la cathédrale, mais hors de notre diocèse d'alors, à Sospel, dans la maison d'un gentilhomme, par le nonce (2). Le 4, le grand-maître de Malte Jean-Paul Lascaris, « désireux de témoigner ma reconnais¬ sance envers ma patrie », avait écrit à Marenco qu'il chargeait le comte Jean-Baptiste Lascaris, son neveu, de porter à la cathédrale de Nice un riche reliquaire d'ébène, garni d'ornements d'argent, vitré, enfermé dans une caisse de bois et contenant une partie des os d'un saint Vin¬ cent. Les reliques avaient été extraites sur l'ordre d'Urbain VIII, des catacombes de Calliste et envoyées, en 41, octobre, au grand-maître par Altieri, qui, alors évêque de Camerino et vice- gérant du vicariat de Rome, deviendra cardinal en 43. Lascaris voulait que Nice eût « un protec¬ teur de plus ». Il avait écrit dans le même sens aux syndics (giurati), qui l'avaient remercié le 7 octobre. Le 13 de ce mois, Marenco se rend à la plage, reçoit les reliques, les porte à la cathé¬ drale, les dépose sur le maître-autel, les soumet à l'examen d'un médecin, permet que les fidèles les vénèrent. Puis il les porte, à la nuit, dans ce que son procès-verbal appelle « la chapelle Sainte- Rosalie de la cathédrale, en attendant qu'il soit aménagé (confecta) une chapelle Saint-Vincent » qui d'ailleurs n'exista jamais. Scaliero dit (mais non ce document) que le prince Maurice de Savoie assista avec toute sa cour à l'entrée de ces reliques, précéda le dais et fut le premier à les baiser. Ce que prouve la comptabilité municipale, c'est que la ville avait acheté 21 torches et 24 brandons de cire blanche pour la cérémonie et qu'elle donna 3 liv. « aux 3 trompettes » du prince qui sonnèrent en tête de la procession. Ce reliquaire est encore conservé (3). Marenco meurt en 44, janvier. C'est lui qui avait baptisé à Monaco, en 43, octobre, le futur prince de Monaco Louis Ier, dont les parrain et marraine étaient le j eune Louis XIV et sa mère (1) Ils avaient lui 49 ans et 8 mois, elle 13 ans et 2 mois. (2) L'admirable Baiser de Paix, qui n'est plus à la cathédrale, mais au Musée municipal Masséna, nul docu¬ ment n'établit qu'il ait été donné (quoique certains le prétendent au nom des dires de nous ne savons quel fantai¬ siste ou mystificateur) par Maurice de Savoie, à l'occasion de ses noces avec sa très jeune nièce et filleule. (3) Il n'en est pas de même d'une lampe d'argent de 113 onces que Barthélémy Bonta, frère du chanoine curé, donna en 43, juin, à la confrérie du Saint-Sacrement pour qu'elle brûlât « à jamais ». L'acte qui nous le fait savoir indique qu'elle portait une inscription en latin mentionnant le nom du donateur et sa volonté, l'image d'un osten¬ soir, les armoiries des Bonta, « un lion et un rameau d'olivier », et leur devise « Bene omnia bonis » qui formait un concetto sur le nom de cette famille. 29 (représentés par le comte d'Alais, gouverneur de la Provence, et sa femme), les évêques de Fréjus et de Glandèves assistant à la cérémonie. Il a baptisé à Sainte-Réparate, notamment en 40, mai, Maurice Grimaldi, fils du comte de Beuil André, que le cardinal de Savoie protégeait, et petit-fils du comte Annibal, étranglé en 21 sur l'ordre du père du prince de l'Eglise, qui est parrain de l'enfant. Et en 41, août, un Maure : parrain et marraine, le cardinal et sa sœur Marie qui, par humilité de tertiaire franciscaine, habi¬ tait non le palais ducal, mais le bâtiment de la gabelle. Le cardinal se fait représenter à trois baptêmes en 41, juillet, par le président Moneti, et, en 42, août, le 7, par son frère bâtard Maurice, puis, le 27, par un certain Vische (1). Après la déposition du chapeau rouge, il est, sa femme étant sa commère, parrain, en 42, octobre, d'un fils du président Moneti. Son frère Thomas se fait représenter, en 41, avril, comme parrain d'un Peyre. Leur sœur Marie se fait représenter comme marraine d'un Icardo en 41, juillet. Leur frère bâtard Maurice est parrain, en 42, février, d'un Chiesa. Le prince de Monaco Honoré II et sa belle-fille Aurélie se font représenter, en 42, novembre, comme parrain et marraine d'un Testoris. Son fils Hercule et Hippolyta, mère de celui-ci, avaient accepté en 31 d'être parrain et marraine d'un Bonardio, qui fut ondoyé à Monaco et pour qui les cérémonies furent suppléées à Sainte-Réparate en 37. Marenco n'a béni aucun mariage. Il n'avait jamais songé à transformer la cathédrale, ce qui fut l'idée de son successeur et entraîna la mort de celui-ci en 58. L'évêque Palletis, dont la nomination avait été appuyée par l'un des cardinaux Barberini qui furent prénommés Antoine (2), est préconisé en 44, décembre — en août, le prince de Monaco Honoré II et sa bru s'étaient fait représenter comme parrain et marraine, à Sainte-Réparate, d'une Lautardi —et intronisé en 45, le 24 février. Il est probable qu'en avril, la cathédrale reçut la visite de deux cardinaux. Bichi, qui débarqua à Villefranche, venant de Civita-Vecchia, sur une galère du grand-duc de Toscane Ferdinand II, fut reçu par Palletis à la porte Pairolière et conduit par lui, le lendemain, au Var, et gagna la France. Puis, l'un des cardinaux Barberini, qui débarqua ici et se rendit à Turin. Un acte du 14 mai est relatif à « l'ancienne chapelle (l'antica capella) » que la confrérie du Saint-Sacrement n'utilisait plus dans la cathédrale. Il apprend que ses prieurs avaient verba¬ lement permis au chanoine prieur, « depuis quelques années », d'y placer un grand tableau (an- cona) représentant saint Philippe Néri (3), à condition qu'il en fût retiré le jour où elle le vou¬ drait, et promis qu'elle paierait les dépenses qu'il avait faites pour réparer cette chapelle. Or, il venait d'être offert « depuis peu », et cela avant le 5 avril, par deux particuliers, aux prieurs, une aumône importante. Tous deux demandaient la cession de « la petite (la piccola) chapelle du Saint-Sacrement où est l'autel de saint Philippe Neri ». L'un offre 100 ducatons et désire une seule des tombes qui y sont ; l'autre propose 100 écus d'or et tient à ce que la chapelle lui soit remise « telle quelle avec tous ses caveaux ». Chacun d'eux s'engage à payer les dépenses faites par le prieur et se propose d'élever un autel. La confrérie pensait que la ville offrirait « davan¬ tage (un maggior partito) pour sa chapelle votive de sainte Rosalie ou toute autre affectation ». (1) Le cardinal fut parrain de deux enfants que le curé de la cathédrale alla baptiser l'un, en 40, avril, dans l'église des Dominicains, l'autre, en 42, juin, dans la chapelle rurale Notre-Dame-de-Lorette. (2) Soit le frère du feu pape Urbain VIII, soit leur neveu qui devint archevêque de Reims en 53. (3) Canonisé en 1622. 30 Le 5 avril, elle a demandé à la ville une réponse ferme. « Voulez-vous notre chapelle ? Si non, nous la donnons à celui des deux particuliers qui propose le plus. Si vous n'offrez pas davantage, nous la remettons au plus offrant, pourvu qu'il ne prenne que deux tombes. S'il ne se contente pas de celles-ci, à l'autre ou à n'importe qui. Que nous proposez-vous ?» Le 7 mai, l'affaire a été réglée entre les syndics et défenseurs des privilèges, d'une part, les prieurs et membres de la confrérie, de l'autre. Moyennant une pension annuelle de 8 ducatons, que la ville paiera à chaque Fête-Dieu, la confrérie lui cède « l'ancienne et petite chapelle, contigiie (sic) à la cathédrale ». L'acte du 14 en donne les confronts. « A l'est, la chapelle de la Miséricorde 0) et le passage pour aller de l'évêché dans l'église (2) ; au sud, le cimetière ou cour et jardin de l'évêché ou de l'église ; à l'ouest, la grande chapelle que fonda la confrérie du Saint-Sacrement (3) ; au nord, le corps de l'église ». Le chanoine prieur enlèvera son tableau ; la confrérie paiera la démolition de l'autel et conservera toutes ses tombes pour les « frères et sœurs » qui la composent. Ainsi, la chapelle cessait d'être un prêt gratuit et précaire, consenti à la fois à la ville pour le culte des reliques reçues en 35 et en 42 et au chanoine prieur pour celui du fondateur de l'Oratoire en Italie. Elle restait la propriété de la confrérie, mais la ville en devenait locataire, tout au moins pour qu'on y priât sainte Rosalie et saint Vincent. Le 19, Palletis, qui n'avait pas pris part à la convention du 14, accomplit un acte que nous connaissons par un document de 1689. La cathédrale ne possédait que fort peu (si même elle en avait) des reliques de la vierge martyre sous le vocable de qui fut placé, au moyen-âge,l'oratoire Sainte-Réparate. Les syndics de 44-45 savaient vaguement que ces reliques (tout au moins la plupart) étaient dans l'église de l'abbaye de Saint-Pons et sous le nom purement conventionnel d'une prétendue sainte Simplicie. Il existait un document qui le prouvait ; mais on n'en a connu la teneur qu'à la fin du XIXe siècle. Ce témoignage, datant de 1406, du cardinal Antoine de Challant, semble avoir été connu d'un jésuite niçois, le P. Astria (4). Une pièce de la comptabilité communale de 1647 dit que ce religieux fut « celui grâce à qui l'on retrouva la relique de sainte Réparate au monastère de Saint-Pons (il principio et origine che si è ritrovatta la santa reliquia di santa Reparata nel monastero di Santo Pontio) ». Les syndics prient Palletis de la retirer aux Bénédictins. Le 19 mai, il consent à leur requête. Il va à Saint-Pons, constate que les reliques dites de sainte Simplicie sont près du maître-autel, du côté de l'évangile, extrait de ce lieu une caisse de bois qui les contenait, ne l'ouvre point, y appose ses armes, la place dans une armoire de la chapelle de la Sainte-Vierge et en garde la clef, jusqu'à ce que les assertions de la municipalité, dit le document de 1689, soient prouvés. La nouvelle en parvient à la Cour. Le 19 juillet, la régente Chrétienne écrit aux syndics de 45-46, les remercie de lui avoir appris que les restes « de sainte Réparate » avaient été « retrouvés » et souhaite que les Niçois aient de la dévotion pour ces reliques. Mais comment les fidèles l'auraient-ils manifestée ? L'évêque ne s'était pas prononcé ; la municipalité et le P. Astria n'avaient que des renseignements vagues. On continua à ignorer ce que l'antipape Benoît XIII avait ordonné au début du XVe siècle. Dans les comptes capitulaires de cette année, on note 83 liv. 10 s. payés, le 22 juin, au capitaine J.-G. Baldoino » — l'artiste dont il a été parlé — « pour avoir peint les deux bâtons (1) L'emplacement de l'actuelle chapelle des Quatre saints couronnés. (2) L'emplacement de l'actuelle chapelle Sainte-Réparate. (3) L'emplacement de l'actuelle chapelle de la Sainte Vierge et de sainte Rosalie. (4) Sur ce personnage, voir R. Latouche, « Nice historique », 1924, p. 53, n" 1. Né en 1597 à Nice, il y mourut en 1058. Il avait professé la grammaire, les humanités et la rhétorique. Il est heureux qu'il n'ait pas eu à enseigner l'histoire et la géographie. Dans un travail (dont le manuscrit est à la Bibliothèque nationale de Paris) relatif aux Lascaris, il confondit « Nice en Provence et Nicée en Bithynie », comme Gioffredo le signala à Guichenon en 1659, et « plaça ici mainte chose qui s'est passée là-bas ». 31 des croix, l'indulgence plénière, le jubilé, le Jésus qu'on met devant le Saint-Sacrement lorsque, durant qu'il est exposé, le prédicateur est en chaire, et la tige de l'éteignoir des torches » ; 8 s. payés au même, le 5 octobre, « pour avoir peint le tableau de bois (quadro di bosco) qui est placé sur les reliques pour le maître-autel » ; 32 liv. versées à l'orfèvre J.-B. Mainardo pour solde d'une lampe (lampadario) d'argent. En outre, 2 s. pour « le myrte, les clous et la ficelle qui servirent à la grand'porte de la cathédrale lors de là première visite de Sa Grandeur » ; 8 s. à un libraire pour 3 exemplaires de la Préparation à la messe ; et 2 s. à chacun des deux esclaves qui, « pour la sainte Réparate, descendirent du château à la cathédrale la tapisserie de Son Altesse » et, je suppose, la reportèrent là-haut. En 47, nouveau différend entre l'évêque et le chapitre, relativement à l'assistance au trône et à diverses cérémonies. En janvier, un accord dont Bonifaci dit (avec une précision relative) qu'il stipula que six chanoines iraient dans la salle de l'évêque, chaque fois qu'il vou¬ drait venir en chape à la cathédrale, qu'ils l'assisteraient au sermon et que le cortège passerait non par la rue (l'entrée de l'église étant alors sur la place aux Herbes), mais « par la porte du sud, par l'escalier qui conduisait à la salle. »- Il ajoute que le préchantre Turato refusa et fut excommunié. Le texte ne se retrouve pas. Mais, à la fin de février, voici une délibération capi- tulaire dont il reste une copie. Les chanoines, réunis « dans la petite sacristie » (le préchantre Turato est présent et fut parrain, le 10 mars, d'un de ses petits-neveux), constatent que Palletis n'observe pas ce qui fut convenu « le 6 janvier ».I1 sera prié de dire s'il veut s'y conformer. S'il prétend être assisté lors des sermons, les chanoines refuseront (ce qui prouve que Bonifaci écrivit à la légère) et en appelleront à Rome. En mars et avril, ils allouent 379 liv. 2 s., puis 96 liv. 4 s., à l'archidiacre envoyé à Rome « pour le procès contre l'évêque ». En septembre, le protonotaire Viduran, auditeur général de la Chambre apostolique, donne gain de cause au chapitre et décide qu'il ne pourra être contraint à faire plus que le cérémonial n'exige. La ville comptait toujours que l'évêque donnerait au problème des reliques conservées à Saint-Pons une solution. Elle aurait fait venir « d'Italie » le jésuite Astria, dont nous avons parlé. Il prêcherait lors du retour, que la municipalité envisageait comme certain, des restes de sainte Réparate à la cathédrale. Mais, le 29 juin, Palletis ayant refusé, elle paie 49 liv. 4 s. à l'orateur qu'elle avait dérangé en pure perte. Témoin, deux pièces de la comptabilité com¬ munale. En 48, janvier, « pour remercier Dieu de ce que la régente de Savoie et son fils ve¬ naient d'être délivrés de sortilèges qu'un Bernardin avait conjurés », dit Scaliero, l'évêque pro¬ mène les reliques de sainte Rosalie processionnellement dans les rues. Il s'agissait de la fin d'une de ces affaires d'envoûtement qui évoquent le moyen âge. Quatre ennemis du jeune duc s'étaient flattés de le faire périr en perçant son buste en cire avec des épingles (selon Saluces) ou plutôt (suivant Toselli) avec une épine d'un poisson qu'un Niçois, l'auditeur Masino, s'était procuré ici. Il fut torturé, puis, ainsi qu'un sénateur, incarcéré à perpétuité ; ils avaient nié ; leurs complices, un Feuillant et un valet de chambre de Charles-Emmanuel II, furent mis à mort ; ils avaient avoué. Le 21 juin, la régence de Chrétienne ayant fini l'avant-veille, voici la dernière cérémonie officielle qui dut se passer dans la cathédrale aux dimensions si insuffi¬ santes : un jésuite prononce un sermon et Palletis entonne le Te Deum. En 49, juin, il est décidé à reconstruire l'église "de fond en comble ; des experts lui ont assuré qu'il faudrait plus de 16 milliers de liv.; il est prêt à assumer, ainsi que les chanoines, la plus grande partie des frais. Il prie les syndics de venir lui en parler et leur demande, le 26, que la ville contribue pour 6.000 liv. Dès le lendemain, le Conseil décide qu'elle entrera pour 4.000, payables en 4 annuités (dont la première sera versée au début de l'entreprise). « Pare 32 poco decoro che la chiesa catredale sia nel modo che si trova », a dit le prélat. Les travaux commenceront après l'Epiphanie. « Au plus vite et depuis les fondations », écrira Scaliero, et selon Bonifaci, « pour que la forme de l'édifice soit nouvelle et plus auguste ». Et cela, alors que le cardinal qui appuya la nomination de Palletis avait écrit à Innocent X, en novembre 44, en lui annonçant qu'il proposerait ce chanoine de Saint-Jean-de-Latran au prochain consis¬ toire : « La cathédrale de Nice, si elle est de construction ancienne (antique structure), n'a besoin d'aucune réparation (nulla indiget reparatione) ». Au moment où elle va commencer à disparaître, jetez les yeux sur ce qui s'y est passé depuis l'intronisation. En 47, juin, l'évêque y supplée les cérémonies baptismales pour un Villaris, ondoyé en novembre précédent, fils du seigneur de Touët-de-l'Escarène : le parrain est le duc de Savoie (représenté par Charles Scaglia, comte de Verrue, gouverneur du château de Nice) et la marraine, la régente (dont la comtesse Badat, Gabrielle du Puget-Saint-Marc, une Provençale mariée au premier gentilhomme de la Chambre ducale, tient la place). En 49, février, il baptise un Constantinopolitain dont le nom et la religion abjurée ne sont pas indi¬ qués dans l'acte ; le prince Maurice de Savoie est le parrain. Il n'a béni aucun mariage et n'en bénira pas dans le reste de son épiscopat. 33 CHAPITRE II L'Architecte niçois Jean-André Guiberto L'architecte à qui Palletis s'adresse est un Niçois, Jean-André Guiberto, marié depuis 1640 avec une Niçoise, une Adrechio. Son nom et sa vie méritent d'être connus, puisque certains de nos contemporains continuent, malgré ce qui a été dit et écrit sur lui, à l'ignorer. Il était ingénieur ducal. Le cardinal Maurice de Savoie s'est intéressé à lui au temps où, révolté contre sa belle-sœur la duchesse-mère et régente Chrétienne, sœur de Louis XIII, il s'était emparé de la ville et du château de Nice. Il lui a donné un grand magasin, sis dans ce pré des Oies qui deviendra au XVIir siècle le quartier Saint-Prançois-de-Paule. Quand le cardinal eut déposé les armes et le chapeau rouge et se fut marié, Guiberto est devenu adjudant de la Chambre de celui qu'on appela dès lors S. A. le prince Maurice. Après la mort, qui survint en 1657, du ci-devant porporato, il restera adjudant de la Chambre de sa veuve. Il prendra en location, en 60, le bien qu'elle possédait à la Mantéga ; une magnifique propriété qui avait appartenu aux Grimaldi de Beuil P) et où se trouvaient, d'après un inventaire de 58, « un petit palais rural avec une tour, un parc entouré de murs et, confrontant du sud le vallon, un jardin avec six statues d'hommes en marbre blanc et dans l'habitation, entre autres objets, un billard garni d'une vieille étamine verte, un damier en bois de cyprès, un pressoir à vin et une cuve pouvant contenir une quarantaine de saumées ». Guiberto, devenant locataire pour trois années, s'enga¬ gera à planter 500 pieds de vignes, chaque année, à ses frais, à tenir citronniers et limoniers en bon état, à nettoyer les allées, à soigner les espaliers, à ne pas toucher aux pins, à n'user des branches ou broussailles qui seront au pied des arbres que pour le mieux des ceps et oliviers. Il vivait encore en 1676, mai, où il exécuta une réduction, conservée dans nos Archives muni¬ cipales, du plan d'après lequel Sainte-Réparate, non encore terminée, avait été, en grande partie et sous sa direction, reconstruite. Il porta, s'il vécut jusqu'en 87, où sa famille reçut des armoi¬ ries, d'argent à une bande d'azur chargée d'un croissant d'argent et accompagnée de 2 étoiles d'or. J'ignore s'il prolongea son existence jusqu'en 97, où le duc modifia le blason des Guiberti, qui eurent dès lors aux 1 et 4 de gueules au canon d'or en pal, aux 2 et 3, les armoiries primi¬ tives, avec la devise Hostium spoliis, qui fit allusion à la pièce d'artillerie des 1 et 4. Tel ou tel fils de cet architecte aura dû se distinguer dans la guerre, qui venait de finir en 96, entre Ver¬ sailles et Turin. L'œuvre de Jean-André Guiberto, dont il ne convient pas d'exagérer les mérites, a, du moins pour l'intérieur, un intérêt qu'il importe de ne pas nier. Elle ne laisse pas, en un siècle (1) Du moins à Annibal et à son fils André. Annibal l'avait reçue en 1593 de son beau-père l'amiral André Provana de Leyni, comme solde de la dot de sa femme. En 44, André Grimaldi l'avait cédée au prince Maurice de Savoie, qui s'était intéressé à lui. En 61, la veuve du prince, qui avait cédé la propriété à un ancien musicien de l'orchestre de son mari, vit cet artiste la lui rétrocéder et lui abandonner les droits qu'il avait sur certains biens d'une sœur du fils d'Annibal Grimaldi. C'est dans cette propriété de la Mantéga que Palletis, allant à Rome en 44, juin, avant d'être préconisé au siège de Nice, alla « baiser la main » au prince Maurice, gouverneur de notre comté. 34 où plut un certain type d'architecture, de s'inspirer, en tout petit, du plan de Saint-Pierre de Rome, non pas, bien que trop de gens disent à la légère que Sainte-Réparate est une église « de style jésuite », du Gesù de la Viile Eternelle. Elle présente, comme Saint-Pierre, le tracé d'une croix latine et étend sur le sol, en quelque sorte, l'image de la croix pectorale de l'évêque qui s'est adressé à Guiberto. Elle conserve une caractéristique de l'église qu'il eut à démolir. La coupole à laquelle les Niçois étaient habitués et que vous remarquez sur les vues cavalières de Jean-Louis Baldoino (elle est antérieure à 1610, juin) et de Laurus (elle date de 1625). D'ail¬ leurs Guiberto agrandit la primitive coupole. Ce que Palletis lui demande et ce que cet architecte niçois propose à l'évêque, une fois les études faites, d'entreprendre pour la réalisation de son idée, c'est une tâche des plus impor¬ tantes. Il faudra non pas seulement remanier, mais abattre petit à petit et reconstruire de manière à ce que le service du culte souffre le moins possible. Etablir un chœur qui aura une forme nouvelle et plus grande, deux transepts, une large nef, deux bas-côtés qui seront comme deux nefs latérales, quatre chapelles dans chacun d'eux (et elles auront les mêmes dimensions), une sacristie plus grande que la primitive, un clocher qui soit au nord-est de l'édifice, un maître-autel qui ait de la majesté ; et disposer des peintures, des stucs, des dorures. Tout cela entraînera de grandes dépenses. Il sera nécessaire d'acheter des immeubles, notamment un dont la démolition puisse permettre d'aménager la porte principale, non plus au nord, sur la place aux Herbes, mais sur la rue qui passe à l'est de cette maison ; de raser des parties, parfois le tout, des immeubles à acquérir ; de discuter ainsi avec des propriétaires qui rechigneront et exigeront que le Sénat les exproprie ; de solliciter diverses autorisations de la vice-légation. Pour réaliser le plan de Guiberto, qui correspond au rêve de Palletis, il faudra s'engager dans de graves difficultés. L'évêque ne verra pas l'achèvement de l'œuvre qu'il entreprend avec le désir de faire vite et de dépenser beaucoup. 35 CHAPITRE III La reconstruction depuis 1650 et l'aménagement intérieur En 1650, le chœur est abattu et remplacé « par un très beau d'une forme nouvelle ». La chose a été conduite rondement. D'après je ne sais quel témoignage que Scaliero semble avoir recueilli, « tous les Niçois s'étonnaient de voir la grandeur du travail exécuté en si peu de temps ». Et chacun d'assurer que l'évêque, le chapitre, la ville et le prince Maurice, l'ex- cardinal, gouverneur du comté, y concouraient chacun pour 10.000 livres. La duchesse-mère fut, elle du moins, priée par la Municipalité, vers ce temps-là, d'y participer, mais pour 3.000. Si elle envoya cette somme, je l'ignore. Que l'évêque Palletis fût riche personnellement, on en a la preuve dans certaines donations qu'il fit en 1648 à l'un de ses frères et à deux de leurs parents. En avril, à cause de la construction du chœur, le maître-autel est remplacé par un appareil de planches où est accroché le tableau représentant sainte Répara te. En juin, c'est dans une des petites chapelles que la confrérie de la Miséricorde possédait dans la partie sud de la cathédrale, que la Fête-Dieu est célébrée. Le chœur semble avoir été terminé pour la fête patronale. Le 6 octobre, paiement de six portefaix qui venaient de « remettre les sièges du chapitre dans le chœur » ; achat « de la ficelle pour les grands tableaux (per li quadri grandi) », autrement dit, je suppose, pour tenir et tirer les rideaux que l'on mettrait devant ces toiles. Les travaux de Guiberto commencent en 1650, le lendemain de la fête de l'Epiphanie. Une croix latine donnera l'unité au plan ; le chœur en formera, comme de juste, la partie supérieure ; il ne sera ni un demi-cercle, ce que l'ancien semble avoir été, ni un rectangle, mais un pentagone. La croix pectorale de l'évêque sera, pour ainsi dire, étendue sur le sol suivant de grandes proportions. Il faudra former des transepts dont l'un ira vers le palais épiscopal, au sud, l'autre vers la place aux Herbes, au nord ; chacun contiendra une chapelle. Abattre la coupole et en faire une plus grande : au « pilastrone » du sud-ouest sera adossé le trône de l'évêque, à celui du nord-ouest, le siège du gouverneur du comté, à celui du nord-est, la chaire Une porte conduira du chœur dans un vestibule qui donnera accès à une grande sacristie où il y aura un autel. Il faudra établir une nef centrale ayant de chaque côté trois piliers et une nef latérale ; celle-ci contiendra quatre chapelles de mêmes dimensions, dont l'une sera oc¬ cupée par les fonts. Les trois nefs déboucheront, la porte du milieu étant plus grande, sur ce qu'on appelait alors la rue des Marchands. Un clocher (qui d'ailleurs n'est pas prévu sur le plan) sera indépendant de l'édifice. De tels travaux demanderont une douzaine d'années pour le moins. N'est-il pas nécessaire que, malgré les chantiers où les ouvriers démoliront et recons¬ truiront, le culte soit incommodé le moins possible ? Que l'achat à l'amiable ou, s'il y a lieu, l'expropriation permette de raser certains immeubles ou d'en détruire au moins quelques par¬ ties ? L'entreprise sera non seulement longue, mais minutieuse, et coûtera cher. Palletis veut aller vite. Il s'y obstinera malgré les observations des gens du métier, en dépit de tels accidents qui prouveront qu'il pressait trop la besogne. Il lui en coûtera la vie à l'automne de 1658. Nous pouvons ainsi nous figurer que la sainte Réparate était replacée, comme elle y est encore, derrière le maître-autel — il fut longtemps moins enfoncé qu'il ne l'est de nos jours ; — en outre que, sur les murs du sanctuaire, étaient posées les images des quatre saints que le diocèse niçois vénère, trois d'après de simples traditions hagiographiques, les saints Basse, Pons et Siacre, un conformément à l'histoire, saint Valérien. Les tableaux, on le verra pour 1655, n'étaient que dans des encadrements provisoires et furent alors retouchés ou même refaits en entier. Après la fête patronale, 305 liv. pour 44 cannes (environ 71 mèt.) — donc à raison de 3 liv. 7 s. le mètre — « de murailles, les pilastri qui font partie du chœur et leurs ornements ». L'aménagement d'une sacristie nouvelle, dont une inscription de 1706, copiée par Bonifaci, parle pour 1650. Je n'en sais rien de plus. La démolition de la coupole qui doit être reconstruite en plus grand. On continuera à l'appeler, comme en 1601, « le trône (il trono) ».250 liv. en juillet « pour faire jeter à terre il trono et enlever tous les gravats ». 3 liv. 12 s. en novembre, à trois hommes « qui ont jeté à terre la muraille élevée sur la voûte et retiré le bois ». L'établissement de quatre puissants pilastroni sur lesquels pût reposer la nouvelle coupole à établir. 40 liv. 5 s., en juillet, pour 2030 briques « destinées aux pilastroni contigus au chœur » ; 35 liv. en octobre, dont une partie « pour creuser des fondations », probablement de ceux-ci ; 14 s. en novembre, aux ouvriers qui venaient de creuser « les fondations du pilastrone vers le Corpus Domini ». On peut supposer que c'est pour le troisième travail et le quatrième que le chanoine archidiacre Jean-Baptiste Torrini paie, en juillet, 312 liv. « pour acquérir les cintres qui ont servi à la construction de l'église des Jésuites et l'armature de ces cintres, les transporter et les remonter ». La suite des travaux de la chapelle du Saint-Sacrement, qui était alors dans la partie sud. En juillet, avant le 14, l'évêque a dit aux consuls : « Les prieurs de la confrérie ont com¬ mencé, depuis quelques jours, à la construire » (sans doute en transept, ce qui n'existait pas jusque là) ; vous devriez élever, en face, au nord, pour qu'elle soit symétrique, la chapelle promise par le vœu de 1631 ; il faut laisser reposer quelque peu (alquanto) les murs de la nou¬ velle chapelle du Saint-Sacrement ». D'après le registre Cerimoniali, « les ouvriers en précipi¬ tèrent la confection si imprudemment que, une nuit, la voûte s'effondra et que, quelques semaines après, l'évêque et les prieurs du Corpus Domini durent la faire reconstruire ». D'où, le repos dont parle Palletis. Pour aménager cette chapelle, on doit démolir une partie de celle, comme on disait alors, « de sainte Rosseglia », qui était donnée, depuis 1645, en location à la ville. L'aménagement, qui regardait la ville, de la chapelle Sainte-Rosalie. On vient de voir ce que l'évêque en avait dit avant le 14 juillet. Il suggérait de faire un transept nord vers la place aux Herbes. « Nous construirons », répond le Conseil municipal, « la chapelle et nous y affecterons les 4.000 liv. promises en 1649 pour la participation aux travaux de la cathédrale. Mais à deux conditions. Que Sa Grandeur relève Nice des vœux faits pendant la peste. Que le terrain soit donné gratuitement par l'évêque ou toute autre personne ». Les syndics de 1650-51 pratiquaient visiblement le proverbe : Passato il pericolo, gabbato il santo. Ils trouvaient habile de ne pas verser à Palletis les 4.000 liv. dont ils auraient dû avoir déjà payé un quart, ou du moins de ne pas débourser à la fois cette somme et ce qu'il faudrait pour la chapelle votive. L'évêque n'est pas dupe. Il convoque les syndics. « On ne commencera pas la chapelle avant que les 4.000 liv. ne soient payées, pour qu'on puisse continuer les travaux déjà commencés ». Le Conseil charge les syndics de savoir « ce qu'on dépensera pour elle » ; d'après leur rapport, il décidera. En octobre, les syndics exposent que la dépense pour la chapelle sera de 5.000 liv. et 37 suggèrent, pour les 4.Ô00 qué la Ville avait promises, de taxer d'une livre chaque charge de vin « de barque », de 10 s. chaque charge de vin « amené par terre ». Le Conseil maintient sa déci¬ sion de payer les 4.000 fr., mais à trois conditions. Que le terrain soit donné gratuitement. Que nulle somme supplémentaire ne soit demandée. Que la ville se borne à construire « d'une façon sommaire (rusticamente) » et n'ait pas à nettoyer la maçonnerie (repulîrla). En attendant, il verse 436 liv. 5 s. qui venaient de la confiscation et vente de blés saisis aux dépens d'un juif qui avait commis une fraude. La démolition du clocher. Le 31 décembre, 30 s. « pour le percer à l'effet de prendre certaines mesures ». Cette démolition devenait indispensable pour que l'évêque pût donner à la ville une partie du terrain nécessaire à la chapelle votive. Parmi les recettes que l'archidiacre inscrit depuis le 22 novembre — elles sont, pour les 40 derniers jours de l'année, de 365 liv. 16 s. — 65 liv. du chamoine curé, 39 du prévôt du cha¬ pitre, 27 de quelques ordinands, 15 liv. 18 s. d'un vice-curé de la cathédrale, 18 d'une condamna¬ tion, 30 liv. 16 s. de divers barbiers qui avaient, je suppose, transgressé le repos dominical. Le journal du curé de Monaco mentionne, en 1651, 27 février, un mandement par lequel l'évêque in¬ vitait les fidèles à donner « une aumône pour la construction de la cathédrale que l'on rebâtit en entier (si rinova tutta) ». Ce mandement, qui fut imprimé, lui avait été apporté par un capucin qui venait prêcher le Carême dans la principauté. Je ne puis dire s'il est de 1650 ou de 1651. En 1651, les travaux se rapportent à une douzaine d'articles. Le premier est la démolition du clocher. En février, le 2, les cloches ont été enlevées. Au 6 avril, pour le prix fait, qui était de 200 liv., il est rasé. L'achat de la maison d'un marchand, Jean-Baptiste Solaro, et la démolition d'une partie de celle-ci. Ce Niçois, qui semble avoir été trésorier de la chapelle de Laghet en 1656, est d'autant plus intéressant qu'on a ses trois testaments de 1657, 72 et 77, par lesquels il demande unifor¬ mément à reposer dans la tombe de sa famille, à Cimiez. Par le premier, il se recommande, entre autres protecteurs, à saint Basse et mentionne une chapelle qu'il avait fait construire dans la banlieue, au hameau de Saint-Augustin, sous le vocable du saint qui, d'après une tradition datant de la fin du XVI" siècle, est considéré, ce que l'histoire ignore, comme le premier évêque de Nice. Par son second testament, nous voyons qu'il avait fondé cinq messes à célébrer dans cette chapelle, « durant le mois d'août, pour la commodité des habitants du lieu ». Le troisième nous apprend qu'il avait donné à cette chapelle un grand tableau (ancona), une pierre sacrée et un missel, et qu'une messe quotidienne serait dite, pour le repos de son âme, à la cathédrale, « à l'autel Saint-Jean-Baptiste ». L'immeuble de Solaro est acheté en partie le 1er mars. L'af¬ faire était conclue verbalement au moins depuis janvier, où l'on voit l'archidiacre en payer la démolition d'une partie. L'évêque avait calculé qu'il fallait acquérir, aux frais de sa mense, « certaines maisons (quasdam domus) », mais que l'argent manquerait ; d'accord avec le chapitre, il avait demandé à la vice-légation d'Avignon la permission de vendre « une boutique et une maison peu utiles, peu productives, sises à côté de son palais » et à employer l'argent « à acheter les maisons qu'il fallait acquérir pour la construction de la cathédrale ». Le vice- légat l'y autorise. Les chanoines exposent à l'évêque qu'il faut « un emplacement pour la cha¬ pelle latérale » — sans doute celle du Saint-Sacrement, qui devait former le transept sud — et qu'il est indispensable d'acheter une partie d'une maison de Solaro, « sur une longueur de 20 palmes et une largeur de 10 » (environ 5 m. 20 et 2 m. 60), à savoir, trois pièces. Le chapitre suggère de payer en livrant à Solaro une maisonnette où les dîmes capitulaires étaient entre¬ posées, immeuble contigu avec celui de Solaro, avec le chœur de la cathédrale « et, du côté de l'est, avec la chapelle latérale ». Palletis prend l'avis de l'ingénieur Guiberto et approuve la 38 Construction de ia chapelie votive, qui fera le transept nord. La première pierre en est posée avant le 4 février, où la ville donne un pourboire de 7 liv. 4 s. Puis, suspension de la besogne. Un acte du 1er mars dit : « La confrérie du Saint-Sacrement a entrepris, à l'exemple de Sa Gran¬ deur, de rebâtir sa chapelle latérale vers le palais épiscopal ; il reste, pour la beauté des tra¬ vaux, à en élever une symétrique ; la ville, qui doit le faire, a promis de n'épargner aucune dépense ; l'évêque a acheté le terrain, le lui a remis, mais se refuse à faire d'autres frais ». On va voir que, précisément, le 1er mars, Palletis acheta une partie d'un immeuble appartenant à François Capello, en vue de livrer le terrain et celui du clocher (dont la démolition fut terminée, je l'ai dit, le 6 avril) à la ville, afin que celle-ci se mît à la tâche. Or, le 16 avril, la Municipalité verse un acompte de 500 liv. « aux fabrissieri de la chapelle neuve » ; puis, 300 à trois hommes « députés pour la nouvelle construction » de cette chapelle. En juin, elle renonce à l'usage « de la petite et ancienne chapelle de a confrérie du Saint-Sacrement », pour laquellt elle payait depuis 1645 un loyer annuel de 8 ducatons à celle-ci ; elle décide de lui verser, à titre de dédommagement, un capital de 100, mais à condition de ne plus payer le loyer. J'ignore où la ville, en attendant que la chapelle du transept nord fût finie (elle ne l'a été qu'en 1656), entreposa les reliques de sainte Rosalie et le tableau de J.-B. Baldoino. En juillet, elle verse 650 liv. pour sa chapelle ; en novembre, 300. La réparation de l'accident survenu en 1650 dans la chapelle du Saint-Sacrement. En février, 5 liv. 3 s. « pour enlèvement de pierres du pilastrone tombé » ; 2 liv. « au forgeron qui arrangea trois clefs tombées du pïlastro (sic) », 112 liv. 6 s. 6 den. que la ville verse à l'archi¬ diacre « sur la réfection du pilastrone tombé ». En mars, 24 liv. 8 s. 6 den. « pour son achève¬ ment ». En juin, une « aumône » de 300 liv. à la confrérie « pour reconstruction de la cha¬ pelle (sic) tombée », et 98 que l'on prend dans le tronc du rachat des esclaves. Cet accident aurait dû servir de leçon. Nous verrons, en 1658, qu'il n'en fut rien. L'acquisition d'une partie d'un immeuble appartenant à François Capello et la démo¬ lition d'une partie de celui-ci. Le 1er mars, un acte constate que Palletis est « très dévoué au ser¬ vice de Dieu et zélé pour le bien public » ; qu'il désire que la cathédrale ait « un état plus commode et meilleur » ; qu'il a déjà, « à ses frais, fait reconstruire et, pour ainsi dire, achevé le chœur » ; que son intention est « de le terminer et conduire à la perfection » ; que l'église est « détruite à peu près en entier » ; qu'il a fallu acquérir « un appartement » de Solaro — l'acte dont il a été question. Enfin, qu'il faut en acheter un à Capello. Pas d'argent. Le vice- légat a autorisé l'évêque, le 1er février, à vendre « un boteghino et un arrière-magasin ». On n'a pas eu besoin de cela pour l'achat fait à Solaro : donc, qu'on en use pour payer Capello, qui demande 150 doubles d'Espagne de son appartamento di casa. Un marchand de Nice, André Turato, jadis orfèvre, maintenant commerçant en étoffes, frère du chanoine préchantre, offre la somme pour acheter les deux pièces. Deux mastri di bosco assurent qu'on ne pourra pas les vendre plus cher. Le 1er mars, les deux ventes ont lieu. Turato pourra « tirer le mur en ligne droite, du côté qui reste vers le corridor (l'andito) du palais épiscopal ». Capello gardera la propriété « du reste de son immeuble avec les angles qui seront hors de la muraille qu'il y a à construire de nouveau ». Il pourra appuyer sur celle-ci son immeuble, dont l'acte dit qu'il confrontait, de l'est, la place aux Herbes, du sud, « le clocher ou cathédrale ». Le clocher était d'ailleurs en démolition. Le propriétaire avait d'abord refusé de vendre ; le Sénat l'avait con¬ traint à céder « ce qui est indispensable à l'emplacement (sitto) destiné à la construction de la chapelle ». D'après les confronts indiqués, il s'agit de celle qui devait former le transept nord. Il est curieux de constater que, cinq jours avant l'expropriation, l'archidiacre paya 10 s. « pour enlèvement des pierres de la maison Capello ». Postérieurement à l'acte d'achat du 1er mars, on 39 le voit verser 1 liv. 14 s. « pour la démolition du magasin (bottega) de Capello et de la mu¬ raille > ; en avril, 2 liv. « pour la démolition, qui demande deux jours, de la maison (sic) de Capello » ; 19 s. pour en enlever pierres et bois, 1.290 liv. pour l'immeuble. D'autre part, il vend pour 12 liv. 10 s. 500 copi qui en provenaient. L'aménagement d'une chapelle en l'honneur de saint Joseph, qui n'a qu'un autel jusqu'ici. L'ancienne chapelle du Saint-Sacrement ne servira plus longtemps à la ville, dont la Municipalité a posé, le 4 février, la première pierre de sa chapelle votive. En avril, Palletis informe les consuls qu'un particulier — il ne le nommait pas, mais on va voir qu'il s'agit d'André Turato, dont nous avons parlé — offre « de faire la chapelle où était l'image (dove era l'imagine) de sainte Rosalie, propriété de la ville », en d'autres termes, de reconstruire, selon le plan de Guiberto, l'ancienne chapelle, jusque-là petite, où les syndics de 1635-36 avaient obtenu le droit de déposer provisoirement les reliques de la sainte et ceux de 1636-37, placé le tableau, commandé par eux, de Jean-Gaspard Baldoino. L'évêque fait remarquer aux ~syndics que « le particulier est retenu et incommodé » par le fait que la confrérie du Corpus Domini jouit, sur cette chapelle dont elle n'a plus besoin, d'une rente annuelle de 8 ducatons, en vertu de l'acte de 1645 ; que « le particulier » demande que la chapelle lui soit remise libre de cette charge et que, à cet effet, la ville se décide à construire sa chapelle votive — en d'autres termes, à ne pas se contenter d'en avoir posé la première pierre — ou permette, en se chargeant de payer la rente, que l'on bâtisse. Le Conseil charge les syndics de la vente, « si quelqu'un veut construire et relever la ville de l'obligation de payer les 8 ducatons » ; en outre, il les invite à traiter avec les prieurs du Corpus Domini. Il semble même résulter d'un acte de 1652, 6 juin, que l'évêque somma la ville et la confrérie, en 1651, sinon en avril, du moins en juin, de laisser « le particulier » travailler. Le 29 juin, Palletis venait de déclarer que, si dans la quinzaine, la ville ne se décidait pas « à faire élever la chapelle attenant à celle du Saint-Sacrement », autrement dit à en acquérir la propriété et à la reconstruire selon les plans de Guiberto, il la donnerait à qui bon lui semblerait. La ville, qui a déjà posé, en février, la première pierre de ce qui sera le transept nord et versé, en avril, 800 liv. pour ces travaux, renonce à l'ancienne chapelle, ordonne de payer à la confrérie 100 ducatons à titre de dédommagement et à condi¬ tion d'être dégagée du paiement annuel des 8 ducatons, et consent à ce que Palletis, d'accord avec les prieurs de la confrérie, dispose de la chapelle pour le mieux. L'aménagement de la chapelle Saint-Barthélemy. En juin, l'évêque avait mis la main à une chapelle latérale, l'une des quatre qui devaient, d'après le plan de Guiberto, s'ouvrir sur la future nef latérale nord. Barthélémy Rosso, surnommé Coarrier, un riche propriétaire de Bellet, venait de mourir sans postérité, ayant, par son testament de 1650, élu sépulture à Saint- Dominique, fondé en cette église une chapelle nie sous le titre de saint Barthélémy, patron de lui et de son aïeul, et ordonné qu'une messe quotidienne fût dite par les Dominicains tant qu'un de ses parents ne serait point prêtre. En 1651, ses frères se partagent ses biens, du 21 mai au 25 juin, et veulent fonder la chapellenie à Saint-Dominique. L'évêque, le 20 juin, le leur interdit, sous peine d'une amende de 100 écus et de l'excommunication et, malgré les protes¬ tations des religieux, exige que la chapellenie soit établie dans la cathédrale. Aussi les Rossi le prient, entre ledit 20 juin 1651 et le 15 avril 1652, de leur remettre la chapelle qu'il y construi¬ sait, lui offrent 350 crosoni et la cession d'une créance de 200, demandent qu'il s'engage à achever la construction, à stuquer cette chapelle, « à l'embellir, à faire le grand tableau (l'an- cona) et autres peintures qui vont jusqu'au plafond ». 40 L'achèvement du chœur. Un acte du 1er mars apprend qu'il restait à le stuquer et que l'évêque avait traité avec des maîtres. L'affaire ne fut reprise qu'en 1655. Divers pilastri, sur lesquels les renseignements précis manquent. Ainsi, un acompte de 186 liv. « pour les pilastroni et deux pilastri ». La voûte du transept nord. En mars, 3 liv. 10 s. « pour les cintres vers la place ». La chaire. En mars, 8 liv. 10 s. « pour la facture » de celle-ci. Une réparation, je pense, de la chaire armoriée de Martinengo qu'il aura fallu déplacer et fixer, selon le plan de Guiberto, au pïlastrone nord-est. La porte. En avril, 4 liv. 10 s. pour elle, et 7 liv. à un maître qui en avait, avec un com¬ pagnon, durant huit journées, taillé le pilastro. Examinons les entrate de 1651. Elles montent à 2.973 liv. 5 s. 6 den. L'appel de l'évêque aux fidèles a été entendu. Le marquis des Baux, fils du prince Honoré II de Monaco, verse 6 écus de 3 liv. au nom de son père, d'après le journal du curé, 22 liv. 2 s., le 2 mars, et 26 liv., le 8, suivant le registre de l'archidiacre. Les Monégasques, 3 liv. La comtesse Lascaris, 162 liv. 10 s. Le gouverneur du château de Nice, comte de Monasterolo, 125. Le seigneur de Berre, 26. La belle-sœur du chanoine Tonduti, 25. La fille, qui prenait le voile, de la dame de Saint-André, 87 liv. 10 s. Jeannet Rosso, un des Rossi dont je viens de parler, 13 liv. en décembre, « pour faculté d'élever une chapelle ». Le frère du chanoine prévôt, 12 liv. 10 s. L'orfèvre Prioris, 3 liv. 12 s. Le secrétaire du Sénat, un Masino, 12 liv., qu'il fait remettre, le dimanche de la Quinqua- gésime, pour avoir le droit d'aller, non sans le regretter en bon chrétien, au Carnaval, « per dispensa delle mascare ». Un Bonfiglio, pour je ne sais quelle grâce que le duc lui avait accordée, 1.000 liv. Un homme qui n'avait pas respecté le repos de la fête des saints Pierre et Paul, 1 liv. 16 s. Jean-Baptiste Simeone (un Niçois dont un frère était médecin et conseiller de l'élec¬ teur de Bavière, marié à une sœur du duc Charles-Emmanuel II de Savoie), 1 liv., etc... Des gens font des offrandes en nature. Deux femmes, une bague d'or et deux boucles d'oreilles, que l'ar¬ chidiacre revend 6 liv. 5 s. Un homme, un tonneau qui est revendu 18 liv. Des troncs avaient été mis dans la cathédrale. On en tire 2 liv. 9 s. le Vendredi saint, et 1 liv. 4 s. en novembre. Les dames Vivalda, femme d'un sénateur, et Fabri quêtent dans la ville en novembre et recueil¬ lent 32 liv. 3 s. Le tronc du rachat des esclaves produit, virement à noter, 98 liv. On revend divers matériaux des démolitions. Le clergé du diocèse souscrit. Ainsi, les prêtres de Saint- Etienne-de-Tinée, 63 liv.; ceux d'Isola, 20 liv. 10 s.; ceux de Saint-Dalmas-le-Selvage, 14 liv.; ceux de Villefranche, 11 liv. 2 s. La participation d'un prêtre de Venanson, du vicaire d'Aspre- mont, de chacun des deux prêtres de Contes, d'un de Peille, d'un chanoine de Contes, n'est que de 2 liv. Quelques communautés contribuent aux frais. Saint-Etienne, pour 62 liv. 10 s.; Roubion, pour 12 liv. 10 s.; Belvédère, pour 4 liv. 5 s.; Lucéram, pour 4. Un médecin de Saint-Etienne envoie 25 liv. « pour absolution d'un vœu » qu'il avait fait. Je mentionne ici un acte du 1er mars, d'où il résulte que le chapitre, qui avait possédé une créance sur Peille, l'avait cédée à l'évêque pour acquérir « une partie de la maison Sôlaro et l'immeuble Capello ». Cet acte répète ce que nous avons déjà vu dans un autre du même jour : que Palletis est « zélé et désireux d'augmenter le culte, de reconstruire la cathédrale », qu'il n'a pas encore stuqué le chœur, que la confrérie du Saint-Sacrement a entrepris, « à son exemple, de rebâtir sa chapelle latérale vers le palais épiscopal », qu'il reste à la ville d'en cons¬ truire une qui soit symétrique. 41 Én 1652, les travaux sé rapportent â dix articles. Le premier est l'aménagement de la chapelle Saint-Joseph. En janvier, l'évêque agrée la demande que les frères Turati, le pré¬ chantre Pierre et le marchand André, lui avaient adressée après la décision prise par la ville de renoncer à la vieille et petite chapelle. Ils se mettent à la besogne. Neuf jours après, le regis¬ tre de l'archidiacre parle de « la couverture (il coperto) faite devant la chapelle de Turato (del Turato) ». En avril, un acte, dont nous parlerons plus loin, dit que la chapelle Saint-Barthélemy est en face de celle que les Turati « ont faite (fatta) » et que l'évêque s'engage à la stuquer « dans le style de la chapelle Saint-Joseph ». En juin, celle-ci est finie ; elle confrontait alors, comme porte un acte de ce jour, de l'ouest, celle du Saint-Sacrement ; de l'est, un corridor conduisant au palais épiscopal. Les Turati s'engagent à la garnir des ornements (paramenti) et vases sacrés nécessaires. Ils y aménagent un caveau pour eux et leur famille. C'est eux, je pense, qui installèrent les quatre tableaux que en garnissent maintenant les murs latéraux. On y voit les saints Pierre et André (les patrons des deux fondateurs), Charles Borromée et Louis, roi de France (saint Louis était l'un des patrons du fils d'André Turato). On connaît le curieux autel de cette chapelle, dont le devant imite la mosaïque florentine : fleurs, oiseaux et, au cen¬ tre, le blason des Turati, coupé d'or à l'aigle de sable couronnée du même, et d'azur à trois étoiles d'or, 2 et 1, à cinq pointes. L'achèvement de la chapelle Saint-Barthélemy. En avril, dans la sacristie des Domi¬ nicains, qui protestent une fois de plus contre la décision de l'évêque, Palletis dit aux Rossi : « Je vous vends la chapelle que j'ai fait construire, couverte comme elle l'est, et son terrain jusqu'aux colonnes qui soutiennent la grande nef inclusivement et autres annexes de cette chapelle. Je m'engage à la stuquer à la perfection et dans le style de celle que les Turati ont élevée (fatta) en face. Et à fournir le grand tableau qui sera sous le titre de saint Barthélémy, les deux petits pour les murs latéraux, les peintures qui vont au plafond (che vanno al soffitto), le carrelage, un escalier de deux marches, deux candélabres, une croix et une lampe en cuivre, une pierre sacrée, les canons d'autel, les ornements et parements nécessaires. « Comme V. G. a dépensé 500 crosoni, dont les 350 remis par nous, nous vous cédons la créance de 200, dont nous avons parlé, mais dont nous ne savons plus si c'est à Nice ou à Oneille qu'est le débiteur ». On n'ignore pas que la chapelle possède un très beau tableau, le meilleur de la cathédrale, représentant le martyre de saint Barthélémy. C'est sans doute l'ancona que Palletis avait promis aux Rossi de fournir. Il est assez inattendu que tel livre l'attribue, sans nulle preuve d'ailleurs, à je ne sais lequel des Vanloo. La maçonnerie d'une partie de l'église. En avril, 501 liv. pour solde de 140 cannes de murailles « à 3 liv. la canne » (environ 2 m. 10), « du pilastrone qui est vers le Saint-Sacre¬ ment » (sans doute celui qui avait cédé), d'une partie de « celui qui est vers la chapelle de la ville ». En juin, 1 liv. pour les fondations qui venaient d'être creusées « entre le petit pilier et l'autre de l'église ancienne ». En octobre, 24 liv. pour « la muraille entre l'église ancienne et la nouvelle vers l'évêché » et pour « la muraille qui, construite sur celle qui est vers la place aux Herbes, ne suffisait pas » ; 24 liv. pour celle-ci « qui n'a pas encore assez de hauteur pour qu'on puisse couvrir ». La couverture de ce qui avait été assuré au culte. En janvier, 24 liv. 18 s. « pour acheter et faire scier les lave destinées à couvrir les deux voûtes des nefs latérales (sans doute les transepts), 13 liv. 10 s. pour deux demi-poutres affectées à « la couverture de l'église » ; 42 1 liv. 16 s. pour sciage de trois poutres destinées à la couverture « des deux nefs » (des transepts, je pense), 9 liv. 15 s. pour des planches « épaisses en vue de faire les ponts », 3 liv. pour 20 liv. de cordes destinées à ceux-ci ; un acompte de 7 liv. 8 s. « pour la couverture faite devant la chapelle de Turato (del Turato) ; 7 liv. 12 s. pour achat, sciage et transport d'une petite bigue « destinée à la couverture de la nef vers la place ». En février, 3 liv. à des portefaix « qui ont tiré les bigues sur le cornisone pour faire le pont ». En août, 92 liv., dont une partie solde « la voûte de la nef du milieu » (sans doute celle du chœur) ; un acompte de 13 liv. sur « la couver¬ ture de l'église ». En septembre, 61 liv. pour elle ; 5 liv. 10 s. « pour celle de la nef du milieu » (de ce qui était à peu près terminé) ; 6 liv. à des hommes qui avaient « tiré trois poutres sur les piglie del cornisone pour faire la couverture ». En décembre, 20 s. à quatre hommes qui en avaient tiré deux « pour la couverture de l'église vers l'église neuve » ; un acompte « sur la couverture de l'église entre l'ancienne et la neuve. » La coupole. Les pilastroni sont assez solides pour qu'on entreprenne le nouveau trono. Le 31 juillet, on en commence « la dépense »; le 5 août, « le pont ». En septembre, 27 liv. pour 9 rubs (environ 72 kilos) de fers destinés « à la clef (la chiave) placée à la grande voûte (al voltone) du trono vers le chœur ». En octobre, 450 liv. pour solder « la cornisine del trono, les quatre vele et la banchetta sopra il cornisone » ; 1 liv. à un apprenti qui aida à défaire le pont du trono. En novembre, 17 liv. 8 s. « pour mettre les chevrons et planches à l'effet de couvrir le trono de tuiles ». En décembre, 1 liv. 14 s. aux gens qui ont tiré « les cuppi sur le trono » ; 3 liv. 12 s. aux maîtres qui ont couvert une partie du trono. Le chœur et le maître-autel. On y travaille en décembre, sans doute en vue des solennités de Noël. Le 19, 84 liv. pour 10 quadretti et 600 tant quadretti de marbre qu'ottangoli qu'on transporte de la plage pour 2 liv. 8 s. Donc le carrelage. Le même jour, 101 liv. pour 202 palmes (environ 52 mètres et demi) de marches (scalini) destinées à l'autel et pour la pen- ture (bandella), la pièce de fer qui faisait tourner la porte du tabernacle sur ses gonds. La chapelle votive du transept nord. En mars, la ville y affecte 100 liv. En juin, l'évêque lui donne quittance de 200 qu'elle avait allouées. En septembre, de 240. La ville rachète à l'archidiacre divers matériaux qui peuvent entrer dans son travail. 5 clefs de rouvre pour 31 liv.; une de fer et des boulons pour 70 ; des pierres du cornisone pour 90 ; des cintres « en vue d'armer la voûte de sa chapelle » pour 106. L'orgue. En septembre, 18 liv. 15 s. à un Marseillais venu « pour le faire (per fare l'organo) », sans doute pour le réparer. Les rideaux des fenêtres. On en achète en décembre. A noter que, en novembre, l'ingénieur Guiberto reçoit, « en raison de ses fatigues », un vêtement qui valait 88 liv. et se compose d'un pourpoint (casacha), d'un haut-de-chausses (gippone) et d'une paire de bas (calza). L'archidiacre règle ce supplément d'honoraires. Une troisième chapelle latérale faillit être construite en 1652. En août, le frère du prévôt Honoré Rossignoli, Jean, cède 111 écus d'or d'Espagne à la construction de la cathé¬ drale. En retour, l'évêque lui dit : « Je cède à vous et à vos héritiers un terrain, dont les propor¬ tions correspondent au plan de l'ingénieur. Il est du côté de la place aux Herbes, immédiate¬ ment après le couloir qui va de cette place dans l'église et est attenante à la chapelle des Rossi. .43 Vous pourrez, ainsi que ies vôtres, faire sur ce terrain une chapelle qui soit conforme au pian de Guiberto ». L'acte est passé sur la rive droite du Paillon, dans l'église des Scalzi. Cette cha¬ pelle ne fut pas construite par les Rossignoli. L'emplacement a servi à bâtir celle du Christ en croix qui existait en 1679, mars, et fut alors rebâtie par André Masino. Quant à celui de l'entrée où l'on passait en 1652, il a servi, entre 1677, avril, et 1679, mars, aux frères Dettat Doria, pour élever leur chapelle en l'honneur de sainte Rose de Lima. Examinons les entrate de 1652. Elles montent à 2.209 liv. 11 s. 6 den. Plus de 600 liv. de moins qu'en 1651. Diverses souscriptions du clergé. Des dispenses, qui produisent 140 liv. 2 s. Des resti¬ tutions. Deux quêtes dans Nice : 4 liv. en mars, 16 en décembre. Quatre violations de fêtes : 16 liv. 10 s. Une amende infligée à une femme qui travailla le jour de la Chandeleur : 7 liv. 10 s. L'offrande de deux villages dont les habitants avaient bien vendu leur chanvre : Villars, 4 liv., Roquebillière, 3 liv. 10 s. Des rachats de certaines condamnations : 293 liv. Les troncs de la cathédrale sont vidés le 16 avril : on n'y trouve que 36 s. Divers fidèles envoient de l'argent. La meunière du prévôt Rossignoli, 100 liv.; la communauté de Villars, 12 ; le juge de Marie, 150 ; les « frères Coarrieri, 150, pour pierres placées dans leur chapelle » (il s'agit des Rossi) ; « un étranger », 300 ; des marchands de Gênes, Florence et Lucques, « à qui les Français ont enlevé un bateau », 75 ; le marquis de San Damiano, 55 liv. 10 s. En novembre, la vente d'objets confisqués â des juifs de Villefranche, qui n'avaient pas observé une fête, rapporte 18 liv. Le chœur et le maître-autel. Le carrelage, ébauché pour la bénédiction du 6 janvier, est repris : en mars, 23 liv. 6 s. pour 200 carrés et octogones destinés « à carreler le presbiterio », et, en mai, 147 liv. pour 1.200 carrés et octogones destinés « à carreler le choro ». En octobre, 6 liv. pour deux planches de noyer « en vue de faire les gradins de l'autel ». En novembre, autant à un menuisier « qui tient chez lui le Français qui fait le grand escalier (scalînata) de l'autel, pour sa nourriture durant 8 jours ». La chaire. On la consolide avec des ferrures qui coûtent, en février, 36 liv. Une tribune est aménagée aux frais du marquis de San Damiano, un Piémontais des plus en vue. L'ajustement et la mise en place des bancs. Ainsi, pour 76, en mars, 33 liv., et pour 12 qu'il fallut retailler, 5 liv. Ce qui est particulièrement curieux pour cette année, c'est le grand nombre de paroissiens qui se pressent pour acheter un banc. Le sénateur Giacobi paie 18 liv. Jean-Baptiste Rainaldi, seigneur de Falicon, 12 liv. 10 s. L'avocat général, autant. La dame Rossignoli, 6, etc... En tout, 290 liv. 17 s. La couverture de ce qu'on appellerait les nefs latérales. A noter l'enlèvement des gravats qui restaient « dans la cour » (sans doute de l'évêché) « depuis la chute de la cha¬ pelle (sic) du Corpus Domini ». Les rideaux de l'église. En février, 34 palmi de toile pour les deux « de la grande nef », des chevilles, de la cordelette « et ce qu'il faut pour les tirer », 16 liv. 8 s. Salaire du maître qui les a confectionnés, 7 liv. 10 s. En 1653, les travaux semblent se ralentir. A l'occasion de l'Epiphanie, Palletis bénit ce qui était achevé. Le 1er janvier, 2 liv. 15 s. à des portefaix « qui ont abattu la séparation de l'église ancienne et de la nouvelle et enlevé les bois », et 4 liv. 10 s. « pour le nettoyage des gravats provenant de la couverture de la nef latérale vers la place » (donc du transept nord) ; le 3, 3 liv. 6 s. pour le carrelage, qui avait pris une journée, du chœur ; le 4, 7 liv. 6 s. à un maître qui avait travaillé « durant quatre nuits ». On s'était pressé en vue de la cérémonie du 6. Les travaux de 1653 se rapportent à sept articles. D'abord, la chapelle votive. La ville y affecte 1.000 liv., dont l'évêque lui donne quittance en janvier ; 794 liv. en mars, « parce qu'il acheta, en 1652, pour notre chapelle, des pierres, briques, moellons (masequani) et de la chaux », et 294 liv. 6 s. parce qu'il paya les ouvriers qui travaillent à notre chapelle et livra bois, pierres, moellons, chaux et sable », 879 liv. 15 s. 6 den. en mai. Les travaux sont suspendus du 11 juin au 8 septembre. La construction est assez avan¬ cée pour qu'un capucin, le P. François de Sestri Ponente, prêche dans la cathédrale la station de l'Avent au cours de laquelle il suggère aux Niçois de prendre la Sainte Vierge comme pro¬ tectrice suprême de la ville « contre les pestes, guerres et autres calamités », de fêter l'Imma¬ culée Conception, dont le dogme n'était pas encore défini par le Saint-Siège, de placer des Madones de marbre sur les portes des remparts et d'y fixer une inscription latine dont le texte serait emprunté au Cantique des Cantiques. Examinons les recettes de 1653. Le 10 février, le comte Barthélémy Marenco, neveu et héritier du prédécesseur de Palletis, consent, à propos d'un procès que celui-ci lui avait intenté en 1651, à transiger. L'acte a lieu au palais épiscopal. « Mon oncle », dit-il, « avait ordonné en 1642, 26 décembre, durant sa dernière maladie, de prélever sur son héritage et d'affecter à la réparation de votre cathédrale 200 ducatons. J'ai refusé de les verser. Je voulais exiger la restitution de diverses argenteries dont les chanoines se sont emparés sans scrupules, comme des voleurs, durant son agonie. — J'accepterai », lui répond Palletis, « par considération des dépenses que j'ai déjà faites et qui ne cessent de grandir, ce que vous voudrez bien me verser. — Dans ces conditions, je remets les 200 ducatons à Votre Grandeur, mais seulement pour soulager la conscience de feu mon oncle et en raison de ce que Votre Seigneurie Révéren- dissime m'assure qu'Elle a dépensé beaucoup et, en vue de réédifier Sainte-Réparate, dépensera davantage. Toutefois, l'acte de 1642, je ne l'approuve pas, et, quant au médecin qui soigna votre prédécesseur et lui extorqua, durant ses dernières heures, de l'argent, je me réserve de poursuivre ses héritiers. » Neuf jours après, l'archidiacre constate que le comte Marenco a, « pour le legs de feu l'évêque, son oncle », versé 748 liv. 18 s. D'autre part, le chanoine prévôt ou, en apparence, sa meunière remet 600 liv. Le cha¬ noine sacriste, 26. Un des chanoines Baldoini, 5 liv. 8 s. Le prieur de Berre, 50 liv. Le seigneur de Falicon, un Rainaldi, 12 liv. 10 s. Le marquis de San Damiano, 37 liv. 10 s. La dame de Gattières, 25 liv. La comtesse Lascaris, 26. Un Provençal, condamné pour un duel à une amende, 3 liv. 10 s. Diverses restitutions rapportent 174 liv. 15 s. Une quête à Contes, 15 liv. La vente de matériaux à la ville, pour sa chapelle votive, 720. Les troncs de l'église, 2. En tout, 3.341 liv. 8 s. Donc, beaucoup plus qu'avant. Ajoutons que, en avril, le chapitre abandonne à l'évêque un cens annuel de 42 ducatons. En 1654, nouveau ralentissement dans les travaux. Jusqu'à la mi-juin, presque rien à noter, sinon 6 liv. 5 s. « pour avoir couvert l'église et la chapelle des Rossi et bouché des ouver- 45 turës ». La ville payait mal et séquestrait diverses sommes. Le duc reçoit une réclamation de Palletis et se plaint, en juin, de ce qué les travaux « tant de la cathédrale que de Laghet » n'avancent plus. Il blâme la municipalité et enjoint aux sénateurs de faire verser les sommes qu'elle prétendait retenir. Elle avait, il est vrai, payé, en mars, à l'évêque 724 liv. pour des maté¬ riaux ; en juin, au peintre Gaspard Baldoino, 51 liv. 5 s., notamment « pour le grand blason qu'il a exécuté au-dëssus de l'autel », donc pour les armoiries de Nice qu'il avait coloriées dans la chapelle votive. Les travaux restent interrompus du 16 juin au 1er septembre, où ils reprennent par « la coupole (trono) depuis le cornisone jusqu'à l'imposte de la voûte ». Trans¬ port de bigues, de planches, de chevrons ; achat de clefs de rouvre ; achat de fers destinés à former des clefs. En octobre, « les quatre fenêtres du trono » (donc celles du lanternon) sont ajustées et munies de rideaux. En novembre, on achève la couverture du trono, les fenêtres « et autres ornements » ; le pont est enlevé ; 7 liv. 12 s. sont payés pour « les huit fenêtres posées au trono » (donc celles du tambour, dont l'une, qui bouche la toiture, n'est qu'une fausse fenê¬ tre, barrée, depuis la fin du siècle dernier, par la toile qui représente saint Valérien de Cimiez) ; du bois de mélèze destiné à ces huit fenêtres et l'étoffe des rideaux qui la garniront coûtent 19 liv. 12 s.; la confection de ces rideaux, 20 liv. Tous ces travaux avaient causé des dégâts. En novembre, on recouvre « le chœur et les chapelles neuves que la construction du trono a en¬ dommagés (rotti) » ; on refait la couverture, gâtée pour le même motif, de la chapelle Saint- Barthélemy ; on travaille à « recouvrir (ricoprire) toutes les chapelles que la construction du trono avait ruinées (rovinate) ». Quoique ralentis, ces travaux valent à l'ingénieur Guiberto, « pour ses fatigues et plans (fattiche e disegni) »,un vêtement sur mesure qui revient à 95 liv. 10 s. On s'occupe, en outre, des argenteries qui devenaient nécessaires à une cathédrale ainsi renouvelée. Dans les deux derniers mois, vente de diverses pièces pesant 30 liv., à 3 liv. l'once, dont la moitié n'était que « d'un titre fort bas ». Un orfèvre, dont le nom est omis, fait une croix et six chandeliers pesant 42 liv. D'où, une dépense supplémentaire de 120 liv. Le cha¬ pitre verse 30 pezze, pour qu'il soit fait un calice. L'archidiacre, 154, dont 10 pour la facture de la croix et 30 pour celle des chandeliers. Puis il fait faire deux gros chandeliers pesant 42 liv. pour « la petite table (il tavolino) » — sans doute la crédence destinée aux burettes, au bassin et, tant qu'il n'est pas, durant les messes solennelles, sur l'autel, au calice. Enfin, il commande six autres petits chandeliers ne pesant que 48 onces et deux statues, lesquelles coûtent 8 dou¬ bles d'Espagne et représentent les saintes Réparate et Rosalie (Rosoleia). Examinons les recettes de 1654. Elles ont baissé à vue d'œil. Rien que 953 liv., dont 652 que la ville, obéissant à la semonce ducale, verse en octobre à Palletis « pour avoir, en 1652 » — retard à noter — acheté des pierres, marbres et autres matériaux destinés à la chapelle votive. Les troncs de la cathédrale, ouverts le jeudi de Quasimodo, ne contiennent que 9 liv. 6 s. Des dispenses rapportent 65 liv. 14 s. Des restitutions, 39 liv. 16 s. Trois violations de fêtes, 12 liv. 19 s. Le chapitre verse 143 liv. 10 s. Nul particulier ne donne quoi que ce soit, excepté deux natifs de Puget-Théniers qui offrent à l'évêque, afin qu'il en dispose à son gré « pour les travaux de sa cathédrale », une maison et un jardin sis dans cette petite ville. N'oublions pas que c'est en 1654 que le P. François de Sestri publie à Nice son Mara- viglie di Laghetto et qu'il y disait : « La cathédrale sera très belle, l'évêque la rend très somp¬ tueuse, il n'est pas croyable qu'il arrive, sans le secours de la cité qui a de la piété et de la dévotion, à suffire par lui-même à de si grandes dépenses ». En 1655, les travaux ne reprennent que le jeudi d'avant la Pentecôte. Ils montent, pour le reste de l'année, à 7.146 liv. 5 s. et se rapportent à six objets. 46 D'abord, l'autel. En mai, acompte de 32 liv. 12 s. pour ses piédestaux. En juin, 121 liv. pour son grand escalier (scalinata). En juillet, 433 liv. 4 s. pour solder la croix et les six chan¬ deliers ; 842 pour les huit autres chandeliers ; 110 pour les deux statues, y compris la dorure ; 6 pour « le blason (le arme) » qui avait été mis sur la croix et les six chandeliers et dont j'ignore si ce fut celui de l'évêque ou du chapitre. 4 Le chœur. L'archidiacre paie 3.000 liv. « pour ses stucs », sans dire qui les avait faits, et son nettoyage. Il est probable que ce fut l'artiste qui, précisément en 1655, achevait de stuquer la chapelle du Saint-Sacrement et donnait lieu à tant d'admiration que le Conseil de ville décida de traiter avec lui pour qu'il décorât la chapelle votive. Je vais parler de lui en son lieu. L'archidiacre paie 325 liv. « pour les cinq tableaux et les peintures des arcs (nelli cinque quadri et pitture delli archi) », sans dire qui fut le peintre. Comme la cathédrale pos¬ sédait une toile, de nous ne savons qui, représentant sainte Réparate, il est probable que les cinque quadri de 1655 furent destinés à remplacer li quadri grandi déjà mentionnés, on l'a vu, en 1650. Il est malheureux que l'archidiacre ait omis le nom de l'artiste qui, pour nous ne savons quelle fraction des 325 liv., retoucha ou peut-être refit entièrement les images de la patronne de la cathédrale et des saints Basse, Pons, Valérien et Siacre. J'imagine que ce fut Jean-Gaspard Baldoino, le plus estimé, vers cette époque, des peintres niçois. Les stucs de la chapelle du Saint-Sacrement. On va voir que c'était l'œuvre de Riva, un Milanais de qui Scaliero a fait un Génois. Il a fini avant le 13 décembre et va repartir pour son pays, quand la municipalité lui confie ce que voici. Les stucs de la chapelle votive du transept nord. Il s'agira de reproduire, à quelques détails près, ce qu'il vient de faire dans l'autre. La ville traite avec lui pour 1.600 liv. Il recevra 300 d'avance. 400, « dès qu'il aura fourni les deux arcs avec une fenêtre et la voûte de la cro- siera ». 300, quand il aura terminé le cornisone. 300, lorsqu'il aura fourni les fenêtres au-dessus de celui-ci. 300, une fois tout fini. L'orgue. La réfection coûte 842 liv. L'aménagement de la sacristie. 850 liv. pour lesquels pas d'autre détail. L'achat de bancs, 684 liv. Examinons l'actif de 1655. Il n'atteint pas celui de l'année précédente et ne monte qu'à 713 liv. Le chanoine Fabius de Gubernatis donne 76 liv. 9 s. pour « l'heureuse entrée (felice ingresso) au chapitre », non de lui, mais du nouveau prévôt. La dame de Touët-de-l'Esca- rène solde ce que son mari avait légué et verse 45 liv. 16 s. Les gens de L'Escarène, 15 liv. Des condamnations rapportent 222 liv. 12 s. Des restitutions, 87 liv. 16 s. Des dispenses, 10 liv. 10 s. En 1656, les travaux se rapportent à cinq articles. D'abord, la façade. Elle donnait alors, inutile d'y insister, sur la place aux Herbes et ouvrait à l'est de la chapelle Saint-Barthélemy. On l'agrandit. D'où, creusement de fondations ; apport de pierres (certaines sont destinées à « la banquette », d'autres, provenant de Biot, y avaient été picate, d'autres sont retouchées sur place) ; blanchiment à la chaux (pour la fosse de celle-ci, on démolit, en février, « le poulailler » de je ne sais qui). La coupole. On s'y remet le 25 juin. Entre la mi-septembre et la mi-octobre, paie¬ ment de 632 liv. 15 s. « au maître qui doit faire le trono, moyennant 2.000 liv. et a exigé que 47 l'économe lui donnât les planches qui sont dans la couverture, les chevrons, tous les bois et cordages utiles au pont, les matériaux qui sont sur place à l'effet de confectionner la corniche au dedans et au dehors, et quatre poutres ». Dans les premiers jours de décembre, il avait reçu les deux tiers du prix convenu. La veille de Noël, il touche 24 liv. et 2 doubles de France « sur la boule qui pèse 64 liv., à raison de 22 s. la liv. » Les stucs de l'autel de la sacristie. En août, 36 liv. Des réparations. En septembre, à la couverture de la chapelle Saint-Barthélmy, où 11 pleuvait : 4 liv. 5 s. En novembre, « aux chapelles et au chœur » : 6 liv. pour 4 journées. Les stucs de la chapelle votive. Ils sont finis le 17 mai, où le Conseil municipal or¬ donne de payer l'inscription, gravée par un Helvète de nous ne savons quel canton, Jacques Solaro, sur trois plaques de marbre, en latin ; texte qui rappelait la peste de 1631, les prières adressées alors à sainte Rosalie et à saint François Xavier, le vœu prononcé par la municipalité de ces jours de deuil, l'achèvement des travaux par l'actuelle. L'inscription coûte 74 liv. 8 s. A savoir : 32 liv. 8 s. pour les 432 lettres (un sol et demi par caractère), le reste pour les trois pla¬ ques de marbre, dont chacune valut 14 liv. On sait que le premier tiers de ce texte a disparu lors des réparations de la cathédrale, à la fin du XIX" siècle. Jacques Solaro, qui grava cette inscription, est connu pour avoir été l'un des témoins des deux testaments que fit en 1647, à Monaco, la femme du peintre Jean-Baptiste Cantone, fils de l'architecte génois qui dirigea les travaux du palais du prince Honoré II, de 1631 à 1662. Ce Solaro figure, dans ces deux circons¬ tances, avec deux hommes du même nom, Jean-Baptiste et Martin, celui-ci particulièrement célèbre pour avoir sculpté les deux fontaines que le prince fit, en 1644, élever dans le jardin de son palais et dont la décoration est décrite dans le livre de M. Labande relatif aux inventaires du Palais. Martin Solaro était, comme Jacques, Suisse, et nous savons même que Martin fut natif de Corona, dans la vallée de Lugano. Examinons les recettes de 1656. Elles se relèvent et montent à 912 liv. 8 s. 6 den. Des condamnations rapportent 175 liv. Une dispense, 3 liv. 18 s. Une restitution, 3 liv. Le tronc, qu'on n'avait pas ouvert en 1655, contient 11 liv. En 1657, les travaux se rapportent à deux articles. D'abord, la coupole. En janvier, 77 liv. 12 s. « pour 2 rubs et 16 liv. de cuivre destinés à un globe (balla) pour le trono et pour l'éta- mage de cette boule. 6 liv. 18 s. pour la croix, qui est étamée moyennant 7 liv. 10 s. En mars, 12 liv. pour une douzaine de planches qui permettent de faire « le blason du prince (la scudaria del principe) ». La plomberie du trono demande notamment, en janvier, 101 liv. 10 s. pour 36 rubs de plomb; en février, un acompte de 12 liv. pour le maître qui a fondu et tiré (tirato) ce métal ; en mars, 23 liv. au sonneur de cloches qui lui avait donné un coup de main. Les ferrures du trono sont payées, du 12 février au 28 juin, 263 liv. 15 s. L'enlèvement de certains ponts du trono, en février, 2 liv. La restitution des bigues, 10 s. Le nettoyage du trono, du 21 avril au 28 mai, 108 liv. 10 s. Les fers « des quatre vitrages » (donc, ceux du lanternon) coûtent, en avril, 38 s. Les vitres, en quatre caisses, 147 liv. L'arrangement « des rideaux et fenêtres du trono », en septembre, 25 liv. 16 s. En octobre, 102 liv. sont payés pour 17 rubs de plomb « destinés aux sept vitrages du trono » (donc, ceux du tambour, où la huitième fenêtre est fausse) ; 116 liv. à un franciscain, le P. Jean-Baptiste, « pour ses fatigues en raison de ce qu'il fit les sept vitrages du trono, ainsi que pour de l'étain et du cuivre qu'il a employés ». Le stucateur achève ses travaux. En septembre, il reçoit 4 liv. 12 s. pour du bleu et du noir dont il s'est servi dans cette 48 partie de la cathédrale. En octobre, 476 liv. « pour la corniche du chœur, les quatre vele > — autrement dit, on va le voir, les pendentifs — « et les quatre Evangélistes ». Le 6 octobre, les derniers ponts du trono sont enlevés. Le commencement de la nef du milieu. — Il a lieu le 12 mars, lundi avant le dimanche de la Passion. Il entraîne notamment la démolition (spezzatura) et le curage (nettatura) de quatre tombes. Palletis rêvait d'arriver à ce qu'elle aboutît à la rue. Mais la maison Doya constituait un obstacle. Aussi convient-il de noter ce dont parle la délibération que le Conseil de ville tient le 30 décembre. « Sa Grandeur a dit aux syndics qu'il entend terminer la cathédrale et y dépen¬ ser, sans compter, tout ce qu'il pourra (non guarda che spender per redurla a perfettione). Afin de construire la façade telle que la porte le plan, il faut que la maison Doya soit rasée. Mgr Illustrissime et Révérendissime espère que la ville l'y aidera pécuniairement. La nef du milieu n'est pas close {la nave del mezzo è scoperta). On ne peut officier dans la cathé¬ drale » (1). En conséquence, la municipalité vote 3.000 liv., payables en trois annuités, pour l'achat de cet immeuble qui empêchait Guiberto de pousser la nef centrale jusqu'à ce que nous appe¬ lons la rue Sainte-Réparate. Examinons l'actif de 1657. Il dégringole à 118 liv. 8 s. Le chanoine sacriste verse 19 liv. Une seule restitution. C'est en cette année-là que l'évêque de Saluces, François Délia Chiesa, des comtes de Cervignasco, qui fut un écrivain distingué, publie son Corona reale, où il disait : « Quand la cathédrale de Nice sera terminée selon le plan qui a été adopté, nulle église des Etats de S. A. R. ne pourra rivaliser avec elle. » Opinion à retenir. En 1658, les travaux ■— un accident les arrêta après la mi-septembre — se rapportent à cinq articles. D'abord, la chapelle votive. Le 27 mai, la confrérie de la Miséricorde, qui avait deux chapelles dans l'ancienne Sainte-Réparate, est chargée de l'entretenir et s'engage à ne jamais oublier que c'est une chapelle municipale, une propriété de la ville. Trois théologiens avaient estimé, en présence de l'évêque, que cela n'altérerait en rien l'esprit du vœu de 1631. Le Conseil de ville s'était engagé, en avril, à donner à la confrérie deux libertés. La première était de remplacer le tableau « déjà installé » — sans doute celui qu'un Baldoino avait peint en 1637 — « par un qui soit de la grandeur convenable et où l'on voie en haut la Sainte Vierge, en bas sainte Rosalie, mais nulle autre image ». La seconde faculté était de mettre, « dans les niches qui sont autour de la chapelle, des tableaux où soient représentés les trois autres pro¬ tecteurs de la cité, les saints Sébastien, Roch et François-Xavier ». Les syndics avaient, d'autre part, posé les quatre conditions que voici. « L'inscription placée sur l'autel » y resterait. La chapelle garderait le nom de sainte Rosalie à perpétuité. La ville aurait le droit d'y placer « d'autres inscriptions et blasons {armarie) ». Aux torches que les prieurs de la Miséricorde tien¬ draient dans toute procession des reliques de la sainte, c'est l'aigle de gueules de Nice qui serait peinte sur les écussons. De cet acte du 27 mai résulte, d'une façon inattendue, un nouveau contrat entre la municipalité et lé stucateur Riva. Ledit jour, celui-ci s'engage envers les syndics à faire, — et, notons-le, comme lors du premier contrat, celui de 1655, pour 1.600 liv. — le travail que (1) En 58, c'est à Saint-Dominique qu'il distribua les cendres. voici. « Je stuquerai la voûte du dessus. Je la nettoierai entièrement, comme celle du Saint- Sacrement. J'exécuterai, à la place du Panis vivus qui est dans celle-ci, tel dessin que vous me donnerez. Je ferai la grande corniche de manière à ce qu'elle ressemble à celle de la chapelle du Saint-Sacrement, excepté le plafond que j'exécuterai d'après le dessin que vous me don¬ nerez. Les statues, je les ferai semblables à celles de la chapelle du Saint-Sacrement. De même, les fenêtres. Je soignerai de mon mieux les chapiteaux et les piliers. Je mettrai les peintures des trois fenêtres sous la grande corniche et les colonnes de l'autel ». Pourquoi cet acte ? Les travaux convenus en 1655 avaient été exécutés et payés. Pourquoi détruire ce qui avait été soldé en 1656, mai, et commander, sur le même pied, des choses dont le détail diffère sensiblement ? Le second travail est le nef centrale. On en commence la voûte le 2 janvier, pour la partie que l'on pouvait déjà essayer d'en faire. Le 17, des portefaix qui ont « transféré la pierre du baptistère et les deux de l'eau sainte (sic) », reçoivent 17 s. En février, 15 liv. 10 s. aux Minimes à qui l'on achète deux bigues. En juin, 11 liv. 18 s. « pour le travail des pierres de la grande nef ». En juillet, 5 liv. 6 s. pour ses bases. La précipitation avec laquelle l'évêque, mal¬ gré les conseils des gens prudents, poussait ce travail, cause, en septembre, l'accident dont j'aurai à parler et dont les livres ne rapportent qu'une version entièrement erronée. Palletis tâche, d'autre part, de faire aboutir la négociation avec les Doya, qui refusent de vendre leur immeuble à l'amiable. C'étaient deux frères : Marc-Aurèle, droguiste et marchand de cire, et Jean-Baptiste, un prêtre qui entra plus tard dans l'ordre des Augustins. Palletis demande donc l'expropriation. En mai, le juge décide que quatre experts estimeront la valeur du bâtiment et de l'immeuble. En juin, la ville mandate la première des annuités qu'elle affectait à cette acquisition. En juillet, Palletis choisit ses deux experts ; les Doya, les leurs. S'il y a désaccord, un surarbitrage sera confié à trois hommes : l'un des syndics, dont le nom sera tiré dans un chapeau, Gaspard Lascaris, que l'évêque désigne, Victor Bonetti, que désignent les Doya. Par suite de l'accident de septembre, l'affaire ne fut reprise que 19 ans plus tard. Palletis se croit si près de terminer sa cathédrale qu'il prend des mesures relatives à la propreté et à la sécurité de l'édifice. Il y avait, dans le voisinage, divers fours dont les feux étaient un danger, les fumées, une saleté. En février, il achète à un capitaine monégasque, pour 400 ducatons, selon une estimation faite en janvier par des experts et approuvée par l'ingénieur Guiberto, un four et un appartement qui confrontaient du nord le palais épiscopal, de l'ouest le four de l'abbaye de Saint-Pons, du sud la rue de l'Abbaye. Par la même occasion, il devient acquéreur d'une chambre confrontant de l'ouest le four des Bénédictins et construite sur celui que le capitaine lui vendait. En juin, Palletis achète la maison d'une veuve Catherine Peyre, où il y avait encore un four. « Monseigneur ne permet pas », dit-elle — détail digne d'être relevé, — « depuis trois années, qu'on allume mon four, à cause de la fumée qui envahit son palais, la nouvelle cathédrale, ses figures en relief, stucs, tableaux, peintures, et des risques d'incendie. Il s'oppose à ce que les fourniers de notre quartier allument leurs fours ». Des experts, dont l'ingénieur Guiberto, avaient conseillé au prélat d'offrir à la veuve 113 ducatons et demi. Le juge décide qu'il en paiera plus du triple : 350. Examinons les entrate de 1658, dont la dernière est du 17 septembre, où l'archidiacre cesse d'inscrire. En tout, 736 liv. Le sacriste verse 13 liv. 15 s. Une condamnation rapporte 14 liv. Une amende infligée à des pêcheurs qui avaient travaillé le jour de l'Annonciation et la vente du poisson qu'ils avaient pris, 14 liv. Une quête faite en ville par Gaspard Lascaris et deux cha¬ noines, 152 liv. 14 s. La mère du prêtre d'Aspremont, « lequel, ayant été banni pour avoir assassiné un séculier, a été gracié », verse 52 liv. 14 s. Les gens de Gairaut, « pour avoir bien vendu leurs olives », 54 liv. 18 s. 50 Le jour où l'archidiacre Torrini arrête, à cause de la mort de Falletis, sa comptabilité, il avait inscrit pour plus de 20.000 liv. de dépenses et encaissé seulement 11.674 liv. 15 s. 6 den. On voit ce que l'évêque a dû mettre du sien. Quel est donc, au juste, l'accident de 1658, 18 sep¬ tembre ? et dans quelle mesure Palletis en a-t-il été victime ? Les légendes ne manquent pas là-dessus. Essayons, pour finir, de mettre un peu d'air dans les broussailles que la fantaisie de l'un et de l'autre entassa à qui mieux mieux. Palletis voulait, dit Scaliero, que la sainte Réparate de 1658 fût célébrée, le 8 octobre, avec pompe. Il activait, sans la moindre prudence, les travaux. Il était entêté et ne souffrait pas la moindre observation. Ecoutons ce que raconte, dans le registre Cerimoniali, un contem¬ porain qui, sans avoir assisté à l'accident, l'a relaté avec toute la précision d'un Niçois qui était alors à Nice. « La construction avait toujours été précipitée, depuis 1650, par l'évêque. On lui répétait en vain d'aller moins vite ; que la voûte de la grande nef était exécutée sans assez de soins ; qu'une pareille maçonnerie ne devait pas reposer sur des pilastri aussi misérables en maté¬ riaux et en grosseur (miserabili in fabrica et in grossessa) ; qu'il arriverait un malheur. On lui rappelait ce qui s'était produit lors de l'établissement de la chapelle du Saint-Sacrement. La voûte en avait cédé une nuit ; ce qui n'avait par conséquent causé la mort de personne. Mais ces pilastri que Votre Grandeur a établis pour ce qu'on peut déjà construire de la grande nef, n'ont aucune solidité. Ils causent de la stupeur et de l'effroi. — Je sais ce que je fais, répondait Palletis ; vous êtes malintentionnés à l'égard de mon travail ». Il manquait 5 ou 6 palmes pour que la voûte de la grande nef atteignît la grande porte, donnant sur la place aux Herbes, à l'est de la chapelle Saint-Barthélemy. Le 16 septembre, fissures dans les pilastri. Le 18, l'évê¬ que va au chantier (alla fabrica). Il se place près d'un coin de la chapelle de la Miséricorde, après le passage qui, à l'est de la chapelle Saint-Joseph, conduisait à son palais. C'était le mer¬ credi, « à l'heure de la grand'messe ». Il y avait beaucoup de monde (assai g ente) dans l'église. Alors toute la voûte de la nef (crotta o sia nave) s'ébranle. Les maçons ont le temps de s'enfuir, et les fidèles. L'église reste vide. « Le bon Dieu avait, par les signes précurseurs de l'avant-veille, permis à chacun de se tenir sur ses gardes ». Resté seul, au coin de la chapelle de la Miséri¬ corde, l'évêque voit que la nef tombe (veniva giù). Un des serviteurs le prend par la main et l'entraîne dans le passage qui mène à l'évêché. Palletis est alors saisi d'une peur telle qu'on le porte dans sa chambre. On le jette sur son lit. On le soigne. Une heure après, il était mort, alors que l'éboulement de la voûte n'avait causé le décès de personne. Dès le soir, le cadavre était si enflé qu'il avait l'air d'un monstre (venne tutto gonfio, che pareva un mostro). Vite, au cercueil. Le lendemain, on l'enterre dans sa cathédrale, où Pierre Gioffredo, alors directeur « des écoles de Nice », prononça son oraison funèbre 0). Voilà le résumé du témoignage d'un contemporain. Là-dessus, que de légendes ont poussé et se sont multipliées à l'envi ! La date de l'accident. Le Gallia christiana de 1725 flotte (1) Gioffredo, né en 1629, et baptisé à Sainte-Réparate, était, d'après les registres de la trésorerie muinicipale, maitre de l'école municipale depuis 50 ; « des écoles », comme écrivent certains trésoriers. Aux appointements de 216 liv. par an; de 12 s. par jour. « Mastro délia scola délia città » ou, lorsqu'on veut rehausser ses fonctions, « delle scole ». Il est vrai que, ce que précisent certains trésoriers, son enseignement n'était donné que dans une seule pièce (« la stanza délia scola »), pour laquelle la commune payait un loyer de 26 liv. 10 s. par an; donc d'un sol et demi par jour. Il avait reçu la prêtrise en 53. Si l'oraison funèbre de l'évêque est prononcée par le jeune instituteur municipal de 29 ans, et non par l'un des chanoines, c'est qu'il était en vue depuis la publication (faite à Turin, précisément en 58) de son Nicaea Civitas. Un ouvrage pour l'impression duquel la commune de Nice avait, en décembre précédent, payé 662 liv. 10 s. En 1630, octobre, elle accordait l'usage de « la stancia per la schola » à un « maître d'écriture et d'arithmétique (maestro di scrivere et abaco) », natif de la Valteline, et les appointements de cet homme consistaient, pour l'année, en 2 setiers de blé. 51 entre 1655, prétendant s'appuyer sur Bouche, qui pourtant ne s'était pas trompé, et 1659. Papon répète le millésime erroné 1659. Toselli invente 1656, que Brun répète d'après lui. Le mois. Au lieu de septembre, la Visitandine qui écrivit au début du XVIII' siècle l'histoire du couvent de Sainte-Marie parle d'octobre ; Durante, Toselli et Brun, de décembre ; l'abbé Albin, d'août. Le jour. Au lieu du 18, le Gallia et Papon parlent du 15 ; Durante, Toselli et Brun, du 16 ; l'abbé Albin, du 2. L'heure. Au lieu de celle de la grand'messe, Durante parle de l'après- midi, alors que Bonifaci disait « à 13 heures le matin (hora 13 mane) », ce qui correspond environ, sans employer, comme lui, le style italique du XVIIe siècle, à 8 heures du matin, mo¬ ment où il est fort possible que le chapitre célébrât — le 18 septembre était un mercredi — sa messe capitulaire. La nature de la catastrophe. Bouche parle, en 1662, de « l'écroulement du bâtiment » ; la Visitandine, de « la chute de la cathédrale » ; le Gallia, d'un « effondrement général » ; Boni¬ faci, de la chute du « duomo délia cattedrale » ; Durante, du « dôme de la cathédrale ». Inven¬ tion qu'on répète à satiété : ainsi Tisserand, Brun et M. l'abbé Rance-Bourrey, tandis que Toselli ne parle que d'une « partie de la voûte ». Retenons bien que la coupole n'a pas bougé et que c'est la voûte de la grande nef qui, ainsi que les pïlastri de celle-ci, céda, mais non les pilastroni de la coupole, que l'on n'eut pas à reconstruire. Autres erreurs, sinon sur les causes de l'accident, du moins sur les conséquences. Durante, Tisserand, Toselli et Brun dramatisent à l'envi. Le premier invente que l'éboulement entraîna les ouvriers et plusieurs assistants. Chez Tisserand, aucun fidèle ne meurt, mais l'évêque et plusieurs ouvriers sont entraînés sous les ruines. Chez Toselli et Brun, aucun ouvrier ne semble décéder, mais Palletis et « plusieurs personnes » sont écrasés. Ouvrons le registre des morts de la cathédrale : le 18, enterrement d'une fillette d'un jour et d'un enfant d'un an ; le 19, de l'évêque et d'un enfant d'un an ; du 20 au 23, nul enterrement. Erreurs, semble-t-il, sur la cause de la mort de Palletis. Au lieu d'une syncope causée par la peur, d'une embolie, semble-t-il, le curé de Monaco, dès le 20, où il célèbre, sur l'ordre du prince, une messe pour le repos de l'âme de l'évêque, écrit : « Comme il fuyait, il s'empêtre (scrucïla) et donne de la tempe sur des bois dressés (adosso di legni dritti) ; un clou le frappa à cette tempe ; il se releva, tomba de l'autre côté et donna de la tête sur d'autres bois ; un second clou le frappa à l'autre tempe ; il se releva encore, tomba la face contre terre, fut porté chez lui, demanda à boire ; on lui donna du vinaigre, croyant lui avoir versé du vin ; il invoqua sainte Réparate et Notre Dame de Laghet, rendit du sang par le nez et mourut une demi-heure après ». Voilà un récit très différent de celui de l'employé municipal de Nice à qui nous devons le Cerimoniali. Je reconnais toutefois qu'on peut hésiter entre les deux assertions qui sont de la même époque. Bouche s'exprime presque comme le curé de Monaco, mais ne parle pas des clous et se borne à dire que Palletis tomba « contre une pierre » et mourut « incontinent ». De même le Gallia. Papon rédige dans le même sens, mais en termes vagues. La Visitandine avait intro¬ duit un élément de plus : c'est après l'accident, auquel l'évêque n'avait pas assisté, qu'il accourt de son palais et tombe sur un clou, mais sur un seul. Durante adopte une expression vague. Tisserand ne se borne pas à dire que l'évêque fut « enseveli sous les ruines » ; il ajoute naïve¬ ment : « on ne le releva que mort ». Je n'insiste pas davantage sur les broussailles que la fantaisie de l'un et de l'autre a fait pousser autour de l'accident du 18 septembre et de la mort, qui en résulta, du grand évêque à qui nous devons d'avoir adopté le plan de reconstruction de l'ingénieur Guiberto, con- 52 sacré une bonne partie de sa fortune à cette œuvre, bâti le chœur, la coupole qu'il agran¬ dissait, la sacristie d'alors, les transepts (dont celui du nord servait alors au culte de sainte Rosalie, celui du sud à la conservation des Saintes-Espèces), l'aménagement des chapelles Saint- Barthélemy et Saint-Joseph, de l'entrée provisoire à l'est de la chapelle Saint-Barthélemy, et les premiers travaux, qui causèrent sa mort, d'une partie de la grande nef. Rendons hommage à un homme qui rêva de donner à Nice une église susceptible, selon le mot de l'évêque de Salu¬ ées, son contemporain, d'être la plus belle de toutes les cathédrales des Etats de la Maison de Savoie du XVII0 siècle. Mais gardons-nous de croire, avec Eugène Emanuel, dont l'abbé Albin répéta l'erreur, que le blason qui figure sur le maître-autel, sur les chancels de communion et sur l'arc de la grande nef soit le sien. Les Palletis, famille de Verceil, portèrent fascé de sable et d'argent à six pièces, dans le chef, une aigle de sable. Le blason que vous voyez dans la cathédrale est celui d'un de ses successeurs, Henri Provana de Leyni, un carme qui consacra l'église à la fin du XVIIe siècle. Palletis est remplacé en 1659 par Solaro, des marquis délia Chiusa et comtes de Moretta, qui fut transféré en 63 à Mondovi. Il ne reprit pas les travaux. En 60, un voyageur français, parti de Paris pour se rendre en Italie, Grangier de Liverdys, s'arrête à Nice et entre à la cathédrale. « Il y a quelques années », écrit-il — il n'y en avait qu'un peu plus de deux — « il en tomba une partie ; les restes donnent à juger de sa beauté, quand elle était sur pied ». Le brave homme aura mal retenu ce qu'on a dû lui dire et écrit sans avoir pris de notes sur- le-champ. Il était tombé simplement une partie de la voûte de la nef centrale, du côté de la coupole. Solaro était trop souffrant pour songer à la réparer et à continuer vers l'est où la maison Doya empêchait d'atteindre la rue. La cathédrale n'était pas encore « sur pied », bien que le voyageur ait cru qu'elle y avait été. La caisse de l'entreprise est vide. La dépense montait en 58, septembre, à plus de 20.000 liv. ; les recettes n'atteignaient pas 17.000. Palletis avait payé presque la moitié. La ville, assez péniblement d'ailleurs, sa part. Les fidèles du diocèse, donné excessivement peu. Durant la vacance du siège, on commence, en 1663, le 2 août, à réparer ce que Scaliero appelle inexactement la già caduta chiesa e grota : il aurait dû dire la già caduta grota délia nave di mezzo. En 1664, 2 mars, le chapitre se soucie d'enlever le rovine successe et d'obvier à altre rovine imminenti.A ce propos, il constate qu'il ne peut, sans entrer dans un procès qui sera long et dispendieux, être mis en possession d'une maison de Puget-Théniers qui avait été donnée en 1654, 8 mai, à Palletis, à condition que la valeur en fût affectée aux travaux de la cathédrale. Il la rend à un descendant du donateur qui verse, en échange, 30 écus pour la reconstruction de Sainte-Réparate. Un sénateur, le comte Jean-Paul Caissotti, fils d'un con¬ seiller d'Etat, laisse, par son testament, 112 liv. 1/2 « pour la construction de la cathédrale » ; la ville verse, en 1665, 2 juin, cette somme aux chanoines. L'évêque Diègue Délia Chiesa, dont un descendant collatéral fut le pape Benoît XV, continue, d'après Scaliero, les travaux, « faisant réparer, continuant la voûte, travaillant aux chapelles d'une façon sommaire ». Il est enterré en 1669 devant le maître-autel. Durant son épiscopat, la ville verse encore, en 1667, 21 avril, 112 liv. 1/2 sur les 25 ducatons que le comte Caissotti avait destinés à l'œuvre ; une veuve Hippolyta Serra, née Vachiera, y affecte aussi 25 ducatqns par son testament de 1666, 23 décembre. L'évêque avait autorisé le chanoine archi¬ diacre Jean-Baptiste Torrini à construire une chapelle Sainte-Réparate. L'affaire en reste là pour l'instant. 58 Durant la vacance du siège, le chapitre écrit à la municipalité. « Une brocatelle qui appartenait depuis quelques années à vos archives (archivio), vous l'avez donnée aux prieurs de la confrérie de la Miséricorde, pour votre chapelle de sainte Rosalie, mais à charge pour eux de supporter les frais et de mettre les armes sur les ornements, puisqu'ils entretiennent cette chapelle en votre nom. Veuillez nous donner cette étoffe, qui servirait aux cérémonies que vous faites célébrer dans la cathédrale. — Parfaitement », répond le Conseil, en 1670, 17 août, « mais à condition que vous supportiez les frais des ornements que vous confectionnerez et que vous y mettiez l'aigle de gueules de la cité niçoise ». L'évêque Henri Provana, des comtes de Leyni, un Carme, ne cesse, durant les dix-sept premiers mois de son épiscopat, d'entretenir les syndics de son désir de terminer la cathédrale. Témoin une délibération municipale de 1672, 28 décembre, où nous voyons que la confrérie de la Miséricorde trouvait injuste le contrat par lequel elle s'était engagée, en 1658, le 27 mai, à -perfectionner la chapelle municipale Sainte-Rosalie. La municipalité refuse et à l'évêque de lui payer quoi que ce soit et à la confrérie de revenir sur l'acte de 1658. Les travaux semblent avoir repris en 1673, l'année où, en décembre, le 5, jour où le diocèse fête saint Basse, son premier évêque, selon une simple tradition d'ordre hagiographique, une grande fête a lieu à propos de la réception d'une mitre lui ayant, comme on disait, appartenu. Elle existe encore. Faite au XVIP siècle, comme la forme l'indique, avec une étoffe qui peut dater du XIe et porte des girafes ainsi que des oiseaux auréolés, elle venait de Marano, petite ville d'Italie où l'on conserve, d'après une tradition, le corps de saint Basse (1). Envoyée à Provana qui, sur la demande des Niçois, avait prié le cardinal secrétaire d'Etat de faire par¬ venir un peu de ce corps, la voici dans un reliquaire d'argent que la municipalité a, le 12 no¬ vembre, chargé un orfèvre niçois, Pierre Mainardo, de faire et d'orner d'une inscription ainsi que des armoiries de la ville. Panégyrique du saint par le P. Louis Mainardo, qui l'imprime aux frais de la ville et reçoit d'elle une croix d'or faite par un autre orfèvre niçois, Jean-Baptiste Avenas. En 1674, 27 mars, la municipalité approuve le dessin d'un tableau commandé par la confrérie de la Miséricorde, pour la chapelle votive, sans doute en remplacement de celui que le peintre niçois Jean-Gaspard Baldoino avait exécuté en 1637. En 1675, 12 juin, mort du duc Charles-Emmanuel H. Le 22, messe au maître-autel pour le repos de son âme : l'évêque et le gouverneur, Antoine de Savoie, l'un des nombreux bâtards légitimés (d'autres ne le furent pas) de Charles-Emmanuel Ier, tiennent chacun une torche offerte par la ville. Il convient d'organiser un Requiem solennel. En 1637, on avait voulu en célébrer un dans la cathédrale dont il ne reste rien : un conflit entre le Sénat et la Municipalité avait été si aigu que la cérémonie s'était faite, aux frais de celle-ci, à Sospel. Les chicanes re¬ commencent : questions de bancs et de chaises, préparatifs transférés au Gesù (2), négociations, ruses. Finalement tout s'apaise en 1676, février, tant bien que mal ; la municipalité accepte de supporter les faux frais à condition que le chapitre l'autorise à reprendre tout le matériel après la messe, et cela coûte, dit l'auteur du registre Cerimoniali, plus de 6.000 liv. en raison de « ces manigances (triphiate ordinanze) ». 1.000 sont versées aux Jésuites dans l'église de qui la pompe n'aura pas lieu. (1) Aujourd'hui Cupra Marittima. Voir notre article dans le fascicule 6 de 1931 du Niee historique et celui du R. P. Hippolyte Delehaye dans les fascicules 3-4 du tome 50" des Analecta Botlandiana (analyses de ce travail, dans la Semaine religieuse de Nice, no du 11 décembre 1932, par M. le chanoine Théodore Giaume, et dans le fascicule 1 de 1933 du Nice historique. (2) Comme l'on dit couramment, bien que le terme soit impropre. 54 Ce qu'elle fut, le iO mai, cinquième dimanche après Pâques, nous le savons par un curieux livre, le Campidoglio ardente P) du P. Camille Audiberti, l'un des jésuites de Nice. Ouvrage imprimé aux frais de la ville qui le dédia à la veuve du souverain ; orné de trois gra¬ vures représentant, d'après les plans d'un certain Barthélémy Battista, le catafalque, la déco¬ ration des pilastres de la cathédrale et son extérieur ; plein des « éloges et inscriptions » en latin que le P. Audiberti avait composées et dont il donne un commentaire pour qu'on les comprenne. Il avait, semble-t-il, en vue de la cérémonie du Gesù, préparé une oraison funèbre. Durante dit que l'assesseur de la municipalité, l'avocat Auda, en prononça une à Sainte-Répa- rate. Le journal d'un Niçois d'alors (ou son traducteur) parle de « l'avocat Oscalpin ». Ce qui est sûr, c'est que Jean-Baptiste De Albertis, préfet d'Oneille, en composa une qui fut lue à la cathédrale et pour laquelle la municipalité de 1683 (l'on ne s'était pas pressé pour récom¬ penser son talent d'orateur) lui alloua, 7 ans après, 290 liv. Aux lecteurs qui ont la curiosité d'examiner le texte et les planches du Campidoglio, il est utile de rappeler que l'entrée de la cathédrale était, lors de ce Requiem, non sur l'actuelle rue Sainte-Réparate, mais sur la place aux Herbes. Ils aimeront à évoquer, dans ce qui n'était encore qu'une cathédrale inachevée, ce qu'Audiberti appelle « le théâtre de ces lugubres magni¬ ficences ». Autour du catafalque, des statues représentent quatre des cinq parties de l'univers. Il ne manquait que l'Océanie ; et l'on peut se demander ce que viennent faire l'Asie, l'Afrique et l'Amérique où le défunt n'avait joué aucun rôle. D'autres figurent les quatre « vertus cardi¬ nales » : Courage, Justice, Prudence, Tempérance. D'autres, la Fortune, la Gloire, l'Immortalité, l'Industrie, la Nature, la Paix, la Valeur, la Victoire. D'autres, les quatre Charles de la Maison de Savoie : Charles Ier, l'éphémère Charles II-Jean-Amédée, Charles III, Charles-Emmanuel I6r, aïeul du défunt. A cette cérémonie si solennelle et à une qui semble avoir eu lieu le lendemain se firent entendre l'organiste, 7 prêtres et 4 chanteurs. Chacun d'eux reçut 2 liv. 13 s. L'impression de l'œuvre du jésuite coûta 620 liv. pour 450 exemplaires, dont 6, destinés à la Cour, furent reliés en étoffes précieuses que les Clarisses avaient brodées en or et en argent ; ce qui coûta à la ville 240 liv. 8 s. offertes à ces religieuses. L'oraison funèbre, prononcée par un laïque, fut imprimée sous un titre analogue à celui qu'Audiberti avait dans l'esprit, mais un peu plus long et rédigé en latin — Capitolium ardens in pyram pacifici victoris (2) — et publié aux frais de la ville. Ajoutons que, après la cérémonie, les chicanes reprirent entre le Sénat et la munici¬ palité : d'où le plan dressé par l'ingénieur Guiberto, signé par lui le 25 mai et, je l'ai dit, si précieux à consulter. En 1677, 24 avril, l'évêque Provana réalise l'achat, selon les conditions réglées depuis 1653, juillet, de la maison Doya. Il paie les 300 doubles d'or d'Italie et déclare que la somme comprend les 3.000 liv. que la ville avait votées pour cet achat. Entre cette date et 1679, 31 mars, il vend aux frères Dettat Doria, de riches propriétaires de Bellet, le terrain à l'est de la chapelle Saint-Barthélemy, sur lequel ils devaient construire une chapelle en l'honneur de sainte Rose de Lima, qui semble avoir été une parente ou une amie de leur mère, native, elle aussi, de Lima. Ils ne la construiraient que lorsque l'entrée de la cathédrale, établie jusque-là sur ce terrain, serait définitivement aménagée sur la rue. En 1679, 31 mars, Provana vend à (1) A savoir le catafalque, qui avec un peu d'imagination, évoqua pour le littérateur le Capitole; et les flam¬ mes des cires qui brûlèrent devant la cérémonie. (2) « En vue du bûcher d'un vainqueur qui aima la paix » et dont la dépouille mortelle ne fut pas, n'en déplaise au préfet d'Oneille, incinérée. Antoine Masino, pour 40 doubles d'or, le terrain à l'est de celui qu'il venait de vendre aux Dettat Doria. Masino y bâtirait une chapelle ; l'évêque déclare que nul n'a de droits sur ce terrain, pas même — détail à noter — « la confrérie, récemment instituée, de la Dame chrétienne ou du Très Saint Crucifié ». Masino y bâtit précisément la chapelle du Christ en croix. C'était le terrain que l'évêque Palletis avait vendu, en 1652, août, à Jean Rossignoli : il y avait donc eu une rétrocession dont j'ai vainement cherché l'acte. En 1680, juillet, l'évêque se heurte, pour achever la cathédrale, à la confrérie de la Misé¬ ricorde. Témoin cette lettre qu'il envoie, de Laghet, au chanoine Maurice Torrini, neveu de l'archidiacre. « La confrérie devrait continuer et achever le travail des deux nefs latérales, selon mon désir. Mais ses prieurs sont mal disposés envers le nouveau projet de maître Marc-Antoine ». Remarquons ce nom. Guiberto avait dû mourir et Provana s'était adressé à un architecte natif du diocèse de Corne, Marc-Antoine Grigho, mis en vue par les travaux qu'il avait exécutés à Monaco pour le prince Louis Ier (couvent des Visitandines, porte d'honneur du palais, escalier à double révolution de la cour, casernes) et à Nice pour la municipalité (dessin de la porte et de l'escalier de son palais de la place Saint-François). Le reste de la lettre de l'évêque montre qu'il tenait à l'exécution intégrale du plan de Guiberto et rencontrait des difficultés à cause de ce que la confrérie de la Miséricorde possédait au sud-est. « Je serai obligé de faire, comme il a été convenu avec le maître de Monaco, l'escalier accédant à ce qu'elle a et le stucage des nefs latérales. Si la confrérie ne veut pas faire ce qu'elle doit, la cathédrale restera laide sur ce point. Les gens sauront à qui en sera la faute. Je n'ai pas à faire ce qui ne regarde que la confrérie ». Le chanoine archidiacre Jean-Baptiste Torrini avait fini par construire, selon la per¬ mission jadis donnée par l'évêque Délia Chiesa, dans la nef latérale sud, à l'est de la chapelle Saint-Joseph, sa chapelle Sainte-Réparate. Témoin, son testament de 1680, 26 novembre, où il parle de celle-ci et demande à être inhumé dans le caveau qu'il y avait construit pour lui et sa famille. Il dote cette chapelle de 50 ducatons, donne 300 liv. pour qu'une lampe y brûle « depuis le matin jusqu'à la première heure de la nuit, aux jours de fêtes et durant la Semaine sainte et pendant les octaves du Très saint Sacrement et de sainte Réparate ». Il y fonde une messe à dire lors de la sainte Joconde. Il lègue de nombreux objets. Une lampe d'argent, « faite en pomme de pin selon la mode d'aujourd'hui » ; un calice et une patène ; un devant d'autel ; deux ornements complets et deux coussins d'autel en Velours cramoisi à fleurs, lames d'or et dentelles d'or ; un devant d'autel et un ornement en satin à fleurs de quatre couleurs ; un devant d'autel d'ormesin moiré vert à dentelles d'argent ; un de crépon violet à passements de soie ; un de cuir rouge doré ; deux aubes de Bruges ; une lampe de laiton « avec sa pomme » ; un buste de bois doré « avec une tête argentée et un piédestal de marbre, représentant la sainte martyre Joconde et contenant une relique insigne d'elle, dont il y a l'authentique », etc... Enfin, « trois grands tableaux, deux latéraux et, pour le milieu, le plus grand, représen¬ tant le martyre de sainte Réparate ». Nous pouvons supposer que l'autel qu'on voit encore est celui que l'archidiacre Torrini avait fait construire. Les trois tableaux sont encore en place. Le plus grand est particulièrement curieux. Il porte, dans l'angle inférieur de droite (par rapport au spectateur), les armes des Torrini : d'azur à la tour d'argent, murée de sable, surmontée d'une étoile d'or, pour cimier, un Pégase naissant dans une couronne comtale, celle du fief de Monastero del Vasco en Piémont, et la devise Nec terra satis. Armoiries qui sont reproduites au sommet des deux colonnes qui se dressent de chaque côté de l'autel. C'est également en 1680 que les frères Dettat Doria font peindre les deux tableaux qui ornent encore les murs latéraux de leur chapelle ; toiles où l'on 56 vit si inexactement des scènes relatives à sainte Catherine de Sienne, aiors qu'il s'agit de sainte Rose de Lima. En 1681, la corporation des maîtres maçons, qui avait quitté la cathédrale lors de la reconstruction et s'était retirée à Saint-Jacques, quitte cette église que les Carmes reconstrui¬ sent et demande à revenir à Sainte-Réparate. Elle constate que la confrérie de la Miséricorde y a deux chapelles. « L'une construite grossièrement, sans stuc ni nettoyage, où est l'autel de la Décollation de saint Jean-Baptiste, laquelle est la seconde en entrant dans l'église, à gauche, sous la nef sud, attenante au palais épiscopal et confrontant de l'ouest la chapelle Sainte-Répa¬ rate et de l'est un emplacement, qui appartient à la confrérie de la Miséricorde, d'une autre chapelle à construire sous l'oratoire de celle-ci ». Les maçons demandent; le 7 décembre, cette chapelle, « la seconde en entrant » par le petit passage qui donnait sur la rue. La confrérie la leur vend pour 200 liv., à charge pour eux de l'aménager « selon le plan général, de refaire à leurs frais les arcs, voûtes et vieilles murailles qui existent dans l'autre emplacement, non vendu, sous l'oratoire de la Miséricorde, d'installer sur ledit emplacement une chapelle qui soit dans le même état ». Alors seulement les maçons pourront enlever le tableau représentant le supplice du Précurseur et le remplacer, « comme l'évèque le leur a permis, par celui de leurs saints protecteurs ». Le tout devait être fait en un mois et un jour. Or, si le travail ne fut pas fini avant 1685, 3 novembre, il l'était en 1698, 15 juin. Le tableau qui avait voyagé de Sainte- Réparate à Saint-Jacques et revint de chez les Carmes à la cathédrale est sur le mur est. Sur l'autel, un plus moderne peut sembler ne pas le valoir ; il est du peintre niçois Trachel P). En 1685, 1er mai, réception solennelle de reliques, tirées des catacombes de Pontien, d'un saint Victor. Données par le cardinal vicaire Carpegna, en 1682, avril, au cardinal Charles Barberini, puis par celui-ci, en mai, à la duchesse de Savoie, alors régente, elles avaient été apportées à Nice par un envoyé de Portugal à Rome, Louis de Sousa, archevêque de Braga, au moment où l'on croyait que le duc Victor-Amédée II épouserait une de ses cousines-germaines, l'infante de Portugal Elisabeth. Les reliques devaient être portées par lui à Lisbonne, quand il irait s'y marier. Mais il a rompu ce projet de mariage, prétexté une maladie, et épousé en 1684 une nièce de Louis XIV. Il a chargé, en 1685, le 14 janvier, sur la demande de l'évèque de Nice, une alliée de celui-ci, la comtesse Horace Provana, née Borriglione, dans la maison de qui les reliques avaient été déposées, de les remettre au prélat. Somptueuse châsse d'argent doré, maintenant déposée sous le maître-autel. Le 3 novembre suivant, l'évèque adresse au Saint-Siège un rapport dont je détache quelques mots. « La cathédrale est presque finie (fere nunc absoluta). Je l'ai em¬ bellie à mes frais, notamment de chancels de marbres de diverses couleurs et d'un maître-autel du même genre ». Il n'ajoutait pas qu'ils étaient ornés de ses armoiries. En 1686, la ville ayant, l'année précédente, le 20 mai, décidé, sur l'invitation de l'évèque, que la ville joindrait à ses saints protecteurs saint Victor, il place derrière le choeur une inscription qui le relate. En 1687, dans le testament du prévôt César Baldoino, il est question, pour la première fois, d'un caveau destiné aux membres du chapitre. En 1689, Provana s'occupe de la question, posée en 1645, de savoir si ce qu'on appelait, dans l'abbaye de Saint-Pons, les reliques de sainte Simplicie étaient — comme les syndics de 1645 l'avaient assuré d'après le P. Astria, jésuite, qui doit avoir eu connaissance d'un acte du XVe siècle qui l'attestait — celles de sainte Réparate. (1.) Sur la cathédrale de 1684 à 1693, voir, dans les fascicules 8 et 9 de 1904 du Nice historique, un résumé du journal du chanoine curé Honoré Giacobi, natif de Contes. Provana, qui ne connaît pas ce document, déclare qu'elles sont de sainte Simplicie, et, le 4 juillet, Gioffredo, alors vicaire de l'abbé qu'il devait remplacer peu après, les scelle à ses armes, avec l'autorisation de l'évêque, et les enfouit près du maître-autel. Voici 1691, mars, où Catinat me¬ nace de bombarder la ville : c'est dans la cathédrale que la population, sous la présidence de l'évêque et malgré la colère du gouverneur de la forteresse, décide, le 26, de se rendre. Le 13 décembre, le vieil archidiacre J.-B. Torrini, qui a 88 ans, fonde un canonicat. En 1686, 27 septembre, le colonel Napoléon Borriglione avait fondé une chapellenie de saint Basse; en 1692, 30 juin, une veuve Raimondo, née Martini, en fonde une de sainte Réparate dans la chapelle des Torrini, si ceux-ci le permettent, ou dans telle autre. En 1696, juin, la chapelle de sainte Rose de Lima était finie. Témoin, le testament, daté du 15, d'un des frères Dettat Doria, Laurent, qui demande à y être inhumé et y fonde un canonicat ainsi qu'une œuvre pieuse. Une des fantaisies de la plaquette de l'abbé Albin est de raconter que cette chapelle, dont il ne savait pas qu'elle fût sous le vocable de la Vergine Peruana, aurait été sous ceux de saint Jean- Baptiste, de saint André et de sainte Catherine de Sienne. En 1695, du moins d'après une assertion de Bonifaci, le gouverneur français de Nice, le chevalier de La Fare, encourage l'évêque à construire un clocher et lui permet de prendre les pierres de plusieurs vieilles maisons et d'une porte que les autorités royales avaient démolies près de Sainte-Claire. On ignore comment les cloches étaient, depuis la démolition de l'ancien campanile, suspendues : probablement sur une charpente précaire. Ce qui est sûr, c'est que, dès 1697, beaucoup de Niçois protestent contre son plan, notamment à cause de « la muraille de la chapelle du Crucifix », celle des Masini. En 1698, 15 juin, autre rapport de l'évêque au Saint- Siège. Elle mentionne notamment une chapelle de « saint Jean le Décollé », donc celle que les maîtres maçons avaient construite entre la leur et l'entrée latérale sud de l'église. En 1699, février, interversion des autels des transepts, sur la demande de la munici¬ palité. « Notre autel de sainte Rosalie a des colonnes et des ornements en bois qui tombent de vétusté, comme le cadre du tableau. La confrérie du Saint-Sacrement veut refaire son autel avec des marbres de diverses couleurs et des figures (sic), a conclu un marché de 9.000 liv. génoises avec des mastri de Gênes et nous demande de l'aider. Son autel est garni de colonnes, chapiteaux et cadres en matériel colorée, de marchepieds et d'une balustrade en marbre. Nous lui proposons de laisser son autel comme il est, d'y placer notre tableau de sainte Rosalie. Nous lui donnerons une certaine somme pour qu'elle construise son autel dans notre actuelle chapelle ». Marché conclu : la ville paie 1.500 florins. C'est, je pense, à la suite de cet aménagement définitif des transepts que l'évêque con¬ sacra la cathédrale. En 1699, le 30 mai, si l'on en croit la réimpression, faite en 1915, du Propre de notre diocèse. Mais rien n'assure cette date. Scaliero, qui écrivit vers la fin du XVIIT siècle, puis Bonifaci, qui a dû s'inspirer de sa compilation, parlent du 3. C'est Eugène Emanuel qui donna le 30 ; il fut suivi par l'abbé Albin et le rédacteur du Propre de 1915. Scaliero ajoute que Provana fixa, comme anniversaire de la dédicace de la cathédrale, non pas tel ou tel jour de mai, mais le dimanche qui suivrait le 17 octobre. Il est probable que Scaliero a dit vrai et que la date du 30 est une déformation de celle, qu'il avait fournie, du 3. En 1703, mai, le Conseil de ville permet aux prieurs du Saint-Sacrement de faire une sacristie « à l'est dans un angle de la place aux Herbes contigu aux chapelles latérales » ou plus exactement à la chapelle Saint-Barthélemy. Nul renseignement sur le tableau de l'autel du Saint-Sacrement, dont l'auteur s'est inspiré de la célèbre fresque de Raphaël qu'on appelle communément la Dispute du Saint-Sacrement. Est-il, comme Toselli l'a prétendu je ne sais d'après quelle preuve, d'un élève de Raphaël, François Penni, surnommé II fattore ? Je l'ignore. 68 Durant la guerre de la Succession d'Espagne, Nice traverse les crises les plus variées. Bombardée par La Feuillade en 1705, au printemps, occupée par les Français durant près de six mois (les troupes ducales conservaient le château et il y avait une trêve), menacée par Berwick à qui elle se rend et qui bombarde le château jusqu'à ce qu'il capitule au début de 1706, occupée par les Français jusqu'à la ruée de 1707 où le duc de Savoie et le prince Eugène envahissent la Provence, elle reste aux mains des troupes de Louis XIV jusqu'en 1713. Durant les heures où Nice ne savait comment faire face aux réquisitions des Français, la plupart des argenteries de la cathédrale sont prêtées à la municipalité qui, donnant 5.500 liv. en garantie, les engage, ainsi que presque toutes celles des autres églises, à un Génois de Vintimille, en 1705 ; le 15 août, le chapitre consent, sur la demande de l'évêque, à rendre les 5.500 liv. et à accepter en garantie la cloche Santa Maria Maddalena qui, fondue en 1666 et descendue en 1704 de la tour municipale de l'Horloge, alors construite en haut du Malonat, appartenait à la ville ; enfin les chanoines dégagent leurs argenteries et consignent la cloche entre les mains d'un représentant du Génois. L'évêque Recrosio commence le clocher malgré la municipalité que le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III invita, en 1731, 6 juillet, à cesser toute opposition. Travail qui fut très critiqué. « L'évêque a eu tort », écrit Bonifaci ; « il abusa de son pouvoir, rétrécit la rue, enlaidit la façade ». La première (en entrant) des chapelles de la nef latérale nord, celle de la Madone des Sept Douleurs, avait été construite avant 1741, où le prieur de Roquebillière, Amoretti, dote son autel, par son testament du 31 mars, d'une chapellenie. Les premières années de l'épiscopat de Cantono sont troublées par la guerre de la Suc¬ cession d'Autriche, où les Hispano-Français occupent Nice de 1744, avril, à 1746, octobre, puis, après un retour offensif des Austro-Sardes qui envahissent la Provence vainement, de 1747, juin, à 1749, février. Encore une période troublée, où les argenteries des églises sont engagées, à Gênes cette fois, et les cloches mises, en 1748, novembre, à la disposition de la municipalité qui ne savait comment subvenir aux réquisitions hispano-françaises. Cependant on voit le chapitre décider en 46, janvier, de construire « un chœur de nuit (un vaso osii coro notturno) pour la récitation des matines durant l'hiver, vu que le chœur est glacial à cause de l'ampleur de l'édifice ». Il fut contigu à l'église et y donna par une fenêtre. On y plaça une armoire, vu l'étroitesse de la sacristie. Deux des pièces d'une maison appartenant au chapitre et occupée par le vice-curé, ce qu'on appelait « la Clastra », y furent employées. On établit un escalier pour y accéder, la fenêtre « qui prit la lumière dans la muraille de l'église qui est au milieu sous le tableau de saint Basse », une porte dans la partie des murailles de la sacristie où était la garde- robe du chanoine curé. Il fut stipulé que ne seraient gâtés « ni les stucs de l'église ni ses autres ornements » ; qu'on donnerait au curé deux pièces de « la Clastra », pour qu'il eût ce qui avait été promis en janvier 1617. Après le départ des Espagnols et des Français, l'évêque Cantono donne de grandes pièces de damas pour la décoration de la chapelle du Saint-Sacrement. Les prieurs de la confrérie demandent à la ville de les aider à l'embellir. La municipalité refuse, vu l'état de ses finances assez amaigries. Les argenteries sont dégagées en 53. L'évêque achève le clocher en 57 et en bénit les quatre nouvelles cloches qui reçoivent les noms des saints Basse, Pons et Siacre et de sainte Répara te. Regardez la girouette de la croix qui le termine. Le métal en est ajouré et présente un triangle qui est à la fois le symbole de la Très Sainte Trinité et l'une des pièces des armoiries de Cantono. Il se peut que la girouette date de cet épiscopat. 59 Sous l'épiscopat d'Astesan, en 1774, les innombrables tombes de la cathédrale empes¬ tent au point que, en janvier, le curé les fait, sur l'ordre de l'évêque, vider presque toutes, malgré les protestations des autres chanoines qui craignent de perdre de grosses recettes. Sous l'épiscopat de Valperga de Maglione, ordre de ne plus déposer de cadavres dans le bas du clocher, à cause des mouches qui se répandaient dans le voisinage, en 1783 ; puis interdiction d'inhumer dans les églises et création du cimetière du Château. En 1786, Pierre Roissard, qui avait été fait baron de Bellet en 1777, vend sa chapelle de sainte Rose de Lima, pour 5 louis, à la corporation, placée sous le vocable de saint Eloi, des serruriers, forgerons, tôliers, ferblan¬ tiers, bâtiers, couteliers, selliers, chaudronniers, rétameurs. Elle y transporte son tableau, qui y est resté ; œuvre d'un Baldoino du XVIIe siècle, dont le prénom a péri sur la toile où le nom seul subsiste ainsi que ceux des prieurs qui avaient commandé cette toile. Au siècle dernier, en 1846, le Conseil d'administration de Sainte-Réparate demanda aux chanoines d'ouvrir une troisième porte sur la rue, à savoir sur « le côté gauche de la façade de la cathédrale, de payer 2.500 liv. à la confrérie de la Miséricorde, d'établir de nouveaux fonts baptismaux à la place de l'autel de saint Jean le Décapité (il decollato). Nous prions le chapitre de nous aider. Le travail à faire est vraiment grandiose. Ne pouvez-vous pas y affecter, sinon le capital, du moins un certain nombre d'annuités des intérêts annuels de 100 fr. que vous per¬ cevez en vertu de la transaction de 1833 ? » Cette transaction, j'ignore en quoi elle consistait. Que la réponse du chapitre ait été favorable, ce n'est pas douteux. Le 25 novembre, le Conseil l'en remercia. Les nouveaux fonts furent bénits en 1855, 28 mai, par l'évêque Galvano qui les inaugura en baptisant le fils d'un menuisier et d'une cuisinière. L'acte indique que ce baptême eut lieu à cette occasion. En 1856, le 9 janvier, le chapitre songeait à restaurer le chœur, à porter le nombre des stalles des chanoines de 20 à 22, à mieux aménager les inférieures pour les chantres. Dès le 21, on envisageait une dépense de 1.500 liv. ; l'on décida, le 11 juin, de traiter pour 1.400. Or, dès 1852, avril, les chanoines s'étaient occupés de ces travaux ; ils avaient, le 9 mai, été informés que le Conseil de fabrique ne pourrait y participer, « vu la diminution de ses revenus et l'augmentation des impôts », que pour 1.000 liv., si la dépense montait à 5.000 ; et, le 26, le chapitre avait constaté qu'il n'avait presque aucune ressource et ne pourrait prendre part à la moindre dépense. En 1856, ils avaient changé d'avis. Le gouvernement de la République restaura cette église en 1899. A l'occasion de ces travaux et de l'ouverture des deux baies qui surmontent les stalles des chanoines, il a fallu déplacer les tableaux qui décoraient l'ancien chœur. Le saint Basse a repris sa place dans l'enca¬ drement où son nom est mis. Le saint Pons occupe, par l'étourderie d'un ouvrier, l'encadrement où il devrait y avoir le prétendu neveu de Charlemagne, le prétendu comte de Brie, le prétendu fondateur de l'abbaye bénédictine des environs de Nice. Le saint Siagre, qui aurait dû revenir dans l'encadrement où est son nom, se trouve dans le salon de Son Excellence, près de la sa¬ cristie. Le saint Valérien est comme en exil, dans un endroit inaccessible à quiconque peut avoir le vertige, dans la galerie, sous la coupole, où peu de fidèles ont l'idée de le chercher : il n'est vu que par le clergé qui est dans le chœur. L'établissement d'un second orgue (d'accompagne¬ ment) au nord du chœur ne permet plus de voir le beau monument qui avait été élevé à la mémoire de l'évêque Colonna d'Istria. L'ancienne boiserie, datée de 1684 et réparée en 1856, fut enlevée lors de ces réparations et la vieille cathèdre épiscopale, vendue. 60 CHAPITRE IV La Façade et le Clocher Devant la porte de la cathédrale, on peut évoquer les temps de jadis où, lors de leur première entrée à Nice, la plupart de nos évêques mirent pied à terre, après avoir été officiel¬ lement reçus à la porte qui était au nord de la rue Pairolière et invités, selon la tradition locale, à enfourcher un cheval blanc et à prendre place sous le dais dont les syndics de Nice, coiffés de leurs chaperons, tenaient les bâtons. Mise en scène qui fut observée pour la dernière fois en 1833, lors de la réception de Galvano. Cérémonial correspondant à celui par lequel la plupart des papes, jusqu'à Pie VI inclusivement, allaient du Vatican, lorsqu'ils y eurent fixé leur résidence, à Saint-Jean-de-Latran pour prendre possession, en qualité d'évêques de Rome,-de leur cathédrale. Nous ignorons en quoi consista « le règlement de la cour » en vertu duquel, en 1727, octobre, l'évêque Recrosio dut faire son entrée à pied, tandis que, selon notre mémorialiste Scaliero, les Niçois s'apitoyaient de le voir « marcher ainsi, vieux, fatigué » d'être venu du concile d'Embrun où il avait, aussitôt après sa préconisation de juillet, figuré parmi les juges de l'évêque janséniste de Senez Soanen, « chargé de lourds habits et de sa crosse pesante, le chapeau vert sur la tête ». Son successeur Cantono, préconisé en 41, février, et sacré par Benoît XIV en avril, entra en septembre, le jour de la saint Michel, ayant fait prendre possession en juin par le chanoine prévôt Germano. Scaliero ne donne pas de détails. L'évêque Astesan, dont la mère avait été inhumée en 26 dans la chapelle Sainte-Répa- ratè de notre cathédrale, s'arrête, en 64, le 29 octobre, à l'abbaye de Saint-Pons, y reçoit la visite des chanoines le surlendemain, et vient, le 4 novembre, au Valentino, propriété que, alors du moins, les Ribotti possédaient près de Nice, en calèche. Ï1 y est reçu par les consuls, monte à cheval, prend place sous le dais, arrive à la porte Pairolière, y est salué par le chanoine sacriste (le prévôt et le prieur n'ayant pas terminé leurs villégiatures), va à la cathédrale et s'installe provisoirement au couvent de Saint-Dominique, le palais épiscopal ne pouvant rede¬ venir habitable que dans un trimestre. L'évêque Valperga de Maglione, qui devait être chassé par le général français Anselme en septembre 1792 et risquer d'être étranglé et pendu par des volontaires marseillais, fait son entrée en 80, le 15 octobre, au milieu du plus grand enthousiasme. Les poètes ont rivalisé à qui le glorifierait le mieux. A Nice, une plaquette de 34 pages de sonnets, odes, « chansons pinda- riques », en latin, en italien, même en grec (avec la traduction en italien). Parmi les auteurs, un élève du collège royal de Nice, qui a produit onze strophes alcaïques en latin, un professeur de rhétorique, qui porte le nom de « Polynice le Thébain » dans la Société littéraire des « Abo¬ rigènes de Rome », et Azuni, qui a le qualificatif de « Sensitivo » dans la Société littéraire dés « Academici » d'Alessandria. A Nice encore, tout un poème de 38 pages, en trois chants, I Giorni, du prêtre Loquez, qui ne dédaigne pas de se réclamer quelque peu des Nuits de Young. A Turin, vu que le prélat y avait été gouverneur du collège des Provinces, une plaquette de 42 pages où il n'y a que de l'italien : en général, des sonnets. Parmi les auteurs, les présidents des Facultés de droit et de philosophie de Parme, un professeur de physique à l'Université de Turin (membre de l'Académie de Londres), un de grec à celle de Parme (il est appelé Armonide Elideo dans la célèbre Société des « Arcadiens » de Rome), un de toscan à la même (il appar¬ tient à l'Académie de la « Crusca »), quatre membres de la Société littéraire des « Immobiles » (l'un y est appelé « le Tranquille », un autre, « le Pacifique »). A Turin encore, un recueil de sonnets, odes, stances, chansons, même d'élégies : en général en italien. Valperga avait fait prendre possession de son siège en septembre par le chanoine prévôt Cameran. Il vient de l'abbaye de Saint-Pons en calèche, accompagné par son frère, ministre de Sardaigne à Gênes, descend à la porte Pairolière, où était un autel surmonté de « l'image de sainte Réparate », y revêt ses habits pontificaux, monte sur un cheval blanc, se coiffe de la mitre, prend la crosse et, sous le dais, va à la cathédrale. Sur le seuil, discours en latin du chanoine bibliothécaire, à qui Valperga répond en latin. Et les cadeaux des quatre couvents de religieuses. Les Bernardines lui offrent un ornement brodé d'or et de soie et « une grande jatte de dragées ». Les Clarisses, une mitre brodée d'or, des chasubles, des gants, un cordon d'or pour qu'il y pende sa croix. Les Visitandines du couvent de Sainte-Marie, une boîte à hosties brodée d'or à ses armes et un rochet. Celles du monastère de Saint-François-de-Sales l'emportent en attentions. Une boîte à hosties sur laquelle la Passion de Notre Seigneur est brodée ; une boîte de reliques (une de saint François de Sales est dans une bourse de toile d'argent garnie de dentelles d'argent), six bouquets de fleurs pour sa chapelle privée, trois « douzaines d'Agnus brodés » (12 d'or, 12 d'argent et les autres de soie), deux de scapulaires brodés (les uns d'or, les autres d'argent) qui représentent Notre-Dame du mont Carmel, des dragées, trois bassines de biscotins et 2 pots de confitures de courges. Valperga fait donner à chacune des « torriere o siin domestiche » de ces couvents un bel écu tout neuf de France. On voudra bien nous excuser d'avoir insisté sur le pittoresque de ces réceptions de jadis et les comparer à celles de notre époque. Et surtout penser à ce que, douze ans après la journée où Valperga avait été si bien accueilli, il devait, chassé de Nice « manu militari, » se dire en Piémont, alors qu'il avait failli périr lors de son expulsion et que, par l'intermédiaire de son vicaire général Garidelli, il allait gouverner de loin du diocèse où, il est vrai, l'Eglise constitu¬ tionnelle ne fut jamais organisée. Ne convient-il pas, d'autre part, d'évoquer certaines réceptions qui eurent lieu devant la façade nord de l'église, tant que l'entrée donna sur la place aux Herbes ? Elles ne sont pas moins pittoresques. Salves d'artillerie, mais aussi bagarres avec les gens qui avaient le droit de s'emparer, à la porte de la cathédrale, si nul prêtre ou serviteur du prélat ne le tenait à temps, de l'animal sur lequel il avait fait son entrée dans Nice. En 1635, les soldats de l'escorte (c'étaient « des Allemands », relate Scaliero, à savoir des Suisses de la garnison) empoignent le caparaçon de taffetas blanc qui parait la mule de Marenco et la frappent de la main ; mais un estafier de l'évêque est assez adroit pour sauter en selle et la conserve à son maître. En 45, le prince Maurice de Savoie, gouverneur du comté, a vent de ce que certains Niçois veulent prendre celle qui servira à Palletis. Il le fait escorter de soldats de sa garde personnelle et les arme de gourdins. A la porte de Sainte-Réparate, ils s'emparent de la bête ; par respect pour l'Altesse, la foule ne dit rien. Mais ils veulent aussi le dais et, « avec autant de violence que 62 de sacrilège (scampiglio) », dit Scaliero, luttent non seulement contre les consuls qui le tenaient, mais contre l'évêque même. Plusieurs soldats dégainent et cherchent à frapper les consuls et la foule qui intervient ; d'autres, sans tirer l'épée, donnent des coups de bâtons et de poings ; un des prêtres est atteint à la tête. A noter que, en 1772, l'évêque Astesan se propose d'établir une place à l'est de la cathé¬ drale, « pour augmenter l'éclat et l'honneur de cette église et de la ville, parce qu'il ne se trouve devant Sainte-Réparate qu'une rue très étroite et inconvenante (disdicevole) pour un temple si sacré ». Il achète pour cela une maison sise « sur la rue dite délia Gleisa vecchia, dans l'îlot Saint-Jean-de-Matha ». L'immeuble avait été estimé 1.208 liv. 15 s. 4 den. par un expert. Le prélat dit qu'il paiera 1/8 en sus et ne versera la somme que le jour où il commen¬ cera à le faire détruire ; que les propriétaires le conserveront jusque-là, « à charge de ne pas le détériorer ». C'est seulement au XIX" siècle que la place fut établie. L'intendant Rossetti avait demandé par son testament qu'elle le fût et pour cela institué la ville comme héritière de ses biens dont sa femme ne devait avoir que l'usufruit. La municipalité s'occupe en 1821, juin, d'aménager cette place qui a reçu le nom de ce bienfaiteur. La cathédrale était démunie d'un clocher depuis 1651 où l'architecte Guiberto avait dû raser l'ancien. L'évêque Provana de Leyni songe en 1695 à en construire un. Le chevalier de La Fare, qui gouvernait encore Nice au nom de Louis XIV, lui remet, pour qu'on y travaille, les pierres de plusieurs vieilles maisons et d'une porte que les autorités françaises avaient démo¬ lies du côté du couvent des Clarisses. Mais les particuliers s'opposent au travail. En 97, août (les Français avaient évacué Nice), le sénateur Portaneri est prié par le procureur du chapitre, celui des entrepreneurs (mastri) et trois représentants de la ville de se rendre sur les lieux. « Examinez cet angle de la place aux Herbes, près du puits. Voici un pan de mur que nous appelons la base (volgarmente detto il zoccolo) de la vieille muraille de l'église. A ce mur con¬ finait naguère, de l'est, la maison Doya, maintenant détruite. A l'ouest de la façade du clocher qu'on veut élever à l'est, voici d'autres vestiges de cette maison. Quand on viendra de la Grand'Place à la place aux Herbes en passant par la rue des Marchands, on ne verra le clocher que si l'on est devant la porte du palais épiscopal, et encore si l'on passe juste au milieu de la rue ». En 98, les protestations continuent. Le Conseil de ville a soutenu les gens et payé les 13 liv. 12 s. des actes qu'ils ont faits « contre les entrepreneurs de la construction du nouveau clocher ». En juin, des particuliers soulèvent des chicanes au sujet de vues qu'ils avaient et qu'ils craignaient de perdre ou de celles qui seraient à leur préjudice ouvertes dans le campanile. L'affaire traîne et n'est reprise qu'en 1731. Il faut alors que le roi de Sardaigne Charles- Emmanuel III invite la municipalité à se taire et à enjoindre aux gens de garder le silence. L'évêque Recrosio commence donc le campanile. Nous avons indiqué comment l'abbé Bonifaci en parle dans le premier quart du siècle dernier. « Il avait absolument tort. Ce fut un abus de pouvoir. Tous ses arguments, erronés et imaginaires. Il a enlaidi la façade et rétréci la rue. L'opinion publique fut irritée. Cela donna lieu à un conflit entre la ville et le prélat ». Il mourut en 39 et le siège resta vacant jusqu'en 41. Une inscription latine, gravée sur marbre et scellée dans la maçonnerie de la face est, commémore la part prise par les évêques Recrosio et Cantono à la construction de ce qui remplace l'ancien clocher, qu'un de leurs prédécesseurs, Palletis, avait, pour qu'on pût aménager le transept nord, détruit en 1651. « Cette tour, commencée par l'évêque Recrosio, que son extrême honnêteté et sa science infinie rendirent très célèbre, a été par l'évêque Cantono, 63 que l'admirable caractère religieux de sa vie, les aumônes qu'il prodigua aux pauvres, surtout son exceptionnelle munificence envers sa cathédrale, couvrirent de gloire, entièrement aug¬ mentée et conduite jusqu'à son faîte en 1757 ». Le clocher fait parler de lui en 1783, au moment où, sur l'ordre du roi, il venait d'être aménagé un cimetière « sur les hauteurs du château démantelé », comme dit un mandement de l'évêque Valperga, daté du 30 juin. On devait y enterrer à partir du 10 juillet où toute inhu¬ mation, même dans un caveau de famille (exception faite pour les chefs de notre diocèse, pour nos chanoines et pour tel prélat qui, étranger à notre diocèse, mourrait à Nice), cesserait dans la cathédrale. Aussitôt le chapitre songe à établir un dépositoire dans le sol du clocher. Les propriétaires et locataires du voisinage s'en plaignent au Sénat. « Les émanations entre¬ raient chez nous. Si cette morgue est close, l'odeur n'en passera pas moins, surtout durant les chaleurs, par les fissures de la porte et incommodera les gens qui entreront, notamment par la nef latérale nord » (il n'y avait pas encore d'entrée dans celle du sud), « à Sainte-Réparate. Si le dépositoire est aéré par des ouvertures pratiquées au nord et au levant, la puanteur ira chez nous ; les mouches, après avoir piqué les cadavres, se répandront dans nos boutiques et souilleront les comestibles qu'on vend sur la place aux Herbes, où les gens viennent en foule ». Le Sénat, non sans ordonner que les corps soient en général montés directement de l'église au cimetière, répond qu'une morgue pourrait être aménagée, non dans le sol du clocher, mais dans un souterrain de la cathédrale. Le surlendemain, rapport de l'avocat général. « Je suis allé sur les lieux. Les deux portes du dépositoire du clocher sont bien fermées. S'il y a un sou¬ pirail au nord, un conduit de briques dissipera toute puanteur. Il n'y aura ni infection ni mouches, à condition que les cercueils soient rigoureusement fermés. On ne doit pas établir une morgue dans les souterrains de l'église. Il en sortirait une odeur épouvantable qui se répandrait dans la cathédrale. Ce serait retomber dans les inconvénients auxquels Sa Majesté a voulu remédier ». Avant de franchir la porte principale de Sainte-Réparate, évoquez la scène de 1784, mars, où un sacrilège, un stucateur milanais, condamné à mort pour avoir volé les vases sacrés et les Saintes Espèces dans l'église d'Aspremont, fit amende honorable et partit de là pour le lieu du supplice où le bourreau lui trancha la main droite, le pendit, brûla le cadavre et en jeta les cendres au vent. Et, quand vous entendez, aux jours de fêtes, le bourdon émettre le sol grave dont les vibrations produisent l'ut supérieur, n'oubliez pas que cette cloche, prénom¬ mée Réparate et pesant 5.169 kilos, a été installée par les soins de Mgr Chapon, le parrain étant le baron Héraud de Châteauneuf, camérier secret de Sa Sainteté, et la marraine, Mme la duchesse de Rivoli, femme du petit-fils du maréchal Masséna. 64 CHAPITRE V La Nef centrale et la Coupole La chaire fut primitivement attachée au pilier nord-est de la coupole. L'actuelle, qui l'est au pilier sud-est, date du second Empire. En 1787, une personne pieuse offre au chapitre, avec l'assentiment de l'évêque, un capital destiné à ce que, chaque dimanche (ceux de l'Avent et du Carême exceptés), l'évangile soit, après les offices, « expliqué en langue toscane ». Que vient faire, à Nice, le plus pur des idiomes italiens ? Sous Napoléon Ior, on voit le gouvernement se soucier que les prêtres prêchent en français. Or l'évêque Colonna d'Istria, Corse d'origine, avoue dans un rapport de 1806 au Saint- Siège qu'il ignore le niçois (« lingua vernacula»), qu'il ne sait guère mieux que ses ouailles le français (« gallicam nec ipse satis calleo nec multitudo plebis hujus civitatis »), que le gouver¬ nement chasse de la chaire l'italien qui est peut-être mieux que le français susceptible d'être compris par la foule (« gubernio sic jubente, lingua italica a pulpito arcetur, quae fortasse minus quam gallica populi captui accommodata est »), qu'il ne peut prêcher. Mais en peu d'an¬ nées, quel changement ! Sous sa présidence, en 23, juin, un prêtre français parle en français « devant une assemblée innombrable », au dire de l'abbé Bonifaci qui, ardent gallophobe, s'indigne de cet « apôtre d'un type nouveau », du « fanatisme bizarre et extravagant » avec lequel des dames niçoises versèrent à ce prédicateur, pour une de ses œuvres, « qui 14 fr., qui même 24 », et de ce que « la bile d'un Juvénal ne serait pas de trop en vue de flétrir une telle chose ». Puis, en 25, juillet, un autre sermon en français par un ecclésiastique venu de France. Et Bonifaci de blâmer « l'indicible rapidité de ses paroles, le bruyant concours de gens dont 95 sur 100 n'y comprenaient rien, leur fanatisme qu'inspira Satan ». Sur le désir de ce prédicateur, on brûle, le soir, devant la cathédrale, en présence de la police, de mauvais livres. Et notre gallophobe de s'emporter contre « cette sacro-comique cérémonie », non sans assurer qu'on les avait achetés pour la circonstance et qu'un spectateur disait ironiquement : « J'en ai pas mal chez moi et, même si l'on voulait me les acheter au poids de l'or, je ne les mettrais pas au feu ». Le principal intérêt de la nef consiste dans une sorte d'énigme dont je me permets d'indiquer que j'ai eu le plaisir de montrer (1) en quoi consiste la clef. Il s'agit de la frise où se trouvent, au milieu d'ornements parmi lesquels lions rampants et chevaux dressés sont deux des pièces du blason de la Maison de Savoie — cheval de Westphalie, lions d'Aoste, de Chablais, de Chypre, d'Arménie et de Luxembourg — les initiales de la plupart des souverains de cette Maison, à partir du comte Amédée III, et celle d'un fils du comte Thomas, le bienheureux (1) Voir « L'Eclaireur du Dimanche » du 27 mai 1923 et, en italien, dans le « Fert » (Bulletin de l'Asso- ciazione fra Oriundi Savoiardi et Nizzardi italiani) de décembre 1925. 65 Boniface, qui a été évêque de Belley, puis archevêque de Cantorbéry, Faute de place, on n'a pas pu remonter aux origines de la Maison de Savoie. On a négligé non seulement le prétendu Bérold de Saxe 0), à qui les généalogistes du XVIImo la faisaient remonter, mais encore six personnages historiques, le comte Humbert Ier « aux Blanches Mains », ses fils Amédée Ier et Othon, les fils de celui-ci, Pierre Ior et Amédée II, et le fils de ce dernier, Humbert II « le Ren¬ forcé », le premier qui ait eu les titres de comte de Maurienne et de marquis en Italie. On n'a commencé qu'avec son fils Amédée III, qui prit part à la 2mo croisade et mourut dans l'Ile de Chypre, à Nicosie, en 1148, sans avoir atteint Jérusalem. Une de ses sœurs avait épousé en premières noces le roi de France Louis VI, qu'on surnomma « le Gros ». On n'ignore pas, à propos du prétendu Bérold (2), que la Maison de Savoie, d'après les travaux de M. de Manteyer, descend, comme nos Capétiens, de la branche cadette et bourgui¬ gnonne des Carolingiens. Le bisaïeul d'Humbert Ier était parent d'un comte bourguignon Eccard, mort en 876, de la famille des comtes d'Autunois, laquelle venait d'un frère de Charles-Martel. Ce Childebrand à qui un poète épique français du XVH™ siècle essaya de donner un peu de notoriété dans une épopée que Boileau a raillée et que n'a lue nul de nos contemporains — du moins, je le suppose — ni, à son grand regret, n'en doutez pas, l'auteur de cette histoire de la cathédrale de Nice. Quant à la bisaïeule du comte Humbert Ier, si elle eut pour frère un comte de Viennois, elle avait une Carolingienne, Berthe, pour mère (3). Cela dit, revenons à la frise énigmatique. Ces initiales sont dans des cartouches que tient, de deux en deux, un couple d'angelots. Elles présentent un certain désordre que nous chercherons à expliquer. Partons de la chaire et descendons la nef du côté sud : voici les initiales des comtes Amédée III (le premier, semble-t-il, qui ait eu le titre de comte, non pas seulement de Mau¬ rienne, mais de Savoie), Humbert III, Thomas, Amédée IV, Amédée V, Edouard, Aimon et Amédée VI. Vous objecterez que, entre Amédée IV et son neveu Amédée V, la chronologie veut Boniface (que l'on surnomma « Roland »), Pierre II (que l'on surnomma « le petit Charlema- gne»), et Philippe Ier. C'est exact. La frise a dû les contenir dans son plan primitif ; l'initiale A du dernier cartouche désignait ainsi Amédée V. Sur le mur de l'est, le buffet d'orgues n'était pas encore placé ; la frise se continuait avec les initiales des comtes Edouard, Aimon, Amédée VI et Amédée VII. Quand le buffet d'orgues fut placé sur le mur de l'est, la partie, qui s'y trouvait, de la frise a dû disparaître. On recourut alors à une sorte de jugement des morts. Opération arbitraire, qui sacrifia Boniface et Philippe Ier, dont les règnes avaient duré peu, et Pierre II, (1) Si vous êtes curieux d'extravagantes fantaisies et désireux de ne pas perdre votre temps à lire un texte interminable en français du XV0 siècle, il y a, dans « L'Eclaireur du Dimanche » du 30 novembre 1930 et du 4 janvier 31, un résumé du roman historique de Jean Servion par lequel ce compagnon de captivité, dans une geôle du château de Loches, du futur duc de Savoie Philippe II fit remonter le fabuleux Bérold à un Théseus (fils du roi de Cologne Ezeus et d'une Hélène) et à sa femme Ysobie (fille du « 27e empereur de Rome » Valérien, lequel régnait à « Cons- tantinople », tandis qu'Ezeus avait été, avant de se convertir au christianisme, « un Sarrazin ». (2) Le grand érudit italien que fut le comte de Pierlas Eugène Caïs (mort en 1900), l'historien le plus éminent que Nice ait eu dans la 2me moitié du siècle dernier, a indiqué que, au XVIIe siècle, l'un des historiographes officiels de la Maison de Savoie, Guichenon, qui était convaincu que la prétendue ascendance saxonne ne signifiait rien, eut l'ordre d'accepter ce qu'un autre savant français, D'Hozier, devait appeler carrément « la chimère de Bérold ». (3) Indiquons, à titre de curiosité, une théorie différente, d'après laquelle Humbert « aux Blanches Mains » aurait eu pour grand-père Manassès II, marquis et évêque de Trente, plus connu comme guerrier que. comme pas¬ teur de ce diocèse. Le « Pert » de 1932 (fascicule de mars) dit que S. S. Pie XI a, « in un dotto saggio », soutenu (lorsque M. l'abbé Achille Rattl était, à Milan, bibliothécaire de l'Ambrosienne) cette hypothèse et qu'elle fut reprise en 32, janvier, à Trente, dans une conférence, par M. l'abbé Simon Weber. Nos lecteurs choisiront chacun suivant ses goûts. 66 bien que le sien eût été brillant. A la place de leurs Initiales, dans la partie sud de la frise, on mit celles d'Amédée V, d'Edouard et d'Aimon ; le A, qui désignait primitivement Amédée V, désigna dès lors Amédée VI ; quant à Amédée VII, le premier qui ait possédé Nice, on lui assi¬ gna une place d'honneur dans le chœur où vous verrez son initiale. Remontons la nef du côté nord. Voici, dans l'ordre chronologique, les initiales d'Amé¬ dée VIII, d'abord comte, puis duc, puis antipape sous le nom de Félix V (lorsque le concile de Bâle, devenu un conciliabule schismatique, se fut révolté contre le pape Eugène IV), enfin, après s'être soumis au pape Nicolas V, cardinal et doyen du Sacré-Collège. Puis les initiales de Louis, du bienheureux Amédée IX, de Philibert Ier, de Charles Ier ; le monogramme compliqué où vous reconnaissez les trois initiales de Charles II-Jean-Amédée 0) ; les initiales de Phi¬ lippe II et de Philibert II. Entrons dans le chœur. Les cartouches y sont surmontés de couronnes de 5 types diffé¬ rents, dont il n'est pas difficile d'expliquer pourquoi les modèles varient. Voici l'initiale de Charles III, avec une couronne ducale. C'est sous son règne que commença à être négocié le transfert du siège épiscopal de Notre-Dame à Sainte-Réparate. Le monogramme d'Emmanuel-Philibert, avec une couronne ducale que garnit une ligne de perles. Allusion à ce que Charles-Quint conféra au vainqueur de Saint-Quentin, son lieute¬ nant général dans les Pays-Bas, le titre d'Altesse. Le monogramme de Charles-Emmanuel Ior, avec une simple couronne ducale : c'est sous son règne que le transfert eut lieu. Le monogramme de Victor-Amédée Ior, avec une couronne royale. Double allusion à ce que, non content de prendre le titre, non pas seulement d'Altesse, mais d'Altesse Royale, il est le premier à avoir porté officiellement, non sans irriter la république de Venise, le titre de roi de Chypre et Jérusalem. Dans l'angle nord-ouest devrait se trouver le monogramme de François-Hyacinthe. Mais il ne régna nominalement que 12 mois et mourut sans avoir 7 ans révolus. On l'a passé sous silence et c'est le monogramme de son frère cadet Charles-Emmanuel II que voici, avec une simple couronne ducale. Traversons le chœur et rendons-nous devant le trône (boiserie moderne sans intérêt) de l'Ordinaire. Il fut, depuis la reconstruction de la seconde moitié du XVIIme siècle, à cette place l'estrade du gouverneur du comté faisait vis-à-vis. Voici le monogramme de Victor- Amédée II, surmonté de la couronne royale soit de Sicile (qu'il eut de 1713 à 20) soit de Sar- daigne (qu'il eut ensuite). Comme le chœur ne contient pas le monogramme de son successeur, il en résulte que la frise fut achevée entre 1713 et 30, date de son abdication. Cela n'empêche pas de penser qu'elle a pu être commencée avant 1713, par exemple à l'occasion de la consé¬ cration qui se place en 1699 ou 1700, de l'église. Puis un A surmonté d'une simple couronne de comte. Donc l'initiale d'Amédée VII, qui avait dû être supprimée sur le mur est et fut mise ici en considération de ce que c'est à lui, « le comte rouge », que la ville se donna ou fut donnée. (1) Un A, un C retourné et un G (Giovanni). Puis un second A surmonté d'une couronne de duc, avec file de perles. Donc l'initiale d'Amédée IX. S'il est à sa place chronologique dans la partie nord, il est de nouveau mentionné près de l'autel en raison de ce que sa béatification, demandée par saint François de Sales, fut accordée en 1677 par Innocent XI. Puis un F surmonté d'une simple couronne de comte. Donc l'initiale de « Umberto », à savoir d'Humbert III. S'il est à sa place chronologique dans la partie sud, il était considéré comme un bienheureux ; sa béatification n'a été accordée qu'en 1838 par Grégoire XVI. Dans l'angle sud-ouest, un B surmonté d'une couronne dont le style est unique. L'ini¬ tiale de Boniface de Savoie, qui, l'un des fils cadets du comte Thomas, fut évêque de Belley, puis archevêque de Cantorbéry. Il était considéré, lui aussi, comme un bienheureux. Sa béati¬ fication n'a été accordée qu'en 1838 par Grégoire XVI. Voilà toute l'explication de la frise énigmatique à propos de laquelle la brochure de l'abbé Albin de Cigala avait suggéré, en termes incompréhensibles, une théorie faussé. « Lettres et motifs », disait-il, « des évêques qui ont fait travailler à Sainte-Réparate ». Si lettres signifie noms ou prénoms, cela n'a aucun sens et il a singulièrement ignoré ceux des évêques de Nice. Si motifs désigne les pièces de leurs blasons, nombre de ceux-ci sont ignorés et, dans ceux que l'on connaît, ni lions ni chevaux. Enfin, que faisait-il des couronnes aux cinq types différents ? Au pilier nord-est de la coupole s'appuie un monument sculpté par Trabucco et élevé en 1885, par la population, le clergé et la municipalité, « à leurs frais privés (de re propria) », en souvenir de l'évêque Sola qui, après avoir dirigé notre diocèse de 1857 à 77 et résigné ses fonctions à la suite d'un différend avec l'archevêque d'Aix, son métropolitain, est mort dans la banlieue de Nice, en 1881, chez un de ses amis, villa Sorgentino, dans le quartier Saint-Roch. Il fut inhumé, aux frais de la ville, dans le caveau des évêques (« sur l'autorisation préalable du ministre de France »), comme un vicaire l'écrivit en termes singuliers dans le registre des décès de Sainte-Réparate), après une cérémonie présidée, en 82, le 4 janvier, par son succes¬ seur, qu'assistaient les évêques de Fréjus, de Vintimille et d'Hermopolis, celui-ci administrateur de ce qu'on appelait alors « l'abbaye nullius de Monaco » (le même vicaire fit de ce prélat un « évêque de Monaco », alors que le diocèse de Monaco n'a été créé qu'en 1887). L'oraison funèbre de Sola, prononcée par l'aumônier des Ursulines lors des obsèques, provoqua certaines critiques dans un journal local qui y vit « une diatribe des plus violentes contre la République » et glorifia « l'homme de bien » que Sola avait été, « sa bonté, sa justice, sa tolérance ». La corniche de la nef centrale et du chœur fut longtemps démunie de balustrades. En 1781, le jour de la Quinquagésime, cela causa un accident. A la fin des Quarante Heures, au moment où le Saint-Sacrement, porté en procession, est au milieu de l'église, un soldat, chargé d'allumer un lustre situé au-dessus du trône de l'évêque, se penche sur la corniche dont une partie se détache. Il tombe, s'accroche à la corde d'un lustre, mais heurte le dessus du balda¬ quin, en crève la toile et se brise les reins sur le siège épiscopal. « Et des plâtras tombés », écrit un contemporain, « on eut à emplir 6 à 7 paniers ». L'ancienne chaire épiscopale, aux armes de l'évêque Henri Provana de Leyni, qui con¬ sacra la cathédrale, mieux vaut s'abstenir ici de juger et même de rappeler les circonstances et raisons pour lesquelles on ne la voit plus dans cette église. Elle fut vendue, et, à la suite du grand succès qu'obtint l'exposition d'art religieux ancien, organisée en 1932 au musée Masséna, M. le baron Lazzaroni, possesseur de cet objet précieux, a bien voulu en faire don à ces collec¬ tions municipales. Devant ce meuble sévère et blasonnè, il est permis de se poser plusieurs questions. A-t-il servi à l'évêque Provana, lorsqu'il présida, en 1691, dans sa cathédrale, la réunion où les Niçois décidèrent de ne pas résister à la sommation de Catinat et de passer sous l'autorité de Louis XIV, tandis que la garnison ducale ferait son devoir militaire au Château et qu'il y aurait un vif échange de balles, boulets et bombes ? A l'évêque Cantono, en 1744, le 5 juin, où l'infant d'Espagne Philippe, fils du roi Philippe V et gendre du roi de France Louis XV, reçut, comme il l'avait fait à Chambéry, au nom de son père et en sa qualité de généralissime des troupes hispano-françaises, le serment de fidélité de notre commune et de celles du comté, après l'avoir, le lm, reçu du Sénat ? A Pie VII, en 1814, quand il était encore à-demi prisonnier de l'empereur qu'il était venu, dix ans auparavant, sacrer à Notre-Dame de Paris et put entrer (ce qui ne lui avait pas été permis en 1809) à Sainte-Réparate et y recevoir la bénédiction du Saint-Sacre¬ ment donnée par l'évêque Colonna d'Istria ? Et ce prélat s'est-il assis sur cette cathedra en portant, comme Napoléon Ier le lui avait prescrit en 1805, par une lettre de Lacépède, datée de Paris, du palais de la Légion d'Honneur, et du 21 thermidor an XIII, « toutes les fois que vous serez revêtu, Monsieur l'évêque et cher confrère, de vos habits pontificaux, l'aigle de votre grade, attaché à un ruban qui sera porté en sautoir, mais devra être des mêmes couleur et lar¬ geur que celui que vous avez reçu en qualité de membre de la Légion ; nouvelle marque, décidée en grand Conseil, de la bienveillance de Sa Majesté impériale et royale » ? Détail à rapprocher de ce que, sur la célèbre toile de David, le cardinal-légat Caprara, debout à la droite de Pie VII, porte en sautoir, sur son camail, la Légion d'Honneur. De Colonna d'Istria, qui fut victime, en 1833, d'une assez triste cabale de politiciens et d'ecclésiastiques, passons à Masséna en regardant le chœur où nous allons entrer, Les deux lampadaires qui sont de chaque côté du maître-autel furent offerts en 1900, avril. L'un, par Pau- le Furtado-Heine, qui, veuve du duc d'Elchingen Michel Ney, s'était remariée en 82 avec le 4" duc de Rivoli et prince d'Essling Victor Masséna, qui la perdit en 1903 et mourut en 10. C'est comme marraine de la cloche « Réparate-Paule-Henriette-Aimée » qu'elle fit ce cadeau. L'au¬ tre lampadaire fut offert par son mari, qui, ancien député de Nice, voulait commémorer le souvenir de son aïeul le maréchal, né en 1758, dans le faubourg de la rive droite du Paillon (donc sur un terrain dépendant de la cathédrale), et baptisé à Sainte-Réparate. 69 CHAPITRE VI Le Chœur De forme pentagonale, il a été modifié à la fin du siècle dernier où l'on a démoli deux murs le long desquels étaient placées les stalles du chapitre, afin d'établir deux arcs qui sont, il est vrai, dans le style de la nef centrale. Si l'on n'avait pas dressé une cloison vitrée derrière les stalles, les chanoines, qui sont en général des hommes d'un âge déjà mûr, eussent singulièrement souffert du froid. Quand le chœur était clos de murs, quatre grands tableaux le décoraient. Il n'en reste que deux dans les encadrements de jadis. Lors des remaniements de la fin du siècle dernier, un seul, le saint Basse, fut remis dans le cadre qui porte l'inscription correspondante, sanc- tus Bassus, sur le côté sud-ouest. Quant au cadre qui est sur le côté nord-ouest, l'inscription indique qu'on devrait y voir saint Siagre : or, c'est saint Pons qui y fut placé par inadvertance. Que sont devenus les deux autres ? L'un, saint Valérien de Cimiez, est relégué à une hauteur vertigineuse, où, si les prêtres le voient du chœur, presque aucun fidèle n'a l'idée de le chercher. Quant à l'autre, saint Siagre, il orne le salon de l'évêque, près de la sacristie. Dans le Nicienses inscriptiones de l'abbé Bonifaci, conservé depuis 1886 aux Archives municipales grâce à un don de la veuve d'Eugène Emanuel, vous apprenez que sous chacun de ces encadrements on lisait, peut-être sur des plaques de marbre, 2 distiques latins. Les voici : Bassus ego, primus Nicœni pastor ovilis, pro Christo hic patior primus et intereo. Impia quid terres, qua morte, turba, minaris ? Est mihi commisso pro grege dulce mori. — « Ille ego, regali de stirpe Syagrius ortus, elegi vestros incoluisse lares et veri vobis exstruxi Numinis aras. Quam colui et docui, vos retinete fidem. — « Pontius, antiquse stirpis generosa propago, auspiciis Superum littora vestra peto. Hic Christi veram sanciri sanguine legem vos volui, cives, haec mea fata sequi. — « Valerianus ego, toto notissimus orbe, hune solers duxi pastor ad astra gregem. , Tu, quicumque cupis superas evadere ad arces, quae docui et scripsi, perlege. Salvus eris ». L'auteur inconnu de ces seize vers, dont Bonifaci copia les mots avec certaines mala¬ dresses que nous avons cherché à rectifier, s'inspira, cela va de soi, des traditions locales dont certains détails ne relèvent que de l'hagiographie. Consultez le Propre le plus récent de notre diocèse, celui de 1915, imprimé sur l'ordre de Mgr Chapon après l'approbation, donnée l'année précédente, de la Congrégation des Rites. Il conserve des traditions dont l'origine est le plus souvent incertaine. Saint Basse y est mentionné pour le 5 décembre, comme « premier évêque de Nice, martyrisé sous Dèce et Valérien (sic) vers 253 ». D'où ces mots : « Moi, Basse, premier pasteur du troupeau niçois, pour le Christ je souffre et meurs ici le premier. Foule impie, 70 pourquoi cherches-tu à m'effrayer ? De quelle mort me menaces-tu ? Il m'est doux de mourir pour le troupeau à moi confié ». Saint Siagre est mentionné pour le 23 mai, comme « neveu de Charlemagne, comte de Brie, abbé du monastère bénédictin de Saint-Pons (comme l'on écrit) que son oncle avait fondé et doté, puis évêque de Nice durant 10 années, et confesseur de la foi». D'où ces mots : « Moi, Siagre, issu d'une famille royale, j'ai décidé d'habiter votre pays et je vous ai bâti des autels du vrai Dieu. La foi que j'ai pratiquée et enseignée, conservez-la ». Saint Ponce est mentionné pour le 14 mai comme « fils du sénateur romain Marc, converti en présence du pape Pontien, favori de l'empereur Philippe et de son fils qu'il a convertis ; il vint en Gaule, y prêcha la foi chrétienne et fut martyrisé sous Valérien et Gallien. Saint Valérien, évêque de Cimiez, atteste dans 3 homélies que sa tombe fut très vénérée et qu'il s'y accomplit divers miracles ». D'où ces mots : « Moi, Ponce, généreux rejeton d'une antique souche, sous les auspices des dieux » (quel paganisme!) « je gagne vos rivages ; j'ai voulu que mon sang arrosât la vraie foi du Christ et qu'on vous vît, concitoyens, suivre une destinée qui m'a conduit au Ciel où je suis ». Enfin saint "Valérien, bien qu'il soit, lui du moins, un personnage rigoureu¬ sement historique, a été omis au Propre. Le premier évêque que l'on connaisse historiquement pour le diocèse de Cimiez. Il est possible qu'il ait siégé au concile de Riez de 439 ; certain qu'il prit part à celui de Vaison de 442, qu'entre 449 et 461 les sièges de Nice et de Cimiez furent, sur la demande de saint Véran, évêque de Vence, et de ses comprovinciaux, réunispar le pape saint Léon Ier, mais, à la requête d'Auxonius, évêque d'Aix, disjoints entre 462 et 465 par le pape Hi- laire. On a de saint Valérien une lettre et 20 homélies. D'où ces mots : « Moi, Valérien, très connu dans le monde entier, j'ai conduit au Ciel, en habile pasteur, mon troupeau (de Cimiez). Toi, qui que tu sois, désires-tu aller au Paradis ? Ce que j'ai enseigné et écrit, lis-le sans cesse : tu seras sauvé ». Au point de vue artistique, ni le trône de l'Ordinaire ni les stalles canoniales ne méri¬ tent l'attention : de simples boiseries modernes. Je me rappelle que, il y a un quart de siècle, on fit un grief, qui ne manqua pas de justesse, à Mgr Chapon d'avoir vendu le vieux trône épiscopal. Il était au moins aussi beau, dans sa vétusté, que ce qu'il y substitua. La table de communion garde, ainsi que la partie, faisant face à la nef, de l'arc qui soutient la coupole, et de même le maître-autel, les armoiries de l'évêque Henri Provana de Leyni qui termina et consacra Sainte-Réparate. Son rapport de 1685 au Saint-Siège dit : « J'ai fait établir des chancels de diverses couleurs et un magnifique maltre-autel du même genre, à mes frais personnels ». Derrière l'autel, un encadrement où une toile représente sainte Réparate ; l'inscription, un distique la¬ tin, peint sur la toile, dit aux fidèles : « Regardez, citoyens de Nice : cette image de votre pa¬ tronne vous montre par où passe le chemin qui conduit aux récompenses du Paradis ». « Aspicite, o cives. Vestrae haec tutricls imago vos docet ad Coeli proemla qua sit iter ». On ignore la date et l'auteur de cette peinture. Sous le maître-autel, une magnifique châsse d'argent et de bronze, où sont des reli¬ ques extraites des catacombes de Pontien, près de la via Portuensis, d'un saint Victor. Données par le cardinal vicaire Carpegna en 1682, avril, au cardinal Barberini, et par celui-ci, en mai, à la mère du duc Victor-Amédée II, châsse et reliques ont été apportées à Nice par Louis de Sousa, archevêque de Braga en Portugal, ambassadeur de Portugal à Rome, au moment où la duchesse mère rêvait de marier son fils à une infante de Portugal qu'il ne tenait pas à épouser. Eiles devaient être placées sur le navire que le conduirait à Lisbonne. Il rompt le projet qui ne lui souriait pas ; il donne châsse et reliques à la cathédrale de Nice. L'évèque les reçoit en 1685, Ie1' mai. Comment ce bel objet, d'un grand poids et d'une grande valeur, a-t-il échappé à ce qu'on appelle volontiers le vandalisme révolutionnaire ? Je l'ignore. Mais ne croyez pas un mot de l'attribution que l'abbé Albin fit au roi de Sardaigne Victor-Emmanuel Ier. Quand il écrivit tranquillement que ce souverain donna ce reliquaire en 1814, il ne soupçonnait pas l'existence des nombreuses pièces qui nous en retracent l'histoire. Il a, une fois de plus, cédé à son imagi¬ nation. Les quatre lions de bronze qui portent le coffre peuvent avoir été exécutés sur l'ordre du cardinal Carpegna. Les armes de Savoie, Chypre et Jérusalem, qui décorent les angles, sur celui de la duchesse régente ou, dès qu'il eut pris le pouvoir, de son fils Victor-Amédée II. Précieux sou¬ venir du mari d'une nièce de Louis XIV. Ces reliques excitaient jadis une assez vive piété. Vous voyez l'un des chanoines les faire vénérer en 1704 aux Visitandines qui, ayant fui de Nice à l'idée que les Français se préparaient à l'attaquer, y rentrent au bout de deux semaines; le vicaire capitulaire Barralis ordonner en 79 de les exposer à cause d'une maladie qui rava¬ geait les olivettes de la banlieue ; l'évêque Valperga permettre en 89, janvier, qu'on prie devant elles « à cause de la neige, du vent et du froid » ; les marguilliers demander à la municipalité, „ en 1805, 11 mai (non sans dater, cela va de soi, du 21 floréal XIII), de reprendre « l'usage d'en¬ voyer pour la saint Victor, qui aura lieu le mardi 24, 22 chandelles d'une demi-livre chacune et 2 flambeaux avec les armes de Nice ». Une petite boîte de plomb n'a d'autre intérêt que de conserver, d'après l'inscription, des « os de sainte Simplicie, vierge et martyre ». Le nom sous lequel on avait, au XVe siècle, camouflé ce qui fut, d'après la tradition locale, des reliques de sainte Réparate. Or l'on voit l'évêque Colonna d'Istria exposer en 1828, avril, pour que Dieu envoie un peu de pluie, « les reliques de sainte Réparate ». Un voyageur français s'étonna en 1660 de ce que le chœur était derrière le maître-autel, comme dans ce qu'il appelle les églises des Jésuites, des Dominicains, des Minimes (il ne s'agit pas alors de l'église qu'ils construiront seulement au XVIIIe siècle dans la rue nouvelle, paral¬ lèle au rivage), « et des Hiéronymites » (qui n'eurent pas de couvent à Nice : veut-il parler des Carmes, qui desservaient Saint-Jacques, ou des Augustins, qui assuraient le culte à Saint-Mar¬ tin ?». L'usage qui surprit Grangier de Liverdys dura jusqu'en 1900, où le maître-autel fut poussé au fond de l'abside. Les stalles des chanoines furent alors placées de manière à être visibles. Il perdit ainsi sa consécration ; il avait fallu desceller la table. Une pierre sacrée fut mise provisoirement, avec des reliques, selon les autorités ecclésiastiques, « des saints martyrs Basse, Siagre, Ponce, Victor et Réparate, dans un coffret de métal ». En 1927, 3 juin, Mgr Ricard procéda à une nouvelle consécration du maître-autel et joignit, dans ledit coffret, étant né dans une commune de la Haute-Garonne, des reliques du « premier évêque » de Toulouse, saint Sernin, et de sainte Germaine de Pibrac, « chère à sa piété », la bergère que sa crosse repré¬ sentait gardant son troupeau. Dans le dallage du chœur, l'épitaphe, transférée sans doute de Notre-Dame du Ch⬠teau, de l'évêque François Lambert, mort en 1583. Vous y voyez qu'elle fut gravée, dans les der¬ niers jours de sa vie, par les soins de Louis Baldoino, son vicaire général. Les blasons qui furent à droite et à gauche du haut de la plaque sont devenus indistincts, mais restent surmontés de 72 la mitre ; plusieurs mots du texte sont illisibles; on y supplée par ies transcriptions qu'en firent Gioffredo, Scaliero et Bonifaci. L'épitaphe est en latin. Elle vous rappelle que le prélat était né à Chambéry, qu'il fut référendaire des deux signatures de grâce et de justice à Rome sous Paul III et Jules III, nommé par celui-ci évêque de Nice, par Emmanuel-Philibert ambassadeur de Savoie à Venise où il resta deux années en fonctions, et qu'il signa au concile de Trente. A quelques pas, une plaque datée de 1686 vous dit, également en latin, que l'évêque Provana, de l'ordre des Carmes, « soupirant après le Paradis » qui est appelé, en style païen, « l'Olympe », posa ce marbre en l'honneur de ce qu'il venait d'élever le maître-autel. Rédac¬ tion mal venue. Le mot « Immortali » ne désigne guère l'Eternel ; l'ablatif « infulis » aurait gagné à être remplacé par le participe « infulatus » afin de désigner que c'est la mitre en tête, comme le veut le rituel, que l'évêque consacra l'autel ; en outre, nul lien entre les mots « Immortali aram maximam infulis hune lapidem... posuit ». L'épitaphe de Lambert est mieux tournée. Sous le chœur, le caveau des évêques. Y reposent, sinon Lambert, du moins Pallavicini, des marquis de Ceva, mort à Eze en tournée pastorale en 1598, et la plupart de ses successeurs. Martinengo, par son testament de 1619, avait demandé à reposer dans la tombe aménagée par lui dans la chapelle, construite par lui, du Saint-Sacrement. Solaro, des marquis Délia Chiusa et comtes de Moretta, avait été transféré au siège de Mondovi. Recrosio, s'il mourut à La Bollène en tournée pastorale en 1732, avait demandé à être inhumé à Verceil. Astesan, dont la mère repose dans la chapelle Sainte-Réparate, avait été transféré au siège d'Oristano et Santa Giusta en Sardaigne. Valperga de Maglione, chassé de Nice par le général Danselme en 1792, mourut à Turin et y fut enterré en 1805. De Colonna d'Istria les restes, ramenés de Rome eh 1853, reposent, on l'a vu, dans la chapelle au nord du chœur. Galvano, qui mourut près de Pignerol, y fut inhumé. Sola est enterré dans le caveau des évêques de Nice. Balaïn avait été transféré à l'archevêché d'Auch. Mgr Chapon a demandé à reposer sous l'autel du Sacré-Cœur. Dans le caveau des évêques de Nice reposent, d'autre part, quelques autres prélats : Tonari, ancien évêque de Bologne, patriarche d'Antioche (1853, 10 décembre). Vecino, évêque de Lerida (1844, 20 février). Le chapitre reprend en 1882, février, son costume de jadis, « avec cappa et mozette ». La Congrégation du Concile ordonne à l'évêque en 30, avril, de ne plus considérer comme valable la disposition de ses statuts de 1804 qui permettaient aux vicaires généraux tant de porter cette cappa et cette mozette que d'avoir la préséance au chapitre. Colonna d'Istria avait en 28, juillet, donné aux chanoines titulaires le pas sur les honoraires et défendu à ceux-ci d'user des insignes canoniaux, cappa et mozette, « sinon à Sainte-Réparate et quand ils assis¬ teront à des cérémonies avec le chapitre, et dans les églises où Nous les aurons invités à Nous accompagner ». En 63, juillet, Pie IX confère aux chanoines titulaires une croix pectorale dont il ordonne que les honoraires ne fassent point usage. En 1852, avril, le chapitre étudie comment le chœur pourra être aménagé à nouveau. Le 9 mai, le curé informe le chapitre que le conseil de fabrique veut bien participer aux frais, mais qu'il ne pourra y consacrer une somme importante, « vu la diminution de ses revenus et l'accroissement des impôts », que, si la dépense est de 5.000 fr., il y entrera pour le cinquième, mais qu'il ne paiera qu'en trois annuités. Le 26, le chapitre constate qu'il n'a presque pas d'ar¬ gent et ne pourra s'associer à ce qu'il avait envisagé. CHAPITRE VII Le Bas-côté sud En 1846, octobre, le bas de la nef latérale sud n'est pas encore aménagé tel que nous le voyons. Le conseil d'administration de la cathédrale se propose d'ouvrir « une troisième porte sur le côté gauche de la façade » de l'église, depayer 2.500 liv. à la confrérie de la Miséricorde, qui en possédait encore le terrain, et d'établir « à la place de l'autel de saint Jean le Décapité », de nouveaux fonts baptismaux. Partons de l'entrée latérale. a) Les fonts baptismaux. — En 1854, le conseil de fabrique acheta, en juin, à la confrérie de la Miséricorde, « l'emplacement où est l'autel de saint Jean-Baptiste ». Un ingénieur, Lacroix, avait fait le plan du baptistère à établir pour 2.400 liv. Un sculpteur, Joseph Raymondi, accep¬ tait de l'exécuter pour 1.620, « y compris une statue du saint, de 1 m. 30, à placer sur la vasque du baptistère ». L'inauguration en a été faite par l'évêque Galvano en 1855, 28 mai, où il bap¬ tisa le fils d'un menuisier et d'une cuisinière « dopo la solenne beneditione del sacro fonte ora nuovamente costrutto », dit l'acte. b) La chapelle des Quatre saints couronnés. — La corporation des maçons, qui eut ces quatre saints (1) pour patrons, avait un autel dans l'ancienne Sainte-Réparate. Lors de la re¬ construction, l'association s'installa, durant quelques années, dans la paroisse Saint-Jacques. Quand les Carmes se mirent à rebâtir cette église, les maçons demandèrent à revenir dans la nouvelle Sainte-Réparate. En 1681, ils traitent avec la confrérie de la Miséricorde, « qui possède la seconde chapelle en entrant, où est l'autel de la Décollation de saint Jean-Baptiste et qui confronte de l'ouest avec la chapelle Sainte-Réparate ». La confrérie la vend à la corporation pour 200 liv., à charge que les acquéreurs l'aménagent selon le plan général de Guiberto. Les maçons y ramènent leur tableau corporatif : il orne le mur est et n'est pas dépourvu de certains mérites. Celui de l'autel, qui est du peintre niçois Trachel, ne le vaut pas. Sur le mur ouest, un saint Séraphin de Monte Granario : ce maçon, qui fut frère lai dans l'ordre des Capucins et mourut en 1604, n'a été canonisé qu'en 1767 (2). Le peintre lui a prêté un costume, non du XVIe siècle, mais du XVIIIe. La toile doit être un peu antérieure à 1783, où une requête de la majorité de cette corporation nous apprend que certains s'étaient mis, « depuis quelques an¬ nées », à fêter le nouveau saint, à élire des prieurs sous son nom et à mettre son nom sur les écussons de leurs torches. Innovation qui fut prohibée par le Sénat. (1) L'Eglise fait mémoire d'eux à la messe de l'octave de la Toussaint. (2) Pète, le 12 octobre. La chapelle posséda au XIX* siècle un devant d'autel brodé par une dame niçoise, auquel le poète niçois Rosalinde Rancher consacra un sonnet. c) La chapelle Sainte-Réparate. — Le chanoine archidiacre Jean-Baptiste Torrini est autorisé par l'évêque Délia Chiesa, qui mourut en 1669, à la construire sur l'emplacement d'un passage qui allait du palais épiscopal dans la cathédrale. L'évêque Provana de Leyni renouvelle la permission. La chapelle était installée avant 1680, novembre, où ce chanoine teste. Il recommande son âme notamment « à sainte Réparate, ma très spéciale patronne ». Il indique qu'il a fait aménager une tombe pour lui et sa famille « dans la chapelle que j'ai construite dans la cathédrale ». Il y sera enterré. Il dote cette chapelle, dont le juspatronat sera à sa famille. Il lègue, en outre, 300 doubles pour qu'une lampe y brûle du matin « à la première heure de la nuit », aux jours de grandes fêtes, durant la neuvaine sainte et les octaves tant de la Fête-Dieu que de sainte Réparate. De plus, les mobiliers, ornements et sacrements déjà faits pour elle : entre autres, une lampe d'argent « faite en pomme de pin à la mode », un calice, une patène, un devant d'autel de velours à fleurs, cramoisi, à lames d'or, avec den¬ telles d'or, deux chasubles, étoles, manipules, voiles et bourses de calice de même, un autre devant d'autel d'ormesin moiré vert à dentelles d'argent, un de crépon violet à passements de soie, nappes d'autel à dentelles, aubes de Bruges à dentelles, vases dorés et argentés pour les fleurs, burettes d'argent, un buste de bois doré dont la tête était argentée et le piédestal de marbre, représentant la sainte martyre Joconde et contenant « une relique insigne d'elle avec l'authen¬ tique », etc... Il insiste en particulier sur ce qu'il lègue les trois tableaux que l'on voit encore en place : « deux latéraux et, pour le milieu, le plus grand, tous trois représentant le martyre de sainte Réparate ». Remarquez sur le plus grand, dans l'angle inférieur à votre droite, les armoiries des Torrini : d'azur à la tour d'argent, murée de sable, surmontée d'une étoile d'or. Leur cimier : un Pégase naissant dans une couronne de comte (le frère de l'archidiacre était depuis 1667 comte de Monastero del Vico en Piémont). Leur devise : Nec terra satis... Les armoiries sont reproduites au sommet des colonnes qui se dressent de chaque côté de l'autel : lors des restau¬ rations de la fin du siècle dernier, la tour, qui aurait dû être argentée, a été dorée. On a voulu faire riche ; on a commis une certaine erreur héraldique. Le chanoine Maurice Torrini, neveu de l'archidiacre sus-mentionné, est enterré dans cette chapelle en 1707, où il était vicaire capitulaire. Deux fils de son frère le sénateur Jean- Louis demandent à y reposer : le comte Joseph-Marie en 1705 et le chanoine archidiacre Charles- Ignace en 53, où il veut qu'elle soit bien tenue, notamment « l'autel, les chandeliers et les pommes de la grille en fer ». Puis, en 62, le chanoine Jules-Louis Torrini. D'autre part, en 1726, les Torrini consentent à ce que la femme du comte Claude Astesan, un Savoyard de Saint-Jean- de-Maurienne, avocat fiscal général au Sénat de Nice, morte à 25 ans, est enterrée dans cette chapelle : un de ses fils, Jacques, né à Chambéry, ville natale de Claude, fut dominicain et devint évêque de Nice en 64, archevêque d'Oristano et Santa Giusta en Sardaigne en 78. d) La chapelle Saint-Joseph. — La première, cela va de soi, qui ait été construite dès que le transept sud eût été fini. Elle occupe l'emplacement d'une ancienne chapelle qui avait appartenu à la confrérie du Saint-Sacrement et où l'on avait momentanément déposé le reli¬ quaire de sainte Rosalie, envoyé par Palerme. Dès 1651, le mardi de Pâques, l'évêque informe les syndics qu'un particulier (on verra qu'il s'agit d'André Turato, que le prélat ne nommait pas) offre de la reconstruire selon le plan de Guiberto. « Vos prédécesseurs de 1635 ont eu l'autori- 75 sation d'y mettre provisoirement la châsse ; ceux de 37, d'y mettre provisoirement un tabieaU peint par Jean-Louis Baldoino, une sainte Rosalie. Vous payez à la confrérie une rente annuelle de 8 ducatons depuis 1645. Le particulier demande que le terrain lui soit remis sans charge, que vous vous décidiez à construire dans le transept nord la chapelle que la municipalité promit, que vous ne vous borniez pas à constater que la première pierre en est posée ». L'affaire traîne. Enfin la municipalité se décide à verser 100 ducatons à la confrérie, à charge d'être débar¬ rassée de la rente de 8 ; elle renonce à l'ancienne chapelle et se résout à achever celle du transept nord. L'évêque vend le terrain à André Turato, un marchand dont un frère, Pierre, était chanoine et préchantre. Les Turati construisent aussitôt leur chapelle Saint-Joseph ; en 1652, juin, elle est terminée ; ils y ont aménagé une tombe et fourni les ornements et vases sacrés. C'est par une erreur singulière que le compilateur niçois Bonifaci l'attribue à une certaine « Anne-Marie Turat Raiberti » et dit qu'elle fut fondée « en 1666, décembre ». En 1654, André Turato teste et demande à être enterré « dans une chapelle consacrée à mon avocat le saint patriarche Joseph ». Quant à sa petite-fille Anne-Marie, femme de l'avocat Jérôme-Marcel Raiberti, elle n'a, par son testament de 1666, décembre, ni rien fondé ni contribué en rien à la chapelle de son aïeul. Les deux Turati, André et le préchantre Pierre, étaient fils d'un orfèvre dont le magasin était dans le quartier du Château ; André avait continué le métier de son père, inhumé dans l'église du Château, puis pris celui de marchand de draps. Son fils Jean-Louis était mort en 1654, avant qu'André ne testât. La veuve de Jean-Louis, à la suite d'une maladie où elle avait fait un vœu, remit des bijoux à l'évêque Palletis, à Laghet, pour la Madone, dans la curieuse journée où le prélat, qu'accompagnait la confrérie de la Miséricorde, remettait à la Madone deux ex-voto envoyés par le ci-devant cardinal Maurice, l'un pour son compte, l'autre pour une guérison d'un de ses neveux, celui de qui descend l'actuel roi d'Italie. Les descendants de Jean-Louis ont continué à être inhumés dans cette chapelle. Durant l'occupation hispano-française de Nice, en 1745, on y enterra un brigadier de l'armée de Phi¬ lippe V, commandeur de l'ordre de Calatrava et porte-drapeau de la compagnie des gardes du corps de l'infant Philippe, le gendre de Louis XV. Remarquez l'ornementation de l'autel : elle imite la mosaïque de Florence et contient le blason des Turati, coupé d'or à l'aigle de sable couronnée de même, et d'azur à cinq étoiles d'or. Si le tableau de l'autel, La mort de saint Joseph, semble une œuvre moderne et banale, il est plus intéressant d'examiner les latéraux. Sur le mur de l'ouest, les saints Louis, roi de France, en robe fleurdelysée, et Charles Borromée, archevêque de Milan, en vêtement cardi¬ nalice : Louis fut le prénom secondaire du fils d'André et d'un des fils de celui-ci. Sur le mur de l'est, les saints Pierre et André : le patron du fondateur de la chapelle et celui du pré¬ chantre, son frère, mort en 1668, et d'un des petits-fils d'André, qui fut préchantre à son tour et mourut en 1688. A la voûte, trois médaillons. L'un représente l'apparition de saint Joseph à une malade : peut-être la veuve de Jean-Louis, celle qui offrit des bijoux à l'église Notre-Dame de Laghet. Un dernier souvenir. En 1658, la chapelle des Turati confrontait de l'est avec le passage qui menait de la cathédrale dans le palais épiscopal. C'est à l'angle de cette chapelle que l'évê¬ que Palletis vit, en 1658, septembre, ce qu'on avait commencé de la voûte de la nef centrale s'écrouler. Il eut une telle frayeur qu'il semble avoir succombé à une embolie, à moins qu'il n'ait — autre version de sa mort — couru au milieu des décombres et fait une chute à laquelle il aurait succombé. Mort tragique à relater, d'autant que l'oraison funèbre du prélat fut pro¬ noncée par un jeune prêtre qui devait devenir un célèbre historien de Nice : Pierre Gioffredo, alors âgé de 29 ans. Et une curiosité d'un autre ordre. M. le colonel italien Jules de Orestis di Castelnuovo, l'un des fondateurs de l'Academia nissarda, expliqua dernièrement, dans son Blasonario délia Contea di Nizza, que les Turati furent « originaires de Lombardie et apparentés avec les Ratti niçois d'origine milanaise. N'est-il pas curieux de trouver liées entre elles, en terre niçoise, deux familles lombardes auxquelles appartiennent aujourd'hui S. S. Pie XI et Auguste Turati, qui fut secrétaire général du parti fasciste et démissionna en 1930. Tandis que les Turati niçois portè¬ rent » ajoute-t-il, « coupé au 1 d'or à l'aigle de sable couronnée du même, au 2 d'azur à 3 étoiles d'or en fasce (1), les comtes Turati, de Milan, portent coupé au 1 d'azur à 6 étoiles d'or dont 3 sont en fasce et les autres placées 3 et 1, au 2 d'or au donjon de 3 tours tourrelées de 3 pièces, de gueules, avec 2 portes ouvertes... Les Ratti niçois portèrent d'azur à 3 besants d'or placés en orle, au chef d'or chargé d'une aigle naissante de sable, couronnée du même. De nos jours, les Ratti-Opizzoni piémontais portent coupé, au 1 d'or à l'aigle de sable couronnée d'or, au 2 d'ar¬ gent à 3 besants de gueules, et les Ratti lombards (famille de S. S. Pie XI), coupé, au 1 d'or à l'aigle de sable, au 2 d'argent à 3 besants de gueules posés 2 et 1 » (2). e) La chapelle du transept sud. — Celle-ci prend, dès les premiers travaux de 1650, mais dans les proportions voulues par le plan de Guiberto, la place qu'occupait en partie une plus petite, affectée à contenir la réserve eucharistique, qui n'est pas, dans les cathédrales, confiée au tabernacle du maître-autel. Une petite chapelle qui datait de l'épiscopat de Martinengo, mort en 1620, et n'avait pas formé jusque-là un transept. Le prélat, qui l'avait bâtie à ses frais, y avait aménagé en 1612 un caveau pour lui et ses successeurs et placé une épitaphe qui a péri : Bonifaci en a conservé une copie où il a étourdiment mis un pentamètre faux. Le texte com¬ prenait d'abord ces deux distiques. Bien que l'évêque y parle à la première personne, il n'en résulte pas qu'ils aient été son œuvre. Nous ne les citons que sous réserves d'origine. « Hic ego Franclscus jaceo, qui pastor ovilts Niceeni fueram, mox ovis ipse poli. Mortuus hic vivo. VIvub sum mortuus idem. Corpus terra tenet. Spiritus astra petit ». A savoir : « C'est ici que je repose, moi François qui avais été le berger des ouailles niçoises et qui va devenir une ouaille du Ciel. C'est ici que mort je vis. Mort je suis le même que lorsque je vivais. Mon corps est dans la terre. Mon âme se rend au Ciel ». Puis trois lignes de prose. Hoc sepulcrum slbi et successoribus fieri fecit anno 1612 frater Franclscus Martinenghus episcopu6 Nicire ». A savoir : « Ce caveau, frère François Martinengo, évêque de Nice, l'a fait faire pour lui et pour ses successeurs ». Après son décès, la confrérie du Saint-Sacrement plaça dans cette chapelle une longue inscription en latin, dont Gioffredo, Scaliero et Bonifaci nous ont con¬ servé des copies. Ce dernier indique qu'elle fut « détruite, lorsque l'on transporta l'autel du (1) Sur le devant de leur autel nous avons signalé non pas 3 étoiles, mais 5. (2) Le père, originaire de la Haute-Brianza, de S. S. s'était fixé à Desio, à 18 kil. de Milan, vers 1850, comme directeur d'une filature. Son 4" et avant-dernier enfant est né en 57, le 31 mai, et fut baptisé, le lendemain, sous les prénoms d'Ambroise, Damien et Achille. 77 Saint-Sacrement là où il est maintenant ». Je me borne à en donner la traduction. « A Dieu très bon et très grand et à la Vierge, Mère de Dieu. En l'honneur du très illustre et révéren- dissime seigneur frère François Martinengo, Piémontais, natif de Cercenasco, évêque de Nice et comte de Drap, qui, après avoir été, sous la règle des Mineurs de l'Observance de saint Fran¬ çois, chargé de très nombreuses fonctions, celles de prédicateur, de lecteur général, de gardien, de définiteur et de provincial, puis appelé à être le théologien, l'un des conseillers et le confes¬ seur de S. A. Srae l'invincible duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier et ensuite à le représenter notamment en Belgique, en France, dans les Espagnes et à Rome, enfin présenté par lui poul¬ ie siège de Nice et nommé grand aumônier, construisit de fond en comble, soucieux de la beauté de son église, à ses frais personnels, cette chapelle pour la gloire de la Très Sainte Eucharistie et le repos de ses cendres et de celles de ses successeurs, les membres de la confrérie du Très Saint Corps du Christ ont, par piété et pour attester sa reconnaissance envers les grands et très grands services qu'il lui rendit, placé en 1620, au jour des ides d'octobre » (à savoir le 15) « cette inscription ». Palletis construit la chapelle neuve avec tant de précipitation que, en 1650, une nuit, la voûte s'effondre. Il faut recommencer. On avait dû empiéter quelque peu, pour satisfaire au plan de Guiberto, sur une chapelle contigiie à l'est, laquelle appartenait aussi à la confrérie du Saint-Sacrement et servait provisoirement, en attendant que le vœu relatif à la peste de 1631 fût exécuté par la municipalité, à contenir le reliquaire de sainte Rosalie envoyé par Palerme à Nice. La décoration de la nouvelle chapelle du Saint-Sacrement est faite par un Milanais, dont une inexactitude de Scaliero fit un Génois : Riva. Il la stuque en 1655 (1), ainsi que, vraisemblablement, le chœur. Il va de soi que certains emblèmes, que vous voyez dans la frise et qui se rapportent à l'hyperdulie envers la Sainte Vierge, ne datent pas du temps où cette chapelle servait à la latrie envers le Saint-Sacrement. Elle est devenue ensuite la chapelle votive et municipale Sainte-Rosalie, selon la dis¬ position prise par le conseil de ville en 1699, février. L'autel de la sainte, dans le transept nord, tombait de vétusté : colonnes, ornements, cadre du tableau, n'étaient plus que du bois vermoulu. Celui du Saint-Sacrement, dans le transept sud, était garni de colonnes, chapiteaux et cadres en matériaux revêtus de couleurs ; ainsi que de marches et d'une balustrade en marbre. La municipalité obtint d'en devenir propriétaire, moyennant 1.500 florins qu'elle donna à la con¬ frérie du Saint-Sacrement pour que celle-ci construisît un autel plus beau dans le transept nord. De cette modification datent les emblèmes de la frise : aigles de Nice et, comme la dévo¬ tion envers la Sainte Vierge était unie à la dévotion envers sainte Rosalie, allégories de Marie empruntées à ses litanies. Sur le mur est, l'Etoile du matin et l'Arche d'Alliance. Sur l'autre la Porte du ciel et le Miroir de justice (un disque pendu aux branches d'un arbre). Stella matutina, Fœderis arca, Janua cœli, Spéculum justitise. Sur l'autel, un grand tableau où vous voyez à votre gauche sainte Rosalie, couronnée de roses blanches, à votre droite saint Roch, au centre, dans une niche vitrée, une Vierge en bois. Certains prétendent qu'elle vient de l'ancien couvent de Saint-François ; qu'elle fut trouvée en 1801 ; que saint François d'Assise, « quand il vint à Nice en 1214 » — s'il y est venu — et sainte Colette, « lorsqu'elle se rendit auprès de l'antipape Benoît XIII, logé chez les Franciscains » (ou plutôt au château) ont prié devant cette image. Rien ne le prouve. (1) Dans le registre du trésorier municipal de 1656, on voit que « Gian Pietro Riva, stucatore », reçut de la commune 300 liv. après le 26 février, 100 après le 3 avril et 300 après le 1er mai. 78 Sur les murs latéraux, deux tableaux insignifiants. A l'ouest, la Nativité de Marie. A l'est, son mariage avec saint Joseph. Les fenestrelles grillagées de bois qui sont aux pieds de ces deux toiles peuvent (simple hypothèse) remonter au temps où la chapelle était celle du Saint-Sacrement. Elles auraient ainsi permis aux habitants du palais épiscopal, quand la sa¬ cristie n'était pas à l'emplacement moderne, de prier, sans descendre dans l'église, devant la Sainte Réserve eucharistique. Regardez l'intérieur de la balustrade en marbre : vous y voyez les restes d'une inscrip¬ tion qui indique que la chapelle fut celle du Saint-Sacrement. Les deux inscriptions latines sur marbre sont les deux tiers du texte qui rappela le vœu du XVH* siècle : l'une des plaques a dû être cassée ou égarée 0). Sur la porte de l'ouest, qui sert encore, le Votum nuncuparunt. Sur celle de l'est, qui est condamnée, le Votum solverunt. Dans le grand cartouche que deux anges tiennent près de la naissance de la voûte, une inscription latine semble indiquer que la cha¬ pelle, ou du moins l'autel, fut restaurée en 1826 (2). L'évêque Colonna d'Istria demande, en 1829, juin, à la municipalité, qui s'empressa d'écrire à des marchands de Gênes et de Turin, une Vierge de bois pour la procession du 8 septembre. L'affaire en reste là. En 40, décembre, son successeur Galvano redemande cette statue qui coûterait, d'après lui, 1.500 lire. Il signale qu'il a trouvé dans les papiers du défunt la preuve que la ville avait été prête à en verser les 4/5. Il insiste sur ce que la cathédrale doit emprunter une statue, pour ces processions, aux Visitandines. La municipalité en commande une, en 41, septembre, à Gaétan Croce, sculpteur à Turin. Elle arrive en août suivant, avec un certificat par lequel la Royale Académie Albertine des Beaux-Arts de la capitale atteste, saus la signature du peintre niçois Biscarra, que le travail est bon et que la Madone et les « varii puttini portanti emblemi e asseggiati in adorazione (sic) » valent les 1.500 lire convenues. f) Chapelle vide, au sud du chœur. —Au-dessus du confessionnal du chanoine curé, un tableau représente les obsèques de Jésus. Sur le mur ouest, le buste de Mgr Chapon, sculpté par Fabio Stecchi, a été placé en 1927 et inauguré dans une cérémonie où, le lendemain de Noël, M. l'abbé Renaud, aumônier du collège Stanislas de Paris, nommé le matin chanoine hono¬ raire de Nice, prononça l'éloge du grand évêque. Il est loisible de souhaiter que les circonstances permettent de transférer sur le mur est, en face de l'image du dernier évêque concordataire, le monument, que l'on ne peut plus voir, du premier, Colonna d'Istria. g) Fond de la nef latérale sud. — Un autel moderne, élevé au Sacré-Cœur, évoque 1778 où le chanoine sacriste Barralis, vicaire capitulaire, et le chapitre, sachant que Rome avait approuvé ce culte en 65, obtinrent de Pie VII un bref qui leur accorda l'office propre à cette latrie. Deux socles portent des écussons fuselés d'or et de gueules : probablement un blason de Grimaldi (3) où une retouche substitua maladroitement, pour faire riche, l'or à l'argent. C'est sous cette chapelle que Mgr Chapon et Mgr Ricard demandèrent à être inhumés. (1) La brochure de l'abbé Albin indique que cette plaque, qui contient le début de l'inscription gravée en 1656, avait déjà disparu en 1900. (2) Le tableau de l'autel semble être celui que la confrérie de la Miséricorde fut autorisée par la ville, pro¬ priétaire de la chapelle que celle-là avait reçue d'elle en 1658 le droit d'administrer, en 1674, mars, à substituer à la toile qui remontait à 1837. (3) Les Grimaldi de Nice s'éteignirent en 1833. Le dernier avait le titre de comte d'Aspremont. 79 Au-dessus de la porte qui conduit à la sacristie, une inscription (en français) rappelle que la cathédrale a été réparée par l'Etat à la fin du siècle dernier. Au-dessus du passage qui mène au chœur, un tableau dont je confesse ne pas savoir d'où il vient ni ce qu'il commémore. La Présentation de la Sainte Vierge au temple. La scène est banale et ne mérite pas qu'on s'y arrête. Mais le reste de la peinture offre des difficultés. Au premier plan, à la gauche du spectateur, une sainte coiffée d'un ruban de perles. Elle tient dans la main droite une palme : donc c'est une martyre. Dans la main gauche, elle a l'arrière d'un navire à la poupe duquel pend un grand drapeau savoisien, de gueules à la croix d'argent ; ce bateau a deux mâts, au haut desquels flottent deux petits drapeaux sembla¬ bles ; les deux vergues de chaque mât sont posées obliquement. Aux pieds de la sainte, une grande ancre à 3 pattes, sur la tige de laquelle s'enroule un câble. Dans le bas du tableau, à la droite du spectateur, un écusson dont le fond est d'une couleur incertaine : barre d'azur, sur laquelle est posée une colombe d'argent à senestre. L'écu est surmonté d'un casque taré de 3/4 ou 2/3 à droite, avec de grandes plumes blanches. Ar¬ moiries non identifiées jusqu'ici. Les Blanchi d'Aiglun portaient d'azur à la bande d'or, sou¬ tenant une colombe d'argent. Mais s'ils crurent devenir seigneurs d'Aiglun en 1754, la Chambre des Comptes n'y consentit pas. C'est en vain que dans l'Armoriai du comté de Nice, derniè- l'ement publié par M. le colonel Jules de Orestis di Castelnuovo, l'on cherchera une famille dont le blason ait eu une barre d'azur avec une colombe d'argent. Nous signalons ce problème héraldique à qui pourra le résoudre. so 4**7Y (5L : .-'"-T7! F:';\'e ' ■ - .:^v OUa CiA—» /^aftvi/ù' X 4 ' <-. -^ fea ïw . - ^Ac \ Jhor'<À/^ Ata/'^^q^ JU.hr* 'J 'deS'Htfiï•J/i'uyJo ©l7 ^fi' Ha- h /■_/&,' CffrHzjyHC-» f Oy^' V , >i^f. (ûû-% " i-f>*^$tr :+-* "" _J gâ; rf^UjîZy, ^ J j iïtâtëmU'tflfaivrS —; ,—~_ I i J Acte du Baptême 0758, 8 Mai) d'André MASSÉNA (Archives do la paroisse Salnto-RéparateD ' -»J mJÊt :->V" v® ■■■- ' ■ H . i IS1 liliiiÊè II! IKIJ "mm 1 W»:/ JSflMfH li 'MB® if mm ■bisi ËÊÊmm liSi iflWw •r«s WËËM ■ / ' ; «te m&ÊË /f . . . y* ' ■ v •' : " .1 . -> amiÉÉr^w amM ■éffîûÀ Wm iiiifll - m m - 'f 1 ■ • v . ■ -'-'I1': lifllÉ . ■•i? -. < .{ , -Il I»®te -H sailli 'f.V'' (An IÉS i é-' ■.' a I I IsM sSI M 'i , II I SiH '•i 1 WMrP Msfomw :I MMBW6 fiïfli» iïïï'v': I M ■■■■■■g iMRîftïiaiystw'wa iïiâiiiMil®! fe'iSÉiÉi 3®M '.-•1 £gp:> Iflp'II ilitilpPlPP JLM mommam . ifl|M m :/:'Q']H:M ï ■r^m Chaire épiscopale aux armes de l'évêque Henri PROVANA DE LEYNI CMusée Masséna} XIV - Vil SIlKfS ; Mâ - 5®?- :■ - .-••• •' - fctÉISiis safii en 1671, Châsse faite en 1751, à Nice, par l'orfèvre Henrat Çd'Aix-La-ChapelleD, pour la mitre, dite de saint Basse, envoyée par la ville de Marano Çaujourd'hul Cupra Marittima^ à l'évêque de Nice Henri Provana de Leyni, Statuettes d'argent données par Marie-Louise DE BOURBON-PARME, ci-devant régente d'Etrurie, au chanoine DONEUDI, curé de la cathédrale CMusée Masséna} XVI CHAPITRE VIH Le Sn§=e@#é nord Partons de l'entrée latérale. a) Chapelle de la Vierge aux Sept Douleurs. — Non mentionnée dans le rapport que l'évêque Henri Provana de Leyni envoya au Saint-Siège en 1698, c'est, semble-t-il, la dernière chapelle qui ait été aménagée. Un prieur de Roquebillière, François Amoretti, mourut en 1741 après avoir rédigé un testament où vous lisez : « Je choisis comme héritière la chapellenie que j'érige dans la cathédrale, à l'autel soit de Notre-Dame-de-Compassion (di Pietà) soit, s'il a été détruit, du Saint-Sacrement ; je désire qu'elle soit administrée par les prieurs de la confrérie de la Miséricorde » (qui d'ailleurs n'acceptèrent pas). S'il n'y avait qu'un autel en 40, la chapelle était installée, semble-t-il, en 50, où une délibération du chapitre montre qu'il permit, en une période de sécheresse, à la confrérie « du Gonfalon ou des Pénitents » (blancs) d'entrer pro- cessionnellement, avec la confrérie analogue de Villefranche et les Dominicains, et d'intro¬ duire dans la cathédrale « le corps de saint Alexandre dans son reliquaire (urna), que les con¬ frères promenaient pour obtenir de la pluie ». Le procès-verbal constate que le défilé commença « par la nef (navata) de la Madone de Compassion (di Pietà), passa devant le maître autel et suivit, pour ressortir, « la nef (navata) de la Madone de la Miséricorde », celle du sud où l'on a vu que la confrérie de la Miséricorde (Pénitents noirs) possédait un local. La dévotion à l'Addolorata est fêtée par l'Eglise le vendredi qui précède le dimanche des Rameaux. Dans la messe, la célèbre séquence du Stabat, attribuée par les uns à saint Bona- venture, par d'autres à Innocent III, par la plupart à Jacopone de Todi qui l'aurait composée après le décès, survenu dans un bal, de sa femme. Cette dévotion a été propagée par l'ordre, fondé en 1223, des Servîtes, dont le plus célèbre fut saint Philippe Beniti, mort en 1285, canonisé en 1671. D'autre part, sainte Hyacinthe Mariscotti, tertiaire franciscaine, fonda¬ trice des Oblats de Marie, décédée en 1640, avait été béatifiée par Benoît XIII qui régna de 1724 à 30 (elle ne fut canonisée que par Pie VII). Enfin les sept marchands florentins qui fondèrent les Servîtes sont vénérés par l'Eglise le 11 février. Si ce que l'abbé Albin a écrit est exact, les toiles , affreusement poussées au noir, des murs latéraux de cette chapelle repré¬ sentaient, l'une, lesdits fondateurs de cet ordre, l'autre, saint Philippe Beniti et la bienheu¬ reuse (comme on disait au milieu du XVIir siècle) Hyacinthe Mariscotti. A noter que les Servîtes n'ont pas eu de couvent à Nice (1). Sur l'autel, une statue représente Notre-Dame des Sept Douleurs. (1) Les tableaux ne se volent plus. Ils sont recouverts de toiles où pendent ces cœurs votifs de divers métaux que la reconnaissance de divers fidèles offre à la Mère de Dieu. 81 Si elle est ancienne et quelques retouches qu'elle ait pu subir, on est tenté d'y voir un travail espagnol, surtout lorsqu'on sait qu'un commerçant natif de Séville (1), fixé à Nice où Ferdinand VI, arrière-petit-fils de Louis XIV, le nomma consul général d'Espagne en 1749 (son frère Charles III l'anoblit en 85), a été prieur de la confrérie de l'Addolorata. Fit-il venir de son pays natal cette Madone pour l'offrir à cette chapelle ? Simple hypothèse que l'on ne vous suggère que pour ce qu'elle vaut. En 1823, mars, lors de la fête de l'Addolorata, il survient je ne sais quels désordres à propos desquels le chanoine pénitencier Sauvaigo s'écria : « Figlietoi, sortès de la gleio ». Et l'abbé Bonifaci de juger bon de qualifier de « scandaleux fanatisme » le désir que le cha¬ noine avait de voir régner une meilleure tenue. b) Chapelle du Christ en croix. — En 1679, mars, l'évêque Provana la vend, telle qu'il l'avait construite, à Antoine Masino, dont le père, alors décédé, avait eu la fonction de che¬ valier du Sénat de Nice (autrement dit, commissaire du gouvernement) et qui fut premier consul de notre ville en 1690-91, donc lors du siège du château par Catinat. Masino s'engage à terminer la chapelle « conformément au plan de Guiberto » et à la pourvoir des parements et ornements nécessaires. Il en reçut, et sa famille, le juspatronat. Les Masini étaient coseigneurs de Châteauneuf depuis 1587. Sur l'autel, un grand crucifix en bosse est appliqué sur une toile où sont peints saint Jean l'Evangéliste, la Sainte Vierge et sainte Marie-Madeleine. La chapelle était finie avant 1697. Des tableaux latéraux i'ignore s'ils viennent, ce que l'abbé Albin assura sans donner la preuve, des anciens cou¬ vents des Franciscains, Sainte-Croix (l'un, à l'ouest, devenu très sombre, montre la Vierge qui présente l'Enfant Jésus à saint Antoine de Padoue), et des Prêcheurs, Saint-Dominique (l'au¬ tre toile, à l'est, porte les figures des saints Jérôme et Dominique). Les Masini eurent leur ca¬ veau dans la chapelle. Jacques, mort à 72 ans en 1738, y est enterré. c) Chapelle Sainte-Rose-de-Lima. — L'emplacement servit à sortir de la cathédrale et à y entrer, de 1650 au moment où la démolition de la maison Doia permit d'établir la façade définitive sur la rue dite alors des Marchands. Entre 1677, avril, et 79, mars, l'évêque Provana le vendit aux frères Pierre-Ignace et Laurent Dettat-Doria, propriétaires de terres impor¬ tantes au quartier de Bellet. Ils étaient nés au Pérou, à Lima, d'un Niçois, Jean-Louis, né en 1597, et d'une parente ou amie ou filleule de la célèbre Rose de Flores, qui, tertiaire dominicaine, est morte en 1617 et fut canonisée en 1671. Jean-Louis, revenu à Nice en 1645, y était mort en 70, sur la paroisse cathédrale ; sa veuve décéda en 72 ; tous deux furent ensevelis au Gesù. Leurs fils introduisent alors à Nice la dévotion envers sainte Rose de Lima, qui eut sa chapelle, d'autre part, cela va de soi, dans l'église des Dominicains. Celle qu'ils construisirent dans la cathédrale, se place entre 1685, où le rapport de l'évêque au Saint- Siège ne la mentionne pas, et 96. Or, en 79, mars, l'acte cité à propos de la chapelle du Crucifix dit que celle-ci confrontera « de l'ouest la chapelle Sainte-Rose assigné aux frères Dettat-Doria ». Assignée, mais non encore construite. Sur ces entrefaites, en 1680, comme l'indique une inscription peinte au revers des deux toiles latérales, ils font exécuter ces deux tableaux : l'un représente l'apparition de sainte Rose de Lima à une enfant malade (proba¬ blement Anne-Rose, fille de Laurent, laquelle épousera en 1701 Pierre Roissard, natif de Chambéry, secrétaire des commandements du duc de Savoie Victor-Amédée II), l'autre, une conversation de la sainte avec Marie. La chapelle était finie en 1696, où Laurent demande, (1) Antoine Saint-Pierre. 82 en juin, à reposer « dans ma chapelle de sainte Rose, vierge péruvienne, dans la cathédrale ». Le rapport de l'évêque au Saint-Siège, daté de 1698, la mentionne. Anne-Rose, dont l'un des deux frères entra dans le clergé séculier, l'autre, dans l'ordre des Augustins, hérite en 1712 du premier, devenu, par la renonciation de son aîné, quand celui-ci prit le froc, le chef de la famille. En 1711, le caveau de l'évêque Provana, mort en 6, s'effondre et les pierres brisent une partie de la bière. On en refait une que l'on dépose provisoirement, avec la permission de Pierre Roissard, dans sa chapelle en attendant qu'un nouveau tombeau fût construit plus solidement, devant le maître autel, pour les restes du prélat. D'autre part, furent inhumés dans cette chapelle la veuve, morte en 1705, de Laurent ; un de leurs fils, Jean-Dominique, prêtrje, décédé en 12 (il avait chargé Anne-Rose d'y placer, pour la célébration de la messe, une pierre sacrée et une nappe d'autel) ; Anne-Rose, morte en 35 ; son mari, décédé en 43 ; leur bru Victoire Raynaldi, décédée en 82,. femme du premier baron de Bellet (1). Au profit de celui-ci, prénommé Pierre comme son père, son cousin germain Barli-Fabri avait, en 68 et 72, renoncé « à la portion à laquelle j'aurais pu, comme mari d'une sœur d'Anne-Rose, prétendre, de la chapelle Sainte-Rose-de-Lima, et à tout droit de sépulture dans la tombe héréditaire des Dettat-Doria ». La chapelle devient ainsi exclusivement celle des Roissard de Bellet. Mais, en 86, le baron (représenté par son fils Pie, qui était son procureur depuis une quinzaine d'années) vend, pour 5 louis de France, « la chapelle ou autel Sainte-Rose, tous les objets servant à l'autel, tout ce qui est dans la chapelle, à l'exception du tableau représen¬ tant sainte Rose, à la confrérie de saint Eloi, que j'autorise à placer un tableau représentant saint Eloi ou tout autre à leur choix ». Elle comprenait dix corps de métiers : serruriers, forgerons, armuriers, tôliers, ferblantiers, bâtiers, couteliers, selliers (on y distinguait les brillieri et les sellari), chaudronniers, rétameurs. Elle avait son siège, jusque-là, à l'hôpital auquel on donnait comme patron tantôt saint Eloi tantôt saint Roch, et y possédait un autel. Elle transporte à Sainte-Réparate son tableau corporatif où vous voyez, au centre, saint Eloi, en costume d'évêque de Noyon, et de chaque côté les saints Jean-Baptiste et André. Vous y distinguez la signature d'un Baldoino (le prénom manque) qui le peignit et les chiffres 16 qui sont les restes du millésime. Les deux tableaux que les frères Dettat-Doria avaient fait poser en 1680 sur les murs latéraux, sont laissés en place par les artisans qui sont devenus propriétaires de la chapelle. Ce qu'est devenu le principal, celui de l'autel, dont le baron Pierre s'était réservé la propriété, on l'ignore. C'est la confrérie qui aura fait placer, sur les rampants de l'ornement aménagé au dessus des colonnes qui entouraient son tableau, deux anges qui tiennent encore, l'un la mitre de l'évêque de Noyon, l'autre sa crosse. Surviennent les événements de 1792 et l'entrée des Français : adieu les corporations. Puis ceux de 1814 : elles ont l'air de ne pas revivre et le baron de Bellet ne semble guère s'être soucié alors de sainte Rose de Lima. Après avoir été évincée par saint Eloi, elle l'est par sainte Philomène. Vous savez ce que la science pense de la prétendue martyre, dont le roman a été raconté par dom Henri Leclercq dans le fascicule LI, publié en 1922, du Dictionnaire d'archéologie chrétienne dont il est, avec dom Fernand Cabrol, le directeur. Une inscription funéraire en 3 morceaux, trouvée en 1802 dans le cimetière de Priscille, sur la via Salaria ; des ossements dont il fut ultérieurement prouvé que ce n'est ni le corps de la personne men¬ tionnée sur l'épitaphe ni celui d'une martyre, mais les restes d'une chrétienne du IVe siècle (1) La bavonnie de Bellet datait de 1777. 83 qu'on avait recouverts avec des tuiles retirées d'une tombe quelconque et intentionnellement mises au petit bonheur. Le chanoine di Lucia, qui emporta l'inscription et les os en 1805 à Mugnano (diocèse de Noie en Campanie), avait beaucoup d'imagination. Il inventa qu'il existait une vie de sainte Philomène ; qu'elle avait vécu sous Dioclétien et était fille « d'un roi de la Grèce ». Pas moins que cela ! s'écrie dom Leclercq. Une religieuse napolitaine eut alors « des révélations ». Le chanoine imagina aussitôt un martyre. Il fit grand bruit du pré¬ tendu « vase de sang » (une banale ampoule), et de ce qu'on voit sur les trois tuiles : deux ancres (un symbole banal de l'espérance chrétienne), une palme (qui indique simplement qu'on souhaite que la défunte ait reçu la récompense céleste), un prétendu lis (qui n'est qu'une de ces feuilles de lierre par lesquelles on ponctuait et divisait les lettres), trois flèches (qui marquent simplement des mots coupés). Di Lucia imagina alors une vierge martyre, percée de flèches et jetée à l'eau. « Pareille ingéniosité tient à la divination », ajoute le savant bénédictin ; « mais toute une littérature a fleuri autour de cette historiette qui n'était même pas une légende, ce qu'on y trouve dépasse la commune mesure des écrits de cette catégorie », et le saint curé d'Ars eut une grande dévotion pour la prétendue martyre, dont Pie IX auto¬ risa un office particulier en 1854, Grégoire XVI l'ayant en 1837, sans se prononcer d'ailleurs sur les « révélations » de sœur Louise, autorisé dans le diocèse de Noie et tous ceux qui vou¬ draient l'adopter. Les travaux du commandeur Horace Marucchi, l'un des conservateurs du musée du Vatican, ont ruiné tout le fatras du chanoine et de la religieuse. Mais la dévotion vint fleurir à Nice. Une confrérie de sainte Philomène s'établit dans la cathédrale en 1856. Son registre est tenu jusqu'en 1900, août. Vous y voyez qu'elle paya 10 fr. pour chacun des deux panégyriques de la sainte qui furent prononcés, lors de sa fête, en 61 en français et en 62 en italien. Et qu'en 63 elle commanda à un Mortola une statue de la sainte en papier mâché (carta pesta) et la paya 150 fr. « Elle est merveilleuse (riesce a meraviglia) et fut bénite, l'avant-veille de la fête, par le vicaire général Sclaverani », dit le registre. Vous la voyez sur l'autel. Libre à vous de la considérer comme un chef-d'œuvre. Encore un détail à relever dans le registre. Si le baron de Bellet ne semble pas s'être intéressé alors à ce qui avait été la chapelle de ses ancêtres, « la société de saint Eloi » ne s'en désintéressait pas. « En 1866, accord entre elle et « l'association de sainte Philomène ». On place « un vitrau » (sic) de 100 fr., « il porte les emblèmes du saint et de la sainte ; c'est à la société de saint Eloi que l'autel appartient de plein droit ; l'association enlèvera les emblèmes de sa protectrice dès que la société propriétaire le demandera, à condition que celle-ci rembourse 50 francs versés à l'association par l'abbé Libonis ». Ainsi, 80 ans après la vente du baron de Bellet, la « confré¬ rie » vivait sous le nom de « société » et faisait acte de propriétaire. Il est donc présumable que c'est « l'association » qui barbouilla la voûte de la chapelle Sainte-Rose-de-Lima au moyen de peinturlurages qui auraient fait le bonheur du chanoine et de la religieuse, si ces deux fantai¬ sistes créateurs de la prétendue sainte Philomène les avaient vus. La tertiaire dominicaine du XVIP siècle, personnage historique, avait été représentée tenant une ancre sur les dents de laquelle repose la ville de Lima. Il n'était pas difficile de lui substituer, au XIXe la pré¬ tendue sainte Philomène « fille d'un roi grec » avec l'une des ancres de sa prétenude immer¬ sion dans la mer, non sans y adjoindre l'une des flèches de sa prétendue mise à mort. d) Chapelle Saint-Barthélemy. — Une chapelle Saint-Barthélemy avait été cons¬ truite, à la fin du XVe siècle, à l'extérieur de la cathédrale et contre le mur sud de celle-ci, par l'évêque Barthélémy Chuet. Une phrase obscure du compilateur niçois Scaliero laisserait croire que, dans la cathédrale Sainte-Réparate, en 1642, il y avait une chapelle Saint-Barthé¬ lemy. Nous n'en avons pas la preuve. Mais l'évêque Falletis construit une chapelle à côté du transept nord dès 1650. Cette année-là, le 1er juin, un riche marchand niçois qui s'occupait 84 notamment du commerce de la cochenille, matière tinctoriale alors très appréciée, et avait des terres à Bellet, Barthélémy Rosso, surnommé Coarriero P), élit sépulture dans l'église Saint-Dominique et y fonde une chapellenie de Saint-Barthélemy. Il meurt. Ses frères se partagent ses biens en 1651, mai, et veulent organiser la chapellenie dans l'église des Domi¬ nicains. Opposition, en juin, de l'évêque qui veut qu'elle soit établie dans la cathédrale et passe outre à la volonté du défunt. Les Rossi demandent au prélat de leur remettre la chapelle qu'il n'avait pas terminée ; ils lui offrent 350 crosoni et la cession d'une créance de 200 ; ils stipulent qu'il terminera la chapelle, la stuquera et fournira « le grand tableau (l'an- cona) ». En 1652, avril, dans la sacristie des Dominicains, qui protestent contre ce que l'évêque leur impose, l'acte est signé par lui et les Rossi. Vous remarquez le tableau de l'autel : il repré¬ sente le martyre de saint Barthélémy et semble être une des peintures les plus intéressantes de cette église. C'est selon toute vraisemblance, le tableau que Palletis avait promis de four¬ nir. Certains l'ont gratuitement attribué à je ne sais lequel des Vanloo. Sur le mur ouest, une Sainte Famille. Sur l'autre, une image de saint Louis de Gonzague qui, béatifié en 1621, ne fut canonisé qu'en 1726 ; or, un des frères de Barthélémy Rosso était prénommé Louis (2). Sous l'autel, les reliques d'un saint Alexandre qui ont appartenu à l'église des Domi¬ nicains. Obtenues en 1709 par un religieux de cet ordre, reconnues en 18 par le vicaire capi- tulaire, elles y avaient été déposées en 32 dans la chapelle Saint-Pancrace. Elles acquirent une notoriété particulière. Si l'on dit dans le nord de la France, à propos d'un évêque de Noyon et Tournai du VP siècle, a invité les Niçois à rentrer et le décret des Colons marseillais des 16 et 17 janvier dernier le leur a commandé sous peine d'être regardés et traités comme ennemis de la Patrie. N'était-ce pas suffisant pour qu'il se décidât à retourner avec sécurité au milieu d'un peuple qui, dans un temps, a paru le désirer ? Les mandataires du peuple français et du niçois le rappelaient. Leur voix devait-elle faire sur lui moins d'im¬ pression que celle du vizir qui l'avait expulsé ? Il n'est pas rentré dans les deux mois accor¬ dés ; il n'a pas fait conster (sic) des causes qui fussent légitimes, de son retard. Donc, il est émigré, banni de la République à perpétuité, traître à la Patrie, passible de la peine capitale, mort civilement, déchu de ses fonctions. Les évêques conservés dans leurs sièges doivent, d'après la loi française de 90, 26 décembre, prêter le serment civique dans les deux mois, s'ils sont à l'étranger. Que le délai parte du jour de l'émission du vœu pour l'adoption des lois françaises ou bien de celui de la promulgation du décret de réunion, il est expiré (5). Un mem¬ bre (6) est de cet avis, conclut que Valperga est «démissionnaire» et ajoute que ce fut «un despote arbitraire ». Les quatre autres membres sont d'avis qu'il n'a pas émigré. Trois insistent sur ce qu'il a été contraint de partir. Anglès : « Anselme abusa de l'autorité, imposa au pas¬ teur intègre, réellement dévoué à son troupeau et à son poste, l'intimida » (?). Barli-Fabri, d'une famille qui avait eu le titre de coseigneurs de Castellar (8) : « Les Colons marseillais n'avaient pas qualité pour prononcer une loi relative aux émigrés. L'évêque ne pouvait pas y être compris ; car c'est par des menaces qu'on l'avait fait partir. Il était nécessaire, pour détruire l'impression qu'elles firent sur lui, de le rappeler officiellement ». Et Paumé : « Il vou¬ lait rester à son poste. Danselme, qui avait la force, l'a obligé à partir ». Castellinard (9) ne se prononce que plus brièvement. (1) Erreur : Il n'y avait que le second. (2) Chez le consul de France. (3) Erreur : le matin du lendemain. (4) Collot d'Herbois, La Source et Goupilleau, qui furent ici en décembre 92. (5) Tourre fut élu, le 29 avril, président au tribunal civil. (6) Villiers, un médecin, que le régime montagnard mettra en 94 dans la commission municipale de Nice en mars et (cette fois comme agent national) en novembre. Mais en 93, avril, Dabray, nommé en ce mois conventionnel par notre département), le qualifie d'incivique. (7) Anglès ut élu, le 29, juge au tribunal civil. Mais en 96 le premier commissaire central de l'Exécutif près notre département, Gastaud, l'accusera d'avoir été un de ceux qui favorisèrent la rentrée des ennemis de la Ré¬ publique. (8) La Société populaire réclamera son arrestation en septembre, et il n'aura que le temps de se scuver. (9) Il sera en mai l'un des municipaux désignés pour porter le dais, revêtus de leur écharpe, à la procession de la Fête-Dieu. Gastaud l'accusera en 96 d'avoir correspondu avec les émigrés, envoyé de l'argent à Rome et désire le rétablissement du régime sarde. 124 Voilà Grégoire et Jagot renseignés. Le 21, d'après Bonifaci, le premier veut « rassurer les Niçois sur la constitution civile du clergé avec une instruction pleine de sophismes » ; quel¬ ques curés « de la montagne » y répondent en décidant « d'abandonner leur paroisse ». Le 9 mai, dit-il, (c'est le jour de l'Ascension et celui où les deux conventionnels avaient quitté Nice pour n'y plus revenir), le clergé est bouleversé à l'idée que les insermentés seront envoyés en Guyane, selon l'ordre donné, les 21 et 23 précédents, par la Convention (!). Donc, le 10, il prête le ser¬ ment de Liberté-Egalité, qui n'avait rien de schismatique (2). La plupart des vêtements et ornements cultuels avaient été réquisitionnés par l'autorité civile. Le 11, Garidelli demande au département ce qu'il lui faut pour la fête, qui tombait le 19, de la Pentecôte ; le 15, le district est d'avis qu'on peut le lui remettre. Le 21, le vicaire général en demande (donc davantage ou d'une autre couleur) pour la Fête-Dieu, qui aura lieu le jeudi 30. Dès le même jour, le district appuie son désir. « La catrédale (sic) d'un chef-lieu de département, siège de l'évêque, doit être ornée et garnie de tous objets et ornements, en particulier pour les fêtes solennelles. Une tapis¬ serie de Damas (3) est de toute nécessité à la catrédale (sic) pour la prochaine fête de Dieu (sic) ainsi que les chasseubles (sic), aubes, surplis. Dans le dépôt consigné par la ci-devant admi¬ nistration provisoire du directoire du département, il y a tout ce qui vient des maisons reli¬ gieuses supprimées. Si le département vend cela, la Nation, qui est, d'ailleurs, obligée d'entre¬ tenir le culte catholique, n'en retirera presque rien ». Le 25, une tentative qui échoua. La Société populaire de Monaco et, sur son invitation, celle de Menton, avaient demandé de concert la nomination d'un évêque constitutionnel des Alpes-Maritimes et stipulé que son diocèse (4) embrasserait, comme le département le faisait, le territoire de l'ancienne Principauté. Le dis¬ trict de Menton, ville naguère monégasque, approuve le vœu et le transmet aux autorités départementales, qui refusèrent de l'appuyer. Il n'en sera plus question. Le 30, la procession du Corpus Domini sort de Sainte-Réparate et se déroule dans les rues. L'avant-veille, Garidelli, appuyé par le district de Nice, avait redemandé au département des chasubles et autres effets. La pompe eucharistique a un caractère spécial. L'administration municipale avait, le 27, décidé d'y assister « selon l'ancienne et louable coutume », fourni 3 rubs, 7 livres et 6 onces de cire blanche et désigné six de ses membres pour y porter le dais. En tête du cortège, 8 tambours et, jouant le Ça ira, 8 fifres. Puis, 30 jeunes gens vêtus de blanc, le ruban tricolore en ban¬ doulière, tenant des torches, et 40 adolescents, habillés de même, ayant en main des bâtons enrubannés, que surmonte soit un bonnet rouge soit un bouquet de fleurs. Garidelli porte l'ostensoir sous le dais, que tiennent les six municipaux, ceints de l'écharpe aux couleurs fran¬ çaises. Suivent le maire et les autorités civiles, militaires (le général de division Brunet, qui sera guillotiné à Paris le 14 novembre prochain, remplace Biron, qui a été envoyé en Vendée) et judiciaires. Les troupes maintiennent l'ordre. Salves d'artillerie. Les gens font alterner les versets du Fange lingua, que les prêtres chantent, et les couplets du Ça ira, que jouent les fifres. De loin en loin, des voix acclament « la Nation française, la Liberté, l'Egalité ». ( 1 ) C'est seulement sous le Directoire, en 98, avril qu'eut lieu le départ d'un premier convoi d'ecclésiastiques pour la Guyane; en août, le second. En attendant, il y eut les affreux internements à Rochefort, Bordeaux, Nantes, Saint-Nazaire, Brest, aux îles d'Aix et Citoyenne (ci-devant Madame), à Port-des-Barques, Saintes, Blaye et Brouage. (2) En mai 93, le cardinal Zelada, ministre de Pie VI, déclare à Emery : , qui en avait exigé les clefs et celles de Saint-Jean-Baptiste. Le 9 octobre, deux conventionnels en mission, Ritter et Turreau (divorcé d'avec une veuve Davout, dont l'un des fils deviendra maréchal de France, duc d'Auer- staedt et prince d'Eckmiihl) font arrêter Massa, « un ambitieux et un hypocrite, comme disait le comité local de surveillance. « Il a, la veille », écrivent les deux représentants du peuple, « fait solenniser la prétendue fête de Réparate, soi-disant (sic) sainte et patronne de Nice, dans les églises (sic) de la commune et détourné du travail ». — le 8 octobre était un septidi — « des gens de la ville et de la campagne. Cela retarde les progrès de l'esprit public et cause des troubles. Ce moine fanatise le peuple. » Ils ordonnent que Massa soit déporté à Montpellier et « retenu jusqu'à la paix, avec les égards cependant dus à l'humanité ». Le registre de l'état-civil montré d'ailleurs que, en ce même 9 octobre, à Nice, un cor¬ donnier, un maçon et un citoyen sans profession donnèrent à des enfants qui venaient de leur naître le prénom de Réparate. Le 16, la municipalité ordonne la destruction de « toutes les (1) Des emblèmes féodaux ; couronnes de quelques comtes et barons, je pense, de la noblesse nissarde. (2) On a vu que le Saint-Siège permettait de le prêter, s'il était « purement civique ». (3) Peut-être aussi dans quelques églises de la banlieue. (4) Ritter et Turreau venaient, le 23, de le nommer. La place était en état de siège depuis 93. Vachot avait ainsi des pouvoirs étendus dont on va constater l'usage qu'il faisait. 132 inscriptions théologiques existant sur le frontispice ou à l'intérieur des églises » et notamment « celle existant sur un bâtiment national de la place Réparate »; donc sur la cathédrale. Le 18, selon Bonifaci, tout signe extérieur du culte avait disparu; entre autres croix, dès le 9 sep¬ tembre, un certain Colle avait, pour 160 fr., « démoli » la croix commémorative du congrès de Nice de 1538 et celle de « Saint-François » que l'on replacera sur la place de l'église de Cimlez au siècle suivant. Il semble que, le 27, la municipalité ait songé à démolir le clocher. Mais il existe deux procès-verbaux, légèrement différents, de la séance où la Société populaire. Ils sont dépourvus de clarté. Le 26, « sous une pluie torrentielle », 44 prêtres sont conduits à l'église conventuelle Saint-Jean-Baptiste et incarcérés. De même, des religieuses (dont une octogénaire) que l'on a le tact d'enfermer avec des femmes de mauvaise vie. « Par hypocrisie », écrit Bonifaci qui vécut ces heures sombres, le rabbin fut de la rafle. Aussitôt les voici conduits devant Vachot, qui préside une sorte de conseil de guerre où il y a 3 israélites. Faissola a raconté la scène. Le géné¬ ral a « le front renfrogné ». Il fait pleuvoir les épithètes de « fanatiques, grimaciers, hypocri¬ tes ». Bonifaci parle spécialement de « violences » exercées envers l'ancien jésuite « Derossi, qui était riche ». Probablement Jérôme Rossi qui sera choisi, par Garidelli mourant, comme provicaire général p). Au surplus, le 28, Vachot change de ton et demande à la municipalité que 4 de ses membres aillent, avec lui, selon un arrêté des conventionnels en mission, remettre en liberté « les prêtres et religieuses sexagénaires arrêtés dans la nuit » des 25-26. Mais, ajoute Bonifaci, ils furent « obligés dès lors, pour paraître en public, de se travestir », autrement dit, nous le supposons, de porter le bonnet rouge. Le culte était, à la fin d'octobre, comme on lit dans deux registres de la cathédrale, « interdit... totalement (penitus) prohibé ». Il n'y avait plus qu'à le célébrer clandestinement en privé, aux risques et périls de l'officiant. Si, ledit 31, des canonniers profanent la paroissiale Saint-Martin « de mille maniè¬ res », comme il dit, et souillent notamment une Madone, on n'a rien relaté de tel en ce qui concerne la cathédrale. Le 2 novembre, la Société populaire constate que, si le culte est interdit en ville, les gens vont à la messe dans plusieurs quartiers de la campagne (2) ; qu'on a, dans les prisons, propo¬ sé le rétablissement du catholicisme; que les catholiques chôment le ci-devant dimanche et les israélites le ci-devant samedi; que des « membres du comité central » s'étaient rendus à la messe à Sainte-Réparate (donc avant le 14 juillet). Quiconque entrera dans les églises, synagogues et autres lieux de culte, « ce qui n'est ni patriotique ni au niveau de la Révolution », sera, même s'il va, le décadi, « au temple de la Raison » rayé du club. Le 8, d'après Bonifaci, on recommence à chansonner « l'inutilité des prêtres, tandis que les représentants réclamaient les argenteries des églises ». Le 15, la salle de la Société populaire, la ci-devant église « du Gesù » (comme on dit improprement) est destinée à devenir, « quoiqu'elle soit trop petite », le temple de l'Etre suprême. C'est que la ci-devant cathédrale, à un nouvel aménagement de laquelle presque personne n'aura souscrit, est encombrée « de nombreux effets de couchage qui proviennent d'églises » (à savoir de presbytères), « de couvents, du séminaire et de maisons d'émigrés », comme l'indiquera un document du 27 qui qualifie Sainte-Réparate de « magasin de dépôt ». Le 24, à la séance de la Société populaire, un des « frères », un chef de bataillon, (1) Garidelli semble avoir échappé à cette vaste arrestation. (2) Bonifaci note, le 28 décembre, que, depuis la fermeture des églises de la ville, « une foule de bons chré¬ tiens allaient de Nice à 4 heures du matin entendre la messe à Cimiez et même à Falicon; ce que les patriotes taxaient de fanatisme ». 133 signale « fort judicieusement que la porte du ment de club, n'est pas décorée des emblèmes d'y suppléer à ses frais. Le 30, toutes les églises mises par les conventionnels Ritter et Turreau militaires. Si celle qui sert de temple décadaire des dépôts de blé, la cathédrale en sera un. tempie de la Raison (sic), qui sert provisoire- relatives (sic) à l'égalité ». Il demande et obtient « de l'arrondissement de l'armée d'Italie » sont à la disposition de l'agence des subsistances et celle qui loge le club ne risquent pas de devenir En décembre, le 6, elle est encore pleine des « objets du coucher militaire », qu'on éva¬ lue à 5.338 liv. Le 18, la municipalité estime que la population ne va pas assez régulièrement « au temple de la Raison » en vue d'y entendre, chaque décadi, la lecture des lois. Le 24, « les vête¬ ments et autres ornements » cultuels sont entassés dans « le dépôt de la Terrasse ». Entre autres, 316 « toiles (i) de damas » (1750 liv.), 20 « rideaux » de damas (160 liv.), 7 « tapisseries » de damas, dont 4 « travaillées en or », 2 dais. On dépose à Sainte-Réparate des grains destinés à l'alimentation de nos troupes. Le 31, on dresse, comme Bonifaci le dit en termes peu clairs, le catalogue des livres de « la bibliothèque publique Sainte-Réparate ». Sans doute, celle du ci-devant chapitre. En 1795, le 24 janvier, l'administration centrale ordonne de fermer toutes les églises qui restaient ouvertes. Le 28, l'agent national Garnier écrit « une lettre grossière contre les prêtres ». Le 30, il règne ici « le terrorisme le plus terrible ». En février, le 2, un des représentants de la Seine-et-Oise invite la Convention à vendre tou¬ tes les églises et tous les presbytères. Ici, en mars, le 5, Turreau offre la cathédrale à qui voudra l'acheter ou du moins la prendre en location. Le 7, deux citoyens se présentent pour locataires. Le district répond : « Impossible ». Un décret du 21 février, rendu sur la proposition du protes¬ tant Boissy d'Anglas, interdisait notamment aux communes d'acquérir et louer des locaux cul¬ tuels. Le 13, le séquestre mis sur la synagogue est levé. Le lendemain, la municipalité glorifie le décret du 21 février, « mesure sage, juste, politique. Nos concitoyens ont autant d'att'ache- ment pour leur religion et la République que de haine envers toute tyrannie. Il est passé, le rè¬ gne de ces hommes qui se disaient patriotes. Ce ne furent que des chenilles qui rongeaient l'ar¬ bre de la Liberté et auraient enfin étouffé sa puissante végétation. Mais la Convention a de son bras tout-puissant secoué l'arbre. Les vils insectes sont tombés dans la fange. Ils seront bien¬ tôt si avilis qu'ils n'auront plus assez de force et de courage pour lever la tête et contempler la hauteur de laquelle ils ont été justement précipités ». Le 19, un troisième état des frais causés par l'inventaire et la vente « des effets de l'émigré Valpergue Maillon, ci-devant évêque » (il y en avait eu deux en février, les 16 et 19), dit que cela monta à 1.696 liv. 7 s. Pas d'autre détail. Le 28, un autre conventionnel en mission, Beffroy, ordonne d'enlever les blés qui étaient « dans le local dit église Réparate et y pourrissent à cause de l'humidité et des exhalaisons méphitiques résultant de ce qu'on y enterra des cadavres » jusqu'en 1783. Il autorise le district à mettre l'édifice en location. Le décret du 21 février n'interdisait qu'aux communes d'offrir des immeu¬ bles actuels à des acquéreurs ou locataires. Un citoyen offre 705 liv. par an. Cela faisait (100 liv. en assignats valent, ce jour-là, 11 liv. 10 s. en numéraire) 39 s. par jour (2). Peu de chose, même pour un local aussi « humide et méphitique » que Beffroy le dépeignait. Or, le 30, qui était le lundi saint, voici que la cathédrale est rendue au culte. Garidelli (3> (1) A savoir des lés. (2) En assignats. Environ 7 deniers 2/3 par jour en numéraire. (3) Nulle mention de lui depuis le 2 juillet 94. Il aura eu l'adresse de faire son devoir et, en même temps, comme on dit vulgairement, le mort. 134 en reçoit les clefs. Le lendemain, dit l'abbé Bonifaci, « la foule témoigne la joie la plus vive ». Le Ie' avril, « l'office » y est, écrit-il, « célébré, après le déjeûner, au milieu d'un grand concours de population » : donc celui des Ténèbres. Le 3, un prêtre constitutionnel qui avait demandé au vicaire général « à y dire la messe » — celle du jeudi saint, où l'on n'en célèbre qu'une ? celle du vendredi saint, où l'on ne célèbre que l'office des Présanctifiés ? — se plaint à la municipalité de ce que Garidelli lui a répondu : « Je ne veux rien savoir de tout cela ». H la prie d'intervenir contre « l'ex-chanoine ou grand vicaire ». Elle se déclare incompétente et ajoute qu'elle n'a qu'un droit : « surveiller la police dans les lieux destinés à l'exercice des cultes ». Comme Grégoire il y a deux ans, César Gastaud n'a qu'à s'en aller. Le 5, la messe de Pâques est célébrée, sans doute par Garidelli, en présence d'une grande affluence, dit Bonifaci, de fidèles. Le culte ne sera plus interrompu. Le 8, un commissaire du district, un de la commis¬ sion municipale, deux membres du district (i) et un menuisier inventorient les meubles et effets de l'église. Notez 34 tableaux « grands et petits qui se trouvent en sa (sic) place, n'ayant pas eu un lieu plus propre pour les mettre »; 6 chandeliers « avec 4 reliquaires en bois verni en argent; un Cartegloire et les deux évangiles (sic); un trône du Soleil; 6 confessionnaux en très mauvais état »; 50 chandeliers sur les autels; 12 devants d'autels; « un brancard en noir avec ornements vernissés et sa glace », etc... Dans la grande sacristie, 15 tableaux dont 3 sans cadres. Dans la petite, 3 dont un seul encadré. Dans la chapelle du Saint-Sacrement, 40 chan¬ deliers en mauvais état. Le 24, Garidelli marie, en vertu d'une dispense de la Pénitencerie, une Niçoise « professant la foi orthodoxe » (sic) avec le protestant Donny qui était le procureur de l'évêque de Nice (2). Le 30, la Convention décide la liberté des cultes dans certaines condi¬ tions et notifie que la constitution civile du clergé « n'est plus une loi de la République ». En mai, le 22, deux membres du district (l'un de ceux-ci est Pierre Toselli dont le fils sera, au siècle suivant, un de nos historiens locaux) et deux municipaux assistent (3) à la livraison de la tapisserie qui va être, en vue de la Pentecôte qui tombe le surlendemain, tendue dans l'église. D'après un inventaire, il aurait dû « se trouver, dans le cabinet sur la terrasse du district », 20 rideaux de damas cramoisi, 316 « toiles » et 4 dais de même étoffe, 3 coussins de damas rose, 7 garnitures « de tapisserie à franges de damas, dont 4 travaillées en or », une grande couverture de fauteuil en damas garni d'or avec 2 grands rideaux, un dais de velours doublé de taffetas cramoisi etc... Mais on constate l'absence de 11 toiles et certains bouts de fils prouvent que l'une avait été décousue et enlevée. L'enquête établit que c'est le général Vachot, commandant de la place depuis le 23 octobre précédent, qui s'est fait livrer l'étoffe afin d'en parer son lit. Or, en mai 95, personne n'avait oublié la manière grossière et brutale dont il avait, six jours après sa nomination, présidé un tribunal devant lequel comparurent les prêtres, arrê¬ tés en masse, les religieuses et le rabbin; et l'on se rappelait « son front renfrogné », comme a écrit l'un des inculpés, et l'âpreté avec laquelle il semait l'interrogatoire de termes comme « fa¬ natiques, grimaciers, hypocrites, imposteurs ».Le vol de Vachot est constaté officiellement. Le 30 mai, seconde loi sur la liberté des cultes. Elle exige d'ailleurs des prêtres, pour qu'ils puissent user des églises, la promesse de se soumettre aux lois de la République. Encore un engagement qui, comme le serment de Liberté-Egalité, non condamné par le chef de l'Eglise (un bref du 22 avril dernier venait, après trois autres, de permettre de le prêter), va créer des hésitations. Les uns conseilleront de faire cette promesse; les autres, de la refuser. (1) L'un d'eux est le peintre monégasque Jean-Baptiste Vignali. (2) Garidelli porte dans l'acte le titre de « vicarius generalis episcopalis ». L'un des témoins est le prêtre Séraphin Barla : peut-être celui qui l'avait entendu évincer Grégoire. (3) Sur la demande du locataire de la cathédrale et d'un citoyen qui garantissait qu'il paierait le loyer quo¬ tidien d'environ 39 sous. 135 En juin, le 3, le district écrit à Garnier qui était à Puget-Théniers, lui demande s'il est vrai qu'il ait donné à Savigny l'ordre de prendre du damas pour orner le lit de Vachot, et tient à savoir s'il existe un reçu de la quantité qu'il en a remise à Savigny. En juillet, le 20, à Turin, Valperga remplace Donny comme son procureur par un hom¬ me de loi génois, Giorni, dont le père avait été consul de Gênes à Nice. Ce nouveau représentant de l'évêque subroge, le 1er août, à Gênes, un natif de Contes, Passeron. Celui-ci fait établir, les 18 et 19, par l'un des juges de paix de Nice des actes de notoriété relatifs aux conditions dans lesquelles le prélat avait été mis en demeure de quitter notre ville. Passeron produit Le Seurre, qui était consul de France à Nice en 92, le négociant Saissi, qui était alors second consul de la commune sarde, le notaire Feraudi, qui était alors le secrétaire de celle-ci, et Joseph Castelli- nard, qui avait sauvé la vie à l'évêque. Le 21, il demande au district que le nom de Valperga soit rayé de la liste des émigrés, les scellés, levés, ses biens, restitués, une indemnité, allouée « pour ce qui fut distrait et vendu au nom de la Nation ». En septembre, le 3, un commissaire du district et un de la municipalité enlèvent du lit, que Vachot avait si élégamment paré, les morceaux de damas qui sont remis au locataire de la cathédrale et remplacés par le vieux rideau que le général n'avait pas trouvé assez beau pour lui. Le 20, la Convention précise le sens de la promesse imposée le 30 mai aux prêtres. Ils devront reconnaître que « l'universalité des citoyens est le souverain » et jurer « soumission et obéissance aux lois de la République ». Cela ne diminuera pas les discussions qui depuis 17 semaines existent entre les catholiques Mêles. Ce jour-là, d'après Bonifaci, « inventaire des meubles de Sainte-Réparate qui avait conservé toute (sic) la riche tapisserie de damas qui mesurait 2.000 palmes niçois ou environ 520 mètres ». Toute ? Et ce que Vachot en avait aliéné pour son luxe personnel ? Le 27, le district donne gain de cause à l'évêque. « Son intention de rester à Nice est d'autant plus constatée qu'il est le seul fonctionnaire public qui n'ait pas quitté son poste. Il ne peut être considéré comme réfractaire. Lors de son départ, aucune loi de la République, surtout à l'égard des ecclésiastiques, n'avait été encore publiée ici, à laquelle il eût pu contrevenir. Le ci-devant évêque ne pouvait être privé de ses propriétés. Forcé par le gouvernement » — qui n'y fut pour rien — « de partir, il a dû ne plus revenir dans le terme prescrit aux citoyens de la ci-devant comté. En effet il ne devait point s'imaginer, étant origi¬ naire Piémontais, qu'il fut compris dans l'invitation. Lorsqu'il sut qu'il était sur la liste des émigrés, il s'est empressé de présenter sa pétition de 93, 22 juillet. Il doit être rayé de la liste et réintégré dans la possession de ses propriétés et recevoir la juste indemnité des meubles et effets qui seraient passés au profit de la Nation. Le séquestre doit être levé ». Quant à Garidelli, il accepte comme licite et utile d'accepter, ce que d'autres considéraient ailleurs comme une apos¬ tasie (Rome ne s'est pas prononcée), la loi du 30 mai. Il s'y conforme en déposant à la munici¬ palité — et il déclare agir comme « chef du culte catholique » — la liste des édifices choisis pour que cette religion y soit célébrée. Le 15 octobre, il demande, conformément à la loi, à l'exercer. Le 10, Jérôme Rossi en avait fait autant. Au moment où la Convention, qui a voté, le 10 août, la constitution de l'an III, appro¬ che de sa fin, jetez les yeux sur les registres de la cathédrale depuis sa réouverture. Le 15 avril, Niepce (qui inventa la photographie) y fait baptiser un de ses fils. Le 21, le général Parra (qui a succédé à Vachot comme commandant de la place et ne tardera pas à faire « l'amal¬ game » de l'armée que Bonaparte conduira à tant d'éclatantes victoires) est parrain d'un en¬ fant dont la marraine est une sœur du mari de la veuve de Mirabeau. Le 22 juin, Niepce fait 136 inscrire au registre de Sainte-Réparate son mariage, bénit on ne sait en quel endroit de ia ville ou plutôt de sa banlieue) en 94, août, avec une Niçoise, veuve d'un avocat C1 ). Le 26 juillet, un cousin germain du général André Masséna, le fabricant de savons Philippe Masséna (qui avait été un des membres les plus assidus de la Société populaire), et sa femme, née Faissola, sont parrain et marraine à Sainte-Réparate. De même, le 27 septembre, Honoré Galli et sa femme, sœur dudit Philippe. Le gouvernement du premier Directoire exécutif commence en 95, le 4 novembre. L'Eglise a été dépouillée par la Constituante et persécutée par la Convention. Le régime nouveau cherchera à la supplanter. Le plus jeune des cinq directeurs a 40 ans : le ci-devant vicomte de Barras, qui seul réussira à se maintenir au pouvoir jusqu'à la fin du régime. Les Niçois ne le connaissent que trop. Il n'était qu'un suppléant à la Convention en 92, lorsqu'il vint ici avec l'armée d'Anselme avec le titre de commissaire ordonnateur du département du Var, sa région natale. S'il n'est pas certain qu'il fût ici au moment où Anselme chassa l'évêque et où Valperga faillit être mis à mort en partant, il est au courant, étant arrivé au moins le 1er octobre, de ce qui concerne le prélat. Le 8, il a mis le premier étage de l'évêché à la disposition de l'adminis¬ tration provisoire dont il avait la présidence et que le général venait d'instituer. Barras a fon¬ dé la Société populaire et l'a installée dans l'église des Dominicains, puis dans celle des Jésui¬ tes. On a vu qu'il fit payer, le 21 novembre, on ignore quels travaux (qui coûtèrent 24 liv.) et quelle « découverte » faite sur l'ordre d'Anselme; qu'en 93, mars, le club l'accusa d'avoir « dilapidé nos temples et dépassé Balthazar comme spoliateur de vases sacrés ». Les Niçois l'ont revu, conventionnel, flanqué de son collègue Fréron qu'il s'était adjoint de sa propre auto¬ rité, en juin et juillet. Une caricature va le qualifier en 96 de roi de France (puisqu'il est un des cinq directeurs), d'Agamemnon, d'Arlequin, de Paillasse et de Pantalon et, par allusion à son rôle ici, de comte de Nice et duc de Savoie. Parmi les premiers ministres que les premiers direc- turs nomment en novembre, il y a à la Marine Truguet dont l'escadre seconda en 92 l'armée d'Anselme. Le premier commissaire central près les Alpes-Maritimes que nomme le ministre de l'Intérieur est Gastaud, qui avait, en 94, une heure avant le commencement du 15 juillet, signé et cloué sur la porte de la cathédrale « le petit carton » interdisant de célébrer le culte dans cette église. En novembre, le ci-devant conventionnel Ritter, le dernier qui ait été en mission dans notre département, ordonne, le 6, à Albenga, d'arrêter les prêtres déportés (ils seront conduits devant le commandant de la place de Nice qui les emprisonnera) et ceux qui n'ont pas été rayés définitivement de la liste des émigrés, même s'ils s'appuyaient sur des arrêtés, annulés par la loi, de représentants du peuple. Si c'est le dernier acte d'un conventionnel qui ne connaît pas encore la composition du nouvel Exécutif, celui-ci fera semblant de vouloir maintenir le peu de liberté promis, plutôt que donné, aux prêtres, mais aura une forte aversion pour eux et tout ce qui concerne l'exercice du culte. Le 30, Garidelli (ainsi que Bonifaci dont les notes sont si précieuses pour la période qui part de 92 et celle qui suit le rétablissement du régime sarde) est parmi les prêtres qui reconnaissent devant la municipalité, selon la loi du 30 mai, précisée par celle du 20 septembre, que « le souverain est l'universalité des citoyens » et promettent « soumission et obéissance aux lois de la République ». A la fin de décembre, il n'y a plus, selon Bonifaci, que très peu de prêtres dans le pays niçois. (1) En 94, mars, le général de brigade Pélissier avait épousé une Niçoise à Saint-Jean-Baptiste, sur la rive droite du Paillon. Selon l'usage relatif à tous les actes religieux qui se passaient hors de la ville, c'est au registre de Sainte-Réparate que ce mariage avait été inscrit. 137 En 96, mars, à l'occasion du baptême que Garidelii confère à un enfant dont il est le parrain, il a l'air d'ignorer que les Français aient aboli la noblesse. N'écrit-il pas sur le registre que la marraine est veuve « du baron » Tondut ? Le 23 juillet, il redemande (ainsi que Jérôme Rossi et Ignace Milon) à la municipalité le droit d'exercer le culte. Notez qu'il joint à sa signa¬ ture les initiales de son titre, que l'Etat ne reconnaissait pas sous cette forme, de vicaire général. Le palais épiscopal, nationalisé, n'avait pas encore été vendu. En août, le 12, un négociant d'Agde, Mages, l'achète pour 13.500 liv. (ce qui, ce jour-là, en mandats, correspondit à 364 liv. 10 s. en numéraire) et s'engage à laisser l'administration départementale comme locataire jus¬ qu'à ce qu'elle puisse s'installer dans le ci-devant palais royal, alors hôpital militaire. Le 20, Garidelii s'effraie d'on ne sait quels « propos terroristes » et enlève, sur des statues de la Sainte Vierge, des couronnes qu'il se peut qu'il eût placées pour la fête de l'Assomption. Le 31 décem¬ bre, Te Deum à Sainte-Réparate. « Il y a eu foule », écrit Bonifaci, pour écouter un très court sermon (un breve discorsino) de Rossi; « mais les prêtres sont dans la misère ». En 97, les élections de floréal font passer le pouvoir aux modérés. Le 9 mai, Garidelii marie l'une des sœurs du mari de la veuve de Mirabeau. En juin, le 2, le département permet au chanoine Honoré Navello, curé de Sainte-Réparate, de rentrer et, sanctionnant l'avis donné par le district en 95, septembre, ordonne que l'évêque soit rayé de la liste des émigrés et remis en possession de ses biens. C'est le moment où la réaction, comme l'on dit, semble sur le point de prévaloir en France. Le 15, pour la Fête-Dieu, une grand'messe en musique à la cathédrale, d'après Bonifaci qui ajoute que, 10 jours auparavant, la cérémonie de la première communion avait été « des plus édifiantes ». Le 26, le chanoine curé a repris ses fonctions; il bénit un mariage. En juillet, le 23, Passeron, « procureur de Monsieur Valpergue », s'adresse au départe¬ ment. « Votre récent arrêté dit qu'il sera réintégré aans ses propriétés. Il réclame ceux de ses effets et meubles qui sont encore invendus dans les appartements que votre administration occupe et ne peuvent que se dégrader tous les jours ». Or, avant le 24 (d'après une note de l'orai¬ son funèbre que le chanoine Eugène Spitalieri de Cessole consacrera, dans 35 ans, à l'évêque de Nice Colonna d'Istria), Valperga a refusé au Saint-Siège d'être transféré de Nice à Novare. Ce détail peut permettre de penser qu'il comptait vraiment revenir ici. Pour préciser, l'évêché de Novare était passé en 97, le 24 juillet (le titulaire étant transféré à l'archevêché de Turin), à l'archevêque de Cagliari. En août, tandis que le clergé constitutionnel tient à Paris, depuis le 15, un « concile national » où il cherche (avec l'approbation du gouvernement), sous la direction de Grégoire qui ne préside pas, à constituer une « religion nationale », les Anciens rouvrent, le 24, la porte à tous les prêtres exilés. Le 28, Passeron s'arme de l'arrêté que le département avait pris le 2 juin. Et d'un des articles d'une loi de 94, 26 octobre, « lequel exprime que les prévenus d'émigration seront tenus de donner caution solvable de lavaleur de leur mobilier et ne pourront obtenir leurs immeubles jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur leurs réclamations par qui de droit ». Le procureur de Valperga présente audépartement un tapissier de Nice, Grosson, qui' s'oblige « solidairement avec ledit Valperga » et qui renonce « au droit de premier convenir » (sic). Cela et la mesure du 2 juin irritent les ennemis de l'évêque. Un homme politique niçois, l'ancien conventionnel Dabray, qui est membre des Cinq-Cents, écrira : « La Commission muni¬ cipale l'a, moyennant le spécifique ordinaire des louis, rayé de la liste des émigrés et lui a pré- , paré, quelques jours avant le 18 fructidor, une rentrée triomphale ». Le coup d'Etat parisien du 4 septembre est suivi des mesures sévères que l'on sait. Le 138 directeur Carnot a pu s'enfuir de France. Les Anciens ne le remplacent point par un générai : Masséna (que les Cinq-Cents proposaient par 194 voix) et Augereau (qui avait réalisé le coup d'Etat et qu'ils proposaient par 2 voix de moins) sont mis de côté. François de Neufchâteau succède à Carnot. La loi du 19 fructidor (5 septembre) exige qu'il soit prêté, devant la munici¬ palité, sous peine de déportation à l'île de Ré et surtout en Guyane, un serment de « haine à la monarchie et à l'anarchie » ainsi que de « fidélité à la République et à la constitution de l'an III ». Dès le 20, où les prêtres furent, dit Bonifaci, « inquiétés pour ce nouveau serment », Garidelli le prête. De même, Rossi, Milon et Bonifaci. Le lendemain, à Paris, quand le président du « concile national » fait savoir aux Cinq-Cents que cette assemblée a prêté, dès le 7, un ser¬ ment solennel de soumission à la République, ils répondent : « Nous ne reconnaissons pas cette corporation religieuse ». Rien n'indique qu'un adepte de la théophilanthropie, si chère au direc¬ teur Lareveillière-Lépeaux ait cherché à introduire à Nice le culte, inauguré le 9 janvier de cette même année, glorifié par ce personnage, le 1er mai; à l'Institut, vite raillé, et| les « lecteurs » qui, en habit bleu, ceinture rose et robe blanche, faisaient entendre des pages tour à tour de la Bible, d'Aristote, de Zoroastre, de Confucius, de Voltaire et de Franklin. Inutile de dire qu'à la nouvelle de la loi du 19 fructidor le chanoine Honoré Navello avait pour la seconde fois quitté la cure de la cathédrale et passé la frontière. Garidelli est en règle avec la volonté du gouver¬ nement et sait comment il peut faire son devoir sans s'affoler, malgré son grand âge, au milieu des difficultés qui peuvent résulter du culte décadaire, plus redoutable que la théophilanthropie. La formule du nouveau serment qu'il a prêté a poussé beaucoup de prêtres, dans d'autres dio¬ cèses, à s'y soustraire. D'autres, comme le vicaire général de Nice, l'ont accepté pour conserver leurs églises et assurer le culte. En 98, ievrier, le roi de Sardaigne intervient — la paix avait été signée en 96 entre Paris et Turin par les plénipotentiaires de son père, en mai, à Paris — pour l'évêque et par l'en¬ tremise de son ambassadeur. Un bureau de notre ministère de la Police répond, le 7. « Cet ex- évêque (sic) dit qu'Anselme lui aurait donné l'ordre de quitter Nice. Il faut en croire l'émigré (sic) sur parole. Mais, à raison de son domicile, il était tenu de rentrer sur le territoire dans les délais voulus par les lois (sic). Il est atteint par la déchéance et n'a réclamé qu'en l'an V (sic). Il ne paraît pas y avoir lieu de violer la loi en sa faveur. Sa rentrée est prohibée par la Consti¬ tution et exercerait une influence dangereuse ». En tête de ce rapport et sous une signature illisible : « Il y a lieu à instruction et à prendre des renseignements près du département des Alpes-Maritimes » 0). L'ambassadeur de Charles-Emmanuel IV ne paraît pas avoir insisté. Le 7 avril, samedi saint, les biens de Valperga sont, devant son procureur, remis sous séquestre. ~~~ Le 4 juin, Garidelli bénit à Sainte-Réparate le mariage du général Sextius Miollis et de Rosalie Botté, native de Villefranche-sur-Mer, veuve d'un Novaro qui avait été (il se garde, cette fois, d'inscrire ce titre féodal sur le registre) comte de Castelvecchio. En août, le 12, les administrations municipales du département sont invitées à veiller à ce que les cérémonies du culte ne soient pas extérieures et à ne tolérer aucun signe extérieur de religion. Le 24, dit Bonifaci, l'administration centrale fait enlever les croix des églises et clochers. Le Mentonnais Massa, qui a remplacé le Niçois Gastaud en qualité de commissaire central de l'Exécutif dans les Alpes-Maritimes, y met un zèle qui lui valut le surnom d'Enle- veur de Croix (« Levo Cros »). Il se plaint, le 20 décembre, de ce que « les ministres du culte (1) Le 10, Berthier occupe Borne. Le 15, la République romaine est proclamée. Le 20, Pie VI est conduit à Florence par nos troupes et le pillage de Rome commence. 139 âppeié catholique », notamment « ceux qui exercent dans le tempie connu sous le nom de Sainte- Réparade », manquent aux lois de 95, « n'affichent pas leurs déclarations dans le lieu le plus apparent » et font « leurs cérémonies avec les portes ouvertes ». En 99, février, des commissaires veulent mettre sous séquestre les biens d'un neveu (dont les enfants passaient pour avoir émigré) de Garidelli. Sa femme dit que son mari est à L'Escarène et que les « effets et meubles » de l'appartement sont au vicaire général. Nos trou¬ pes occupent le Piémont depuis décembre; le roi s'est retiré en Sardaigne. Le 20 mars, on apprend qu'un Niçois a vu Valperga à Turin et lui a manifesté son désir d'y rester; que l'évê- que s'est refusé, « en raison des circonstances, de vous conseiller », aurait-il dit, soit de partir soit de demeurer. Le 26 avril, mardi de Pâques, l'Exécutif maintient le prélat sur la liste des émigrés. L'arrêté porte la signature de Barras. Le ministère de la Police communique cette déci¬ sion définitive, le 10 mai, aux administrations intéressées. Le 22, Massa demande au départe¬ ment de la communiquer à la municipalité et de faire mettre sous scellés les meubles et l'immeu¬ ble de « l'émigré » qui est irrévocablement spolié. En juin, le 23, la municipalité ordonneque, « pour la ci-devant Saint-Jean-Baptiste, il ne soit dans les rues ni allumé de feux de joie ni tiré des fusées, boîtes, coups de fusils ou pis¬ tolets. Le 30, d'après Bonifaci, il y a fort peu de prêtres ici. Le 18, a eu lieu à Paris le coup d'Etat du 30 prairial VII. C'est en vain que les Cinq-Cents ont proposé le général Masséna pour entrer à l'Exécutif en remplacement soit de Merlin de Douai soit de Lareveillière-Lépeaux. Les An¬ ciens ont élu Ducos et un général obscur, Merlin. En juillet, l'autorité militaire, qui sait que la situation devient inquiétante dans le nord de l'Italie, s'empare du temple décadaire, où avaient eu lieu en mars une fête en l'honneur de la Liberté (il faut lire dans Bonifaci ce qu'il a dit de la Vénus et des trois Grâces, couronnées de myrtes et placées sur le maître autel, et des flots d'encens qu'on leur offrit) et en avril une cérémonie funèbre en souvenir des victimes de l'atten¬ tat impérial de Rastadt. Le temple des décadis doit servir d'hôpital militaire. Indignation de Massa. « Les catholiques ont ici cinq églises supérieurement bien (sic) placées et très grandes. On a sacrifié, pour les ménager, le seul temple qui servait (sic) aux réunions décadaires et fêtes républicaines. Les patriotes en gémissent. L'esprit public va être perdu, si l'on tolère un scan¬ dale de la sorte ». Or en floréal (donc entre le 20 avril et le 19 mai), le ministre de la Guerre, prié de consentir à ce que ces réunions et fêtes eussent lieu non plus à Saint-François-de-Paule, mais à Saint-Dominique, avait répondu : « Saint-François-de-Paule a servi de temple déca¬ daire jusqu'ici et peut le rester ». Mais le ciel s'est couvert à l'est des Alpes et des Apennins. En septembre, le 23, d'après Bonifaci, un soldat commet à Sainte-Réparate un vol sacri¬ lège sur lequel nous manquons de détails. La foule veut le tuer. Ses chefs le mettent en prison. Le 10 octobre, Garidelli fait célébrer dans « l'ancien diocèse » un Requiem pour Pie VI, mort prisonnier à Valence, le 29 août, dans les bras de son ancien maître de Chambre, l'archevêque de Corinthe in partibus Spina. Les funérailles « du citoyen Pie VI, ex-pape », comme on disait dans le style officiel d'alors, pour désigner celui que certains historiens appellent « la plus au¬ guste et la dernière victime de la Révolution », ce prélat avait été réduit à les célébrer de la façon la plus humble, dans la petite chapelle d'un fort. L'Exécutif, qui n'accordait point de pas¬ seports aux membres de sa petite cour, privés tant de moyens de subsistance que du droit de correspondre avec leurs familles, avait refusé au chef de l'Eglise une sépulture ecclésiastique qui fût décente. En novembre, l'état sanitaire de Nice était si mauvais que Garidelli ouvre un triduum à Sainte-Réparate. Le maire, Emanuel, est victime de l'épidémie. Le 14, huit jours après le bap- 140 tême de ce « frabiquant de chandelles » (comme portait l'acte de ce baptême), il reçoit « tous les honneurs civils, militaires et religieux » et ses funérailles ont lieu à la cathédrale. Le 10, le gouvernement du Consulat avait commencé. Le 9, Spina ayant vu Bonaparte à Valence, lors de son retour d'Egypte, et obtenu de lui la promesse que des passeports seraient accordés à l'entourage du pape défunt, toute sa maison avait pu partir, moins l'archevêque de Corinthe et un camérier secret. Le rôle de Massa ne tardera pas à prendre fin à Nice. En décem¬ bre, le 31, « les églises de l'ancien diocèse », écrit Bonifaci, « reçoivent, malgré la misère, d'a¬ bondantes aumônes et, à Sainte-Réparate, devant une foule très pieuse, le Te Deum est chanté et Rossi, le seul prédicateur qu'il y ait à Nice, prononce un sermon ». En 1800, janvier, Garidelli, âgé de 75 ans, est à l'article de la mort. Il choisit Rossi com¬ me provicaire général et est enterré, le 13, non pas au cimetière, détail à noter, mais dans la cathédrale (i). Valperga envoie de Turin la confirmation de ses pouvoirs à Rossi qui, en mars, le 26, prête devant la municipalité le serment prescrit par un arrêté consulaire du 28 décembre, de fidélité à la constitution de l'an VIII qui était entrée en vigueur le jour de Noël ou, en style laïque, le 4 nivose VIII. Le 28 mars, tandis que Rossi prêche sur l'évangile (c'était le vendredi avant le dimanche de la Passion), un coup de feu est tiré du dehors sur le lanternon de la coupole. En avril, le 10, qui était le jeudi saint, il marie un colonel natif de Limoges avec une Antiboise à laquelle il donne la particule sur le registre. En mai, nos troupes évacuent Nice le 12, où l'ennemi entre, et y reviennent le 31; Boni¬ faci dit que le clergé alla féliciter Suchet qui les commandait. Nulle trace d'une cérémonie reli¬ gieuse qui aurait eu lieu soit pour l'exaltation de Pie VII, élu le 14 mars par le conclave qui se tint à Venise, soit pour sa rentrée, qui se fit le 3 juillet, à Rome. En novembre, le 9, Rossi baptise à Sainte-Réparate une juive d'Ancône qui a pour par¬ rain et marraine Philippe Masséna et sa femme, dont nous avons parlé. Le 26, le préfet Florens invite les maires à le renseigner sur les prêtres qui n'avaient pas prêté le serment à la consti¬ tution consulaire et à les y obliger. En décembre, le chanoine curé Navello venait, par un intermédiaire, de demander à rentrer et à être mis en surveillance. Il faisait valoir qu'il avait quitté Nice en 92 pour se sous¬ traire à la nécessité de prêter serment à la constitution civile du clergé ou d'être déporté. Le 5, Florens demande à la municipalité des renseignements sur lui. Le 17, il avise celle-ci que ce prêtre n'a pas justifié sa présence à l'étranger, paraît un ennemi du gouvernement et ne sera pas autorisé à rentrer. En 1801, janvier, Bonifaci note dans son journal « la peur du pusillanime provicaire Derossi qui n'a pas osé résister », durant une messe dite à la cathédrale pour un franc-maçon, à la manière dont plusieurs francs-maçons, notamment le général Garnier, se tinrent « moins bien qu'au théâtre ». En mars, un dominicain prêche à la cathédrale avec tant de succès que trois poètes locaux consacrent des sonnets à le louer. Le 10 avril, vendredi de la semaine de Pâ- (1) Il n'aura pas su que, le 30 décembre, le Premier Consul avait permis que les restes de Pie VI reçussent « les honneurs d'usage pour ceux de son rang » et qu'on élevât sur sa tombe « un monument simple ». La sépul¬ ture fut donnée au cimetière, le 30 janvier, avec les honneurs civils et militaires dus aux souverains, mais sans céré¬ monie religieuse; Spina évitait ainsi la présence de l'évêque constitutionnel de l'Isère qui, celui de la Drôme étant mort, serait venu pontifier. 141 ques, Te Deum à l'occasion de la paix de Lunéville ; les autorités civiles, militaires et judiciaires y assistent. En l'absence du préfet, un conseiller de préfecture a soin d'avertir la municipalité que la loi interdit de sonner les cloches tant pour les processions des Rogations que pour la « fête de Dieu ». En juin, d'après Bonifaci, « tempête », le 12, contre les prêtres au sujet de la soumission que le gouvernement exigeait d'eux, « confondant ceux qui étaient rentrés depuis longtemps ou de fraîche date »; le 15, nul de ceux-ci n'ose célébrer la messe « à cause de l'o¬ rage qui menaçait les émigrés ». En juillet, le 15, malgré une proclamation des évêques constitu¬ tionnels, le Concordat est signé à Paris. Le 18, le préfet se plaint « au citoyen Rossi, chef du culte catholique à Nice », de ce qu'un prêtre exerce ici le culte sans avoir fait sa déclaration, et en avertit la municipalité. Le 22, le provicaire enjoint au clergé d'obéir aux lois qui le régissent; et Bonifaci de noter que sa formule « il prefetto ordina e noi ordiniamo » lui semble fort peu canonique. Il ajoute qu'il y avait « deux partis » dans le clergé niçois, « ouvrier indolent de la vigne du Seigneur : i permanenti ed i rientrati di fresco ». En août, le 15, Pie VII ratifie le Concordat. En octobre, grande foule à la cathédrale tant pour la fête du Rosaire que pour celle de sainte Réparate. En novembre, un chartreux, délégué par Valperga, y marie une ancienne reli¬ gieuse du Bon Pasteur, une Lyonnaise, relevée par Rome des vœux simples qu'elle avait pro¬ noncés, et un Parisien. En décembre, le 13, l'évêque résigne le siège selon le désir des brefs Tam multa du 15 août et Novum ac luculentum du 29 novembre. Sa démission fut remise par le cardinal légat Caprara à Portalis, chargé des affaires cultuelles depuis le 8 octobre, et insérée au Moniteur du 3 suivant. A noter que, lorsque le Concordat avait été ratifié à Paris le 10 septem¬ bre, il prévoyait 10 métropoles et 40 évêchés où ceux de Nice et de Fréjus ne se trouvaient pas. Bonaparte tint à ce que le siège de Nice fût maintenu. Ne quittons pas Valperga sans rappeler que, dans une brochure publiée à Sinigaglia, en 1800, par un bénéficier de Lorette, avaient été insérés quatre sonnets en italien de l'évêque de Nice. Il les avait composés en l'honneur du mar¬ tyre de saint Basse qu'une tradition, acceptée par l'Eglise, donne comme le premier évêque de notre ville. Le 31 décembre 1801, le Te Deum d'usage est chanté à Sainte-Réparate; un capucin de Saint-Barthélemy y prêche, mais nous nous abstiendrons de citer le jugement que le ter¬ rible abbé Bonifaci porta sur son sermon. Ce que fut, en ce qui concerne Sainte-Réparate et la banlieue qui dépendait d'elle au point de vue religieux, l'administration des sacrements durant les années où le catholicisme connut tant de tribulations, il est compliqué de s'en rendre compte à l'aide des divers cahiers et registres qui ont survécu. Prélevons quelques détails dans les uns et les autres. En 93, mai, le vicaire général Garidelli baptise un enfant dans ce qu'il appelle « la cha¬ pelle privée » de Notre-Dame des Sept Douleurs de la cathédrale. Le curé Leotardi avait, en fè- vrirer, donné l'eau sainte à une fillette, « née de père et mère inconnus et trouvée sur la route de Turin, devant ce qu'on appelle la chapelle de Notre-Dame de Bon Voyage (Buon Viagge) ». En 94, décembre, un prêtre écrit qu'il a baptisé un enfant « chez le baron Caravadossi » qui avait été arrêté en 93, août, puis remis en liberté. Ecrire le terme de baron à cette date, c'est une grave imprudence. De même, en 95, février, pour un baptême célébré « chez le comte Guiglion- da », et en 96, mars, où une marraine est qualifiée de veuve « du baron (sic) Tondut ». En 98, décembre, Jérôme Rossi, s'intitulant « ancien prêtre de la Société de Jésus », ondoie un enfant « dans ma chapelle privée ». En 1800, décembre, encore un prêtre qui n'hésite pas à écrire qu'un enfant, baptisé par lui et né de parents inconnus, avait été recueilli « dans la porte de la mai¬ son qui, denominata La Piazzetta, appartient au comte Caïs ». A noter les conversions, en 95, 96 et 97, de 3 protestants et, en 1800, celle d'une juive. Pour ce qui regarde les mariages, les dé¬ tails curieux ne manquent pas. Un grand nombre d'officiers et de soldats de nos troupes ne se sont pas bornés à des unions civiles. 142 Il va de soi que les idées nouvelles ont fait concurrence aux saintes et saints, lorsqu'il s'est agi de déclarer des naissances au bureau municipal de l'état-civil. Le savetier de La Fon¬ taine se plaignait au financier, sans être animé d'anticléricalisme, de ce que « Monsieur le curé chargeait toujours ses prônes de quelques nouveaux saints ». En 93, octobre, le conventionnel Duhem (du Nord) s'en inspire pour déclarer que « le pape remplit de personnages son calen¬ drier et, quand il en survient de nouveaux, ne sait plus où les mettre ». C'est le mois où fut voté le calendrier républicain, avec ses 12 mois aux noms que chacun connaît, les 3 décades de chaque mois, les dénominations de chaque jour de la décade, l'obligation de chômer en l'hon¬ neur du décadi qui devait supplanter ce qu'un politicien de Nice appellera « le jour barbare du dimanche », et les jours complémentaires qui eurent, une fois au moins, le terme de « sans- culottides ». Le mathématicien Romme avait proposé et fait adopter que « tout ce qui rappelle l'ère religieuse » fût supprimé. D'où, « la dénomination ordinale ». Fabre d'Eglantine, que cha¬ que journée portât le nom d'un « objet utile, plante ou animal ». Son idée, d'abord écartée, prit corps, lorsque le nom d'un « instrument rural, fut assigné à chaque décadi, celui d'une bête à chaque quintidi, et aux autres jours celui d'un être du règne végétal ou, mais parcimo¬ nieusement, du minéral. Aux saintes et saints sous la protection de qui le clergé de Sainte-Réparate plaçait, même dans le secret des cérémonies faites en catimini, les nouveau-nés de parents restés fidèles aux croyances anciennes, quels concurrents opposèrent les partisans de la laïcité- « pour contri¬ buer à l'instruction publique », selon le style officiel ? Il y a des parents qui s'ingénièrent à ménager, comme l'on dit, la chèvre et le chou. Le plus en vue est le négociant Jean-Baptiste Guide, originaire d'Antibes, frère aîné d'un Mau¬ rice. Tous deux, politiciens sur qui l'attention des Niçois est fixée soit avec sympathie soit au¬ trement. En 94, le 5 mai, qui était le 16 floréal an II, il donne à l'un de ses fils les prénoms de Maurice-Floréal. Ce commerçant sera, en 95, taxé de « beuveur » (sic) « de sang » par ses en¬ nemis, arrêté, le soir du 30 avril, après le coucher du soleil, et incarcéré malgré ce que, dans une requête, il appela « ma maladie en crachements de sang ». Mais, le 14 mai, ce prétendu an¬ thropophage sera remis en liberté, d'ailleurs sous la surveillance d'un gendarme. Puis le père de Maurice-Floréal cessa d'être suspect. Il devintl'un des plus importants négociants en huiles, maria l'une de ses filles, en 1810, avec le baron François de Bellet et fut, en 12, le contribuable le plus imposé. En 93, novembre, la fille posthume d'un adjudant-major à la 165e demi-brigade est, sur le désir de la mère, prénommée « Anne-Sainte ». Il est visible que cette citoyenne vou¬ lait placer son enfant, même à l'état-civil, sous le patronage de sainte Anne. En 95, février, un capitaine à la 83" donne à son fils les prénoms de « Joseph-Buis ». En mai, alors que Fabre d'Eglantine avait été guillotiné en avril, voici une « Anne-Eglantine ». En décembre, un nouveau-né reçoit les prénoms d'« Alexandre-Abeille » ; le second est un de ces êtres affectés aux quintidis. « Sans-Culotte » s'unit à Paul, Jean-Baptiste, Joseph-Ignace ; le père d'un de ces garçonnets est le concierge de l'immeuble où les autorités départementales siégeaient. Un capitaine à la 99e prénomme sa fillette « Sans-Culotte », mais, d'autre part, Ma¬ rie-Nicole. « Liberté » se joint à Jean-Joseph, à Jean-Louis, à Marie-Colombe, à Marguerite. « Marat » est encadré par François et Alexis ; « Brutus » est associé à Sébastien par un gen¬ darme. Sous le Directoire, en 97, novembre, un père qui aura frémi d'aise, quelques semaines auparavant, à la nouvelle du 18 fructidor qui a étouffé ce qu'on appelait volontiers le parti re¬ naissant de l'ancien régime, prénomme son fils « Montagne », non sans mettre d'abord Joseph. « Brutus » est associé à Jean, à Noël, à Paul. Un nouveau-né reçoit les prénoms de « Marie- Liberté ». 143 Mais il y a les « purs ». En 94, janvier, un père choisit le prénom, inattendu en cette saison, de « Messidor ». En août, un septidi, un capitaine aux charrois prénomme sa nouveau- née « Septidi ». En décembre, un décadi, jour solennel pour les patriotes, une fillette reçoit le prénom de « Décadi ». Brutus a beaucoup plus de dévots que Gracchus, Marat, Liberté et Sans- Culotte, surtout dans l'armée. Un maître cordonnier à la 83e a l'âme si républicaine qu'il pré¬ nomme son fils « Brutus le Sans-Culotte ». Un employé de la poste ne se contente pas, pour sa fillette, d'un de ces noms de plantes inscrits officiellement au calendrier de l'Etat. Il la prénom¬ me « Azalée » (qui n'y figurait pas) et Alexine » (qui a peut-être une sorte d'arrière-saveur du calendrier « du pape »). Enfin, sous le Consulat, le négociant Jean-Louis-Joseph Sauteiron, gendre du 2° baron de Bellet, donne à son nouveau-né le prénom de « Napoléon ». Il est vrai que le cardinal Fesch assurera plus tard à notre évêque Colonna d'Istria qu'il y avait un saint de ce nom, mais sans arriver à préciser ce qu'il fut. Voilà une idée de la concurrence que les idées nouvelles firent, dans les registres laï¬ ques de l'état-civil, aux personnages que le clergé de la cathédrale était habitué à voir choisir par les parrains et marraines. N'est-ce pas un savoureux détail de l'orage politique qui gronda, pendant quelques années, autour de la coupole de Sainte-Réparate ? Surtout dans la période où c'est sous le « vocable » de Marat que la section municipale du quartier de cette église fut placée. Période où l'un des machinistes de « l'Ecole des mœurs », autrement dit, du théâtre communal, donnait à son fils, en 94, octobde, par haine des tyrans, le prénom de « Guillaume Tell ». Romme se poignarda en 95, juin, devant le tribunal militaire qui venait de le condam¬ ner à mort. « L'ère religieuse », dont il avait rêvé l'anéantissement, recommença, sinon avec le Concordat, du moins en 1806, le 1er janvier, dont la veille avait été officiellement le 10 nivose an XIV. Le curé de la cathédrale n'eut plus à juxtaposer, sur ses registres, la formule grégorienne et la républicaine. Il n'ignorait pas d'ailleurs que, sur ceux de la mairie, les employés de l'état- civil avaient inscrit, maintes fois, des prénoms chrétiens, y compris ceux qui ont le goût du terroir nissard, Réparate et Hospice, ou monégasque, Dévote. ! I 114 CHAPITRE XIV Les souvenirs historiques depuis 1802 A. — Régime français jusqu'en 1814. En 1802, le 8 avril, le gouvernement consulaire ajoute les articles organiques au Concor¬ dat et le transforme en loi. Le 9, un décret du cardinal légat Caprara érige canoniquement, en exécution d'une bulle de Pie VII du 29 novembre précédent, les évêchés concordataires et ratta¬ che le siège de Nice à la métropole d'Aix. Le même jour, un arrêté de Bonaparte nomme évêque de Nice un Corse natif de Bechisano (diocèse d'Ajaccio), Colonna d'Istria, apparenté, dit-on, avec lui. C'est un ancien condisciple de Fesch et l'un de ses meilleurs amis. La nouvelle par¬ vient ici le 17. Le 1er mai, Te Deum en présence des autorités au sujet de la publication (faite le diman¬ che 18 avril, jour de Pâques, à Notre-Dame de Paris, en présence des trois chefs de l'Etat) du Concordat. Le 8, le second préfet des Alpes-Maritimes, le général Châteauneuf-Randon, qui a été l'un des pages de Louis XV et l'un des conventionnels régicides, reçoit des curés un sonnet; le 15, des « prieurs » des strophes. Le 21, Joseph Bonaparte, qui était au magnifique château de Mortefontaine, presse l'évêque, « mon cher ami », de venir à Paris « où l'on vous attend tous les jours; mon oncle Fesch doit vous avoir annoncé votre nomination ». Le 24, le pape annonce la publication du Concordat dans un consistoire secret où il transfère Caprara à l'archevêché de Milan et délivre ses bulles à Colonna d'Istria. Le lendemain, il l'autorise à recevoir le sacre des mains de tel évêque qu'il choisira, pourvu que son métropolitain ne subisse de ce fait aucun préjudice. Le 27, fête de l'Ascension, il chante un Te Deum en sa cathédrale Saint-Jean-de-La- tran. Le 11 juillet, Colonna est sacré à Paris, dans l'ancienne église des Carmes, par l'évêque de Vannes, Maynaud de Pancemont, qu'assistent celui d'Ajaccio, Sebastiani Délia Porta, et celui de Séez, Chevigné de Boischollet. Les autorités s'inquiètent de savoir où le prélat logera. Le 10 avril, Chaptal, ministre de l'Intérieur, a été chargé d'ordonner aux préfets de préparer « des maisons épiscopales » et des cathédrales et, s'il y a lieu, de les restaurer « sans délai ». Or, l'ancien palais épiscopal a été nationalisé et vendu. Le 18 juillet, des experts l'évaluent à 25.000 fr. et suggèrent que l'évê¬ que soit logé « au jardin Lascaris, sis au quartier de Riquier, qui en vaut 11.000 de plus, ou bien sur le Cours, dans l'église inachevée des ci-devant Théatins ». Le 20, Gaudin, ministre des Fi¬ nances, écrit au préfet : « La seule maison qui pourrait loger l'évêque est dans un quartier peu convenable... H faudrait traiter par voie d'échange avec les propriétaires de l'ancien évêché et en référer à mon collègue de l'Intérieur ». Le 13 août, le préfet (1) fait savoir à Defly, maire de (1) Il avait, le 9 Juillet, donné à la cathédrale « beaucoup d'argenteries » cultuelles qu'une dénonciation lui avait permis de déterrer à Cimiez. 145 Nice, que le peu d'activité dont il a fait preuve au sujet de l'habitation de l'évêque déplaît et qu'il faut se hâter « avant l'arrivée du citoyen Colonna qui doit être ici vers le milieu du mois prochain ». Le même jour, Mages, l'un des acquéreurs du ci-devant palais, écrit au maire : «Je rentre de la foire de Beaucaire; l'autre acquéreur, Spreafico, est en voyage; j'attends l'auto¬ risation du gouvernement pour échanger ». Le 19, le préfet relance le maire, l'invite à ce que « l'ancienne maison de l'évêché soit bientôt réparée et meublée », et lui indique qu'il a signalé les moyens de lever tous obstacles ». Le lendemain, Colonna, qui s'était mis en route, est à Mar¬ seille depuis jours. A Fesch, qui lui avait envoyé une montre après son départ de Paris, il écrit qu'il attend ses « équipages, qui ne parviendront que dans la huitaine... J'ai vu à Lyon l'évêque de Chambéry et Genève, Des Moustiers de Mérinville, ci-devant de Dijon... Un Corse, à demi corsaire, m'a retiré de l'auberge où j'étais descendu ici. Je loge chez lui. Je vous recommande mes deux neveux pour qu'ils soient reçus au Prytanée... Saluez Madame votre sœur, le premier consul, Joseph, à qui j'écrirai dès mon arrivée à Nice, mesdames Bacciochi, Clary, Murât, Lucien, le petit Bacciochi, Ornano et sa femme, notre bien digne législateur Arrighi ». A Nice, le 21, Te Deum en présence des autorités, à l'occasion du sénatus-consulte par lequel Bonaparte est devenu consul à vie. Le 1er septembre, le préfet constate que le maire man¬ que de « détermination », charge deux commissaires de conclure l'affaire relative à la rétro¬ cession, location « ou autrement » et veut que les « petits locataires évacuent ». Le 4, « à l'improviste », une felouque venant de Marseille mouille à Lympia. L'évêque en descend et est salué par deux prêtres qui se promenaient « par hasard » sur le quai. Le préfet l'apprend et lui envoie, l'invitant à loger à la préfecture, sa voiture accompagnée de gen¬ darmes. « Une escorte qui fait rire et jaser », écrit un contemporain, l'abbé Bonifaci. Le 5, visite des autorités. Le 6, du clergé au nom duquel le vicaire général Rossi prononce un « discor- sino ». Le 12, installation de Colonna à Sainte-Réparate par le préfet, qui lui en remet les clefs, et Rossi, que l'archevêque avait délégué et qui lui adresse un discours en latin. L'évêque lui répond en français et est reconduit à la préfecture par le clergé, chantant des hymnes, et les autorités, entre deux haies de soldats et de gardes nationaux. « On s'étonne que les Français aient pu », dit Bonifaci, organiser une telle cérémonie et l'on compose diverses poésies, « louables au moins pour leurs intentions ». Dans le discours de Colonna, noter ces mots : « Ne rouvrons pas des plaies qui saignent encore. Un sage gouvernement tâche à les cicatriser... Que n'ai-je le zèle... des Valpergues ?.. Je joindrai la prudence du serpent à la simplicité de la colombe... S'il y a eu un instant où ce temple, réparé et embelli dernièrement, a été fermé, ce fut peut-être un trait des divines miséricordes... La Révolution n'a pas produit dans cette province, par rapport à la religion, les effets qu'elle a eus dans les autres ». Curieuses journées, où le préfet dut songer à ce qu'il faisait en 1794, dans le Gard, en sa qualité de conventionnel en mission, lorsque la laïcisation hébertiste sévissait, que les pa¬ triotes célébraient le culte matérialiste de la déesse Raison et que les églises étaient affectées à ce paganisme auquel Robespierre allait, en mai, d'ailleurs aux risques de sa situation politique et de sa vie, substituer du moins la reconnaissance officielle et de l'existence de Dieu et de l'im¬ mortalité de l'âme. Le ci-devant marquis de Tournoël se revoit à Saint-Jean-du-Gard, qui venait d'adopter le nom laïque de Brion. A sa parole, la Société populaire décide que la paroissiale de¬ viendra un temple de la Raison, que « les signes de fanatisme » disparaîtront, que « les prêtres des différents cultes » remettront « leurs vases » et ne seront plus écoutés par personne. Le voici à Alais. Il se rend à la ci-devant cathédrale, monte en chaire et propose que l'édifice devienne un temple de la déesse Raison. A sa voix, le club décide que les croix et clochers seront abattus, tout culte, supprimé, une cérémonie, organisée à la gloire de la nouvelle divi- 146 nité, la démolition de l'église, demandée. Et voici Châteauneuf-Randon à Saint-Gilles. La pa¬ roissiale devient un temple de la Raison, où l'on place les images des assassinés de l'année pré¬ cédente, Lepeletier et Marat. Enfin à Nimes. L'évêque constitutionnel du Gard, qui dans quel¬ ques jours renoncera au sacerdoce et ne tardera pas à devenir employé au ministère de l'Inté¬ rieur, a démissionné. Le conventionnel régicide préside, dans la cathédrale laïcisée, une céré¬ monie en l'honneur de la déesse. Comme les Parisiens l'avaient fait à Notre-Dame pour celle du 10 novembre dernier, on a érigé une « sainte Montagne » dans le choeur. Une modiste de Lyon personnifie la Raison. Un prêtre apostat monte dans la chaire où une Assomption de Mignard lui sert de tapis. Grâce à Châteauneuf-Randon, en avril, une choriste fait la déesse dans la cathé¬ drale d'Uzès et une femme des plus tarées, dans la paroissiale de Beaucaire. Maintenant, avec Bonaparte, le vent a changé. Le 3 octobre, fête du Rosaire ; procession où « l'on porte l'antique statue de la Vierge » dans la cathédrale, « non sans quelques désordres » sur lesquels Bonifaci ne donne pas de détails précis. Le surlendemain, Colonna y établit la confrérie du Rosaire et parle d'y instituer l'exercice du Chemin de Croix. Le 10, fête de sainte Réparate ; musique et sermon où le prédi¬ cateur loue Bonaparte. Et Bonifaci d'écrire ironiquement : « Tutto va bene ». Le 14, l'évêque décide que, chaque mois, il y aura, non plus trois processions du Saint-Sacrement en ville, mais une seule qui, le 3m° dimanche, sortira de la cathédrale et fera le tour du pâté de maisons. « Nous voulons autant que possible concilier le libre exercice du culte extérieur, autorisé par la loi, et la tranquillité publique. Mais le 3, il est arrivé des inconvénients... Le zèle indiscret et la haine cachée pourraient encore susciter des troubles ». Le 2 novembre, il réduit le nombre des fêtes. Le 13 décembre, il permet que la messe de minuit de Noël soit célébrée, mais seulement à Sainte-Réparate. En 1803, le préfet signale au gouvernement, en mars, un « état provisoire qui pèse à ce département : j'ai dû affermer la maison de l'évêque ». Le 8 août, Colonna prescrit de célébrer, le 15, l'anniversaire de la ratification du Concordat, celui de la naissance de Bonaparte « dont la vie est si justement chère à tous les Français, restaurateur du culte et libérateur de la Fran¬ ce », et celui du sénatus-consulte qui a déclaré le consulat à vie. Le 14 décembre, à Sainte-Ré¬ parate, il préside un Requiem pour son prédécesseur. Rappelons encore quelques cérémonies de la période du Consulat. L'évêque baptise un Torrini (1802, 10 décembre) dont le préfet est le parrain. Il assis¬ te en 1803, le lEr mai, le préfet siégeant dans le chœur en face de lui, au serment que 22 curés, dont celui de la cathédrale, et 61 desservants prêtent entre les mains du ci-devant conventionnel régicide et en présence des autorités civiles et militaires. Son vicaire général Grimaldi l1), an¬ cien aumônier de Marie-Antoinette et futur aumônier de la duchesse d'Angoulême, marie, le 20 juin suivant, sa nièce, Sylvie Grimaldi, avec Auguste de Constantin, un des Niçois qui seront délégués pour assister au couronnement de Napoléon Ier. C'est le fils du chef de cette escadrille sarde qui avait empêché en 1793 une flottille française de débarquer à la Maddalena, en Sar- daigne, et failli faire prisonnier alors le lieutenant d'artillerie Napoléon Buonaparte, qui y servait. En 1804, le 18 mai, l'Empire est proclamé (2). Le 17 juin, l'évêque chante à ce sujet (1) Fils du dernier baron de Sauze qui avait été maire de Niee en 1800, mai, durant l'éphémère occupation par les troupes impériales, ce prêtre avait été chanoine et vicaire général de Reims. (2) Masséna, jadis baptisé à Sainte-Réparate, est le 5» sur la liste des 18 premiers maréchaux. 147 un Te Deum, après avoir publié la lettre à lui envoyée, le 21, par le nouveau souverain qui, à l'occasion de l'anniversaire du 14 juillet, lui expédie des Tuileries en 1805, février, un anneau pastoral et décide en août suivant, «en grand conseil », que, chaque fois qu'il sera revêtu de ses habits pontificaux, l'étoile affectée à son grade devra être attachée à un ruban porté en sautoir, qui n'ait d'ailleurs que la largeur de celui des « membres » (1), ainsi qu'on appelait alors les chevaliers. Ces faveurs n'empêcheront pas le prélat, lors du conflit entre Pierre et César, de marquer sa loyauté envers le chef de l'Eglise et d'encourir la mauvaise humeur de l'empereur des Français et roi d'Italie. Parmi les cérémonies officielles de la cathédrale, retenez divers Te Deum, dont le der¬ nier fut chanté en 1813, 27 septembre, à propos de la bataille de Dresde; les fêtes de la saint Napoléon, instituée en 1806, février; les mariages d'anciens soldats et de rosières, célébrés à l'occasion du « sacre » en 1804, 16 décembre (par le vicaire général Grimaldi), des anniversaires de cette cérémonie (en 1810, 12 et 13 par l'évêque qui rappelle « le couronnement », en 9 par lui qui ne parle que de l'anniversaire d'Austerlitz, en 7 par lui qui n'indique pas pourquoi, et en 11 par un simple prêtre qui garde le même silence), ainsi qu'à l'occasion du second mariage de Napoléon (par l'évêque qui n'indique pas pourquoi) et de la naissance du roi de Rome (par Gri¬ maldi qui observe le même silence). Et les deux passages de Pie VII captif : si en 1809 il n'est pas autorisé à venir à Sainte-Réparate, en 1814 les cloches annoncent à midi qu'il va revoir Nice. Colonna et deux évêques des Etats de l'Eglise, déportés ici par l'empereur pour refus de serment, vont à sa rencontre, ainsi que le chapitre en chapes, le pape entre à la cathédrale, y prie et y assiste à la bénédiction du Saint-Sacrement donnée par Colonna, puis loge, comme en 9, à la préfecture où il célébra la messe, le lendemain, devant un de nos chanoines et un des pré¬ lats exilés, puis reçut le chef de notre diocèse et son chapitre. Comment ne pas faire allusion ici à ce que, lors du concile « impérial » de 1811, si Colonna y alla et logea chez son ami le car¬ dinal Fesch dont Napoléon avait « agréé » qu'il en fût le président, il observa ce qu'un de ses vicaires généraux du régime sarde appela « une attitude tout apostolique » et refusa de voter pour César contre Pierre ? Fesch avait en 10 demandé vainement qu'il fût nommé archevêque de Florence; l'empereur se défiait déjà de l'indépendance d'esprit de notre évêque. D'autre part, il convient de retenir certains baptêmes. Ceux que Colonna donna à une fille d'un chef d'escadron de gendarmerie en 1805 (le parrain étant le préfet « Debouchage », comme il l'appela) et à un juif livournais, la même année. Ceux que les chanoines curés confé¬ rèrent en 1805 à une fille d'un capitaine du génie (le parrain étant l'abbé Bossut, membre de l'Institut, examinateur à l'Ecole polytechnique, jadis collaborateur de l'Encyclopédie), à un juif messin, à Eugène Spitalieri de Cessole, qui devint sénateur à Nice, en 6 à Marguerite Galli, fille d'un membre du Corps législatif marié avec une Masséna, en 8 à Frédéric Garnier, fils du géné¬ ral de division qui avait, sous la République, signé à des conditions si honorables la capitulation de Rome, à Thomas Spitalieri, en 9 à Victoire Galli, en 10 à Joseph Spitalieri, en 11 à Rosalie Novaro (la marraine étant la comtesse Miollis, femme du général) et à Pie-Pierre Roissard, en (1) Ce port de la décoration sur les ornements pontificaux peut surprendre. Mais regardez avec attention la toile où David peignit le « sacre » de Napoléon 1er. Le cardinal légat Caprara, à qui l'empereur avait remis « la grande étoile » le dimanche 15 juillet, lors de la fête nationale, encore célébrée, de la prise de la Bastille en 1789, est debout à la droite de Pie VII et, s'il ne porte que la calotte cardinalice (le cardinal diacre Braschi portant la mitre), il a au cou, comme s'il était « commandant » de la Légion d'Honneur, le ruban de l'ordre dont il est grand-officier. Sa croix pectorale d'archevêque de Milan est au-dessous de l'étoile. Inversement, sur lés portraits de Fesch, le « grand aumônier » et archevêque de Lyon porte, mais non en vêtements pontificaux, le sautoir de la Légion d'Honneur au- dessous de sa croix pectorale. 148 13 à Victoire Salvi (le parrain est Prosper Masséna, comte d'Essling, aide-de-camp de son père le maréchal, et la marraine, une sœur de cet officier), et en 14, janvier, à une Mieulle que le pré¬ fet et sa femme tiennent sur les fonts. Enfin le baptême que le grand vicaire Grimaldi admi¬ nistre en 5 à un fils du général Partouneaux. Parmi les mariages, celui, que Grimaldi bénit en 1804, d'Hilarion Spitalieri de Cessole, qui présidera le sénat de Nice sous le régime sarde, et de Marie-Thérèse Peyre de Châteauneuf; et celui de Jules Focardi, frère du second mari de la veuve de Mirabeau, avec Delphine Ton- duti en 6. Parmi les funérailles, celles du vicaire général Rossi en 12 ; c'est en vain que Colonna d'Istria avait demandé au cardinal Fesch d'obtenir qu'il devînt évêque. N'oubliez pas quelques détails relatifs aux processions de la cathédrale. En 1804, juin, Colonna décide qu'elles auront lieu selon le règlement d'il y avait 60 ans. La croix de Sain- te-Réparate, celle de la confrérie du Gonfalon; puis les confréries des saints « Crispin » (les cordonniers), Isidore (les cultivateurs), Antoine (les portefaix), des Quatre saints couronnés (les maçons), de saint Eloi (les ferronniers), de sainte Catherine (les tisserands), des saints Pierre (les pêcheurs), Joseph, Martin (les meuniers), Honoré (les boulangers), de la Nativité de Marie ; enfin, le clergé. En 6, juin, il interdit « d'habiller en anges ou religieuses ou avec tout autre travestissement les enfants que l'on conduit à l'église et aux processions qui auront lieu le jour de la fête du Saint-Sacrement et pendant l'octave ». Et, pour les sermons, le fait qu'en 1806 Portalis, ministre des Cultes, invite l'évêque, sur la demande des marguilliers de Sainte-Réparate et avec l'assentiment de Napoléon, à faire prêcher en italien et en niçois, mais à se procurer le plus tôt possible des prédicateurs qui par¬ leront en français. Nous ne saurions à ce sujet omettre, non sans indiquer ce qu'elle a d'incertain, la tra¬ dition d'après laquelle Colonna aurait été mystifié par l'escroc Anthelme Collet de qui Balzac fit l'un de ses héros. Est-il vrai que ce bandit se soit camouflé en un prétendu cousin de Napo¬ léon et fait passer pour un soi-disant « évêque de Manfredonia », alors que le dernier archevê¬ que de Siponto et Manfredonia, mort en 1809, n'eut de successeur qu'en 18 ? qu'il ait annoncé sa visite à Colonna, logé à l'évêché, officié à la cathédrale, conféré les ordres « à 33 ecclésiasti¬ ques », prêché un sermon de Bourdaloue qu'il avait appris par cœur dans la bibliothèque de l'évêché ? M. l'abbé Ledru a étudié en 1922 ce qui concerne cet escroc. Notre savant ami M. Labande, membre de l'Institut, conservateur des Archives du Pa¬ lais de Monaco, a indiqué P) que, en 1805, le curé de cette ville, qui faisait partie de notre dépar¬ tement, enleva de la chapelle de l'immeuble ci-devant seigneurial 2 statues de marbre repré¬ sentant saint Honoré et sainte Dévote. « Il voulait en orner la cathédrale de Nice avec l'assen¬ timent du préfet Dubouchage. Mais la population monégasque s'y opposa. Elles furent, en octo¬ bre, transférées en la paroissiale Saint-Nicolas ». En 1805, le 6 février, 2 marguilliers de la cathédrale (Masseille et Joseph Torrini) écri¬ vent au maire Romey qu'ils lui ont, « plusieurs fois, exposé l'état du dôme ». Ils assurent qu'il est « de la plus grande urgence qu'il soit réparé, si l'on veut éviter les événements les plus f⬠cheux ». Us craignent que, « lorsque les dommages seront plus considérables, les frais ne soient (1) Inventaires du palais de Monaco, 1918, p.OCXXX. 149 immenses. Le couvert est percé. Ï1 pleut dans plusieurs chapelles. Le logement, qui n'a ni fenê¬ tres ni pavé, de M. le curé est inhabitable. Le Conseil du Département a fixé 5.000 fr. pour les besoins de la cathédrale et 600 fr. pour la réparation du dôme ». Mais, comment cette somme peut être « recouvrable » et à quelle autorité il sied de la « réclamer », ils l'ignorent. Aussi prient-ils Romey « d'avoir la complaisance de nous honorer de vos conseils ». * * * B. — Régime sarde jusqu'en 1860. Le traité de Paris du 30 mai, accepté par Louis XVIII, rend Nice à la Maison de Savoie. Dès le 17, l'évêque annonçait à son clergé que la paix était rétablie, que « l'auguste Victor-Em¬ manuel Ier » remontait « sur le trône de ses aïeux (il rentra de Sardaigne à Turin le 20) et qu'un Te Deum serait chanté le 22 en l'honneur d'un souverain « qui descend du bienheureux duc Amédée IX et a les admirables qualités des Amédée, des Philibert, des Victor, des Charles ». Le 1er janvier suivant, il prescrit de célébrer les fêtes que le Saint-Siège avait concédées au royaume de Sardaigne. Le 20 novembre, le roi constitue la province du Nizzardo. En 17, l'évêché devient suffragant de Gênes. En 1834, le 6 janvier, pour la dernière fois, les Niçois voient un de leurs évêques venir prendre possession de la cathédrale selon le pittoresque cérémonial de jadis. Le comte de Can- claux, consul de France à Nice, écrit qu'il lui est « impossible de donner une idée de ce beau spectacle ». Galvano, qui n'était que dans sa 34e année, arrive de la place Victor (aujourd'hui Garibaldi) sur un cheval blanc — on n'avait pu se procurer une mule blanche — couvert de soie blanche. Tel, le pape Pie VI, lorsque, pour la dernière fois, un chef de l'Eglise avait pris pos¬ session de sa cathédrale Saint-Jean-de-Latran. Vêtu de ses ornements épiscopaux, mitre en tête, crosse en main, le très jeune prélat est sous le dais que dressent 6 « jeunes abbés » et dont les cordons sont tenus par les 3 consuls « en costume espagnol » et par 3 des conseillers muni¬ cipaux. Parmi les cérémonies officielles, l'évêque Colonna chante des Te Deum en 21, 15 avril, après la messe des Rameaux, pour la fin de l'insurrection d'Alexandrie et Turin du 13 mars et le fait que Victor-Emmanuel 1er, ayant abdiqué ce jour-là, sa femme et deux de leurs filles s'é¬ taient retirées ici au palais royal d'alors (l'ancienne préfecture impériale de la rue Saint-Fran- çois-de-Paule) ; en 23, octobre, pour l'exaltation de Léon XII; en 24, 6 avril, pour l'anniversaire de la naissance du roi Charles-Félix (nous ne parlons que de celui-ci parce que l'abbé Bonifaci, apprenant que le sénat, le gouverneur et les trois consuls avaient assisté « au sermon », jugea bon d'écrire que « cela respirait un je ne sais quoi d'esprit français ». En 29, 19 mars, pour l'exaltation de Pie VIII. Il célèbre des Requiem en 19, le 13 novembre, pour le ci-devant roi Charles-Emma¬ nuel IV, abdicataire; pour son frère, également abdicataire, Victor-Emmanuel Tr, en 24, les 17 et 18 février (et Bonifaci de s'indigner de ce que les préparatifs avaient empêché, « vrai scan¬ dale », d'officier le 15 à Sainte-Réparate) ; en 29, 10 mars, pour le pape Léon XII; en 31, les 15 et 16 juin, pour le roi Charles-Félix. En 21, le 21 avril, samedi saint, Colonna d'Istria, qu'entourait le chapitre, reçoit les Reali qui viennent faire leurs pâques; les 22 et 23, il officie devant eux. Aussi ne manque-t-il pas, le 150 11 octobre, de glorifier « ie sublime spectacle » de l'abdication de Victor-Emmanuel et l'avè¬ nement de son frère Charles-Félix. En 26, octobre, il permet, en vue de la prochaine visite de celui-ci et de sa femme, de construire une tribune dans la cathédrale pour les réparations de laquelle ce roi avait, en 23, janvier, alloué 4.000 liv. Le pavement en marbre de l'édifice est terminé à temps; il avait coûté environ 6.000 liv., fournies par des aumônes. Les souverains arri¬ vent le 8 novembre; l'évêque bénit, le 12, à cette occasion, 3 mariages; le jour de Noël, il officie devant les Reali. En 29, novembre, ils reviennent à Nice. Le 4, pour la fête onomastique du roi, il célèbre la messe en leur présence. D'autre part, Colonna d'Istria baptise en 18, février, un fils du premier consul Agapet Caissotti, comte de Roubion (la ville est sa marraine) ; en 2, septembre, un du second consul et en 28, juillet, une fille du marquis Milliet de Fa verges, commandant de la division : notez que ces deux enfants, étant filleuls de la ville, reçoivent le prénom de Nicaea. En outre, divers convertis : en 17, novembre, un juif de Livourne, en 18, mai, un de Cherasco, en 24, janvier, deux de Turin, en juin, un musulman de Corinthe, en 26, avril, un juif de Cherasco, en 28, mars, un de Salone, en juin, un de Nice, en 33, février, un de Londres, une juive de Nice et une fille de celle-ci. Ces trois néophytes ont pour parrain le général Morra de Lavriano, commandant de la division, et pour marraine la comtesse de Sain te-Agathe; les autres avaient été filleuls des prieurs de la confrérie du Saint-Sépulcre, autrement dit, des Pénitents bleus. Il bénit un ma¬ riage en 18, à l'occasion de la Sainte-Réparate,un en 20, septembre, et, en 29, mai, celui de deux Français, un chef d'e bureau de la préfecture de Vaucluse et la fille d'un capitaine d'infanterie légère. Parmi les parrains et marraines de divers enfants, vous retiendrez au moins le roi Char¬ les-Félix et sa femme (en 29, décembre, où un fils d'un de leurs serviteurs est leur filleul, et 30, mars, où une fille du capitaine de carabiniers Frédéric Lovera de Marie est leur filleule), le comte Alexandre Thaon de Revel, chevalier de l'Annonciade (en 17, septembre), l'un des pre¬ miers écuyers de Sa Majesté, le marquis Charles Thaon de Saint-André (en 21, septembre), les premiers présidents de notre sénat Cambiaso (en 17, novembre) et le comte de Cessole Hilarion Spitalieri (en 25, décembre), les commandants de la division Roero di San Severino (en 27, fé¬ vrier) et le marquis Millet de Faverges (en décembre), le ministre des Finances, le marquis Raggi (en 28, décembre), et celui des Affaires étrangères, Sallier, comte de La Tour (en 29, oc¬ tobre), lord Dudley Stuart et sa femme Christine-iEgypta Bonaparte, née du premier lit de Lucien (en 30, mars, pour un fils, qui reçoit les prénoms de Lucien-Napoléon, de l'avocat Pierre Camous), le major général Gaétan Tonduti de L'Escarène (en 33, janvier, pour un enfant qui devait commander en second le navire amiral Re d'Itaha et y trouver une mort glorieuse en 66 à la bataille de Lissa, Gustave Alziari, fils du comte de Malaussène Clément). Parmi les mariages, remarquez en 31, 26 juin, celui, qu'un de nos chanoines bénit, de Vercellana, tambour-major du régiment d'Acqui, et d'une Grilio, qui légitiment ainsi quatre enfants naturels qu'ils avaient eus. Or il leur naquit ici, une fille, Rose, qui, baptisée en la pa¬ roissiale Saint-Jacques, fut célèbre par sa beauté et devint, avec titre de comtesse de Mira- fiori et Fontanafredda, l'épouse morganatique de Victor-Emmanuel II, veuf d'Adélaïde d'Au¬ triche. (1) Il est singulier de lire, au registre des baptêmes de 34, sous la date du 4 mai (Marie-Christine, veuve du roi Charles-Félix, et le roi Charles-Albert étaient représentés comme marraine et parrain) : « S. R. M. Carolus Albertus et Maria Christina, istius uxor ». Le prêtre a oublié que la femme du souverain régnant était prénommée Marie-Thé¬ rèse. Et que vient faire l'étrange démonstratif iste 1 151 Parmi les obsèques, celles (29, octobre) de Massa qui avait été le second des commissai¬ res centraux du Directoire près notre département et s'était signalé par un ardent anticatho¬ licisme. Le vieillard de 88 ans se réconcilie, peu avant de mourir, avec l'Eglise par l'entremise du chanoine curé Doneudi, reçoit les sacrements et le charge d'examiner sa bibliothèque et d'y détruire tout livre qui serait, dit l'abbé Bonifaci, « contraire à la religion, aux bonnes mœurs et à la tranquillité sociale ». Telle fut la fin pieuse de ce correspondant de l'Institut de France, « fameux pour son déisme et son fanatisme révolutionnaire », surnommé en 1798 le traqueur des croix (« Levo Crous »). En 24, le 21 juin, la municipalité déclare nécessaire d'établir, de¬ vant la cathédrale, la place que l'intendant Charles-Louis Rossetti, « un amatore délia pa- tria », avait reconnue si utile que, laissant par son testament de 1783, juillet, tous ses biens à notre ville à compter du jour où sa femme, qui en serait usufruitière, aurait cessé de vivre, il avait demandé qu'on travaillât au plus vite à établir ce dégagement et à raser les maisons qui faisaient de si près vis-à-vis à Sainte-Réparate. En 28, septembre, « on remet, ce qui coûta 500 fr., la croix sur le clocher ». Faut-il supposer qu'elle ait été enlevée sous la Révolution et que les autorités se soient si peu pressées de la replacer ? Sous l'épiscopat de Galvano, le roi Charles-Albert vient à Nice en 1836, avril. La publi¬ cation récente de son journal de voyage (écrit en français), est une des curiosités de l'ouvrage intitulé Studi Carlo-Albertini que la Société pour l'Histoire du « Risorgimento italiano » a fait paraître à Turin en 1933. Le souverain arrive de Vintimille le mardi 12. L'évêque et le chapitre l'attendent au bas de l'escalier du palais royal. Il est reçu, le lendemain, par Charles-Albert, à qui il adresse une harangue et présente le clergé. Le dimanche 17, 2e après Pâques, le roi vient à Sainte-Réparate, à pied, cela va de soi. « Toutes les rues étaient tellement encombrées de monde que l'intendant ne pouvait rester à côté de moi ». Le service des gardes du corps est fait par la garde locale d'honneur,« habillée avec la plus grande élégance », sous les ordres de 60 officiers que commande le général Gaétan Tonduti de L'Escarène. « Lorsque je montai dans le chœur, je fus étonné de ne pas y trouver mon prie-Dieu à la place ordinaire, et suffoqué de le voir sur la droite, placé devant un trône sur lequel on ne parvenait que par 3 marches. Un immense baldaquin le couvrait ». Galvano officie « en grande pompe, ce qui dura plus d'une demi-heure ». Vraiment c'est peu pour une cérémonie que le souverain déclare si pompeuse. S'il a trouvé le temps si démesuré, c'est que « je présentai, durant toutes ces minutes, mon tris¬ te profil à la foule immense qui faisait de cette église une étuve » et qu'une musique « d'ama¬ teurs ne cessa point de charmer les oreilles des assistants ». Les siennes, on peut en douter ; quant à son « triste profil », le roi sait qu'il est laid et que, malgré ses 37 ans, ses cheveux sont blancs. « Ces amateurs avaient dû croire que l'évêque ajouterait, en mon honneur, beaucoup de cérémonies et de prières à celles qu'il fit. On m'a en effet assuré qu'ils avaient apporté 35 morceaux de musique (1). La cathédrale de Nice est fort ordinaire et m'a paru très sale ». Le soir, Galvano est du nombre des invités qui dînent avec lui. Le 20, le roi, qui déclare qu'il est « d'un grand mérite », lui fait remettre la cravate de commandeur des Saints-Maurice-et-La- zare et 10 milliers de « francs » pour les indigents, non sans nommer chevaliers de cet ordre le vicaire général Guiglia et l'abbé Eugène Spitalieri de Cessole. Le dimanche 24, veille de son départ, Charles-Albert entend la messe à Sainte-Réparate où il est reçu par l'évêque, sur le seuil, comme la première fois. « Encore plus de monde; une chaleur si excessive que diverses personnes se trouvèrent mal ». Qu'il y ait eu une nouvelle audition des amateurs, son journal ne le dit pas. (1) La comptabilité communale montre que, pour les cérémonies religieuses des 17 et 24, il fut payé 317 liv. « pour les morceaux de musique » et 300 « au premier violon du théâtre ». 152 En 45, octobre, 6 des chanoines reçoivent, à l'entrée de la cathédrale, le 2, les infants d'Espagne Ferdinand et Jean, fils du premier lit de celui qu'ils appellent, ainsi que le gouverne¬ ment sarde (hostile à la jeune reine Isabelle, majeure depuis 43 où elle eut 13 ans révolus), « Sa Majesté catholique don Carlos V » (1). Les princes à qui Charles-Albert avait donné un rang dans son armée, venaient de Gênes pour attendre leur père. Celui-ci, que le gouvernement français avait interné à Bourges, puis relâché, arrive à Nice, le 5, pour se rendre à Palerme. L'évêque, le chapitre et le comte Rodolphe de Maistre, gouverneur général de la division de Nice, reçoi¬ vent à Sainte-Réparate, le lendemain, le prince qu'un des registres de la cathédrale appelle « S.M. le roi d'Espagne » et sa seconde femme (sa ci-devant belle-sœur) qui viennent assister, à l'occasion de la fête du Rosaire, à la grand'messe. Notre consul à Nice, le vieux marquis de Châteaugiron, qui descendait de Descartes, signale ces honneurs à Paris et insiste sur ce que les autorités en avaient rendu beaucoup moins « à notre infortunée princesse Marie, quand elle traversa la ville » pour aller à Pise où la jeune duchesse de Wurtemberg était morte en 39. De ces mots on peut conclure que la seconde fille de Louis-Philippe peut être entrée, comme une touriste quelconque, dans cette église et que, en raison de son goût pour les beaux-arts, surtout pour l'architecture, elle a pu penser, comme le roi de Sardaigne : « Monument fort ordinaire », notamment en comparaison avec Notre-Dame de Paris. En 47, avril, l'infant d'Espagne Henri, duc de Séville, frère cadet du mari de la reine Isabelle II, voyage sous le nom de comte de Alcolea et se flatte d'être marié à Sainte-Réparate avec la comtesse de Castelvi par Galvano. Celui-ci refuse. Le prince, écrit notre consul, est d'abord surpris, puis irrité, et part pour Rome en décla¬ rant que, « si Sa Sainteté n'est pas plus accommodante, il prendra un parti désespéré ». Parmi les cérémonies officielles, noter le Te Deum chanté par l'évêque en 48, 18 février, pour la création d'un gouvernement représentatif. Et plusieurs Requiem. Pour son prédécesseur, mort à Rome, en 35, juin, où il officie, l'abbé de Saint-Pons Eugène de Cessole prononçant l'o¬ raison funèbre; pour les « victimes milanaises », en 48, février, où n'assiste ni Galvano ni le comte de Maistre, ni la municipalité; pour les victimes de nos journées de juin de Paris, en juillet, où l'évêque officie (un prêtre français prononce l'oraison funèbre et, comme l'archevêque Affre avait été la victime la plus en vue, le catafalque porte ses insignes et ses dernières pa¬ roles) ; pour la ci-devant reine Marie-Christine, veuve de Charles-Félix, et pour Charles-Albert, qui avait abdiqué après le désastre de Novare, en 49; un deuxième Requiem pour Colonna d'Is- tria, dont les restes venaient d'être ramenés de Rome par mer, en 53, août, et inhumés dans la cathédrale (Galvano prononce son éloge) ; et, en 55, le 31 janvier, pour la reine mère Marie- Thérèse (il préside la cérémonie), le 3 février pour la reine Adélaïde (il prononce son oraison funèbre), et, le 28, pour le duc de Gênes, frère cadet du roi. L'évêque use surtout de sa chapelle privée pour les baptêmes et bénédictions nuptiales qu'il administre. A Sainte-Réparate, il donne l'eau sainte, en 34, décembre, et 36, novembre, à deux filles du sénateur Juvénal Bonino, comte de Robassomero (la première a pour parrain un gouverneur général, marquis Pes de Villamarina, et la seconde, un parent de celui-ci, le comte Del Campo, major général) ; en 39, mai, à Charles-Albert de Gerbaix de Sonnaz, fils du major général Hector (parrain, le roi, représenté par le comte Rodolphe de Maistre) ; en décembre, à un juif originaire des Etats de l'Eglise. Il marie à la cathédrale, en 41, mars, le colonel espagnol en retraite Vincent Quesada (1) Le roi de Sardaigne avait toujours eu des sympathies pour le prétendant « Carlos V » et vu dans la régente Marie-Christine, mère d'Isabelle II, comme une personnification des idées révolutionnaires. Pour lui, Carlos aurait dû légitimement succéder à Ferdinand VII. 163 Canaverai comte de Benaiva, avec Marie-Conception de Bassecourt, fille du marquis Denis, qui, major général espagnol, ancien ambassadeur d'Espagne à Naples, avait été curieusement dé¬ peint par Charles-Albert, en 36, dans le journal de son voyage. Grégoire XVI ayant béatifié en 38 le comte de Savoie Humbert III et Boniface de Sa¬ voie, archevêque de Cantobéry, Galvano institue un triduum en 39, juin; il officie le premier jour, assiste aux cérémonies du lendemain et charge Vecino, évêque de Lérida, « exilé par les révolutionnaires espagnols » et retiré à Nice chez les Jésuites, d'officier le troisième jour. Il préside les obsèques de ce prélat en 44, fécrier, et de Tonari, patriarche d'Antioche, en 53, décembre; tous deux furent inhumés dans le caveau épiscopal, devant le maître autel. Il convient de ne pas oublier un détail historique, peu connu, croyons-nous, que S. Exc. M. Benito Mussolini mentionna, dans un discours prononcé en 1929, mai, à la Chambre des Députés, à propos de la situation où Pie IX se trouvait après avoir dû fuir de Rome en 1848. « La République française lui proposait un asile qu'elle ne déterminait pas. Le conseil général du Vaucluse lui ouvrait Avignon. Charles-Albert lui offrait Nice par l'intermédiaire de l'évêque de Savone et d'un autre prélat ». Le pape préféra rester dans le royaume des Deux-Siciles où il s'était réfugié. S'il avait accepté la proposition du roi de Sardaigne, c'est dans notre ville qu'il aurait attendu la chûte de la République romaine, de Garibaldi (*) et de Mazzini. Les Niçois auraient vu le successeur de saint Pierre prier devant ce maître autel au pied duquel Pie VII s'était agenouillé, non en 1809, mais en 1814. Galvano aurait reçu le chef de l'Eglise. Parmi les baptêmes administrés sous son épiscopat, retenir un que l'évêque de Bards- town (Etats-Unis), Plaget, confère en 39, mars; ceux de Xavière-Joséphine-Ignatie de Maistre, fille du comte Rodolphe (38, avril), de Mathilde de Bassecourt, fille du marquis Denis (juillet), d'un fils du comte de Maistre (41, février). Parmi les mariages, celui du baron de Bellet Jean- Baptiste et de Pauline Durante (35, novembre). N'oubliez pas un triduum célébré en 37, septembre, à cause du choléra qui sévissait à San Remo. L'épidémie vint ici et causa 14 décès dans la population de la paroisse cathédrale. Et les incidents de la procession de la Fête-Dieu en 49. D'après un journal local, l'évêque veut que le syndic et des conseillers portent les bâtons du dais. Ils répondent qu'ils se borneront à en tenir les cordons et que, s'il n'accepte pas, ils ne paraîtront pas, ni la garde nationale, à la cérémonie. Il cède. D'autre part, la cour d'appel, substituée depuis peu au sénat, ne sait comment y assister. Ses membres se découvrent « dans la cathédrale avec hésitation et embarras », puis remettent leurs toques, excepté les présidents, dès qu'on est dans la rue. Il fallut écrire à Turin et demander ce qui serait observé dans la suite. Durant la vacance du siège, un Te Deum est chanté par le vicaire capitulaire, en 55, septembre, à la nouvelle de la prise de la tour de Malakoff près de Sébastopol. Des troupes sar¬ des étaient jointes aux turques et aux armées française et britannique dans la guerre de Cri¬ mée. Victor-Emmanuel II vient à Nice, en 57, janvier. Le dimanche 25, il se rend & la cathé¬ drale et y assiste, à 8 h. et demie, à une messe basse, dite par le vicaire capitulaire Guiglia qu'il (1) De tous les bateaux qui ont pu porter le nom de sainte Réparate, un mérite de ne pas être oublié. La tartane sur laquelle « mestre Domeneghe Garibaldi, marié ici avec une Savoisienne, sillonnait vaillamment tous les recoins de la mer ligurienne et taisait flotter partout avec honneur le pavillon du pays natal », comme l'écrivit Victor Emanuel, « tandis que Signa Rosa élevait cinq enfants, dont l'un devait rendre si célèbre cette modeste famille de caboteurs. Le Jeune Pépin, né en 1807, grimpait souvent aux cordages de la tartane paternelle ». 154 homina, âvant de partir, officier des Saints-Maurice-et-Lazare. Ses fils Humbert et Àmédée, futurs rois d'Italie et d'Espagne, viennent ici en septembre et, s'ils entendent la messe, le ven¬ dredi 11, à Sainte-Réparate, c'est en l'église du Port que, le surlendemain, ils l'entendirent. Sola, sacré en 58, janvier, à Rome, dans l'église des Saints-Apôtres, par le cardinal préfet de la Congrégation du Concile, entre à Nice, à pied, en portant « le chapeau vert ». Il chante, en 59, juin, pour la victoire de Magenta, un Te Deum auquel notre consul assiste. Il conduit, en 60, février, à la cathédrale le convoi funèbre d'une cousine de l'impératrice José¬ phine, la grande-duchesse douairière de Bade Stéphanie (1), décédée sur la paroisse Saint-Etien¬ ne. En juin, il préside, le 4, un Requiem que notre 90' d'infanterie faisait chanter pour ses morts de Magenta et, quelques jours après, la procession de la Fête-Dieu qu'escortaient à la fois des carabiniers sardes et des soldats français. En 58, septembre, le chapitre lui avait demandé de le « défendre contre les insultes quotidiennes du journal II Nizzardo, dirigé et rédigé par des per¬ sonnes qui fréquentent la société de Votre Grandeur ». * $ * C. — Régime français depuis 1860. Le 14 juin, le circondario di Nizza est réuni à la France en vertu des conditions stipu¬ lées dans le traité de Turin du 24 mars. Le soir, l'évêque, qui avait, avec ses deux vicaires géné¬ raux et les deux premières dignités du chapitre assisté à la remise du territoire, chante un Te Deum. Les chanoines ne reçoivent pas les autorités à la porte, « l'usage étant, ainsi que nous le savons par le chapitre d'Aix », dit une de leurs délibérations, « qu'ils ne se dérangent pas en France en pareil cas ». Quand Napoléon III et Eugénie viennent à Nice en septembre, ils ne se rendent pas à la cathédrale. Sola est alors promu officier de la Légion d'Honneur et son premier vicaire géné¬ ral, nommé chevalier. En 64, octobre, lors de leur second voyage à Nice, les souverains ne vien¬ nent pas à Sainte-Réparate. En juillet, l'évêque de Fréjus et Toulon avait, en qualité de délégué de la nonciature, publié enfin dans notre cathédrale la bulle de juillet 61 par laquelle Pie IX rattachait notre diocèse à la métropole d'Aix; l'empereur l'avait fait, de son côté, en août 62, et l'archevêque d'Aix avait, en octobre suivant, apporté la bulle en France. Sola préside surtout des Requiem. En 60, 10 juillet, pour le ci-devant roi de Westphalie Jérôme, oncle de Napoléon III; en 70, 20 octobre, pour ceux de nos soldats qui avaient déjà péri à la guerre; en 71, janvier, pour nos troupes « de l'armée des Vosges ». Il préside en 68, mars, les funérailles de l'ex-roi de Bavière Louis 1er dont un vicaire de Sainte-Réparate, sans doute ému de la beauté de la cérémonie, écrivit au registre, par une piquante inadvertance, qu'il était mort « le 31 février ». Cette date est une rareté. Il marie en 74, janvier, le comte Fran¬ çois-Ignace de Maistre, fils du feu comte Rodolphe, avec Roseline de Villeneuve-Bargemon, fille du marquis Raymond, préfet des Alpes-Maritimes. (1) Née Tascher de La Pagerie. 155 On aimera, croyons-nous, à connaître une partie d'une lettre inédite de l'historien niçois Jean-Baptiste Toselli, qui l'adressa, comme « trésorier de la cathédrale », en 1869, au doyen du chapitre. Elle donne une singulière idée des alentours de l'édifice (1). « La fabrique vient d'obtenir du gouvernement une somme pour faire arranger con¬ venablement la porte d'entrée du côté de la rue Colonna d'Istria. Près de cette porte, le chapi¬ tre possède une petite maison dont l'entrée, qui ouvre dans cette rue, aboutit presque sur celle de la cathédrale et sert de boutique à un savetier. Ce n'est pas très convenable pour un en¬ droit qui doit être tenu proprement et avec toute la décence possible. Le conseil de fabrique voudrait obvier à cet inconvénient et à celui du canal des eaux sales, autrement dit de la latri- ne, de cette maison. Il donne de l'humidité dans l'église. La fabrique a été, diverses fois, obligée de réparer la maçonnerie. Elle vient d'apprendre que le bail passé avec ce savetier est à renou¬ veler. Elle me charge de vous proposer de lui céder cette maison à bail, aux mêmes conditions. Les fabriciens se chargeraient de toutes les réparations nécessaires, soit pour l'extérieur de la porte, soit pour l'intérieur de la maison du très révérend chapitre. Ainsi l'église n'aurait plus cette humidité qui détériore les murs mitoyens. Il y va du décorum de l'entrée de la cathédrale, qui doit inspirer aux passants du respect (sic) plutôt que de l'irrévérence ». Quand Sola s'est retiré en 77, à la suite d'un différend avec le métropolitain, son succes¬ seur, Balaïn, fait son entrée à Nice, en partant de l'église Notre-Dame. Il préside en 82, janvier, les obsèques de son prédécesseur. Puis l'inauguration en 85, juin, du monument élevé à Sola par les Niçois; le chanoine Kayser, ancien secrétaire du défunt, prononce son éloge. Enfin, en 94, juin, un Requiem pour le président Carnot (2). Lorsqu'il a été promu en 96, mai, à l'archevêché d'Auch, son successeur, Mgr Chapon, ancien secrétaire de Dupanloup, fait son entrée en octobre, partant comme lui de Notre-Dame. Il préside en 99, février, un Requiem pour le président Faure et marie, en 1900, juillet, Senné- Desjardins, chef de cabinet du préfet Granet, avec la belle-fille de celui-ci. On sait que le prési¬ dent Deschanel lui remit, en 20, avril, la croix de chevalier de la Légion d'Honneur que le prélat avait, en 1901, janvier, refusé, « vu les circonstances », d'accepter du cabinet Waldeck-Rous- seau. Mais, comme l'a dit Mgr Julien en rendant hommage à sa mémoire, « il avait, au début de la guerre mondiale, répondu avec plus de spontanéité que personne à l'appel du chef de l'Etat, à l'union sacrée, le rêve qu'il caressait depuis le début de son épiscopat et auquel il avait aspiré dans la familiarité de Dupanloup... Il multiplia ses initiatives religieuses et patriotiques, publia un article retentissant dont M. le président Poincaré le remercia, fut l'aumônier de l'hôpital des contagieux à Nice... C'est donc presque au titre militaire que le président Deschanel le décora ». On sait, d'autre part, que Benoît XV le nomma en 21, août, assistant au trône ponti¬ fical, et que Mgr Chapon voulut être inhumé dans un caveau préparé sous la chapelle du Sacré- Cœur de sa cathédrale. M. l'abbé Ricard, chanoine théologal de Toulouse, avait été préconisé au titre de Marciana (3) en 23, octobre, pour être son auxiliaire. Mgr Chapon meurt en 25, le 14 décembre, à la villa Dupanloup. Le 21, ses obsèques, partant de Notre-Dame, ont lieu avec une (1) Nous modernisons ce que nous extrayons de cette lettre, dont le français est parfois (ce qui ne saurait surprendre) un peu incertain. (2) Signalons, à titre de simple curiosité, l'impression que la cathédrale produisit sur un écrivain mort à Antibes en 1896. « Du rococo italien, amusant à l'ceU », disait Paul Arène, « avec les stries exaspérées de ses piliers et les dorures de ses voûtes s'éclairant au reflet des cierges ». En revanche, un célèbre auteur de nos jours devait qualifier d'« admirable » cet édifice, n ne sied de reprocher son goût ni à l'un ni à l'autre. (3) Une ville de l'ancienne Lycle. 156 grande solennité; Mgr Rivière, archevêque d'Aix, chante la messe eh présence de l'archevêque de Claudiopolis, des évêques de Marseille, Fréjus, Digne, Monaco et Bariza, de l'abbé de Lérins, de représentants du cardinal archevêque de Lyon, primat des Gaules, et de l'évêque de Nantes (le défunt avait été chanoine titulaire de cette ville), du préfet, d'un représentant de S.A.S. le prince de Monaco Louis II, qui est général de brigade dans notre armée, et des diverses autorités du département et de la ville. Sur la volonté du prélat, aucun discours n'est prononcé. Le sou¬ venir de Mgr Chapon a été glorifié en février 26, lors du service de quarantaine, par Mgr Julien, évêque d'Arras et membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, et, l'année suivante, par M. le chanoine Renaud, aumônier du Collège Stanislas de Paris, à propos de l'inauguration du buste de l'illustre défunt qui avait choisi comme devise « La paix dans la justice et dans la charité » et dont S. Em. le cardinal Ceretti, prononce apostolique à Paris, ne pouvant venir à la cérémonie du 26, proclama dans une lettre à Mgr Ricard, « le grand caractère, le zèle ardent, l'amour passionné pour l'Eglise, la vive piété et la sainteté ». Mgr Ricard avait été sacré à Toulouse en décembre 23 et nommé administrateur apos¬ tolique du diocèse (Mgr Chapon étant considéré par le Saint-Siège, en raison de son état de santé, comme « légitimement absent ») en octobre 24. Transféré de Marciana, dont il était évêque titulaire, en 26, il fit son entrée, le 22 juin, en partant de l'église Saint-François-de- Paule, après que le chapitre eut entendu à Notre-Dame la lecture de ses bulles. « Je n'ai pas un olivier dans mes armes », avait-il dit aux chanoines, « car je ne peux prétendre porter la paix là où il n'y a pas de disputes, mais simplement une rose qui ne s'épanouit que dans les douces saisons ». A Sainte-Réparate, M. le chanoine Lottier, doyen du chapitre, appliqua à cette céré¬ monie le souvenir du jour où, « il y a un siècle, le roi Charles-Félix étant venu à Nice, nos pères firent graver sur une porte qui existe encore ces belles paroles : « Optimo... adventanti Nicae- enses portam et corda pandunt ». L'évêque célébra ensuite la messe en l'honneur du saint curé d'Ars dont le panégyrique fut pronocé, aux vêpres, par M. le chanoine Ponsard. Mgr Ricard mourut presque subitement, en octobre 29, à Laghet. Le dimanche 13, il avait béni à Saint-Jean-Baptiste le drapeau d'une société musicale, puis prononcé à la cathédrale l'homélie à l'occasion de la fête de Sainte-Réparate. Huit jours après, il cessa de vivre. Ses obsè¬ ques, partant, elles aussi, de Notre-Dame, furent d'autant plus solennelles que L.L. E.E. les car¬ dinaux archevêques de Lyon et de Besançon y présidèrent, entourés des archevêques de Tou¬ louse et de Claudiopolis, des évêques d'Ajaccio, de Digne, de Fréjus, de Gap, de Madaura, de Mo¬ naco, de Pamiers et de Rodez, de 4 prêtres qui représentaient l'archevêque d'Aix, le vicaire capi- tulaire de Paris et les évêques de Phocée et de Vintimille, de l'abbé de Lérins et de Mgr Chan- villard, ancien vicaire général des deux évêques de Nice défunts. S. Em. le cardinal Maurin, ar¬ chevêque de Lyon, chanta la messe en présence du préfet, du représentant du prince de Monaco, et des diverses autorités du département et de la ville. L'après-midi, le corps fut inhumé dans un caveau voisin de celui de Mgr Chapon. S. Exc. Mgr Paul Rémond, né à Salins (Jura) en 1873, 24 septembre, était évêque titulaire de Clysma 0) depuis 1921, avril, lorsqu'il fut, en 30, mai, transféré au siège de Nice. Il était aumônier du lycée de Besançon depuis 1906 et, en 1914, chanoine depuis mars, lorsqu'il fut, lors de la guerre qui allait devenir mondiale, mobilisé comme sous-lieutenant. Il la termina avec le grade de chef de bataillon, la croix de chevalier de la Légion d'Honneur, le ruban, (1) Un port de l'ancienne Egypte, dans ce qu'on appela, à l'époque byzantine, l'Arcadie, jadis relié au Nil par un canal qui, construit par Trajan, est mentionné dans une des œuvres de Lucien. Clysma serait, selon certains, l'en¬ droit d'où les Hébreux partirent pour traverser la mer Rouge. 157 chargé d'une palme et de 3 étoiles, de la croix de Guerre; étant commandant du cercle d'Eupen. Redevenu aumônier des lycées de Besançon, M. le chanoine Rémond, préconisé au siège de Clys- ma en 21, avril, et sacré à Besançon, dès mai, pour être aumônier général des troupes françai¬ ses du Rhin, de la Sarre et de la Syrie, le Saint-Siège ayant, sur la demande du gouvernement français, établi, pour notre armée d'occupation de la Rhénanie et les civils français de la Sarre, un « évêché militaire » en face de mitres allemandes (]). Devenu, à l'approche de notre éva¬ cuation anticipée, évêque de Nice, il partit de Saint-François-de-Paule, le 8 juillet, après être ar¬ rivé de Cannes en automobile. Depuis quelques jours, Mgr Germond, alors vicaire capi- tulaire, avait pris possession du siège en son nom, le chapitre ayant entendu à la cathé¬ drale la lecture des bulles par lesquelles S. S. Pie XI transférait à Nice l'aumônier général inspecteur de notre armée du Rhin et de Syrie, qui venait de quitter, le 30 juin, « ce beau et fier diocèse où, pour nos troupes d'occupation, l'évêque militaire », comme il le dit dans la chaire de Sainte-Réparate, « avait juridiction de Trêves à Mayence, de Lan¬ dau à Essen, en passant par Coblentz, Bonn, Cologne et Dùsseldorf ». La foule lui fit un accueil particulièrement respectueux et affectueux dont la presse locale signala l'enthousiasme. A Sainte-Réparate, M. le chanoine Lottier salua, dans le chœur, « le Bonus miles Patriae, qui, en 14, à l'appel de la Patrie en danger, avait revêtu son uniforme, pris le casque et repris son épée. Puis un décret de la Providence a changé votre casque en mitre et votre épée en crosse. Vous êtes devenu le Bonus miles Christi ». Monseigneur monta en chaire et dit notamment : « Comme père et comme chef, je marcherai, mes frères, à votre tête, au premier rang, au poste le plus exposé, s'il s'en trouve, à la place où est l'exemple et le don total de soi. Durant la guerre, quand je conduisais au feu les unités que j'ai eu l'honneur de commander, je n'ai point occupé d'autre poste. Dans le dio¬ cèse de Nice, je n'en veux pas connaître d'autre... Je vous appartiens... Comme les déserts de mon diocèse militaire de Syrie, dont je garde la charge, vos Alpes portent à la contemplation et rap¬ prochent de Dieu... Daigne la Providence réaliser l'union de tous les Français ». Parmi les prêtres qui l'accompagnèrent lors de cette cérémonie, on remarquait une ving¬ taine d'aumôniers militaires, notamment un grand mutilé de guerre, M. le chanoine Umbricht, qui, alors commandeur de la Légion d'Honneur, est aujourd'hui grand-officier et aumônier des lycées de Strasbourg. Mgr Rémond fut promu officier de la Légion d'Honneur peu après; en 31, janvier, il en reçut l'insigne, des mains du général Frantz, lors d'une prise d'armes, devant le monument com- mémoratif de la réunion de 1860 du circondario sarde de Nice à la France. « Spectacle peu ordij naire », comme l'écrivit notre ami M. le chanoine Théodore Giaume : « la remise de la rosette de l'ordre national à un évêque, par le commandant en chef des troupes du département, et cela, sur le front de celles-ci, devant les autorités civiles ». 168 (l) Spire et Trêves. CHAPITRE XV Les Évêques de Nice depuis le XVIe siècle<1) 1. — Jérôme de' Capitani d'Arsago. Elu d'Ivrée, il remplace en 1511 Augustin Ferrero, élu de Nice, qui avait été transféré à Verceil. L'un de ses premiers soucis semble avoir été d'amé¬ nager une nouvelle cathédrale, vu que les fortifications, dont le duc de Savoie Charles III entou¬ rait la ville supérieure, rendaient Notre-Dame du Château presque inaccessible et l'existence des hommes d'Eglise, très difficile. Ce n'est pas lui, mais le cardinal Boniface Ferrero, évêque d'Ivrée, qui bénit, en 21, 30 septembre, le mariage, célébré dans la ville inférieure, en l'église des Dominicains, du souverain et de l'infante de Portugal Béatrix. Il meurt en 42. 2. — Jérôme Capodiferro, dataire et nonce de Paul III en France, est désigné, le 6 fé¬ vrier, pour le remplacer, le Saint-Siège concédant à Denis Laurerius, cardinal de Saint-Marcel, le tiers des revenus de la mense épiscopale de Nice. Il résigne en 44, mai, sans être venu à Nice. 3. — Jean-Baptiste Provana de Leyni, protonotaire, chanoine trésorier de la cathédrale, gouverneur du prince de Piémont Emmanuel-Philibert, aumônier de la Cour, succède à Capo¬ diferro, devient en outre abbé d'Ambronay, et meurt en 48, laissant à la cathédrale Notre-Da¬ me divers objets, notamment « 9 tapis verts, dont l'un avait des animaux, un dessus d'autel blanc et rouge, 2 prophètes (sic) et un crucifix de bois ». 4. — François de Lambert, abréviateur des lettres apostoliques, lui succède en 49. Il assiste à l'hommage que les Niçois rendent au duc Emmanuel-Philibert en 59, au débarquement de sa femme, Marguerite, sœur du roi de France Henri II, en 60, et à plusieurs réunions du Concile de Trente de 62, janvier, à 63, décembre. Il meurt en 83, août, après avoir fait graver son épitaphe qui fut transférée de Notre-Dame devant le maître autel de Sainte-Réparate. 5. — Jean-Louis Pallavicini, des marquis de Ceva, ancien envoyé de Savoie à Rome, est transféré de Marsico Nuovo. Il reçoit en 85 le duc Charles-Emmanuel 1er et l'infante d'Es¬ pagne Catherine, fille de Philippe II, mariés à Saragosse par le cardinal Granvelle, archevê¬ que de Besançon, et en 95 le cardinal Albert d'Autriche, archevêque de Tolède et frère de l'em¬ pereur Rodolphe II, nommé gouverneur des Pays-Bas par le roi d'Espagne. C'est sous son épis- copat que le siège épiscopal est transféré en 90 de Notre-Dame à Sainte-Réparate. Il meurt en 98, en tournée pastorale, à Eze. (1) Vu le sujet limité qui fait l'objet de notre travail, nous ne parlons que des évêques qui songèrent à trans¬ férer le siège à Sainte-Réparate et de ceux qui ensuite employèrent l'ancienne église, puis la nouvelle, comme cathé¬ drale. Pour la période antérieure on voudra bien se reporter à l'étude d'ensemble qui figure dans l'Annuaire catho¬ lique des Alpes-Maritimes, fascicule de 1925. Le dernier Niçois qui ait été évêque de notre diocèse est Louis Badat, mort après 1446. 159 6. — François Rasino, dit Martinengo, cordelier, le remplace en 1600. Il était conseiller, confesseur et aumônier du duc de Savoie et l'avait représenté dans les Pays-Bas, à Paris, à Madrid et à Rome. Il pose la première pierre du couvent des Clarisses en 4, installe les Jésuites en 7, songe à agrandir la cathédrale, crée en 17 un canonicat pour le curé de cette église et meurt en 20, après avoir fait imprimer ses Constitutions synodales dont la lecture reste des plus intéressantes. 7. — Pierre Maletti, abbé de Saint-André de Verceil et chanoine régulier de Latran, le remplace en 22 et meurt en 31. 8. — Jacquemin Marenco, transféré de Saluces en 34. Il autorise les Visitandines à s'é¬ tablir à Nice et appuie en 39 le coup de main par lequel le cardinal Maurice de Savoie, révolté contre la régente Chrétienne, sa belle-sœur et sœur de Louis XIII, s'empare de notre ville et du château. Il meurt en 44, janvier. 9. — Didier Palletis, qui avait eu les mêmes titres que Maletti, est préconisé en décem¬ bre suivant sur la demande du cardinal Antoine Barberini. Il entreprend en 50 la reconstruc¬ tion complète de la cathédrale selon les plans du Niçois Jean-André Guiberto. Il approuve en 53 les dévotions dont l'église de Laghet devenait le siège. En 57, il pose la première pierre de la chapelle du Saint-Suaire et fait rebâtir à ses frais l'église de Cimiez. Il meurt en 58, septembre. 10. — Hyacinthe Solaro, des marquis Délia Chiusa et comtes de Moretta, le remplace en 59 et est transféré à Mondovi en 63. 11. — Diègue Délia Chiesa (le pape Benoît XV appartint à une branche collatérale de sa famille) lui succède en 65, bénit en 66 la cloche de la grande horloge municipale (la Santa Maria Maddalena qui est dans la tour que l'on construisit au XVII* siècle), consacre l'église de Cimiez en 67 et meurt en 69, peu après avoir béni le second couvent des Visitandines, Saint- François de Sales (où les Cessolines furent installées au siècle dernier). 12. — Henri Provana, des comtes de Leyni, carme, le remplace en 71. Il autorise les Théatins à s'établir à Nice, appelle à Laghet les Carmes déchaussés, bénit en 80 la chapelle du deuxième couvent des Visitandines et en 86 celui des Bernardines. Il meurt en 1706. 13. — Raimond Recrosio, barnabite, ne lui succède qu'en 27 et meurt en 32, en tour¬ née pastorale, à La Bollène. Son corps fut transféré, selon son désir, à Verceil, sa ville natale. La cause de sa béatification est introduite depuis 1805. 14. — Charles Cantono, vicaire général de Verceil, ne le remplace qu'en 41. Il meurt en 63, août. 15. — Jacques Astesan, dominicain, fils du premier président de Chambéry, lui succède en 64, pose en 65, février, la première pierre du couvent de Sainte-Croix, entrepris par la confré¬ rie du Gonfalon (1 ), en consacre la chapelle en 67, mai, est invité par l'archevêque d'Aix en 76 à venir en Provence pour y consacrer l'église de Saint-Maximin, et est transféré en 78 à l'arche¬ vêché d'Oristano en Sardaigne. (1) A la place de l'ancien couvent de Saint-François-de-Paule, dans ce qu'on appelait « l'isola Sant Agapito ». 160 16. — Charles Valperga de Maglione, aumônier du roi de Sardaigne Victor-Amédée III et directeur du collège des Provinces à Turin, le remplace en 80. Il bénit en 83 le cimetière nouvellement établi au château, est chassé en 92, septembre, par le général Anselme, chef des troupes françaises qui occupaient Nice, et risque d'être assassiné, lors de son départ, par des volontaires marseillais qui lui infligent les outrages les plus grossiers. Il se retire en Piémont, résigne le siège en 1801, décembre, au reçu du bref Tant multa, et meurt à Turin en 1803. 17. — Jean-Baptiste Colonna d'Istria l'avait remplacé en 1802. Dénigré sous Charles- Albert, accusé de ne plus savoir ce qu'il faisait, entouré d'intrigues, il résigne en 33 et se retire à Rome, dans le couvent dominicain de Sainte-Sabine où il meurt en 35. 18. — Dominique Galvano, vicairè général de Pignerol, lui avait succédé en 33 et meurt en 55, à Bessano, près de Pignerol. 19. — Jean-Pierre Sola, curé de Vigone au diocèse de Pignerol, ami personnel de Victor- Emmanuel II, le remplace en 58, résigne en 77, est fait chanoine du premier ordre de Saint-Denis, se fixe dans la banlieue de Nice et y meurt en 81. Il était officier de la Légion d'Honneur et de l'Instruction publique, commandeur des Saints-Maurice et Lazare, de Charles III de Monaco et de Saint-Michel de Bavière. Son portrait figure au musée Masséna. 20. — Mathieu-Victor Balaïn, oblat de Marie-Immaculée, supérieur du grand séminai¬ re de Fréjus, lui avait succédé. Sous son épiscopat sont unis au diocèse de Nice, en 86, juillet, l'arrondissement de Grasse, qui fut distrait (moins les îles de Lérins) du diocèse de Fréjus, et, en août, le territoire de Garavan (commune de Menton), qui fut distrait du diocèse de Vinti- mille. Il est transféré en 96 à l'archevêché d'Auch. 21. — Henri-Louis Chapon, chanoine de Nantes, ancien secrétaire de Dupanloup, lui succède. Sacré le 29 septembre dans la cathédrale d'Orléans, dont il avait été vicaire, il fait son entrée le 22 octobre. Le président Deschanel lui remet en 20 la croix de chevalier de la Légion d'Honneur. Benoît XI le nomme en 21 assistant au trône pontifical et comte romain. Il meurt en 25. 22. — Louis-Marie Ricard, chanoine théologal de Toulouse, avait été préconisé en 23, novembre, pour être son auxiliaire au titre de Marciana, et sacré, le mois suivant, en la cathé¬ drale de Toulouse. Il devint ensuite administrateur apostolique en 24 et évêque de Nice en 26 et mourut presque subitement, en 29, octobre, à Laghet. 23. — S. Exc. Mgr Paul Rémond. Quelques détails de la frise intérieure de la cathédrale CDessIns de Jean-C- CASSARINO mm? -AAA X A A A-A A À A A A A À AV 1. Cartouche d'AMÉDÉE III, comte de Maurienne et de Turin 2, Cartouche d'AMÉDÉE VII « le Rouge », comte de Savoie 3. Cartouche de CHARLES 11 - Jean ÇGIOVANNQ - Amédée, duc de Savoie 4. Cartouche de CHARLES-EMMANUEL I", duc de Savoie 5. Cartouche de VICTOR-AMÉDÉE II, duc de Savoie, puis roi Çde Sicile en 1713, de Sardaigne en 1720} APPENDICE A propos du chapitre III, nous avons omis de signaler quelques détails que la compta¬ bilité communale de Nice fournit. D'une part, ce qui regarde la participation de la ville à l'aménagement de la cathédrale. 1651, 5 juillet : « Alli signori Camillo Truco, Marcantonio Capello et Honorato Arbaudo, per la fabrica di Santa Reperata, 1. 350 ». Le 22 suivant, aux mêmes, pour le même objet, la même somme. Le 14 décembre : « Alli signori Marcantonio Capello, Honorato Arbaudo et Andréa Pa- gliero, 1. 300 » pour la même destination. En 52, les 22 et 23 juin, pour le même but, « a Mgr illmo vescovo Paletis », 2 versements, chacun de 1. 200. D'autre part, ledit 23 juin, « Spese per la capella di Santa Reparata (!) 128 1., 8 s., 6 d. » Enfin, sans que les trésoriers aient indiqué à quoi les sommes suivantes furent affectées, « Mgr illœo di Nizza Desiderio Palletis » reçoit, le 23 septembre suivant, 240 1. ; « Mgr illmo » en 53, le 8 janvier, 1.000 1. ; « l'illmo sr vescovo don Desiderio », le 30 mars suivant, 294 1. 6 s. Et, en 56, après le 26 février, « Mgr illmo » touche 108 1. Quant à l'architecte Marc-Antoine Grigho, dont nous avons parlé à propos de 1680, il importe de renvoyer à ce que M. Labande a dit de lui dans les pages XCVI et suivantes de son ouvrage Inventaires du palais de Monaco, publié en 1918. Nous lui avions signalé que la comp¬ tabilité communale de Nice mentionne « le capomastro Guglia » qui reçut 29 1. « pour dessin de la porte du palais municipal » : celle que nous voyons encore sur la place Saint-François. M. Labande a constaté que le nom de cet architecte fut déformé par le trésorier ; qu'un point fut mis sur le deuxième jambage de Vu ; que l'on n'a pas su lire le nom de Grigho, très connu pour avoir fait, avant 1679, au palais de Monaco, une porte et un escalier. Travaux à cause des¬ quels il aura été sans doute appelé par les Niçois. « Il paraît évident que ceux-ci avaient été émerveillés » de ce qu'il avait exécuté pour le prince Louis Ier. « Ce n'était qu'un architecte, un constructeur. Venu de Gênes, il est connu à Monaco de 1665 (où il commença à édifier le cou¬ vent visitandin) à 81 (où il fournit le plan de nouvelles casernes). Aucun Guglia ne se rencon¬ tre dans les documents monégasques de cette période ». I1 n'en est que plus curieux de noter « l'hostilité » que les prieurs de la confrérie niçoise de la Miséricorde manifestaient, en 1680, d'après une lettre de l'évêque Provana de Leyni, « envers le nouveau projet de maître Marc- Antoine », et la volonté, que le prélat manifestait, « de faire ce qui a été convenu avec le maî¬ tre de Monaco ». Il ne faut donc pas faire état du prétendu « Guglia » (avec un point sur le deuxième jambage de l'ît) qui se lit sur la comptabilité de notre commune pour 1679-80. C'est de Grigho qu'il est question. (1) Non pas, cela va de soi, la chapelle Sainte-Réparate (qui fut la propriété privée des Torrini), mais la chapelle municipale Sainte-Rosalie, que la commune possédait dans la cathédrale. 165 (1) Voir Annal, de la Soc. des Lett., Se. et Arts des Aln.-Maritim., tome XXIV, p. 71, et Semaine religieuse de Nice, 1925, n» 28 août. L'original du testament existe en l'étude de M" GUletta de Saint-Joseph, notaire à Nice. Nous avons omis au chapitre XII, de signaler les funérailles, célébrées à Sainte-Répa- rate, des deux émigrés français qui furent les plus en vue : en 91, en août, la duchesse Emilie de Rohan, née de Crussol d'Uzès, et, en novembre, son mari, Louis de Chabot, pair de France, président des Etats de Bretagne, qui, né sous Louis XIV, avait environ 23 ans de plus qu'elle. Ils étaient arrivés ici en 89, septembre. Par un codicille du 23 novembre 90, il avait légué à l'évê- que Valperga le calice et la patène de sa chapelle de Paris. Elle, par un du 9 suivant, indiqué qu'elle avait chargé i'évêque d'Apt, Laurent Eon de Cely, de passage à Nice avant de se rendre à Rome, de faire exécuter là-bas « un tableau du Christ » qu'elle désirait offrir au chef de notre diocèse. « Je respecte et vénère le vertueux prélat qu'est M. I'évêque de Nice ; je le sup¬ plie de se souvenir de moi dans ses prières et dans la célébration du saint sacrifice ; j'empor¬ terai au tombeau une profonde reconnaissance des bontés qu'il eut pour M. de Rohan et pour moi ». Il s'agissait non pas d'une peinture, mais d'un « crocifisso alla mosaica », comme l'indi¬ que l'inventaire, dressé en 91, novembre, et 92, janvier, des biens du duc. L'objet n'était pas en¬ core remis au prélat. La duchesse était morte sans l'avoir reçu de Rome. L'envoi de I'évêque d'Apt peut avoir été volé ou vendu lors du pillage des biens de Valperga brutalement expulsé par An¬ selme. Notre omission de ces deux obsèques de 91 est d'autant plus regrettable qu'il est diffi¬ cile de lire avec indifférence, quelles que soient les opinions du lecteur, le début du testament qu'Emilie de Rohan avait écrit à Paris, en 89, mai, et d'un codicille qu'elle joignit en août sui¬ vant, à Epinay, peu avant de monter dans la berline à fond lilas qui devait la conduire, avec son vieil époux, à Nice. Le début, qui ne consiste pas dans les banales formules d'usage, respire une inspiration religieuse d'une rare beauté, que rendent plus poignante les circonstances où ces idées furent groupées et posément rédigées 0). L'Algie de Nice dans la irise inférieure de la cathédrale CDeasIn de CasearlnO CONCLUSION « Cette cathédrale a été restaurée par le Gouvernement de la République », dit une in¬ scription gravée au-dessus de la porte qui donne accès à la sacristie. Mgr Chapon avait, à la fin du siècle dernier, obtenu de l'Etat que ce monument, le plus important, à tous égards, de ceux qui datent, à Nice, du XVII* siècle, fût l'objet des restaurations dont il s'agit. Notre essai d'une histoire de cet édifice, nous le plaçons volontiers sous le patronage de la mémoire de l'ardent patriote de qui son collègue d'Arras a dit, lors de l'oraison funèbre qu'il prononça dans la chai¬ re de Sainte-Réparate, que « le magnifique dessein de cet évêque de Nice avait été la paix des âmes et celle du monde par l'union de l'Eglise et de la France ». Une partie de l'âme complexe de notre ville continue, comme nous le disions dans notre introduction, à vivre, grâce à de nombreux souvenirs historiques de toute sorte, dans ce monu¬ ment dont peu de personnes, nous l'avouons, penseront que c'est un des plus beaux de la France. Nous avons cherché à rendre à cet édifice l'intérêt qu'il mérite de susciter chez qui¬ conque, Niçois ou étranger à notre ville et même à notre patrie, y pénètre. Notre travail n'aura évité, c'est le sort de beaucoup de choses humaines, ni omissions ni exactitudes. Nos lecteurs sont priés de vouloir bien les excuser. Il appartiendra à d'autres de faire mieux. Par exemple, nous craignons que certaines répétitions ne se soient glissées dans le texte. Nos juges y seront moins sensibles, s'ils prennent tel chapitre en particulier. Au surplus, description et histoire s'enchevêtrent, à propos de notre cathédrale, si souvent qu'il eût été malaisé d'éviter un défaut dont nous faisons l'aveu. N'aurait-il pas été fastidieux de renvoyer, par des notes pourvues de chiffres, à telle ou telle page ? Mieux valait que l'ouvrage se lût aussi facilement que possible. Nous avons, dans ce qui précède, écarté, plus d'une fois, les traditions locales. Il fut in¬ dispensable d'avertir, à propos de l'une d'elles, que l'autorité du savant qui a le mieux étudié les origines du cuite chrétien, ie R. P. Delahaye (1), ne nous donnait pas tort et qu'ii contribua, par des documents inédits, à nous donner raison. Il importe de signaler, d'autre part, pour ce qui, à propos des traditions locales, concerne encore Nice et Cimiez, l'étude d'un ancien archiviste de notre département, notre ami M. Robert Latouche, professeur à la Faculté des Lettres de Gre¬ noble (2). « Grégoire de Tours signale un passage, non de Lombards, mais de Saxons, par Nice en 573... On allégua, pour démontrer la ruine de Cimiez par les Lombards, la légende du reclus saint Hospice qui aurait prédit la destruction de sept cités par eux. Cette prédiction a un ca¬ ractère apocalyptique et l'on ne peut les identifier. Rien n'indique ni que les prétendus Lom¬ bards ni que les Saxons en aient anéanti une seule, ni qu'elle ait été Cimiez... La prétendue vie de saint Siacre est un pauvre document de basse époque. On considéra comme premier titulaire d'un évêché qui existait à Nice au moins depuis 381 (3) un personnage que l'on plaçait au Vir siècle, non sans lui prêter l'absurde appellation de comte de Brie et, pour rehausser le prestige de l'abbaye de Saint-Pons, l'apparenter avec Charlemagne... A-t-il même existé ? Son nom fut porté par un patrice de la Provence. L'auteur de Vita Siacrii aura, peut-être avec de hautes con¬ nivences, fait du haut fonctionnaire un neveu de l'empereur et un saint... Ce qui se voit dans l'église de l'abbaye est formé de restes d'un tombeau carolingien ; et l'inscription prouve seu¬ lement que la sépulture de saint Pons, qui ne fut pas évêque de Cimiez, mais y subit le martyre, a été restaurée sous Charlemagne, dans le dernier quart du VIIIe siècle... La route qui mène du V" au XIe doit être déblayée de légendes qui l'encombraient ; et l'histoire de l'évêché de Nice, dégagée d'excroissances parasites ». Nos lecteurs doivent, avant de fermer notre livre où tel d'entre eux peut avoir regretté que les traditions locales fussent peu suivies, être mis au courant de ce que de vrais érudits, à l'école de qui nous avons cherché à nous mettre, sont amenés à penser de dires aussi édifiants que fragiles. Nos derniers mots doivent être des hommages de gratitude : aux amis qui prirent l'initiative de cette édition et voulurent qu'elle fût digne de l'ob¬ jet dont il s'agissait, en particulier à M. Louis Bonfiglio ; aux souscripteurs qui s'y intéressèrent dès la première heure : à la Ville de Nice, re¬ présentée par M. Jean Médecin, maire et député ; au Département des Alpes-Maritimes et à notre élève de jadis M. Léon Baréty, ancien ministre, président du Conseil général ; à S. Exc. Mgr Rémond, qui consentit à autoriser la reproduction de toiles des XVIIe, xvnr et XIXe siècles (nous ne disons pas que toutes soient des chefs-d'œuvre) où revivent les figures de 6 de ses prédécesseurs ; à tous ceux qui voulurent bien, ainsi que leurs subordonnés, mettre à notre disposition les documents que nous avions besoin de consulter : M. le chanoine Guillaume Otto, curé de (1) Les Légendes hagiographiques, 1906, 2» édition. Les Passions des Martyrs et les Genres littéraires. 1921. Les Origines du Culte des Martyrs. 1923, 2° édition revue. Cinq leçons sur la Méthode hagiographique. 1934. (2) Mélanges Lot, 1926, p. 331 à 358. (3) Amance, le premier évêque de Nice qui soit historiquement connu, figure en 381 au concile d'Aquilée. 168 Sainte-Réparate et vice-doyén du chapitre, M. M. Henri Moris, Robert Latouche et Léo îmbert, qui se succédèrent comme archivistes du département, et M. Joseph Levrot, archiviste mu¬ nicipal 0) ; à M. le chanoine Marius Roux, maître de chapelle de la cathédrale, dont les renseigne¬ ments concernant la musique et les orgues furent précieux ; à notre ancien élève M. Jean-C. Cassarini, dont le crayon mit en valeur certains détails, dont cinq présentent un intérêt historique, de la frise intérieure de la cathédrale ; à M. Louis Gilletta, qui fit prendre d'excellents clichés et dont les collections gardaient une intéressante vue d'il y a au moins une quarantaine d'années (2) ; à M. Clément Goyenèche, professeur à l'Ecole nationale des Arts décoratifs à Nice, dont le talent donna à ce livre un vêtement que ce brillant artiste voulait bien lui fournir ; à M. Jean-Baptiste Gastaud, imprimeur à Nice, et à son personnel. C'est par eux que nous avons le devoir de terminer les expressions de notre reconnaissance, à l'issue des semaines où nous avons été en rapports quasi quotidiens, pour les soins qu'ils ont apportés à l'exécution matérielle de ce que des amis avaient confié à leur habileté bien connue. 21 janvier 1935 (1) Il voudra bien me permettre de rappeler que, lorsqu'il n'était pas encore chargé de ces fonctions, il envi¬ sageait, comme éventuelle, la publication, dans une « Bibliothèque » que l'Academia nissarda voulait entreprendre, d'Etudes sur la cathédrale de Nice par nous. Mais nos recherches étaient alors loin de leur terme. (2) Ce que furent le chœur et une partie de la nef avant les travaux de la fin du siècle dernier. 169 La couronne et les palmes du martyre de sainte Réparate dans la Irise intérieure de la cathédrale. CDessIn de CassarlnO Table des Illustrations hors texte I. Le chœur et la nef avant les travaux de la fin du siècle dernier. II. Didier Palletis. III. Henri Provana de Leyni. IV. Raimond Recrosio. V. Charles Cantono. VI. Jean-Baptiste Colonna d'Istria. VII.. Dominique Galvano. 171 VIII. Henri Chapon. IX. S. Exc. Mgr Paul Rémond. X. Acte de baptême du futur maréchal Masséna. XI. Dalmatique du XV" siècle. XII. Baiser de Paix du XV" ou XVIe siècle. XIII. Châsse de reliques d'un saint Vincent (XVIIe siècle). XIV. Chaire épiscopale aux armes de l'évêque Henri Provana de Leyni. XV. Châsse d'une mitre dite de saint Basse. XVI. Statuettes données par la ci-devant régente d'Etrurie au chanoine Doneudi, curé de la cathédrale. CDessIn de CassarlnD Table des Matières Introduction Chap. Ier. — La première église (cathédrale depuis 1590) Sainte-Réparate jusqu'en 1650 9 Chap. II. — L'architecte Jean-André Guiberto 34 Chap. III. — La reconstruction depuis 1650 et l'aménagement intérieur 36 Chap. IV. — La Façade et le Clocher 61 Chap. V. — La Nef centrale et la Coupole 65 Chgp. VI. — Le Chœur Chap. VII. — Le Bas-côté sud a A. Fonts baptismaux . B. Chapelle des Quatre saints couronnés. .C. Chapelle Sainte-Réparate. D. Chapelle Saint-Joseph. E. Dans le transept, chapellé Notre-Dame et Sainte-Rosalie. F. Emplacement au sud du chœur. G. Fond du bas-côté sud. 173 Chap. VIII. — Le Bas-côté nord 81 A. Chapelle de la Vierge aux Sept Douleurs. B. Chapelle du Christ en croix. C. Chapelle Sainte-Rose-de-Lima. D. Chapelle Saint-Barthélemy. E. Dans le transept, chapelle du Saint-Sacrement. F. Emplacement au nord du chœur. Chap. IX. — Les Orgues et la Maîtrise 90 Chap. X. — La Sacristie 96 Chap. XI. — Le Trésor et le Vestiaire .. ! 98 Chap. XII. — Les Souvenirs historiques depuis 1650 jusqu'à la Révolution 104 Chap. XIII. — Les Souvenirs historiques de la Révolution (de 1792, 29 septémbre, à 1802) 119 Chap. XIV. — Les Souvenirs historiques depuis 1802 145 A. Régime français jusqu'en 1814. B. Régime sarde jusqu'en 1860. C. Régime français depuis la réunion de 1860. Chap. XV. — Les Evêques de Nice depuis le XVI" siècle 159 Détails de la frise intérieure de la cathédrale. 1° Cartouches d'Amédée III et d'Amédée VII 162 2° Cartouches de Charles II-Jean-Amédée et de Charles- Emmanuel Ier 163 3° Cartouche de Victor-Amédée II 164 Appendice 165 Conclusion 167 Table des illustrations hors texte 171 Table des matières 173 174 LES ILLUSTRATIONS SONT DUES A DES CLICHÉS DE LA MAISON L. GILLETTA & C", AVENUE GEORGES CLEMENCEAU, A NICE. LE PORTRAIT DE M»r CHAPON EST REPRODUIT D'APRÈS UN CLICHÉ DE MM. RIBBECK ET ZANNETTI, PHOTO- GRAPHES A NICE. CELUI DE Mît RÊMOND, D'APRÈS UN DE M. HENRY, PHOTOGRAPHE A NICE, RUE DE L'HOTEL-DES.POSTES m M » I ACHEVÉ DE TIRER, LE 25 JANVIER 1935. SUR LES PRESSES DE J.-B- GASTAUD, IMPRIMEUR A NICE, RUE FONCET, 16 :r- gj MMtnwi à"~- :' 'r ; -v'-v. DOUBLET LÀ CATHÉDRAL DE NICE'