Numéro 63 Mars 1928 LA BROCHURE MENSUELLE PARAIT LE 16 DE CHAQUE MOIS Rédaction èt Administration : BIDAULT, ùg, Rue de Bretagne, Paris-3* Téléplione Ai'chives ; : 65-24 Compte Chèques Postaux Paris 239-02 Pierre KROPOTKINE Le Gouvernement Représentatif -• ? 1 \ji' > / i „ s >. T 'M EDITIONS DU Groupe de Propagande par la Brochure En dépfit : LIBRAIRIE DES VULGARISATIONS Sociales, Scientifiques, Littéraires 3g, Rue de Bretagne Parss-3' Groupe de Propagande par la Brochure La propagande par la brochure est une des meilleures lors¬ qu'on peut la faire avec suite. Nos devanciers s'y sont employés de leur mieux. A l'heure actuelle, il est plus que nécessaire d'entreprendre une large dif¬ fusion de nos idées. C'est dans cette conviction qu'un groupe de camarades s'est constitué et a décidé de faire paraître tous les mois une, deux, trois, quatre brochures ayant 8-16-24 ou 32 pages de texte, toutes du même format, permettant aux cama¬ rades de pouvoir les relier ensemble et constituer pour eux line bibliothèque Sociale à bon marché. Le Groupe est certain de faire paraître : « La Brochure Mensuelle » pendant longtemps. La difficulté était d'éditer à très bon marché, vu la cherté du papier, de l'impression, du brochage et frais d'expédition qui sont considérables. Nous croyons avoir trouvé la solution et pouvons assurer à nos amis que nous céderons les brochures à un prix inférieur à leur prix de revient. But du Groupe. —■ Comme le but du groupement est : la plus1 large diffusion de ces brochures, il s'agit de trouver des camarades partisans de notre méthode qui, s'abonnant à « Lgr"' Brochure Mensuelle » pourront s'employer à la propagande/en faisant circuler les brochures parmi ceux qu'ils connaissent;- soit en les distribuant eux-mêmes, soit par la poste lorsqu'ils ne voudront pas faire savoir qu'ils s'intéressent à cette propa¬ gande, soit en discutant avec des camarades : il est facile de leur glisser une brochure et de leur arracher quelques sous. Les abonnés pourront ainsi récupérer le montant de leur souscrip-- tion et augmenter leur propagande. Camarades, aidez-nous, en souscrivant de nombreux abonne¬ ments d « La Brochure Mensuelle ». Pour la France : 1 an, 12 francs ; six mois, 6 francs, don¬ nant droit à 5 ou 10 brochures par mois. Abonnement d'essai : un exemplaire chaque mois, 3 fr. Tout ce qui concerne « La Brochure Mensuelle », « Nos édi tions Sociales », le service de Librairie doit être expédié à cette adresse : Bidault, 39, rue de Bretagne, Paris (3®). Pour les envois de fonds, utilisez toujours le chèque postal : Paris 239-02, c'est le moins cher, le plus certain. Un service gratuit est fait pendant 3 mois à toute demande. Renseignez-vous sur les avantages accordés aux abonnés. LË GOUVERNEMENT REPRESENTATIF I Lor-que nous observons les Sociétés 'humaines dans (leurs Ira ils essentiels, en faisant abstraction des ma¬ nifesta lions secondaires et temporaires, nous constatons que le régime politique auquel elles sont soumises est toujours l'expression du régime économique qui existe au sein de la société. L'organisation politique 11e change pas au gré des législateurs; elle peut, il est vrai, chan¬ ger de nom, elle peut se présenter aujourd'hui sous l'orme de monarchie, demain sous celle de république, mais elle ne subit pas de modification équivalente; elle se façonne, elle se fait au régime économique, dont elle est toujours l'expression et, en même temps, la consécration, le maintien. Si parfois, dans son évolution, le régime politique de tel pays se trouve en retard sur la modification .économique qui s'y opère, alors il est brusquement renversé, remanié, remodelé, de manière à s'approprier au régime économique qui s'établit. Mais d'autre part. s'il arrive que, lors d'une révolution, ce régime poli¬ tique devance la modification économique, il reste à l'état de lettre-morte, de formule, inscrite dans les chartes, mais sans application réelle. Ainsi, la décla¬ ration des Droits de l'Homme, quel que fût son rôle dans l'histoire, n'est plus qu'un document historique, et ces beaux mots de Liberté, Egalité, Fraternité reste¬ ront à l'état de rêve -ou de mensonge inscrits sur les murs des églises et des prisons, tant que la liberté et l'égalité ne deviendront pas la base des relations éco¬ nomiques. Le suffrage universel eût été aussi inconce¬ vable dans une société basée sur le servage, que le despotisme dans une société qui aurait pour base ce que l'on nomme la liberté des transactions et qui est plutôt la liberté de l'exploitation. Les classes ouvrières de l'Europe occidentale! l'ont bien compris. Elles savent ou devinent que les sociétés continueront à étouffer dans les institutions politiques existantes, tant que le régime capitaliste d'aujourd'hui ne sera pas renversé. Elles savent que ces institutions, quoique revêtues de beaux noms, sont cependant la corruption et la domination du plus fort érigées en système, l'étouffement dé toutes les libertés et de tout progrès; elles savent que l'unique moyen de secouer ces entraves serait d'établir les relations économiques sur un nouveau système, celui de la propriété collective. Elles savent enfin que pour accomplir une révolution politique profonde et durable, il faut accomplir une révolution économique. Mais, à cause même de la. liaison intime èjui existe entre le régime politique et le régime économique, il est évident qu'une révolution dans le mode de produc¬ tion et de répartition des produits ne pourrait s'opérer si elle ne se faisait de pair avec une modification profonde de ces institutions qu'on désigne généralement sous le nom d'institutions politiques. L'abolition de la propriété individuelle et de ' l'exploitation qui en est . la conséquence, l'établissement du régime coîlectiviste ou communiste seraient impossibles si nous voulions con¬ server nos parlements ou nos. rois. Un nouveau régime économique exige un nouveau régime politique, et cette.vérité est si bien comprise de tout le monde, qu'en effet,' lé travail intellectuel qui s'opère aujourd'hui d,ans les masses populaires s'attache indistinctement aux deux cotés de la question à résoudre. En raisonnant sur l'avenir écbnomique, il étudie aussi l'avenir poli¬ tique,1 et à côté des mots Collectivisme et Communisme, nous entendons prononcer ces mots : Etat. Ouvrier, Commune libre, Anarchie, ou bien encore : Commu¬ nisme autoritaire ou anarchiste, Commune collectiviste. Règle générale. « Voulez-vous étudier avec fruit? Commencez par immoler un à un les mille préjugés qui vous furent enseignés,! » — Ces paroles, par les¬ quelles un astronome célèbre commençait ses cours, s'appliquent également à' toutes les branches des con¬ naissances humaines : beaucoup plus encore aux scien¬ ces sociales qu'aux sciences physiques ; parce que, dès les premiers pas dans le domaine de celles-ci, nous nous trouvons en présence d'une masse de préjugés hérités des temps passés, d'idées absolument fausses, lancées pour mieux tromper le peuple, de sophismes minutieusement élaborés pour fausser le jugement populaire. Nous avons ainsi tout un travail prélimi¬ naire à faire pour marcher avec sûreté. Or..parmi ces préjugés, il en est un qui mérite sur¬ tout notre attention, parce que non seulement il est la base de toutes nos institutions politiques modernes, mais parce que nous en retrouvons les traces dans presque, toutes les théories sociales, mises en avant par les réformateurs. C'est celui qui consiste à mettre sa foi en un gouvernement représentatif, en un gouver¬ nement pair procuration. Vers la fin du siècle passé, le peuple français ren¬ versait la monarchie, et le dernier des rois absolus expiait sur l'échafaud ses crimes et ceux de ses prédé¬ cesseurs. Il semblait que précisément à cette époque, lorsque tout ce que la révolution fit de bon, de grand, de du¬ rable, fut accompli par l'initiative et l'énergie des in¬ dividus ou des groupes, et grâce à la désorganisation et à la faiblesse du gouvernement central, il semblait, dis-,je, qu'à cette époque le peuple ne chercherait pas à rentrer sous le joug d'un nouveau pouvoir, basé sur les mêmes principes que l'ancien, et d'autant plus fort qu'il ne serait pas rongé par les vices du pouvoir déchu. Loin, de là. Sous l'influence de préjugés gouverne¬ mentaux et se laissant tromper par l'apparence de liberté et de bien-être que donnaient — disait-on — les constitutions anglaise et américaine, le peuple fran¬ çais s'empressa de se donner une constitution, puis des constitutions, .qu'il changea souvent, qu'il varia à l'infini dans les détails, mais qui toutes furent basées sur ce principe : le gouvernement représentatif. Mo¬ narchie ou République, peu importe! le peuple ne se gouverne pas lui-même : il est gouverné par des repré¬ sentants plus ou moins bien choisis. . Il proclamera sa souveraineté, mais s'empressera de l'abdiquer. Il élira, tant bien que mal, des députés qu'il surveillera ou ne surveillera pas, et ce seront ces députés qui se char¬ geront de régler l'immense diversité des intérêts entre¬ mêlés, des relations humaines si compliquées dans leur ensemble^ sur toute la surface de la France! Plus'tard, tous les pays de l'Europe continentale font la même évolution. Tous renversent l'un après l'autre Je'urs monarchies absolues, et tous se lancent dans Ha voie''du 'parlementarisme. Il n'y a pas jusqu'aux des- pôljsmes de l'Orient qui ne suivent la même route : la Bulgarie, la Turquie, la Serbie s'essaient, au régime constitutionnel; en Russie même on cherche à secouer le joug d'une camarma pour le remplacer par le joug tempéré d'une assemblée de délégués. Bl, qui pis est, la France, inaugurant de, nouvelles, voies, . retombe cependant toujours dans les mêmes errements. Le peuple, dégoûté par une triste expérience de la monarchie constitutionnelle, la renverse-t-il un jour, il s'empresse le lendemain de réélire une assem¬ blée dont il ne change que le nom et lui confie le soin de le gouverner... quitte à le vendre à un brigand qui appellôra l'invasion de l'étranger sur les plaines fertiles de ,1a France. Vingt ans plus tard, il retombe encore dans la .même faute. Voyant la ville de Paris libre, désertée par la Iroupe et les pouvoirs, il ne cherche pas à expérimenter une nouvelle forme qui faciliterait l'établissement d'un nouveau régime économique. Heureux d'avoir changé le mot d'Empire en celui de République et celui-ci. en Commune, il s'empresse d'appliquer encore une l'ois, au sein de la Commune, le système représentatif. Il falsifie l'idée nouvelle par l'héritage vermoulu du passé. Il abdique sa propre initiative entre les mains d'une assemblée de gens élus plus ou.moins au hasard, et il leur confie le soin de cette réorganisation complète des relations humaines qui, seule, eût pu donner à la Commune la force et la vie. Les- constitutions périodiquemént déchirées en lam¬ beaux-s'envolent comme des feuilles mortes entraînées dans la rivière par un vent d'automne! N'importe, on revient toujours à ses premières amours; la. seizième constitution déchirée, on en refait une dix-septième! Enfin, mêmé en théorie, nous voyons des réforma¬ teurs fpai, en matière économique, ne s'arrêtent pas devant un remaniement complet des formes existantes, qui se proposent de bouleverser de fond en comble 1a, production et l'qchange et d'abolir le régime capitaliste. Mais dès qu'il s'agit d'exposer — en théorie, bien en¬ tendu — leur idéal politique, ils n'osent pas toucher au système représentatif; sous forme d'Etat ouvrier ou de Commune libre, ils cherchent toujours à conserver, coûte que coûte, ce gouvernement par procuration. Tout un peuple, toute une race tiennent encore avec achar¬ nement à ce système.i Heureusement, le jour se fait sur ce sujet. Le gouver¬ nement représentatif n'est pas appliqué uniquement en des pays qu'auparavant, nous connaissions à peine. Il fonctionne ou a fonctionné sur la grande arène de l'Europe occidentale, dans toutes ses variétés, sous toutes les formes possibles, depuis la monarchie tem¬ pérée jusqu'à la Commune révolutionnaire; et l'on s'aperçoit que, reçu avec de grandes espérances, partout il est devenu un simple instrument d'intrigues, d'enri¬ chissement personnel, ou d'entraves à l'initiative popu¬ laire et au développement ultérieur. On s'aperçoit que la religion de la représentation a la même valeur, que celles des supériorités naturelles et des personnages royaux, Plus que cela, on commence à comprendre que les vices du gouvernement représentatif ne dépendent pas seulement des inégalités sociales : qu'appliqué dans un milieu où tous les hommes auraient un droit égal au capital et au travail, il produirait les mêmes résultats funestes. Et on peut aisément prévoir le jour où cette institution, née, selon l'heureuse, expression de J.-iS. Mil!, du désir de se garantir contre le bec et les griffes du roi des vautours, cédera la place à une organisation politique née des véritables besoins de l'humanité et de cette conception que la meilleure manière d'être libre, c'est de ne pas être représenté, de ne pas aban- — 9 donner les choses", toutes les choses, à la Providence ou à des élus, mais de les faire soi-même. Cette conclusion surgira aussi, nous l'espérons, chez le lecteur, lorsque nous aurons étudié les vices intrin¬ sèques du système représentatif, inhérents aii système lui-même, quels que soient le nom et l'étendue des groupements humains au sein desquels il est appliqué. II « Prémunis par nos mœurs modernes; contre les prestiges de la royauté absolue, — écrivait Augustin Thierry en 1828, — il en est d'autres dont nous devons nous garder, ceux de l'ordre légal et du régime repré¬ sentatif (1). » Bentham disait à peu près 1a. même chose. .Mais, à celte époque, leurs avertissements passèrent inaperçus. On croyait alors au parlementarisme, et on répondait à ces quelques critiques par cet argument, assez plausible en apparence : « Le régime parlemen¬ taire n'a pas encore dit son dernier mot; il ne doit pas être jugé tant qu'il n'aura pas pour base le suffrage universel. » Depuis, le. suffrage universel s'est introduit dans nos nvœ'urs. Après s'y être longtemps opposée, la bour¬ geoisie a fini par comprendre qu'il ne compromettrait nullement sa domination, et elle s'est décidée à l'ac¬ cepter. Aux Etats-Unis, le suffrage universel fonctionne déjà depuis près d'un siècle dans les conditions voulues de liberté : il a fait aussi son chemin en France, en Allemagne. Mais le régime représentatif . n'a pas (1) Lettres sur l'histoire de France; lettre XXV. — 10 — changé : il est resté ce qu'il était du temps de Thierry et d'e 'Bentham; le suffrage universel ne l'a pas amé¬ lioré, ses vices n'en sont devenus que plus criants. C'est pourquoi aujourd'hui ce . ne sont plus seulement des révolutionnaires comzne Proudhon qui' l'accablent de leur critique; ce sont déjà les modérés, comme Milï (1.., comme Spencer (2), qui crient « Gare au parlemen¬ tarisme!, » On a pu l'apprécier dans ^e grand public, et en se basant sur des faits généralement connus et reconnus, on pourrait faire en ce moment des volumes sur ses inconvénients, sûr de trouver écho dans ta grande masse des lecteurs. Le.-gouvernement représen¬ tatif a été jugé, — et condamné. ■Ses partisans, —• et il en a de bonne foi, s'il n'en a pas de bonne réflexion, — ne manquent pas de faire valoir les services qui nous auraient été rendus, selon eux, par cette institution. A les entendre, c'est au régime représentatif que nous devons les libertés... politiques- que nous possédons aujourd'hui, inconnues jadis sous feu la monarchie absolue. Mais, n'est-ce pas prendre là Causé pour l'effet- que de raisonner ainsi, ou plutôt, l'un des deux effets simultanés pour la cause? Au fond, ce n'est pas le régime représentatif qui nous a donné, ni même garanti, les quelques libertés que nous avons'conquises depuis un siècle. C'est le grand mouvement de pensée libérale, issu de la Révo¬ lution, qui les a arrachées aux gouvernements, en même temps que la représentation nationale; et c'est encore cet esprit de liberté, de révolte, qui a su les conserver malgré et contre les empiétements continuels des gou¬ vernements et des parlements eux-mêmes. De par lui- même, le gouvernement représentatif ne donné pas de (1) La Liberté; le Gouvernement Représentatif. (2) introduction à l'Etude de la Sociologie; Principe de Socio¬ logie; divers Essais. _ il _ libertés réelles, et il s'accommode admirablement bien du despotisme. Les libertés, il faut les lui arracher, tout aussi bien qu'aux rois absolus; et une fois arrachées il faut encore les défendre contre le parlement de même que jadis contre un monarque, au jour le jour, pouce par pouce, sans jamais désarmer, ce qui ne réussit que lorsqu'il y a dans le pays une classe aisée,'jalouse de ses libertés et toujours prête à les défendre par l'agi¬ tation extra-parlementaire contre le moindre empiéte¬ ment. Là où cette classe n'existe pas, là où il n'y a pas unité dans la défense, les libertés politiques n'existeront pas, qu'il y ait une représentation nationale ou qu'il n'y en ait pas. La Chambre elle-même 'devient une anti¬ chambre du roi. Témoins les parlements des Balkans,, de 1a, Turquie, de l'Autriche. On aime à citer les libertés anglaises, et on les associe volontiers, sans plus de réflexion, au Parlement. Mais on oublie, par quels procédés, d'un caractère purement insurrectionnel, chacune de ces libertés fut arrachée à ce même Parlement. Liberté de la presse, critique de la législation, liberté de réunion, d'association, — tout a été extorqué au Parlement par la force, par l'agitation menaçant de se transformer en émeute. C'est en pra¬ tiquant, les tradcs-unions et la grève contre les édits du Parlement et-les pendaisons de 1813, c'est en sacca¬ geant, il y,a à peine cinquante ans, les manufactures, que les ouvriers anglais ont obtenu le droit de s'associer et de faire grève. C'est en assommant, avec les barres des grilles de Hyde-Park, la police qui en défendait l'accès, que le peuple de Londres, tout- récemment en¬ core, a affirmé contre un ministère constitutionnel, son droit de manifester dans la rue et les parcs de la capi¬ tale. Ce n'est pas par des- joutes parlementaires, c'est par l'agitation extra-parlementaire, c'est en mettant sur pied cent mille hommes qui grognent et hurlent devant •les maisons de l'aristocratie ou du ministère, que la bourgeoisie anglaise défend ses libertés. Quant au —r ;12 — Parlement,, il empiète continuellement sur les, droits politiques du pays, et il les supprime d'un trait de plume, tout comme un roi, dès qu'il ne trouve pas de¬ vant soi une masse prête à s'ameuter. Que sont devenus, en effet,. l'inviolabilité du, domicile, et le seççet des lettrés,, dès que la bourgeoisie a préféré y renoncer, afin d'obtenir du gouvernement un simulacre dp pro¬ tection contre les révolutionnaires? Attribuer aux parlements ce qui est dû'au progrès général, imaginer qu'il suffira d'une 'Constitution pour avoir la liberté, c'est pécher contre les règles les plus élémentaires du jugement historique. D'ailleurs,. la question n'est pas là. Il ne s'agit pas de savoir si le régime, représentatif n'offre pas quel¬ ques avantages sur le règne d'une valetaille exploitant à son profit les caprices d'un maître absolu. S'il s'est introduit en Europe, c'est qu'il correspondait mieux à la phase d'exploitation capitaliste que nous avons tra¬ versée au dix-neuvième siècle, mais qui touche à son terme. Il offrait certainement plus de sécurité pour l'entrepreneur industriel et le commerçant, auxquels il remettait le pouvoir tombé des mains des seigneurs. Mais la monarchie, elle aussi, à côté de formidables inconvénients, pouvait offrir quelques avantages sur le règne des seigneurs féodaux. Elle aussi fut un pro¬ duit nécessaire de son époque. Devons-nous, pour cela, rester à jamais sous,l'autorité d'un roi et de ses valets? Ce qui nous importe, hommes de la fin du dix-neu¬ vième siècle, c'est de savoir si les vices du gouverne¬ ment représentatif ne sont pas aussi criants, aussi insupportables que l'étaient, ceux du pouvoir absolu? Si les obstacles qu'il oppose au développement ultérieur des sociétés, ne sont pas,, pour notre siècle, aussi gênants — 13 — que l'étaient, les obstacles opposés par la monarchie au siècle passé? Enfin, si un simple replâtrage repré¬ sentatif peut suffire pour la nouvelle phase économique dont nous entrevoyons l'avènement? Voilà ce qu'il s'agit d'étudier, au lieu de discuter à perte de vue sur le rôle historique du régime politique de la bourgeoisie. Eh bien, une. fois que la question est posée en ces termes, il n'y a- plus de doute possible sur Ha réponse. Certainement, le régime représentatif, — ce com¬ promis 'avec l'ancien régime qui a Conservé au gouver¬ nement toutes les attributions du pouvoir absolu, en le soumettant tant bien que mal à un contrôle popu¬ laire plus ou moins fictif, — ce système a fait son. temps, il est aujourd'hui un empêchement au progrès.. Ses vices ne dépendent pas des hommes, des individus au pouvoir, — ils sont inhérents au système, et ils sont si profonds qu'aucune modification du système ne .saurait, l'approprier aux besoins nouveaux de notre époque. Le système représentatif fut la domination organisée de jla bourgeoisie, et il disparaîtra avec elle. Pour la, nouvelle phase économique qui s'annonce, nous devons chercher un nouveau mode d'organisation poli-, tique, basé sur un principe, tout autre que celui de la représentation. C'est la logique des choses qui l'im¬ pose. Et d'abord, le gouvernement représentatif participe de tous les vices inhérents à toute espèce de gouver¬ nement. Mais loin de les affaiblir, il ne fait que les accentuer, il en crée de nouveaux. Une des plus profondes paroles de Rousseau sur les gouvernements en général s'applique au gouvernement électif, au même titre qu'à tous les autres. Pour abdi- quer ses droits entre les mains d'une assemblée élue, ne faudrait-il pas, en effet, qu'elle fût composée d'anges, d'êtres surhumains? EL encore! les griffes et les cornes pousseraient bien vite à ces, êtres libérés, dès qu'ils pourraient gouverner le bétail humain. Semblable en cela aux despotes, le gouvernement représentatif, — qu'il s'appelle Parlement, Convention, Conseil de la Commune, ou qu'il se donne tout autre titre plus ou moins saugrenu, qu'il soit nommé par les préfets d'un Bonaparte ou archi-librement élu par .une ville insurgée, — le gouvernement représentatif cher¬ chera toujours à étendre sa législation,.;!, renforcer toujours le pouvoir en s'ingérant dans toute chose, en tuant l'initiative de l'individu et du groupe pour les supplanter par la loi. Sa tendance naturelle, inévitable, sera de prendre l'individu dès son enfance, et de le mener de loi en loi, de menace en punition, du berceau ap tombeau, sans jamais affranchir cotte proie de su haute surveillance. A-t-ori jamais vu une assemblée élue se déclarer incompétente sur n'importe quoi? Plus elle est révolutionnaire, et plus elle s'empare de tout ce qui n'est pas de sa compétence. Légiférer sur toutes l'es manifestations de l'activité humaine, s'immiscer jusque , dans les moindres détails de la vie de « ses sujets »,— c'est l'essence même de l'Etat, du gouver¬ nement. Créer un gouvernement, constitutionnel ou non, c'est constituer une force qui fatalement cherchera à s'emparer de tout, à réglementer toutes les fonctions de la société, sans reconnaître d'autre frein que celui que nous pourrons lui opposer de temps en temps par l'agitation ou l'insurrection. Le gouvernement parle¬ mentaire, — il l'a assez prouvé, — ne fait pas exception à la règle. « La mission de l'ELâ, — nous a-i-on dit pour mieux nous aveugler ç-> c'est de protéger le faible contre le fort, le pauvre contre le riche, les classes laborieuses contre les .'classes privilégiées.; » Nous savons -comment le,s gouvernements se- sont acquittés de cette mission : ils l'ont comprise à rebours. Fidèle à son origine, le gouvernement a toujours été le protecteur du privilège- contre ceux qui cherchaient à s'en affranchir. Le gou¬ vernement représentatif en particulier a organisé la défense, avec, ta connivence du peuple, de tous les pri¬ vilèges de la bourgeoisie commerçante et industrielle contre l'aristocratie d'une part, contre les exploités de l'autre, — modeste, polie, bien élevée envers les uns, féroce contre les autres. C'est pourquoi la moindre des lois ' prdteçtrices du travail, si apodine qu'elle soit, ne peut être arrachée à un parlement que par l'agitation, insurrectionnelle. Qu'on se souvienne seulement des- luttes qu'il a fallu soutenir, de l'agitation à laquelle il a fallu se livrer, pour obtenir -des parlements.anglais, du Conseil fédéral suisse, des Chambres françaises, quel¬ ques médianies .lois sur la limitation des heures- de travail. "Les premières de ce genre, votées en Angleterre, rie furent extorquées qu'en mettant dors barils de poudre sous les machines. D'ailleurs, dans les pays où l'aristocratie n'a pas en¬ core été détrônée par une révolution, seigneurs et bour¬ geois s'entendent à merveille. — Tu me reconnaîtras, seigneur, le droit de légiférer, et moi, je moulerai la garde autour do ton château », •—- dit le bourgeois, et il monte cette garde, tant qu'il ne se sent pas menacé. Il a fallu quarante ans d'une agitation -qui, par mo¬ ments, mettait le feu aux campagnes, pour, décider le Parlement anglais à garantir au fermier le bénéfice des améliorations, par lui faites sur la terre qu'il fient à bail. Quant ;â Ta- fameuse « loi agraire » votée pour l'Irlande, il a fallu, — Gladstone l'avouait lui-même, — 16 — — que le pays se mît en insurrection générale, qu'il refusât carrément de payer les rentes et se défendît contre tes évictions par le « boycottage » les incendies, les exécutions des lords, avant de forcer la bourgeoisie à • voter cette méchante loi qui fait mine de protéger le pays affamé contre les lords affameurs. Mais s'il s'agit de protéger les intérêts du capitaliste, menacés par l'insurrection ou même par l'agitation, — oh alors, le gouvernement représentatif, organe de domination du capital, devient féroce. Il frappe, et il le fait avec phis de sûreté, plus de lâcheté que n'im¬ porte quel despote. La loi contre les socialistes en Allemagne vaut î'édit de Nantes; et jamais Catherine II après la Jacquerie de Pougalchoff, ni Louis XVI après la guerre des farines, ne firent preuve d'autant de féro¬ cité que ces deux « Assemblées nationales » de 1848, et de 1871, dont les membres criaient•; Tuez les loups, les louves et les louveteaux! et à l'unanimité, moins une voix, félicitaient de leurs massacres les soldats ivres de sang! La bête anonyme aux six cents têtes a su surpasser les Louis XI et les Jean IV. Et il en .sera de même tant qu'il y aura un gouver¬ nement représentatif, qu'il soit régulièrement élu, ou qu'il s'impose aux lueurs de l'insurrection. Ou bien l'égalité économique se fera dans la nation, la cité ; et alors les citoyens libres et égaux n'iront plus abdiquer leurs droits entre les mains de quelques-uns; ils chercheront un nouveau mode d'organisation qui leur permette de gérer eux-mêmes leurs affaires. Ou bien, il y aura encore une minorité qui dominera les masses sur le terrain économique, — un quatrième Etat composé de bourgeois privilégiés, et alors, gare aux masses! —Le gouvernement représentatif, élu par cette minorité, agira en conséquence. Il légiférera pour maintenir ses privilèges et il procédera contre les insou¬ mis par la force et le massacre. Il nous serait impossible d'analyser ici tous les vices du gouvernement représentatif. Ce seraient des volumes à faire. En nous bornant seulement aux plus essentiels, nous sortirions encore des cadres de ces chapitres. Il y en a un, pourtant, qui mérite d'être mentionné. Chose étrange! Le gouvernement représentatif avait pour but, d'empêcher le gouvernement personnel; il devait remettre le pouvoir aux mains d'une classe, et non d'une personne. Et cependant il a toujours eu pour tendance; de revenir ,au gouvernement personnel, de se soumettre à un seul homme. La cause de cette anomalie est bien simple. En effet, après avoir armé le gouvernement de mille et mille attributions qu'on lui reconnaît aujourd'hui; après lui avoir confié la gestion, en bloc, de toutes les ,affaires qui intéressent le pays, et donné un budget de quelques milliards, était-il possible de confier à la cohue parle¬ mentaire la gérance de ces innombrables affaires? Il fallut donc nommer un pouvoir exécutif, — le minis¬ tère, —- qui'fût investi de toutes ces attributions, pres¬ que royales. Quelle misérable autorité, en effet, que celle d'un Louis X'IV, qui se vante d'être l'Etat, en com¬ paraison de celle d'un ministère constitutionnel de nos jours! Il est vrai que la Chambre peut renverser ce minis¬ tère, mais pourquoi faire? — Pour en nommer un autre qui serait investi des mêmes pouvoirs, et qu'elle serail forcée de renverser dans huit jours si elle était consé¬ quente? Aussi, prél'ère-t-elle le garder jusqu'à ce que le pays crie trop fort, et alors, elle le renvoie, pour — 18 — rappeler celui qu'elle avait renversé il y a deux ans. Elle fait ainsi la bascule : Gladstone — Beaconsfield, Beaconsfield — Gladstone, ce qui au fond ne change rien; le pays est toujours gouverné par un homme, le chef du cabinet. Mais, quand elle tombe sur un homme habile, qui lui garantit « l'ordre », c'est-à-dire l'exploitation au dedans et des débouchés à l'extérieur, —• alors elle se soumet à tous ses caprices, elle l'arme toujours de'nou¬ veaux pouvoirs. Quel que soit son mépris de la Cons-, titution, quels que soient les scandales de son gouver¬ nement, elle les subit; si elle le chicane sur des détails, elle lui donne carte blanche dans tout ce qui a de l'im¬ portance. Bismarck en est un exemple vivant; Guizot, Pitt et Pàlmerston le furent pour les générations précé¬ dentes. Cela se comprend : tout gouvernement a une tendance à devenir personnel; c'est son origine; c'est son essence. Que le parlement soit censitaire ou issu du suffrage universel, qu'il soit nommé exclusivement par des tra¬ vailleurs et composé de travailleurs, il cherchera tou¬ jours l'homme auquel il puisse abandonner le soin du gouvernement, auquel il puisse se soumettre. Tant que nous confierons à un petit groupe toutes ces attributions économiques, politiques, militaires, financières, indus¬ trielles, etc., etc., dont nous l'armons aujourd'hui, ce petit groupe tendra nécessairement, comme un détache¬ ment de soldats en campagne, à se soumettre à un chef unique. Ceci en temps d'accalmie. Mais, que la guerre s'al¬ lume sur les frontières, qu'une lutte civile se déchaîne à l'intérieur, — et alors, le premier ambitieux venu, le premier aventurier habile, s'emparant de la machine aux mille ramifications que l'on nomme administration, s'imposera à la nation. L'Assemblée ne sera pas plus capable de l'en empêcher que cinq cents hommes pris — 19 — au hasard dans la rue : au contraire, elle paralysera la résistance. Les deux aventuriers portant le nom de Bonaparte ne sont pas des jeux de hasard. Ils furent fa conséquence inévitable de la concentration des pou¬ voirs. Quant à l'efficacité qu'auraient les parlotes de résister aux coups d'Etat, la France en sait quelque chose. De nos jours encore, est-ce la Chambre qui sauva la France du coup d'Etat de Mac-Mahon? Ce sont — on le sait aujourd'hui — les comités extra-parlemen¬ taires. On nous citera encore l'Angleterre? Mais qu'elle ne se vante pas trop d'avoir conservé intactes ses insti¬ tutions parlementaires dans le courant du xixc siècle! Elle a su éviter, il est vrai, pendant ce siècle, la guerre de classes; mais tout porte à croire qu'elle l'aura aussi, et il ne faut pas être prophète pour prévoir que le Parlement ne sortira pas intact de cette lutte : et il som¬ brera d'une manière ou d'une autre, selon la marche de la révolution. Et si nous voulons, lors de la prochaine révolution, laisser les portes grand-ouvertes à la réaction, à la mo¬ narchie, peut-être, nous n'avons qu'à confier nos affaires à un gouvernement représentatif, à un ministère armé de tous les pouvoirs qu'il possède aujourd'hui. La dic¬ tature réactionnaire, d'abord nuancée de rouge, puis bleuissant à mesure qu'elle se sentira mieux en selle, ne se fera pas attendre. Elle aura à sa disposition tous les instruments de domination : elle les trouvera tout prêts à son service. Source de tant de maux, le régime représentatif ne rend-il pas, du moins, quelques services pour le dé¬ veloppement progressif et pacifique des sociétés? — N'a-t-il pas, peut-être, contribué à la décentralisation du pouvoir qui s'imposait à notre siècle? — Peut-être, a-t-il su empêcher les guerres? — Ne saurait-il pas se — 20 — prêter aux exigences du moment et sacrifier à, temps telle institution vieillie, afin d'éviter la guerre civile? N'offre-t-il pas, du moins, quelques garanties, quelque espoir de progrès, d'amélioration intérieure? Quelle ironie amère dans chacune de ces questions et tant d'autres qui surgissent pourtant dès qu'on juge l'institution! Toute l'histoire de notre siècle est là pour dire le contraire. Les parlements, fidèles à la tradition royale et à sa transfiguration moderne, le jacobinisme, n'ont fait que concentrer les pouvoirs .entre les mains du gouverne¬ ment. Fonctionnarisme à outrance — cela devient la. caractéristique du gouvernement représentatif. Depuis le commencement de ce siècle on crie décentralisation, autonomie, et on ne fait que centraliser, tuer les der¬ niers vestiges d'autonomie. La Suisse elle-même subit cette influence, et l'Angleterre s'y soumet. Sans la résis¬ tance des industriels et des commerçants, nous en se¬ rions aujourd'hui à demander à Paris la permission de tuer un bœuf à Brives-la-Gaiilnrde. Tout tombe peu à peu sous la haute main du gouvernement. Il ne lui manque plus que la gestion de l'industrie et du com¬ merce, de la production et de la consommation, et les démocrates socialistes aveuglés de préjugés autoritaires rêvent déjà, le jour où ils pourront régler da,ns le par¬ lement de Berlin le travail des manufacturés et la consornmaiion sur toute l'a surface de l'Allemagne." Le régime représentatif, que l'on dit être si pacifique, nous a-t-il préservé des guerres? Jamais on ne s'est tant exterminé que sous le régime représentatif. Il faut à la bourgeoisie la domination sur les marchés, et cette domination ne s'acquiert qu'aux dépens des autres, par les obus et la mitraille. Il faut la gloire militaire aux avocats et aux journalistes, et il n'y a- pas de pires guerroyeurs que les guerriers en chambre. — 21 Les parlements ne se prêtent-ils pas cependant aux exigences du moment? à la modification des institutions -en décadence? Gomme du temps de la Convention il fallait mettre le sabre à la gorge des Conventionnels pour leur extorquer rien que la sanction des faits accomplis, de même aujourd'hui il faut se mettre en pleine insurrection pour arracher aux « représentants du peuple » la moindre des réformes. Quant à l'amélioration du corps élu, jamais on n'a. vu dégradation des parlements comme de nos jours. Comme toute institution en décadence, elle va" en em¬ pirant. On parlait de la pourriture parlementaire du temps de Louis-Philippe. Parlez-en aujourd'hui aux quelques honnêtes gens égarés dans ces tourbières et ils vous diront : « J'en ai des haut-le-cœur! » Le par¬ lementarisme n'inspire que le dégoût à ceux qui l'ont vu de près. Mais, ne pourrait-on pas l'améliorer? Un élément nouveau, l'élément ouvrier, né lui infuserait-il pas un sang nouveau? — Eh bien, analysons la constitution même des Assemblées représentatives, étudions leur fonctionnement, et nous verrons que nourrir ces rêves, c'est aussi naïf que de marier un roi avec une paysanne dans l'espoir de retrouver une génération de bons petits rois! III Les vices des Assemblées représentatives ne nous, étonneront pas, en effet, si nous .réfléchissons,, un mo¬ ment seulement, sur la manière dont- elles se recrutent -^et dont èlles. fonctionnent. Faut-il que je fasse ici le tableau, si écœurant, si profondément répugnant, et que nous ennnaissons'tous, — 22 — — le tableau des élections? Dans la bourgeoise Angle¬ terre et dans la démocratique Suisse, en France comme aux Etats-Unis, en Allemagne comme dans la Répu¬ blique Argentine, cette triste comédie n'est-elle pas partout la même? Faut-il raconter comment les agents et les Comités électoraux « forgent », « enlèvent », canvass une élec¬ tion (tout un argot de détrousseurs de pochesI), en semant à droite et à gauche des promesses, politiques dans les réunions, personnelles aux individus; comment ils pénètrent dans les familles, flattant la mère, l'enfant, caressant au besoin le chien asthmatique ou le chat de « l'électeur »? Comment ils se répandent dans les cafés, convertissent les électeurs et attrapent les plus muets en engageant entre eux des discussions, comme ces compères d'escroquerie qui vous entraînent au jeu « des trois cartes »? Comment le candidat, après s'être fait désirer, apparaît enfin au milieu de ses « chers élec¬ teurs », le sourire bienveillant, le regard modeste, la voix câline, — tout comme la vieille' mégère, loueuse de chambres à Londres, qui cherche à capter un loca¬ taire par son doux sourire et ses regards angéliques?' Faut-il énumérer les programmes menteurs :— tous menteurs, — qu'ils soient opportunistes ou socialistes- révolutionnaires, auxquels le candidat lui-même, pour- peu qu'il soit intelligent et connaisse la Chambre, ne croit, pas plus qu'aux prédictions du « Messager Boi¬ teux » et qu'il défend avec une verve, un roulement de- voix, un sentiment, dignes d'un fou ou d'un acteur forain? Ce n'est pas en vain que la comédie populaire ne se borne plus à faire de Beidrand et de Robert Ma- caire de simples escrocs, des Tartufe, ou des filouteurs de banque, et qu'elle ajoute à ces excellentes qualités celle de « représentants du peuple » en quête de suf¬ frages et de mouchoirs à empocher. — 23 — Faut-il enfin donner ici les frais des élections? Mais tous les journaux nous renseignent suffisamment à cet égard. Ou bien reproduire la liste de dépenses d'un agent électoral, sur laquelle figurent des gigots de mouton, des gilets de flanelle et de l'eau sédative, en¬ voyés par le candidat compatissant « à ces chers en¬ fants » de ses électeurs. Faut-il rappeler aussi les frais de pommes cuites et d'oeufs pourris, « pour confondre le parti adverse », qui pèsent sur les budgets électoraux aux Etats-Unis, comme les frais de placards calom¬ nieux et de « manœuvres, de la dernière heure », qui jouent déjà un rôle si honorable dans nos élections européennes? Et quand le gouvernement intervient, avec ses « pla¬ ces », ses cent mille « places » offertes au plus donnant, ses chiffons qui- portent le nom de « crachats », ses bureaux de tabac, sa haute protection promise aux lieux de jeu et de vice, sa presse éhontée, ses mouchards, ses escrocs, ses juges et ses agents... Non, assez! Laissons cette boue, ne la remuons pas! Bornons-noûs simplement à poser cette question : Y a-t-il une seule passion humaine, la plus vile, la plus abjecte de toutes, qui ne soit pas mise en jeu un jour d'élections? Fraude, calomnie, platitude, hypocri¬ sie, mensonge, toute la. boue qui gît au fond de la bête humaine, — voilà le joli spectacle que nous offre un pays dès qu'il est lancé dans la période électorale. .C'est ainsi, et il ne peut pas en être autrement, tant qu'il y aura des. élections pour se donner des maîtres. Ne mettez que. des travailleurs en présence, rien que des égaux, qui un beau jour se mettent en tête de se donner des gouvernants, — et ce .sera, encore la même chose. On ne distribuera plus de gigots; on distribuera l'adulation, le mensonge, — et les pommes cuites res¬ teront. Que veut-on récolter de mieux quand on met aux enchères ses droits les plus sacrés? Que demande-t-on, en effet, aux électeurs? De trouver un homme auquel on puisse confier le droit de légiférer sur tout ce qu'ils ont de plus sacré : leurs droits, leurs enfants, leur travail! Et on s'étonnerait que deux ou trois mille Robert Macaire viennent se disputer ces droits royaux? On cherche un homme auquel on puisse confier, en compagnie de quelques autres, issus de la même loterie, le droit de perdre nos enfants à vingt et un ans ou dix-neuf ans, si bon lui semble; de les enfermer pour trois ans, mais aussi pour dix ans s'il aime mieux, dans l'atmosphère pu¬ tréfiante de la caserne; de les faire massacrer quand et où il voudra en commençant une guerre que le pays sera forcé de faire, une fois engagée. Il pourra fermer les Universités ou les ouvrir à son gré; forcer les pa¬ rents -à y envoyer les enfants ou leur en refuser l'entrée. Nouveau Louis XIV, il pourra favoriser une industrie ou bien la tuer s'il le préfère; sacrifier le Nord pour le Midi ou le Midi pour le Nord; s'annexer une pro¬ vince ou la céder. Il disposera de quelque chose comme trois milliards par an, qu'il arrachera à la bouche du travailleur. Il aura encore la prérogative royale de nom¬ mer le pouvoir exécutif, c'est-à-dire un pouvoir qui, tant qu'il sera d'accord avec la Chambre, pourra être autrement despotique, autrement tyrannique que la- léue royauté. Car, si Louis XVI ne commandait- qu'à quel¬ ques dizaines de mille fonctionnaires, il en comman¬ dera des centaines, et si le roi pouvait, voler à la caisse de l'Etat quelques méchants sacs d'écus, le ministre constitutionnel de nos jours, d'un seul coup de Bourse, empoche « honnêtement » des millions. Et on s'étonnerait de voir toutes les passions mises en jçu, lorsqu'on»cherche un maître qui va être investi — 25 — d'un pareil pouvoir;! Lorsque l'Espagne mettait son trône vacant aux enchères, s'étonnait-on de voir les flibustiers accourir de toutes parts? Tant que cette mise en vente des pouvoirs royaux restera, rien ne pourra être réformé : l'élection sera la foire aux vanités et aux consciences. D'ailleurs, lors même qu'on rognerait tant soit peu le pouvoir des députés, lors même qu'on le fractionne¬ rait en faisant de chaque commune un Etat au petit pied, — tout resterait tel quel. On comprend encore la délégation,.lorsque çent, deux cents hommes qui se rencontrent chaque jour à leur travail, à leurs affaires communes, qui se connaissent à fond les uns les autres, qui ont discuté soifs tous ses aspects une affaire quelconque et qui sont arrivés à une décision, choisissent quelqu'un et l'envoient s'en¬ tendre avec d'autres délégués du même genre sur cette affaire 'spéciale. Alors, le choix se fait en pleine con¬ naissance . de cause, chacun sait ce qu'il peut confier à son- délégué. Ce délégué, d'ailleurs, ne fera qu'exposer devant d'autres délégués les considérations qui ont amené, ses commettants à telle conclusion. Ne pouvant rien imposer, il cherchera l'entente, et il reviendra avec une simple proposition que des mandataires pourront accepter ou refuser. C'est même ainsi qu'est née la délégation : lorsque les Communes envoyaient leurs délégués vers d'autres communes, ils n'avaient pas d'autre mandat. C'est encore ainsi que font aujourd'hui les météorologistes, les statisticiens dans leurs congrès internationaux, tes délégués des compagnies de che¬ mins de fer et des administrations postales de divers pays.* Mais, que clemande-t-on maintenant aux électeurs? — On demande à dix, vingt mille hommes (à cent mille avec le scrutin de liste), qui ne se connaissent point du — 26 — tout, qui ne se voient jamais, ne se rencontrent jamais sur aucune affaire commune, à s'entendre sur le choix d'un homme. Encore cet homme ne sera-t-il pas envoyé pour exposer un affaire précise ou défendre une réso¬ lution concernant telle affaire spéciale. Non, il doit être- bon à tout faire, à légiférer sur n'importe quoi, et sa décision fera loi. Le caractère primitif de la délégation s'est trouvé entièrement travesti, elle est devenue une « absurdité. 'Cet être omniscient-qu'on cherche aujourd'hui n'existe pas. Mais voici un honnête citoyen qui réunit certaines conditions de probité et de bon sens avec un peu d'ins¬ truction. Est-ce lui qui sera élu? Evidemment, non. Il y a à peine vingt personnes dans son collège qui con¬ naissent ses excellentes qualités. Il n'a jamais cherché à se faire de la réclame, il méprise les moyens usités de faire du bruit autour de son nom, il ne réunira ja¬ mais plus de 20-0 voix. On ne le portera même pas candidat, et on nommera un avocat ou un journaliste, un beau parleur ou un écrivassier qui apporteront au parlement leurs moeurs du barreau et du journal et iront renforcer le bétail de vote du ministère ou de l'oppo¬ sition. Ou bien ce sera un négociant, jaloux de se don¬ ner le titre de député, et qui ne s'arrêtera pas devant une dépense de 10.000 francs pour acquérir de la noto¬ riété. Et là où les mœurs sont éminemment démocri ¬ tiques, comme aux Etats-Llnis, là où les comités se" constituent facilement, et contrebalancent l'influence de la fortune, on nommera le plus mauvais -de tous,, le politicien de profession, l'être abject devenu aujour¬ d'hui la plaie de la grande République, l'homme qui fait de la politique une industrie et. qui la pratiqua selon les procédés de la grande industrie, •— réclame, coups de tam-tam, corruption. Changez le système électoral comme vous voudrez : remplacez le scrutin d'arrondissement par le scrute : — 27 — de liste, faites les élections à: deux degrés comme en Suisse (je parle des réunions préparatoires), modifiez tant que vous pourrez, appliquez le système dans les meilleures conditions d'égalité, — taillez et retaillez les collèges, — le vice intrinsèque de l'institution restera. Celui qui saura réunir plus de la moitié des suffrages (sauf de très rares exceptions, chez les partis persécutés) sera toujours l'homme nul, sans convictions, — celui qui sait contenter tout le monde. C'est pourquoi, — Spencer l'a déjà remarqué, — les parlements sont généralement si mal composés. La Chambre, dit-il dans son Introduction, est toujours in¬ férieure à la moyenne du pays, non seulement comme conscience, mais aussi comme intelligence. Un pays intelligent se rapetisse dans sa représentation. Il jure¬ rait d'être représenté par des nigauds qu'il ne choisirait pas mieux. Quant à la probité des députés, nous savons ce qu'elle vaut. Lisez seulement ce qu'en disent les ex-ministres qui les ont connus et appréciés. Quel dommage qu'il n'y ait pas de trains spéciaux, pour que les électeurs puissent voir leur « Chambre »■ à l'œuvre. Us. en auraient bien vite le dégoût. Les an¬ ciens soûlaient leurs esclaves pour enseigner à leurs enfants le dégoût de l'ivrognerie. Parisiens, allez donc à la Chambre voir vos représentants pour vous dégoûter du gouvernement représentatif. A ce ramassis de nullités le peuple abandonne tous ses droits, sauf celui de les destituer de temps en temps et d'en nommer d'autres. Mais comme la nou¬ velle assemblée, nommée d'après le même système et chargée de la même mission, sera aussi mauvaise que la précédente, la grande masse, finit par se désintéres¬ ser de la comédie et se borne à quelques replâtrages. — 28 — -en acceptant quelques nouveaux candidats qui par¬ viennent à s'imposer. Mais si l'élection est déjà empreinte d'un vice cons¬ titutionnel, irréformable, que dire de la manière dont rassemblée s'acquitte de son mandat? Réfléchissez une minute seulement, et vous verrez aussitôt l'inanité de la tâche que vous lui imposez. Votre représentant devra émettre une opinion, un vote, sur toute la série, variée à l'infini, de questions qui surgissent dans cette formidable machine, — l'Etat centralisé. Il devra voter l'impôt sur les chiens et la réforme de l'enseignement universitaire, sans jamais avoir mis les pieds dans l'Université ni sur ce qu'est un chien de campagne. Il devra se prononcer sur les. avantages du fusil Gras et sur l'emplacement à choisir pour les haras de l'Etat. Il votera sur le phylloxéra, le guano, le tabac, l'enseignement primaire et l'assainissement des villes; sur la Gochinchine et la Guyane, sur les tuyaux de cheminée et l'Observatoire de-Paris. Lui qui n'a vu les ■soldats qu'à la parade, répartira les corps d'armée, et sans avoir jamais vu un Arabe, il va faire et défaire le Code foncier musulman en Algérie. Il votera le shako ou le képi selon les goûts de son épouse. Il protégera le sucre et sacrifiera le froment. Il tuera la vigne en croyant la protéger; il votera le reboisement contre le pâturage et protégera le pâturage contre la forêt. Il sera ferré sur les banques. Il tuera tel canal pour un chemin de fer, sans savoir trop dans quelle partie de la France ils se trouvent l'un et l'autre. Il ajoutera de nouveaux articles au Gode pénal, sans l'avoir jamais consulté. Protée omniscient et omnipotent, aujourd'hui militaire, demain éleveur de porcs, tour à tour banquier, académicien, nettoyeur d'égouts, médecin, astronome, fabricant de drogues, corroyeur ou négociant, selon les ordres du jour de la Chambre, il n'hésitera jamais. Ha- — 29 — bitué dans sa fonction d'avocat, de journaliste ou d'ora¬ teur de réunions publiques, à parler de ce qu'il ne connaît pas, il votera sur toutes ces questions, avec cette- seule différence que dans son journal il amusait le concierge à son réchaud, qu'aux assises il réveillait à sa voix les juges et les jurés somnolents, et qu'à la Chambre son opinion fera loi pour trente, quarante millions d'habitants. Èt comme il lui est matériellement impossible d'avoir son opinion sur les mille sujets pour lesquels son vote- fera loi, il causera cancans avec son voisin, il passera son temps à la buvette, il écrira des lettres pour ré¬ chauffer l'enthousiasme de ses « chers électeurs »,. pendant qu'un ministre lira un rapport bourré de chif¬ fres alignés pour la circonstance par son chef de bu¬ reau; et au moment du vote il se prononcera pour ou contre le rapport, selon le signal du chef de son parti. Aussi une question d'engrais pour les porcs ou d'équi¬ pement pour le soldat, ne sera-t-elle dans les deux partis du ministère et de l'opposition, qu'une question d'escarmouche parlementaire. Ils ne se demanderont- pas si les porcs ont besoin d'engrais, ni si les soldats ne sont pas déjà, surchargés, comme des chameaux du désert, — la seule question qui les intéressera, ce sera de savoir si un vote affîrmatif profite à leur parti. La bataille parlementaire se livrera sur le dos du soldat, de l'agriculteur, du travailleur industriel, dans l'intérêt du ministère ou de l'opposition. Pauvre Proudhon, j'imagine ses déboires lorsqu'il eut la naïveté enfantine, en entrant à l'Assemblée, d'étudier à fond chacune des questions mises à l'ordre du jour. Il apportait à la tribune des chiffres, des idées, — on ne l'écoutait même pas. Les questions sont- toutes réso¬ lues bien avant la séance, par cette considération si simple : est-ce utile, est-ce nuisible à notre parti? Le- — 30 — pointage des voix est fait; les soumis sont- enregistrés, les insoumis sont sondés, comptés soigneusement. Les discours ne se prononcent que pour la mise en scène : on ne îles écoute que s'ils ont valeur artistique ou s'ils prêtent au scandale. Les naïfs s'imaginent que Rou- mestan a enlevé la Chambre par son éloquence, et Roumestan, après la. séance, calcule avec ses amis comment il pourra s'acquitter des promesses laites pour enlever le vote. Son éloquence n'était qu'une; can¬ tate de circonstance, composée et chantée, pour amuser - la galerie, pour réchauffer sa popularité par des phrases ronflantes. « Enlever un votq! » — Mais qui donc sont ceux qui enlèvent'des votes, dont les bulletins font pencher d'un côté ou de l'autre la balance parlementaire? Qui sont ceux qui renversent et refont les ministères et qui dotent le pays d'une politique de réaction ou d'aventures extérieures? Qui décide entre le minis¬ tère et l'opposition? — Ceux qu'on a nommés si justement «les crapauds du marais! » Ceux qui n'ont aucune opinion, ceux qui s'asseoient toujours entre deux chaises, qui flottent entre les deux partis principaux de la Chambre. C'est précisément ce groupe, — une cinquantaine d'indifférents, de gens sans conviction aucune qui font la girouette entre les libéraux et les conserva¬ teurs, qui se laissent influencer par les promesses, les places, la flatterie ou la panique, — ce petit groupe de nullités qui, en donnant ou refusant ses voix, dé¬ cidé toutes les affaires du pays. Ce sont eux'qui font les lois ou les renvoient dans les cartons. Ce sont eux qui supportent ou renversent les. ministères et qui changent la direction de la politique. — Une cinquan- laine d'indifférents faisant là. loi au pays, — voilà à .quoi §e réduit, en première analyse, le régime parle¬ mentaire. Cela est inévitable, quelle que soit la composi¬ tion du parlement, qu'il soit bourré d'étoiles . de pre¬ mière grandeur et d'hommes intègres, — ,1a décision appartiendra... aux crapauds du marais! Rien ne peut y être changé tant que la majorité fera loi. Après avoir brièvement indiqué les vices constitu¬ tionnels des assemblées représentatives, nous devrions maintenant montrer ces assemblées- à l'œuvre. Nous devrions montrer comment toutes, depuis la Conven¬ tion jusqu'au conseil de la Commune de 1871, depuis le Parlement anglais jusqu'à, la Skoupchtchina serbe, sont entachées de nullité; comment leurs meilleures lois n'ont été — selon l'expression de Buckle — que l'abolition de lois précédentes, comment ces lois ont dû être arrachées par les piques du peuple, par des moyens insurrectionnels. Ce serait une histoire à faire, mais elle dépasserait les cadres de notre revue (1). D'ailleurs, quiconque sait raisonner sans se laisser égarer par les préjugés de notre éducation vicieuse trouvera lui-même assez d'exemples dans l'histoire du gouvernement représentatif de nos jours. Et il com¬ prendra que, quel que soit le corps représentatif : qu'il soit composé d'ouvriers ou de bourgeois, qu'il soit même largement ouvert aux socialistes-révolution¬ naires, — il conservera tous les vices des assemblées représentatives. Ceux-ci né dépendent pas des indi¬ vidus, ils. sont inhérents à l'institution. 1) Le lecteur trouvera dans l'ouvrage récent de Herbert Spencer, l'Individu contre l'Etat, un chapitre intitulé les Péchés des Législateurs, qui traite ce sujet. — ed. Rêver un Etat ouvrier, gouverné par une assemblée élue, c'est le plus malsain des rêves que nous ins¬ pire notre éducation autoritaire. Gomme on ne peut pas avoir un bon roi, ni dans Rienzi, ni dans Alexandre III, de même on ne peut pas avoir un bon parlement. L'avenir socialiste est dans une tout autre direction : il ouvrira à l'humanité des voies nouvelles dans l'ordre politique, comme dans l'ordre économique. IV C'est surtout en jetant un coup d'oeil sur l'histoire du régime représentatif, son origine et la manière dont l'institution s'est, dénaturée à mesure que se dévelop¬ pait l'Etat, que nous comprendrons que son temps est fait, son rôle fini, et qu'elle doit céder la place à un nouveau mode d'organisation politique. Ne remontons pas trop loin; prenons le douzième siècle et l'affranchissement des Communes. Au sein dédia société; féodale se produit un grand mouvement libertaire. Les villes s'affranchissent des seigneurs. Leurs habitants « jurent » la défense mu¬ tuelle; ils se constituent indépendants à l'abri de leurs murailles;, ils s'organisent pour la production et l'échange, pour l'industrie et le commerce; ils créent ces cités qui, pendant trois ou quatre siècles, serviront de refuge au travail libre, aux arts, aux sciences, aux idées, — qui jetteront les fondements de cette civi¬ lisation dont nous nous glorifions aujourd'hui. Loin d'être d'origine purement romaine, comme l'ont prétendu Raynouard et Lebas en France (suivis — 33 — par Guizot et, en partie, par Augustin Thierry), Eichhorn Gaupp et Savigny en Allemagne; loin d'être d'origine purement germanique, comme l'affirme l'école brillante des « Germanistes », les. communes furent un produit naturel du moyen âge et de l'im¬ portance toujours croissante des bourgs comme centres de commerce et d'industrie. C'est- pourquoi simultané¬ ment, en Italie, dans les Flandres, dans les Gaules, en Germanie, dans le monde Scandinave et dans le monde slave, où l'influence romaine est nulle et l'in¬ fluence germanique ne compte presque pas, nous voyons s'affirmer à la même époque, c'est-à-dire?, au onzième et douzième siècles, ces cités indépendantes qui rempliront trois siècles de leur vie mouvementée, ■et plus tard deviendront les éléments constitutifs des Etats modernes. Conjurai ions de bourgeois qui s'arment pour leur défense et se donnent à l'intérieur une organisation indépendante de leurs seigneurs temporels ou ecclésias¬ tiques, aussi bien que du roi, — les cités libres fleu¬ rissent bientôt derrière leurs remparts; et quoiqu'elles •cherchent à se substituer au seigneur pour la domina- lion des villages, elles inspirent ceux-ci du même souffle de liberté. Nus sûmes homes cum il sunt. — «Nous sommes des hommes comme eux», chantent bientôt les villageois en faisant un pas de plus vers l'affranchissement des serfs. « Asiles ouverts à la vie de travail », les cités affran¬ chies se constituent à l'intérieur comme ligues de corporations indépendantes. ■ Chaque corporation a sa juridiction, son administration,- sa milice. Chacun est maître, de ses affaires, non seulement en ce qui- con¬ cerne son 'métier ou vson commerce, mais dans tout ce que l'Etat s'attribuera plus tard : instruction, mesures sanitaires, infractions aux coutumes, affaires pénales et civiles, défense militaire. Corps politique, en même - 34 — temps qu'industriels ou commerçants, les corpora¬ tions sont unies entre ellès par le forum, — le peuple, réuni au son du beffroi aux grandes occasions, soit pour juger les différends entre corporations, soit pour décider des affaires qui concernent toute 1a, cité, sbil pour s'entendre sur Des grandes entreprises commu¬ nales, qui demandent le., concours de tous les hàb'i- lants. Dans la Commune, surtout aux débuts, ;— point de traces encore de gouvernement représentatif. La rue,, la section, toute la èorporation, toute la cité en bloc, prennent les décisions, — non pas à coups de majorité, mais en discutant jusqu'à ce que les parti¬ sans d'une des deux opinions en présence finissent par accepter de plein gré, ne serait-ce que comme fessai, l'opinion qui rallie le grand nombre. L'entente existait-elle? — La; réponse est dans leurs oeuvres que nous ne Cessons d'admirer sans pouvoir les surpasser. Tout ce qui est resté de beau de la fin du moyen -âge est l'œuvre de ces cités. Les cathé¬ drales, ces monuments gigantesques qui racontent, taillés dans la pierre, l'histoire, les aspirations des Communes, sont l'oeuvre de ces corporations, travail-- ianl par piété, par amour de l'art et de leur cité (ce n'es! pas avec lés fonds municipaux que les cathé¬ drales de Reims, de Rouen, auraient pu être payées., ei rivalisant entre elles pour embellir leur- hôtels dé ville, pour élever leurs remparts. C'est aux Communes affranchies que nous devons la renaissance de l'art, c'est aux corporations 'de mar¬ chands, souvent à tous les habitants de la cité, qui apportaient chacun leur part dans l'équipement d'une caravane ou d'une flotte, que nous devons ce dévelop¬ pement de commerce qui amena bientôt les ligues ban- séatiques.et les découvertes maritimes. C'est aux cor- — 35 — porations d'industriels, sottement décriées depuis par Tignorantisme et l'égoïsme des entrepreneurs d'indus¬ trie, que nous devons ta-création de presque tous tes arts industriels dont, nous bénéficions aujourd'hui. Mais la Commune du moyen âge devait périr. Deux ennemis l'attaquaient ' en même temps : celui du dedans, celui du dehors. Le commerce, les guerres, la domination égoïste sur les campagnes travaillaient à accroître l'inégalité au sein de la Commune, à déposséder les uns, à enrichir les autres. Pendant quelque temps, la corporation empêcha le développement du - prolétariat' au sein de 'la cité, mais bientôt elle succomba dans une lutte iné¬ gale. Le commerce soutenu par le pillage, les guerres •continuelles dont l'histoire . de l'époque est remplie, enrichissaient les uns, appauvrissaient les autres; la bourgeoisie naissante travaillait à fomenter la discorde, à exagérer les inégalités de fortune. La cité se divisa en riches et pauvres, en « blancs » et « noirs»; la lutte ■des classes fit son apparition, et . avec elle l'Etat au sein de la commune. A mesure que les pauvres s'ap- pauvrissaierft, asservis de plus en plus aux riches par l'usure, la représentation, municipale, le gouverne¬ ment par procuration, c'est-à-dire le gouvernement des riches, prenait pied dans la commune. Elle se constituait en Etat représentatif, avec caisse munici¬ pale, milice louée, condottieri armés, services publics, fonctionnaires. Etat elle-même, mais Etat en petit, ne devait-elle pas devenir bientôt la proie, de l'Etat en grand qui se constituait sous les auspices de là royauté? Minée déjà à l'intérieur, elle fut en effet engloutie-par l'ennemi extérieur, — le roi. * — 36 — Pendant que les cités libres tlorissaient, l'Etat cen¬ tralisé se constituait déjà,1 à leurs portes. I! naquit loijp -du bruit du, forum, loin de l'esprit municipal qui inspirait les villes indépendantes. C'est ■dans une ville nouvelle, à Paris, à Moscou, — ramassis de villages, — que se consolida le pouvoir naissant de la royauté. Qu'était le roi jusqu'alors? Un chef de- bande comme' les autres. Un chef dont le pouvoir s'étendait à peine sur sa bandé de brigands et qui pré¬ levait à peine un tribut sur ceux qui voulaient lui acheter la paix. Tant, que .ce chef était enfermé dans - une ville fière de ses libertés communales,, que- pouvait-il? Dès-, que, de simple défenseur des mu¬ railles, il cherchait à devenir maître de la ville, le- forum le chassait. Il se réfugia donc dans une agglo¬ mération naissante, dans une ville nouvelle. Là, pui¬ sant la richesse dans le travail des serfs, ne rencon¬ trant point: d'obstacles dans la plèbe- turbulente, il commença par l'argent, la fraude, l'intrigue et les- armes, le lent travail d'agglomération, de centralisa¬ tion/que les guerres de l'époque, les invasions conti¬ nuelles ne favorisaient que- trop, — qu'elles impo¬ saient, dirai-je, — simultanément à toutes les nations européennes. Les Communes, déjà en décadence, déjà Etats dans leurs murs, lui servirent de point de mire et de mo¬ dèle. Il ne s'agissait que de les englober peu à peu,, de s'en approprier les organes, de les faire servir au développement du pouvoir royal. -C'est, ce que lit la royauté, avec force ménagements à ses débuts, et de- plus en plus brutalement à mesure qu'elle sentait croître ses forces. Le droit écrit était né, ou plutôt cultivé, dans les chartes des Communes. Il servit de base à l'Etat. Plus, tard, le droit romain vint lui donner sa sanction, en même temps qu'il donnait sa sanction à l'autorité- royale. La théorie du pouvoir impérial, déterrée des glossaires romains, fut propagée au bénéfice, du roi. L'Egilise, de son côté, s'empressa de la couvrir de sa bénédiction, et après avoir échoué dans sa tentative de constituer l'Empire universel, elle se rallia autour de celui par l'intermédiaire duquel elle espérait régner un jour sur la terre. Cinq, siècles durant, la royauté poursuit ce lent tra¬ vail d'agglomération, ameutant les serfs, et les Com¬ munes contre le seigneur, et plus tard écrasant les serfs et les Communes avec l'aide du seigneur, devenu son fidèle serviteur. Elle débute en flattant les Communes, mais elle attend que les luttes intes¬ tines lui ouvrent leurs portes, lui livrent leurs caisses qu'elle empochera, et leurs remparts qu'elle hérissera de ses mercenaires. Elle procède cependant vis-à-vis des Communes avec caution : elle leur reconnaît certains privilèges, lors même qu'elle les asservit. Chef de soldats qui ne lui obéissent qu'autant qu'il leur procure du butin, le roi a toujours été entouré d'un Conseil de ses sous-chefs, ,qui, au quatorzième ou au quinzième siècle, font son Conseil de la Noblesse. Plus tard, un Conseil de Clergé vient s'adjoindre à celui-ci. Et à mesure que 1-e roi réussit à mettre la main sur les Communes, il invite à sa cour, — surtout aux époques critiques, —• les représentants de « ses bonnes villes », afin de leur demander des subsides. C'est ainsi que naquirent les parlements. Mais, — notons-le bien, — ces corps représentatifs, comme la royauté elle-même, n'avaient qu'un pouvoir fort limité. Ce qu'on leur demandait, c'était seulement un secours pécuniaire pour telle guerre; et ce . secours — 38 — une- foi- volé1 par les délégués, encore fallait-il que la ville le ratifiât. Quand à l'administration intérieure des Communes, la royauté n'avait rien à y voir. — « Telle ville est prête à vous accorder tel subside pour repousser telle invasion. Elle consent à accepter une garnison pour servir de place forte contre l'ennemi », — voilà le mandat net et précis du représentant de l'époque. Quelle différence avec le mandat illimité, comprenant tout au monde, que nous donnons aujour¬ d'hui à nos députés! Mais la faute était laite. Nourrie par les luttes des riches et des pauvres, 1a. royauté s'était constituée sous le couvert de la défense nationale. Bientôt, voyant le gaspillage de leurs subsides à la •cour royale, les représentants des Communes cher¬ chent à y mettre de l'ordre. Ils s'imposent à la royauté ' en administrateurs de la caisse nationale; et en An¬ gleterre, appuyés par l'aristocratie, ils réussissent à se faire accepter comme "tels. En France, après le' désastre de Poitiers, ils étaient bien près de s'arroger les mêmes droits; mais Paris, soulevé par Etienne Mar¬ cel, est réduit au silence, en même temps que la Jac¬ querie, eh la royauté sort de la lutte avec une force nouvelle. Depuis lors, tout contribue à l'affermissement de la royauté, à la centralisation des pouvoirs sous la main du roi. Les subsides se transforment en impôt et la bourgeoisie s'empresse de mettre au service du roi son esprit d'ordre et d'administration. La décadence des Communes, qui succombent l'âne après l'autre devant le roi; la faiblesse des paysans réduits de plus en plus au servage, — économique sinon personnel; les théo¬ ries de droit romain exhumées par les juristes; les — 39 — guerres continuelles, — source permanente d'autorité;: — tout favorise la consolidation du pouvoir royal. Héritier de .l'organisation communale, il s'en empare pour s'ingérer de plus en plus, dans la vie de ses- sujets, •— si bien que, sous Louis XIV, il peut s'écrier : « L'Etat, c'est moi! » Depuis lors, c'est la décadence, l'avilissement de l'au- lorité royale, tombant entre les mains des courtisanes, cherchant à se relever sous Louis XVI par les. mesures libérales du commencement du règne, mais succom¬ bant bientôt sous le poids de ses méfaits. Que fait la Grande Révolution lorsqu'elle porte sa hache sur l'autorité du roi? Ce qui l'a rendue possible, cette.Révolution, c'est la désorganisation du pouvoir central, réduit pendant quatre ans à l'impuissance absolue, au rôle de simple enregistreur des faits accomplis; c'est l'action spon¬ tanée des villes et des- campagnes arrachant au pouvoir toutes ses attributions, lui refusant l'impôt et l'obéis¬ sance. Mais la bourgeoisie, qui tenait le haut du pavé, pou¬ vait-elle ^'accommoder de cet état de choses? Elit- voyait que.le peuple, après avoir aboli îles privilèges des seigneurs, allait s'attaquer à .ceux de la bour¬ geoisie urbaine et villageoise, et elle chercha, elle par¬ vint à le maîtriser. Pour cela., elle se lit l'apôtre du gou¬ vernement représentatif et travailla pendant quatre ans avec.toute la force d'action et d'organisation qu'on lui connaît, à inculquer à la nation cette idée.' Son idéal, c'était celui d'Etienne Marcel : un roi qui, en théorie, est investi d'un pouvoir absolu, et en réalité se trouve réduit à zéro par un parlement, composé évidemment des représentants de la bourgeoisie. L'omnipotence de ta bourgeoisie par le parlement, sous te couvert de la royauté, — voilà son but. Si te peuple lui a imposé la République, c'est à contre-cœur qu'elle l'accepte, et elle s'en débarrasse au plus vite. Attaquer te pouvoir central, le dépouiller de ses -attributions, décentraliser, émietter le pouvoir, c'eût été • abandonner au peuple ses affaires, c'eût été courir les risques d'une révolution vraiment populaire. C'est .pourquoi la bourgeoisie cherche à renforcer davantage le gouvernement central, à l'investir de pouvoirs que le roi lui-même n'ose pas rêver, à concentrer tout entre ses mains, à lui soumettre tout d'un bout à l'autre de la France, — et puis à s'emparer de tout par l'Assem¬ blée Nationale.' Cet idéal du jacobin, c'est encore jusqu'à présent l'idéal de la bourgeoisie de toutes les nations euro¬ péennes, et, le gouvernement représentatif, c'est- son -arme.1 Cet idéal peut-il être le nôtre? Les travailleurs so¬ cialistes peuvent-ils rêver de refaire dans lés mêmes termes la révolution bourgeoise? Peuvent-ils rêver de renforcer, à leur tour, le gouvernement central en lui livrant tout le domaine économique, et confier là gou¬ verne de toutes leurs affaires politiques, économiques, sociales, au gouvernement représentatif? Ce qui fut un compromis entre la royauté et la bourgeoisie doit-il ■être l'idéal du travailleur socialiste? Evidemment non. A une nouvelle plisse économique correspond une nouvelle phase politique. Une révolution aussi pro¬ fonde que celle qui est- rêvée par les socialistes ne ■saurait rentrer dans les moules de la vie politique du passé. Une société nouvelle,, basée sur l'égalité des -conditions, sur la possession collective des instru¬ ments de travail, ne saurait s'accommoder, même pour huit jours, du régime représentatif, ni d'aucune- des modifications dont on chercherait à él.eçtriser ce cadavre. Ce régime a fait son temps. Sa disparition est aussi;, inévitable aujourd'hui que le fut au temps jadis son. apparition. Il correspond au règne de la bourgeoisie. C'est par ce régime que la bourgeoisie règne depuis un siècle et il disparaîtra avec elle. Quant à nous,, si nous voulons la Révolution sociale, nous devons chercher le mode d'organisation politique qui corres¬ pondra au nouveau mode d'organisation économique. Ce mode, d'ailleurs, est tracé d'avance. C'est la formation du simple au composé, de groupes qui se «onstituent, librement pour la satisfaction de tous les besoins multiples, des individus dans la société. Les sociétés modernes marchent déjà dans cette voie. Partout le libre groupement, la libre fédération cherchent à se substituer à l'obéissance passive. Ils comptent déjà par dizaines de millions, ces groupes libres, et de nouveaux surgissent chaque jour. Ils s'étendent et commencent déjà à couvrir toutes les branches de. l'activité humaine; science,, arts, industrie, commerce, secours, voire même défense du territoire et assurance contre le vol et les tribunaux,. — rien ne leur échappe, leur réserve s'étend et finira par embrasser tout ce que le roi, le parlement, s'étaient arrogé autrefois. L'avenir est au libre groupement des intéressés, et non pas à la. centralisation gouvernementale, — à la liberté et non pas à l'autorité. Mais avant d'esquisser l'organisation qui surgirait du libre groupement, nous devons encore attaquer bien des préjugés politiques, dont nous sommes tous imbus jusqu'à présent, et c'est ce que nous allons faire- dans nos prochaines études.. Pierre KROPOTKINE. Vient de paraître BIBLIOTHÈQUE SOCIALE Michel BAKOUNINE I DIEU et rETflT 1 Préface d'Elisée RECLUS et Carlo CAFIERO nouvelle édition nvec 2 portraits de Bakouninc S Prix : 1.50 Franco recommandé: 2.25 ™ £BmiMMm9B2l36iElliSHIHUS!migSiHUlEU3SlUlS31iiîI311IHIIIllllHHS Vient de paraître s BIBLIOTHEQUE SOCIALE Pierre KRQPOTKINE L'ANARCHIE | Sa Philosophie - Son Idéal Conférence qui devait être faite le 6 Mars 1896 dans la salle du Tivoli-Vauxall, à Paris Nouvelle Edition - Prix : 1.25 Franco recommandé: 1.85 rHï Pour la Campagne antiparlementaire 19Z8 Le Groupe de Propagande par la Brochure, 39, Rue de Bretagne, PARIS. Chèque postal : Bidault 239-02, offre aux Groupes ou camarades les brochures suivantes a distribuer 1. — Electeur, écoute, par Sébastien Faure 2. — La Gi'èVe des Electeurs, par Octave Mirbeau. 3. — Absurdité de la politique, par Paraf-Javal. 4. — Electeur ne Vote pas!, par le C. A. P. 5. — Le Mensonge électoral, par André Lorulot 6. — La Blague du Suffrage Universel, par Mauricius Les 6 brochures de 8 pages chacune assorties ou non au prix de 2.50 le cent franco. La Faillite de la Politique, par Emile Bureau. . 0.25 Le cent franco 20 fr. Le Tréteau Electoral, par Léonard, le cent franco 10.60 L'Election du Maire de la Commune, par Léonard, le cent. 10.60 L'Illusion parlementaire, par A. Laisant, le cent. . 10 60 La Pourriture parlementaire, par Sébastien Faure 0.50 A bas l'Autorité - Suffrage Universel, par Mauricius 0.50 La Loi et l'Autorité, par Kropoikine .... 0.50 Le Gouvernement Représentatif, par Kropotkine. 0.50 iiiiiiiiiiniiiiiiiiiniiiiiiiiiiiimniiiiiiiiiinimNiiiiinniiiiiiiiijiiitiiiiiiiniiiiiin Nos Affiches Illustrées format double colombier 80/120 Le Candidat et la Poire, impression bleu. Le Candidat et la Lune, — rouge. Prix par 50 sur beau papier blanc assorties ou non 40frs franco • Un volume indispensable : L'ÉDUCATION SEXUELLE (Nouvelle édition. — 150* mille.) par Jean Marestan Cet ouvrage, dont le succès est tout à fait excep¬ tionnel, et qui a été traduit en plusieurs langues, paraît, en une édition nouvelle, revue et aug¬ mentée. C'est un des plus clairs et des plus remar¬ quables qui aient été décrits sur cette importante question. L'auteur ne se contente pas de donner aux jeunes gens et aux époux de précieux ensei¬ gnements théoriques et pratiques que tous de¬ vraient connaître. Sans nul souci des opinions conventionnelles, en un style dénué d'hypocrisie, attrayant à lire comme un roman, il traite sous tous ses aspects, avec toutes ses conséquences sociales, le problème des sexes. Extrait de la Table des Chapitres : Des Mora¬ lités néfastes. — Les Organes et le Mystère de la Génération. — Dans lequel il est traité de l'acte d'amour et de la puberté. — La Loi d'amour s'im¬ pose à tous, ou les dangers de la continence abso¬ lue. — De l'hygiène en général et de l'hygiène sexuelle en particulier. — Sur les rapports con¬ jugaux et leur fréquence normale. ■— Maladies vénériennes et syphilis : Moyens de les recon¬ naître et de les éviter. — Procédés scientifiques et pratiques de préservation sexuelle. — La Stéri¬ lité. — Epousailles. — Les difficultés de l'initia¬ tion. — Signes de grossesse et soins à donner aux accouchées. — L'avortement et son traitement. — Mariage et Union libre. — La Fécondité normale chez les êtres vivants et ses conséquences. — La sélection artificielle. — Les déviations morbides. — Egalité des sexes. Un beau volume de 330 pages, illustré. En vente : Bidault, 39, rue de Bretagne. Prix: 12 francs, franco recommandé: 12.00 Compte chèque postal 239-02-Paris. LA BROCHURE MENSUELLE COLLECTION 1923-1924 1 « Aux Jeunes Gens ». — L'Ordre, par Pierre Kropotkine 0 25 2 La Loi et l'Autorité. — La Révolution sera-t-elle collec¬ tiviste ? par Kropotkine.. 0 25 3 Une conscience pendant la Guerre (l'affaire Gaston Rol¬ land), par Han Ryner 0 25 4 Qu'est-ce que la Propriété ? selon P.-Ji Proudhon, par Rhillon, 0 25 5 Les Capitalismes en Guerre, 19,03-1923. — De Briey à la Rhur : Les causés profondes ; les résultats, par Rhillon 0 25 6 A L'Anarchie et l'Eglise, par Elisée Reclus. 0 15 6 B A Bas Les Chefs ! — L'Autorité et la Paresse, par J. Dejacques —" 0 15 7 Douze preuves de L'inexistence de Dieu, par Sébastien Faure 0 25 8 Qu'est-ce que la Propriété ? selon P.-J. Proudhon. — La Propriété fille du travail ? par Rhillon 0 25 9 Tu seras Végétalien ! par G. Butaud et S. Zaïkowska 0 25 10 Le Droit d'ignorer l'Etat, par Herbert Spencer (traduit de l'anglais, par Manuel, Devaldès) 0 25 11A Petit Manuel d'Epictète (choix de maximes) 0 25 11B Tu ne tueras point, par Léon Tolstoï 0 10 12 A L'Amour et la Maternité, par la Doctoresse Madeleine Pelletier 0 25 12 B La Morale de la Guerre déduite par ses Professionnels, par Ermenonville 0 10 13 Déclarations de Georges Etiévant 0 25 14 L'Anarchie, par Elisée Reclus. — Le Principe Anarchiste par P. Kropotkine 0 25 15 Qu'est-ce que la Propriété ? selon P.-J. Proudhon. — La Propriété-Vol, par Rhillon 0 25 16 Pour ne pas voter. — Electeur, écoute, par Sébastien Faure. — La Grève des Electeurs, par Octave Mirabeau. L'Absurdité de la Politique, par P. Javal 0 25 17 A L'Illusion Parlementaire, par C.-A. Laisant, couverture de Grandjouan 0 15 17 B L'Election du Maire de la Commune, farce électorale, par Léonard 0 20 17 C Le Tréteau Electoral, farce politique et sociale, par Léonard 0 20 18 L'Objection de Conscience devant le Service Militaire, par Marceline Hecquet . 0 25 19 Malthus et PAnarchisme, par C.-L. James (traduit de l'anglais, par Manuel Devaldès 0 25 20 Pour voir clair, par Ermenonville 0 25 21 La Peste Religieuse, par Jean Mosé 0 25 22 L'Art et le Peuple, par Charles Hotz 0 25 23 Les Crimes de Dieu, par Sébastien Faure,' 0 25 24 A L'Ame existe-t-elle ? par Madeleine Pelletier. 0 15 24 B Les Trois Complices, par René Chauglii 0 15 La Collection complète (1923-1924) franco 6 60 LA BROCHURE MENSUELLE COLLECTION 1925-1926 25 Parasitisme social. — lies Morts Glorieux par Lux 0 25 26 Qu'est-ce qu'un Anarchiste ? par E. Armand 0 25 27 Ce que veulent les Anarchistes, par G. Thonard 0 25 28 A Les Ëndormears, par Michel Bakounine 0 25 28B L'Esprit de Révolte, par Pierre Kropotkine 0 25 29 A Propos Subversifs, par Raoul Odin 0 25- 29 B Le Militarisme, par Domela Nieuwenkuis 0 25 30 L'Amour libre, par Madeleine Vernet 0 25- 31 Supplément au. Voyage de Bougainville, par Diderot 0 25 32 L'A.R.C. du Libertaire, par Jules~ Lermina .. 0 25' 33 La Cause Biologique et la Prévention de la Guerre, par Manuel Devaldès 0 25' 34 A Bas les Morts, par E. Girault. — Le Culte de la Cha¬ rogne, par Libertad. — Les Barbares,- par G; de la Fou- chardière . '. 0 25 35 Amour libre et Liberté Sexuelle, par E. Armand 0 25 36 La Rhétorique du Peuple, par Raoul Odin 0 25 37 L'Evangile de l'Heure, par Paul Bertkelot 0 25 38 Le Crépuscule des Partis, par E. Herbert 0 25 39 Contre le Fascisme, par René Ghislain 0 25 40 Le Droit à la Paresse, par Paul Làfarguë 0 25 41 L'Instinct de Conservation. — Vive la vie î par Lux 0 25- 42 A L'Education de Demain, par C.-A. Laisant 0 25 42 B Aux Femmes, par Urbain Golvier 0 25 43 Un précurseur anarchiste : Diogône, par Louis Combes ... 0 25 44 Les Origines de la Vie par F.-O. Ritz 0 25 45 Pourquoi nous sommes Antimilitaristes ? par E.-D. Morat 0 25 46 A Mon Frère le PaySan, suivi de : Pourquoi nous sommes révolutionnaires, par Elisée Reclus 0 25 47 Jésus-Christ n'a jamais existé, par E. Bossi 0 25- 48 Communisme et Anarchie, par Pierre Kropotkine 0 25 La Collection complète <1925-1926) franco 6 60' La collection des quatre années (1923-2-25-26) franco ...... 12 60 Les numéros 12A, 35, 42A ne se vendent qu'avec la collection complète à ..- 12 60 Compte chèque postal ;— Paris 239-02. > - " 4 -