- G m Ir ? es "f /a ) EXPOSITION COLONIALE INTERNAT)O NA L E PARIS 1931 INDOCHINE FRANÇAISE SECTIONS DES SCIENCES ET DES SERVICES D'ASSISTANCE SOCIALE DIRECTION GENERALE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE TRAVAUX DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE DE L'INDOCHINE Extrait des observations recueillies dans tes services de cliniques médicale, chirurgicale et obstétricale, HANOI IMPRIMERIE D'EXTRÊME-ORIENT 1931 ■ «I ■ . - .. . ... ..^ . . . • ... Ipllj p p MSSÈm mmsm sswa EXPOSITION COLONIALE INTERNATIONALE PARIS 1931 INDOCHINE FRANÇAISE SECTIONS DES SCIENCES ET DES SERVICES D'ASSISTANCE SOCIALE DIRECTION GENERALE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE TRAVAUX DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE DE L'INDOCHINE Extrait des observations recueillies dans les services de cliniques médicale, chirurgicale et obstétricale. Centre de Documentation sur l'Asie du Sud-Est et le Monde Indonésien EPHE V!* Section HANOI IMPRIMERIE D'EXTRÊME-ORIENT 1931 ASs 2ïliC (IV) RIRI t/^TUCni ir bibliothlque TABLE DES MATIÈRES 4 Travaux de l'Ecole de Médecine de l'Indochine. (Extrait des observations recueillies dans les services de cliniques médicale, chirurgicale et obstétricale). I. — Clinique médicale : a) Dysenterie 7 ♦ b) Syphilis, Pian, Affectations cutanées diverses 16 c) Rates paludéennes 40 d) Parasites intestinaux 55 e) Articulations 60 /) Système nerveux 69 II. — Clinique chirurgicale : a) Bouche, cou, langue, trachée 81 h) Thorax, sein 91 c) Estomac, instestin, mésentère 93 d) Foie et voies biliaires 118 e) Organes génitaux de la femme 123 /) Organes génitaux de l'homme 138 g) Organes urinaires 141 h) Os 144 i) Crâne, face, orbite, nez, fosses nasales 146 j) Nerfs 160 k) Membres 164 III. — Clinique obstétricale 179 :\W) i : '■ I • 1 ,* . . î Y ■ - I CLINIQUE MEDICALE DYSENTERIE PERFORANTE AU COURS DYSENTERIE AIGUË Par AUGE et DEGOECE Le nommé Nguvèii-van-Ba, âgé de 34 ans, cuisinier, entre à l'hôpital indi¬ gène du protectorat,, le 8 septembre 1907. Il déclare être atteint de dysenterie depuis une quinzaine de jours. 11 accuse des tranchées abdominales fréquentes et très violentes, du ténesme rectal et, par 24 heures, une dizaine de selles contenant du sang et des mucosités. Son état général est très mauvais. Du 9 au 16 septembre le malade présente tous les symptômes, déjà accusés, d'une dysenterie grave avec selles abondantes, tour à tour lavure de chair ou raclure de boyaux. Les urines sont très rares, de 100 à 200 grammes par jour, sans albumine, et, les mictions très pénibles. Pas la moindre élévation thermi¬ que. La température est de 36°3 à 36°6. Le traitement par l'ipéca à la brésilienne immédiatement institué n'a entraîné qu'une diminution appréciable dans le nombre des selles, tombées de 10 à 5 par jour. L'état, général ne s'est pas le moins du monde amélioré. Le 14 nous prescrivons un grand lavage au nitrate d'argent, Le 15 nous y joignons un traitement au calomel pris à des doses filées (une pilude de 0 gr. 03 centigrammes toutes les heures, n° 12). Le 16, au matin, nous avons la satisfaction, pour la première fois, de cons¬ tater une légère amélioration. Le nombre des selles a décru. 11 n'y en a que 4 en 24 heures. Elles sont liquides, fécaloïdes et ne contiennent que quelques mucosités sanguinolentes. Le symptôme douleur est un peu atténué et le ma¬ lade est moins affaissé. Enfin les urines ont atteint le taux de 300 grammes. Le 17, l'amélioration persiste. Mêmes selles que la veille. Les urines ont encore augmenté (350 grammes). Aussi quelle n'est pas notre surprise le 18 au matin à la visite de constater que l'état du malade dont nous commencions à bien augurer avait considérablement empiré. Il nous dit que, pendant la nuit, vers minuit environ, il a brusquement ressenti dans le ventre une doulenr atroce qui lui a arraché toute la nuit et lui arrache encore des gémissements incessants. Il existe une voussure légère dans la fosse iliaque droite. La pression provo¬ que à ce niveau une vive douleur. La paroi musculaire est contracturée, mais on ne perçoit pas d'empâtement réel. Sous une pression légère l'intestin se laisse déprimer et produit un bruit de gargouillement. Le reste du ventre est souple et non douloureux. Le faciès est normal. Le pouls est à 115, plein. La température est 36°5. Il n'y a ni nausées, ni vomissements. Les selles sont liquides, brunâtres, semblables à du chocolat au lait. A. — APPENDICITE D'UNE (1) Publié dans la Revue médicale de l'Inclochine Française, lrc année, 1908, n° 6. Le malade est mis à la diète absolue. On fait une piqûre de morphine ; ou injecte un litre de sérum à la cuisse et on applique une vessie de glace sur la fosse iliaque droite. Le malade est un peu soulagé après l'injection de mor¬ phine. Néanmoins il 11e peut supporter la pression de la vessie de glace. Des nausées et un léger vomissement surviennent dans l'après-midi. À quatre heures de l'après-midi, l'état du malade a manifestement empiré depuis le matin. Le pouls est petit, à 130. La température reste à 36°5. Malgré le peu d'espoir que nous laisse l'état précaire du malade, nous déci¬ dons d'intervenir de suite. Le malade est endormi au chloroforme. Incision sur le bord externe du muscle droit. Le fascia transversalis et le péritoine, sont épaissis, grisâtres, ne forment qu'un seul plan. Sitôt le péritoine incisé, du pus jaunâtre un peu fétide s'écoule par l'orifice. Ce pus contient des fausses membranes jaunes analogues à des flocons de beurre en suspension dans du lait. Les anses intestinales sont agglutinées entre elles, ballonnées, de teinte hortensia, biles limitent une poche que nous lavons à l'eau bouillie chaude sous très faible pression. Puis le doigt écartant prudemment les anses intestinales donne issue à une autre poche située du côté de la ligne médiane et analogue à la première. Cette poche paraît limitée par des anses intestinales agglutinées et on respecte ces adhérences. Du côté du petit bassin, le doigt ouvre une collection pelvienne abondante constituée par du liquide analogue, à du bouillon sale. Nous diri¬ geant en dehors, nous ouvrons au doigt une collection externe et rétroc'secale. Le long du bord externe du caecum nous sentons une frange arrondie, épaissie, qui nous mène sur un petit boyau résistant adhérent au caecum ; c'est l'ap¬ pendice. Nous l'attirons non sans quelque difficulté au niveau de la plaie et nous constatons qu'il est fortement tuméfié, d'un rouge violacé. A un centi¬ mètre et demi de son extrémié libre, existe une perforation ayant deux centi¬ mètres et demi de longueur, à bords friables, déchiquetés comme si l'organe avait subi un éclatement brusque. L'appendice extrêmement friable est lié et iéséqué, cautérisé au thermocautère et enfoui à l'aide de quelques points. Nous lavons à l'eau bouillie chaude et à faible pression les poches purulentes qui sont toutes drainées. Le soii', le pouls est très faible et bal 135 fois par minute. Injections de sé¬ rum artificiel et de caféine. Le malade meurt le 19 dans la soirée. Autopsie. — A l'ouverture du ventre, on constate que les anses intestinales grêles sont adhérentes, recouvertes par places de fausses membranes jaunâtres dans toute l'étendue de l'abdomen. Elles ne sont rouges qu'au voisinage du caecum. Le grand épiploon présente une partie sphacélée au voisinage du caecum. Le caecum est rouge, friable, très adhérent à la paroi postérieure de l'abdo¬ men et aux anses grêles voisines. Le colon ascendant, le colon transverse et le colon descendant ont une colo¬ ration normale. L'S iliaque est très rouge, recouverte d'épaisses membranes verdâtres. L'ouverture de l'intestin ne montre aucune altération de l'intestin grêle. Par contre le gros intestin présente des ulcérations dans toute son étendue. Au niveau du caecum, on observe quatre larges ulcérations de la muqueuse. Les colons ascendant, transverse et descendant présentent un certain nombre d'ulcérations. Mais c'est surtout au niveau de l'S iliaque et du rectum qu'il existe des ulcérations nombreuses. Les unes sont ovalaires. D'autres ont des contours irréguliers à bords saillants. La paroi en est criblée. MANIFESTATIONS DOULOUREUSES AU NIVEAU de l'appendice cœcal dans la dysenterie avant l'apparition des symptômes dysentériques. Par DEGORGE (1) La douleur à la pression au niveau de la fosse iliaque droite est 1111 symptôme fréquent dans toutes les affections du gros intestin. On observe aussi bien chez des sujets atteints de constipation chronique liée à un état inflammatoire de l'intestin que chez des malades atteints d'entéro-colite aiguë ou chroniques. Ce symptôme est également fréquent chez les dysenériques pendant les poussées aiguës de la malade. 11 coïncide parfois avec des douleuds siégeant en d'autres points du gros intestin, en particulier dans la région de l'S iliaque, mais peut aussi exister seul. De toutes les portions du gros intestin, 1 semble en effet que le caecum soit la plus vulnérable et la plus sensible. Dans la dysenterie, la douleur caecale est généralement diffuse, se propage plus ou moins le long du colon ascendant. La coexistence des symptômes dy¬ sentériques : épreintes, ténesme, selles glaireuses et sanguinolentes ne laisse pas de doute au sujet de l'interprétation de cette douleur qui est due à l'inflamma¬ tion diffuse du caecum et aux ulcérations qui parsèment la muqueuse de cet organe. Beaucoup plus embarrassants au point de vue du diagnostic et de l'interpré¬ tation, sont les cas dont je vais rapporter les observations. Il s'agit de malades pris plus ou moins subitement d'une douleur localisée dans la fosse iliaque droite avec un maximum très net au point de Mac-Burney. Les selles de ces malades ne présentaient à ce moment, non plus que dans les jours qui pré¬ cédaient, de caractères particuliers en dehors de la constipation. La douleur persista sans être accompagnée d'aucun symptôme dysentérique pendant quel¬ ques jours. Puis une dysenterie typique éclata et la douleur iliaque disparut quand la dysenterie s'améliora. Dans un cas seul où il existait dès le début, un empâtement très net de l'appendice et de la partie avoisinante du caecum, la douleur survécut quelque temps à la dysenterie. OBSERVATION I M. O..., 35 ans, négociant à Hanoi, me fait appeler le 15 avril 1904 clans la soirée, pour une douleur abdominal© qui est apparue après le déjeuner. Le malade est un homme très vigoureux, habituellement constipé, n'ayant jamais eu de dysenterie. Il n'a pas été à la selle depuis la veille et cette selle ne présentait rien de particulier. Il pense qu'il s'agit d'une douleur siégeant au niveau de l'esto¬ mac. La douleur est en tout cas très vive. Le malade a dû abandonner ses occupations et se coucher dans le courant dp l'après midi. (1) Publié dans la Revue médicale de l'Indochine Française, lre année, n° 7, 1908 — 10 — A la palpation, je ne provoque aucune douleur par la pression au niveau de I épigastre, mais je constale au contraire une sensibilité très vive dans la fosse iliaque droite. La paroi est en défense. La douleur a un maximum très net au point de Mac Burney. Il existe une sensibilité beaucoup plus fuble dans une zone de 5 centimètres de diamètre environ ayant ce point pour cèntre. Pouls 96. Pas de fièvre. Pas de vomissements. Langup saburrale. ; Je crois à de l'appendicite. Je prescris le repos au lit, la diète hydrique et je fais appliquer une vessie de glace sur la fosse iliaque droite. Le lendemain, la douleur a notablement diminué. Dans la nuit du 16 au 17 avril apparaissent des selles dysentériques nombreuses, fort douloureuses. Le 17 avril, la douleur au niveau de la fosse iliaque droite esl maintenant diffuse et très faible. On cesse l'application de glace. Sulfate de soude 20 gr. Lavage d'in¬ testin au nitrate d'argent à Op. 50 cenligr. pour mille un demi litre de lait. Les jours suivants on continue le sulfatp de soude et les lavements au nitrate d'ar- .gent. Amélioration progressive. Le 23 avril, on ne provoque plus aucune douleur en appuyant au niveau de la fosse iliaque droite. Il n'y a qup deux selles molles non douloureuses, encore un peu glaireuses, dans la journée. On cesse le sulfate de soude et les lavages. Le 30 avril Ip malade est complètement rétabli. OBSERVATION II M. C..., 52 ans, fonctionnaire, à Hanoi, se présente à ma consultation, le 17 avril 1905. Il se sent mal à l'aise depuis quelques jours, a perdu l'appétit et ressent une douleur modérée dans le ventre. A l'examen de l'abdomen, je constate une douleur très nptte à la pression au niveau du point de Mac-Burney. La langue est saburrale. Constipation, depuis deux ou trois jours. Le malade ne paraît pas avoir dp fièvre. Je lui conseille de se coucher et de se mettre à la diète lactée. Le surlendemain, 17 août, je suis appelé chez lui. Il n'a pas suivi mes conseils. II a été dîner chez les amis, ne s'est pas reposé. Il ressent dppuis la nuit une vive douleur dans le côté droit. A la pression, légère défense de la paroi dans la fosse iliaque droite. Sensibilité vive, très nettement limitée au niveau du point de Mac- Burney. Pas d'empâtement. Pas de fièvre. Pouls 92. Constipation. Température 38°5. Je fais le diagnostic d'appendicite et je prescris la diète hydrique, la glace sur le ventre, le repos absolu. Celle fois les prescriptions sont rigoureusement exécutées. La douleur diminue rapidement. La température est dp 38° le lendemain matin, normale les jours suivants. La glace est supprimée dès le 23 et on commence à donner un peu de lait au malade. Le 24 le vpntre est complètement insensible à la pression. Repos. Régime lacté. Ce jour là, le malade commence à ressentir de fausses envies d'aller à la selle. Ces fausses envips deviennent plus fréquentes les jours suivants et aboutissent le ^ 28 à l'expulsion de selles dysentériques. Il faut noter que le malade s'était levé le 20 et avait commis le 27 d.e légers écarts de régime. Les selles dysentériques sont d'ailleurs peu nombreuses (5 en 24 heures). Le traitement consiste en régime lacté, légère purgation au sulfatp de soude (20 gr.) et lavages d'intestin à l'eau boriquée. L'état local s'améliore rapidement. Les selles perdent au bout de quelques jours leur aspect dysentérique et restent seulement un peu glaireuses. Mais au début d'octobre le malade fait une rechute de dysenterie avpc hémorrbagies intestinales formidables. T! n'échappe à ce danger que pour présenter bientôt tous les signes d'un abcès du l'oie. Il est opéré le 21 octobre et meurt 8 jours après. OBSERVATION III M. G..., 34 ans, entrepreneur à Hanoi, n'a jamais eu la dysenterie. II a eu des accès de lièvre palustre à diverses reprises. Congestion du foie, il y a deux ans. Habituellement constipé. M. C... vient me consulter le 14 janvier 1.908. Il se plaint d'être fatigué et de souffrir du ventre depuis deux on trois jours. La langue est un peu saburrale. Constipa¬ tion. A l'examen du ventre, je constate au niveau de la fosse iliaque droite, profondé¬ ment, dans la région de l'appendice, un cylindre résistant gros le long comme le petit doigt, roulant sous le doigt et relié à une masse plus volumineuse dont la consistance un peu ferme se confond insensiblement avec la masse souple de l'in¬ testin. L'organe ainsi perçu est très douloureux à la pression. La pression en dehors fie cette région n'est pas douloureuse. Il me paraît évident qu'il s'agit d'un appendice enflammé et turgescent. La paroi est mince, très souple, nullement contractée. La masse se mobilise légèrement, latéralement et de haut en bas. Je conseille le repos au lit, la glace sur lp ventre, la diète hydrique. La douleur locale diminue le 15 janvier. Mais le 16 apparaissent des selles dysen¬ tériques typiques accompagnées de violentes douleurs. L'appendice est toujours perceptible et très douloureux. La douleur remonte maintenant le long du colon ascendant. N'osant pas donner de purgalion ni de lavements à cause de l'état de l'appendice, je me contente de donner au malade des comprimés de Khossam. Le résultat est peu appréciable. L'intestin reste très douloureux. Les selles soid nettement dysentériques (10 à 15 par 24 heures). L'appendice semble néanmoins m'oins tuméfié et moins douloureux. On ne le perçoit plus nettement. La glace est supprimée le 20 janvier et le malade est autorisé à prendre du lait en petite quan¬ tité. Le 22 janvier, je vois le malade en consultation avec mon collègue Le Roy des Barres. Nous décidons rie donner du calomel à doses fractionnées de 0 gr. 30 par jour. Ce traitement amène une transformation progressive des selles qui perdent peu à peu leur caractère dysentérique. Le 31 janvier, les selles ont des caractères normaux. Il reste un point douloureux nettement localisé dans la région de l'appen¬ dice, mais pas d'empâtement. Le 3 février le malade commence à se lever dans sa chnmbrg. Le 11 février, il sort et vient se faire examiner chez moi. Ses se'les sont normales. La pression digitale détermine encore une douleur nettp mais peu intense au point ne Mac-Burney, alors que tout le reste de l'abdomen est indolore. Le malade ressent d'ailleurs une gêne constante dans le côté droit. Au bout de quelques semaines cette sensation disparaît complètement et actuellement (juillet 1908) le ventre est normal. L'absence de constatations anatomiqu.es rend difficile l'interprétation des faits qui viennent d'être exposés. Nous sommes obligés de discuter de simples hypo- 11 lèses. Tout d'abord on peut se demander s'il s'est agi de lésions véritables do l'ap¬ pendice. La constatation d'une douleur provoquée par la pression au niveau de cet organe, même quand elle est bien localisée, n'implique pas forcément qu'on ait affaire à une lésion de l'appendice. J'ai observé assez souvent, pour ma part, un maximum de douleur très net au point de Mac* Burney chez des malades atteints d'entérocolite chronique, que j'ai suivis longtemps et qui, j'en suis persuadé, n'ont jamais eu d'appendicite. La netteté de cette localisation explique la méprise de nombreux chirurgiens qui ont enlevé de bonne foi des appendices sains à des malades atteints d'entérocolite chronique. Ces erreurs — 12 — étaient fréquentes il y a une dizaine d'années. Actuellement ou est infiniment plus circonspect. Il semble bien qu'il se passe pour le caecum, ce qui se passe pour l'estomac. On sait qu'au niveau de l'estomac, le point douloureux épigastrique n'est nullement en rapport avec le siège des lésions stomacales. On peut avoir af¬ faire à un ulcère du pylore alors que la pression ne réveille de douleur qu'au voisinage de l'ombilic. Au niveau du caecum la sensibilité paraît siéger de préférence ou tout au moins atteindre son maximum au point de Mac Burney. Mais si le doute est permis pour nos deux premiers cas, il nous paraît devoir être écarté pour le troisième. En effet la sensation de l'appendice turgescent, douloureux était des plus nets. Certains auteurs ont nié, il est vrai, que l'on puisse sentir l'appendice par le palper. Ils ont prétendu que des fibres mus¬ culaires contracturées étaient prises pour l'appendice. Dans notre cas la sensa¬ tion était trop nette pour laisser place à l'erreur. Nous pouvons donc conclure que, dans un cas au moins sur trois, il y avait de véritables lésions de l'ap¬ pendice. Ces lésions de l'appendice dans la dysenterie ont d'ailleurs été déjà signalées et j'ai pour ma part rapporté un cas d'appendicite perforante en cours de la dysenterie en collaboration avec le Dr Augé dans le précédent numéro de la Revue médicale. Nous devons maintenant examiner si ces localisations douloureuses sans selles dysentériques peuvent être considérées comme une première étape de la dysen¬ terie. Je crois que nous pouvons l'admettre car la dysenterie ou plutôt l'agent de la dysenterie semble pouvoir exister pendant un certain temps dans l'in¬ testin sans provoquer les symptômes dysentériques classiques. Un des meilleures preuves nous est fournie par la constatation d'abcès du foie amibiens chez des malades qui n'ont jamais eu de selles dysentériques ou même de diarrhée banale pendant leur séjour sous les tropiques. J'en ai observé quatre cas bien nets. Or deux de ces malades ont eu des selles dysentériques pour la première fois quelques jours après leur opération d'abcès au foie. Il semble bien probable que l'agent de l'abcès et de la dysenterie avait depuis un certain temps dans l'intestin sans se manifester par aucun symptôme. Ce n'est qu'au bout de plusieurs jours ou de plusieurs semaines que les symptômes intestinaux ont fait leur apparition. Cette existence latente de l'agent de la dysenterie dans le tube digestif ex¬ pliquerait d'ailleurs les cas de dysenterie amibienne que nous observons parfois à la suite d'une cause occasionnelle banale, à la suite d'un refroidissement ou de l'ingestion de substances irritantes, de sels mercuriels, de purgatifs drasti¬ ques par exemple. La moindre résistance de l'intestin, son irritation permet¬ traient à la dysenterie de se révéler. Enfin il arrive de temps en temps que l'on constate la présence d'amibes ayant tous les caractères de l'amœba histolitica dans les selles de sujets atteints de diarrhée banale, d'entérocolite chronique, mais qui n'ont jamais présenté Je syndrome dysentérique. Les cas que nous avons observés nous permettent d'admettre que les lésions dysentériques peuvent se localiser au début dans la région du caecum et de ! appendice et évoluer quelque temps sans donner lieu au syndrome dysentéri¬ que. Le diagnostic de la cause véritable de cette douleur siégeant dans la fosse iliaque droite paraît être impossible tant que les selles dysentériques n'auront pas 'apparu. Le traitement consistera à traiter la dysenterie par les moyens ordinaires dès qu'on aura la certitude de son existence. C'est par ce traitement de la dysenterie que nous avons vu disparaître rapidement ces manifestations appen- diculaires ou pseudo-appendiculaires. ■ '.-''v. DYSENTERIE, ORCHITE, VAGINALITE SUPPURËE, ABCES de la prostate ouvert dans le tissu cellulaire sous-jacente au cul de sac de Douglas, incision par la voie hypogastrique, guérison. Par LE ROY DES BARRES (1) l'.-V.-B. âgé de 19 ans, mécanicien, entre dans notre service le 12 avril 1908. Les antécédents héréditaires de ce malade ne présentent aucune particularité digne d'être signalée. Comme antécédents personnels notons que P.-V.-B. a eu la variole à l'âge de 8 ans ; à 12 ans, notre malade remarqua que son testicule droit était dou¬ loureux par moments et que de plus ce testicule ne descendait pas bien dans les bourses, et qu'il était facile de le faire rentrer dans l'anneau inguinal. Depuis celte époque ce testicule était de temps à autre douloureux, mais la douleur cédait rapidement après quelques jours de repos au lit. Trois semaines avant son entrée à l'hôpital, notre malade avait eu une poussée légère de dysenterie avec pendant deux jours des selles sanguinolentes. Au hout d'une dizaine de jours, il était guéri. Cinq jours avant son entrée dans notre service, il présenta les symptômes suivants : 1° Des douleurs au niveau de la région hypogastrique, douleurs assez vives pour empêcher la marche et causer de l'insomnie ; 2° Une sensation de pesanteur au niveau de l'anus, s'accompagnant de fré¬ quentes envies d'aller à la selle, et malgré tous ses efforts le malade n'arrivait qu'à émettre une petite quantité de matières. Pendant trois jours cet état fut stationnaire, puis une légère amélioration se produisit dans les douleurs signalées plus haut, tandis que par contre le testi¬ cule droit devenait gros et douloureux et que la peau du scrotum devenait rouge à son niveau. C'est dans ces conditions que le malade entre à l'hôpital le 12 avril. L'état général est bon, le malade est un peu amaigri, l'abdomen est souple, non douloureux, sauf cependant au niveau de la partie inférieure de la région hypogastrique où une pression profonde est un peu sensible. Le scrotum est rouge surtout à droite, la peau en est tendue, et la palpation permet de sentir un testicule gros, douloureux, entouré d'un épanchement vaginal. Le cordon correspondant est augmenté de volume et douloureux ; les gan¬ glions inguinaux du même côté sont un peu hypertrophiés et sensibles. Les fonctions vésicales s'exécutent bien, les urines sont claires. Le toucher rectal montre une prostate grosse, douloureuse à la pression. Depuis la veille les envies d'aller à la selle ont beaucoup diminué de fré¬ quence ; les matières rendues sont encore légèrement glaireuses. Tous les autres organes sont normaux. Le diagnostic porté est celui d'infection des voies génitales consécutives à une dysenterie et se traduisant par de la prostatite, et une orchite avec vagina- (1) Publié dans la Revue médicale de l'Indochine Française, lre année, n° 7, 1908. — 14 — lite suppurée. Le malade niait en effet toute affection antérieure des organes génitaux. L'incision de la vaginale pratiquée le 14, donna issue à 150 grammes environ d'un pus verdâtre épais et fétide, dans lequel le microscope montre la présence de microbes ayant tous les caractères du coli-bacille. Les jours suivants le malade se sent mieux, puis le 19, il se plaint de dou¬ leurs vives à la région hypogastrique ; la palpation permet de sentir une ré¬ sistance profonde, un empâtement. Cet empâtement ne fait qu'augmenter et la peau de la région est tendue tout en conservant sa coloration normale. Le 22, il existe une légère contrac¬ ture des muscles droils. Le malade urine bien, ses urines sont normales, le cathétérisme ne donne aucun renseignement ; le toucher rectal permet de sentir une volumineuse niasse dure, dont il est impossible de préciser les li¬ mites. Devant la marche des accidents, en présence d'une légère élévation de tem¬ pérature depuis quelques jours, le diagnostic d'abcès profond (probablement de la cavité de Retzius) est porté. Le 25 avril après anestliésie générale, le ventre est ouvert sur la ligne mé¬ diane jusqu'au péritoine dans la région sous-ombilicale. Le cul de sac prévésical est alors décollé, la vessie est mise à nu sa face antérieure : la cavité prévésicale n'est le siège d'aucune suppuration. La vessie est alors ouverte sur sa face antérieure afin d'en explorer la cavité. Le doigt introduit dans la vessie sent à la partie postérieure de celle-ci une masse fluctuante séparée du doigt par une épaisseur assez considérable de tissus, il n'y a donc pas intérêt à ouvrir la collection dans la vessie. Dans ces con¬ ditions, cet organe est refermé par trois plans de suture au catgut, dont le pre¬ mier perforant. Le péritoine est alors décollé de la vessie avec précaution sur la partie supérieure de la vessie ; en atteignant la face postérieure de cet organe, la col¬ lection purulente est ouverte et donne issue à un demi litre environ de pus verdâtre sans aucune odeur particulière. Le doigt introduit dans celte cavité pénètre profondément et arrive en arrière de la vessie jusqu'à la prostate dont le tissu fait partie de la paroi de l'abcès. La paroi est alors refermée par une suture à trois plans après drainage de la poche. Une sonde à demeure est placée dans la vessie, cette sonde est eidevée le cinquième jour. Les suites furent normales au point de vue chirurgical et 15 jours après la plaie était complètement cicatrisée. Malheureusement ce malade eut une nou¬ velle rechute de dysenterie, ce qui prolongea son séjour à l'hôpital de près de trois semaines encore. Le pus examiné renfermait de très rares microbes dont des coli-bacilles. Cette observation nous a paru mériter d'être rapportée à plus d'un titre. Tout d'abord l'infection des voies génitales au cours d'une dysenterie sans être exceptionnelle n'est cependant pas très fréquente, nous avons déjà eu l'oc¬ casion de publier un cas d'orchite consécutive à une dysenterie (1). En second lieu l'infection a abouti à la suppuration en deux points différentes des voies génitales : vaginale et prostate. (1) Gazette hebdomadaire de Médecine et de chirurgie 1902. La suppuration prostatique s'est dirigée vers le cul de sac de Douglas, ce qui n'est pas une des voies suivies ordinairement ; la loge prostatique est en effet bien fermée de ce côté. Le diagnostic du siège de la suppuration était difficile à préciser, d'autant plus que la suppuration antérieure de la vaginale appelait l'attention sur la loge prévésicale. L'absence de toute réaction péritonéale permet d'affirmer que le pus a sim¬ plement décollé le péritoine du cul de sac de Douglas s'est collecté dans le tissu cellulaire sous-jacent. Enfin le testicule droit qui, antérieurement, avait été plusieurs fois doulou¬ reux était prédisposé pour une localisation infectieuse. B. — SYPHILIS — PIAN Affections cutanées diverses UN CAS DE NODOSITES JUXTA-ARTICULAIRES Par le Dr V. POLIDORI (1) Le nommé Phung-si-Chi, sujet chinois, âgé cle 47 ans, est entré le 27 avril 1920, dans le service de la prison à l'hôpital indigène de Hanoi sous le diagnos¬ tic d'ostéa-arthrite tuberculeuse fistulisée du genou gauche. Il présente au point pulmonaire de la submatité des deux sommets surtout marquée à droite et des râles d'infiltration à la base. La radioscopie démontre une obscurité des deux sommets. Le malade, opiomane invétéré, est extrêmement amaigri, presque squeletti- que. Il est subictérique et se plaint de douleurs au niveau de l'hypochondre droit. Sa rate est volumineuse et descend jusqu'au niveau de l'ombilic. Les selles diarrhéiques renferment des œufs d'ankylostomes et des kystes d'amibes. Le sang donne une réaction Hecbt-Bauër légèrement positive, mais l'inter¬ prétation en est difficile, le malade présentant en outre des accès de paludisme contractés dans la haute région tonkinoise. Ses régions lombo-dorsale et fessière présentent des lésions squameuses cir- cinées de nature cliniquernent myoosique. Pas de troubles moteurs ni sensitifs. Au cours de cet examen, notre attention est attirée par des nodosités symé¬ triques siégeant au niveau des deux régions olécraniennes et trochantériennes. Ces tumeurs sont polylobées, de consistance dure ; quelques-unes légèrement mobiles, les autres adhérentes au plan profond périostique et faisant corps avec la peau. Leur volume va de celui d'un petit marron (au niveau du coude) à celui d'un demi citron (au niveau des trochanters où elles sont plus étalées). Le tégument à leur niveau est épais et durci. Une radiographie pratiquée par le Dr Heymann sur le coude gauche ne révèle aucune altération de l'os sous-jacent. On ne retrouve aucune formation semblable ni au niveau de la malléole ui au niveau de la tête du péroné. Le malade difficile à interroger, car il ne s'exprime pas en annamite, aurait déclaré que ces tumeurs.remontent à sa première enfance et auraient, débuté vers l'âge de trois ans, d'abord au niveau des deux coudes pour apparaître un ou deux ans plus tard au niveau des régions trochantériennes. (1) Publié dans le Bulletin médico-chirurgical de l'Indochine, août 1920, page 53. — 17 — Cette curieuse affection a été décrite pour la première fois par Jeanselme. Ses observations ont été faites au cours de son voyage dans la presqu'île indo- chinoise (janvier 1899 — avril 1900). Elles ont été relatées à la Société de Méde¬ cine et d'Hygiène tropicale le 22 février 1905 et dans les Archives Fur Shiffes Und-Tropen Hygiène en 1906. Jeanselme a fait ses observations au Cambodge, au Laos et au Siam et a pu recueillir 14 observations pendant son court séjour. Cette affection est pourtant très rare, nous semble-t-il, au Tonkin, du moins dans le Delta. Nous n'en avions personnellement jamais observé et il n'en est pas fait inen- tion à notre connaissance dans les statistiques de l'hôpital indigène du Protec¬ torat. Notre malade a succombé à l'hôpital indigène le 17 juillet 1920. À l'autopsie nous avons trouvé une congestion tuberculeuse des deux pou¬ mons une grosse rate scléreuse ; le foie durci ardoisé, son bile entouré de gros ganglions grisâtres et la vésicule ainsi que le cholédoque bourrés de calcules noirâtres et durs. Deux heures environ après la mort, nous avions prélevé aseptiquement les nodosités péri-olécraniennes. Elles étaient adhérentes à la peau et au périoste et présentaient un noyau fibreux et en certains points de consistance presque cartilagineuse. Des frottis ont été faits, colorés au bleu pbéniqué, au Ziehl et au Fontana lribondeau. Ces examens directs n'ont révélé aucune forme microbienne. Des milieux sucrés liquides et solides ont été ensemencés pour la recherche îles mycoses. Un lapin et une cobaye ont été inoculés avec un fragment de la tumeur. Le reste a été débité en petits cubes et placé dans du liquide de Zenker et de la glycérine neutre. L'examen histologique n'a pas encore été pratiqué. Mais j'ai voulu poser ici la question de la fréquence de cette affection au Tonkin. PRESENTATIONS DE MALADES UN CAS DE PIAN AVEC ROSEOLE PAPULEUSE Par A. DEGORGE (1) Un homme de 44 ans H.-V.-C., cultivateur du village de Vinh-Ninh (pro¬ vince. de Hadong) est entré à l'hôpital le 22 août dernier, présentant des élé¬ ments pianiques bien caractérisés et une éruption généralisée ressemblant à une roséole papuleuse syphilitique. Ces diverses lésions étaient encore très appa¬ rentes quand il fut présenté à la Société. Le premier élément apparut à la nuque, à la bordure du cuir chevelu, il y a environ deux mois. A ce niveau existe un papillome pianique de 1 centimètre de diamètre. D'autres éléments apparurent ensuite sur le cuir chevelu, la verge, les bour¬ ses, le corps, les cuisses. Le malade peu intelligent ne peut préciser leur date d'apparition. Le malade présente de petits papiHomes pianiques recouverts de croûtes molles jaunâtres sur là nuque, le cuir chevelu, la face ; des papules ulcérées •t suintantes sur la peau de la verge et des bourses. Aucun de ces éléments n'est induré. Outre ces éléments tout à fait semblables à ceux que nous observons d'or¬ dinaire dans le pian, existe une éruption d'éléments papuleux rouge sombre, arrondis ou ovalaires, ayant cinq à dix millimètres de diamètre, formant de petites saillies nettement appréciables au toucher et à la vue si on les regarde à jour frisant, ne présentant pa.5 d'infiltration bien nette. Cette éruption couvre tout le dos, la base du thorax et la ceinture, les fesses, les cuisses, les jambes, les épaules, les bras et les avant-bras. Il existe quelques papules cornées aux plantes des pieds et aux paumes des mains. Les ganglions sus-épitrochéens inguinaux et carotidiens sont augmentés de volume. T1 n'existe rien d'anormal au niveau de la gorge et de la bouche. L'état général est satisfaisant. Il n'y a pas de maux de tête, mais des dou¬ leurs dans les jambes. Il n'existe pas de fièvre. Les divers éléments éruptifs sont légèrement prurigineux. Le malade présente donc d'une part des éléments typiques de pian, d'autre part, une roséole papuleuse tout à fait semblable à celle de la syphilis. L'inter¬ prétation de ces faits est assez délicate. On pourrait penser d'abord qu'il s'agit simplement de syphilis et que le diagnostic de pian est erroné. (1) Publié dans le Bulletin de la Société Médico-chirurgicale de l'Indochine, 5°- année, novembre 1912, page 617. Mais le malade provient d'un centre où le pian s'observe fréquemment. Plu¬ sieurs individus de son village et des village voisins sont venus à d'hôpital porteurs de lésions pianiques indiscutables, semblables à certaines de celles dont il est atteint. La femme et l'enfant de cet homme sont atteints de pian. J'ai pu les faire venir à l'hôpital, les montrer à plusieurs de nos collègues. Les lésions qu'ils présentaient étaient celles qui sont observées dans le pian. L'enfant fut atteint le premier et contamina sa mère. Le mari fut pris en dernier lieu. L'accident primitif chez notre malade fut extra-génital et ne ressemble en i-ien à un chancre induré. Les lésions sont prurigineuses, ce qui est la règle dans le pian et ne s'observe pas ordinairement dans la syphilis. En dehors des papules les éléments sont ceux qui sont observés dans le pian et je n'en ai jamais observé de semblables chez les syphilitiques. On pourrait penser aussi qu'il y a coïncidance du pian et de la syphilis chez ce sujet. Il m'est impossible d'apporter la preuve que cette coïncidence n'existe pas. Elle paraît seulement peu vraisemblable et il n'existe en tout cas aucune trace d'un accident primitif syphilitique. J'incline à penser que celle roséole est une manifestation du pian, manifes¬ tation exceptionnelle, mais qu'il n'est pas autrement étrange de rencontrer dans une maladie si voisine de la syphilis et qui présente tant de symptômes communs avec celle dernière. SUR UNE VARIETE DE PIAN PROCHE DE LA SYPHILIS Par A. DEGORCE (1) Il existe près de Hanoi, dans le canton de Cô-Dien, dépendant de la province ie Hadong et surtout dans deux villages de ce canton, Quvnh-Dô et Vinh-Ninh, nn foyer de pian, à symptômes se rapprochant beaucoup de ceux de la syphilis, dette maladie a déjà fait l'objet d'une description, publiée par Mouzels et par moi, dans le bulletin de la Société en 1912 (2). Depuis la publication de ce travail, l'examen de nombreux malades nou¬ veaux m'a montré plus évidente la proche parenté de cette variété de pian avec la syphilis. Cette variété se rapproche beaucoup du pian, observé à Ceylan. par Caste r,- i.vni et Chalmkrs. Elle diffère beaucoup, au conlraire, du pian décrit par les autres auteurs et en particulier par les auteurs français qui oui étudié surtout le pian dans les vieilles colonies d'Afrique ou d'Amérique. Quand les malades se présentent à l'hôpital, l'élément primitif ne paraît pas différer autrement que par ses dimensions des éléments' secondaires dont la peau est déjà parsemée. C'esl une ulcération à fond plus ou moins granuleux et bourgeonnant, recouverte de croûtes. Parfois cet élément primitif est déjà cicatrisé. En aucun cas, il ne présente les caractères du chancre syphilitique : infiltration profonde du derme, dureté superficielle de l'ulcération, fond lisse rouge foncé, bords réguliers se continuant sans dénivellement marqué avec le fond de l'ulcération, .le n'ai jamais observé de phagédénisme, alors que celle complication est relativement fréquente au Tonkin dans le chancre syphiliti¬ que. Les volumineuses adénopathies de la syphilis font également défaut. L'élé¬ ment primitif est presque constamment extra-génital. T1 est difficile de fixer la date d'apparition des accidents secondaires par rap¬ port à celle de l'accident primitif, car les malades se présentent à l'hôpital quand les accidents secondaires existent déjà. D'après leurs dires, ces acci¬ dents surviendraient quinze à vingt jours après l'accident initial. Les éléments secondaires de la peau, qui sont couramment observés, ont. d'abord l'aspect de petites élevures coniques, rose clair, rudes au toucher, grosses comme une tête d'épingle ou un grain de mil. Elles apparaissent en groupe d'éléments assez serrés dont l'évolution est variable. Beaucoup restent stationnâmes et régressent spontanément. Les autres évo¬ luent suivant trois types : un type papulo-croûteux, un type papillomateux et un type circiné. L'élément papulo-croûteux présente d'abord à son sommet une petite croû- telle jaunâtre, puis s'étale, devient papuleux, se recouvre de croûtes jaunâtres, mellicériques. Au-dessous de ces croûtes, on trouve une surface ulcérée, rouge granuleuse, suintante. (1) Publié dans le Bulletin de la Société Médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1914, n° 7, page 306. (2) Degorce et Mouzels. — Le pian chez les annamites du Tonkin (Bulletin de la Société Médico-chirurgicale cle l'Indochine, septembre 1912, page 548). - 21 - Le type papillomateux est dû à la prolifération en hauteur d'un élément du type précédent. La surface ulcérée s'exhausse en formant des bourgeons plus ou moins saillants. C'est le papillome framboisé classique. Le type circiné est surtout fréquent chez les enfants. Les éléments de ce type deviennent ombiliqués au centre, puis s'étalent. Un cercle de peau non ulcérée, à couleur ardoisée, inscrit dans un rebord circulaire saillant et re¬ couvert d'une croûtelle jaunâtre .constitue l'élément circiné. A côté des éléments circinés réguliers existent des éléments arciformes et polycycliques qui en dérivent. Les éléments pianiques sonl prurigineux. Leur aspect varie suivant les régions. La description précédente est celle qui convient aux éléments de la peau du corps et des membres. A la face, les éléments se recouvrent fréquemment de croùtelles molles et grasses et ressemblent aux syphilides séborrhéiques. Sur le cuir chevelu, s'observent ordinairement des papules suintantes recou¬ vertes de croûtes brunâtres. Parfois ce sont de petites papules recouvertes de croùtelles ou de squames sèches tout à fait semblables à celles de la syphilis secondaire. L'alopécie fait toujours défaut. A la paume des mains et à la plante des pieds existent fréquemment des papules lenticulaires, rouge sombre ou brunâtres qu'on ne pourrait distinguer des éléments analogues produits par la syphilis dans les mêmes régions. La périonyxis, assez semblable à celle de la Syphilis, est assez fréquente. Dans les régions à peau fine, scrotum, fourreau de la'verge, grandes lèvres, peau de l'aisselle, s'observent assez fréquemment des papules suintantes sem¬ blables aux syphilis papulo-érosives. Outre ces éléments cutanés d'observation courante, on peut rencontrer, à litre exceptionnel, une roséole tout à fait semblable à la roséole syphilitique. .1 ai observé cinq cas de roséole chez des malades atteints de lésions piani¬ ques typiques. Le premier cas que j'ai observé a été présenté à la séance de la Société médico-chirurgicale du 8 septembre 1912 (1). Dans ce cas, et dans un second cas que j'ai observé plus tard, les autres membres de la famille du malade étaient atteints de pian. Les enfants avaient été contaminés avant leurs parents. Aucun de ces malades ne présentait d'accident ressemblant au chancre syphilitique. La contagion ne paraissait pas avoir été d'origine géni¬ tale. Il est probable que cette roséole précède les autres accidents Secondaires cutanés. Mais je n'ai pu m'en assurer car elle coexistait avec les accidents secondaires dans les cas que j'ai observés. Les malades n'avaient, pas pris garde à la roséole et ne purent me donner aucun renseignement sur sa date d'appa- i il ion. Les lésions des muqueuses et les lésions de la peau qui avoisinent les orifices sont assez fréquentes. Castellani et Ciiat.mers décrivent des lésions des mu¬ queuses dans le pian. Mais la plupart des auteurs n'en font pas mention ou nient même leur existence. Au niveau des lèvres il existe fréquemment, surtout chez les enfants, des fissures ou des ulcérations. Les fissures sont particulièrement fréquentes au niveau des commissures des lèvres. (1) Dégorgé. — Un cas de pian avec roséole papuleuse (Bulletin de la Société mé¬ dico-chirurgicale de l'Indochine, 13 octobre 1912, p. 617). — 22 — Dans la bouche, les lésions sont assez exceptionnelles chez l'adulte, niais fiéquentes chez l'enfant. On y observe parfois des ulcérations superficielles à fond blanc grisâtre, à contour un peu irrégulier. Plus souvent, ce sont des lésions saillantes, d'un blanc très franc, non ulcérées, tout à fait différentes des lésions syphilitiques. Certaines de ces lésions forment une saillie en chou- fleur très marquée. Elles siègent sur la langue avec prédilection. Très rarement on peut observer des lésions des amygdales ou des piliers du voile du palais. Les lésions secondaires du gland et de la muqueuse préputiale sont fré¬ quentes. Elles consistent soit en ulcérations superficielles à rebord saillant et croûteux; soit en lésions bourgeonnantes recouvertes de croûtes jaunâtres. Parfois aussi existent des ulcérations superficielles rappelant les plaques mu¬ queuses. Des lésions semblables peuvent s'observer au niveau de la vulve. De volumineux condylomes suintants, de coloration blanc grisâtre, à surface granuleuse ou villeuse, s'observe fréquemment au pourtour de l'anus. Ils sont assez analogues à ceux qui existent dans la syphilis secondaire mais plus sail¬ lants et plus volumineux. Les ganglions inguinaux, les ganglions du cou, de la nuque et les ganglions epitrochléens sont généralement augmentés de volume. Ils sont mobiles, indolents, de consistance ferme et n'ont pas de tendance à suppurer. Les accidents tertiaires semblent exceptionnels. Dans un cas seulement j'ai observé, chez une jeune fille atteinte de pian, depuis un an et demi environ, une ostéite hvpertrophiante du radius qui a régressé après un traitement au salvarsan. Aucune lésion du système nerveux ou des organes des sens n'a été constaté jusqu'ici. Plusieurs de nos collègues, Mouzels, Thibault et C. Mathis ont étudié les parasites de cette maladie. Ils ont trouvé dans les lésions un tréponème res¬ semblant beaucoup à celui de la syphilis. Par l'excellente méthode à l'imprégnation à l'argent de Fontana-Tribonneau, C Mathis a obtenu de très belles préparations de ces parasites. La planche, jointe à ce mémoire et que nous devons à son obligeance, représente les différents aspects du tréponème du pian. La réaction de Wassermann a été recherchée par C. Mathis chez 25 de mes malades atteints de lésions pianiques secondaires. Dans 23 cas, la réaction a été nettement positive. Dans deux cas seulement, elle a été négative. Dans un de ces deux cas, l'accident initial datait seulement d'un mois. Le traitement par le mercure et par Froidure de potassium a une influence nette sur la régression des lésions, mais la guérison est lente. Le traitement par le salvarsan ou les produits similaires amène une disparition rapide des lésions. Dans le tableau comparatif ci-dessous, j'ai rapproché les symptômes do la variété de pian que je viens de décrire, des principales manifestations de la syphilis, observée chez les Annamites, dans le même milieu. Tableau Syphilis. I. Accident initial infiltré et induré, à surface plane et lisse, siégeant ordinai¬ rement sur les organes génitaux, s'ac- eompagnani souvent d'une adénopathie volumineuse, Phagédénisme fréquent. comparatif Pian. T. Accident initial de consistance souple ou peu infiltré, à surface granuleuse ou bourgeonnante à siège presque toujours extragénital, semblable aux accidents se¬ condaires. Adénopathie peu accentuée. Pas de phagédénisme. — 23 — 2. Roséole. 3. Lésions cutanées secondaires papu- leuses dès le début,. rouge sombre, in¬ filtrées, assez régulièrement, disséminées. ■I. Pas de lésions exubérantes du type l'ramboesia. 5. Eléments circinés à bords rosés, lé¬ gèrement surélevés et finement squa¬ meux. fi. A ta face, syphilides séborrhéiques. 7. Accidents cutanés non prurigineux. S. Périonyxis. 9. L'alopécie syphilitique est exception¬ nelle. 10. Les lésions de ta muqueuse buccale et du pharynx sont rares et peu accen¬ tuées. Krythème du voile du palais et du pharynx. Plaques muqueuses. Ulcérations des lèvres el des commissures. 11. Lésions du gland, du prépuce ou de la vulve. Plaques muqueuses de type plus ou moins régulier. 12. Condylomes suintants de la marge de l'anus. 13. Adénopathies secondaires. 14. Accidents tertiaires fréquents, at¬ teignant principalement le squelette du nez el de la voûte palatine, les os des membres, le sternum ou formant des gommes multiples dans les muscles, le tissu cellulaire et la peau. 15. Présence de tréponèmes dans les lésions. 10. Réaction de Wassermann positive. 2. Roséole semblable à celle de la sy¬ philis mais paraissant plus rarement. 0. Lésions cutanées secondaires débu¬ tant par des élevures coniques, rose clair, à base non infiltrée, apparaissant par groupes compacts. Les lésions papulo-croûteuses du cuir chevelu, les lésions papulo-érosives des régions à peau fine, les lésions populeuses de la paume des mains et de la plante des pieds sont semblables à celles de la syphilis. 4. Papillomes du type framboesia. 5. Eléments circinés à bords plus suré¬ levés que dans la syphilis et recouverts de croûtes jaunâtres. (i. A la face, lésions du même type mais plus saillantes, mamelonnées. 7. Accidents cutanés prurigineux. 8. Périonyxis semblable à celle de la syphilis, mais donnant parfois naissance à des lésions bourgeonnantes. 9. L'alopécie n'a pas été constatée. 10. Les lésions de la muqueuse buccale cl du pharynx manquent souvent. Pas d'éry thème. Pas de plaques muqueuses typiques. Parfois fissures au niveau des commis¬ sures des lèvres Les lésions typiques sont des lésions saillantes, d'un blanc pur, recouvertes parfois d'un épithélium intact. 11. Lésions â rebord saillant et croû- leux ou encore lésions bourgeonnantes recouvertes de croûtes jaunâtres. Parfois aussi ulcérations se rapprochant des pla¬ ques muqueuses. 12. Condylomes analogues, mais plus saillants et plus volumineux. 13. Adénopathies semblables à celles de la syphilis secondaire. 14. Accidents tertiaires exceptionnels (un seul ras observé d'ostéite hypert.ro- phiante du radius). 15. Tréponèmes semblables à ceux de la syphilis. 16 Réaction de Wassermann positive — 24 — L'interprétation de ces faits peut donner lieu à diverses objections. On peut penser qu'il y a là deux maladies, évoluant côte à côte, certains malades étant atteints de pian eL les autres de syphilis. Mais, si les malades présentent d'une manière inconstante certains symp¬ tômes de la syphilis, ils présentent avec une constance remarquable des élé¬ ments pianiques. Dans une même famille, on voit certains sujets présenter des symptômes de pian pur, alors que d'autres présentent en outre des symptômes pouvant être rattachés à la syphilis, la roséole par exemple. On peut objecter encore qu'il y a coïncidence des deux maladies chez certains sujets. La preuve rigoureuse du contraire me paraît difficile à fournir. En effet, ni la recherche des parasites, qui, dans fous les cas, ressemblent au tréponème de la syphilis, ni la réaction de Wassermann positive dans la plupart des cas ne peuvent servir à nous éclairer. On pourrait peut-être retirer des renseignements précis d'inoculations aux animaux. Ces recherches, que je n'ai pu tenter, seraient intéressantes à entre¬ prendre. Faute de ces renseignements, je suis obligé de m'en tenir à l'observation clinique. Elle me paraît pratiquement suffisante pour diagnostiquer chez ces malades l'existence d'une seule maladie. En effet tous les sujets se présentent sensiblement dans les conditions identiques au point de vue du milieu, du mode de vie, du mode de contagion, de la syinptômatologie et de l'évolution de la maladie. S'agit-il d'une syphilis à forme spéciale simulant le pian par certains de ses symptômes ou d'un pian modifié se rapprochant de la syphilis ? Certains arguments me paraissent suffisants pour repousser le diagnostic de syphilis. J'observe couramment la syphilis chez les Annamites placés dans les condi¬ tions semblables à celles des habitants du canton de Cô-dièn. Cette maladie assez fréquente pour être bien connue, se présente à peu près sous l'aspect qu'elle a en Europe. Si certains symptômes sont plus fréquents, d'autres plus rares, jamais je ne la vois se manifester avec les caractères du pian. Chez les malades présentant les symptômes du pian, je n'ai jamais observé de chancre syphilitique type, alors que les chancres, persistant après l'appari¬ tion des accidents secondaires, sont assez fréquents chez les syphilitiques qui se présentent à l'hôpital. La maladie s'observe chez les très jeunes enfants plus fréquemment encore que chez les adultes. Ce sont les enfants qui sont pris les premiers et qui con¬ taminent ensuite leurs parents. Le fait est à peu près constant et bien parti¬ culier au pian. L'accident primitif paraît être dans la règle, extra-génital. La contagiosité est bien supérieure à celle de la syphilis. Bien que la syphilis ne soit pas rare au Tonkin, nous n'y observons pas d'épidémie analogue à celle des villages de Quynh-Dô et de Yinh-Ainh. Cependant les conditions étiologiques y sont partout les mêmes. L'examen des faits observés me conduiL à penser qu'il s'agit d'une espèce morbide intermédiaire entre le pian et la syphilis. Comme le seul caractère à peu près constant qu'elle possède se trouve être l'existence de lésions du type pian, je crois pouvoir la considérer, au moins provisoirement comme une variété de pian. UN CAS DE TOKELAU présentant des fructifications aspergillaires très nettes. Par le Dr MOUZELS (1) Le nommé Dinh-van-Trà, coolie-xe, originaire de la province de Thai- Binli, entre à l'hôpital indigène de Hanoi le 27 novembre 1907 pour teigne (en annamite : hac lào). Sa maladie a débuté en avril 1907 par un petit placard siégeant sur la partie antérieure de la jambe droite. Ce placard qui était le siège de vives déman¬ geaisons ne cessa de s'agrandir pour envahir bientôt tout le membre inférieur. Pendant ce temps étaient apparues, éparses sur les différentes parties du corps, un grand nombre d'autres petites lésions, qui, grandissant elles aussi d'une manière excentrique, se réunirent par leurs bords, formant ainsi de vastes aires polycycliques recouvrant la presque totalité de la surface cutanée. A son entrée à l'hôpital, ne sont respectés par la maladie, que les sourcils, les cils, la plante des pieds, les ongles et le cuir chevelu, encore celui-ci est-il envahi tout autour sur une zone d'environ deux centimètres. Sur toute la surface cutanée on aperçoit un dessin, fin et élégant, exclusivement formé de lignes courbes plus ou moins spiroïdes, enroulées autour d'elles mêmes, harmonieusement, fies lignes sont constituées par un soulèvement épidermi- que. formé, tantôt d'un mince liséré de cellules soulevées tantôt par des squames, tantôt par de véritables écailles pouvant atteindre o g-/7 y. on ne saurait mieux comparer le dessin formé par ces soulèvements épidermiques qu'aux nuages tels que les figurent les artistes annamites (fig. 1). Les squames ou écailles se laissent facilement détacher à la pince entraînant avec elles une partie de l'épidémie encore adhérent sur un demi millimètre environ de largeur. Le brossage permet de débarrasser facilement la peau de toutes les squames qui la recouvrent, et dès lors, elle, apparaît franchement colorée en rouge lie de vin foncé, sans rebord ni saillie d'aucune sorte, légèrement luisante mais sèche. L'examen avec une forte loupe permet de reconnaître que sur tous les points d'implantation des squames on aperçoit le sommet des papilles dermi¬ ques, analogue à un piqueté rouge sous une mince couche d'épiderme. Les squames traitées par la potasse à 40 %, à chaud, laissent voir dans leur épaisseur un parasite qui revêt des aspects très variables mais forme toujours un lacis très serré de longs filaments. Ces filaments très sinueux se croisent dans tous les sens et parfois se mêlent les uns aux autres à la façon d'un écheveau de ficelle. Ils sont de dimensions très variables, se ramifient fré¬ quemment et d'une manière dichotomique. Les filaments inycéliens sont formés d'éléments les plus divers comme forme. Le plus fréquemment, ce sont des éléments nettement séparés lés uns des autres, carrés ou en forme de rectangle, trapus, mesurant presque uniformé¬ ment 5 a 7 p.. Ces éléments ont un protoplasma 1res réfringent sans granu¬ lations et de coloration jaune verdàtre très claire. Il est impossible de voir sur la préparation non colorée aucune espèce de membrane d'enveloppe, ils fl; Publié dans la Revue médicale du l'Indochine Française, 2e année, 1909. n° 20. — 26 — paraissent juxtaposés bout à bout à la façon d'un chapelet (fig. 4). Sur les pré¬ parations colorées les éléments apparaissent au contraire comme formés par une niasse protoplasinique homogène prenant très vivement la couleur et entourée d'une eneloppe épaisse très nette résistant à la coloration; ces caractères sont très nettement visibles dans les micrographies (fig. 2 et 3) faites d'après une préparation colorée au bleu bicarbonaté. Aux extrémité? des filaments ces éléments paraissent un peu plus larges, niais surtout plus courts. Quelquefois apparaît au milieu d'une chaînette des éléments déjà décrits une transformation très nette. Le mycélium prend alors une forme vraiment filamenteuse ; il est formé de longues cellules à parois très minces, mais visibles même sur une préparation non colorée, de longueur et de largeur diverses. Le protoplasma contient un assez grand nombre de granulations irrégulières comme disposition, comme dimensions et comme aspect, la plupart paraissant comme de simples taches noirâtres, d'autres très réfringentes. La plupart de ces filaments se terminent par de petits éléments analogues à ceux déjà décrits plus haut. D'autres présentent au voisinage de leur terminaison une série de gros grains brillants assez régulièrement ovoïdes et se terminent par une extrémité filamenteuse non divisée, remplie de protoplasma granuleux. Des squames prélevées furent immédiatement ensemencées sur différents milieux liquides ou solides (liquides de Raulin, milieux de Sabouraud) sans aucun résultat. Le malade, traité jusqu'au 30 décembre par des applications tous les deux jours de teinture d'iode dédoublée suivies au bout de 24 heures d'un grand bain avec brossage et large application d'une pommade épaisse à la vaseline, s'évade non guéri, très amélioré. Il revient à l'hôpital pour son affection le 11 avril 1909. La teigne a de nou¬ veau envahi la presque totalité de la surface cutanée mais elle ne forme plus les grands placards sinueux que l'on pouvait observer à la première entrée. Un grand nombre d'éléments en cocarde sont entrés en contact une ou plu¬ sieurs cocardes voisines formant ainsi des plaques polycycliques mais où chaque cocarde primitive est encore fort reconnaissable. Quelques-unes même de ces cocardes sont entièrement isolées, et, parfaitement caractéristiques du tokelau, ne peuvent laisser un instant de doute, en ce qui concerne le dia¬ gnostic (fig. 5 et 6). L'examen microscopique des squames montre un parasite présentanl les mêmes caractères que précédemment. L'ensemencement sur les divers milieux reste encore sans résultat. Le malade traité jusqu'au 9 juin sort en apparence guéri. Nouvelle, récidive et nouvelle entrée le 27 août 1909. Les caractères clini¬ ques de la maladie sont ce qu'ils étaient lors de la première récidive. L'examen microscopique des squames nous réservait une surprise. Le para¬ site y revêtait un aspect lout à fait analogue à celui déjà décrit plus haut, mais nous eûmes la chance de rencontrer parmi un très grand nombre de squames examinées, trois fructifications. Deux de ces hyphes fructifères situées côte à côte sont représentées dans le microphotographie (fig. 7). Bien que l'épreuve obtenue avec un appareil de fortune insuffisant soiI mauvaise, elle permet néanmoins de reconnaître les principales caractéristiques de ces intéressants organes. (Fig. 7). L'hvphe fructifère est légèrement plus épaisse que les filaments végétatifs, elle mesure environ 7a de large sur l('u de long et se termine par un renfle- — 27 — ment conique ou piriforme de I Ou. à 12 p. de large sur 1 ' u. de long sur la base de ce renflement sont insérés un grand nombre de stérigrnates cylindriques, courts, étroitement serrés les uns contre les autres à la façon des graines du tournesol. Chacun de ces stérigrnates porte à son extrémité une chaînette formée de quatre à six conidies régulièrement arrondies, placées bout à boni sans qu'il soit possible de distinguer ce qui le relie les unes aux autres. Ces fruits si nettement visibles ne peuvent laisser aucun doute sur le dia¬ gnostic d'un champignon parasite de l'ordre des hyphomycètes, tribu des aspergillées, genre aspergillus. Leur morpholgie est très nettement caractéris¬ tique. Nous avons relaté tout au long cette observation parce qu'elle se prête à des considérations cliniques et microbiologiques intéressantes. Au point de vue clinique nous avons constaté combien cette affection est. tenace et facilement récidivante. On pourrait objecter que cet homme appa¬ remment guéri est retourné dans son village et a pu y subir de nouvelles contaminations qui l'ont ramené à l'hôpital ; mais, nous avons eu d'autres malades qui n 'ayant jamais quitté l'hôpital présentaient encore des placards rebelles après six ou huit mois d'un traitement scrupuleusement contrôlé par nous, traitement alterné : 1° D'à. chrynophanique employé soit en pommade, soit en traumaticine ; 2° De teinture d'iode en applications à 1/24 ; 3° Même, de pâte d'Unna employé en couche épaisse dans le but de priver d'air le parasite. Chacun de ces traitements employé consécutivement pendant une quinzaine de jours amenait dès l'abord une rapide amélioration puis semblait tout à coup privé d'efficacité, la guérison restant inachevée et stationnaire. Dans un seul cas, la guérison parut obtenue en moins de deux mois et d'une façon complète. Peut-être doit-on attribuer de pareilles différences individuelles à la nature même de la peau du malade formant un milieu plus ou moins apte à la culture et à la conservation du parasite. Au point de vue microbiologique le fait le plus important est évidemment la découverte des trois fructifications aspergillaires du parasite. Ces trois fruits étaient tout à fait différents de ceux décrits par Tribondeau. Pas plus que dans l'observation de Tribondeau, il ne nous paraît possible de mettre en doute que ces fructifications n'appartenaient pas au tokelau car elles étaient en continuité très nette avec le lacis mycélien du parasite. Mais une chose remarquable c'est que les filaments qui les supportaient à peine plus gros que les filaments ordinaires succédaient directement à ceux-ci. Nulle part dans nos prépara lions nous n'avons observé de filaments géants comme ceux figurés dans la Planche A nos 25 et 26 du travail de Tribondeau (Archives de Médecine Navale — Tome soixante-douzième — Page 5). Il me semble cependant que ces deux cas en apparence si dissemblables pourraient peut-être trouver une explication dans ce fait que le parasite dont parle Tribondeau appartenait à un homme atteint depuis plusieurs années et chez lequel le mal avait résisté à un long traitement. Dès lors ne peut-on pas voir dans les filaments à segments fusiformes séants et même dans les fructifications si différentes de toutes celles déjà connues, des modifications survenues chez ce parasite poussant dans un milieu où il a souffert. Ne sonl-ce pas là des formes de souffrance analogues à celles décrites par Sabouraud à propos de l'acliorion du favus ? (Sabouraud — La pratique dermatologique — Tome Ie1' -— Page 829). SUR UN CAS DE TEIGNE A TYPE ANNULAIRE CONCENTRIQUE Par le I)1' MOUZELS (1) Médecin Résident, à l'Hôpital indigène du Protectorat à llanoi. Le nommé N'guyên-van-Tàin, 11) ans, charretier, demeurant à la route de Sinh-tu à Hanoi, se présente à la consultation externe de l'Hôpital indigène du Protectorat le 7 juillet 1909 pour y faire soigner une teigne donl il est porteur. On ne relève rien d'intéressant dans les antécédents du malade, il y a environ trois mois il aperçut sur son épaule droite une petite plaque de la dimension d'une pièce de 10 cents environ, rouge, et recouverte de petites squames. Son attention fut surtout attirée par les démangeaisons très vives dont le placard était Je siège. l'eu à peu de nouveaux placards apparurent dans les régions les plus diverses du corps, de sorte que le jour où il vint à la consultation, le malade présentait : lin grand placard sur la face, allant de la racine des cheveux à la lèvre supérieure et de l'oreille droite à l'arcade zygomatique gauche ; Sur le tronc, un deuxième placard occupe toute la région scapulo-liumérale droite ; t il troisième siège sur tout le côté gauche, depuis la région lombaire en arrière, jusqu'à la ligne mamelonnaire en avant, et du grand trochanter au rebord des fausses côtes ; A la jambe droite, un placard engaîne le membre depuis la moitié de la jambe jusqu'au genou. Les poils sont intacts à l'intérieur même des lésions. A la base du cou se trouvent des lésions beaucoup plus jeunes cl de. forme 1> piqué. L'une, en particulier, siège au niveau de la fourchette slernale. Kl le mérite d'être minutieusement décrite (Fig. 1). Klle esl constituée d'une première ligne externe, formée par la confluence d'un grand nombre de petites vésicules miliaires surélevées d'environ un quart de millimètre au-dessus de la peau avoisinante. La plupart des vésicules bientôt détruites par le grattage ont laissé la place soit à des petites croùtelles formées par la dessiccation de la sérosité qui s'écoule, soit à de petites la¬ melles épidermiques. Les lamelles épidermiques sonl toules petites mais extrê¬ mement nombreuses et elles donnent à la zone tout entière un aspect, furfuraeé. Si, par lavage, on enlève délicatement les squames et les croùtelles, on aperçoit au-dessous une surface rouge foncé nettement inflammatoire formant un jiet.il talus continu, séparant la peau saine du centre du placard. A un centimètre environ, et en dedans de cette première ligne s'en trouve une deuxième revêtant en tous poinls les mêmes caractères. (1) Publié dans la Reçue médicale de l'Indochine Française, 2e année, 1909, n° 22. — 29 — Enfin au centre même de la lésion, on aperçoit un assez grand nombre de petites vésicules rangées sans ordre apparent et effondrées deci, delà, par le grattage. Les trois lignes concentriques ainsi formées, sont séparées les unes des autres par des zones où la peau ne présente aucune croûtelle, et seulement quelques rares squames. À peine si l'on observe à ce niveau une légère dépig- menlation qui fait apparaître plus claire que la peau environnante toute la surface occupée par la teigne. De telle sorte que l'apparition de la teigne et son développement paraissent présenter quatre stades : 1° Ensemencement de la peau avec réaction inflammatoire très nette, apparition d'une ou de plusieurs papules disposées plus ou moins irrégulière¬ ment sut- un petit espace. 2° La papule initiale ne tarde pas à devenir vésicule ; elle est alors le siège de vives démangeaisons et soif par le grattage, soit par dessiccation, la vésicule ainsi formée perd son liquide. Il ne reste plus que, soit des crotitelles, soit de toutes petites squames reposant sur un fond rouge. Ces lésions se reproduisent indéfiniment sur place. •3° Cependant, le parasite chemine dans l'épaisseur de l'épiderme et d'une façon excentrique par rapport à la lésion primitive, sans donner lieu à d'autres lésions visibles qu'une légère dépigmentation de la région malade. -f° A environ 1 centimètre 1/2 de la lésion primitive apparaît d'abord une légère zone rougeâtre, qui ne tarde pas à se couvrir de papules et de vésicules donnant ainsi naissance à une première collerette excentrique. Ces caractères étaient très nefs dans les lésions qui sont situées dans les régions sus et sous- claviculaires droites et gauches. On y apercevait, au bord d'un grand placard, tous les stades de celle sorte d'efflorescence. On peut affirmer que, contraire¬ ment à ce qui a été décrit à propos de la plupart des teignes qui forment des anneaux se déplaçant, par croissance excentrique, ici les anneaux ne changent pas de place, mais envoient excentriquemen! et d'une manière radiée des pro¬ longement intra-épidermiques. se terminant par une efforescence très nette, après un parcours dans l'épaisseur de l'épiderme, d'une longueur presque uniforme. Celle longueur égale environ I cm. 5. C'est au niveau du point où se font ces efflorescences successives, que prennent naissance les talus circulaires qui ont été décrits dans l'observation. De chacun de ces talus partent de nouveau des filaments radiés intra-épidermiques qui vont former une nouvelle efflorescenc.e excentrique. Ainsi se trouve constituée la lésion type, comprenant une série d'anneaux concentriques (lieux d'efflorescence) séparés les uns des autres par des espaces, où la peau présente à peine une légère dépigmentation (lieu de cheminement des rameaux intra-épidermiques). Examen des squames sans coloration. L'examen microscopique des squames permet de relever dans leur épaisseur l'existence d'un fin réseau mycelien. Ce réseau est formé de filaments relati¬ vement rares, d'aspect quelquefois très différents les uns des autres. Le plus souvent l'on a affaire à de longs filaments à direction presque rectiligne, me¬ surant environ 2 à 3 de large et de longueurs très diverses. Ces filaments extrêmement transparents, sont difficiles à voir au milieu des squames. Ils sont formés par des éléments de longueur extrêmement variable, pouvant — 30 — osciller entre 10 et 50 y. . Ils ne présentent aucune espèce d'enveloppe visible et les cloisons, qui les séparent les uns des autres, sont simples. Leur contenu est formé d'un protoplasme présentant ça et là des granulations, quelques- unes, fines et ponctiformes, les autres en forme de gros grains réfringents. Les filaments se terminent par des espèces de renflements en massue formés d'éléments plus courts mais aussi plus trapus et de forme plus régulière, ils sont presque carrés et mesurent environ f y. de côté. Ces éléments, très réfringents, ne présentent aucune espère de granulation, ni de membrane d'enveloppe. Us sont ajoutés bout à bout, à la façon de grains de chapelet, sans que l'examen microscopique nous montre de quelle façon ils sont réunis les uns aux autres. Enfin la 3e espèce de filaments est constituée par la réunion, sur une même tige et d'une manière régulière, des 2 espèces d'éléments déjà décrits, ajoutés bout à bout et sans ordre apparent (Fig. 2. — A). Examen, des squames après coloration. Après coloration on constate que la première des deux espèces d'éléments déjà décrits, prend à peine la couleur ; mais on peut néanmoins, par ce pro¬ cédé, apercevoir le double contour de l'enveloppe de chaque élément, incolore et blanche. Le corps protoplasmique, légèrement coloré en bleu, présente dans son intérieur deux espèces de granulation, les plus nombreuses ne prenant pas du tout la couleur, les autres se colorant facilement en bleu. La deuxième espèce d'éléments ressort facilement sur le fond de la colora¬ tion par l'extrême vigueur avec laquelle elle prend les colorants. Elle se montre composée de masses protoplasmiques homogènes entourées d'une épaisse mem¬ brane d'enveloppe et soudées les unes aux autres par l'intermédiaire de cette même enveloppe (Fig. 2 — B). Vu cours de nos examens, il nous a été donné d'observer de très nombreux sarcoptes de la gale perdus dans l'épaisseur des squames. Les ensemencements de squames pratiqués sur tous les milieux de cultures usuels des teignes sont demeurés sans résultat. Ce malade traité par la simple application de pommade à l'acide chryso- phanique était guéri au bout d'une douzaine de jours. Il s'est présenté à nous avec une légère rechute au niveau de la jambe, environ trois mois après. Très rapidement guéri il n'a plus reparu à notre consultation. GALE SQUAMEUSE GENERALISEE Par A. DEGORCE (1) Nous avons observé chez deux Annamites une forme de gale à caractères bien particuliers, assez identiques dans les deux cas et différant complètement des signes classiques que nous observons couramment dans la gale. Liiez aucun de nos malades il n'existait de sillons. Un seul présentait quel¬ ques vésicules seulement au niveau de la face. L'autre n'en présentait pas. TJ n'y avait ni pustules ni croûtes. Les lésions consistaient en une desquamation plus ou moins abondante sui¬ vant les régions. Furl'uracée, farineuse en certains points, elle formait un feutrage épais de squames agglomérées en d'autres régions. Les squames étaient sèches. Il n'y avait pas de lésions suintantes. Seulement dans les régions re¬ couvertes d'un feutrage épais, l'ablation du feutrage laissait à nu une surface humide, hérissée de petites papilles. Vu lieu d'être localisées aux régions de prédilection de la gale, les lésions atteignent presque toute la surface du corps, y compris une partie de la face et le cuir chevelu. Les ongles indemnes dans un cas étaient un peu altérés dans un cas au niveau des doigts de la main. Partout où s'observaient des squames, on pouvait trouver des parasites et des œufs. Les caractères morphologiques et les dimensions de ces parasites ne nous ont pas paru différents de ceux des acares observés ordinairement (.liez l'homme. L'état général de nos deux malades était également mauvais. Tous les deux étaient atteints de diarrhée et moururent peu de jours après leur entrée à l'hôpital. Ils appartenaient à la population misérable de coolies malpropres, salement vêtus et vivant en étroite promiscuité avec des malheureux de leur catégorie atteints de gale pour la plupart, Le traitement par la frotte et la pommade d'Helmerich, mal appliqué peut- être à cause de l'encombrement de l'hôpital à cette époque, fut peu efficace. On ne put d'ailleurs le renouveler car les deux malades se cachectisèrent de plus en plus et ne purent être amenés à la salle de bains, S'agit-il dans ces cas d'une gale due à un parasite particulier, d'origine ani¬ male par exemple ? S'agit-il au contraire d'une gale due au parasite habituel de l'homme ayant évolué d'une manière intensive sur un terrain très favorable à son développement ? Bien que les parasites nous aient paru identiques à ceux de la gale humaine couramment observée, nous ne saurions décider entre ces deux hypothèses. Nos deux malades avaient ceci de particulier qu'ils étaient tous les deux profondément cachectiques. Mais les cachectiques atteints do gale ne sont pas rares dans notre service et cependant nous n'avons encore observé que deux cas de type spécial. (1) Publié dans la Revue médicale de l'Indochine Française, 2° année, n° 16, 190.). Observation I Ncuïên-van-Quit, âgé de 22 ans, coolie, né dans un village de la province d'Haiduong, n'a jamais quitté le delta tonkinois, n'accuse comme maladie antérieure que la rougeole contractée il y a neuf mois. La maladie actuelle date d'un peu plus d'un mois. Elle a débuté par la nuque et le cuir clievelu, au dire du malade. À son entrée à l'hôpital cet homme présente, symétriquement réparties sur un grand nombre de régions du corps, des zones d'un feutrage épais, formé de squames grisâtres très fines, farineuses, couleur de cendre. Cette •couche de squames est molle, friable, se réduit en une poussière grise quand on gratte la surface avec un bistouri. Au-dessous de la couche feutrée, la peau apparaît hérissée de petites papilles et un suintement séreux se fait à sa surface. On observe ces zones à feutrage épais : en avant, à la paroi antérieure des deux creux axillaires, au niveau des deux mamelons et à leur pourtour, dans la région de la hanche, à la face antérieure des deux genoux, à la face antérieure des poignets ; en arrière de la nuque, au niveau du moignon de l'épaule, à la face postérieure du coude, à la face dorsale du pouce et à la région dorsale de l'index, au niveau du sacrum, à la partie interne et infé¬ rieure de la fesse. En dehors de ces zones à feutrage squameux abondant, la peau de presque toute la surface du corps présente des squames plus ou moins lines. En cer¬ tains points (face antérieure du cou et. du thorax) la peau a une coloration plus sombre et un aspect chagriné. En d'autres points (région épigastrique), la peau présente l'aspect connu sous le nom de chair de poule. Sur le cuir chevelu, les cheveux coupés ras sont clairsemés. En certains points existe un feutrage abondant de squames grisâtres. En d'autres points, on constate seulement quelques squames furfuracées, La face est indemne au niveau du nez, des joues et du menton. Il existe quelques squames sur les lèvres et au niveau de leur commissure. Le front, les parties excentriques de la face, la région du maxillaire inférieur, la région sous-mentonnière sont recouvertes de squames fines disséminées et on y observe par place de fines vésicules. Ces vésicules ont été excoriées par le grattage et beaucoup d'entre elles présentent de pelites c.roûtelles à leur sommet. Les mains sont recouvertes de squames au niveau de la face dorsale et des doigts. La paume de la main est en partie saine. Les parties malades sonl localisées à la région du pli de flexion des métacarpiens pour la main droite, au centre de la région palmaire pour la main gauche. Ces lésions de la paume de la main ont des contours policvcliques. L'épiderme sec, de coloration gri¬ sâtre se détache en lamelles assez épaisses. Quelques éléments aberrants res¬ semblent à des ampoules vidées de leur liquide et desséchées. La face palmaire de ta dernière phalange des doigts est indemne. Au contraire du côté dorsale la dernière phalange est atteinte. Les lésions entourent complètement l'ongle sans que l'ongle soit altéré. La plante des pieds et les orteils sont indemnes. Le dos du pied présente des lésions squameuses. La face dorsale du pied droit présente trois petits ulcères de type banal. Le gland est recouvert de squames épaisses dans sa partie découverte. T.a mu¬ queuse est au contraire saine dans la portion recouverte par le prépuce (sillon b'alano- préputial et bordure du gland), — 33 — La l'ace postérieure du scrotum, l'anus sont indemnes. Il n'y a presque aucune lésion au niveau du creux de l'aisselle. On le voit, les lésions ne se développent pas dans les régions où les téguments sont en contact avec des régions voisines. Les ganglions cruraux sont très volumineux. Quelques ganglions axillaires sont augmentés de volume. La bouche ne présente rien de particulier sinon que la muqueuse est très déco¬ lorée. Le malade est très émacié, cachectique. Il est alteint de diarrhée abondante. 11 se plaint de démangeaisons très vives sur toute la surface du corps. Il meurt quel¬ ques jours après son entrée à l'hôpital. Des squames prélevées dans diverses régions du corps et sur le cuir chevelu el la face ont toutes présenté de nombreux acares et des œufs. Observation II Nguyên-lhi-Trauh, âgée de 50 ans, coolie, venant de Nam-dinh, entrée à l'hôpital le 15 juillet 1908. Cette femme vit dans des conditions misérables. Elle s'alimente mal et ne prend aucun soin de son corps. Elle se plaint de troubles digestifs et de diarrhée depuis plusieurs années. La maladie actuelle a débuté il y a trois mois. Des démangeaisons sont apparues aux mains et ont gagné ensuite les autres parties du corps. Les démangeaisons sont devenues si intenses que la malade ne peut dormir et passe le jour et la nuit à se gratter. La plus grande partie de la peau est lichénifiée. De fins sillons parallèles s'en- Irecroisent sous des angles divers dans les régions malades, séparées les uns des autres par des intervalles d'un à deux millimètres. La peau est couverte de petits éléments papuleux ayant un diamètre d'environ un millimètre, légèrement rosés, h surface brillante, serrés les uns contre les autres, recouverts le plus souvent de squames grises, micacées, très fines. En certaines régions les squames sont plus abondantes et la peau semble avoir été saupoudrée de plâtre ou de cendres. A la tête, les lésions envahissent les parties latérales de la face, respectant le front, le nez, les joues, le menton. Les cheveux sont remplis de poux. Quand on les a coupés, le cuir chevelu appa¬ raît couvert de squames. A la nuque les lésions sont très marquées. Le tronc est assez uniformément atteint ainsi que les membres supérieurs. La lace palmaire des mains, même au niveau des doigts et les espaces interdi¬ gitaux sont recouverts d'un feutrage de fines squames agglomérées couleur de cendre. La dernière phalange des doigts est toutefois respectée. En certains points l'épiderme est crevassé. Les lésions du dos de la main sont peu marquées. Les ongles présentent pour la plupart un ou deux sillons transversaux. L'ongle du pouce guache et celui du cinquième doigt droit présentent une fissure irrégu- lière transversale atteignant toute l'épaisseur de l'ongle et s'étendant d'un bord au milieu de l'ongle. Les membres inférieurs présentent des lésions moins marquées. Les mollets sont indemnes. Les pieds sont presque indemnes. Les ongles des pieds sont normaux. Nulle part on n'observe de sillons. Des squames prises sur diverses régions du corps, en particulier au niveau de la face, du cuir chevelu, de la nuque renfer¬ ment de nombreux acares et des œufs d'acares. Elles ne présentent ni mycélium ni spores. La malade très émaciée est cachectique. Elle a 4 ou 5 selles dysentériques par jour. On prescrit une frotte et une application de pommade d'Helmerich. Le trai¬ tement, probablement mal appliqué donne peu de résultats. La malade se cachectise de plus en plus et meurt le 8 août 1908. NOTE SUR UNE MYCOSE RARE DE LA PEAU par un aspergillus Par SUREAU et DEGORCE (1) L'affection que nous avons observée chez un malade de la province de Vinh- Yên ne ressemble à aucune des nombreuses mycoses cutanées que nous avons pu observer au Tonkin. Nous n'en connaissons pas d'exemple en dehors de la famille de notre malade. Cette maladie ne doit d'ailleurs pas être très conta¬ gieuse car les cas en sont limités à une famille. Encore tous les membres de cette famille vivant dans une étroite promiscuité n'en sont-ils pas atteints. Chaque élément de cette mycose est constitué d'abord par une papule puis par un talus circulaire de dessin très irrégulier circonscrivant une zone de peau saine. Le talus légèrement infiltré, parfois un peu rouge, de consistance assez ferme présente en son point culminant un fin liseré jaunâtre, qui court tout le long du talus, enchâssé dans i'épiderme. La croùtelle friable qui cons¬ titue ce liseré se laisse enlever assez facilement, laissant là où elle a été arra¬ chée un sillon très superficiel. Ce liseré constitue le caractère principal de la mycose. Observation Nguyên-van-Hêch, âgé de 65 ans, cultivateur, est originaire du village de Son- iang, canton de Luong-Dien, huyên de Vinh-l'uong, province de Vinh-Yên. Son père, mort à 73 ans, ne présentait aucune affection cutanée. Sa mère, morte à 54 ans, présentait la môme maladie que lui. Le malade a eu trois frères et deux sœurs. Les frères, morts il y a environ dix ans, présentaient la maladie. Les sœurs, mortes vers la même époque, étaient égale¬ ment atteintes, mais d'une manière discrète. Les frères et les sœurs du malade n'eu¬ rent pas d'enfants. Quant au malade, il a eu deux enfants vivant actuellement. Un garçon, âgé de 30 ans, est atteint de la maladie. L'un de nous a pu même l'examiner mais l'observation n'a pas été prise. Le fils a été atteint à l'âge de 12 ans. Il n'est pas marié. Une fille du malade âgée de 39 ans, mariée, est indemne ainsi que son mari et ses cinq enfants. Le malade a sa femme encore vivante et indemne de la maladie. En dehors de la famille, le malade ne connaît pas d'autres personnes atteintes de sa maladie. L'affection aurait débuté chez notre sujet vers l'âge de 7 ans. Vers cette époque il y avait quelques éléments très disséminés sur le corps et la face. Peu à peu les éléments devinrent plus nombreux et plus étendus. Actuellement des lésions existent sur tout le corps sauf à la paume des mains et à la plante des pieds. Le cuir chevelu est relativement épargné. Il ne présente que deux ou trois éléments. Les poils et les cheveux sont intacts. (1) Publié dans la Revue médicale de l'Indochine Française, 2e année, n° 19, 1909. — 35 — Aspect des lésions. — Le début paraît se l'aire par une papule. On voit sur le corps quelques uns de ces éléments jeunes Les éléments plus anciens forment des cercles à contours géographiques ou gaufrés. Le centre paraît sain. Le pourtour forme un talus nettement surélevé. Au som¬ met. de ce talus court un liseré formé par une croûte jaunâtre fine du diamètre d'un millimètre environ. Si on enlève la croûtelle qui forme le liseré, on trouve au-dessous d'elle une surface rosée, lisse, laissant facilement suinter des gouteleltes de sang. Au pourtour de la plupart des éléments et à leur centre existent des lésions de lichénification de la peau. En certaines régions, la peau a une couleur violacée ou ardoisée au niveau des éléments et à leur pourtour. L'aspect des éléments varie d'ailleurs suivant les régions. En certains points, par exemple à la l'esse, les éléments sont très rapprochés les uns des autres. Leur base est infiltrée. Ils ont perdu leur aspect habituel et forment de véritables tubercules. En de nombreux points la lichénification que l'on observe à leur pourtour s'ac¬ compagne d'une légère desquamation et d'un aspect érythémateux de la peau. Dans les régions à peau fine, en particulier à la face, le talus bordant est mlins élevé. L'élément peut même n'être bordé que par un fin liseré gaufré. Pendant longtemps, le malade n'a accusé aucune démangeaison. Mais depuis 4 ans, il ressent un violent prurit. Le prurit n'existe pas chez le fils du malade. Examen histologique des lésions Une biopsie fut pratiquée au niveau de la bordure d'un élément. La pièce fixée dans l'alcool fut incluse dans la paraffine. Les coupes furent colorées au picro- carmin, au bleu carbonaté, au bleu polychrome de Unna, à l'hématéine éosine. Aucun de ces colorants ne colora le parasite dans les coupes. Mais les filaments .nycéliens étaient cependant très visibles, grâce à leur réfringence spéciale, surtout dans les coupes colorées au bleu de Unna. La couche cornée de l'épiderme, le corps muqueux de Malpighi et le derme étaient modifiés. Couche cornée. — La couche cornée de l'épiderme est considérablement épaissie m niveau de la lésion. L'épaississement est surtout considérable au niveau et au voisinage du liseré de bordure de l'élément. La couche cornée présente de nombreux interstices linéaires, à direction parallèle 5 la surface, qui la divisent en lamelles superposées. A la surface, des copeaux ne tissu corné se détachent à demi de la couche sous-jacente. Cette disposition ex¬ plique la friabilité de la croûtelle qui borde les éléments. En un point qui semble répondre à la partie centrale du liseré de bordure la couche cornée atteint une épaisseur plus considérable. Elle forme une sorte de coin qui semble pénétrer dans le corps muqueux de Malpighi. Les cellules qui constituent ce coin ne sont plus disposées parallèlement à la surface comme dans les parties voisines de la couche cornée. Elles sont irrégulière¬ ment disposées. Leur ordre est bouleversé. Par places elles affectent des dispositions concentriques rappelant Un peu l'aspect des globes épidermiques des épithéliomas. En outre les contours des cellules cornées très nets dans la zone épaissie voisine deviennent confus en un grand nombre de points dans cette région. Celte zone est celle où le champignon se développe avec le plus d'activité. On y voit des segments extrêmement nombreux de mycélium s'ïntriguant en tous sens. Dans les parties épaissies de la couche cornée avoisinante on voit courir de longs — 36 — filaments mycéliens mais beaucoup moins nombreux que flans la zone centrale. Ces filaments disparaissent complètement là où la coucbe cornée reprend son épaisseur normale. Corps muqueux de Malpighi.. — Les altérations les plus caractéristiques du corps muqueùx s'observent au niveau de la zone en coin de la couche cornée. Le stratum granulosum disparaît brusquement à ce niveau. Le fait est très apparent sur les préparations colorées à l'hématéine-éosine où le stratum granulosum forme partout pilleurs une ligne fortement colorée en violet. Au même niveau, la ligne de séparation de la coucbe cornée et du corps muqueux est irrégulière. À la limite des deux couches, des groupes de cellules du corps muqueux ou des cellules seules se trouvent isolées au milieu des cellules cornées. Le fait est surtout visible sur les préparations au picro-carrnin où les cellules du corps muquex colorées en rouge ressortent aisément sur la couche cornée colorée en jaune. Il est évident que les cellules du corps muqueux perdent leurs caractères ai! voisinage du parasite et se transforment à ce niveau en cellules cornées. Dans toute la zone recouverte par une couche cornée épaissie les cellules du corps muqueux sont augmentées de volume, comme œdématiées. Les papilles e! les bouchons interpapillaires sont considérablement augmentés de volume. Le nombre des assises cellulaires du corps muqueux est plus grand que dans la peau saine avoisinante, (15 ou 16 au lieu de 8 environ). Toutes ces modifications disparaissent progressivement quand on se rapproche de la peau saine. Au-dessous de la zone en coin où prolifèrent les parasites, les lésions sont au contraire encore plus marquées. Les cellules ne sont plus disposées en assises régu¬ lières. Elles sont fortement altérées, surtout au voisinage de la zone envahie par le champignon. Là elles perdent leur forme polyédrique, deviennent rondes, s'atro¬ phient. Leurs contours deviennent moins nets. Leurs noyaux se colorent mal. Derme. — Les vaisseaux sont dilatés, entourés de nombreux leucocytes. Ces leu¬ cocytes sont surtout abondants dans la zone sous-jacente au coin de pénétration de la couche cornée. En somme le parasite se développe dans une étendue très limitée de la couche cornée. Au point où il se reproduit avec le plus d'activité, il pénètre dans le corps muqueux de Malpighi. Mais toutes les cellules qui se trouvent à son contact se transforment en cellules cornées et subissent de fortes altérations. Il en résulte la formation de celle zone en forme de coin si caractéristique, qui semble s'en- Concer dans le corps muqueux. C'est cette zone qui forme avec la couche cornée épaissie voisine, le liseré enchâssé dans l'épiderme qui entoure la plupart des élé¬ ments. La réaction inflammatoire et la prolifération active des cellules du corps mu¬ queux explique la formation du talus dans lequel s'enchâsse le liseré croûteux. Elude du parasite. Cette étude a été faite par le I)r Mouzels, médecin résident de l'hôpital indigène de Hanoi. L'examen des croûtelles traités par la potasse à 40 pour cent montre des filaments.mycéliens assez nombreux (Fig. 1). Ces filaments sont très longs;, llexueux comme certaines plantes grimpantes, fis sont ramifiés. Le filament mycélien est formé par de longues cellules juxtaposées bout à bout. La segmentation du fila¬ ment est d'ailleurs peu visible. De place en place de petits organes en massue ayant un uiamètre transversal double ou triple de celui du filament mycélien sont bran- V- 37 — chês sur ce dernier. Les renflements sont vraisemblablement des spores On en observe fréquemment une ou deux à l'extrémité des filaments mycéliens. Certaines préparations présentaient des fructifications aspergillaires extrêmement nombreuses. Les fructifications placées sur le prolongement du mycélium étaient constituées par des renflements en massue portant des conidies disposées en chaî¬ nettes sur des stérigmates indivis. Le parasite se colore facilement par les couleurs d'aniline et prend le Gram. Des fragments des croûlelles furent ensemencés sur gélose glucosée et sur gélose glycérinée. Sur gélose glucosée on obtint dès le 2e jour une culture arrondie, poilue, blan¬ che, très soyeuse et tout à fait à la surface du milieu. Dès le 3e jour la culture d'abord arrondie devint frisée sur les bords et à sa surface apparurent de petites taches verdàtres. Le 5e jour il y avait de belles cultures de 8 millimètres de diamètre environ, vert très foncé, entourées d'un mince liseré blanchâtre, à surface sèche, granu¬ leuse, rugueuse, légèrement et régulièrement surélevée. Au centre on remarquait un léger duvet blanc grisâtre. L'examen du parasite au microscope est assez analogue à celui des squames mais le mycélium est d'un diamètre plus large et les spores sont plus volumineuses 'Fig. 2). En milieu glycérine, les cultures étaient un peu plus exubérantes qu'en milieu glucose et de coloration un peu plus claire. Les autres caractères étaient iden¬ tiques. Les cultures ne purent être continuées. TUBERCULOSE VERRUQUEUSE DE LA PLANTE DU PIED Par LE ROY DES BARRES (1) Le nommé H... T... âgé do 37 ans, entre le 28 mai 1908 dans notre service Il présente une lésion de la plante du pied gauche qui, depuis plusieurs années, l'empêche d'exercer sa profession qui est celle de coolie. Le père de notre malade est. manifestement atteint de tuberculose pulmo¬ naire (toux, expectoration purulente, hémoptysies, amaigrissement), quant à lu mère du malade, elle présenterait des crises d'étouffements sur la nature des¬ quels il est impossible d'être fixé. H... T... a deux sœurs bien portantes. Il est marié sans enfants, sa femme est bien portante. Quant à lui, jusqu'à l'âge de 21 ans, époque où il eût la variole, il ne présenta jamais d'affection sérieuse. L'année suivante notre ma¬ lade présenta du gonflement de la plante du pied gauche, gonflement qui s'accompagnait de rougeur de la peau, de douleurs vives et qui se transforma en une poche purulente qui s'ouvrit spontanément, donnant issue à une cuil¬ lerée environ de pus. La plaie résultant de ces abcès se rétrécit les jours sui¬ vants, mais ne se cicatrisa jamais. Le malade après avoir épuisé depuis 15 ans tous les produits de la pharmacopée indigène se décida à entrer à l'hôpital. L'examen extérieur du malade, outre la lésion plantaire sur laquelle nous reviendrons, ne révèle que des traces de gale et l'existence de petits abcès sous-cutanés au niveau des cuisses et des jambes, abcès consécutifs à cette dermatose. L'examen des viscères ne permet de noter aucune particularité, tous les organes sont sains. On ne trouve aucun stigmate de syphilis ou de lèpre. Les lésions du pied gauche portent exclusivement sur la face plantaire et encore seulement à la partie médiane sur la largeur d'une piastre, tout autour les téguments sont normaux, les articulations ne sont pas douloureuses et seule l'ulcération est douloureuse au moment de la marche. Cette ulcération est bourgeonnante et les bourgeons dépassent de près de trois millimètres le plan de la peau, ils sont assez irréguliers comme forme ruais par place donnent, un peu l'aspect du papillome. Entr eles bourgeons, i! est impossible d'apercevoir le fond de l'ulcération qui est de teinte bafarde ; la partie interne de l'ulcération présente un bord décollé. Cette lésion saigne peu, mais elfe suppure encore assez abondamment. Les ganglions correspondants du pli de l'aine sont un peu augmentés de volume. | A cause de l'aspect de cette lésion, à cause de son siège au milieu de la voûte plantaire, de sa longue évolution, nous posons le diagnostic de tuber¬ culose verruqueuse, diagnostic qui est confirmé par l'examen d'un bourgeon prélevé. Après avoir désinfecté la lésion par des pansements humides pendant plu¬ sieurs jours, nous pratiquons le 10 juin l'abrasion à la curette de tous les (1) Publié dans la Revue médicale de l'Indochine française, 2° année, n° 17, 1909 — 39 — bourgeons et de tous les tissus suspects. La plaie est ensuite badigeonnée avec de l'acide lactique. Les jours suivants la plaie est pansée avec des compresses aseptiques et touchée tous les jours à l'acide lactique. Très rapidement la lésion se rétrécit et ne donne issue qu'à un écoulement peu abondant séro-purulent. Après une période d'amélioration rapide, la plaie reste stationnaire vers les derniers jours de juillet, puis après quelques jours de repos absolu au lit, la cicatrisation reprend, pour s'arrêter à nouveau pendant les derniers jours du mois d'août, il ne persiste plus à ce moment qu'une petite ulcération bour¬ geonnante de la largeur d'une lentille. Un nouveau curettage est alors prati¬ qué et tous les tissus de vitalité douteuse sont enlevés (30 août). La plaie résultante large comme une pièce de 20 cents se cicatrise peu à peu et le malade quitte l'hôpital complètement guéri le 22 septembre. La ci¬ catrice est unie, non douloureuse à la pression et ne présente aucun point suspect. C. — RATES PALUDÉENNES TRAITEMENT DES RATES PALUDEENNES par la radiothérapie. Par Dr P. HEYMANN (1) En examinant attentivement la littérature se rapportant au traitement des rates paludéennes par la Radiothérapie, l'on est frappé de constater que la plupart des auteurs qui presque tous rapportent des succès n'ont pas différencié d'une façon nette les rates paludéennes aiguës des rates paludéennes chroni¬ ques. Pourtant Oudin et Zimmern notent très formellement cette différence en rapportant les résultats de Bruce Skinnet et Carson sur les splénomégalies récentes par opposition aux résultats de Demarchi dans les cas d'hypertrophie chronique de la rate. Manoukhine dans son mémoire se rapportant à cette question mentionne incidemment « dans 2 cas concernant des malades avec rate volumineuse et très indurée, j'ai été obligé de renoncer au traitement après plusieurs séances d'essai. Le tissu splénique ayant subi une dégénérescence fibreuse trop étendue ne réagissait plus à l'excitation ». Et cependant il existe à notre avis une différence essentielle entre ces deux types de rates palustres. Dans la rate paludéenne aiguë c'est-à-dire consécutive à une infestation récente l'augmentation de l'organe est relativement minime dépassant les dernières côtes de 4 à 5 centimètres au plus ; la lésion princi¬ pale est représentée par une congestion générale de l'élément adénoïde. La rate paludéenne chronique, témoin d'une infestation lente mais de lons'ue durée est un organe présentant des dimensions tout à fait anormales formant de véritables tumeurs descendant souvent plus bas que l'ombilic et venant envahir l'hypocondre gauche ; dans ce cas outre l'élément congestif du follicule de Malpighi on note une sclérose hypertrophique envahissant non seulement le territoire pulpaire mais encerclant de la périphérie vers le centre le territoire folliculaire, C'est à notre avis, cette différence essentielle dans les types de rates palu¬ déennes qui explique comme nous le verrons au cours de cet exposé les nom¬ breux échecs de nos traitements, alors que Moreau, Antonio Païs, Victor, Cordier, Pierrot, Manoukhine, Signalent des succès presque constants. De plus tous ces auteurs ont associé à la Radiothérapie le traitement quinino-arsénical alors que nous nous sommes abstenus de toute thérapeutique en dehors de l'emploi des rayons X. (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1925, n° 11, page 607. — 41 — Dans le premier groupe de 5 observations tous nos malades ont été traités avec les données suivantes : Etincelle équivalente 20 cm. Intensité 2 mm. Distance anti-cathode peau 40 cm. Tube Coolidge Standard à air libre. Filtre 5 mm. aluminium, l ue séance tous les huit jours la dose hebdoma¬ daire reçue étant de 250 R la dose totale au bout de 5 séances étant de 1.250 R. Malade n° 1. — Agé de 42 ans, prisonnier venant de Yên-Bay, région pa¬ lustre, entre à l'hôpital le 21 octobre 1924 pour paludisme chionique, se révé¬ lant par des accès répétés et remontant à des années ainsi que par un mauvais état général et une splénomégalie marquée. La rate en effet forme une véri¬ table tumeur occupant tout l'hypochondre gauche du malade, elle déborde les dernières côtes de 18 cm. et .sa màtité transversale s'étend sur 9 cm. à la r.-ercussion et à la palpation elle donne l'imjrression d'une tumeur élastique, fibreuse. L'examen du sang donne : Globules rouges 3.300.000 Globules blancs 4.000 Hémoglobine 80 % à l'échelle de Tallquwist. La formule leucocytaire est : Poly 66 Mono 26 Pympho 4 Eosino 3 Formes de transition 1 Pas d'Hématozoaires. Huit jours après la deuxième séance nous notons une diminution de volu¬ me de la rate se traduisant par une régression de 2 cm. de longueur sur 1 cm. de largeur. Les trois dernières séances n'amenant aucune amélioration le trai¬ tement est abandonné. Vingt jours après la dernière séance l'examen du sang donne les résultats suivants : Globules rouges 3.000.000 Globules blancs 3.000 Hémoglobine 75 Formule leucocytaire : Poly 57 Mono 33 Lvmpho 0 Eosino 8 Formes de transition 2 Aucun accès palustre au cours du traitement. Malade n° 2. — Agé de 27 ans, a vécu plusieurs années dans la région de Tuyên-Quang très paludéenne. A eu de nombreux accès ayant- nécessité une — 42 — première entrée à l'hôpital pendant le mois de mai 1924, au courant de laquelle il aurait déjà eu une hypertrophie marquée de la rate ; le traitement quinino- arsénical amène la sédation des accès et la régression partielle de la rate. De retour à l'hôpital à la date du 9 août, nous nous trouvons en présence d'un individu profondément émaçié, aux musqueuses décolorées présentant un lé¬ ger œdème des membres inférieures accompagné d'une augmentation de vo¬ lume du foie et de la rate. Le bord supérieur du foie remonte au niveau de la 5e côte, tandis que le bord inférieur dépasse les côtes de deux travers de doigts. La rate sous forme d'un volumineux gâteau occupant tout le côté gauche de l'hypochondre descend de 22 centimètres au-delà des côtes, tandis que son diamètre transversal s'étend sur 15 centimètres. L'examen donne les résultats suivants : Globules rouges 3.100.000 Globules blancs 4.500 Formule leucocytaire : Poly 49 Mono 22 Lympho 1 Eosino 1 Formes de transition ' 4 Hémoglobine : 75 %. A.u cours du traitement radiothérapique le malade présente 3 jours après la 2e séance un accès palustre avec présence de croissants dans le sang. A la fin du traitement, la rate a régressé de 5 centimètres, ne mesure plus que 17 centimètres de longueur sur 12 centimètres de largeur. Le nombre de globules rouges est de 4.100.000 Celui des globules blancs i 6.000 La formule leucocytaire : Poly 42 Mono 21 Lympho 0 Eosino 30 Formes transition 7 Taux hémoglobine : 80 %. Malade n° 3. — Présente dans ses antécédents de nombreux accès de palu¬ disme et déclare se plaindre depuis plusieurs années d'une grosseur dans l'hy¬ pochondre gauche, grosseur qui a surtout augmenté de volume à la suite de plusieurs accès de fièvre remontant à un mois environ. Agé de 50 ans, cet individu est relativement encore en bon état de santé quoique ayant un foie qui déborde les côtes de un travers de doigt et un souffle cardiaque systolique à la pointe. La rate nettement palpable est très volumineuse diamètre longi¬ tudinal 21 centimètres, diamètre horizontal 13, — 43 — Globules rouges 3.700.000 Globules blancs 10.000 Formule leucocytaire : Poly 62 Mono 26 Lympho 3 Eosino 7 Formes de transition 2 Taux hémoglobine : 80 %, pas d'hématozoaires. Sort tic l'hôpital le lé décembre 1924, à ce moment là, 20 jours après la dernière séance la rate a régressé : diamètre longitudinal : 15 centimètres, diamètre horizontal : 7. Globules rouges 3.900.000 Globules blancs 4.000 Formules : Poly 61 Mono 19 Lympho 1 Eosino 18 Formes transition 1 Taux hémoglobine : 85 %. N'a présenté aucun accès de fièvre au cours du traitement. Malade n° 4. — Agé de 14 ans, n'a eu que quelques accès antérieurs de fièvre lorsqu'il y a 8 jours a présenté un accès violent avec douleur irradiée à tout le côté gauche. Actuellement malade amaigri, fatigué, ayant une rate dé¬ bordant de 5 centimètres les dernières côtes légèrement douloureuse à la pres¬ sion et donnant à la palpation une sensation de tissu mou. Globules rouges 3.700.000 Globules blancs 10.000 Formules : Poly 51 Mono 29 Lympho 13 Eosino 5 Formes transition 2 Taux hémoglobine : 70 %. Au cours de 5 séances a eu après la première un accès palustre puis un autre accès après la troisième avec présence de schizontes de la tierce dans le sang. Le traitement terminé nous donne comme résultat une rate redevenue normale c'est-à-dire ne dépassant plus le gril costal. Globules rouges 4.100.000 Globules blancs 8.000 Formules : Poly 48 Mono 16 Lympho 0 Eosino 33 Formes transition 3 Hémoglobine : 75 %. — 44 — Malade n° 5. — Se présente le 9 octobre 1924 porteur d'une rate volumi¬ neuse descendant jusqu'à la ligne bi-iliaque transversalement, elle mesure 16 centimètres. Le malade âgé actuellement de 25 ans, raconte que sujet depuis son enfance à de nombreux accès de fièvre, il a vu peu à peu sa rate grossir jusqu'à devenir la tumeur énorme qu'elle représente aujourd'hui et qui constitue pour lui une véritable infirmité le mettant dans l'impossibilité de travailler. Etat général très mauvais, malade amaigri, décharné, muqueuses livides, a encore eu un accès palustre peu intense il y a quinze jours, appétit nul ; pas d'œdè- me des membres inférieurs. , Globules rouges 2.400.000 Globules blancs 3.000 Formules : Polv Mono Lympho Eosino Formes transition Taux hémoglobine : 60 %. Présence de croissants dans le sang L'action des 5 séances de rayons X apparaît à peu près nulle sur la rate qui n'a diminué que de 2 centimètres dans les diamètres vertical et hori¬ zontal. L'état est franchement mauvais. Globules rouges 2.000.000 Globules blancs 1.000 Formules : Poly 77 Mono 11 Lympho 2 Eosino 9 Formes transition 1 Taux hémoglobine : 60 %. Un deuxième groupe de malades, comprenant 5 cas a été traité de la façon suivante : Etincelle équivalente : 30 centimètres ; Intensité : 3 millimètres ; Distance anti-cathode peau : 40 centimètres ; Tube Coolidge immergé dans l'huile ; Filtre aluminium : 10 millimètres ; 6 séances de 380 R. chacune, total : 2.280 R. Malade n° 6. — Agé de 22 ans, provient de Hoa-Binh, région très infestée par le paludisme où il a vécu plusieurs années, présentant de nombreux accès de fièvre en même temps qu'il sentait se développer une tumeur dans l'hypo- chondre gauche. Le 25 juin 1924, entre à l'hôpital, avec un étal général assez bon quoiqu'il existe un peu d'oedème des membres inférieurs et un léger sub¬ ictère avec hypertrophie du foie qui déborde les côtes en bas de deux travers de doigt. La rate qui occupe tout le flanc gauche forme une tumeur dure. 54 26 5 9 1 rénitenle, douloureuse à la percussion présentant les dimensions suivantes diamètre 24 centimètres, diamètre horizontal 18 centimètres. Globules rouges 2.500.000 Globules blancs 3.000 Formule leucocytaire : Poly 71 Mono 23 Lympho 3 Eosino 2 Formes transition 1 Taux hémoglobine : 70 %. A la suite du traitement nous notons les changements suivants : relèvement de l'état général, légère diminution de la rate qui mesure alors 20 jours après la dernière séance, 21 centimètres dans son diamètre vertical, 14 centimètres dans son diamètre transversal. Globules rouges 4.000.000 Globules blancs 1.000 Formule : Poly 72 Mono 4 Lympho 2 Eosino 21 Formes transition 1 Taux hémoglobine : 70 %. Malade n" 7. — Agé de 18 ans, entre à l'hôpital pour splénomégalie palus¬ tre et tuberculose pulmonaire. Sujet très amaigri, très mauvais état général. A contracté il y a plusieurs années le paludisme dans la haute région tonki¬ noise et depuis présente de temps en temps des accès de fièvre, en même temps la rate se développait et présente aujourd'hui les dimensions suivantes : diamètre vertical : 15 centimètres, diamètre transversal : 7 centimètres. Au point de vue pulmonaire tuberculose en pleine évolution avec présence de ba¬ cilles dans les crachats. L'examen du sang donne les résultats suivants : Globules rouges 2.300.000 Globules blancs 5.000 Formule : Poly 63 Mono 30 Lympho 1 Eosino 0 Formes transition 6 Forme hémoglobine : 65 %. Au cours du traitement, quelques jours après la deuxième séance, violent accès palustre avec présence de Plasmodium vivax dans le sang. — 46 — Le malade, ne voyant aucune amélioration dans son état quitte l'hôpital 15 iours après la dernière séance présentant une rate sans changement aucun et un état d'anémie prononcée : Globules rouges 1.800.000 Globules blancs 2.000 Formule : Poly 08 Mono 20 Lympho c 8 Eosino 2 Formes transition 2 Taux hémoglobine : 50 %. Malade n° 8. — Ne mentionne que deux ou trois accès très rares ayant du reste disparu sans aucune médication. Mais il y a un mois environ a eu trois accès consécutifs à 8 jours d'intervalle ayant déterminé chez lui une fatigue générale intense qui le fait entrer à l'hôpital à la date du 14 juin 1924. Etat général relativement bon, appétit pourtant diminué, fois débordant très légè¬ rement un travers de doigt les côtes, rate percutable non douloureuse, des¬ cendant à 4 centimètres au-dessous du grill costal. Globules rouges 3.500.000 Globules blancs 9.000 Formule leucocytaire : Poly 63 Mono 30 Lympho 0 Eosino 2 Formes transition 5 Taux hémoglobine : 80 %. Le traitement radiothérapique terminé, nous notons 15 jours après la der¬ nière séance un état général sans changement quoique la rate soit retombée à ses dimensions normales. Globules rouges 3.100.000 Globules blancs 3.000 Formule : Poly 69 Mono 21 Lympho 0 Eosino 4 Formes transition (i Taux hémoglobine : 80 %. A eu au cours du traitement après la troisième séance, un accès de palu¬ disme à forme tierce. Malade n° 9. — Provient de la région de IIoa-Binh très paludéenne où dès son enfance a subi une impaludation sévère se traduisant par de nombreux accès. Aujourd'hui 3 juin 1924, se présente à nous pour splénomégalie volu¬ mineuse ; la rate est dure, ligneuse à la palpai.ion et remplit tout l'hypocbon- — 47 — dre gauche ; il existe un certain degré d'ascite et de la circulation collatéralle. Dimensions de la rate : déborde les côtes de 24 centimètres et présente un diamètre transversal dé 19 centimètres. Le foie lui-même est augmenté de vo¬ lume remontant à la quatrième côte et descendant à deux travers de doigt au-dessous. L'examen du sang révèle la présence de forme de résistance d'hé¬ matozoaire de la tierce. Globules rouges 4.000.000 Globules blancs 4.000 Formule leucocytaire : Poly 48 Mono 37 Lymplio 0 Eosino 6 Formes transition 9 Taux hémoglobine : 80 %. Le traitement institué dans les mêmes conditions que pour nos autres mala¬ des de cette série, est suivi d'une très légère régression du volume splénique. l'organe ne déborde plus que de 21 centimètres et son diamètre transversal est de 17 centimètres. Globules rouges 2.850.000 Globules blancs 9.000 Formule leucocytaire : Poly G6 Mono 14 Lympho 0 Eosino 11 Formes transition 8 Taux hémoglobine : 80 %. Recherche des hématozoaires négative. Malade n° 10. — Le 19 juin 1924 entre à l'hôpital pour paludisme chroni que se manifestant par des accès répétés depuis plusieurs années et le déve¬ loppement anormal de la rate qui devient une véritable infirmité pour le ma- lade. L'organe splénique dépasse les dernières côtes de 25 centimètres et son diamètre transversal atteint 19 centimètres à la palpation, elle est dure, réni- tente, légèrement douloureuse. Il exise un léger sub-ictère s'accompagnant d'hypertrophie du foie. Etat général assez bon. Globules rouges 5.000.000 Globules blancs 10.000 Formule leucocytaire : Poly 48 Mono 3G Lympho 2 Eosino 11 Formes transition 3 Taux ht.moglobi.ne : 80 %. A la fin du traitement radiothérapique nous notons une très légère dimi¬ nution de la rate qui ne mesure plus que 23 centimètres sur 17- — 48 — Globules rouges 3.800.000 Globules blancs 10.000 Formule leucocytaire : Poly <18 Mono 13 Lympho 0 Eosino 31 Formes transition 8 Taux hémoglobine : 80 %. Le troisième groupe d'observations se rapporte à des malades traités avec les données suivantes : Etincelle équivalente : Intensité : 3 millimètres ; Filtre aluminium : 10 millimètres ; Tube Coolidge immergé dans l'huile ; ti séances de 204 14. chacune, total : 1.224 14. ; Distance anti-cathode peau : 40 centimètres. Malade n0 11. — Le 31 mai 1924, entre à l'hôpital, provenant'de Hoa-Binh où le malade a présenté de nombreux accès de fièvre au cours de 5 ans qu'il y a passés, en même temps qu'il sentait se manifester une tumeur dans l'hypo- chondre gauche, tumeur qui s'accompagne de circulation collatérale, d'un lé¬ ger œdème des membres inférieurs et d'un peu d'ascite. Gette tumeur que représente la rate très hypertrophiée donne à la palpation une sensation de dureté rénitente, elle mesure 20 centimètres dans l'axe vertical et 15 centimè¬ tres dans l'axe transversal. Etat général relativement bon. Globules rouges 4.050.000 Globules blancs G.000 Formule : Poly 53 Mono 31 Lympho 5 Eosino 2 Taux hémoglobine : 80 %. Le traitement radiothérapique est entrepris et nie donne, au bout des G séances qu'un résultat partiel se traduisant par une légère régression de la rate qui ne mesure plus que 17 centimètres sur 14 centimètres. A l'examen du sang nous trouvons : Globules rouges 2.000.000 Globules blancs 2.000 Formule : Poly GG Mono 17 Lympho 0 Eosino 15 Formes transition 2 Taux hémoglobine : G0 %. — 49 — Malade n° 12. — Arrive à l'hôpital le 6 juin 1924, dans un état général dé¬ plorable, anémie profonde avec décoloration marquée des muqueuses, asthé¬ nie générale, appétit nul, nombreux accès de fièvre se répétant tous les huit jours, symptômes diarrhéiques. Foie augmenté de volume. Rate énorme occu¬ pant tout le côté gauche et formant une tumeur à grand axe oblique de haut en bas et de gauche à droite dont l'extrémité inférieure déborde la ligne mé¬ diane. Le plus grand axe mesure 28 centimètres et l'axe transversal 20 centi¬ mètres. Le malade ne peut se tenir sur ses jambes. Globules rouges 1.-300.000 Globules blancs 4.000 Formule : Poly 46 Mono 31 Lympho 8 Eosino 13 Formes transition 2 Taux hémoglobine : 55 %. Présence de croissants de la tropicale. Gomme conséquence du .traitement nous notons un relèvement de l'état gé¬ néral quoique la régression de la rate soit bien légère ; diamètre longitudi¬ nal : 26, diamètre transversal : 18 centimètres. Globules rouges 2.000.000 Globules blancs 200.000 Formule leucocytaire : Poly 49 Mono 13 Lympho ; 0 Eosino 31 Formes transition 7 Taux hémoglobine : 65 %. Au cours du traitement a présenté un accès de paludisme à forme tropicale. Malade na 13. — Agé de 14 ans, présente de temps en temps quelques accès de fièvre depuis 6 mois environ, état général bon, entre à l'hôpital pour un dernier accès qui s'est manifesté il y a 2 jours. Actuellement apyrexie ; mais hypertrophie de la rate qui dépasse les côtes de 5 centimètres environ. Globules rouges 4.600.000 Globules blancs 8.000 Formule : Poly 55 Mono 23 Lympho 2 Eosino 17 Formes transition 3 Taux hémoglobine : 80 %. Forme de résistance de la tierce. — 50 — Quinze jours après la fin du traitement régression complète de la rate qui a repris ses dimensions normales : Globules rouges 4.300.000 Globules blancs 7.000 Formule : Poly 49 Mono 22 Lympho 1 Eosino 25 Formes transition 3 Taux hémoglobine : 80 %. Pas d'hématozoaires. Malade n° 14. — Agé de 15 ans, se présente à nous le 5 juin 1924, porteur d'une grosse rate dont les premiers symptômes ont fait leur apparition il y a 3 mois environ, à la suite de plusieurs accès de fièvre qui ont cédé à un trai¬ tement par la quinine. Actuellement 1s malade ressent une lassitude générale de l'inapétence et une gêne sous le rebord costal gauche correspondant à la tumeur splénique. Cette tumeur splénique nettement palpable déborde de 4 centimètres le grille costal et donne l'impression de tissu mou. Foie normal. Globules rouges 4.020.000 Globules blancs 12.000 Poly 52 Mono 27 Lympho 3 Eosino 9 Formes transition 3 Taux hémoglobine : 85 %. Le traitement aux rayons X est institué avec les constantes indiquées ci- dessus et nous donne le résultat suivant : quinze jours après la dernière séance letour à la normale de la i-ate. Globules rouges 4.600.000 Globules blancs 4.000 Formule : Poly 42 Mono 9 Lympho 3 Eosino 43 Formes transition 3 Taux hémoglobine : 80 %. Pas d'accès de fièvre au cours du traitement. Les deux derniers malades dont nous reproduisons ci-dessous les observa¬ tions ont été traités avec les données suivantes : Etincelle 40 Filtre aluminium 10 milli. Distance anti-cathode peau 40 cm. Milli 10 Tube Coolidge immergé dans l'huile. Doses à chaque séance 1.000 R. Quatre séances au total à quinze jours de • distance chaque. Total 4.000 R. — 51 — Malade ri" 15. — Agé de 25 ans. Fortement jmpaludé, depuis son enfance, entre à l'hôpital le 4 juillet 1924 pour splénomégalie volumineuse remplissant te ut l'hypochondre gauche. La n iasse splénique dure, ligneuse à la palpation, se présente sous la l'orme d'un ovale à grand axe oblique de haut en bas et de gauche à droite mesurant 22 centimètres de longueur, le diamètre trans¬ versal ayant 18 centimètres. Etat général déplorable décoloration des mu¬ queuses sub-ictère avec légère augmentation de volume du foie. Présence d'as- ci te en petite quantité et d'un œdème peu marqué aux membres inférieurs. Appétit nul. Globules rouges 2.900.000 Globules blancs 5.000 Formule leucocytaire : Poly (50 Mono 24 Lympho 2 Eosino 7 Formes transition 1 Taux hémoglobine : 70 %. Présence de croissants de la fièvre tropicale; Le traitement au cours duquel nous ne notons aucun incident clinique amè¬ ne un léger régressement de l'organe splénique dont les dimensions attei¬ gnent encore 19 centimètres pour le diamètre longitudinal et 15 pour le diamè¬ tre transversal. Etat général du malde sans modification. Globules rouges 2.700.000 Globules blancs 2.000 Formule : Poly (54 Mono 21 Lympho 2 Eosino 14 Formes transition ] Taux hémoglobine : 70 %. Pas d'accès de fièvre. Malade n" 16. — Ce jeune malade de 15 ans vient nous trouver pour accès de fièvre fréquents contractés depuis trois mois, accès accompagnés d'une hy¬ pertrophie de la rate. Les accès sont à forme tropicale et la rate déborde les cotes de 6 centimètres donnant à la palpation la sensation d'un tissu mou Ftat général assez bon. Globules rouges 3.500.000 Globules blancs 5.000 Formule : Polv 70 Mono 14 Lympho 0 Eosino 15 Formes transition ] Taux hémoglobine 80 %. — 63 — Le traitement terminé nous constatons la disparition totale de l'hypertrophie dë la rate et l'examen du sang donne : Globules rouges 3.000.000 Globules blancs 3.000 Formule : Poly 46 Mono 12 Lympho 0 Eosino 30 Formes transition 2 Taux hémoglobine : 80 %. Pas d'accès pendant toute la période de traite¬ ment. Un fait se dégage de cette série de 10 malades traités pour splénomégalie palustre par la radiothérapie, c'est la différence d'actions obtenues sur les rates paludéennes aiguës et les rates paludéennes chroniques. Dans les cas aigus (Observations 4, 8, 13, 14, 16) c'est-à-dire où l'organe splénique est peu hypertrophié; et l'infestation palustre relativement récente, nous obte¬ nons le retour aux dimensions normales. Dans les cas chroniques, qui englo¬ bent ces rates énormes, ligneuses, chez des individus fortement et très an¬ ciennement impaludés le résultat se traduit par une légère diminution mais sans pouvoir aboutir à la régression complète. Dans l'un des cas même (Ob¬ servation n° 7) l'action des rayons X a été absolument nulle. Cette dissem¬ blance dans les résultats provient à notre avis des différences mêmes dans les lésions présentées par ces deux ordres de rate pathologique. Dans les cas aigus simple congestion du follicule de Malpighi, dans les cas chroniques non seu¬ lement congestion de l'élément adénoïde mais adjonction d'une hyperplasie du tissu comjonctif ; or, tandis que les rayons X possèdent une action marquée sur les tissus lymphoïdes, leur pouvoir sur le tissu conjonctil' est pour ainsi dire nul. De ces constatations découlent nos résultats, dans les rates aiguës, régression complète par influence des rayons sur le tissu lyphoïde, dans les rates chroniques diminution seulement partielle par atteinte des follicules de Malpighi, la plus grande partie de la rate hypertrophie étant constituée par du tissu fibreux résistant à la radiothérapie ne régresse pas. Il semble du reste que nous puissions trouver une preuve de cette hypo¬ thèse dans l'étude des variations du taux des globules blancs et des modi¬ fications de nos formules leucocytaires. En effet, dans toutes nos irradiations de rates palustres, sauf n° 2 et 9, nous notons 15 jours à un mois après la dernière séance une leucopénie manifeste, leucopénie atteignant le plus sou¬ vent 50 % comme le montre le tableau ci-joint. D'autre part, l'examen des formules leucocytaires nous fait constater dans 12 cas une diminution relative des mononucléaires ; tandis que leur taux n'a pas varié dans 2 cas et a subi une légère augmentation dans l'un deux ; les lymphocytes dans 11 cas accu¬ sent une baisse de leur taux qui, dans 4 cas, est resté invariable tandis qu'il est monté dans un dernier cas. Quant aux polynucléaires leurs variations semblent moins nettes, diminution dans 8 cas, égalité dans un, augmentation dans 7, alors que les éosinophiles nous montrent un accroissement sensible dans 15 cas et une invariabilité de leur nombre dans un seul cas. Or, étant donnée la différence d'origine, d'une part, des mononucléaires et lymphocites, d'autre part, des polynucléaires et éosinophiles, les premiers provenant des — 53 — tissus lymphoïdes, les deuxièmes de la molle osseuse, peut-être pourrons- nous en conclure que la diminution des uns provient de l'action des rayons X sur les éléments adénoïdiens de la rate tandis que Jes autres n'ont pas subi la même réaction. En effet nous pensons que les modifications de ces derniers et tout particulièrement l'augmentation du nombre des éoséno- philes peut être interprétée comme l'indice de la destruction des hématozoaires. Les globules rougés, eux aussi, subissent des modifications qui sont nette¬ ment en rapport comme tous les auteurs l'ont relaté avec la dose de rayons absorbés. En effet, dans 10 cas nous obtenons une diminution marquée des hématies et une augmentation dans 6 cas seulement, or chez ces derniers nous avons appliqué sauf pour l'un d'eux n° 6 des doses hebdomadaires ne dépas¬ sant pas 250 R. tandis que chez nos malades irradiés à des dqses variant entre 380 et 1.000 R. comme doses hebdomadaires nous avons obtenu toujours une diminution notable. Il y a lieu aussi d'établir le rapport très net qui existe entre les variations des globules rouges et la pénétration des rayons X, en effet avec les rayons de 20 centimètres d'étincelle filtres sur cinq mil¬ limètres d'aluminium augmentation très nette ; avec rayons plus durs 30 centimètres et au delà filtres sur 10 millimètres aluminium le nombre de cas de diminution des hématies l'emporte. Nous pouvons ajouter qu'il ne semble pas y avoir de relations entre ces variations du nombre des globu¬ les rouges et le succès ou l'échec du traitement radiothérapique contre la splé- nomégalie palustre, puisque sur nos cinq succès dans deux cas (nos 4 et 14) il y a augmentation des hématies et dans trois autres (nos 6, 13, 16) la dimi¬ nution l'emporte. A la suite de nos premiers échecs, se rapportant à nos malades nos 1, 2, 3, 4 et 5, traités avec des rayons de 20 centimètres d'étincelle, filtre aluminium 5 millimètres doses par séance 250 R., nous avons cherché s'il n'y aurait pas lieu d'augmenter la dose et la pénétration des rayons, malgré ces modifications nous n'avons pu obtenir de résultats appréciables dans la plupart des cas d'hy¬ pertrophie de rates palustres à forme chronique. Quant aux cas aigus où toujours le succès a été la conséquence du traite¬ ment, nous estimons comme dangereuses les fortes doses de rayons et les pénétrations dépassent 20 à 25 centimètres d'étincelle puisque toujours la réduction du taux des hématies ayant lieu dans ces conditions indique que la dose excitatrice a été dépassée et que la dose destructive a été atteinte. En résumé, cette étude nous amène à conclure que la radiothérapie pratiquée dans certaines conditions est efficace sur les rates paludéennes aiguës mais ne produit pas la régression des rates paludéennes chroniques où une profonde infiltration fibreuse rend la tumeur insensible à l'action des rayons X. De plus nous estimons que la durée du traitement, ses difficultés d'appli¬ cation sont d'autant d'inconvénients qui doivent faire rejeter la radiothérapie comme thérapeutique des splénomégalies palustres qui, dans les cas aigus, régressent spontanément ou à l'aide du traitement quinino-arsénical et dans les cas chroniques relèvent de la chirurgie. * 1913. ■— Quenu et Dcgrais. — Splénomégalie d'origine paludique traitée avec succès par le radium (bulletin Société de Chirurgie, 12 novembre 1913). 1918. — M or eau. — Radiothérapie des grosses rates paludéennes. Régres¬ sion après une seule séance (Compte-rendu de la Société de Biologie, 9 novem¬ bre 1918). _ 54 — 1930. — Pais. — Sur le traitement du paludisme chronique rebelle à la dans le paludisme (Archives d'électricité médicale 1918, page 257). 1920. — Pais. — Sur le traitement du paludisme chronique rebelle à la quinine au moyen des rayons X (Archives d'électricité médicale 1920, page 349). Victor Cordier. — La Radiothérapie de la rate paludéenne (Bulletin Société médicale des Hôpitaux, 11 mars 1920). 1922. — Pierret. — Les traitements actuels du paludisme (Journal de Ra¬ diologie 1922, page 241). 1923. — Manoukine. — Traitement de certaines formes du paludisme par les irradiations de la rate (Compte-rendu Société de Médecine et d'Hygiène tropicale 1923, page 23). D. — PARASITES INTESTINAUX UN CAS CURIEUX d'ascaridiose à symptomatologie pulmonaire. Par H. COPPIN (1) En pays parasité, les répercussions de l'ascaridioso sur l'appareil pulmonaire sont loin d'être rares, soit que les symptômes présentés par les malades soient d'ordre nerveux (toux par exemple), soit même que de véritables lésions ana- tomiques les expliquent et les conditionnent. La. connaissance de ces lésions authentiques d'origine ascaridienne, rendues vraisemblables par ce que nous savons du cycle évolutif de l'embryon, peut expliquer, soit dit en passant, cer¬ taines répercussions inattendues de l'ascaridiose, tel l'emphysème pulmonaire des Annamites que certains auteurs n'hésitent pas à rattacher à des effrac¬ tions pulmonaires d'origine parasitaire (Le Roy des Barbes)' : le nombre des individus atteints, et notamment des individus jeunes, ne peut être en rap¬ port qu'avec une cause locale tout à fait généralisée et très spéciale à la race indigène, telle que parasitisme intestinal. Dans un ordre d'idées différent, le cas suivant, par la complexité du pro¬ blème clinique qu'il posait, me paraît digne d'être brièvement rapporté. J'au¬ rais pu l'intituler : simulation de métastase de cancer du sein par ascoridiose, ce qui aurait eu l'air de ressembler à une plaisanterie. Toute la difficulté du diagnostic reposait cependant sur cet antécédent bien précis. Madame X. avait été opérée un an environ auparavant d'un néoplasme du sein droit. Opé¬ ration parfaitement régulière, suivie des séances de radiothérapie prescrites, sans aucune récidive locale. Deux mois avant que je la voie, cette malade s'était mise à présenter une série de symptômes anormaux, consécutifs à une de ces grippes qui faisaient fureur à ce moment à Hanoi : toux constante, fatigue insurmontable, inappétence et surtout amaigrissement extrêmement rapide et prononcé. A l'examen, je trouve une femme au teint jaune paille, anhélante, aux paroles entrecoupées par une toux quinteuse, incessante, qui ne lui laisse aucun repos. Une asso¬ ciation d'idées bien naturelle se fait aussitôt, dans mon esprit : cancer du sein, métastase ganglionnaire inthrathoracique, compression nerveuse, toux coque- luclioïde, etc... L'examen de la région opérée ne me révèle rien d'anormal : la cicatrice est nette, souple, sans trace d'adénopathie voisine, axillaire ou sus-claviculaire. L'examen des sommets est franchement négatif. Quant au bile et à la base droite, je n'y trouve rien de spécialement suspect, ce qui ne (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1925, n° 4, page 180. — 56 — veut évidemment pas dire que des ganglions récemment atteints ne soient assez développés pour amener des phénomènes de compression et trop peu pour se manifester par des symptômes objectifs. J'envoie la malade à l'examen radioscopique et on me répond : présence d'une ombre à la base droite avec intégrité du sinus costo-diaphragmatique, répondant à la partie inférieure du bile et de la chaîne ganglionnaire de ce côté. Très préoccupé, je me prépare à convoquer le mari, pour combiner, sous un prétexte quelconque, le rapatriement immédiat, dans le but d'éviter à ces pauvres gens, tenant beaucoup à rester au Tonkin pour des raisons matérielles, le spectacle et le calvaire lamentables d'une cachexie cancéreuse à la colonie, qu'on a rarement vue jusqu'ici, je pense, chez les Européens. L'appareil à radiothérapie profonde est justement en réparation, il n'y a qu'en France, vais- je dire, qu'on puisse trouver une installation équivalente, ce qui est d'ailleurs exact. L'amusant est qu'avant d'arriver à cette hypothèse plausible et à la déter¬ mination qui s'ensuivait, il était arrivé un petit fait que j'avais complètement oublié et dont les suites permirent à la malade de guérir très simplement et mieux qu'à la suite de mes déductions pathogéniques trop raisonnées. Et voici comment : lors de mon premier examen, j'avais au début ausculté la malade sans la faire déshabiller. Frappé de la discordance entre l'intensité des troubles qu'elle présentait et le peu de symptômes que je relevais à l'examen, j'avais tenu mon langage habituel dans les cas obscurs : dans ce pays, quand la cause d'une maladie n'apparaît pas tout de suite, il faut examiner les ■selles et le sang, pour savoir s'il faut donner, suivant le cas, santonine, émé- tine, 914, etc... Naturellement, le cancer étant vu, j'avais remis à plus tard ces différentes épreuves, pensant que l'examen radioscopique était le plus urgent. Mais mes premières paroles n'étaient pas tombées dans l'oreille d'une sourde et à tout hasard, rentrée chez elle, la malade commença une cure sérieuse de santonine. Le résultat ne se fit pas attendre et quelques jours après, je voyais entrer dans mon cabinet le monsieur et la dame, me montrant triomphalement dix ascaris dans un bocal. La toux avait naturellement disparu, ainsi que les troubles qui l'accompagnaient. La pâleur, la fatigue persistaient néanmoins. D'autre part, un second radiologiste consulté n'avait pas retrouvé les ombres signalées par le premier. Est-il besoin d'ajouter qu'ultérieurement la malade rédupéra rapidement le poids qu'elle avait perdu et se porte parfaitement bien maintenant ? La morale de cette histoire est celle de beaucoup d'histoire médicales de ce pays-ci : c'est que malgré toutes les vraisemblances, il ne faut jamais per¬ dre de vue l'influence possible des grands parasitismes tropicaux sur n'im¬ porte quelle manifestation clinique, tant qu'elle ne fait pas « sa preuve ». Cette conclusion a l'air d'un truisme, tant elle est évidente ; l'expérience montre que n'importe lequel d'entre nous l'oublie de temps en temps et j'en pourrais citer de nombreux exemples qui ne me sont pas personnels. Le côté original et inhabituel de celui-ci m'a paru mérité d'être signalé. La partie radiologique de l'observation est sans intérêt. Il aurait été re¬ marquable que l'ombre signalée eût été celle d'un peloton d'ascaris arrêtés dans la partie inférieure de l'œsophage : information prise, l'incidence uti¬ lisée ne permettait malheureusement pas pareille hypothèse. ACCIDENTS PSEUDO-COMATEUX ET RETENTION d'urine par ascaridiose. Par H. COPPIN (1) Le 1er février 1921, je vois avec le Dr Cognacq, le fils d'un commerçant annamite bien connu de Hanoi, âgé de 15 ans, qui a été pris quelques jours auparavant, au milieu d'un état de santé excellent, d'une somnolence progres¬ sive qui a abouti à une perte de connaissance complète, du moins d'après ses parents. La veille, le malade n'a pas uriné et le Dr Cognacq a fait un cathétérisme. Cet état s'accompagne d'une constipation absolue. Ce garçon qui paraît en effet vigoureux, est couché sur un lit de camp, immobile, en¬ touré de la famille éplorée. Rien d'anormal à un examen extérieur rapide en ce qui concerne les téguments : le visage est rosé, il n'y a pas d'amaigris¬ sement, la peau est fraîche, les yeux sont demi-fermés, les dents serrées, la respiration calme. Je fais interpeller le malade à voix haute : aucun tressaille¬ ment apparent des traits, mais les paupières font un effort léger pour s'ouvrir, comme les mâchoires pour monter la langue. J'ouvre les paupières pour cher¬ cher les réflexes qui sont d'ailleurs normaux, les yeux ne se dirigent pas vers la lumière, les globes oculaires, qui paraissent sans vision, font les mou¬ vements lents. Aucune réaction douloureuse à la pression des yeux ; il sem¬ ble qu'il existe une légère raideur de la nuque. Je fais donner devant moi du lait qui, après un séjour de quelqu? durée dans la bouche, est dégluti facile¬ ment. Je cherche le Brudzinski et le Kernig, tous deux absolument négatifs. T.es poumons et le cœur sont normaux. L'abdomen est souple mais le relief de la vessie s'y dessine avec évidence : la palpation et la percussion la révèlent tou¬ chant l'ombilic. Aucun symptôme de paralysie d:s membres, ni de contracture. La sensi¬ bilité y est obtuse, car à un pincement assez fort je n'obtiens qu'un gémis¬ sement léger sans aucune espèce de retrait du membre pincé. Les réflexes sont normaux et égaux. Le Babinski est négatif. Pas de fièvre. Je sonde immédiatement le malade avec une Nélaton qui me donne un ressaut à 10 centimètres environ du méat. Trois quarts de litres environ d'uri¬ nes claires, non albumineuses. Nouveau venu au Tonkin, je donne avec quelque scepticisme sur la sugges- tion du Dr Cognacq, une première dose de santonine de 0 gr. 15 à renouveler 3 jours de suite, plutôt par la routine de cette manière de faire habituelle ici que dans l'idée d'un traitement véritablement spécifique de l'affection que j'observe. Et malgré les résultats négatifs de l'examen que j'ai pratiqué, je songe malgré moi à je ne sais quelle forme latente d'urçmie, au coma d'em¬ blée des méningites et même à cette encéphalite léthargique dont les journaux (I) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ nées 1922-23, page 2. — 58 — sont pleins. Pas plus que l'examen, l'interrogatoire de la famille ne me révèle de faits qui puissent servir d'appoint à de tels diagnostics : le malade a été jusque là réellement bien portant, il n'est aucunement susceptible d'avoir contracté une maladie vénérienne et l'enquête reste absolument muette au point de vue hérédité spécifique, ce qui est rare au Tonkin. Devant cette lé¬ thargie bizarre je pense enfin à une manifestation pithiatique qui ne serait pas tout à fait extraordinaire dans un pays où certaines cérémonies religieuses s'accompagnent, de démonstrations individuelles ou collectives relevant de l'hystérie et je pose quelques questions sur le genre de vie de ce garçon, ses occupations etc... or, il ne sort jamais de chez lui et de plus, toute la famille est catholique. Le lendemain dans la soirée, j'apprends que le lavement que j'avais prescrit a ramené 4 ascaris. L'état est exactement le même, le malade a absorbé du lait en quantité très suffisante, un nouveau cathétérisme ramène 600 grammes d'urine. Une nouvelle dose de santonine de 0,15 est prescrite. Le lendemain 3 février, l'état est sensiblement stationnaire. Sans lavement, la constipation absolue est réapparue ; la rétention d'urine persiste intégrale¬ ment mais une petite modification est survenue dans l'état léthargique il est toujours impossible d'obtenir une réponse, mais les yeux s'ouvrent, mani¬ festent quelque attention et suivent les mouvements qui s'effectuent, autour d'eux. La 3e dose de santonine de 0,15 a été donnée ainsi que 30 grammes d'huile de ricin avant ma visite mais la purgation n'a été suivie d'aucun effet. En conséquence, je conseille un grand lavement évacuateur dans la soirée. Le 4 février au matin, j'apprends que le malade a été spontanément à la selle après mon départ et on m'apporte dans une cuvette un lot d'ascaris d'une vingtaine d'individus. L'amélioration s'accentue, mais bien légèrement ; le malade, sans parler, esquisse quelques mouvements des lèvres et de la tête. L'examen ne me révélant pas plus de signes objectifs d'affection nerveuse organique que les jours précédents, j'inaugure une série progressive de stry¬ chnine par 2 milligrammes sous cutanés poui$activer le réveil de mon faux comateux, qui continue à absorber très facilement du lait et, de la soupe de riz. Le 5 février, le malade répond enfin d'une voix empâtée à quelques ques¬ tions simples : qui est-ce qui te parle ? Où as-tu mal ? Mais il retombe rapi¬ dement dans sa somnolence et son mutisme dès qu'on cesse les interpellations fortes. La rétention d'urine persiste et il faut encore une fois le sonder : je conseille des bains de sièges chauds pour aboutir à des mictions spontanées Le séjour en décubitus dorsal sur plan rigide a entraîné l'apparition clans la région sacrée d'une tâche ecchymotique bleuâtre de la dimension d'une pias¬ tre, entourée d'une zone rouge simulant à s'y méprendre un début d'escharre ; un rond de caoutchouc est immédiatement placé sous le siège. Ce jour là, 3 milligrammes de sulfate de strychnine en injection. Le 6 février, l'amélioration commence à marcher rapidement : la parole est à peu près normale, l'intelligence et. l'attention sont complètement, revenues, mais la rétention d'urine se montre plus rétractaire et persiste jusqu'à l'injec¬ tion de 4 milligrammes de strychnine à la suite de laquelle le malade urine spontanément. La fausse escharre prend une couleur lie de vin avec une petite excoriation centrale qui nécessite un pansement. Les urines étant légè- rarement troubles, quelques doses d'uraseptine scîit prescrites. Le 7 février enfin, une semaine environ après le début de la maladie, la guérison est complète ; notre endormi se lève, parle, mange, urine comme avant et en quelques jours, l'excoriation sacrée disparaît. Je l'ai revu depuis à dif¬ férentes reprises parfaitement bien portant. — 59 — * * * Cette observation s'ajoute à celles qui ont été maintes l'ois désignées sous le nom d'accidents nerveux du parasitisme intestinal. On conçoit sans peine que, quelle qu'en soit l'origine, réllexe, toxique ou infectieuse, il puisse se pro¬ duire du fait de l'ascaridiose, à côté de manifestations d'excitation centrale comme les crises épileptiformes des symptômes d'ordre dépressif du genre de ceux que je viens de rapporter. A dire vrai, dans le cas particulier, si la bizarrerie du tableau clinique devait surprendre au début, un examen soigneux du malade permettait d'arriver par élimination à reconnaître l'absence de tout trouble objectif du système nerveux ; c'est ce qui différencie ce malade de ceux qui ont été décrits comme présentant des accès comateux d'origine escaridienne (Lecomte, in Grall et Clarac Tome VI, page ^0) et chez lesquels le coma présentait véritablement un substratum organique, coup de chaleur ou paludisme, qui réduit la présence d'ascaris au rôle de simple coïncidence ou tout nu moins de cause adjuvante secondaire des accidents observés. Ici le phénomène nerveux apparaît, seul, sans fièvre, sans manifestation méningés autre que la somnolence : cet exemple d'un symptôme bruyant prédominant, en absence de troubles associés susceptibles de le contrôler et de l'expliquer doit être rangé dans le cadre de ces « discordances svmptomatiques » souvent si¬ gnalées comme devant attirer l'attention vers un parasitisme possible. La rétention d'urine paraît être un phénomène plus rare parmi les méfaits de l'helminthiase intestinale, car je ne l'ai vu nulle part signalée. Doit-on, dans le cas présent, la considérer comme une conséquence du trouble cérébral diffus que représente la léthargie et l'assimiler à la rétention survenant au cours d'une maladie nerveuse organique ? Je ne le pense pas, en l'absence de toute autre réaction périphérique d'ordre nerveux objectif. Tout au plus rait-on faire quelque rapprochement du cas présent avec la rétention souvent observée autrefois chez les hystériques en état de crise, d'autant plus que l'aspect général du malade n'était pas sans évoquer le tableau de la grande névrose. Il est plus simple à mon avis d'accepter comme possible, dans l'ascaridiose, la localisation d'un phénomène réflexe d'origine intestinale sur l'appareil nerveux vésical, comme on a admis les accidents localisés à un nerf sensoriel, au pneumo-gastrique, etc... Cette possibilité établirait dans les pays parasités la nécessité de soupçonner l'helminthiase chez un individu atteint, sans passé urinaire, d'accidents vésicaux subits d'ordre sphinctérien. E — ARTICULATIONS LES SPONDYLITES LOMBAIRES OU LOMBARTHRIES chez les Annamites. Par MM. les Docteurs DE RAYMOND et D VRTIGUENAVE (1) ..Etude clinique. Si nous revenons sur cette affection décrite et étudiée plus particulièrement en France par Léri et dont l'un de nous avait en collaboration avec le D1' Heymann publié un cas typique dans le Bulletin de la Société Médico-chi¬ rurgicale de l'Indochine du 22 novembre 1923, c'est qu'elle est non pas une rareté comme nous le pensions alors, mais, au contraire, d'une fréquence assez grande et d'une modalité d'évolution particulièrement grave en ce pays. De plus les nombreux cas observés nous ont permis de réunir un ensemble de signes permettant un diagnostic de probabilité, en l'absence de radiogra¬ phie et de relever une particularité anatomo-pathologique constante et dont jusqu'ici nous n'avons pas trouvé mention dans la littérature médicale, c'est la subluxation en bas de l'articulation de la hanche. Les maux de reins si fréquemment observés chez nos malades correspon¬ dent, en effet, souvent à une entité morbide bien définie, à une spondylite lombaire et non à un vague lumbago-musculaire, le plus souvent rattaché au rhumatisme chronique. De nos nombreuses observations cliniques et radiologiques, il résulte que cette affection atteint presque exclusivement les 3 dernières vertèbres lom¬ baires, leurs articulations, l'articulation sacro-lombaire quelquefois, le surtout musculopériosté qui les entoure, en particulier les insertions du psoas, et retentit indirectement presque toujours sur les articulations coxo-férnorales, par l'action dystrophique exercée sur le groupe musculaire pelvi-trochanté- rien. Cliniquemeut les symptômes observés sont les suivants : Douleurs lombaires spontanées et fréquemment du type nocturne. Douleurs lombaires provoquées par la pression ou la percussion sur les apo¬ physes épineuses ou transverses des trois dernières lombaires et par les mou¬ vements actifs ou passifs du rachis. Douleurs sacro-iliaques assez fréquentes spontanées ou provoquées à la per¬ cussion ou à l'occasion des mouvements d'écartement ou de rapprochement des ailes iliaques, et de la chute sur les ischions. (1) Publié dans le Bulletin rie la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1925, n° 7, page 318. — 61 — Géne des mouvements de flexion de la colonne vertébrale souvent complète¬ ment fixée au niveau de la charnière lombaire, au point que le malade ne peut se fléchir qu'en pliant les jambes et s'interdit tout décubitus ventral, le rachis réalisant un arc osseux dépourvu de toute élasticité, comme clie/. les pottiques. Cyphose plus ou moins accusée avec parfois inclination latérale du bassin. Tension des masses musculaires sacro-lombaires et des muscles gouttièi'es contractures et douloureux. Gêne de la marche en raison des attitudes de com¬ pensation nécessaires à la station debout, des doideurs osseuses rachidiennes et dos douleurs irradiées à l'articulation de la hanche. Parfois signes de coxalgie au début, tellement nets que l'erreur a été com¬ mise et rectifiée par la radiographie. La sciatique simple ou double, chronique et rebelle, s'observe dans tous les cas. Ces sciatiques s'accompagnant de phénomènes soit d'irritation soit d'inter¬ ruption plus ou moins complète, sont funiculo-radiculaires et consécutives à une inflammation osseuse de voisinage propagée aux nerfs ou à des compres¬ sions ostéopériostées des branches du plexus lombo-sacré soit dans leur tra¬ jet funiculaire soit à la sortie du trou de conjugaison par des néoformations osseuses. Ces ostéophytes nés dans les ligaments et vraisemlablement dans les ar¬ cades tendineuses du psoas, constituant des arcs osseux plus ou moins com¬ plets pouvant unir les vertèbres, compriment les branches latérales et termi¬ nales du plexus qu'elles encadrent. Ces compressions déterminent les troubles sensitifs, moteurs et trophiques dans tout le membre inférieur. En outre des signes d'irritation, on observe presque toujours des signes d'interruption. Le réflexe achilléen est aboli, les mouvements de flexion limités ou impossi¬ bles, les muscles atrophiés, la peau de la région plantaire ou fessière peut-être le siège d'ulcérations trophiques, enfin très fréquemment, les muscles pelvi- Irocliantériens et les fessiers en particulier sont parésiés ou paralysés, quel¬ quefois contracturés. Ce dernier trouble, déterminé par l'irritation des branches musculaires hau¬ tes du plexus lombo-sacré, est à notre avis la cause de ces coxalgies au sem étymologique du mot, douleurs provoquées par tous les mouvements actifs ou passifs de l'articulation. Ces irradiations douloureuses nous ont conduit à la suite d'examens radio- graphiques répétés à reconnaître chez nos malades une subluxation légère de la hanche en bas, déformation due certainement à l'hvpotonicité de toute la masculature pelvi-trochantérienne, et au relâchement consécutif de la capsule et des ligaments. Ces lombarthries ont été observées exclusivement chez les hommes adultes après la quarantaine et sont survenues le plus souvent spontanément et insi¬ dieusement. Nous n'avons jamais pu les rattacher à des infections autres que la syphilis. Dans certains cas un traumatisme antérieur de la région lombaire était invoqué et dans deux cas particulièrement graves et réalisant un syndrome incomplet de la queue de cheval, cette étiologie nous a paru devoir être prise en considération, encore que l'accident datât de longtemps. Lorsqu'un traumatisme était en cause l'évolution tardive des accidents et les réactions sérologiques démontraient bien que le trauma avait fait le lit du tréponème et cette localisation du virus syphilitique sur un os ou une articu- — 62 — lation traumasitée accidentellement ou surmenée de par ses fonctions physiolo¬ giques nous paraît beaucoup plus fréquente qu'on ne le pense. Les pseudo-tumeurs blanches syphilitiques s'observent assez communément en ce pays ; il nous semble que ces spondylites lombaires peuvent relever de la même étiologie. Les algies nocturnes, la localisation constante au niveau de la partie la plus mobile du rachis, la formation très fréquente d'ostéophytique, la condensation du tissu osseux vertébral, la posivité des réactions sanguines, l'effet heureux du traitement spécifique, constituent autant de preuves qu'on en peut désirer. En résumé, ces lésions ostéo-articulaires lombot-sacro-iliaques caractérisées par des exostoses, des périostoses, des modifications de la forme et de la contexture des vertèbres lombaires, des arthrites, des ankyloses, réagissant sur les organes immédiatement en contact soit à l'intérieur du canal rachidien, soit dans les conduits vertébraux, soit à l'extérieur même, le long des faces latérales du rachis, sont à notre avis le plus souvent spécifiques, contrairement à l'opinion la plus répandue qui en fait une localisation du rhumatisme chro¬ nique. Chez aucun de nos malades nous n'avons observé en effet de mani¬ festations concomitantes de rhumatisme chronique en ses lieux d'élection ; or, toutes les variétés d'arthropathies rhumatismales sont communes chez les Annamites et surtout du s:xe faible, qui ne nous a encore procuré aucun exem¬ ple de lombarthrie. Nous n'avons fait aucune recherche complémentaire sur les liquides céphalo- rachidiens, ni tenté d'injections épidurales de lipiodol, la netteté des réactions sanguines et des images radiographiques nous a paru suffisante. Etude radiographique. Les malades qui font l'objet de cette étude présentent des lésions situées en deux points différents : 1° Les unes ont trait à la colonne lombo-sacrée ; 2° Les autres intéressent les hanches. Colonne lombo-sacrée. — Au niveau de la colonne lombo-sacrée, nous avons trouvé dans nos différentes observations et suivant le malade, presque toute la gamme des lésions vertébrales déjà signalées, c'est-à-dire becs de perro¬ quet, vertèbres en diabole légèrement décalcifiées, aplatissement et condensa¬ tion des disques, ostéophytes ligamenteux, spondylite en général, ankyloses et sacralisations. Mais dans l'ensemble, les processus de condensation et do néoformation semblent prédominer, et à ce sujet, l'image radiographique de Duong-dinh-Phu nous paraît mériter qu'on s'y arrête un instant. Nous ob¬ servons chez ce malade, en effet, que au niveau de la face antérieure de la base de l'apophyse transverse droite de la L3, part un arc osseux longeant le corps vertébral. Cette néoformation abandonne la vertèbre peu avant sa cir¬ conférence inférieure pour se porter en bas vers la base de l'apophyse trans¬ verse droite de L-l où il s'implante après avoir décrit un arc de cercle. Cel arc osseux franchit à la manière d'un pont la circonférence inférieure de la L3, la circonférence supérieure de la L4 et le disque intervertébral avec les¬ quels il ne présente aucun point de contact. Le disque intervertébral séparant la L3 de la L4 paraît aplati et étalé. A droite et à gauche, ses limites atteignent presque celles des circonférences des deux vertèbres qu'il sépare ; disposition qui contraste avec l'aspect des autres disques. — 63 — Au point d'implantation de l'arc osseux sur l'apophyse transverse de la 1,4, part une zone de raréfaction osseuse qui se dirige verticalement en haut jus¬ qu'au bord supérieur de cette apophyse. La bibliographie très restreinte que nous possédons de ces lésions nous a permis de trouver la description dt lésions qui se présentaient sous forme de becs de perroquet se dirigeant l'un vers l'autre. Mais nous n'avons pas si¬ gnalé la jonction de ces néoformations. Dans la présente observation, il s'agit d'un arc vrai sans solution de conti¬ nuité. Ce même malade présente, en outre, ce gros intérêt que son histoire nous conduisit à rechercher systématiquement chez les autres, les anomalies de l'ar¬ ticulation coxofémorale dont il va être question maintenant. Cliniquement, en effet, le diagnostic de coxalgie s'imposait chez le malade, mais la radiographie ne permettait de déceler aucune altération des os. Par contre, l'examen des épreuves mettait en évidence une anomalie que nous devions par la suite relever chez les autres malades similaires. Anomalies des hanches. — Normalement, le malade étant en décubitus dor¬ sal, les deux membres inférieurs parallèles et en rotation interne, l'image radiographique de la hanche se présente de la façon suivante : l'arc formé par le bord supérieur du trou obturateur se continue exactement avec le bord in- lérieur du col anatomique du fémur. Toute modification à l'ensemble formé par ces deux courbes traduit une anomalie. Dans l'observation de Duong-dinh-Phu, il n'y a pas d'altération osseuse, mais il saute aux yeux que cette arcade est brisée à l'union de la tête fémorale avec le cotvle. Cette disposition offre l'aspect d'une subluxation en bas de la tête fémorale. L'examen des hanches de Hoang-niiu-Tuoc dont les 4e et 5e lombaires projettent au dehors des saillies en becs de perroquet montre la même dis¬ position, toujours sans altération osseuse. Condensation des corps vertébraux chez Nguyên-van-Duong dont le disque intervertébral séparant L5 de L4 a disparu, osléophytes en formation allant de L4 vers L3, subluxation en bas des deux hanches. Nous pourrions citer encore plusieurs autres exemples du même genre si nous ne craignons d'être fastidieux. Mieux vaut peut-être essayer d'expliquer les anomalies que nous avons relevées plus haut. Chez notre premier malade, c'était un tableau clinique de coxalgie qui pré¬ dominait et l'exploration des hanches et de la colonne lombaire nous a révélé un processus anormal au niveau des L4 et L5 en temps qu'une subluxation de la hanche sans trace d'ostéite. Chez les autres malades, des troubles nerveux ont attiré l'attention vers la colonne lombo-sacrée qui présentait des lésions diverses suivant le sujet, avec coexistence de subluxation d'une ou des hanches toujours sans lésions des os. Il semble qu'il ne s'agisse pas là d'une simple coïncidence. Les spondylites de nature diverse ont entraîné des symptômes nerveux. Parmi ceux-ci nous pensons qu'il y a eu lésion de nerfs qui innervent les muscles pelvi-trochanté- riens, entraînant ainsi une diminution plus ou moins accusée de la tonicité de ces muscles. Ces derniers seraient alors devenus incapables de maintenir dans leur position normale les surfaces articulaires de la hanche, d'où la subluxation en bas, constatée à la radiographie. La documentation restreinte que nous possédons ne nous a pas permis de trouver de publication antérieure signalant la répercussion sur les hanches des lésions de la colonne lombaire. — 64 — En tous cas, il nous a paru utile d'attirer l'attention des médecins de l'Indochine sur des faits qui ne semblent pas rares dans la colonie puisque depuis à peine deux mois que notre attention a été attirée là-dessus, nous avons pu en recueillir plus de sept observations. Conclusions. Les lombo-sciatalgies avec symptômes pseudo-pottiques ou pseudo cexalgi- ques sont souvent consécutives à des lésions osteo-articulaires des 3 dernières vertèbres lombaires, spondylites et peri-spondylites déterminant des signes de compressions nerveuses du plexus sacré. Dans ce cas, il est nécessaire de procéder systématiquement à une explora¬ tion radiologique de la colonne lombaire et des hanches. La constatation des lésions de lombarthrie doit entraîner la recherche des stigmates spécifiques et l'étude des réactions sanguines. Le traitement spécifique améliore fréquemment ces malades si les lésions osseuses ne sont pas irrémédiablement constituées. En cas d'échec, la laminectomie et la libération chirurgicale des racines s'imposerait logiquement. A PROPOS DE L'ÉTIOLOGIE DES LOMBARTHRIES Par DAKÏIGUENAVE (1) A la réunion de la Société Médico-Chirurgicale de l'Indochine de juillet 1925, nous avons communiqué, avec radiographies à l'appui, plusieurs cas de spondylites lombaires, en traitement dans le service du Dr de Raymond ; presqu'en même temps M. Etienne Sorrel d'une part, MM. Duguet et Gla- velin d'autre part, publiaient dans les « Bulletins et Mémoires de la Société nationale de Chirurgie » (11 juillet 1925), des observations analogues qui sem¬ blent se rattacher à la tuberculose. Leurs malades, en effet, présentaient avec des images radiographiques semblables à celles que nous avons publiées ici, des abcès froids, des ostéoarthrites du poignet et du coude, des tuberculoses pulmonaires ouvertes. Dans les mêmes Bulletins et Mémoires de la Société nationale de Chirurgie du 18 juillet. 1925, M. Mauclaire rappelant les communications de MM. Duguet et Serrel, puis celles de M. Heymann à la Société de Radiologie sur les exos- toses des corps vertébraux dans des cas die mal de Pott, déclare « que ces fait sont intéressants, mais assez rares. Plus fréquentes sont les exostoses ' vertébrales dans les cas de rhumatisme rachidien chronique ». C'est également l'opinion de Léri qui a étudié particulièrement ces affec¬ tions. Ajoutons qu'aucun de ces auteurs ne fait allusion aux répercussions de ces lésions sur les hanches décrites par nous au mois de juillet, ni à leur origine syphilitique que nous considérions comme la seule plausible chez nos malades. Aujourd'hui, nous présentons deux nouvelles observations que nous croyons intéressantes à plusieurs titres, d'abord parce qu'elles prouvent en premier lieu, ainsi que nous l'annoncions, que cette affection n'est, pas rare en Indo¬ chine, ensuite parce qu'on y retrouve la subluxation en bas des hanches, enfin parce que Pédologie spécifique nous paraît confirmée par la coexistence de lésions viscérales non douteuses. En outre, alors que chez ces malades, on n'a pas pu déceler de signes de tuberculose, ni de rhumatisme, les recherches de laboratoire sont toutes en faveur d'une syphilis. La première de ces malades Nguyên-thi-Ton, 60 ans, atteinte de troubles gastriques graves, nous est envoyée pour examen radiologique de l'estomac. Pet organe présente de la ptôse, une érosion de la paroi au niveau du bord gauche du cardia, et de la striation longitudinale de la région du cardia Cette striation est considérée par la plupart des radiologues comme un signe de syphilis. Sur le même cliché on aperçoit nettement une néoformation os¬ seuse réunissant L3 à L4, de forme arrondie et très accusée. La synostose est complète. Stigmates de s y ph i 1 i s - À v ans, exerçant la profession de coolie, entrait le 27 décembre l;9()(i dans notre service à l'Hôpital Indigène du Protec¬ torat pour des douleurs vives siégeant au niveau des articulations des genoux al du poignet droit. Dans les antécédents héréditaires de la malade on ne trouve aucune par¬ ticularité à signaler. Comme antécédents morbides personnels citons une variole bénigne à l'âge de 5 ans et n'ayant laissé que peu de cicatrices. Hoàng-tlii-N... n'est pas encore réglée, elle n'est pas mariée. L'affection qui a amené la malade à l'hôpital remonte à un mois environ ; à cette époque elle fut prise de lièvre et de douleurs vagues dans toutes les arti¬ culations ; au bout de quelques jours ces douleurs se, localisèrent aux deux genoux et au poignet droit ; ces articulations étaient gonflées, rouges, tout mouvement en était impossible. Une légère amélioration se manifesta dans la suite, mais devant la persistance des douleurs la malade se décida à entrer à 1 hôpital. A ce moment l'examen fournit les renseignements suivants : Les articulations précédemment atteintes sonl légèrement gonflées, mais il n'y a pas de rougeur, des mouvements légers sont possibles, mais dès qu'ils augmentent un peu d'amplitude ils deviennent très douloureux. Il existe une vive irritation vulvo-vaginale, se traduisant par de la rougeur de la vulve, un écoulement vaginal purulent. Il existe un peu de douleur à la miction. Cet écoulement daterait d'un mois environ. La malade nie tout coït ou toute tentative de coït ; l'orifice de l'hymen laisse passer facilement le pouce. L'ori¬ fice de l'urèthre laisse sourdre du pus à la pression. Tous les autres organes sont normaux. En présence de ces accidents le dia¬ gnostic de pseudo-rhumatisme blennorrhagique est portée ; diagnostic qui fut confirmé par l'examen bactériologique du pus vaginal dans lequel furent trouvés des gonocoques. Le traitement suivant est alors institué ; lavages et injections au perman¬ ganate de potasse à 1/4.000, 6 capsules de santal ; salycilate de soude 2 grammes. Dans la nuit du 30 au 31 décembre, la malade est prise assez, brusquement d une douleur au niveau du larynx, s'accompagnant d'une légère dyspnée, et d'une gêne dans la déglutation de la salive. (1) Publié dans le Bulletin médical de l'Indochine française, 2e année, 1907. m 9. I — 89 — A. la visite du matin la douleur s'est, accentuée, la salive s'écoule de la bouche, la dyspnée est considérable, il existe du tirage sus et sous-sternail, on note de la dysphonie.. La température qui était normale les jours précédents s'est élevée à 38°5. L'examen de la gorge ne révèle aucune particularité, il n'existe pas de rougeur, pas d'exsudat. ni sur les amygdales, ni sur les piliers, ni sur la paroi postérieure du pharynx ; malgré cela un prélèvement de muco¬ sités est tait. Dans ces conditions le diagnostic est hésitant entre une laryngite aiguë in¬ fectieuse, un œdème de la glotte albuminurique, une arthrite crico-aryténoï- dienne. Un examen de l'urine permet d'éliminer séance tenante l'hypothèse d'un œdème de la glotte cl'origine albuminurique. En présence des accidents menaçant à bref délai l'existence, l'examen la- ryngoscopique est différé el une trachéotomie immédiatement pratiquée. Le soir, la malade se trouvant bien, son larynx est examiné, et l'on constate que la muqueuse recouvrant les aryténoïdes est considérablement gonflée, ainsi que la région interaryténoïdienne, mais les bandes ventriculaires sont normales sauf à leur partie postérieure où existe un léger œdème. La région sous-glottique est indemne. Notre conviction est qu'il s'agit d'une arthrite cricoaryténoïdienne blennorrhagique. Le 1er janvier. — La température cpii. la veille au soir, était tombée à .18° esl. le matin à 38°2 et le soir à 38"5 ; l'état général est bon. mais la malade a encore de la dysphagie. Le 2 janvier. — Temp. : 39° le matin, 39°5, le soir, il existe de la dyspnée, une légère inatité au niveau de la hase du poumon droit ; des mucosités abondantes sont expulsées par la canule. Traitement : ventouses sèches ; bichlorhydrate de quinine 0 gr. 25 quatre fois par jour ; potion calmante. Suppression du salicylate de soude. Le 3 janvier. — Etat stationnaire. Le '/ janvier. — Légère amélioration. Température : matin 38°4, le soir 38°9. La malade expectore des crachats muco-purulents abondants. Le a janvier. — L'amélioration continue. Température matin .'58°, le soir OQO O oc o. Le G janvier. — La dyspnée a disparu ; il existe à peine une légère submatité à la base droite. Température : le matin 37*2. En présence de cette amélioration la canule esl enlevée. Le soir, la température esl de 37°3. Le 7 et, le S janvier. — L'amélioration continue ; les douleurs articulaires ont disparu. Le 9 janvier. — .'Vu soir, légère élévation de température (38°) ; la toux qui avait beaucoup diminué a augmenté, la malade se plaint d'un léger point de coté à droite. Le 10 janvier. — La température le matin atteint 40", il existe manifeste¬ ment une nouvelle poussée de broncho-pneumonie à droite. Cette broncho-pneumonie évolue assez rapidement vers la guérison et la malade sort complètement rétablie le 20 janvier. Entre temps l'examen bactériologique des mucosités prélevées n'avait, dé¬ montré que la présence de saprophytes banaux. — 90 — Cette observation nous a paru intéressante à rapporter à plus d'un titre. Tout d'abord la rareté de cette complication de la blennorrhagie qui a été signalée surtout par Liebermann et Birket, ensuite la gravité que présenta cette aithrite crico-aryténoïdienne qui nécessita la trachéotomie ; en effet, d'après les auteurs, cette complication laryngée de la blennorrhagie disparaît au bout cle quelques jours sans occasionner d'accidents graves. Or dans le cas dont nous venons de rapporter l'observation, la trachéotomie fut pratiquée au mo¬ ment où l'asphyxie allait entraîner la mort. Notre malade a présenté des complications broncho-pulmonaires imputables à la trachéotomie ; elles auraient pu être évitées si au lieu de cette opération nous avions eu recours au tubage du larynx. Si nous n'avons pas pratiqué d'in¬ tubation c'est tout d'abord le manque de tubes, mais aurions-nous eu cette instrumentation nous aurions peut-être hésité à nous en servir à cause de l'absence d'aides expérimentés pour surveiller notre malade. Nous avons porté le diagnostic d'arthrite cicro-aryténoïdienne en nous basant sur : la coexistence d'un écoulement blennorrhagique compliqué de manifes¬ tations articulaires ; sur l'aspect du larynx examiné au laryngoscope ; sur l'absence de toute inflammation de l'arrière-bouche. Seule une laryngite aiguë œdémateuse aurait pu donner les symptômes cli¬ niques observés, or dans le cas que nous avons observé, la brusquerie du début, l'absence d'inflammation au niveau des cordes vocales sauf à leur partie postérieure, l'absence d'inflammation de l'arrière-bouche, nous ont fait éli¬ miner cette affection. B — THORAX — SEIN VOLUMINEUX FIBRO-LIPOME PÉDICULE de la peau du thorax. Par le D1' LE ROY DES BARRES (1) Le malade dont nous reproduisons les photographies entrait dans notre ser¬ vice le 15 avril 1906 ; âgé de 42 ans, il était porteur d'une volumineuse tumeur pédiculée siégeant sur la partie latérale droite du thorax. Le pédicule qui reliait cette tumeur au thorax était aplati, à direction parallèle au plan sagital, large de cinq travers de doigt et épais de deux. La tumeur de consistance dure, lobulée par places, présentait à sa surface quelques dilatations veineuses ; à sa surface du pédicule on notait de nombreuses veines dont quelques-unes grosses comme le petit doigt. La partie inférieure et interne de la tumeur était ulcérée ; cette ulcérai ion datait d'un mois environ, et présentait tous les carac¬ tères d'une ulcération banale non spécifique. Aux dires du malade cette tumeur remontait à une vingtaine d'années ; elle aurait débuté par une légère saillie située sous la peau du thorax, sur la ligne axillaire droite, à un travers de main environ du sommet de l'aisselle ; cette saillie aurait augmenté peu à peu, et la tumeur se serait pédiculisée vers l'âge de 27 ans ; depuis son apparition elle n'a pas cessé de s'accroître, et actuellement elle a atteint le volume et l'aspect d'un fort jambon, et gêne le malade qui est cultivateur, dans ses travaux. La tumeur fut enlevée le 18 et sept jours plus tard le malade quittait l'hôpital complètement guéri. Le polype ainsi enlevé pesait 13 livres ; sa structure était celle d'un lipome fibreux, avec par place un système vasculaire veineux très développé. Le pé¬ dicule renfermait deux artères grosses comme une radiale ; on y rencontrait de plus six veines grosses comme le petit doigt. (1) Publié dans le Bullelin médical de l'Indochine française, 2e année, 1907, n» 11. EPITHELIOMA CUTANE DEVELOPPE SUR UNE PLAIE provenant de l'incision d'une mammite chronique. Par DEGORGE (1) (Examen histologique par M. Bablet). Je vous présente une femme âgée de 36 ans entrée une première fois à 1 Hôpital Indigène le I mars 1926 pour mammite chronique. Le 8 mars, une opération avait été pratiquée.. Une grande partie de la glande mammaire droite atteinte de mammite fut exliipée. La glande enlevée formait une masse in¬ durée qui, par la pression, laisse suinter du pus par de nombreux orifices. La malade quitta l'Hôpital sans attendre que sa plaie soil cicatrisée. Chez elle, elle appliqua sur cette plaie ides cataplasmes de feuilles. Elle revint à l'hôpital le 15 juin dernier présentant un niveau de l'ancienne incision une plaie bourgeonnante, infiltrée, d'aspect cancéreux, entourée d'un réseau vasculaire cutané noirâtre qui monte jusqu'à la clavicule et s'étend vers la partie latérale gauche du thorax. Des ganglions indurés s'observent dans l'aisselle. L'examen histologique pratiqué par M. Bablet montra sur les pièces enle¬ vées en mars 1926 des lésions inflammatoires et sur une pièce enlevée au niveau de la plaie actuelle un épithélioma cutané spino-cellulaire. Nous nous trouvons donc en présence d'un épithélioma développé au niveau d'une plaie infectée. Bien que des faits semblables soient bien connus, il est intéressant d'assister à cette évolution d'une lésion enflammée vers l'épilbélio- r»a. Voici la note qui m'a été remise par M. Babi.et sur l'examen des pièces provenant de cette malade. Tumeur du sein. Examen histopathologique. — La pièce recueillie- après la première opéra¬ tion montre des lésions inflammatoires très nettes, infiltration considérable de leucocytes poly et mononuclées dans les espaces interglandulaires et parfois dans la cavité des glandes et des canaux galactophores. Hyperplasie de nom¬ breux acinus ne paraissant pas dépasser le stade adénomateux. Stroma con- jonctif très abondant. La biopsie de la tumeur actuelle relève une structure toute différente. Les cellules profondes de l'épiderme s'enfoncent dans les tissus sous-jacents en larges travées et dissocient les éléments glandulaires. "Dans ces boyaux néo- piasiques, on remarque de nombreuses mitoses, des cellules monstrueuses : les filaments d'union sont, visibles en de nombreux points on note également quelques ébauches de globes cornés ; une infiltration abondante de polynu¬ cléaires se glisse dans les interstices cellulaires et dans le stroma conjonctif assez riche en fibres collagèries. Le diagnostic d'épithélioma spino-cellulaire n'est pas douteux. L'infection primitive des canaux galactophores et de la glande mammaire a certainement favorisé dans une large mesure la cancéri- sation de la peau survenue quelques mois plus tard, (1) Publié dans le Bulletin de lu Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1926, page 288. C. — ESTOMAC, INTESTIN, MÉSENTÈRE KYSTE SEREUX DE L'ARRIERE-CAVITE DES EPIPLOONS Extirpation partielle de sa paroi. Guérison. Par A. DEGORGE (1) La nommée Hoàng-lhi-Luu, âgée de 32 ans, originaire de la province de Ha-nani, entre à l'Hôpital indigène de Hanoi le 13 juillet 1910, pour une tumeur abdominale. Les antécédents héréditaires ne présentent rien de particulier. La malade a ®u la variole dans l'enfance. Réglée à 19 ans, mariée à 22 ans, elle a l'ait un accouchement, il y a quatre mois. L'enfant est mort de diarrhée trois mois après la naissance. Elle n'a jamais été sérieusement malade. Peut- être a-t-elle à diverses reprises des accès palustres. On ne note pas de trau¬ matisme dans les antécédents. Ce n'est qu'après l'accouchement que la malade s'est aperçue que son '.entre était plus gros qu'il n'aurait dû l'être. Pendant ces quatre derniers mois, le ventre a progressivement grossi. Les symptômes fonctionnels étaient : une sensation de pesantetur dans le ventre, quelques coliques, des douleurs sourdes dans l'hvpochondre droit et un peu de gêne de la respiration. L'étal général est assez satisfaisant. Mais la malade a peu d'appétit et est un peu maigre. L'examen montre une tumeur arrondie, régulière, faisant saillie dans les régions épigastrique et ombilicale. Elle est surtout apparente dans la station debout. L'ombilic est déplissé. La région sous-ombilicale présente des vergetures. Des veines bleuâtres, un peu dilatées, s'observent sur les parties latérales de l'abdomen. la circonférence du ventre, en son point le pins saillant, mesure 0 m. 89 centimètres. 11 faut noter que la malade est petite et de constitution plutôt grêle. A la palpa lion, on constate que la tumeur est bien délimitée en bas, tandis qu'en haut, elle s'enfonce sous le rebord du thorax sans qu'on puisse définir ses limites. En bas, elle descend à trois travers de doigts au-dessous de l'ombilic. Du côté droit, elle ne dépasse pas une ligne verticale qui passerait par le mamelon. Du côté gauche, elle s'étend plus en dehors, et occupe le flanc gauche, sans d'ailleurs y faire saillie. La tumeur est fluctuante, mais donne la sensation d'une poche très tendue. Dans la région ombilicale la palpation produit parfois des bruits de gar¬ gouillements. La palpation est indolore, sauf à la partie inférieure de la tumeur. On ne peut imprimer de déplacements étendus à la tumeur, mais seule¬ ment. de droite à gauche ou de gauche à droite. (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, ,aij.: née 1911, page 69. — 94 — La percussion dénote de la niatité dans les parties centrales et latérales. L.n haut, il existe une petite zone très peu sonore entre le foie et la tumeur, l'n bas, il existe une autre zone également 1res peu sonore sur la région ombilicale. Le flanc droit est sonore. Le flanc gauche est mat sauf à sa partie inférieure. Le toucher vaginal montre que le petit bassin est libre. L'utérus et les annexes 11e présentent rien d'anormal. La formule leucocytaire établie par M. Seguin est la suivante : Mononucléaires (grands e!t moyens) 27 % Lymphocytes 7 % Polynucléaires 63 % Eosinophiles 3 % L'absence d'éosinophilie élimine l'idée d'un kyste hydatique. Opération le 24 juillet 1910. — Chloroforme. Désinfection à la teinture d iode. Incision médiane sus et sous-ombilicale. Après ouverture du ventre, je trouve deux organes aplatis, étalés, tendus au devant de la tumeur et faisant corps avec sa paroi, L'un situé en haut esi l'estomac, l'autre situé en bas est le colon transverse. La tumeur est, en outre, recouverte d'épiploon adhérent. Après section des adhérences épiploïques, j'explore la tumeur. Elle forme une masse kystique, arrondie, régulière, adhérente à la paroi postérieure de l'abdomen par un large pédicule. On passe aisément la main en haut entre le foie et la tumeur, en bas entre la tumeur et la racine du mésentère, à gauche entre la tumeur et la rate en haut, puis plus bas entre la tumeur et la paroi abdominale, à droite entre la tumeur et la paroi abdominale. On sent les deux reins situés à leur place, nettement en dehors de la tumeur dont le pédicule est médian. Le jejuno-iléon tout entier est tassé dans la partie inférieure de l'abdomen vide et très réduit de volume. Après protection du champ opératoire, une ponction est pratiquée à la face antérieure du kyste, entre l'estomac et le colon. Cette ponction donne issue à quatre litres de liquide citrin. Au niveau de la racine du mésentère, 011 observe un petit nodule, gros comme une noisette qui paraît être un ganglion. La paroi du kyste a une épaisseur variable suivant les points. Elle a au niveau de sa paroi antérieure une épaisseur de cinq à dix millimètres. Elle est lisse, gris bleuâtre à l'extérieur, d'aspect lavé à l'intérieur. J'agrandis l'orifice de la ponction et j'introduis la main dans le kyste pour explorer sa cavité et reconnaître ses connexions. La cavité est lisse, à parois souples. Ma main remonte en haut jusqu'au niveau de la face inférieure du foie, derrière la face postérieure de l'estomac et l'épiploon gastro-hépatique ; latéralement elle va jusqu'à la limite gauche de la grosse tubérosit.é de l'estomac, et à droite jusqu'au duodénum. En bas, sa paroi se confond avec le mésocolon transverse. Le kyste occupe, en somme, toute l'arrière-cavité des épiploons. Le pancréas ne présente rien d'anormal à la palpation. Je me propose d'essayer d'enlever, au moins partiellement, le feuillet in¬ terne de la paroi kyste. Dans ce but, je décolle sa paroi au niveau de l'inci¬ sion, Je trouve facilement un plan de clivage et le décollement se fait tout d'abord très facilement. Je le poursuis d'abord du côté de l'estomac. Mais — 95 — je dois y renoncer car le feuillet interne de la paroi du kyste adhère intime¬ ment à la face postérieure de l'estomac. Je détermine une petite déchirure d'un centimètre que je referme aussitôt en deux plans à la soie. J'essaie alors de poursuivre le décollement du côté du colon transverse. Je sépare aisément la paroi kystique du colon et d'une partie du mésocolon, la fusion devient intime. La portion de mésocolon déjà séparée du kyste et amincie, de couleur terne, éraillée par places et même déchirée en un point. La nutrition m'en paraît compromise, et pour éviter le sphacèle de l'intestin, je réséqué le colon transverse sur une étendue de vingt-cinq centimètres. Je suture ensuite les deux segments bout à bout à la soie fine et je place quel¬ ques points de catgut pour réunir la mésocolon de la portion d'intestin con¬ servée. Je réséqué la portion de la paroi du kyste que j'ai pu décoller et je laisse la cavité kystique largement ouverte. Comme cette cavité suinte un peu dans les régions décollées, j'y place une mèche et un drain. Suture de la paroi en trois plans. Il y eut un fort suintement de sérosité par le drain pendant les jours qui suivirent l'opération. Cette sérosité se transforma en liquide purulent au bout de quelques jours. Je fus obligé de laisser le drain pendant une quinzaine de jours et après son ablation, il resta une petite fistule qui se ferma à la suite de l'élimination d'un catgut, un mois et demi après l'opération. Malgré cette complication, la malade se rétablit parfaitement. Elle 11e pré¬ senta aucun trouble fonctionnel. Ile vue le 11 décembre 1910, elle étaiL en bon état de santé. La cicatrice était solide. La palpation de l'abdomen ne dénotait rien d'anormal. J'ai rapporté cette observation à cause de la rareté des kystes de celte région. La dénomination de kyste de l'arrière-cavité des épiploons est évidemment très critiquable. Il est possible, que le kyste se soit développé aux dépens d'un organe en rapport avec l'arrière-cavité des épiploons, ait refoulé le péritoine qui tapisse cette poche, puis ait déterminé la fusion des feuillets péritonéaux qui limitent la cavité. On pourrait songer par exemple à un kyste volumineux du pancréas. Mais, d'une part, j'ai examiné avec soin tous les organes abdominaux de la région, le pancréas en particulier, et n'y ait rien trouvé d'anormal, d'autre part, il n'est guère admissible qu'un kyste d'un organe voisin se soit moulé exactement sur les parois d'une poche aussi vaste et aussi anfractueuse que I arrière-cavité des épiploons. Il s'agit donc plutôt d'un pseudo-kvste, d'une ascite localisée de l'arrière- cavité des épiploons due peut-être à des lésions tuberculeuses inappréciables rnacroscopiquement. Les pseudo-kystes de l'arrière-cavité des épiploons ont été étudiés par Auvray au dernier congrès de chirurgie (Paris, octobre 1910). Cet auteur en réunit 39 observations suivies d'intervention et apporte un cas personnel consécutif à un traumatisme. ViLLAR, dans la même séance, rapporte un cas semblable observé chez un jeune homme qui avait subi un traumatisme de l'abdomen. La pathogénie de ces pseudo-kvstes reste assez obscure. Leur traitement de choix est la marsupialisation. Chez ma malade, j'ai tenté l'ablation de la poche parce qu'elle m'avait paru d'abord réalisable. Mais cette paroi, épaisse et facile à dédoubler en avant, donnant l'impression d'un vrai kyste, était constituée dans le reste de l'étendue de la poche par le péritoine. Il eut été préférable de faire simplement la marsupialisation. KYSTE DU MESENTERE. Ablation; déchirure et suture de la veine cave inférieure; guérison. Par le LP LE ItUY DES BARRES (1) Le nommé Nguyên-van-Tu, âgé de 50 ans, domicilié à Hung-yên, entrait le 27 juin 1906 à l'Hôpital du Protectorat, dans notre service. Ce malade exerce la profession de cultivateur, el ce n'est que depuis Dois mois seulement par suite de l'affection pour laquelle il entre à l'Hôpital qu'il a dû cesser tout travail. Rien de particulier dans ses antécédents héréditaires. Le malade est un paludéen chronique et a eu la variole en bas âge. Il n'a jamais subi de trau¬ matisme de l'abdomen. Il y a trois ans, Nguyên-van-Tu s'aperçut de l'existence au niveau du flanc droit d'une tumeur profonde du volume d'un gros œuf. indolente à la pres¬ sion et jouissant d'une certaine mobilité. Cette tumeur depuis cette époque n'a cessé d'augmenter de volume, niais elle n'a dépassé la ligne médiane que depuis quelques mois, lorsque son volume était déjà considérable. Malgré l'accroissement de cette tumeur l'étal général est toujours resté bon ; si ce n'était la gêne occasionnée par son volume, Nguyên-van-Tu aurait continué son travail, L'examen du malade fournil les renseignements suivants : Le ventre volumineux a la l'orme d'un ovoïde, il a le développement du ventie d'une femme arrivée au 9e mois de sa grossesse. Son volume est d'au tant plus frappant que le reste du corps est assez fortement amaigri. En examinant plus attentivement l'abdomen, on constate que la tumeur atteint son maximum de circonférence au niveau de l'ombilic ; ce dernier est déplissé, mais n'est pas le siège d'une hernie. La paroi abdominale présente une circulation collatérale Ires accusée. La tumeur siège surtout à droite de la ligne médiane, La palpation permet de constater l'existence d'une tumeur■ rénitente siluée surtout à droite, mais dépassent la ligne médiane d'un travers de main. Celte tumeur remonte jusqu'au rebord de la cage thoracique et n'atteint pas le pubis en bas, dont elle est séparée par une distance de quatre à cinq travers de doigt, lorsque le malade est couché sur le dos. La tumeur est parfaitement sentie dans la région lombaire droite, et des mouvements imprimés à la paroi abdominale postérieure en cette région se répercutent à la main qui explore la face antérieure de la tumeur. Celle-ci est mobile, en ce sens qu'elle suit les déplacements du corps ; s'inclinant à gauche dans le décubitus latéral gauche, descendant un peu dans la station debout ; mais malgré tout la tumeur conserve une situation prédominante à droite. (1) Publié dans le Bulletin médical de l'Indochine française, lro année, 1906, page 109. — 97 — La percussion permet de constater l'existence d'une zone sonore entre la niatité hépatique ; une zone sonore sépare également la tumeur du pubis. La percussion légère de la paroi abdominale au niveau de la tumeur n'a jamais permis de percevoir de la sonorité ; sur toute son étendue la tumeur est mate. L'examen de tous les organes ne révèle aucune particularité saut une constipation assez accentuée (une selle tous les trois jours en moyenne). Jamais le malade n'a présenté de phénomènes douloureux, jamais, sauf la constipation, il n'a présenté de troubles digestifs. En présence de ces symptômes, le diagnostic était hésitant entre une hv- dronéphrose, une tumeur kystique du rein ou pararénale et un kyste du mésentère ; cette hésitation était d'autant plus permise que la tumeui „vait un siège lombo-abdominal et qu il n'existait pas de sonorité à la percussion légère, sonorité qui serait due à des anses intestinales mobiles se déplaçant facilement. En tout cas, la laparotomie s'imposait ; elle fut pratiquée le 3 juillet avec l'assistance du docteur Lafaurie. L'anesthésie faite au chloroforme après trois injections de scopolamine- niorphine ne donna lieu à aucun accident. La paroi abdominale ouverte, on constate l'existence d un kyste inclus dans l'épaisseur du mésentère. Une ponction évacuatrice permet de vider partiellement le kyste, afin d'en faci¬ liter l'ablation. La décortication de la tumeur se fait assez facilement en avant et sur les côtés, mais en arrière, la paroi kystique très adhérente se trouve rompue à un moment donné, une pince à kyste ferme l'ouverture. En achevant la décortication lors d'un mouvement de bascule de la tumeur, un flot de sang noir inonde le champ opératoire. Une compresse est. immédiate¬ ment appliquée sur la source de l'hémorragie qui s'arrête ainsi par compres¬ sion forte, et l'extirpation de la poche est rapidement terminée. T1 est alors facile de constater que la veine cave inférieure est le siège d'une déchirure longitudinale longue de un travers de doigt et demi environ, et située à un travers de doigt au-dessous de l'embouchure des veines rénales. La veine étant pincée entre les doigts, trois pinces hémostatiques sont placées côte à côte sur la déchirure et arrêtent l'hémorragie. Un catgut n° 1 est alors placé autour des trois pinces et permet, de pratiquer une suture latérale. Cette suture est renforcée par un surjet au catgut 00 prenant le tissu cellulaire avoisinant et la tunique externe de la veine. L'opération -est terminée par une péritonisation des surfaces cruentées. Ueux drains sont placés : l'un dans la poche résultant de l'ablation du kyste après suture du péritoine, l'autre dans le cul-de-sac vésico-rectal. Les suites opératoires furent des plus simples, le pansement fut changé le quatrième jour, et le drain de la poche supprimé ; le drain du cul-de-sac vésico-rectal fut remplacé par un drain moins volumineux qui fut supprimé deux jours après, en même temps que l'ablation des sutures cutanées était pratiquée. Le 13 juillet, la plaie était entièrement cicatrisée, et le malade quittait l'hôpital complètement guéri le 25 juillet. Examen macroscopique de la pièce. — La poche unique a une capacité de 10 litres et demi, sa paroi a une épaisseur de trois millimètres en moyenne. La face externe est sillonnée de gros vaisseaux. La face interne est assez irrégulière, et présente par place des tractus vasculaires plus ou moins flottants dans la cavité kystique ; mais qui ne délimitent pas de compartiments. Le liquide contenu dans la poche était brunâtre, visqueux, coagule spon tanément au contact de l'air. — 98 — Examen histologique. — La paroi kystique peut être divisée en trois rou¬ elles. Une couche interne endothéliale formée par des cellules à bords fine¬ ment; dentelées; une couche moyenne formée d'un tissu conjonctil: fibreux à fibrilles très serrées, renfermant par place des cellules conjonctives qui de¬ viennent. plus abondantes vers la périphérie ; quelques capillaires rampent dans cette couche. Quant à la couche externe dont la transition avec la cou¬ che moyenne se fait d'une manière insensible, elle est constituée également par du tissu conjonctif fibreux, mais les fibrilles sont moins serrées, les cellules conjonctives plus abondantes disposées en traînées ; les vaisseaux artériels et veineux y sont assez nombreux. Notons de plus dans cette couche, la présence de fibres musculaires lisses, dont l'abondance varie avec les coupes examinées. Le liquide renfermé dans la poche contient une grande quantité d'hématies plus ou moins dégénérées, des leucocytes polynucléaires, des leucocytes éosi- nophiles, des cellules endothéliales en grand nombre, des cristaux de cho- lestérine, des gouttelettes graisseuses. Quelle est l'origine du kyste dans ce cas particulier ? Nous pouvons éliminer d'emblée l'idée de kyste hydatique, de kyste hémorragique d'origine trauma- tique, d'hématome du mésentère, de kyste pancréatique. S'agit-il d'un kyste développé aux dépens de rudiments embryonnaires (corps de Wolf par exemple, ou d'un kyste d'origine lymphatique (gan¬ glionnaire ou vasculaire). Les kystes d'origine lymphatique vasculaire seraient à contenu chyleux, mais à la longue ce contenu pourrait se transformer et devenir séreux, les kystes ganglionnaires seraient plutôt séreux. Dans le cas qui nous intéresse, le contenu n'avait nullement l'aspect chyleux. Les kystes ganglionnaires auraient line constitution histologique spéciale ; (tissu réticulé et follicules clos dans leur paroi. Dans les coupes de la pièce que nous avons examinée nous n'avons rien trouvé de semblable. Leste l'hy¬ pothèse d'une tumeur d'origine embryonnaire ; en faveur dei cette dernière nous avions les signes cliniques suivants : développement lombo-dorsal, siège dans la partie droite de l'abdomen, adhérences à la veine cave inférieure. C'est donc à cette dernière variété de kyste que nous serions disposé à rattacher la tumeur que nous avons opérée, en indiquant bien que ce n'est là qu'une hypothèse reposant sur les signes dont la valeur est loin d'être constante. En ce qui concerne la suture latérale faite à la veine cave inférieure, nous avons estimé que puisqu'elle était impossible nous devions la préférer à une ligature totale. Cette ligature totale portant au-dessous du pédicule rénal n'aurait probablement pas entraîné de complications, ainsi que le prouvent les résultats expérimentaux et les faits cliniques. PERFORATION DYSENTÉRIQUE DU COLON ilio-pelvien avec issue d'un long fourreau du muqueuse intestinale sphacélée dans la cavité péritonéale. Par A. DEGORCE (1) Je vous présente un lambeau annulaire de muqueuse intestinale sphacélée long de trente-cinq centimètres que j'ai trouvé dans le cul-de-sac de Douglas d'un opéré au cours d'une laparatomie pour perforation intestinale. D'autres débris de muqueuse intestinale plus altérés et moins longs se trouvaient à côté du lambeau que je vous apporte el un autre manchon muqueux de colo¬ ration jaunâtre faisait issue à travers la perforation au moment de l'opération. Les symptômes de péritonite chez ce malade soigné d'abord dans le service de médecine du Docteur Poumoni pour dysenterie aiguë, avaient d'abord été assez obscurs et le diagnostic avait été un peu hésitant au début ? Cette diffi¬ culté et le refus du malade de se laisser opérer avaient fait différer l'inter¬ vention qui a été suivie de mort dans la journée même où elle a été pratiquée. Peut-être, peut-on attribuer le manque de netteté des signes de péritonite au début, au fait que ce volumineux lambeau de muqueuse a bouché pendant un certain temps la perforation. D'ailleurs, la cavité péritonéale ne contenait aucune matière provenant de l'intestin, en dehors de ces lambeaux muqueux. Observation Le nommé Dun, batelier, âgé de 38 ans, était atteint de dysenterie aiguë depuis quinze jours ; quand il entra à l'hôpital, le 16 novembre 1927, il fut soigné pour dysenterie dans le service de M. Polidori. Des examens de laboratoire révélèrent la présence d'œufs d'ascaris dans les selles, mais aucun autre parasite. Une hémocul¬ ture fut négative. Le sérodiagnostic lyphique et paratypliique fut également négatif. Le 18 novembre, M. le Dr Polidori, pensant (pie le malade présentait de la péri¬ tonite, le fit passer dans mon service. Le ventre était ballonné, très douloureux à la pression, mais assez souple, sans contracture nette. La percussion dénotait du tympanisme. La matité hépatique était conservée. Le pouls était hien frappé, mais rapide, 152 par minute. Température 38°2. Le malade était très maigre. La langue était sèche, recouverte d'un enduit roussâtre. Les selles étaient nombreuses, liquides, jaunâtres. Pas de vomissements. Ce malade paraissant en bien mauvais état, j'étais peu tenté d'intervenir. D'ail¬ leurs, le diagnostic de péritonite ne me paraissait pas pouvoir être posé avec cer¬ titude. On le mit à la diète hydrique avec de la glace sur le ventre et on injecta du sérum artificiel. Température 38°5 le matin, 38° le soir. Le lendemain, le ventre était plus ballonné que la veille et il y avait une contrac¬ ture très nette des muscles de la région sous-ombilicale de l'abdomen (1) Publié dans le Bulletin de la Société Mfidico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1927, page 377. — 100 — Le diagnostic de péritonite s'imposait. .Te proposais une intervention qui ne fut pas acceptée. Pouls 120. Température 37°5 le matin, 38°7 le soir. Le 20 novembre, le ballonnement était encore plus marqué et la contracture était généralisée. Le matin, il y eut un vomissement. Le malade acceptait l'opération qui fut aussitôt pratiquée. Intervention : Incision médiane sous-ombilicale après infiltration de la paroi à ''allocaïne. Il sort du pus bouillon sale. Les anses intestinales sont grisâtres, agglu¬ tinées. On donne du chlorure d'éthyle, puis de l'éther. Agrandissement de l'inci¬ sion, recherche dans la fosse iliaque droite. On ne sent pas l'appendice. Une contre ouverture est pratiquée dans la fosse iliaque droite dans un but d'exploration : les lésions sont moins marquées que sur la ligne médiane, le caecum et l'appendice paraissent normaux. En plongeant le doigt dans le Douglas, on sépare les anses intestinales agglutinées qui le remplissent et on a la surprise de retirer un tube membraneux, molasse, grisâtre, long environ de 35 centimètres, ayant le calibre d'une anse intestinale et présentant à sa partie moyenne une perforation d'un centimètre environ de diamètre. Prolongeant vers le pubis l'incision médiane, on explore le petit bassin sous le contrôle de la vue. Un tube grisâtre, long d'une vingtaine de centimètres, plus altéré que le précédent, est encore retiré du petit bassin et l'on aperçoit sur la gauche, le colon ilio-pelvien présentant dans sa partie inférieure, située dans le petit bassin, une perforation irrégulière ayant environ 25 millimètres de diamètre. Par cette perforation sort un tube muqueux d'un blanc jaunâtre de consistance ferme qui présente une partie longue de 7 â 8 cm. issue hors de l'intestin. On tire sur ce tube qui vient sans résistance et, qui a en tout une longueur de 15 cm. environ. Suture de la perforation au catgut, essai d'enfouissement partiel, application d'un Mikuliez dans le Douglas, fermeture partielle de l'incision médiane, fermeture complète de l'incision latérale droite au El d'argent. Le péritoine enllammé a été préalablement nettoyé avec un tampon imbibé d'éther. Les tubes de muqueuse sphacélée qui ont été retirés, présentent tout à fait l'aspect des grands lambeaux de muqueuse sphacélée que l'on observe quelquefois chez les malades atteints de dysenterie, qui les éliminent par l'anus Ces tissus ont une odeur de gangrène caractéristique. Le malade meurt dans la soirée. L'auptosie est pratiquée le lendemain par M. Tung, médecin auxiliaire, qui me remet la note suivante : Autopsie pratiquée le 21 novembre 1927. A l'ouverture de l'abdomen, péritonite généralisée. Anses grêles dilatées. Colon transverse adhérent à l'estomac et à la pa¬ roi antérieure de l'abdomen. Colon descendant très friable et également, adhérent. Caecum et appendice normaux. Du colon descendant., immédiatement au-dessous de la perforation aveuglée le jour précédent, se trouve une autre perforation à bords irréguliers admettant facilement un doigt. On enlève tout le gros intestin et on le fend dans toute sa longueur. Au niveau du caecum et du colon ascendant, la muqueuse ne présente aucune ulcération mais elle a un aspect grisâtre et. est recouverte d'un enduit de même couleur. Au niveau du colon transverse, la muqueuse est complètement décollée et forme des tubes cylindriques analogues à ceux qu'on a retirés la veille au cours de l'opération. Du côté du colon descendant, toute la muqueuse a été décollée et éliminée. Cette partie du colon est particulièrement friable. Il existe en quelque sorte un sphacèle de toute la muqueuse du gros intestin et le processus de gangrène a gagné les autres tuniques du gros intestin dans toute l'étendue du colon descendant. Aucune particularité au niveau des autres organes. UN CAS D'APPENDICITE VERMINEUSË Par DEGORGE et PETRADLï (11 On a beaucoup parlé des appendicites causées par les vers, en particulier jtar les oxyures et les ascaris. 11 est probable que, contrairement à l'assertion de certains auteurs, ces appendicites sont extrêmement rares. Au Tonkin, où presque tous les Annamites et la plupart des enfants européens ont l'intestin parasité par des ascaris et souvent par des oxyures, on devrait rencontrer beaucoup d'appendicites si les vers jouaient un rôle important dans la produc¬ tion de cette maladie. Or, l'appendicite n'est certainement pas plus fréquente qu'ailleurs chez les Européens et elle est rare chez les Annamites. Il ne faut pas conclure qu'un appendice contenant par hasard un oxyure est malade du fait de la présence de cet oxyure. Il nous est arrivé de rencon¬ trer un oxyure dans un appendice sans que cet appendice ait présenté la moindre réaction aigiie. De même un ascaris peut probablement s'engager dans l'ap¬ pendice sans déterminer d'appendicite s'il n'y a pas distension de l'appendice par le parasite. Dans le cas d'appendicite que nous rapportons ici, le seul cas d'appendicite certainement causé par un ver que nous ayons observé après une longue pra¬ tique chirurgicale au Tonkin, un ascaris distendait manifestement l'appendice coecal dans lequel il était replié sur lui-même. Il nous a semblé que les lésions observées étaient surtout à l'origine d'ordre mécanique et causées par la com¬ pression exercée de dedans en dehors par le ver sur les parois de l'appendice, comme aussi par les troubles de nutrition dues à l'oblitération de l'organe par un ver volumineux. 11 est possible que les parasites adultes que l'on trouve dans les conduits étroits comme l'appendice et les voies biliaires s'introduisent dans les con¬ duits quand ils sont encore de faible volume. Ils grossissent ensuite sur place et causent alors des accidents dus à leur volume et à leurs mouvements. Il ne serait pas cependant exact de rapporter tous les accidents à une cause mécanique. Les vers peuvent, par leur présence, causer des accidents d'ordre septique et probablement d'ordre toxique. Quoiqu'il en soit, quand l'appendice a ses parois altérées, les accidents in¬ fectieux habituels apparaissent ; le péritoine est envahi par l'infection et l'appendicite évolue comme une appendicite ordinaire. Observation L'enfant Tran-v-B, âgé de 10 ans, entre à l'hôpital le 23 juillet dernier. 11 serait malade seulement depuis deux jours, souffrant de la moitié droite du ventre. Deux vomissements au début de la maladie. Le deuxième jour, un troisième (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an nées 1922-1923, page 214. Centre de Documentation sur l'Asie du Sud-Est et le Monde Indonésien EPHE VI® Section BIBLIOTHEQUE — 102 — vomissement aurait déterminé le rejet d'un ascaris par la bouche. Un vermifuge fut alors donné sans arrêter l 'évolution de la maladie. Nous voyons le malade au troisième jour. Les traits sont tirés, les yeux cernés. Les lèvres sont, sèches. La langue est sèche, rouge sur ses bords. L'enfant placé dans le décubitus dorsal fléchit légèrement la cuisse droite sur "le bassin. On peut cependant étendre le membre inférieur droit sans éprouver de résistance marquée. Le ventre est légèrement ballonné dans son ensemble. La palpation de l'abdomen montre que la partie gauche du ventre est souple et indolore. A droite, au contraire, on observe dans la fosse iliaque de la défense musculaire. La palpation est difficile à ce niveau cai la moindre pression réveille une douleui extrêmement vive. On a cependant une sensation nette de plénitude et de tension. La matité hépatique persiste. Pas de troubles urinaires. Respiration normale. Température 39°5. Pouls 140. Depuis l'entrée à l'Hôpital l'enfant a rendu un ascaris par la bouche Malgré la notion évidente du parasitisme intestinal, nous n'hésitons pas à porter le diagnostic d'appendicite en \oie de perforation ou perforée, nous basant surtout sur l'intensité particulière de la douleur à la pression, sur les résultats de la pal¬ pation de la fosse iliaque droite et sur l'accélération du pouls. Nous connaissons bien les pseudo-péritonites causées par les ascaris. Jamais dans ces cas les accidents locaux et généraux n'acquièrent l'intensité et la précision que nous observions chez notre malade. L'enfant fut donc opéré aussitôt. Anesthésie au chloroforme. Incision de Mac-Bur- ney. Le péritoine apparaît, verdâlre, infiltré. Une sérosité louche, roussâtre jaillit dès l'incision du péritoine. Le doigl introduit dans la plaie sent l'appendice entouré sur lui-même, turgescent, tendu mobile, mais difficile à saisir et à attirer en raison de son enroulement et de la résistance élastique qui s'oppose à son redressement. On ne peut le sortir entièrement du ventre qu'après avoir pincé et sectionné le méso près de la base de l'appendice. Cet appendice a le volume du petit doigt et sa longueur est de cent, tenrlu mobile, mais difficile à saisis et à attirer en raison de son enroulement huit à dix centimètres. Sa couleur est violacée. Une plaque de sphacèle gris verdâtre s'observe à son extrémité périphérique sur une longueur de trois centimètres et, occupe les deux tiers de la circonférence de l'appendice. Nous ne voyons pas de perforation. L'appendice est lié et sectionné au thermocautère. Ligature du méso. Le coecum est rouge et infiltré. 11 présente une petite plaque gris verdâtre du diamètre d'un centimètre et demi près de la base d'implantation de l'appendice. Ln raison du mauvais état du coecum, nous ne tontons pas l'enfouissement de cette zone suspecte. Nous nous contentons de placer au contact de celle partie du coecum l'extrémité d'une compresse pour assurer le drainage en cas de sphacèle de la paroi. L'exploration de la cavité abdominale au voisinage du coecum montre l'épi- ploon épaissi et infiltré, adhérent, à la partie interne du coecum. Le doigt intro¬ duit dans le Douglas évacue une collection de pus séreux mal lié, sans odeur. Drainage du Douglas. Examen de l'appendice. — L'appendice était rempli et distendu par un ascaris replié sur lui-même à l'extrémité distale de l'organe. Le ver fut coupé au niveau de la section opératoire. Les deux extrémités étaient probablement libres dans le — 103 — coecum. Peut-être la plaque d'aspect sphacélique observée sur lé coecum corteS- pondait-elle à une extrémité du ver traumatisant la paroi caecale. L'appendice était non seulement augmenté de volume mais encore allongé. C'est ce qui explique son inflexion sur le méso qui n'avait, pu s'allonger et qui s'opposait au redressement de l'appendice. La muqueuse épaissie était rouge écarlate. Il existait une forte hyperthrophie des follicules clos. Le tiers distal de l'organe était sphacélé sur la plus grande partie de sa circonférence. Seule une petite bande de tissus correspondant à l'insertion du méso était conservée. Le reste était réduit à une mince membrane prêle à se perforer. Le tronçon de ver contenu dans l'appendice mesurait 12 centimètres et demi. Le diamètre du corps était de trois à quatre millimètres. Suites opératoires. — Les suites opératoires ont été jusqu'ici excellentes. Le lendemain de l'opération (24 juillet), température 38°1 le matin, 38° le soir. Pouls 138 bien frappé. Faciès bon. Pas de vomissements. Le 25 juillet, température 37°5 le matin, 36°8 le soir. Pouls 118 le matin. La plaie a très bon aspect. Le 26 juillet, température 37° le matin. Pouls 108. L'état général est bon. Le pan¬ sement n'est pas traversé. Un peu de sérosité imbibe seulement les compresses placées au contact de la plaie. Le soir température 37°5. Le 27 juillet, température normale. Pouls 104. Ablation des mèches el du drain le 29 juillet. Il y a très peu de sécrétion. Pas de fétidité. La plaie a bon aspect. Le caecum ne s'est pas perforé. On replace une mèche dans la plaie. Le 31 juillet, ablation de la mèche. Pansement h plat. Le 6 août, la plaie se referme et sécrète très peu. Liât général excellent. Le malade quille l'hôpital guéri à la fin d'août. HERNIE INGUINALE ETRANGLEE Résection de 60 centimètres d'intestin comportant une entéro- anastomose spontanée datant de plusieurs années, consécutive à un ancien étranglement. — Mort par hémorragies intestinales dues à une thrombo-phlébite des veines mésentériques. Par LE ROY DES BARRES (1) Le 3 février, dans Ja journée, entre dans notre service le nommé Nguyen- van-C..., âgé de 54 ans, exerçant la profession de coolie. Cet indigène, est porteur d'une hernie inguinale droite étranglée depuis 85 heures. Cette hernie assez volumineuse, de la grosseur du poing environ, date d'une quinzaine d'années. 11 y a 3 ans, cette hernie avait été brusquement doulou¬ reuse et n'avait pas pu être réintégrée dans l'abdomen comme le malade le faisait facilement auparavant. Notre malade était resté pendant trois jours entre Ja vie et la mort, vomis¬ sant les matières fécales, ne rendant aucun gaz par l'anus, le ventre extrême¬ ment ballonné. Le quatrième jour une détente s'était produite et le malade avait rendu quelques gaz par l'anus. Les jours suivants cette amélioration s'était, accusée peu à peu et le malade se levait trois semaines environ après. La hernie restait encore irréductible, puis dans la suite (2 ou 3 mois après, le malade ne peut préciser) cette hernie, sous les efforts patients du malade, arriva à réintégrer presque complètement l'abdomen. Le malade allirme que pendant toute la période aigiie la hernie avait été tendue et rouge, mais qu'il ne s'était pas produit d'abcès à ce niveau ; d'ailleurs il n'existe aucune cica¬ trice dans cette région. Tout avait été bien jusqu'il y a trois jours et demi quand brusquement, sans cause appréciable, la hernie était devenue douloureuse, tendue et com¬ plètement irréductible. Les mêmes phénomènes se reproduisant, le malade, qui avait une première . fois guéri spontanément, ne songea pas tout d'abord à venir à l'hôpital et ce n'est que devant la persistance des douleurs et devant l'aggravation tou¬ jours croissante de son état, qu'il se décida à venir nous trouver. Le malade dont l'état est misérable, est immédiatement endormi. L'inter¬ vention pratiquée permet de constater les lésions suivantes : une hernie ingui¬ nale droite étranglée- composée d'un paquet intestinal formé par une anse dont les diverses parties sont agglutinées par des adhérences récentes et an¬ ciennes impossibles à séparer, et une volumineuse masse adhérente au fond du sac et sphacélée. L'intestin est noirâtre et des attouchements répétés à l'eau bouillie chaude ne parviennent pas à en modifier l'aspect. Après aggrandissement. do l'incision vers l'abdomen et résection de la masse épiploïque, on procède à la résection de tout le segment intestinal dont la vitalité paraît suspecte, mais l'on constate,.à ce moment, l'existence dans la piortion correspondante du mésentère de noyaux hémorragiques et d'une dila- (1) Publié dans la Revue médicale de l'Indochine française, 2e année, 1909, n° 15. — 105 — talion veineuse énorme ; de plus, les \eines à la section donnent un sang poisseux, certaines veinules ne saignant pas du tout. Par contre la circulation artérielle est conservée, comme il est facile de s'en convaincre au moment de la résection de la portion du mésentère correspondant à l'anse réséquée. La résection mésenlérique est faite très près de son insertion intestinale, dans le but de ménager la vitalité de l'intestin, et même cet excédent de mésentère est un peu gênant pour les sutures. L'anastomose des deux segments intestinaux est faite latéralement après fermeture des deux bouts. Suture de la paroi en un seul plan avec des fils d'argent. Injection de sérum de 1 litre. Le soir la température est de 36°7, le pouls est remonté et bat à 105 pul¬ sations. Le lendemain le malade se sent mieux, sa température oscille entre 37°5 et 37°2, le nombre des pulsations varie entre 95 et 100. L'alimentation à con¬ sisté en lait et en thé léger. Il y a par instants un peu de hoquet, lorsque le malade boit un peu vite. A la visite du matin le malade n'a pas eu encore de selle, une sonde rectale mise en place pendant une demi-heure permet la sortie de gaz et le malade qui se plaignait d'éprouver une gêne assez consi¬ dérable se trouve très soulagé. Dans la soirée le malade évacue une selle pâteuse, noirâtre avec quelques stries sanguinolentes. Le 0 au matin nous trouvons le malade très affaibli, le pouls est à 100, la température à 36°2, le malade ne souffre pas, son ventre est souple, la palpa- tion en esl un peu douloureuse, surtout au niveau de la région hypogastrique, mais il n'existe pas de ballonnement. Dans le courant de la journée Je malade évacue deux selles sanguinolentes abondantes. A la contre-visite nous le trouvons dans le même état de faiblesse, ausi, nous lui prescrivons une injection de sérum de 500 grammes, une potion avec 2 grammes de chlorure de calcium ; il est administré en outre 0 gr. 25 de caféine. La température atteint 35°6. Devant ces signes d'une hémorragie grave nous étions un peu hésitants sur la conduite à tenir. Tout d'abord le manque absolu de réaction péritonéale, et le soin apporté à la confection de la suture (une première suture totale et une seconde séro-musculaire) toutes deux à la soie n° 0 nous permettaient d'éliminer une hémorragie péritonéale, accompagnée d'une hémorragie intes¬ tinale. L'apparition un peu tardive de cette hémorragie et la confiance que nous avions dans notre suture, nous permettait également d'éliminer une hémor¬ ragie intestinale par faute de technique au moment de la suture muqueuse. Restaient les hypothèses d'une gangrène par suite d'une résection trop élevée du mésentère ou d'une thrombose des veines mésentériques. Nous avi ns bien pratiqué la résection du mésentère très économiquement, mais malgré tout, cette hypothèse était plausible. De même en ce qui concernait la possi¬ bilité d'une thrombose des veines mésentériques nous avions en faveur de cette hypothèse, les lésions veineuses rencontrées au cours de l'intervention. Quant à la conduite à lenir nous hésitons, si nous avions été certain du diagnostic de gangrène, nous aurions attiré au dehors l'anse atteinte et créé rapidement un anus artificiel, mais en cas de thrombose, qui, vu les lésions rencontrées lors de l'intervention, aurait été très étendue, que pouvions-nous faire ? et de plus, rien ne prouvait que cette thrombose n'aurait pas progressé — 106 — même après l'intervention. Aussi, devant l'incertitude du diagnostic, qui ex¬ posait à une intervention inutile et surtout devant le Irès mauvais état du malade, qui ne laissait que peu d'espoir, nous préférons nous abstenir, la seule intervention rationnelle devant être une résection, que le malade n'aurait pas pu supporter. Le 7 au matin, après une journée et une nuit où le malade a été en s'al'fai- blissant, et a présenté encore quatre selles sanglantes et involontaires, nous trouvons notre opéré sans pouls, ne souffrant pas, ayant conservé toute son intelligence et déclarant n'avoir à se plaindre que d'une faiblesse extrême, il demande même à manger pour se donner des forces. A une heure de l'après-midi, il s'éteint sans souffrance. L'autopsie de la cavité abdominale, qui fût seule pratiquée, montra l'exis¬ tence d'une thrombo-phlébite de la veine grande mésaraïque au niveau de ses branches jéjunales, qui avait entraîné un sphacèle de I intestin grêle au- dessous de l'anastomose jusqu'au voisinage du côlon, sphacèle n'ayant pas encore abouti à la perforation, le péritoine se trouvant à peine altéré au niveau du segment malade. La portion intestinale ainsi atteinte mesurait près de un mètre. L'anastomose avait parfaitement tenu, malgré le début de sphacèle du bout périphérique. La cavité péritonéale ne contenait aucun épanchement appré¬ ciable. Le mésentère renfermait de volumineux ganglions enflammés. Les vaisseaux mésentériques artériels supérieurs étaient microscopiquement intacts. Cette observation nous a paru intéressante à rapporter à plus d'un titre, tout d'abord, à cause de la guérison d'un étranglement par entéroanastomose spontanée, ensuite à cause de la thrombo-phlébite qui entraîna la mort. La guérison d'une étranglement par anastomose spontanée, sans gangrène du segment intermédiaire, nous paraît être une rareté (1). L'examen de la pièce, dont on trouvera ci-joint la photographie permet de se rendre compte que l'anastomose s'est faite directement, après accolement des deux segments de l'anse intestinale, sans formation d'une poche inter¬ médiaire (infundibulum membraneux de Scarpa ou trajet fistuleux de Ma I- gaigne). La circulation des matières s'est faite dans la suite, soit par l'intermédiaire de l'anastomose, soit en partie par l'anse exclue. Si une fois la guérison obtenue, l'anastomose ne s'est pas fermée, il faut vraisemblablement admettre que le cours des matières devait se faire difficile¬ ment dans l'anse exclue, et ce qui nous permet d'émettre cette hypothèse, ce sont les nombreuses et solides adhérences qui unissaient toutes ces portions intestinales entre elles. Quant à la thrombo-phlébite de la veine grande mésaraïque sans être une rareté, cette affection compliquant un étranglement herniaire, n'est pas très fréquente. Dans ce cas particulier le rôle d'une infection ne paraît pas douteux, la hernie étranglée, comme l'appendicite, comme les ulcérations intestinales, sont les nombreuses et solides adhérences qui unissaient toutes ces portions n'est besoin d'invoquer pour expliquer cette thrombo-phlébite le traumatisme de l'intestin, des troubles circulatoires ou des causes mécaniques. (1) Nous n'avons malheureusement pas pu faire de recherches bibliographiques à ce sujet car il n'existe pas en Indochine une seule bibliothèque médicale conve¬ nable. RETRECISSEMENT DE L'ANSE EFFÊRENTE Observé tardivement après une gastro-entérostomie. Par LE ROY DES BARRES (1) Une femme de 35 ans avait été opérée par un de nous, il y a environ deux ans et demi pour ulcère du pylore. Elle avait subi une gastro-entérostomie. Celte opération avait déterminé la disparition des symptômes douloureux. Il y a environ trois ou quatre mois, les douleurs reparurent. Elles étaient continuelles, exagérées par l'ingestion des aliments et diminuaient ou dispa¬ raissaient après les vomissements spontanés ou provoqués par la malade. La douleur siégeant au niveau de I épigastre et surtout à gauche de la ligne médiane. L'inspection de la paroi abdominale, après ingestion de liquides ou d'ali¬ ments, montrait des ondes péristaltiques très visibles dans la région épigas- trique. La palpation permettait de sentir une masse consistante arrondie, vague¬ ment ovalaire à grand axe transversal, s'étendant d'un ou deux travers de doigt à gauche de l'ombilic à cinq ou six travers de doigt à droite de l'om¬ bilic, siégeant immédiatement au-dessus de l'ombilic. Cette masse pouvait être mobilisée légèrement de haut en bas et transversalement. La palpation en était très douloureuse. Le malade fut opérée le 3 décembre. Nous pratiquâmes une laparotomie médiane sus-ombilicale. L'estomac fut trouvé très dilaté. Une large cicatrice blanc nacré, irrégulière, déprimée formait un sillon circulaire autour du py¬ lore. Le pylore était cependant perméable. On pouvait y introduire le doigt en déprimant la paroi stomacale. Relevant le colon transverse et le grand épiploon nous aperçûmes l'anse anas¬ tomosée rouge, très dilatée et vascularisée formant une ampoule du volume d'une orange. Les bouts afférents et efférents de cette ampoule étaient enfouis au milieu des adhérences. Cette ampoule communiquait assez largement avec l'estomac. On s'en rendait compte en introduisant le doigt coiflé de la paroi intestinale dans la bouche gastro-intestinale. Le bout afférent de l'anse anastomosée, fixe et court, fut retrouvé à sa place normale. Il n'était pas dilaté. Puis à côté du bout afférent, également à gauche de la bouche anastomoti- que, nous trouvâmes le bout efférent. Cette portion d'intestin, de volume nor- (1) Publié dans le Bulletin île la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1914, n° 2, page 53. — ios — mal, émergeait d'adhérences anciennes en un point contigu à l'abouchement, du bout afférent dans l'ampoule dilatée. Un rétrécissement très accentué et' une coudure à l'angle aigu s'étaient produits à ce niveau. Il y avait eu accollement des deux bouts afférent et efférent de l'anse anastomosée, puis le bout efférent, avait été attiré en haut et à gauche par ses adhérences avec le bout afférent fixe. Il en était résulté une coudure et un ré¬ trécissement à quelques centimètres en aval de l'anastomose. Nous nous bornâmes à aboucher la portion la plus saillante de l'ampoule dilatée avec la partie libre du bout efférent, immédiatement au-dessous de la coudure. I.es suites de l'opération furent simples. Actuellement, la malade va bien et ne souffi'e presque plus. Les vomisse¬ ments qui existaient avant l'opération ont cessé. L'état général est bon. ONZE CAS D'APPENDICOSTOMIE POUR DYSENTERIE CHRONIQUE GRAVE Par MM. DEGORCE et MOUZELS (1) L'appendicostomie proposée par Keetby en 1894 et pratiquée pour la pre- riiière fois par IL Weir en 1902, paraît jouir d'une grande faveur à l'étran¬ ger, en particulier en Angleterre et en Amérique. Le nombre des observations publiées en France et dans les Colonies françaises est au contraire assez res¬ treint. La plupart de ces observations concernent des cas de colite non dysen¬ térique. Dans une récente discussion sur le traitement chirurgical des colites graves à la Société de chirurgie de Paris, MM. Jacob, Sieur et Moty ont pris la pa¬ role pour recommander le traitement chirurgical des colites dysentériques rebelles, et deux cas de colite dysentérique traités avec succès, l'une par l'appendicostomie, l'autre par la coecostomie, sont l'apportés par M. Jacob Nous avons pratiqué depuis le mois de septembre dernier onze appendicos- tomies chez des annamites atteints de dysenterie chronique grave et tous ca¬ chectiques. Voici leurs observations. Observation I Cachexie dysentérique. Appenrlicoslomie. Guérison. Ng.-phuc-Doan, 26 ans, coolie, est entré le 7 août 1911 avec le diagnostic dysen¬ terie dans un état fie marasme extrême, incapable de marcher et allant sous lui d'une manière continue. Anus béant par où coulent sans cesse des mucosités et du sang. Poids : 36 kgs. Aucun traitement médical n'agit et le 31 août, il accepte l'appendiscostomie qui qui est aussitôt praliquée. Suites opératoires sans incidents. Le 1er septembre, le malade accuse une sensa¬ tion de bien-être. Le 2 septembre, les selles sont redevenues intermittentes, de con¬ sistance pâteuse, grisâtre, contenant encore de notables quantités de mucus. Le 7 septembre, les douleurs abdominales ent tout à fait disparu, l'appétit est revenu, les selles pâteuses sont presque entièrement formées de matières fécales. Le 12 sep¬ tembre, le malade a passé la nuit sans aller à la selle. Le 20 septembre, 4 selles pâteuses : le malade réclame le régime ordinaire et certainement mange en cachette, car ses selles contiennent des pépins de fruits très recounaissables. Le 1er octobre, une selle par 24 h., d'aspect normal, régime habituel des malades. Le 15 octobre, suppression de la sonde, et sauf la persistance de la fistuie appendiculaire, la santé est dès lors redevenue tout à fait normale. Poids : 50 kgs. (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, an¬ née 1912, n° 3, page 183. — 110 — Observation IL Cachexie dysentérique. Appendicostomie. Guërisqn. Pham-van-Yan entre le 21 août dans un état désespéré. Il n'accepte l'appendis- costomie que le 8 septembre. Contrairement à toute attente, ce malade, dont l'ob¬ servation est la répétition de la précédente, échappa à la mort. Dès le lendemain, il se déclare mieux. Le 12, n'a plus de coliques ; le 5 octobre, une selle normale. Peut être considéré comme guéri depuis lois, car délivré de sa sonde, ne présente plus d'autre anomalie que sa fistule appendiculaire. Observation III Dysenterie grave (rechute). Etat, général mauvais. Appendicostomie. Guérison. Hô-ba-Minh a eu, il y a deux ans, une dysenterie très grave dont il ne s'est jamais complètement relevé. Rechute actuelle, remontant à 15 jours, très sérieuse ; selles incqmptables muco-sanglantes caractéristiques. Accepte l'appendicostomie dans un état lamentable le 27 novembre. Dès le 29, n'a plus que 4 selles. Poids : 43 kgs. Le 1er décembre, une selle ; dès le 3, paraît hors de danger. Le 15, perd sa sonde qui n'est pas remise. Le malade s'améliore très rapidement, il fait une re¬ chute le 28, à l'occasion de laquelle le cathëtérisme de l'appendice est pratiqué deux fois par jour sans difficulté pour permettre les lavages. Le 12 janvier, selle normale. Poids : 47 kgs. Observation IV Dysenterie chronique. Cachexie. Mort quatre jours après l'appendicostomie. Ng.-van-Chat, 24 ans, sans profession, entre h l'hôpital le 14 décembre 1911 pour dysenterie chronique. Le début remonte à quatre mois. Le malade est squelettique. Le teint est terreux. Les muqueuses sont décolorées. Les selles sont incessantes et sont émises sans que le malade s'en aperçoive. Vives douleurs. Traitement : Ipéca. Lavages d'intestin au tannin et borate de soude. Le malade n'est nullement amélioré par ce traitement. Son état s'aggrave de plus en plus. Température normale. Pouls : 112. Le 2 janvier 1912, appendicostomie. On commence le même jour des lavages d'in¬ testin à la liqueur de Labarraque à 20 pour 1.000, par une sonde introduite à de¬ meure dans le coecum par l'appendice. Les selles sont moins nombreuses dans les deux jours qui suivent l'opération. Le 5, la température qui était normale les jours précédents, s'élève à 39°. Pouls : 140. Mort le 6 à 7 heures du matin. Pas d'autopsie. O. Jacob. — De l'appendicostomie et de la coecostomie dans le traitement chirur¬ gical des colites rebelles. Bulletins de la Société de chirurgie de Paris, 13 juin 1911. Sieur. — Sur l'appendicostomie et la coecostomie dans les colites graves. Bulletins de la Société de chirurgie de Paris, 25 juillet 1911. Moty. — A propos du traitement chirurgical de la dysenterie. Bulletins de la Société de chirurgie de Paris, 24 octohie 1911. — 111 — Observation V Dysenterie chronique ancienne. Cachexie et. ascile. Appendicostomie. Mort neuf jours après l'opération. Nguyên-van-Ton, 30 ans, provenant de Ha-nam, entre le 3 novembre 1911, atteint de dysenterie déjà ancienne. Il est dans un état de cachexie très avancée. Le 3 dé¬ cembre, seulement et après avoir constaté par lui-même l'insuffisance du traite¬ ment médicamenteux, il accepte l'appendicostomie. A l'ouverture du ventre, issue de quatre litres de liquide ascitique clair. Décédé le 12 sans que se soit produit aucune amélioration. Observation VI Paludisme grave. Misère physiologique. Dysenterie. Appendicostomie. Décédé (légèrement amélioré au point de vue de sa dysenterie) 4 jours après l'opération. Nguyên-van-Dau, 38 .ans, menuisier, provenant de Tuyên-quang, où il a séjourné deux mois, entre en proie au paludisme, à la dysenterie, et dans un état de misère physiologique profonde le 5 décembre 1911. Le 10 n'a.plus d'hématozoaires, mais toujours une dysenterie grave avec selles muco-sanglantes innombrables, non mo¬ difiée par le traitement médical. Le 12, état désespéré, appendicostomie. Le 15, n'a que six selles contenant des matières fécales, mais son état général ne laisse aucun espoir. Il succombe le 16 dans le marasme. Observation VII Cachexie dysentérique. Appendicostomie. Mort 30 heures après l'intervention. Vu-van-Ry, 48 ans, cultivateur de la zone suburbaine de Hanoi, entre le 8 sep- tembre 1911 pour cachexie dysentérique et misère physiologique profonde. Accepte l'appendicostomie le 16 et meurt le 17 à minuit Observation VIII Cachexie dysentérique et néphrite. Appendicostomie. Dysenterie grave. Mort par urémie 140 jours après l'opération. Nguyên-duy-Hue, 31 ans, prisonnier, venant de Hai-duong. Cachexie dysentéri¬ que et néphrite. Entre le 26 septembre, état général lamentable ; ascile, selles in¬ nombrables, sprue et sang. Albumine en pelile quantité dans les urines. Appen¬ dicostomie le 27. La dysenterie s'améliore lentement. Les selles deviennent plus rares et fécaloïdes. Le 5 décembre, une selle rubanée formée exclusivement de ma¬ tières fécales. Le malade pouvait être considéré comme guéri de sa dysenterie, mais il meurt d'une crise d'urémie le 9 janvier 1912, après un gros repas de viande. Observation IX Dysenterie chronique très douloureuse. Pas d'amélioration après l'appendicosto¬ mie. Mort par suicide. Nguyen-dinh-Bach, âgé de 47 ans, entre à l'hôpital le 21 août 1911 pour dysenterie chronique compliquée d'abcès et dfe fistules du pourtour de l'anus. La dysenterie date de 4 mois. Les abcès sont survenus, il y a un mois et demi Depuis quelques jours les ..selles sont incessantes et fort douloureuses. Selles dysen- — 112 — tériques très fétidps. Ténesme. Etat général mauvais. Malade amaigri et cachec¬ tique Après quelques jours de traitement médical, le maladie n'étant pas amélioré, accepte une opération. Appendicostomie le 2 septembre. Cps jours suivants, lavages à l'eau oxygénée au cinquième. Aucune amélioration ne survient. Le malade souffre beaucoup. Il arrache son pan¬ sement et sa sond.e qu'on a beaucoup de mal à lui remettre. Pas de fièvre. Il se suicide le 10 septembre en se tranchant la gorge. Il a une hémorrhagie abondante et meurt quelques heures après. Observation X Dysenterie chronique. Amélioration passagère après l'appendicostomie. Sphacèle de l'appendice le cinquième jour. Mort par péritonite. Nguyen-van-Ba, 25 ans, coolie, venant des mines de Lang-hit entre le 6 janvier 1912 à l'hôpital pour dysenterie. A été impaludé, mais np présente pas d'accès de fièvre depuis plusieurs mois. La dysenterie date d'un mois, 15 à 20 sellas par jour. Anémie extrême. Amai¬ grissement. Subictère. Selles dysentériques. Violentas douleurs abdominales. Té¬ nesme.. L'examen des selles révèle la présence d'ascaris d'ankylostomes. Traitement des ascaris et des ankylostomes. Puis ipéca. Lavages d'intestin. Au¬ cune amélioration ne survenant, on décide une appendicostomie. L'opération est pratiquée le 17 janvier 1912, à la cocaïne lombaire. Elle est très bien supportée. Les lavages de l'intestin au sérum, puis à la liqueur de Labarraque ne sont commencés que le surlendemain de l'opération. Le 20, il n'y a de selle qu'au moment des lavages. Lp malade s'alimente. Le 21, la sonde s'est rompue. 11 y a de la difficulté à en introduire une nouvelle. Il est à craindre qu'une fausse route se soit produite au moment de cette intro¬ duction. Le 23, le malade souffre beaucoup, a des selles hémorrhagiques abondantes. Sphacèle de l'appendice. Amaigrissement rapide. Pouls : 116. Température : 36°6. Malgré l'absence de fièvre, le pouls devient de plus en plus fréquent et mauvais. Les hémorrhagies sp répètent. Délire. Mort le 26 janvier 1912. A l'autopsie on trouve du pus en petite quantité dans l'abdomen en dehors du colon ascendant et du cœcum. Cette péritonite, quoique localisée, a évidem¬ ment été cause de la mort. Observation XI Dysenterie chronique très douloureuse. Pas d'amélioration après l'appendicos¬ tomie. Suicide. Nguyen-van-Chuc, 32 ans, prisonnier, provenant de la Prison civile de Hanoi, entre le 23 janvier 1912 pour dysenterie. Paraît avoir eu de nombreuses atteintes avant celle-ci. Il y a 6 jours : coliques, selles diarrbéiqûes. Depuis lors les symp¬ tômes deviennent rapidement graves, coliques très douloureuses, épreinles, ténesme. selles muco-sanglantes, typiques, incomptables. Amaigrissement très rapide. Etat général très mauvais. Ventre très douloureux, surtout dans la région sous- ombilicale. Examen microscopique des selles : Ascaris, infusoires, amibes. Pouls : 96. Température : 38°6. — 113 — Traitement médical ne donne aucune amélioration, et Tappendicostomie est pra¬ tiquée avec consentement du malade le 26. Le 27, le malade accuse une sensation très nette de soulagement après les lavages ; les coliques et le ténesme anal sont très diminués. Le 28, cette amélioration a totalement disparu. Le malade souffre tout autant qu'avant et n'éprouve plus aucune espèce de répit. Les 29, 30 et 31, même état. Le 1er février, désespéré, le malade arrache sa sonde, les sutures et s'éventre. Il meurt le soir à 4 heures. La technique que nous ayons employée est la suivante : Le malade est généralement endormi au chloroforme. Mais s'il p^t en trop mau¬ vais état, nous l'anesthésions par la cocaïne lombaire. Après désinfection du champ opératoire à la teinture d'iode, nous pratiquons une incision de Marc Burney et nous dissoçions les muscles de la paroi pour pénétrer dans l'abdomen. Après libération de son mésentère dont les vaisseaux doivent être conservés intacts, l'appendice est. attiré dans la partie inférieure de l'incision. Le coecum ust fixé à ce niveau au péritoine pariétal par quatre points au catgut fin passés au voisinage de l'insertion de l'appendice, mais assez loin pour ne pas étrangler celui-ci. La paroi étant fermée en un ou plusieurs plans, l'appendice est sectionné, cathé- térisé, avec une sonde d:e Nélaton n° 8 ou 12, qui sera laissée à demeure. Puis nous suturons la tranche de l'appendice à la peau par quatre points au crin. Pansement au stérésol et è la gaze stérilisée. Le lavage d'intestin peut être commencé dès après l'opération, les liquides em¬ ployés n'ayant tendance à refluer au niveau de la plaie. Mais nous attendons géné¬ ralement au lendemain. Chez nos d'eux premiers malades nous .a'-ons installé un lavage continu à la solution faible de permanganate de potasse, le lavage coulant facilement par l'anus béant. Depuis nous avons procédé à des lavages intermittents qui nous ont donné de tout aussi bons résultats. Ces lavages sont pratiqués deux ou trois fois par jour. La quantité de solution employée est d'environ un litre. Cp fut tantôt du sérum artificiel, tantôt de la liqueur de Labarraque à 20/1000, tantôt du permanganate rie potasse à 1/2000, tantôt 5.000 gr. d'une solution de créosote à 1/100. L'alimentation a été reprise très rapidement et d'une façon plus substantielle qu'il n'est généralement admis dans la dysenterie. Parmi les 11 cas que nous rapportons, nous m et bon s à part ceux des deux malades qui se sont suicidés (obs. IX et XI), en reconnaissant toutefois que sans cette circonstance ces deux malades non améliorés par l'opération seraient probable¬ ment morts des suites de leur maladie. Sur les neuf autres cas, trois ma'ades sont actuellement guéris. Ce sont ceux que nous avons présentés à la dernière séance de la Société (obs. I, III). Six autres sont morts. De ces derniers, il en est un (obs. A I II) qui a succombé à une attaque d'urémie, alors qu'il était guéri d;e sa dysenterie. Il avait été opéré le 27 septembre et est mort le 9 janvier. Nous devons donc, joindre son cas è celui des malades guéris de leur dysenterie après appendicostomie. La mortalité, de nos opérés reste encore considérable. Il en est ainsi parce que tous les cas qui se sont présentés à nous étaient extrêmement graves et presque désespérés. — 114 — Nous avons vu en une dizaine d'années de pratique hospitalière au Tonkin un grand nombre de malades annamites atteints de dysenterie chronique et nous pou¬ vons dire que nous n'en avons jamais vu guérir, quand ils se présentaient dans des conditions analogues à cglles de nos patients. Les indigènes pauvres n'entrent à l'hôpital pour faire traiter leur dysenterie que quand ils sont tout à fait cachec¬ tiques et après avoir épuisé toutes les ressources de la pharmacopée indigène L'appendicostomie est une opération très bénigne. Presque tous nos malades l'ont parfaitement supportée et n'ont présenté aucun phénomène de shock. Chez un seul malade (obs. VII) opéré le matin du ,16 septembre et mort le 17 à minuit, on pourrait supposer que l'opération a aggravé la situation. Mais étanl donné l'état très gravp de ce malade, nous ne pensons pas qu'il ait pu vivre beau¬ coup plus longtemps s'il n'avait pas été opéré. Un malade a vraisemblablement succombé à une faute de technique (obs. X). Il est probable qu'après la rupture de sa sonde à demeure, une fausse route a été faite quand on a voulu calhétériser à nouveau son appendice en partie sphacélé C'est la cause probable dp la péritonite constatée <1 l'autopsie. L'état des trois derniers malades (obs. IV, V et VI) n'a été ni aggravé ni amé¬ lioré par l'intervention. Il ne faudrait donc pas croire que l'appendicostomie constituât un traitement héroïque, toujours efficace, de la dysenterie chronique. Il est des malades qui n'en retirent aucun bénéfice. Mais peut-être n'est-clé vrai que pour ceux qui comme les nôtres sont plongés dans un état avancé de misère physiologique. Nous devons dire aussi que malgré tous nos efforts, et en raison de l'indifférence du personnel indigène, ils n'ont pas reçu tous les soins qui auraient été utiles. Plusieurs souf¬ fraient beaucoup du froid et nous ne pouvions y porter remède que dans une faillie mesure. 11 est à remarquer d'ailleurs que tous nos opérés pendant la période froide de l'année ont succombé. Nous restons persuadés que dans un autre milieu, chez des malades plus résis¬ tants, les résultats seraient bien meilleurs. L'appendicostomie est donc justifiée dans les cas désespérés chez dès malades cachectiques fatalement voués à la mort, car ellp constitue le seul espoir de guë- rison. Mais sa véritable indication doit se poser avant la période de déchéance. Quand une dysenterie résiste à un traitement médical bien conduit, si les symptômes locaux ne s'amendent pas et si l'état général décline, il ne faut pas larder à pratiquer l'appendicoslomie. Un seul ras de dysenterie ayant été examiné au point de vue de l'agent, causal, nous ne pouvons poser aucune indication basée sur la nature de l'agent de la dysenterie. SARCOME DU MESENTERE Résection d'un segment du mésentère et d'une anse grêle longue de 0m 80 centimètres. Guérison. Par A. DEGORGE (1) La nommée Nguyen-thi-Thu, âgée de 38 ans, originaire du village de Tuy- Cliuc, province de IIung-Yên, entre à l'hôpital indigène de Hanoi, le 22 sep¬ tembre 1910 pour tumeur abdominale. Les premiers signes de la tumeur apparurent il y a environ un an. Ce furent : l'augmentation de volume du ventre, des dcrfileurs abdominales, des douleurs à la miction. Depuis 6 mois la malade, a beaucoup maigri et pâli. Actuellement cette femme est profondément anémiée. Elle est très maigre. Elle est fatiguée dès qu'elle a fait quelques pas et déclare ne pouvoir mar¬ cher pendant une centaine de mètres. L'appétit est conservé, mais les selles sont diarrhéiques. Le ventre est modérément augmenté de volume. La palpation permet de constater l'existence d'une tumeur consistante, bos¬ selée, siégeant dans la région sous-ombilicale. La tumeur ne dépasse pas en liaut l'ombilic. Intérieurement elle descend jusqu'au pubis. La palpation n'est pas douloureuse. La tumeur est mobile transversalement, immobile au contraire dans le sens vertical. Elle est fixée à la partie inférieure de l'abdomen. La main s'insinue facilement au-dessous de la tumeur à sa partie supérieure et latéralement. Elle ne peut au contraire s'insinuer profondément en bas. Le toucher vaginal permet de sentir un utérus très mobile indépendant de la tumeur. La mobilité particulière de l'utérus fait penser qu'il existe un peu d'ascite. Les culs de sac vaginaux sont libres et on peut insinuer le doigt dans le cul de sac antérieur entre la tumeur et l'utérus. La tumeur est mate à la percussion. Il s'agit, sans doute d'un cancer du péritoine, sans qu'on puisse en fixer le point de départ. Il existe quelques ganglions augmentés de volume dans les régions ingui¬ nales. Mais ils ne donnent pas l'impression de ganglions cancéreux. D'ail¬ leurs, beaucoup d'Annamites ont des ganglions inguinaux augmentés de volu¬ me, ce qui est lié chez eux à la fréquence des plaies des membres inférieurs. Opération. — La malade est opérée le 26 septembre 1910 sous chloroforme après un simple badigeonnage du ventre à la teinture d'iode. Incision médiane descendant jusqu'à quelques centimètres au-dessus du pubis, remontant à quelques centimètres au-dessus de l'ombilic. Un litre environ de liquide ascitique s'écoule à l'ouverture du ventre. Je trouve une tumeur solide, bosselée, de coloration rosée, grosse comme les deux poings réunis, adhérente en bas, à gauche et en arrière. (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, 1911, p 80. _ 116 — Dans 1e cul de sac de Douglas se trouvent des matières gélatineuses rou- geâtres comme dans les ascites cancéreuses. Je libère d'abord en bas des adhérences assez larges avec la l'ace supérieure de la vessie, puis à gauche des adhérences à l'S iliaqtje près de l'origine du lectum, enfin en arrière des adhérences au péritoine pariétal au devant de l'aorte et de la veine cave. Toutes ces adhérences étant libérées, je reconnais que la tumeur s'insère par un pédicule court sur la face inférieure du mésentère. Ce pédicule est parcouru par des veines de l'épaisseur du pouce. Il n'a que deux à trois centimètres de longueur. Le mésentère présente dans son épaisseur autour du point d'implantation du pédicule de nombreux ganglions ayant le volume d'un haricot ou celui d'une noisette. Je décide de réséquer avec la tumeur lé segment de mésentère qui contient les ganglions et sur lequel s'insère le pédicule, et tout la portion d'intestin grêle qui en dépend. Je suis obligé de sectionner d'abord le pédicule pour me débarrasser de la tumeur qui me rendrait l'opération impossible. Le pédicule est sectionné entre deux forts elamps. Les ciseaux qui ont servi ê cette section sont rejetés et la tranche du pédicule est enveloppée dans une compresse. L'intestin grêle est sectionné en deux points après mise en place de clamps. L'anse réséquée mesure quatre-vingt centimètres de long. Partant de la section de l'intestin grêle deux traits de section divisent le mésentère à deux travers de doigt au moins des ganglions suspects et vont se réunir à la base du mésentère. Chemin faisant, de nombreux vaisseaux sont liés au fur et à mesure de leur section. Le segment de mésentère enlevé à une forme triangulaire. Les deux segments de l'intestin sont réunis bout à bout à points séparés à la soie en deux plans. Les deux tranches mésentériques sont réunis par un surjet au catgut. La paroi est suturée en un plan, sans drainage. L,es suites opératoires sont des plus simples. Le pouls s'élève à 112 le len¬ demain de l'opération et redevient normal le jour suivant. Le 28, on note cinq selles diarrhéiques. On donne 4 grammes de sous-nitrate de bismuth. La diarrhée dure en s'atténuant progressivement jusqu'au 3 octobre puis cesse définitivement A aucun moment on ne voit d'élévation de température ni de vomissements. Les points de suture sont enlevés le 3 octobre. La plaie est bien réunie. I,a malade se lève au bout de trois semaines après l'opération. Son état général s'améliore de jour en jour. Elle s'alimente beaucoup et engraisse rapidement. Quand je la présentai le 13 novembre à la. Société, elle avait repris son poids normal et présentait un état général satisfaisant qui contrastait avec l'état cachectique constaté avant l'opération. La tumeur était rosée, un peu molle. A la coupe s'échappait un suc abon¬ dant. Ùn fragment fut prélevé pour l'examen histologique. L'examen des coupes montre trois variétés de tissus : 1° Des cloisons fibreuses à'cellules conjonctives petites et allongées contenant des vaisseaux à paroi normale ; 2° Des nappes de tissu sarcomateux à cellules ovales, nombreuses, dans un stroma d'aspect muqueux, à vaisseaux embryonnaires ; — 117 — 3° De larges surfaces de tissu d'aspect muqueux contenant des cellules dis¬ séminées qui présentent les caractères suivants ; Certaines cellules sont rondes, nettement limitées, à noyau vivement teinté par l'hématéine, à protoplasme abondant, vivement coloré en rose par l'éosine. D'autrës cellules plus volumineuses de forme irrégulière, à contours indécis, prenant mal des colorants, ont des noyaux multiples. Dans ces zones de tissu d'aspect muqueux on trouve de nombreuses cavités kystiques et des gouttelettes rondes de substance colloïde, plus grosses que les cellules, disposées en petits groupes de trois ou quatre gouttes où bien au contraire plus fines en amas de 12 à 15 gouttelettes ayantl l'aspect de grappes de raisin. Dans ces zones, les vaisseaux ont également des parois formées par les cel¬ lules embryonnaires. Il s'agit en somme d'un sarcome globo-cellulaire en dégénérescence mu¬ queuse et colloïde. D. — FOIE ET VOIE BILIAIRES ENVAHISSEMENT DU FOIE PAR DE NOMBREUX ASCARIS Abcès multiple du foie. — Péritonite. — Mort Par A. DEGORGE (1) Bien que l'envahissement du foie par les ascaris et la production d'abcès causés dans cet organe par ces parasites soient des faits bien connus, il m'a paru intéressant de rapporter cette observation à cause de son intérêt clinique et du nombre extraordinaire de vers qui avaient pénétré dans les voies bi¬ liaires. Une enfant, âgée de 7 ans, entrait à l'hôpital indigène de Hanoi le 8 août 1012, pour des douleurs abdominales extrêmement vives. Les douleurs étaient apparues il y a environ deux mois, mais c'est surtout depuis trois semaines qu'elles étaient devenues intenses. Elles surxenaient pai crises. Pendant ces crises l'enfant poussait des cris, était très agitée, pressait la région épigastrique avec ses mains et paraissait souffrir atrocement. L'examen de l'abdomen révélait l'existence d'une voussure siégeant à droite de la ligne médiane au-dessous du rebord costal. La palpation permettait de constater à ce niveau une masse arrondie, lisse, de consistance un peu molle, du volume d'une mandarine se continuant avec le foie, débordant le rebord costal de trois travers de doigt. La palpation en était douloureuse. La percus¬ sion dénotait de la matité se continuant avec celle du foie, en dehors, de cette tuméfaction le foie débordait le rebord costal d'un travers de doigt environ. En haut, la matité hépatique remontait jusqu'au mamelon. L'examen des autres organes ne présentait rien d'anormal. L'état général était très mauvais. L'enfant était pâle, émaciée. Elle ne pré¬ sentait pas d'ictère. Il y avait dei la constipation et de la perte complète de l'appétit. Les nuit étaient très agitées. L'enfant transpirait abondamment pen¬ dant la nuit. La température oscillait entre 39° et 40°. L'examen du sang décela la présence d'hématozoaires. L'examen des selles r.e put être pratiqué de suite à cause de la constipation. Je pensais qu'il existait un abcès du foie. Néanmoins comme ce diagnostic ne me satisfaisait pas entièrement et comme l'état de l'enfant m'encoura¬ geait peu à opérer, je résolus, avant d'intervenir, d'observer l'enfant quelques jours. Je lui fis faire des injections de quinine et j'y ajoutais quand un examen des selles eut montré la présence d'œufs d'ascaris, un traitement à la san- tonine. La fièvre diminua un peu. L'enfant rendit des ascaris par la bouche (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgiaale de l'Indochine, 1912, p. 663. — 119 — et par l'anus. Les douleurs abdominales ne furent pas sensiblement influencées par le traitement. Mais la tuméfaction hépatique disparut brusquement au bout de trois jours. A partir de ce jour, la température resta peu élevée, entre 37° et 38°. Le pouls devint petit, rapide, puis incomptable. Le ventre était, modérément dou¬ loureux, mais rétracté. Les douleurs étaient toujours extrêmement violentes. L'amaigrissement devenait effrayant. Presque tous les jours des ascaris étaient vomis ou rendus avec les selles. 11 était évident que l'enfant était atteinte de péritonite. Mais la gravité de son état me fit renoncer à pratiquer une intervention que je jugeais inutile. Cet état se prolongea cependant plus longtemps que je ne le pensais. La mort survint seulement le 23 août. A l'autopsie on trouva de la péritonite généralisée. Les anses intestinales étaient agglutinées ; du pus verdàtre était répandu dans le péritoine en très faible quantité. Un ascaris se trouvait dans la cavité péritonéale au-dessous du foie. Le foie très adhérent au diaphragme était bosselé d'élevures violacées ou jaunâtres. Près du bord antérieur, à gauche de la vésicule, la face convexe présentait une fistule qui conduisait dans une cavité d'abcès grosse comme un œuf, ouverte spontanément. A la coupe on reconnut que je foie était criblé d'abcès de la dimension d'une noisette ou d'une noix. Dans les cavités de ces abcès faisaient saillie de nom¬ breux ascaris. Les voies biliaires très dilatées en étaient remplies. On en trouvait quatre ou cinq pressés les uns contre les autres dans un même canal biliaire. Il y en avait au moinç cinquante. Tous étaient de petite taille et avaient sans doute pu envahir le foie en aussi grand nombre quand leur dévelop¬ pement était encore peu avancé, peut-être même très peu de temps après leur éclosion. La vésicule biliaire n'en contenait aucun. Les bases des deux poumons étaient fort adhérentes au diaphragme et le poumon droit présentait de la congestion à sa base. Les coups histologiques montraient des anneaux de tissu scléreux autour des espaces portes. De ces anneaux partaient en certains points des bandes de tissu scléreux qui tendaient à rejoindre d'autres anneaux scléreux. Des abcès miliairës s'observaient autour de certains espaces portes. Les cellules hépa¬ tiques ne paraissaient pas altérées dans leur ensemblj. Les lésions étaient en somme des lésions d'angiocholite chronique avec en certains points une ébauche de cirrhose biliaire. CALCULS DES CONDUITS BILIAIRES DEVELOPPES autour d'oeuf et de débris d'ascaris. Par le Dr ARMAND DEGORGE (1) La lilhiase miliaire ne paraît pas fréquente chez les Annamites. Le seul cas où j'ai eu à intervenir chirurgicalement pour des accidents de lithiase biliaire est fort particulier puisque les calculs trouvés dans les conduits biliaires s'étaient développés autour de débris de parasites. Par contre le parasitisme du foie n'est pas rare. On connaît la fréquence des douves du foie chez les Annamites. L'envahissement des voies biliaires par les ascaris s'observe de temps à autre. J'ai rapporté autrefois un cas de coliques hépatiques violentes, suivies de mort, chez une femme Annamite qui présen¬ tait, à l'autopsie, un ascaris adulte dans le canal cholédoque. J'ai publié éga¬ lement une observation d'abcès multiples du foie chez un enfant dont les conduits biliaires étaient remplis par une multitude d'ascaris (2). Dans l'observation que j'apporte aujourd'hui, un ascaris a pénétré dans les conduits biliaires. 11 y est mort. Mais a.utour de son cadavre et des œufs qu'il avait produits se sont formés des calculs biliaires. Secondairement, l'in¬ fection des voies biliaires a sans doute déterminé la production de calculs dans le .canal cholédoque, car ce canal présentait plusieurs calculs très différents précédents comme forme et comme couleur. Aucun corps étranger ne fut trouvé dans ces calculs du cholédoque. Le malade souffrant de violentes crises de coliques hépatiques, souvent ré¬ pétées, fut opéré. L'incision du cholédoque permit de retirer plusieurs calculs biliaires. Un drainage du canal hépatique fut établi. Le malade guérit de l'opé- rati.on, mais continua à souffrir et succomba près de 6 mois après à une tuber¬ culose pulmonaire à évolution rapide. Observation I Un homme de 43 ans, ouvrier bijoutier, entrp à l'hôpital, le 2 juin 1918, pour les douleurs se manifestant dans la partie supérieure de l'abdomen. Le malade se plaint de ces douleurs depuis environ sept ans. Les douleurs siègent dans le flanc droit, à l'épigastre et même dans le dos. L'ingestion des aliments augmente leur intensité. Les douleurs sont plus vives dans la position couchée que dans la position assise. Les crises douloureuses surviennent à des heures variables mais plus fréquemment après les rppas. Elles apparaissent le plus souvent dans l'après-midi et durent toute (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, 1917- 1921 p. 48. (2) Dégorgé : Envahissement du l'oie par de nombreux ascaris, abcès multiples du foie. Péritonite. Mort. In Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, année ,1912, p. 664. — 121 — la nuil. Elles sont, souvent accompagnées de vomissements d'aliments ou de liquidé acide. Les crises reviennent parfois au bout de quatre ou cinq jours, parfois au bout d une ou dpux semaines. Depuis l'entrée à l'hôpital le malade a une crise tous les trois ou quatre jours. il n'y a pas de constipation, ni de diarrhée. Le malade est dans un état général relativement satisfaisant. Il parait cependant un peu anémié. 11 existe un lége décembre 1907, le chinois P... L... K..., âgé de 34 ans, entrait à l'Hôpital indigène de Hanoi, dans le service du Docteur Le Roy des Barres. Depuis plusieurs mois il présentait des urines purulentes et avait de vives dou¬ leurs hypogastriques, avec des interruptions brusques de la miction. Après désinfection préalable des voies urinaires, une taille hypogastrique fut prati¬ quée le 19 janvier 1908, et le malade sortait le 12 février complètement guéri. On avait extrait un calcul de la grosseur d'un œuf de poule, pesant 55 grammes, ayant 7 centimètres de long, 39 mms sur 30 dans sa section la plus large, et, dont la moitié, obtenue en sciant le calcul, fut laissée sur sa demande au propriétaire. C'est l'analysé de ce calcul, intéressant et par sa composition, et surtout par son noyau, que l'on trouvera plus bas. Le calcul se présente sous forme d'un œuf blanc sale extérieurement, légè¬ rement grumeleux et mamelonné ; en section il paraît formé par la réunion de 3 calculs pentagonaux accolés puis fondus en un seul. De l'intérieur à l'extérieur on trouve successivement, pour chaque calcul un noyau tendre de ]/2 à 1 mm, entouré d'une substance blanc gris limitée par une zone violette circulaire ; une deuxième couche grise, une zone violette nettement pentago- nale ; les calculs sont alors réunis par une zone violette très mince les entourant tous trois et l'on trouve ensuite des couches grise-violette, grise-bleue, et enfin à l'extérieur une couche blanc gris très dure. Le temps in'ayant manqué, je n'ai pu séparer les diverses couches que fin février, chaque portion obtenue étant soigneusement mise de côté, et l'ana¬ lyse définitive n'a été faite qu'en juillet. Au fur et à mesure de la dessication, les teintes, vives au début, allaient s'atténuant. C'est ainsi que la couche bleue était devenue gris bleue, et la zone violette rose sale. En février, après un mois de dessication, la moitié de calcul mise à ma disposition, pesait encore 25 grammes. En raclant à partir de l'extérieur, j'ai trouvé successivement : Une couche blanche mamelonnée très dure ; Une couche blanche et bleue très dure ; Une couche bleue très dure ; Une couche blanche moins dure. Publié dans la « Revue médicale de l'Indochine française », lre année, 1908, n° 9. — 142 — A ce moment le calcul, formé d'une masse rose sale s'est brisé ; la partie la plus tendre avoisinant immédiatement le noyau a été recueillie à part, donnant une 6e portion, la 5e étant constituée par la grosse masse ainsi brisée. Quant au noyau, il était constitué, pour l'un des calculs par un petit fragment cylindrique de 8 mm. de long, pour les deux autres par les extrémités d'un cylindre identique au précédent, courbé en anse, d'environ 1 mm de dia¬ mètre sur' 54 mrns de long. Analyse du calcul. Dans chacune des fi portions précédentes examinées j'ai trouvé de l'acide urique, de l'ammoniaque, de l'acide phosphorique, de la chaux, de la ma¬ gnésie, aucune ne contenait d'oxalatff ; aussi ont-elles été mélangées pour le dosage des divers éléments. Les pigments biliaires, J'indican ont été recherchés sans succès dans les parties colorées, la cholestérine dans l'ensemble ; je n'ai également pu cons¬ tater la présence que de traces de chlorures dans 1 gramme du calcul. Les méthodes employées pour les dosages ont été celles habituellement en usage ; l'acide phosphorique et la magnésie ont été dosés à l'état de phosphate ammoniaco-magnésien transformé en pyrophosphate ; la chaux à l'état d'oxa- late calciné puis transformé en sulfate (1 gr. 60 de calcul) a été traité par l'acide chlorhvdrique, le volume complété à 100 cc. et chaque dosage effectué sur 20 cc. du liquide filtré) ; l'ammoniaque successivement sur 0 gr. 50 et 1 gr. par le procédé Schlœsing (on a pris la moyenne des résultats, sensible¬ ment identique, 5,27 et 5. 18) l'acide urique successivement par les procédés Denigès (sur 0 gr. 21) et Ronchèse (sur 0 gr. 50) le chiffre obtenu par ce dernier procédé étant considéré comme bon (15,4 %) le procédé Denigès ayant donné 16). • Les résultats obtenus ont été les suivants : Perte à 100 26,47 % (1) Cendres 45,12 Perte au rouge (par différence) 28,41 Acide urique 15.4 Ammoniaque 5,22 Chaux en Cao 8,717 Magnésie en Mg. 0 8,626 Anhydride phosphorique P O 5 26,84 ce qui correspond sensiblement à la composition centésimale suivante : Urate d'ammonique 16,96 Phosphate ammoniaco-magnésien .... 52,80 Phosphate bicalcique 26,70 Divers, eau, organ. (par différence) .. 3,54 Noyau. Les cylindres trouvés avaient l'aspect de pétioles de feuille autour desquels il serait resté une portion de limbe ; mis dans l'eau et déroulés, on a pu cons- (1) Il n'est pas possible de dire eau %, les phosphates bicalcique et ammoniaco- magnésien perdant une partie de leur eau d'e cristallisation et de l'ammoniaque à cc-tte température, mais ne les perdant pas complètement. — 143.— tuler qu'ils étaient formés par un limbe de monocotylédone roulé ; le plus grand développé a 54 mm. de long sur 21 mm. de large. Les nervures parallèles se voient très nettement à la surface du limbe qui est très mince ; une coupe n'a donné aucune indication sur la plante et n'a pas permis de déterminer la feuille à laquelle elle appartient ; on y voit en effet des faisceaux parallèles, contenant des vaisseaux spiralés, mais rien autre de particulier. Le chinois interrogé, a soutenu qu'il ne s'étail jamais introduit aucun corps étranger dans la vessie, de sorte qu'il n'est pas possible de dire si cette feuille y a été introduite volontairement à titre de médicament ou accidentellement pour un autre motif. Toujours est-il qu'on doit attribuer la formation de ce calcul à la condensation autour d'un limbe roulé de 12 à 14- cts de long ayant pris dans la vessie la forme encontre, de produits de condensation de l'urine ayant d'abord donné 3 calculs distincts qui, grossissant peu à peu et s'agglo- rnérant, oui donné l'œuf de poule extrait le 19 janvier. H. — OS KYSTE HÉMATIQUE DU CUBITUS Par M. DEGORGE (1) (Examen radiographique par le Dr Heymann. Examen histologique par le D1 Bablet) (1) La question des kystes sanguins des os est revenue récemment à l'ordre du jour et plusieurs communications ont été faites à ce sujet, en particulier à la Société de Chirurgie de Paris. Nous avons donc cru intéressant de publier cette observation bien qu'il s'agisse d'un cas un peu spécial, le malade étant anémique et hémophile. Un enfant annamite de 12 ans entre dans notre service le 20 février dernier, pour une-tumeur de l'avant-bras gauche et une tumeur du cou de pied droit. Les antécédents de cet enfant méritent d'être signalés. Les parents sont bien portants. Mais sur cinq frères du malade, quatre sont morts en bas-âge de maladies indéterminées. Un autre est mort à 8 ans d'hémorrhagie consé¬ cutive à une coupure de l'index. L'enfant aurait eu vers l'âge de 5 mois une tumeur grosse comme le poing eu niveau des bourses, de teinte ecchymotique, développée en quelques jours er, qui se serait résorbée spontanément. D'autres tumeurs du même genre seraient apparues à la tête au genou et se seraient résorbées lentement. Enfin, l'enfant a eu à quatre reprises des hérnorrhagies gingivales durant de 7 à 15 jours. La tumeur du coude date de deux ans environ et s'est développée lentement, sans douleur accentuée. Il y a cinq mois une deuxième tumeur est apparue au-dessous de la malléole externe du pied droit. L'enfant est maigre et d'une pâleur cireuse. La tumeur de l'avant-bras gauche est globuleuse, de coloration violacée, et s'étend de la face postérieure du coude jusqu'au tiers inférieur de l'avant- bias. Elle est molle et fait corps avec les tissus profonds. On ne sent nulle part de coque osseuse. Pas de ganglions dans l'aisselle. La tumeur du cou-de-pied droit est molle, grosse comme un œuf, adhé¬ rente à la profondeur, et siège à la face externe du calcanéum. Le volume de la rate est normal. La numération globulaire pratiquée par le Dr Lamoureux montre 1.930.000 globules rouges, 5.700 globules blancs par millimètre cube. Hémoglobine 20 pour cent. (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale, 1926, page 285. — 145 — Formule leucocytaire : Polynucléaires 84 Mononucléaires 11 Lymphocytes 3 Formes intermédiaires 2 Eosinophiles 0 L'examen des selles montre la présence d'œufs d'ankylostomes. Intervention le 26 février 1926. Une incision pratiquée au niveau de la tumeur à la face postérieure de F avant-bras permet de pénétrer dans une vaste cavité remplie de caillots. Les parois de cette cavité sont lisses, ne saignent pas et sont constituées par places par une mince lame osseuse souple. On prélève un fragment de la paroi au point le plus résistant. Les ciseaux la coupent avec facilité. Au pied, une petite incision donne issue à un jet de sang liquide qu'il est difficile d'arrêter. Nous n'insistons pas et faisons un pansement compressif qu'il faut renouveler dans la journée. On injecte 10 centimètres cubes de sérum antitétanique le jour l'opération et du sérum antistreptococcique les jours suivants. Le malade a de la fièvre à grandes oscillations pendant une dizaine de jours. À partir du 7 mars, la fièvre cesse et l'état général s'améliore sensible¬ ment. La plaie de l'avant-bras est en bonne voie de guérison. Le 15 mars, le malade sort, malgré nos conseils, sa plaie étant en bon état mais non cicatrisée. Il n'a pas été revu depuis. Note de M. Heymann Examen radioscopique. — L'examen radiologique de l'avant-bras de ce malade montre une tumeur développée nettement aux dépens du cubitus. En effet, les deux tiers supérieurs de cet os présentent une structure fibril- laire très nette, structure s'épanouissant au niveau de l'olécrâne en deux ou trois aréoles. De la diaphyse ainsi constituée partent une série de cloisonne¬ ments délimitant des espaces à forme variable. La distinction entre le tissu compact et le canal médullaire à complètement disparu. Le point d'ossifica¬ tion olécrânien apparaît nettement. Le radius est absolument intact. A signaler que ce malade présente une lésion similaire au niveau de l'astra¬ gale du même côté. Les symptômes radiologiques semblent se rapporter à deux ordres de lésions osseuses, soit ostéo-saroorrie, soit kvste osseux hématique. La ponction de la tumeur faite par le Dr Degorce confirme la dernière hypothèse. Note de M. Bablet Examen histologique. — Tissu de granulation riche en plasmocytes encadré par de larges plages très découpées de collagène. Quelques travées de substance amorphe chondroïde ou osléoïde emprisonnant de rares cellules à cytoplasme très réduit. Exsudats fibrineux très abondants au voisinage des¬ quels on note une hématophagie intense. Vaisseaux nombreux, capillaires pour la plupart, sans anomalies. En résumé, tissu d'inflammation chronique réalisant par places l'aspect du cartilage et même de l'os néoformé. 1. — CRANE, FACE, ORBITE, NEZ, FOSSpS NASALES OSTÉITE DU FRONTAL Séquestre formé aux dépens de la paroi antérieure du sinus frontal. Ectropion cicatriciel — Ablation du séquestre. Réfection de la paupière. Par le Dr A. DEGORCE (1) Nguyên-van-Loi, âgé de 16 ans, entre à l'Hôpital indigène le 28 février 1907. Le début de la maladie remonte à sept mois. Le malade aurait eu d'abord de la fièvre, des maux de tête, des vertiges. Au cours de ces accidents mor¬ bides, il aurait fait une chute et le front aurait porté sur l'angle d'un meuble Il y a lieu d'attacher peu d'importance à ces racontars du malade, car les indigènes déforment fréquemment l'histoire de leur maladie pour l'adapter à leurs idées pathogéniques. Un abcès survint dans la région du sourcil gauche environ un mois après la chute. L'ouverture de l'œil gauche était impossible. L'abcès s'ouvrit spontanément puis laissa une fistule. La paupière supérieure commença à s'éverser en dehors trois mois environ après la formation de 1 abcès. Etat du malade lors de son entrée. — Ectropion de toute la paupière supé¬ rieure de l'œil gauche. La muqueuse conjonctivale est éversée en totalité, rouge, hypertrophiée. La face cutanée de la paupière est réduite à une bande de deux ou trois millimètres, rétractée, adhérente aux tissus profonds et au rebord orbitaire. Le bord palpébral est donc étroitement adhérent à la région sourcilière. Au niveau du rebord orbitaire, on aperçoit en attirant en haut le sourcil (fig. 2) un orifice fistuleux irrégulier bordé d'un mince bourrelet rosé. A travers cet orifice on aperçoit une surface osseuse dénudée, grisâtre. La fistule suppure légèrement. L'occlusion de l'œil est impossible. Elle se fait seulement partiellement grâce au bourrelet de la partie de la conjonctive palpébrale supérieure, la plus voisine du fond du cul-de-sac. La conjonctive oculaire est un peu rouge. La cornée est un peu trouble et piésente une ulcération superficielle. L'œil est fortement dévié en dedans ei en bas. Le globe oculaire ne peut être tourné avec persistance en dehors. (1) Publié dans le Bulletin médical de l'Indochine française, 2e année, n° 19, 1907. — 147 — L'œil droit est normal. Opération le ^ mars 1907. — Par une incision parallèle au rebord orbitaire, je libère ce qui reste de la face cutanée de la paupière supérieure de ses adhé¬ rences profondes. L'incision passe à travers l'orifice fistuleux. Cet orifice étant ainsi élargi, je puis mobiliser, mais non extraire le séquestre osseux que l'on apercevait par la fistule. Je dois pour l'extraire brancher sur ma première incision une incision oblique en haut et en dedans. J'extrais alors un séquestre large de trois centimètres environ et haut de deux centimètres et demi, repré¬ sentant la paroi antérieure du sinus frontal gauche et allant de l'orifice fistu¬ leux à la ligne médiane. Le sinus reste fermé seulement par une membrane c'épressible. Pour remplacer la face cutanée de la paupière, détruite par l'ancienne sup¬ puration, je prends un lambeau cutané à pédicule inférieur sur la tempe gau¬ che et je le tords en dedans pour combler la perte de substance palpébrale. Je suture le tout sauf l'extrémité supérieure de l'incision qui a servi à libérer le séquestre et qui sert, au drainage. Sutures int.radernmiques. L'œil peut êtpe fort bien fermé à la fin de l'opération. Mais la muqueuse conjonctivale palpébrale hypertrophiée vient faire saillie au dehors du bord papébral et fait hernie dans l'occlusion de l'œil. Pansement sec aseptique. Suites opératoires normales. — Le 6 ablation de la mèche de drainage. Pan¬ sement humide à l'eau bouillie. Le 10 mars. — La réunion est parfaite. Il reste seulement une petite plaie rosée, ne suppurant pas, au niveau de l'orifice de drainage. Le 20 mars. ■— La cicatrisation est complète. Mais l'ectropion tend à se reproduire. La kératite va mieux. Tout pansement est supprimé. Pendant le mois d'avril et le mois de mai, on fait à diverses reprises, sur la conjonctive palpébrale hypertrophiée, des raies de feu parallèles au rebord palpébral. à l'aide de la pointe fine du thermocantère. Le résultat de ce trai¬ tement est excellent. Le 27 juin. — Le malade n'avait plus d'ectropion, ni de hernie de la mu¬ queuse conjonctivale. L'occlusion de l'œil se faisait presque compètement. Seule une petite fente de 2 millimètres de large séparait les deux bords pal- pébraux dans l'occlusion. L'ulcère cornéen était guéri depuis longtemps. Une petite taie de la cornée persistait. Le résultat esthétique était très satisfaisant. On garde encore le malade pour soigner la taie de la cornée. Le 9 juillet. — Le malade sort de l'hôpital. La taie cornéenne a notablement diminué. La vision de l'œil gauche est nette. NOTE SUR UN CAS D'HEMATOME VOLUMINEUX du cuir chevelu survenu à l'occasion d'un traumatisme insignifiant chez un enfant atteint d'ostéite syphilitique des os de la voûte crânienne. Par A. LE ROY DES BARRES (1) Observation le nommé B.... Van H...., âgé de 15 ans, entre dans notre service le 29 mai 1923 pour une tuméfaction volumineuse des régions frontale et pariétale droite remon¬ tant, aux dires du malade, à 5 jours et qui se serait produite dans les conditions suivantes : au cours d'une querelle avec un de ses camarades, ce dernier le saisit aux cheveux au niveau de la région pariétale droite, la douleur fut assez vive à ce moment, mais disparût rapidement, pour ne laisser subsister qu'une légère sensation de cuisson. Le lendemain à son réveil, B... Van H... constata un léger gonflement de toute la région frontale et de la partie antérieure d'e la région pariétale droite. Ce gonflement, qui était mou, n'était nullement douloureux, et, si ce n'était son accroissement progressif les jours suivants, notre malade ne s'en serait pas inquiété, car il ne s'accompagnait d'aucun symptôme, ni fièvre ni cé¬ phalée. Voyant que la tumeur s'accroissait sans cesse, B... Van H... se décide à entrer dans notre service. C'est un enfant de taille normale, d'intelligence ordinaire, bien constitué, et ne présentant aucun stigmate de syphilis hériditaire. Comme antécédents hériditaires, nous n'obtenons aucun renseignement bien piéciç, son père est. vivant et en bonne santé ; sa mère est morte il y a 2 ans de cause inconnue ; il est le premier enfant des 3 que sa mère a mis au monde, le dernier est mort à l'âge de 2 ans de cause inconnue ; son frère survivant est bien portant. Les antécédents personnels sont nuls. A l'examen de la partie malade, on constate une volumineuse tumeur aplatie occupant toute la région frontale et la partie antérieure de la région pariétale droite ; cette tumeur est fluctuante, et se laisse déprimer, on sent alors que l'os sous-jacent est irrégulier et présente des dépressions à contours arrondis, mais irréguliers. La palpation est indolore. Une ponction est faîte qui permet de retirer 60 cnv3 environ d'un liquide sero- sanguinolent renfermant quelques petits caillots. Après la ponction, la palpation du plan osseux est des plus faciles et l'on se rend compte que toute la partie droite et la portion la plus- interne d'e la partie gauche de l'os frontal, ainsi que toute la partie antérieure du pariétal droit, sont les sièges d'une vaste érosion il fond inégal, à bords pol y cycliques, ayant vaguement la forme d'un croissant il concavité regardant en haut et un peu à gauche ; la partie la plus large du crois¬ sant correspondant à la bosse frontale droite. Il semble, qu'il persiste, par places, (1) Publié dans le Bulletin de la Société médico-chirurgicale, 1924, page 6. — 149 — quelques îlots de table intense qui t'ont, une légère saillie au milieu de l'érosion. Lu pansement compressif est appliqué. Devant l'aspect des lésions, on pense, en dehors de tout autre stigmate à la possibilité d'une lésion syphilitique hérédi¬ taire et une réaction de Bauer est demandée au laboratoire. Deux jours après, l'épanchement s étant reproduit, une nouvelle ponction est pratiquée qui permet de retirer 90 cm3 d'un liquidé identique à celui obtenu par lu lle ponction. Il semble à la palpation que l'érosion s'est agrandie. La réponse du laboratoire ayant conclu à la syphilis, un traitement mercuriel (Cyanure de mercure intraveineux) et arsenical (sull'arsénol intraveineux) est ins¬ titué. L'épanchement, qui s'était légèrement reproduit pendant les jours qu'il avait suivi la deuxième ponction, se résorbe peu à peu et le 11 juin le pansement com¬ pressif est supprimé. A partir de cette date, on constate par palpation, le comble¬ ment compressif de l'érosion eti quand le malade quitte le service, le 3 juillet, i! ne restait plus qu'une dépression à peine perceptible. Cette observation nous a paru intéressante à porter à cause de traumatisme in¬ signifiant qui déclancha l'hématome et fit découvrir cette ostéite, qui aurait fort bien pu ne manifester d'une manière apparente que bien plus tara. (L'observation de ce malade a été prise par le D1' Petrault). NOTE SUR UN FIBRO-LIPOME PËRIOSTIQUE du maxillaire inférieur pesant 22 livres. Par LE ROY DES BARRES et MONZELS (1) Le malade dont nous reproduisons la photographie était âgé de 25 ans. Depuis l'âge de 10 ans, il avait remarqué une tuméfaction siégeant au niveau de la symphyse mentonnière ; cette tuméfaction non douloureuse s'accrût peu à peu et il n'y a guère que trois ou quatre années qu'elle devint gênante par son volume. La tumeur s'étendait en largeur jusqu'au milieu des deux clavicules, et en bas elle descendait à deux travers de doigt au-dessous de l'appendice xyplioïde. La peau sillonnée de grosses veines, dont quelques-unes atteignaient le calibre du pouce, présentait par place des ulcérations superficielles. La consistance de la tumeur était dure, la palpation permettait de sentir plusieurs lobes, la tumeur faisait saillie à l'intérieur de la bouche et soulevait la langue. Le malade très amaigri, d'un mauvais état général, présentait une gêne respiratoire considérable depuis plusieurs mois ; le refoulement de la langue par la tumeur entravait également l'alimentation. L'extirpation de cette tumeur fut enti ssprise et se présentait comme facile lorsque le malade succomba au cours de la chloroformisation. La tumeur pesait 22 livres, elle adhérait au bord inférieur et à la face interne de corps du maxillaire inférieur ; le corps de cet os était aplati d'avant, en arrière ne mesurant pas plus d'1/4 de centimètre, par contre sa hauteur attei¬ gnait huit centimètres (non compris les dents). L'examen histologique de la tumeur pratiquée par le Dr Degorce montre qu'il s'agissait d'un fibro lipome sans aucun élément-sarcomateux. (1) Publié dans le « Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine », année 1914, n° 9, page 373. VOLUMINEUX MOLLUSCUM FIBREUX DE LA FACE Par LE ROY DES BARRES et DEGORGE (1) Les dormo-fibromatoses pigmentaires sont fréquentes chez les Annamites. Dans certains cas les tumeurs cutanées peuvent prendre un développement considérable. Cette observation en est un exemple. Une femme de 59 ans, mendiante, est entrée à l'Hôpital indigène le 16 juin 1910 pour se faire enlever une volumineuse tumeur molle de la face qu'elle portait depuis plusieurs années déjà. La tumeur défigurait la malade et lui donnait un aspect monstrueux. Toute la moitié droite de la face était transformée en une masse molle trilobée qui pendait au devant du cou jusqu'au niveau de la clavicule. Le lobe supérieur correspondait à la peau du front et du sourcil. Le sourcil distendu avait des dimensions presque triples de celles du sourcil opposé. Si on relevait ce lobe supérieur, on apercevait la fente palpébrale cachée au fond d'un sillon profond, de dimension à peu près normale, mais forte¬ ment déjetée en dehors et ne correspondant plus au globe oculaire. Le globe oculaire pouvait être aperçu si on ramenait la fente palpébrale à sa place. Il était normal. Des deux lobes inférieurs, l'un antérieur correspondait à la peau de la partie droite du nez, à la partie droite de la lèvre supérieure et à la joue droite, le postérieur représentait la peau de la région parotidienne. La narine droite étalée, affaissée, inutilisable, avait acquis des dimensions quadruples des dimensions normales. Tout autour de cette narine, les orifices des glandes sébacées étaient considérablement dilatés. Ils sont très visibles sur les photographies. La moitié droite de la lèvre supérieure avait également acquis des dimensions énormes et la commissure droite pendait jusqu'au niveau de la clavicule. La partie latérale droite du cuir chevelu prenait part au même processus de dégénérescence. Mais elle ne pendait pas comme celle de la face. Le reste du cuir chevelu, la peau de la moitié gauche de la face et celle du menton tout entier, les deux oreilles et la peau du cou étaient d'apparence normale. La peau qui recouvrait la tumeur était de coloration normale. La consistance de la tumeur demi-molle, un peu ferme par places. La peau était mobile sur la tumeur. Il était impossible de limiter par le palper ces masses dans la profondeur. Elles semblaient comprendre tous les tissus mous de parties envahies. L'examen de la malade montra qu'elle présentait sur le corps et les membres quelques autres petites tumeurs cutanées molles dont la dimension variait d'un pois à un œuf. La peau présentait en outre de nombreuses petites taches pigmentaires. (1) Publié dans le a Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine », 1911. — 152 — L'état mental de cette femme était des plus inférieurs. Il s'agissait en somme d'un cas de maladie Recklingiiausen qui se particulari¬ sait seulement par l'énorme développement d'une des tumeurs cutanées. Dans le but de rétablir la vision de l'œil droit et pour essayer de rendre à cette femme une figure humaine, nous l'opérâmes le 17 juin. Nous enlevâmes tout ce que nous pûmes des masses exubérantes sans obte¬ nir d'ailleurs un résultat esthétique satisfaisant. La tumeur était très vasculaire. Tous les tissus étaient transformés en une même masse gris jaunâtre, fibreuse par place, un peu gélatineuse en d'autres points. On n'y voyait plus traces de muscles. Craignant d'affaiblir trop la malade, nous renonçâmes à toucher aux pau¬ pières dans cette première séance. Le 12 août, la réparation de la région oculaire fut entreprise. De larges tran¬ ches de masses dégénérées furent réséquées au niveau des paupières et de sourcil. On peut parvenir à placer la fente palpébrale en bonne place. Mais les paupières restaient immobiles et ne pouvaient être ouvertes spontanément. L'aspect du visage était moins repoussant. C'était le seul résultat obtenu. La malade fut prise de diarrhée peu de temps après cette seconde opération. Elle devint rapidement cachectique et mourut le 1er novembre 1910. L'examen histologique de la tumeur montra qu'elle était formée de tissus fibreux à faisceaux assez denses. L'épidernie était séparé des masses fibreuses par une couche de derme normal. De nombreux vaisseaux sanguins parcouraient la tumeur et vous pourrez retrouver sur les coupes que nous vous présentons de nombreux rameaux nerveux, dont certains présentent des renflements. Il s'agit donc d'un de ces volumineux mollusciun fibreux appartenant aux cas qu'Ai.ibert désignit sous le nom de Dermatolysie, et qui d'après l'histo¬ logie sont des dermato-fibromes. Au point de vue chirurgical, il y a peu à faire dans de semblables cas, car les lésions ne sont pas limitées. Tous les tissus mous de la région envahie sont, transformés en tissu fibreux. Les muscles sont détruits. Il est impossible de icstituer à la région sa forme normale et l'opération peut simplement servir à diminuer le volume de la tumeur. LIPOME PERIOSTIQUE de la paupière supérieure droite avec insertion dans l'orbite. Par le Dr LE ROY DES BARRES (1) Le nommé Nguyên-van-Thuy, âgé de 16 ans, entre dans notre service à l'Hôpital du Protectorat le 5 septembre 1906. 11 est porteur depuis cinq ans d'une tumeur de la paupière supérieure droite. Cette tumeur a commencé par une petite induration profonde au niveau de la partie médiane du rebord orbitaire, puis elle s'est accrue progressive¬ ment sans jamais occasionner de douleurs, et a acquis ainsi le volume d'une grosse noix. Les mouvements de la paupière supérieure ont été de plus en plus difficiles, et actuellement c'est avec peine que le malade la soulève. Par la palpation, on constate que cette tumeur est assez mollasse, non fluc¬ tuante, non réductible, bien limitée dans sa partie accessible, car la portion supérieure de la tumeur s'enfonce dans l'orbite. Une palpation attentive permet de percevoir une consistance finement lobulée. La peau et la conjonctive palpébrale sont mobiles sur cette tumeur et d'aspect normal ; il n'existe pas de dilatations veineuses sous-cutanées. L'œil est intact, sa vision est normale. Le diagnostic porté est celui de lipome de la paupière supérieure à point de départ peut-être périostique. L'opération est pratiquée le 8 après anesthésie locale à la cocaïne; deux incisions limitant un lambeau biconvexe sont faites, et l'excédent de peau est ainsi enlevé. Les fibres de l'orbiculaire qui sont étalées à la face externe de la tumeur, sont séparées suivant une ligne horizontale et la tumeur apparaît entourée d'une capsule conjonctive. L'isolement est poursuivi sans difficulté jusqu'à la partie supérieure de la tumeur, où un pédicule fibreux épais et court relie celle-ci à la paroi supérieure de l'orbite, à un demi-centimètre du rebord orbitaire, et tout à côté de la fossette trochléaire. Une mèche est placée au fond de la cavité qui résulte de l'ablation de la tumeur, puis la plaie est réunie par trois points. Le lendemain l'opéré a un accès de fièvre paludéen léger qui cède à la quinine. La mèche est enlevée le troisième jour, les fils sont coupés le cinquième. La plaie est entièrement cicatrisée deux jours après. L'examen macroscopique et microscopique de la tumeur montre qu'il s'agit d'un lipome, avec éléments fibreux denses au niveau du pédicule qui reliait la tumeur au périoste. (1) Publié dans le « Bulletin médical de l'Indochine française », 2e année, 1907, n° 8. * UN CAS D'ACNE HYPERTROPHIQUE DU NEZ Par LE ROY DES BARRES (1) Le nommé D... van P... entre dans notre service à l'Hôpital indigène du Protectorat à Hanoi le 31 octobre 1908. Il présente depuis plusieurs années (10 ans environ) une hypertrophie assez considérable du nez, qui, si elle ne le gêne en aucune façon, lui est cependant fort désagréable au point de vue esthétique, et qui depuis quatre ou cinq ans augmente peu à. peu. Les antécédents personnels et héréditaires du malade ne présentent aucune particularité digne d'intérêt, sauf ce fait que depuis une quinzaine d'années, 1" malade présentait assez souvent des poussées d'acné sur la face, avec pré¬ dominance sur le nez. Ces poussées coïncidaient la plupart du temps avec l'époque d'apparition de la saison chaude ; il y a une douzaine d'années que le volume du nez a commencé à augmenter, mais il n'y a hypertrophie notable que depuis dix ans. Contre cet acné, les premières années, notre malade ne fit rien ; les années suivantes il appliqua les médicaments les plus divers, sans autre résultat que l'augmentation du volume de son nez, augmen¬ tation surtout accusée depuis l'année dernière. Actuellement la lésion présente sous l'aspect suivant : la configuration gé¬ nérale du nez est conservée, et l'hypertrophie jiorte sur tout l'organe, avec prédominance au niveau du lobe, celui-ci à le volume d'une prune et tombe sur la lèvre supérieure jusqu'au niveau de la limite de la muqueuse labiale ; les ailes du nez, la sous-cloison sont également hypertrophiées, les orifices antérieures des narines sont un peu plus peti'ts qu'à l'état normal. La surface du nez est irrégulière, parsemée de dépressions cicatricielles extrêmement nombreuses, et parcourue par un réseau très développé de capillaires dilatés. Les fosses nasales, et le pharynx ne présentent aucune lésion. L'intervention pratiquée le 1er novembre consiste en une décortication par¬ tielle du nez. Une incision partie de la racine du nez, est conduite sur le côté gauche de cet organe, parallèlement au pli naso-génien, mais en se tenant à un peu moins de un travers de doigt en dedans de ce pli ; arrivée au niveau de l'orifice antérieur gauche des fosses nasales, l'incision se recourbe en avant suivant le bord antérieur de cet orifice, au niveau de l'union de la muqueuse et de la peau ; au niveau de la sous-cloison, l'incision se dirige en arrière le long du bord interne de l'orifice gauche des fosses nasales en passant à un demi-milli¬ mètre en dedans de la ligne cutanéo-muqueuse ; arrivée à l'endroit où la sous-cloison se réunit à la lèvre supérieure, l'incision se dirige vers l'orifice nasal antérieur droit, dont elle suit alors d'arrière en avant, le bord interne en passant comme précédemment à un demi-millimètre en dedans de la fl) Publié dans la « Revue médicale de l'Indochine française », 2° année, 1909. n" 18. — 155 — ligne cutanéo-muqueuse, puis elle longe ensuite le bord antérieur de l'orifice nasal antérieur droit et enfin vient parallèle au sillon anso-génien rejoindre le point de départ en suivant un trajet absolument identique à celui indiqué pour le côté gauche. 11 est alors facile de décortiquer partiellement le nez et d'enlever un lam¬ beau de peau en forme de fer de lance correspondant au dos du nez et à la partie interne de ses faces latérales, au lobule du nez et à la sous-cloison. Les portions cutanées correspondant à la partie externe des faces latérales du nez, sont alors mobilisées en deux lambeaux, qui sont amenés sur la ligne médiane au contact l'un de l'autre et suturés ; quelques crins rappro¬ chent les muqueuses au niveau de la sous-cloison. Quand l'opération est ter¬ minée il ne reste plus de surface cruentée à nu. Lors de l'ablation des fils, le 6e jour, la réunion est obtenue partout sauf au niveau de la sous-cloison, où un fil a coupé ; les jours suivants la guérison est complète, et le résultat esthétique est des plus satisfaisants. TUMEURS KYSTIQUES SYMETRIQUES DES FOSSES NASALES Par le Dr LE ROY DES BARRES (1) La nommée Ng.-thi-N..., âgée de 50 ans, entre le 21 mars 1907 à l'Hôpital du Protectorat dans notre service, pour faire soigner une conjonctivite gra¬ nuleuse compliquée de Kératite datant de près d'un an. Parmi les antécédents héréditaires de la malade on ne note rien de saillant ; comme antécédents personnels, signalons une atteinte de variole dans son enfance. Aucun stigmate de syphilis n'existe. La malade a eu cinq enfants, quatre enfants sont morts des maladies infectieuses diverses (variole 2, gastro¬ entérite aiguë 2). Ce qui frappe à l'examen de la malade, c'est Pépatement du nez et l'obli¬ tération presque complète des narines. En interrogeant la malade, celle-ci déclare que ce gonflement du nez et cette oblitération des narines sont de date récente (deux mois environ). Les deux côtés du nez ont augmenté de volume en même temps, et en quelques jours (une vingtaine), les deux ailes du nez ont présenté une tuméfaction du volume d'une noisette. La tuméfaction de l'aile droite continua à augmenter de vo¬ lume et devint grosse comme une noix en une dizaine de jours ; puis à son tour la tuméfaction do l'aile gauche augmentait, atteignait les mêmes dimen¬ sions, pendant que la tuméfaction de droite diminuait. Cette tuméfaction s'accompagna rapidement d'une gêne considérable de la respiration nasale. Mais cette affection n'inquiétait pas la malade qui ne serait pas entrée à Lhôpital si une poussée aiguë de kératite ne l'avait pas fait souffrir. La palpation permet de constater une fluctuation très nette au niveau des fumeurs. La rhinoscopie antérieure est impossible à cause de la saillie faite par ces tuméfactions au niveau des narines. La peau qui recouvre les tumeurs, en dehors, et la muqueuse qui les re¬ couvre en dedans des fosses nasales sont normales et indépendantes d'elles. Une ponction pratiquée à la seringue de Pravaz donne issue à un liquide sirupeux, légèrement rougeâtre. Opération' Le 28 mars après anesthésie au chloroforme, l'extirpation de ces tumeurs est pratiquée. Une incision courbe longue de 2 cm 1/2 est faite de chaque côté dans le sillon séparant l'aile du nez de la joue, la tumeur droite est en¬ levée sans être ouverte ; la tumeur gauche est rompue au cours de son extir¬ pation. Ces tumeurs adhèrent au cornet inférieur, et au maxillaire supérieur. Fermeture de la plaie par des points au crin de Florence ; une petite mèche qui est enlevée le deuxième jour est laissée dans la cavité et sort par l'angle inférieur de la plaie. (1) Publié dans le « Bulletin médical de l'Indochine française ». 2E année, 1907, n'- 14. — 151 — Les suites sont normales : les fils sont enlevés le cinquième jour et la cica¬ trisation est terminée le huitième jour. Examen de la pièce Notre collègue et ami le Dr Degohce a bien voulu se charger de l'examen histologique de la paroi kystique, et nous a fourni les renseignements sui¬ vants : « La paroi comprend quatre couches. « La couche interne est formée de faisceaux conjonctifs disposés parallèle- « ment à la surface et des cellules rondes ou étoilées disposées en traînées « parallèles aux fibres conjonctives. « La deuxième couche est composée de faisceaux conjonctifs à direction oblique ou perpendiculaire à la surface contenant également de nombreuses K cellules rondes ou étoilées. « La troisième couche est formée de faisceaux conjonctifs entourant de nom- t! breux vaisseaux extrêmement dilatés et gorgés de sang. Ces vaisseaux ta- k pissés de leur endothelium communiquent largement les uns avec les autres « et forment un véritable tissu caverneux. « Une couche externe de tissu cellulaire lâche. « La présence de tissu caverneux permet de penser que la paroi de cette « tumeur est formée par un diverticule de la pituitaire ». A cause de la disposition symétrique de ces tumeurs nous serions assez d'avis qu'il s'agit de Kystes d'origine congénitale développés au dépens de la pitutaire en rapport avec le développement et la soudure des bourgeons nasaux, et ceci malgré l'apparition tardive de ces tumeurs. MYXOME MALIN DU SINUS MAXILLAIRE Par A. DEGORCE (1) (Examen histologique par le Dr Bablet). L'observation que nous rapportons ci-dessous nous a paru intéressante à cause de l'aspect étrange de cette tumeur qui^ au cours de l'opération, après ouverture du sinus maxillaire, pouvait faire penser à un foyer de suppura¬ tion chronique plutôt qu'à une tumeur. Une matière caséeuse semblable à celle qui constitue les niasses cholestéatomateuses de l'oreille moyenne, plus fluide au centre qurà la périphérie, constituait la tumeur. Elle n'adhérait nulle part à l'os qui l'enveloppait. Cet os déformé, épaissi irrégulièrement, sem¬ blable à un os atteint d'ostéite chronique, était de coloration rouge violacé et saignait abondamment dès qu'il était dénudé. La malade est une jeune fille de 20 ans, entrée à l'Hôpital indigène de Hanoi pour une tumeur du maxillaire supérieur droit. Le développement de cet os du côté de l'orbite avait repoussé l'œil droit en haut et en dehors. L'œil était dévié d'un demi-centimètre environ en haut eit un demi-centimètre en dehors. La paroi antérieure du maxillaire était bombée. La dépression qui sépare normalement le nez de. la joue était comblée par la tumeur. Une surface assez régulièrement bombée' s'étendant du dos du nez à la partie ex¬ terne du maxillaire supérieur remplaçait la dépression normale. Le rebord orbitaire inférieur était arrondi et bosselé au lieu de formel- le contour net et tranchant qu'il présente à l'état normal. Un écoulement purulent se faisait par le point lacrymal inférieur du côté droit. La bouche, la voûte palatine, l'arcade dentaire supérieure, le voile du palais, le pharynx ne présentaient rien d'anormal. La fosse nasale droite était entièrement oblitérée par une bosselure osseuse et, dans la fosse nasale gauche on apercevait la cloison fortement déviée vers la gauche. Il existait un ganglion sus-maxillaire un peu augmenté de volume à droite. Au point de vue fonctionnel, la malade accusait de la diplopie ; les mou¬ vements de l'œil droit étaient normaux ; l'acuité visuelle était normale. La malade ne souffrait pas. Elle était gênée pour respirer par le nez. Le début de l'affection paraît remonter à cinq ou six ans. La radiographie pratiquée par le Dr Heymann montre une masse opaque aux rayons X située dans le sinus maxillaire supérieur. Les limites de celte masse sont très nettes en bas, en avant et en arrière où la tumeur paraît séparée de la paroi du sinus maxillaire. Les limites sont au contraire peu nettes à la partie supérieure. Nous posons le diagnostic de tumeur du sinus maxillaire droit sans en préciser la nature. (1) Publié dans le « Bulletin de la Société médico-chirurgicale », 1926, page 58. _ 159 — Opération le 20 janvier 1926. En raison de la limitation de la tumeur en bas, en arrière et en avant, nous décidons de faire une résection partielle du maxillaire supérieur et de ménager la voûte palatine et l'arcade dentaire supérieure. Incision cutanée de la résection du maxillaire supérieur. La dissection du lambeau détermine une hémorrhagie considérable. La surface de l'os est cou¬ leur lie de vin et saigne énormément. Le décollement à la rugine du périoste de l'orbite est rendu difficile par les bosselures du maxillaire qui forment une forte saillie dans l'orbite. Section au ciseau de l'apophyse orbitaire externe du maxillaire supérieur, puis de l'apophyse lacrymale et de la paroi osseuse externe de la fosse nasale droite. Enfin section de la paroi antérieure du sinus maxillaire au-dessus de la racine des dents. Après ablation de ce large volet osseux le sinus se trouve largement ouvert. Il est rempli de masses caséeuses inconsistantes, au centre desquelles où trouve une petite quantité de liquide épais, jaunâtre, analogue à la crème d'un fromage de Camemheit trop avancé. L'os est enflammé, épaissi par places, aminci en d'autres points, rugueux, inégal, comme dans les ostéites chroniques. La cavité du sinus est considérablement dilatée dans tous les sens. On enlève à la curette les masses caséeuses qui n'adhèrent en aucun point. On tamponne la cavité du sinus qui saigne abondamment. Puis on remet le lambeau en place et on le sature partout, sauf à l'angle supéro-interne où on ménage un orifice pour laisser passer les mèches qui tamponnent, le sinus. Les suites opératoires furent d'abord normales. Mais au quinzième jour après l'opération une masse molle sous-cutanée paraissant un ganglion génien augmenté de volume, apparut au niveau de la joue droite. La malade fut passée dans le service du Dr ITeymann où elle fut soumise à un traitement par le radium. A la suite de ce traitement on vit diminuer rapidement le volume de ce ganglion qui actuellement n'est plus perceptible. (Examen histologique par le dr Bablet). Il s'agit, d'un myxome malin. Au faible grossissement on remarque en effet, tout d'abord la présence d'une substance fondamentale amorphe sous forme de flasques nombreuses à contours irrégulièrement circulaires présentant les réactions colorantes du mucus. Les fibres collagènes sont rares. Les cellules assez clairsemées dans l'ensemble de la préparation forment sur certains points des amas denses à noyaux très polymorphes où les amitoses sont fréquentes. Pas de caryocinèses. Les limites cellulaires sont rarement visibles en raison de la forme rameuse des éléments dont les prolongements fusionnés réalisent un vaste réseau syncitial. Les capillaires sont nombreux et bordés par les cellules tumorales • elles-mêmes. Ce caractère qui rapproche la tumeur des sarcomes et, d' autre part, l'abondance de la substance fondamentale qui cons¬ titue l'élément envahissant des myxo-sarcomes, confèrent au néoplasme exa¬ miné une malignité histologique laissant peu d'espoir d'une guérison opéra¬ toire. J. — NERFS PSEUDARTHROSE DE L'HUMËRUS DROIT datant de sept ans avec parésie du nerf radial. Libération du nerf radial. Suture osseuse par agrafe. Par le Dr LE ROY DES BARRES (1) Vers la fin du mois d^avril 1906 entrait à l'Hôpital indigène, le nommé Fhain-van-B... ; ce malade, qui venait se faire débarrasser d'une gale ecthy- mateuse, présentait une pseudarthrose de l'humérus droit, consécutive à une fracture par chute faite sept années auparavant ; cette pseudarthrose siégeant environ à l'union du tiers inférieur et du tiers moyen de l'humérus ; elle était extrêmement lâche, le segment de membre sous-jacent était ballant. Cette pseudarthrose s'accompagnait d'une paralysie incomplète du nerf radial. Cette paralysie avait fait son apparition deux mois environ après la fracture, d'abord très peu accusée, légère difficulté dans les mouvements d'extension des doigts, elle s'était accentuée, les mois suivants, pour arriver vers le sixième mois au degré où elle existait à l'entrée du malade à l'hôpital. A ce moment on notait : une légère flexion du poignet avec flexion un peu plus accusée des doigts, impossibilité presque complète des mouvements d:'extension du poignet et des doigts. En immobilisant la pseudarthrose on constatait une parésie des plus nettes des muscles supinateurs. La sensibilité était légèrement diminuée dans la zone cutanée innervée par le radial. Il n'existait pas de troubles tropliiques. Le docteur Lafaurie dans le service duquel se trouvait ce malade, nous le confia dès que la gale dont il était atteint fut guérie. En présence du tableau clinique que nous constatons, l'indication opéra¬ toire suivante est immédiatement posée : libérer le nerf radial et suturer l'un fi l'autre les deux fragements osseux. Le 2 juin, assisté du docteur Gaide, nous pratiquons l'opération suivante : Incision de dix centimètres environ sur la face externe du bras droit au niveau du bord externe de biceps. Cette incision nous conduit sur la pseu¬ darthrose sans que le nerf radial soit rencontré. Les deux extrémités osseuses de l'humérus ne sont pas conformées de la même manière, l'extrémité supé¬ rieure est effilée et terminée par une sorte de condyle de la grosseur du petit doigt, l'extrémité inférieure est volumineuse également arrondie en forme de condyle. Ces deux fragments osseux sont réséqués, à leur extrémité, mais avant d' en pratiquer la réunion, nous cherchons le nerf radial, qui est decou- (1) Publié dans le « Bulletin médical de l'Indochine française », 2° année, 1907, n6 11. -* 161 — vcrl. au milieu d'un tissu cicatriciel ; il est aminci et présente une coloration grisâtre. Le nerf est séparé du tissu cicatriciel qui l'enserre de toutes parts sur une longueur d'environ quatre centimètres. Les extrémités osseuses sont alors fixées par une agrafe ; le nerf radial est écarté du tissu cicatriciel qui l'entourait. La réunion est faite par deux plans de suture, une mèche est mise dans l'extrémité inférieure de la plaie et un appareil plâtré appliqué. Le 4 .juin, la mèche esl enlevée, mais on constate à ce moment que le ma¬ lade très indocile a déplacé son appareil. Cet appareil est alors fixé autour du corps par des bandes de toile. Les jours suivants l'appareil est encore déplacé. Le 8 juin, la plaie est complètement cicatrisée ; de légers mouvements d'extension des doigts sont possibles. Le 30 juin, l'appareil plâtré est enlevé, et on constate que la pseudarthrose p''est reproduite ; par contre, les mouvements d'extension des doigts et de poignet ont une amplitude notable. Le 3 juillet, nouvelle intervention avec l'aide du docteur Fauquet ; l'agrafe esl trouvée intacte fixée à l'extrémité du fragment supérieur ; après une légère résection des extrémités osseuses en contact, elle esl replacée. Suture drainage comme précédemment. Un appareil plâtré avec bande plâtrée entourant le thorax est appliqué. Le 5 juillet, la mèche esl enlevée. Le 10 juillet, la plaie était complètement cicatrisée. Le 10 août, l'appareil plâtré est enlevé ; la consolidation est parfaite. Les mouvements de flexion et d'extension des doigts et du poignet sont presque normaux, la parésie des supinateurs a presque complètement disparu Le 20 août, lé malade quittait l'hôpital ; les muscles antérieurement parésiés ayant recouvré à peu près complètement leurs fonctions. Le malade n'a pas été revu depuis. Cette observation nous a paru intéressante cà rapporter à cause de la com¬ plication paralytique qui accompagnait cette fracture, complication due à l'étranglement du nerf radial dans du tissu cicatriciel. Malgré le début ancien des accidents paralytiques, la guérison a été obtenue. Cette guérison se main- t.iendra-t-elle, et le nerf radial restera-t-il sans être entouré à nouveau de tissu cicatriciel ? Les observations de ce genre permettent d'espérer que la guérison sera définitive. SECTION DU NERF CUBITAL, Suture, rétablissement rapide des fonctions. Par LE ROY DES BARRES (1) Le nommé N...van-L.., âgé de 27 ans, entre dans notre service le 21 janvier 1920 pour plaies multiples (section de la trachée, plaie du coude gauche, plaie de l'avant-bras gauche). Ces plaies avaient été produites à l'aide d'un instrument tranchant très eflilé (tranchet de cordonniers). Nous ne parlerons que de la plaie du coude gauche qui seule en l'espèce nous intéresse, et nous dirons une l'ois pour toutes que les autres plaies après désinfection et suture guérirent sans incident et sans suppuration appréciable, dans un délai d'une dizaine de jours. La plaie du coude gauche présentait les caractères suivants : c1 était une plaie à bords nets, longue de trois travers de doigt environ, oblique sur l'axe du membre, commençant au-dessus de l'olécrâne, ayant sectionné une partie du tendon tricipital, puis se dirigeant en bas et en dedans sectionnant le nerf cubital et ayant détaché un fragment de Hépitrochlée. L'examen du territoire du nerf cubital gauche à ce moment donnant les renseignements suivants : Au point de vue sensitif : Hypoesthésie de la partie interne de la région dorsale de la main, anesthésie complète du petit doigt, anesthésie incomplète de l'éminence hypothénar dont la partie externe a conservé sa sensibilité et dont la partie interne est le siège plutôt d'une hypoesthésie que d'une anes¬ thésie vraie ; la moitié interne de l'annulaire a conservé sa sensibilité. Au point de vue moteur, on constate (pie l'adduction de la main est im¬ possible, que le petit doigt est paralysé, que l'adduction du pouce est nulle et que les mouvements des doigts déterminés par les interrosseux sont abolis impossibilité de fléchir les premières phalanges et d'étendre les deuxième et troisième ; perte des mouvements de rapprochement et d''écartemenf des doigts). Une suture du nerf cubital est pratiquée avec du catgut n° 00. elle ne porte que sur le périnèvre. Les lèvres de la section du tendon tricipital sont réunis par quelques points de catgut, et la peau est fermée sans drainage. Le 5e jour, on constate un peu de suppuration, ce qui nous donne les plus grandes craintes sur l'avenir de la suture nerveuse. Heureusement que cette suppura¬ tion disparut rapidement et que le 15e jour la plaie était complètement cicatrisée. A ce moment, les recherches concernant la sensibilité montrent qu'elle est normale, sauf au niveau de la face palmaire du 5e doigt où elle est très légèrement diminuée. De plus le malade se plaint de temps à autre de fourmillements pénibles dans tout le trajet du nerf cubital, avec sensations d'engourdissement;. Au point de vue de la motilité, on constate à ce moment, (1) Publié dans le Bulletin de la Société mêdico-chirurgicale, années 1917-1921, page 50. — 163 — chose plus normale, que la motilité a reparu dans tous les muscles innervés par le cubital : cette motilité n'est certes pas aussi accusée qu'à l'état normal, et en particulier en ce qui concerne les interosseux les mouvements ne sont pas pour ainsi dire qu'ébauchés. A partir de ce jour, notre malade est soumis régulièrement au massage et à i''éleclrisation prudente des masses musculaires ; sous l'influence de ce traitement les progrès sont rapides et huit semaines après le traumatisme au moment où le malade quittait notre service, son état était le suivant : Légère atrophie de l'avant-bras, surtout au niveau de la partie supérieure (il y a 1111 centimètre et demi de différence entre la circonférence de l'avant- bras malade et celui de l'avnt-bras sain) ; à ce niveau il existe une légère atrophie au niveau de l'éminence hypothénar et le gril métacarpien est un peu plus visible que du côté sain. Il note toujours une certaine raideur de l'articulation du coude avec limi¬ tation du mouvement d'extension. T1 n'existe pas de griffe cubitale. L'adduction de la main est presque normale, les mouvements des doigts sont normaux, la préhension se fait cependant avec un peu moins de force qu'à l'état normal. La sensibilité est normale sauf au niveau de la face palmaire de l'auricu¬ laire où elle est notablement diminuée. Les sensations de fourmillement et d'engourdissement ont complètement disparu ; la sensibilité à la chaleur est normale. L'examen électrique pratiqué par le docteur Heymann donne les résultats suivants . Il existe unei diminution de l'excitation faradique et galvanique du « nerf cubital et de son territoire musculaire ; un peu de lenteur dans les secousses, pas d'inversion dans la formule ». Cette observation nous a paru intéressante à rapporter à cause de la rapi¬ dité du rétablissement de conductibilité motrice qui, au bout de 15 jours après la suture nerveuse, était des plus nettes. Nous ne parlons pas de con¬ ductibilité sensitive, car il est de notion courante, que l'anesthésie est rare dans la paralysie cubitale, et ce, p>ar suite de l'intervention de la sensibilité récurrente. Nous attributions la rapidité de la réapparition de la motricité au fait qu'il nous a été possible de pratiquer la suture nerveuse 3 heures après la section et que les surfaces de section étaient nettes. K. — MEMBRES VOLUMINEUX F1BRO-LIPOME D'ORIGINE PËRIOSTIQUE de la partie postérieure de la cuisse droite. Par LE ROY DES BARRES et MOUZEll (1) L'observation que nous rapportons ici est celle du malade que nous avons présenté à la séance dernière de la Société. P.-Y.-T. est âgé de (il ans. Il n'y a rien à relever dans ses antécédents héré¬ ditaires ou personnels. Il est porteur d' une tumeur de la cuisse droite dont le début remonte à envi¬ ron trente ans. Cette tumeur occupait au début le sommet du losange po- plité, elle était de la grosseur d'une noix et seulement apparente à l'œil et perceptible au toucher quand la jambe était fléchie sur la cuisse. Peu à peu elle n'a cessé de grossir et bientôt elle fut aisément visible et palpable dans toutes les attitudes du membre. Actuellement elle est énorme : régulièrement ovalaire elle mesure 40 x 30 x 20 cm. Elle présente un prolongement cylin- diique multilobé qui descend le long du bord externe du creux poplité, le dépasse et se termine vers la tète du péroné. Son pédicule large et épais s1'insère sur la partie moyenne et postérieure de la cuisse droite. La peau qui la revêt est normale d'aspect souple, non adhérente, parcourue par un réseau veineux dilaté, très apparent. Sa consistance est élastique et régulière. Pas de douleur spontanée ou provoquée. Seul le poids de la tumeur empêche le malade de marcher. Les ganglions ne sont pas atteints. L'état, général du malade est. médiocre. 11 présente une hydrocèle vaginale droite- Diagnostic : fibrolipôme. Opération. — A.nesthésie chloroformique. La tumeur est attaquée par la face inférieure de son pédicule et rapidement atteinte à travers la peau et le tissu cellulaire sous-cutané. Le nerf sciatique est découvert en haut et en dedans et embrasse la tumeur en sautoir se dirigeant en bas et en dehors. Mais vers la partie moyenne ses fibres distendues et dissociées se perdent à la surface du néoplasme, rendant toute dissection impossible. Le tronc est sectionné assez bas pour permettre la suture immédiate facile après l'extirpation. Dès lors il n'y a plus de difficulté et la tumeur poursuivie jusqu'à la tête du péroné tombe. Au cours de l'exérèse on s'aperçoit qu'elle adhère par un pédicule de la grosseur du pouce au périoste du fémur dans le fond du creux poplité. Hémostase soignée, suture du bout central du nerf sciatique au bout péri¬ phérique et suture de la peau. Le malade a perdu environ 400 grammes de sang. Il est mort de syncope cardiaque pendant le pansement. La tumeur pesait onze kilos. A la coupe, elle est formée d''une masse énor¬ me, homogène, molle, d'aspect, fibreux, jaunâtre, peu vasculaire. M. Degorce en a pratiqué l'examen histologique, il a fait le diagnostic de libro-lipôme et n'a trouvé en aucun poinl de dégénérescence sarcomateuse. (1) Bulletin de la Société médico-chirurgicale de l'Indochine, 1917, page 443. GIGANTISME CONGÉNITAL Sur un cas d'hypertrophie congénitale des deux premiers orteils du pied gauche. Par MM. les Docteurs LE ROY DES BARRES et HUILLET (1) Le Professeur Frœlich de Nancy a, l'un des premiers, essayé de grouper en une classification nette, les types si nombreux des hypertrophies congénitales. En dehors des processus tératologiques, qui ont pu modifier l'évolution nor¬ male» de l'embryon, humain et qui ont été rangés par Matliias Duval sous les titres : arrêts ou excès de développement, arrêts ou excès d'accroissement, métamorphoses, soudures anormales, enclavements, il faut encore, dans une série spéciale, connaître de certains êtres humains, qui, à la naissance, parais¬ sent avoir une constitution anatomique normale, mais présentent, dès les pre¬ miers moments, des membres progressivement énormes, contrastant, par leur dimension monstrueuse, avec le volume d'un membre sain. (les sujets, d'après Frœlich sont dils atteints df'hyperlrophie congénitale; la structure anatomique de ces régions hypertrophiées est extrêmement va¬ riable : tantôl. ce qui est le cas le plus rare, un membre a tous ses tissus et toutes ses parties constituantes d'un volume exagéré, mais sans que ni les tissus mous, ni les Iissus osseux ne soient plus développés les uns que les autres. Frœlich, prenant un exemple concret, dit lui-même qu'un doigt ou une main de géant semble avoir été greffé sur un bras d'enfant. Tantôt, les tissus mous seuls produisent, par leur développement excessif, l'hypertrophie, mais ils le font d'une façon égale sur tout le membre, qui ressemble alors à un membre atteint d'oedème généralisé ou mieux d'éléphan- tiasis. Tantôt enfin le membre paraît monstrueux aux premiers temps de la nais¬ sance, uniquement parce qu'il est le siège oTune tumeur congénitale, analogue à ce que pourrait être une tumeur qui se serait développée dès la naissance. Les différences sont souvent peu commodes à établir entre ces types d'hy¬ pertrophie congénitale, pouvant se combiner de diverses manières, de sorte qu'il est difficile de faire une classification scientifique, comprenant tous les cas de ces intéressantes malformations. Après Lannelongue et Kirmisson (1), qui ont. depuis longtemps déjà, tenté de classifier les nombreux cas de ce genre, soumis à leur observation, Frœlich, comme nous le disions plus haut, vient, récemment, de faire admettre une classification de ces hypertrophies, basée sur les trois types suivants : 1° Le gigantisme congénital, ou hypertrophie régulière, ou hypertrophie vraie ; 2° La fausse hypertrophie, ou éléphantiasis congénital ; (1) Publié dans la « Revue médicale de l'Indochine française », 2° année, 1909, ri" 15. (1) Kirmisson — Maladies chirurgicales d'origine congénitale — Paris, 1898, page 732. — 166 — 3° L'hypertrophie par tumeur surajoutée. Ces considérations préliminaires nous permettent donc de rattacher fran¬ chement à la première catégorie de cette classification de Frœlich le cas de la petite fille de neuf ans, qu'il nous a été donné d'étudier et d'opérer il y a peu de temps. L'observation que nous donnons ci-dessous, complétée par une photographie et une radiographie, peut-être envisagée comme l'observation absolument ho¬ mologue du cas de gigantisme publié cette année, dans la Bevue d''Orthopédie. par Frœlich : pour ce dernier l'hypertrophie siégeait à la main gauche (indi¬ cateur et médius) ; dans notre cas l'hypertrophie affectait, au pied gauche, le premier et le deuxième orteil. Observation La petite fille, Pham-thi-Van, âgée de neuf ans, du village de An-Xa (Phu de Nam-Sach, près Hai-Duong) est conduite à l'Hôpital de Hai-Duong, en fin octobre dernier, pour y être traitée d'une difformité liypertrophique, siégeant aux d'eux premiers orteils du pied gauche, affection qui l'empêche de marcher ou courir, comme les autres enfants de son âge, au dire des parents. Les commémoratifs que nous essayons de recueillir auprès de ces derniers, ne sont rien moins que précis : leur enfant, disent-ils, porte cette lésion depuis sa prime jeunesse ; mais il leur est impossible de nous répondre, quand nous cher¬ chons à faire établir par eux, simples gens de la campagne, le distinguo, réelle¬ ment trop subtil, entre la congénitalité vraie et l'évolution depuis la naissance de cette hypertrophie. D'ailleurs, nous sommes les premiers à reconnaître que le cas de cette petite fille correspond bien à ces types d'hypertrophie, qui ont pu, pour ainsi dire, rester latents pendant la vie fœtale et ne réellement entrer en évolution qu'avec lu vie autochtone du fœtus-né. Une chose, cependant, a frappé l'imagination des parents, et nous ayons pu, nous-mêmes contrôler cette impression : c'est que, depuis qu'ils ont remarqué cette hypertrophie, jusqu'au moment de l'admission de l'enfant à l'Hôpital, ils ont pu noter qu'elle se développait sans être en disproportionnalité considérable avec les organes voisins de cette région. Cette constatation est en parfaite concordance avec celle qu'a déjà notée Frœlich et constitue un élément très important, d'après cet auteur, pour que nous fassions de notre cas, un cas d'hypertrophie congénitale régulière. Pour en finir avec les commémoratifs, disons que cette petite fille, qui, est d'une figure jolie et ne porte aucune malformation sur son corps autre que celle de ses orteils du pied1 gauche n'a jamais été malade ou victime d'accident et d'autre part, qu'elle ne présente aucune tare d'hérédité syphilitique ou tuberculeuse. L'examen direct du pied gauche nous permet de constater que le premier et le deuxième orteils, pour reprendre la comparaison de Frœlich, ressemblent à de forts orteils d'adulte, qui auraient été greffés sur un pied d'enfant, et ainsi que le montre la photographie, on a sous les yeux le curieux phénomène d'un amal¬ game bizarre d'organes de dimensions différentes, sur un même pied. Ces deux orteils hypertrophiés mesurent, en épaisseur et en longueur, le double des dimensions des mêmes orteils du pied droit ; principalement le deuxième orteil, qui apparaît encore plus grand que le premier. Tous les deux, au lieu de se trouver placés, comme c'est normal, surtout chez l'enfant en parallélisme avec les autres orteils et sur le même plan horizontal, sont inclinés en dehors et en haut, de telle façon qu'ils donnent à ce pied la l'orme d'une « babouche » — 167 — Les articulations interphalangiennes et métatarso-phalangiennes sont très nettes et fonctionnent bien ; il n'existe aucune anomalie sur la peau et le tissu cellu¬ laire ; la peau est mobile sur les os hypertrophiés ; elle n'est pas oedémateuse et l'on n'y rencontre ni lymphangiome, ni angiome. Tout au plus, faudrait-il noter une légère syndactylie charnue entre ces deux premiers orteils. lin ce qui concerne l'anatomie des métatarsiens correspondants à ces deux premiers orteils, l'examen direct ne permet d'observer sur eux aucune hypertrophie sensible. L'étude de pied en babouche, déjà intéressante par le simple examen extérieur nous a paru devoir être complétée par la connaissance même de l'ossature et justifier ainsi l'examen aux Rayons X. C'est dans ces conditions que nous avons décidé de faire transporter cette petite fille à l'Hôpital indigène fin Protectorat de Hanoi. litude du squelette. — Comme il est facile de s'en rendre compte par l'examen de la radiographie, l'hypertrophie porte sur les phalanges de deux orteils internes, le gros orteil particulièrement ; le métatarsien correspondant au gros orteil est également hypertrophié. Opérations — Résultats. — L'intervention consista en une désarticulation inter- phalangienne pour le premier orteil, et interphalango-phalangienne pour le deuxiè¬ me orteil. Les suites furent des plus siniples et la réunion eût lieu par première intention. LUXATION METACARPO-PHALANGIENNE de l'annulaire en avant. Par le I)1 A DEGORCE (1) Les luxations métacarpo-phalangiennes des quatre derniers doigts sont rares. On n'en a jusqu'ici signalé qu'une dizaine de cas (neut cas réunis par Polail- lon et un cas signalé par Estrada). Il semble, d'après l'observation que nous i apportons ci-dessous, que ces traumatismès, non traités dès le début, puissent, avoir une gravité très grande au point de vue des fonctions de la main, analo¬ gues en cela aux traumatismès ayant leur siège au niveau du carpe. Le nommé Nguyen-van-Manh, coolie, âgé de 27 ans, entre à l'Hôpital indi¬ gène le 13 mai 1907. Cet homme était tombé d'un arbre très élevé, il y a environ vingt-cinq jours. II tomba sur le côté droit et porta le bras droit en avant pour atténuer la chute. Revenu cJ'un évanouineinent de quelques instants, il constata de la douleur et de la gène fonctionnelle au niveau de l'annulaire et de l'auriculaire de la main droite, ainsi qu'une petite plaie causée par un tesson de bouteille vers la racine de l'annulaire. Après s'être fait soigner sans grand résultat par des médecins annamites, des devins et des sorciers, le blessé se décide, un peu tard, à entrer à l'hôpital A cette époque, on observe une déformation très marquée de la main droite, fa première phalange de l'annulaire chevauche en avant sur le 4e métacarpien et détermine une voussure marquée à la paume de la main. Une petite plaie infectée, transversale, longue d'un centimètre et demi environ se trouve au niveau de la voussure. A la face dorsale de la main, on remarque une dépres¬ sion au-dessous de l'extrémité inférieure du quatrième métacarpien. Lvarinu- laire droit a un centimètre de moins de longueur que l'annulaire gauche. L'extension de la première phalange de l'annulaire est plus étendue qu'à l'état normal. La flexion est par contre complètement impossible. Les mouvements des 2e et 3e phalanges sont conservés. Au niveau du petit doigt on observe une subluxation de la deuxième pha¬ lange sur la première. Tous les autres doigts sont en extension presque complète. Il y a ankylose des articulations métacarpo-phalangiennes. Seules les articulations des pha¬ langes entre elles sont mobilisables, mais très raides. Le pouce seul est à peu près indemne. Les éminences thénar et hypothénar sont atrophiées. L'usage de la main est impossible. Le malade ne peut saisir aucun objet. D'après ses dires, la main fonctionnait parfaitement avant le traumatisme. On retire de la petite plaie palmaire un fragment de verre. Puis on essaie vainement de réduire la luxation. On décide alors d'avoir secours à une opéra¬ tion sanglante. Mais on doit attendre la guérison de la plaie palmaire infectée. (1) Publié dans le « Bulletin médical de l'Indochine française », 2e année, 1907, n° 16. En attendant on institue des massages qui, forcément peu surveillés, doivent être très irrégulièrement faits. Le 27 mai, la plaie étant guérie, le blessé est opéré sous chloroforme. Incision longitudinale palmaire. On arrive de suite sur la tète de la phalange. On dissèque les parties fibreuses qui forment une gangue épaisse autour de la tête de la phalange et on reconnaît que les tendons fléchisseur sont luxés en dehors et en arrière de la tête entre cette dernière et le prétacarpien. Cette sangle formée par les tendons a dû opposer dès le début un obstacle aux tenta¬ tives de réduction qui ont sans doute été pratiquées par les médecins anna¬ mites. Après ^'isolement complet de l'extrémité supérieure de la phalange et la mise en place des tendons, la réduction se trouve encore impossible du fait de la résistance des tissus dorsaux fortement rétractés. Force est donc de réséquer l'extrémité phalangienne luxée. Réfection de la graine tendons au catgut fin. Sutures cutanées. Puis on mobilise les articulations métacarpo-phalangiennes ankylosées et les articulations phalangiennes roidies. Pansement de la main, les doigts étant en demi-flexion. Le 30 mai on change le pansement et on commence à mobiliser les phalan¬ ges. Ces mobilisations sont continués lous les jours à partir de cette date. Ablation des crins le 3 juin. Réunion de la plaie. On continue la mobilisa¬ tion journalière et on y joint du massage. Le 15 juillet 1907, le malade demande à sortir. Le résultat fonctionnel est mauvais. Les mouvements sont parfaitement conservés au niveau de l'articulation mô- lacarpo-phalangienne de l'annulaire. Mais toutes les autres articulations des doigts fonctionnent assez mal. On peut les fléchir et les étendre à peu près complètement en forçant beaucoup. Mais le malade ne peut pas fermer la main spontanément. Les éminences thénar et hypothénar sont plus atrophiées qu'à Rentrée du blessé à l'hôpital. Elles ne font plus aucune saillie. Ce très médiocre résultat est dû vraisemblablement à ce que l'intervention a été très tardive, pratiquée environ 40 jours après le traumatisme, et, aussi, sans doute, à l'insuffisance du massage, le blessé, peu intelligent, ne s'y prê¬ tant nullement. Comme pour les traumatismes du carpe, il nous paraît nécessaire cF'interve¬ nir d'une manière précoce dans les luxations métacarpo-phalangiennes. Si la réduction est tardive, on s'exposera à des troubles trophiques qui s'installe¬ ront rapidement et rendront la main presque inutilisable. Tel est l'enseignement qui peut être retiré de notre observation. Nous en re¬ tiendrons aussi la possibilité d'une interposition des tendons fléchisseurs entre l'extrémité supérieure de la phalange et la tête du métacarpien dans les luxa¬ tions en avant. La laxité de ces tendons fléchisseurs quand ils sont sortis de leur gaîne déchirée par le traumastisme explique la possibilité de cette inter¬ position. Si les tentatives de réduction consistent en tractions directes sur la phalange dans l'axe du métacarpien, il ne semble pas que cette interposition puisse être un gros obstacle à la réduction. Mais pour peu que les tractions aient lieu sur la phalange placée en demi flexion et frottant fortement par son extrémité supérieure sur le métacarpien, la sangle formée par les tendons re¬ foulés vers la tête du métacarpien deviendra peut-être un obstacle sérieux à la réduction. LUXATION MET ACARPO-PHALANGIENNE du pouce en arrière dans un cas de premier métacarpien anor.mal Par LE ROL DES BARRES (1) La nommée Nguvên-thi-L..., âgée de 21 ans, entre le 30 octobre 1909 dans notre service à l'hôpital indigène du Protectorat à Hanoi. Il y a cinq jours cette malade a glissé en montant la première marche d'un escalier, et comme elle tombait en avant, elle a étendu les bras cherchant à saisir les montants de P'échelle avec ses mains. La main droite vint heurter violemment le mon¬ tant au niveau de la face palmaire du pouce. Immédiatement une douleur ex¬ trêmement vive fut ressentie, et une fois relevée, Nguyên-thi-L... constata que son pouce était déformée, la première phalange étant placée dans une direc¬ tion perpendiculaire à celle du métacarpien. L'entourage pratiqua alors des tractions sur le pouce, et la phalange reprit une direction parallèle à celle du métacarpien ; il persistait une impotence ab¬ solue, du pouce, et un gonflement énorme au niveau de l'articulation méta- carpo-phalangienne. Mettant cette impotence sur le compte du gonflement et de la douleur, la malade applique des pansements annamites sur son pouce. Les jours suivants, la douleur et le gonflement ayant fortement diminué, sans que pour cela la mobilité ail fait des progrès, la malade se décide à entrer à l'hôpital. L'examen du pouce permet de constater l'existence d'une luxation métacar- po-phalangienne en arrière, de la variété complexe ; mais ce qui frappe à la jalpation c'est l'épaississement de l'extrémité inférieure du premier métacar¬ pien. Une radiographie pratiquée nous donne ^'explication de ce fait : la tête du premier métacarpien présente sur sa partie dorso-latérale externe une apophyse en console, amorce d'un doigt surnuméraire. Le 2 novembre, après ariesthésie sous chloroforme, la réduction est essayée par la manœuvre de Farabeuf, plusieurs fois sans succès. Devant cet échec, une incision est pratiquée sur la face dorsale du pouce, el permet de cons¬ tater que le tendon fléchisseur luxé est venu s'appliquer sur la face palmaire de l'apophyse surnuméraire en dehors, ce qui à notre avis explique l'irréduc¬ tibilité en présence de laquelle nous nous sommes trouvé. Nous réséquons au ciseau l'apophyse osseuse surnuméraire, et pratiquons alors la réduction. La plaie est suturée en un seul plan au crin et un panse¬ ment aseptique est appliqué. Les suites opératoires sont normales ; les crins sont enlevées le 6e jour et la mobilisation est commencée. La malade quitte l'hôpital le 14 décembre ayant retrouvé une mobilité pres¬ que normale de son articulation. Nous avons interrogé Nguven-lhi-L... sur l'existence de la saillie osseuse qui existait au niveau de son métacarpien, elle nous déclara ne s'en être jamais aperçue, et qtie dans sa famille personne ne présentait de doigt supplémentaire. Une radiographie de la main gauche montre une légère saillie exlerne au niveau de l'extrémité inférieure du métacarpien gauche. (1) Publié dans la « Revue médicale de l'Indochine française », 2° année, n° 23. 1909. TUMEUR DU TRICEPS SURAL, ABLATION DU MUSCLE guérison avec résultat fonctionnel satisfaisant Par le Dr A. DEGORGE ('!•) Le 25 avril 1903, entrait à l'hôpital indigène de l'école de médecine, un coolie, âgé de 33 ans, Chan-van-Hoan, porteur d'une tumeur de la jambe. Cette tumeur grosse comme une tête de fœtus, globuleuse, occupait le mollet de la jambe gauche. Sa surface était lisse, sa consistance un peu molle. La peau était mobile sur la tumeur. Par rapport aux parties profondes, la masse se laissait mobiliser dans le sens transversal, était adhérente au contraire à ses pôles supérieur et inférieur, paraissant faire corps avec le triceps sural. Le malade fut opéré le 27 avril. La tumeur occupait presque la totalité du muscle et en affleurait la surface de toutes parts, recouverte d'une mince en¬ veloppe de tissu musculaire qui faisait corps avec elle. Il fallut enlever le biceps sural. laissant seulement les insertions des jumeaux et du soléaire et quelques centimètres du tendon d'Achille. La tumeur avait la consistance de l'encéphale. Sa surface de section était de couleur rosée. Elle renfermait un certain nombre de petits kystes remplis d'un liquide brunâtre. L'examen histologique ne put être pratiqué. L'aspect ma¬ croscopique était celui d'un sarcome. Les suites opératoires furent normales. La réunion avait eu lieu sans drai¬ nage. Le malade resta à l'hôpital jusqu'au 13 juin suivant. A cette date, il mar¬ chait sans gêne apparente et sans aucune boiterie. Il pouvait gravir des mar¬ ches, monter sur un banc en prenant point d'appui sur le membre opéré, sans qu'on remarquât quelque chose d'anormal dans sa démarche. Le sujet étant couché, le membre inférieur présentait une attitude normale. Le pied n'était nullement dévié. Les mouvements d'extension du pied sur la jambe étaient très légèrement limités. Le malade ne fut plus revu depuis. Les notions courantes d'anatomie et de physiologie ne pouvaient faire pré¬ voir un semblable résultat après l'ablation du triceps sural. Ce muscle est en effet considéré généralement comme le seul agent efficace de 1''extension du pied dans la marche. « Lorsque le triceps sural a perdu son action, dit Duchenne de Boulogne, le mouvement d'extension du pied ne se fait plus, dans l'articulation tibio-tar- sienne, qu'avec une grande faiblesse, et encore cette extension va-t-elle à peine au-delà de l'angle droit, malgré la contraction énergique du long péronier et du long fléchisseur des orteils, qui agissent faiblement sur l'articulation tibio- tarsienne ». a Par le fait de la paralysie et surtout de l'atrophie du triceps sural, le pied subit la déformation suivante : le talon s'abaisse graduellement, tandis (1) Publié dans le «Bulletin médical de l'Indochine française» 2e année — 1907, rr" 8. - — 172 — que l'avant-pied s'infléchit sur P'arrière-pied ; il en résulte un talus pied creux (1) m. Parmi les anatomistes, les uns d'accord avec Duchenne refusent toute in¬ fluence dans l'extension du peid sur la jambe aux muscles de la région pos¬ térieure autres que le triceps et accessoirement le long péronier latéral et le long fléchisseur des orteils, les autres au contraire considèrent également com¬ me extenseurs le court péronier latéral, le jambier postérieur, le plantaire grêle, sans d'ailleurs préciser la valeur de leur action. Poirier ne considère comme extenseur du pied sur la jambe, en dehors du biceps, que le seul long péronier latéral. Encore le mouvement d'extension qu'il produit, est-il « peu étendu et peu énergique ; le long péronier latéral n'étant en tant qu'extenseur proprement dit, qu>'un faible auxiliaire du triceps sural ». C'est comme abaisseur de l'avant-pied, en appuyant, dans la marche, le talon antérieur sur le sol que ce muscle est auxiliaire du triceps sural. Quant au court péronier latéral, pour Poirier comme pour Duchenne, il ne produit de mouvement dans la tibio-tarsienne que quand le pied a préalable¬ ment été fixé dans la flexion ou l'extension forcée. Il le ramène alors dans la position moyenne. Sabatier, Sappey considèrent comme extenseurs le court péronier latéral et le jambier postérieur. Testut y ajoute le plantaire grêle, dont la part au mouvement d'extension est variable avec son degré de développement, le long fléchisseur commun des orteils et le long fléchisseur propre du gros orteil. Ces deux derniers muscles n'agissent comme extenseur que secondairement, après avoir préalablement fléchi les orteils. Dans le cas que nous relatons, la conservation d'un mouvement d'extension presque normal du pied peut donner naissance à deux explications. La première est l'existence d'une anomalie musculaire, d'un soléaire surnu¬ méraire, par exemple, reliant la face postérieure du libia au calcanéurri. Mais l'existence de ce vaisceau musculaire nous eût sans doute frappé au cours de l'opération. A défaut de cette hypothèse nous sommes conduits à admettre la suppléance du triceps par les autres muscles de la région postérieure de la jambe, en par¬ ticulier par le long péronier latéral et le jambier postérieur. Ces deux derniers muscles antagonistes au point de vue de la déviation latérale du pied et de sa rotation neutralisent leur- action antagoniste en se contractant sémultanément et peuvent ainsi produire de l'extension du pied sans déviation. Nous croyons que les longs fléchisseurs des orteils ne jouaient ici aucun rôle appréciable car l'extension se prouisait chez notre malade sans aucun flexion des orteils. (1) Duchenne (de Boulogn.e) : De Céleclrisation localisée, 3° édition, 1872, Paris LIPOME PERIOSTIQUE du premier espace intérosseux palmaire. — Extirpation. Par le Dr LE ROY DES BARRES (1) La iiojitniée Nguyên-tbi-Béo, âgée de 50 ans, exarçant la profession de maraî¬ chère, entre dans notre service le 1er août 1906. Cette femme dans, les antécédents héréditaires ou personnels de laquelle aucune particularité n'est relevée a remarqué il y a trois ans environ un léger gonflement de la l'ace dorsale du premier espace interosseux gauche. Ce gonflement s'est accru peu à peu, a gagné la face palmaire, puis la tumeur continuant son évolution a soulevé le bord inférieur de l'espace, et la peau à sa surface est devenue lisse. La tumeur, du volume d'un œuf de cane, siège comme nous venons de voir dans le premier espace intérosseux, qu'elle a considérablement élargi. La peau à son niveau est soulevée, glisse facilement ; elle est sillonnée de nombreux et fins vaisseaux. La tumeur est légèrement mobile, elle donne à la palpation une sensation de fausse fluctuation. Les mouvements de la main ne sont pas douloureux, mais le volume de la tumeur en diminue l' amplitude. En présence de ces signes le diagnostic de lipome périostique est porté. Le 11 août après anesthésie par le chloroforme, la tumeur est mise à 1111 par une incision en fer à cheval allant de la partie supérieure de la face dorsale du 1er espace intérosseux, jusqu'à un point symétrique de la face palmaire, er. passant sur le bord inférieur de l'esprce soulevé par la tumeur. Après incision de la peau. 011 constata que les muscles ont été refoulés à la partie supérieure de la tumeur et qu'il n'existe aucune adhérence entre eux el la capsule. La capsule est complète et permet l'énucléation facile du lipome qui adhère par un pédicule fibreux à la base du 2° métacarpien, face antérieure. Ce pédi¬ cule est très court, et mesure à peu près un demi centimètre en tous sens ; l'adhérence du pédicule au périoste est intime et n'est détruite qu'en raclant I os avec la pointe du bistouri. La plaie est suturée, un drain est placé, ce dernier est retiré deux jours après et les fils sont enlevés le sixième jour, la plaie était cicatrisée. La tumeur forme une masse unique, de forme régulière, son poids est de 9(1 grammes. Sa consistance est inégale au niveau de l'insertion elle est fibreuse et donne même Fimpression d'une consistance cartilagineuse. A la coupe, la substance de la tumeur est homogène, de couleur jaunâtre, vers sa partie inférieure 011 constate l'existence de quelques cloisons fibreuses qui partent du pédicule. L'étude microscopique de la tumeur montre qu'elle a la structure d'un li¬ pome pur dans sa partie inférieure, d'un fibro-lipome au niveau du pédicule. II rf'est pas possible d'y déceler la présence de fibres musculaires. (1) Publié dans le « Bulletin médical de l'Indochine française » Ve année — n° 4 - 1906. GANGRENE SYMETRIQUE DES MEMBRES INFERIEURS chez une enfant de 4 ans Par LE ROY DES BARRES (1) La nommée Nguyên-thi-Thi entre le 7 mars 1909 dans notre service pour une gangrène des deux membres inférieurs. Celte fillette, âgée de 4 ans, est originaire de Hanoi ; son père est bien por¬ tant ; sa mère cjue nous n'avons pas l'occasion de voir au moment de l'entrée de son enfant est, paraît-il, assez souffrante, elle tousse depuis plusieurs mois. Cette enfant a toujours été bien portante jusqu'il y a trois mois et demi, à cette époque elle présenta une (lèvre continue pendant une semaine environ, puis cette fièvre continue fut remplacée par des accès fébriles vespéraux. De plus, apparurent des douleurs dans les membres inférieurs dont les moindres mouvements provoqués arrachaient des cris de douleur à la petite malade. En outre, des douleurs spontanées se produisant, surtout la nuit, empêchaient le sommeil. L'état général ne tarda pas à devenir mauvais, l'amaigrissement fit de rapides progrès, car. outre l'insomnie, existait une anorexie des plus marquées. Puis apparurent des crises de contracture dans les membres infé¬ rieurs, mais ce phénomène ne dura que quelques jours, et fut remplacé par un gonflement considérable des deux pieds. La marche, la station debout étaient impossibles. Après cinq à six jours apparût une tâche noirâtre à l'ex¬ trémité du gros orteil droit ; cette tâche progressa rapidement les jours sui¬ vants, puis s'ulcéra très vite. En même temps, les douleurs devinrent intolé¬ rables au niveau du pied atteint, la petite malade criait presque continuelle¬ ment. L'ulcération, une fois formée, donna naissance à un écoulement d'un liquide roussâtre, extrêmement fétide, mais ne dépassa pas les dimensions d une piastre et resta cantonnée à la partie antérieure de la l'ace dorsale du pied. Peu à peu l'état général, s'améliora, l'anorexie diminua. Les douleurs dis¬ parurent presque, et localement l'escharre sèche, noirâtre qui s'était formée, se sépara des parties saines par un sillon d'élimination passant à peu près au niveau de l'interligne tarso-métatarsien. Puis brusquement, deux mois après le début des accidents, l'œdème des parties saines augmenta, la jambe devint tuméfiée dans toute sa hauteur. En trois jours, il se forma une escharre sèche ^'arrêtant un peu au-dessus de la moitié de la jambe. La fièvre s'était manifestée à nouveau très violente et les douleurs avaient reparu dans le membre inférieur droit. Quelques jours après, le pied gauche se tuméfia, devint extrêmement dou¬ loureux, et très rapidement une escharre se forma comprenant le pied gauche et la moitié inférieure de la jambe gauche. (1) Publié dans «La Revue médicale de l'Indochine française» 2e année 1909 — n° 12. -r- 175 La petite malade fut, paraît-il, montrée à 1111 médecin européen cpii prescrivit des pansements humides à l'eau boriquée. Ce traitement, fut continué tant bien que mal, jusqu'à l'entrée de l'enfant à l'hôpital. A ce moment l'état des lésions est le suivant : le pied droit est complète¬ ment momifié et ne tient plus à la jambe que par des tendons du jambier inférieur et du triceps, ainsi que par quelques lambeaux de peau ; la partie inférieure de la jambe droite présente une vaste ulcération circulaire, bourgeon¬ nante, avec par place des débris sphacélés ; le pied gauche ne tient plus que par des lambeaux cutanés, il est complètement momifié ; la partie inférieure de la jambe gauche présente le même aspect qu'à droite. Les parties inférieure et moyenne des deux jambes sont œdématiées et les ulcérations que nous avons signalées reposent sur ces parties tuméfiées ; le tiers supérieur au contraire est atrophié. Les bords des ulcérations sont saillants, rouges, bourgeonnants ; de chaque côté, il existe une adénopathie inguinale assez prononcée. L'examen de l'appareil respiratoire permet de déceler à la partie moyenne du poumon gauche de la submatité, et des râles sous-crépitants. De plus au sommet gauche existe une résistance au doigt des plus manifestes ; on y note également une inspiration rude, peu pénétrante, et une expiration très pro¬ longée. Les autres organes sont normaux ; notons cependant une diminution des réflexes rotuliens. En dehors des zones mortifiées, il n'existe pas de troubles de la sensibilité. L'enfant se plaint cependant par instants de douleurs dans les jambes. Pas de troubles des sphincters ; les urines ne renferment pas d'albumine ; mais des traces de sucre. L'enfant n'a jamais eu de polyurie, ni de polydypsie ; la quantité des urines est plutôt faible (300 à 400 fr. par jour). L'état général est assez satisfaisant, cependant l'enfant est amaigrie, sa tem¬ pérature oscille entre -38° et 39°. Le diagnostic de gangrène symétrique des extrémités est évident ; il en est de même de celui de bronchopneumonie gauche. De plus les signes fournis par l'auscultation et la percussion du sômmet, ainsi que la connaissance d'une tuberculose pulmonaire avancée chez la mère, nous incitent à considérer cette petite malade comme une tuberculeuse. Une intradermo-réaction pratiquée dans le but de vérifier ce point de diagnostic est positive. Le 11 mars, 011 sectionne les parties rattachant les moignons sphacélés ; les extrémités osseuses tibiales et péronières sont dégagées et sectionnées au- dessus des limites des parties molles conservées, afin d'avoir deux moignons convenables. Pansements au peroxyde de zinc. Les jours suivants la plaie se déterge, la suppuration qui auparavant était abondante et fétide disparaît complètement, et est remplacée par un léger suintement. La cicatrisation fait de rapides progrès, en même temps que l'état général s'améliore. Le 8 avril, la petite malade quitte notre service, ses plaies sont presque com¬ plètement cicatrisées ; les lésions pulmonaires sont les mêmes, sauf que l'on note quelques craquements au sommet gauche. Malgré l'extension des lésions pulmonaires l'état général est meilleur, fl existe encore de la glycosurie (pas un gramme par litre). L'enfant nous est l'amenée pendant quelques jours pur ses pansements, puis vers fin avril elle if'est plus revue. Le 10 août, elle entre de nouveau à l'hôpital avec sa mère. Cette dernière est atteinte de tuberculose cavitaire et meurt quelques heures après son admis¬ sion. Nguyen-thi-Thi présente tous les signes d'une méningite tuberculeuse. —- 176 — Los renseignements fournis par le père de l'enfant confirment également ce diagnostic. Les urines ne renferment plus de sucre. La petite malade meurt le lendemain de sa rentrée. — Cette observation nous a paru intéressante à rapporter à plus d'un titre : Tout d'abord la gangrène symétrique des extrémités est particulièrement rare dans l'enfance, elle se rencontre de préférence entre 18 et 40 ans ; sa prédilection pour le sexe féminin s'est encore une fois de plus manifestée dans le cas que nous avons eu l'occasion dl'observer. La gangrène symétrique est une maladie d'hiver ; et quoique dans le pays où nous exerçons l'hiver soit loin d'être sérieux, ce n'en est pas moins au moment de la saison fraîche que notre petite malade a présenté les premières manifestations de son affection L'étiologie du cas que nous avons observé est également intéressante à envisager. Chez Nguyen-thi-Thi nous n'avons pu déceler ni lèpre, ni leuco- cythémie, ni paludisme ; les recherches hématologiques et bactériologiques faites en vue de déceler une de ces affections sont toujours restées négatives. Nous n 'avons pu également constater aucun signe cï'épilepsie, ni de syphilis héréditaire ou acquise. Par contre notre petite malade présentait du sucre dans ses urines et des signes de tuberculose pulmonaire ; or le diabète et la tuber¬ culose sont deux affections aux cours desquelles on a pu constater l'apparition de la gangrène symétrique des extrémités. Quelle est la date d'apparition de ces deux affections i1 Le diabète a-t-il été !i première manifestation morbide et la tuberculose pulmonaire n'en a-t-.qlle été que la complication fréquente ? C'est possible, mais n'ayant pas soigné l'enfant pendant les premières périodes de sa maladie, et les renseignements fournis par l'entourage étant des plus vagues, il nous est impossible de nous prononcer. Notons que la quantité de sucre trouvé dans les urines, a toujours été très faible et nl'a jamais dépassé un gramme par litre ; et que la quantité d'urine a oscillé toujours entre 600 et 900 grammes. Peut-être qu'au début la glyco¬ surie avait été plus abondante et que l'apparition d'une complication grave (tuberculose ou gangrène symétrique) a fait baisser le taux de l'élimination du sucre. On peut également se demander, en présence de l'association de ces trois manifestations morbides (tuberculose, glycosurie, gangrène symétrique), si une lésion cérébrale de nature tuberculeuse ne peut pas expliquer et la glycosurie et la gangrène symétrique. Si nous avions constaté à l'autopsie un tubercule du plancher du 4e ventri¬ cule la glycosurie se serait trouvée expliquée. MaIheureusement l'autopsie n'a pu être faite, force nous est donc de signaler cette hypothèse. Rappelons que le Dr Hostalrich a rapporté L'observation d'un cas de maladie de Raynaud, chez un annamite, accompagné de glycosurie et terminé par la mort, et qu'il attribue à un état pathologique bulbo-protubérantiel) (1). Hostalrich — Bulleiin médical de l'Indochine française — 1907. — page 109. NOTE SUR UN CAS DE LIPOME de la partie postéro-interne du pied gauche. Par LE ROY DES BARRES (1) La nommée Nguyên-thi-N..., entre dans les premiers jours du mois de mars 190G dans notre service, pour une conjonctivite granuleuse dont elle souffre depuis plusieurs années. A l'examen de cette malade qui est âgée de 25 ans et qui exerce la profession de coolie, 011 constate outre l'affection oculaire pour laquelle elle a sollicité son admission, une tuméfaction du bord interne et de la partie postérieure du pied gauche ; Nguyên-thi-N... est atteinte de plus de paludisme chronique et son état général est assez précaire. La tumé- laction du pied gauche a débuté il y a une dizaine d'années sur le bord interne du pied au-dessous de la malléole, depuis cette époque elle a progressivement augmenté de volume, et ce n'est que depuis trois ans que la tuméfaction a gagné la face postérieure du talon. Cette lésion n'a jamais occasionné ni douleur, ni gêne, et notre malade> a pu exercer le du'r métier de coolie sans être incommodée par le développement anormal des tissus du bord interne du pied. A la palpation, on sent une masse rénitente lobulée, qui se propage un peu sous la partie interne de la plante du pied, mais sans qu'il soit possible de la limiter nettement à ce niveau. Au contraire au niveau de la jonction du bord interne et de la face dorsale, la limite entre la tumeur et les tissus voisins est des plus nettes, il en est de même en arrière du talon. La tumeur est mobili¬ sable sur les plans profonds, excepté près de la base du 1er métacarpien et sous la plante de pied. La peau peut être plissée sur la tumeur, sauf au niveau de la plante. Cliniquement, il s'agit. dvun lipome. l'ne ponction exploratrice faite pour confirmer ce diagnostic, est négative. La malade présente des signes de paludisme chronique des plus nets, (hyper¬ trophie, splénique, anémie prononcée, etc...) mais pas d'autres lésions. Nulle part, ailleurs, elle ne présente d'autre tumeur. Une intervention proposée ne fut pas acceptée, la malade quitte notre service quelques semaines après son entrée, elle n'a pas été revue depuis. vl) Publié dans la Revue médicale de l'Indochine, 1909, p. 266. III CLINIQUE OBSTÉTRICALE CONSIDERATIONS CLINIQUES GÉNÉRALES sur le fonctionnement des maternités de l'École de Médecine. Par Mme NGUYEN-THI-QUI maîtresse sage-femme. Les maternités de l'Ecole de Médecine sont au nombre de deux, l'une pour l'enseignement de l'Obstétrique aux élèves de médecine, l'autre annexée à l'école des sages-femmes. Depuis 1904, époque du fonctionnement de la pre¬ mière maternité de l'Ecole de Médecine jusqu'au 1er janvier 1930. — 26.464 femmes sont venues accoucher dans ce service de clinique. Les grossesses gémellaires ont été rencontrée dans 0.93 % des accouchements Deux grossesses triples et un cas de grossesse quadruple ont été observées (1 pour 13.250 et 1 pour 26.500 environ). Les différentes présentations ont été rencontrées dans les proportions sui¬ vantes : Présentation du sommet : 94.65 % Présentation du siège 3.65 — Présentation de la face 0.45 — Présentation du tronc 1.25 — La fréquence des diverses positions présente en ce qui concerne les présen¬ tations du sommet, quelques différences avec les chiffres admis en Europe. Les positions gauches ont été rencontrées dans 56,5 % des cas, dont 51 % pour les gauches antérieures. Les positions droites ont, été observées dans 41 % des cas ; mais avec une fréquence extrême des droites antérieures 33 %. Le tableau suivant résume la proportion de ces diverses positions : O. T. G. A 51 % O. 1. D. A 37 — O. I. G. A 55 — O. 1. D. P 45 — Positions transverses 2 — Le rétrécissement du bassin a été relativement rarement rencontré ; dans 0.35 % des cas soulement, il a entravé l'accouchement et obligé à une inter¬ vention obstétricale (forceps, basiotripsie, césarienne e.tc...). Cette rareté des rétrécissements du bassin est due à ce qu'au Tonkin le ra¬ chitisme et la luxation ongénitale de la hanche sont exceptionnels. Le nombre des accouchements prématurés par rapport aux accouchements à terme a été de 9.25 %. Le rapport des enfants morts-nés à celui des enfants vivants a été de 7.6 %. Comme cause des accouchements prématurés et de la mortalité coetale, vient en première ligne la syphilis. — 182 — Le nombre des naissances du sexe masculin l'emporte de 1.5 % sur le nombre des naissances du sexe féminin. La mortalié maternelle a été de 0,91 % ; et encore, nombre de décès con¬ cernent des femmes entrées saignées à blanc par des hémorragies ou en pleine infection. La mortalité infantile après naissance a été de 3.12 % ; le plus souvent, il s'agissait d'accouchements dont le travail avait été très lent, les femmes n'étant venues qu'après un jour et parfois plus de douleur. Le poids moyen des nouveaux-nés vivants à terme est de 2 k. 800 ; les gar¬ çons présentent ordinairement une centaine de grammes de plus que les filles. Le môle hydaitiforme a été rencontré che®, 0,094 % des femmes hospitalisées dans les services d'accouchement. Le poids moyen de l'arrière faix est de 510 grammes, un peu moins élevé chez les garçons que chez les filles. L'insertion du placenta produisant des signes cliniques appréciables a été observée dans 0.5 % des accouchements. Il a été nécessaire de pratiquer la délivrance artificielle dans 1.9 % des cas. Dans 3 % environ des accouchements une intervention obstéricale (forceps, embryotomie, césarienne, etc...) a été nécessaire, c'est une application de forceps qui a^été utilisé dans 66 % des cas, et le plus souvent pour inertie utérine chez des femmes grandes multipares : dans 27 % des interventions obs- tricales en a pratiqué une hasiotripsie ou une embryotomie. Les autres interventions 7 %, consistent soit en césariennes soit en bystérec- tomies (ces dernières pour ruptures utérines chez les femmes venant du dehors! GROSSESSE EXTRA-UTÉRINE avec rétention fœtale remontant à huit années. Par LE ROY DES BARRES (1) La nommée Ng.-thi-L..., 41 ans, entre dans notre service le 19 mars 1926 pour des pertes fétides. Les antécédents héréditaires ne présentent rien de particulier. Comme anté¬ cédents personnels nous notons que notre malade a été réglée à l'âge de 18 ans et mariée à 22 ans ; elle a eu, à l'âge de 23 ans et de 26 ans, deux gros¬ sesses qu'elle a menées à terme et dont les dciux enfants sont vivants et bien portants. En 1918, elle présenta une troisième grossesse, pendant les six premiers mois de laquelle aucune particularité ne se manifesta ; vers la fin du sixième mois, un matin peu après être levée, la malade ressentit une douleur extrê¬ mement vive au niveau du bas ventre, l'obligeant à conserver le lit. Ces dou¬ leurs durèrent une dizaine de jours, allant en s'atténuant à partir du troi¬ sième ; elle aurait présenté à ce moment quelques vomissements. L'amélioration aurait coïncidé avec l'évacuation par les voies génitales d'une masse ovoïde de la grosseur d'une noix, accompagnée d'une quantité considé¬ rable de caillots. Les jours suivants, le ventre aurait diminué progressivement de volume, et, dix mois après, aurait repris des dimensions à peu près normales ; mais à cette époque s'étaient installées des pertes purulentes, assez abondantes, féti¬ des, quotidiennes, et persistant depuis ce moment. Les règles s'étaient, réta¬ blies à peu près régulières. Au mois de septembre de l'année dernière, après quelques jours où l'écou¬ lement purulent avait cessé, la malade présenta brusquement un violent accès de fièvre, avec fatigue extrême, et une douleur vague, mal localisée dans le bas ventre. Au bout de deux jours l'écoulement purulent se rétablit, mais plus abondant et plus fétide qu'auparavant. La fièvre diminua peu à peu et au bout de quinze jours, la maladie pouvait se lever, mais l'écoulement purulent, devenu d'ailleurs moins abondant, n'en persistait pas moins et l'état général commença à décliner assez rapidement. Il y a deux mois, la malade ressentit comme la présence d'un corps étran¬ ger dans le vagin ; avec le doigt, elle en retira des fragments osseux ; dans les premiers jours de mars, la mèmei manœuvre faite par la malade lui permit d'extraire de nouveaux fragments d'os. Devant la persistance de son mauvais état général, d'une fièvre légère, et d'une douleur abdominale d'ailleurs assez vague, de pertes sanguinolentes et fétides la malade se décide à entrer à l'hôpital ; son état est à ce moment le suivant : amaigrissement extrême, faciès terreux, anorexie, température os¬ cillant entre 38°2 et 38°5. (1) Publié dans le Bulletin Société Médico-chirurgicale, 1926, p. 179. — 184 — Le ventre n'est pas volumineux, mais au contraire affaissé, la palpation de la région hy.pogastrique est un peu douloureuse, on sent qu'il existe un em¬ pâtement profond, derrière le pubis. Les dhers appareils digestif, circulatoire, respiratoire sont normaux. Au toucher vaginal, on constate que le col utérin est dur, légèrement reporté à gauche ; les culs de sac antérieur et latéral gauche sont libres ; le cùl de sac droit et le cul de sac postérieur sont en grande partie effacés et douloureux à la pression. A l'union du col de sac latéral droit et du col de sac postérieur existe un orifice admettant à peinei l'extrémité de l'index, à bords indurés. L'utérus est de volume normal, il est situé en avant, et adhère avec une tumeur du volume d'une petite orange qui est situé à droite et en arrière de lui. L'examen au spéculum montre un col plutôt petit, à orifice externe d'aspect cicatriciel, mais qui admet facilement l'hystéromètre ; la cavité utérine à ses dimensions normales. Il existe derrière le col et à droite, un orifice de la dimension d'une pièce die dix cents à bords cicatriciels par où s'écoule du pus sanguinolent et fétide : une pince enfoncée dans cet orifice pénètre à une profondeur de dix à onze centimètres et permet de sentir des parties dures. Cette pince permet de rame¬ ner les os suivants ; occipital, clavicule, les deux temporaux l'ilion gauche, appartenant à un foetus de 5 à 6 mois. Le toucher rectal confirme les données fournies par le toucher vaginal. Le diagnostic porté est celui de grossesse extra utérine avec rétention pro¬ longée du foetus, suppuration de la poche foetale et élimination progressive du foetus. L'intervention qui est pratiquée le 23 mars consiste en un large débridement de l'orifice de la poche au- niveau du vagin. Avec le doigt et la grande curette mousse-, maniée prudemment, on ramène quantité de débris sphacélés et des fragments osseux. La poche est ensuite badigeonnée à la teinture d'iode et largement drainée. Les suites sont normales, le 5 avril la malade quitte l'hôpital sur sa demande lormelle ne présentant plus de fièvre et la poche n'ayant plus que la dimension d'une grosse noix. Cette observation nous a paru intéressante à rapporter à cause du laps de temps considérable pendant Lequel il y a eu rétention foetale dans la poche extra-utérine malgré l'infection de celle-ci. UN CAS DE GROSSESSE ABDOMINALE Laparotomie. — Enfant vivant. — Guérison. Par LE ROY DES BARRES (1) Le 25 janvier 1926, nous étions appelé auprès de la née Nguyen-thi-D..., âgée de 32 ans, 3° pare, qui enceinte de près de neuf mois présentait des douleurs abdominales assez vives ; ne rappelant en rien, disait-elle, les dou¬ leurs ressenties par elle lors de ses accouchements antérieurs. Elle nous faisait appeler sur les conseils d'une sage-femme indigène diplômée de l'Ecole de Médecine qui avait diagnostiqué une grossesse abdominale. L'examen que nous pratiquons confirme ce diagnostic, le corps du foetus est dans la partie droite de l'abdomen, la tête seule est à gauche de la ligne médiane au-dessus de l'ombilic, sous la peau pour ainsi dire. La situation du foetus est transversale, les petits membres sont en avant. Les battements foetaux sont réguliers. L'utérus est gros, de volume d'un petit melon, relativement mobile, le col est mou, entr'ouvert, par son orifice s'écoule un peu de sang, et de temps à autre quelques caillots. Nous exposons à la femme la situation sans issue dans laquelle elle se trouve, à moins d'une intervention et nous arrivons à la décider à entrer à la clini¬ que Saint-Paul. Mais quand il fut question de l'opérer séance tenante, la pa¬ tiente s'y refusa et demanda à attendre, ce n'est que le 29 au matin, au mo¬ ment où à la suite de quatre jours d'insomnie, de douleurs incessantes, de vomissements continuels, au moment où son état général profondément altéré ne laissant plus que peu d'espoir dans le succès d'une intervention tant pour la mère que pour le foetus, dont les bruits du cœur étaient devenus très fai¬ bles, que cédant aux pressantes sollicitations dont elle était l'objet, notre ma¬ lade se décida à se laisser opérer. Notons que la malade n'avait pas de tempé¬ rature. Après anesthésie générale à l'éther, la laparotomie médiane permet d'ex¬ traire un enfant vivant du sexe masculin de 2 k. 800. Cet enfant était au milieu des anses intestinales, il n'y avait pas de sac à proprement parler, mais par places des membranes minces formant un cloisonnement incomplet de la cavité abdominale. Les anses étaient souillées de méconium. Le placenta était adhérent à une sorte de coque) attenant à l'utérus et à la partie droite du fond de l'utérus, quelques cotylédons étaient disposées sur le côlon ascendant, sur quelques anses grêles voisines et sur l'épiploon. La coque attenant à l'utérus n'était autre que la trompe rompue ; il fut facile d'en faire l'extirpation, les adhérences épiploïdes furent réséquées, la partie du placenta adhérente à l'utérus fut détachée sans aucune difficulté ; il n'en fut pas de même des quelques cotylédons adhérents à l'intestin dont le péritoine fut sérieusement (1) Publié dans le Bulletin Société Médico-chirurgicale de l'Indochine, 1926, p 224. — 186 — endommagé. Quelques points de catgut ayant été placés sur les vaisseaux qui saignaient, un surjet au catgut réunissant les fragments péritoné.aux libres permet une péritonisation incomplète des surfaces dénudées. Un large Micku- îicz est placé et la paroi refermée en un plan au fil d'argent. Les suites fuient des plus simples, sauf un état de schock assez marqué le premier jour ; du 6e au 10e jour le Mickulicz fut retiré progressivement et les fils d'argent enlevé le 12e. Le vingt février, la malade quittait la clinique avec une plaie presque com¬ plètement cicatrisée ne nécessitant plus que de rares pansements. Elle a été retvue ces jours derniers en parfait état de santé ainsi que son enfant. Le cas que nous venons de rapporter concerne incontestablement une grosse tubaire rompue, grossesse qui a continué à évoluer sous forme de grossesse abdominale. 11 est impossible de préciser l'époque où cette rupture s'est produite ; malgré l'interrogatoire minutieux, nous n'avons pu obtenir aucun renseignement autre que l'apparition vers le troisième mois de douleurs abdominales, mais qui ne paraissent pas avoir été très vives, la malade ayant pu continuer à vaquer à ses occupations sauf pendant deux jours ; par contre, elle déclare qu'à partir rie ce moment elle avait de temps à autre des douleurs abdominales, douleurs qu'elle n'avait jamais ressenties au cours de ses deux grossesses précédentes. Il semble bien que la malade n'a pas voulu nous renseigner, persuadée pro¬ bablement qu'il s'agissait là de l'intervention d'un mauvais génie et crai¬ gnant par ses paroles d'indisposer à nouveau ce génie contre elle. ; Nous avons pensé à cause de la rareté des cas de ce genre, qu'il était intéres¬ sent de rapporter succinctement cette observation. Il y a une dizaine d'années nous avons également opéré un cas de grossesse abdominale, malheureuse¬ ment nous n'avons pas retrouvé les notes que nous avions prises à ce moment sur cette malade. Le cas n'était, pas tout à fait identique, car le placenta s'insé¬ rait sur l'épiploon et, l'intestin, sur une très large surface, et son décollement fut extrêmement difficile ; de plus, l'enfant mourut quelques heures après la naissance. Quant à la mère, après les accidents infectieux graves, elle finit par guérir. NOTE CLINIQUE ET ANATOMIQUE SUR UN FŒTUS monstrueux ayant nécessité l'opération césarienne. Par le Dr JUDET DE LA COMBE (1) La femme T.... T.... K...., .3(1 ans, esl amenée à la Maternité de l'Hôpital indigène dans la nuit du 13 au 14 février. Les renseignements fournis par son mari et par elle-même nous apprennent qu'elle était enceinte de 7 mois et demi environ. Sa grossesse n'avait présenté rien de particulier. Le 13 février à 4 heures du matin, elle a ressenti les premières douleurs. A fi heures, elle a accouché d'une fille qui se présentait par le sommet. Peu après, elle a éprouvé de nouvelles douleurs à la suite desquelles les membres inférieurs d'un second fœtus apparaissent à la vulve. La matrone qui l'assistait, exerce des tractions sur les membres procidents, mais sans succès ; elle a de plus recours à la plupart des manœuvres et des drogues usitées par les matrones annamites pour faciliter l'accouchement line deuxième matrone, puis une troisième et enfin le mari viennent joindre leurs efforts aux siens. Tous ces efforts combinés ont pour résultat d'arracher les deux pieds du fœtus. Après une longue journée de manœuvres infructueuses, on se décide au milieu de la nuit à amener la malade à la maternité où je la vois le 14 février à 1 heure du matin. A mon arrivée, la femme paraît épuisée, le pouls est petit, rapide ; tempéra¬ ture 36,7. Je constate la présence à la vulve des membres inférieurs mutilés d'un fœtus de 7 mois à 7 mois et demi. Au toucher, je trouve dans le vagin les cuisses, puis les organes génitaux mâles. Tout cela paraît normalement conformé. Aies doigts dépassent le col et rencontrent, le bassin du fœtus que je saisis entre l'index et le médius appli¬ qués sur les os iliaques. J'essaie de le mobiliser. Je puis lui imprimer des mouvements latéraux mais la traction n'entraîne aucun mouvement de des¬ cente ; la masse fœtale est solidement accrochée au-dessus du détroit supérieur. Le palper ne donne aucun renseignement utile. On sent un utérus contracté sur une masse dure arrondie. Rien à l'auscultation. Après un léger chloroforme, j'introduis la main et l'avant-bras droits et voici ce que je constate : L'utérus est fortement rétracté, la main l'explore avec peine. L'anneau de Bandl est très serré. Je perçois cependant assez nettement qu'au-dessus du bassin du fœtus que j'avais saisi, l'abdomen est normal, je trouve le cordon, puis en remontant, au niveau de la base du thorax, je sens une vaste tumeur arrondie, lisse, régulière, plus ferme qu'un siège, mais moins dure qu'une tête et paraissant avoir plus de deux fois les dimensions d'une tête fœtale. (1) Publié dans le Bulletin de la Sociélé Médico-chirurgicale de l'Indochine, année 1911, n° 7, p. 372. — 188 — Sa surface présente quelques aspérités et quelques dépressions peu mar¬ quées. Mais l'exploration complète de la cavité utérine, ne me permet de trouver rien qui ressemble à une tête ou à des membres supérieurs. En raison de son volume et de sa consistance, il m'apparaît impossible que cette masse puisse avoir issue par les voies naturelles. Les mutilations ne me paraissent pas indiquées pour les raisons suivantes : une basiotripsie, — en admettant que l'introduction de l'instrument soit possible — ne donnerait qu'une réduction insignifiante de cette niasse élas¬ tique, compensée sans doute par l'augmentation d'un autre diamètre. Quant à l'embryotomie, je la juge encore plus impossible. Il faudrait pour la mener à bien plusieurs opérations que l'état de l'utérus contracté sur la tumeur, rendraient dangereuses pour la mère. Je me décide donc pour l'opération césarienne et j'en fais part au Dr Le Roy des Barres qui la pratique séance tenante. L'opération n'a rien présenté de particulier. Incision de la paroi abdominale, du péritoine, puis de l'utérus au bistouri d'abord et étendue en deux ou trois coups de ciseaux à toute la longueur de l'organe. Le placenta qui se présente est décollé et le fœtus extrait rapidement, puis le placenta. L'hémorrhagie est abondante, mais non excessive. Elle diminue dès que l'utérus débarrassé de son contenu peut revenir sur lui-même. Suture de l'utérus au catgut sur deux plans à points séparés. Suture du péritoine et de la paroi au fil d'argent. Drain dans la partie inférieure de la plaie. Les suites de l'opération ont été très heureuses. Le lendemain, un peu de température et lochies fétides. Dès le 3e jour tout rentrait dans l'ordre, le 11e jour la malade se levait et le. 30" jour elle quittait l'Hôpital guérie. J'ai tenu à présenter au cours d'une de nos précédentes séances, le monstre tel qu'il avait été extrait pour permettre de constater quelle dystocie absolue entraînait sa présence dans un utérus. Pour s'en convaincre il suffit de considérer les mensurations suivantes qui ont été prises aussitôt après l'opération. Hauteur totale 33 centimètres : Diamètre antéro-postérieur 9 — Poids 1.740 grammes Diamètre transversal de la tumeur 22 Diamètre vertical 11 Poids du placenta 550 Le fœtus ne pouvait donc pas sortir par la filière pelvi-génitale. Si par un hasard extrême la tumeur avait pu réussir à présenter en inflexion latérale forcée ses plus petits diamètres antéro-postérieur et vertical au détroit supé¬ rieur, l'engagement aurait pu se faire, mais la descente eût été impossible par suite de l'augmentation du volume de la tumeur, à l'épaisseur de laquelle venait s'ajouter l'épaisseur de l'abdomen et du bassin. Quant à la sortie par le siège, tel que le fœtus s'était présenté, elle était absolument impossible, le monstre était rivé dans le bassin par sa forme même. Examen anatomiqué du monstre Le monstre présente dans l'ensemble la forme d'un champignon. Les membres inférieurs et, le bassin sont de proportions normales. Les organes génitaux externes, l'abdomen, le cordon ne présentent rien de particulier. — 189 — Au niveau de la base du thorax, le tronc se renfle subitement et forme une tumeur volumineuse qui englobe en même temps les membres supérieurs et la tête ; cette tumeur présente à sa partie médiane et antérieure une dépression longitudinale, du fond de laquelle émergent de petits bourgeons charnus, et deux vésicules claires, le tout ensemble gros comme une noisette. Ce sont là les rudiments de la face. Tls sont surmontés de poils : les cheveux. Le reste de la tumeur est glabre. Sur les parties latérales, apparaissent des mains rudimentaires. L'une, la droite, ne présente que trois doigts, la gauche mieux formée, en a quatre, et un repli du tégument lui dessine vaguement un avant-bras. A la paritie inférieure de la tumeur, deux très légères dépressions signalent les mamelons qui sont ombiliqués, débordés par le tissu conjonctif environ¬ nant. La partie postérieure ne présente rien de particulier. Système osseux. Les membres inférieurs et le bassin sont normaux ; la colonne vertébrale est bien développée dans les portions lombaire et dorsale, la cage Ihoracique est au complet, mais n'a pas son amplitude normale. La colonne vertébrale cervicale n'existe pas. De la partie supérieure de la première vertèbre dorsale partent des ligaments fibreux qui la réunissent à une masse dure osseuse, de la grosseur d'une noisette. Cette niasse sert de support aux bourgeons, rudiments des organes des sens. A la dissection, elle laisse connaître cinq os : deux os pairs allongés et légèrement courbes, joints sur leur milieu par une lame fibreuse, et dont la partie libre présente une échancrure qui permet de reconnaître en eux les maxillaires inférieurs. Au-dessus de leur partie libre se trouvent deux niasses osseuse ovale qui, par leur position par rapport aux maxillaires paraissent être les temporaux. En arrière, une masse osseuse plus étendue occupé la place de l'occipital. Ces cinq os circonscrivent une loge ovale, au centre de laquelle se trouve un organe nettement différencié entouré d'enveloppes fibreuses, qui paraît être le cerveau. Les bourgeons charnus qui représentent les organes des sens sont réunis aux masses osseuses par des membranes de consistance cornée, très rudimentaires, qui figurent les os de la face. Les omoplates et les clavicules sont bien développées. Les membres supé¬ rieurs sont rudimentaires. Les humérus sont assez normaux, quoique pris dans la masse du tissu conjonctif. Les avant-bras et les mains sont incomplets et rudimentaires. Système musculaire. D'une façon générale son développement est parallèle h celui du système osseux. Système circulatoire. Normal dans les membres inférieurs. A l'abdomen et au thorax, il est cons¬ titué essentiellement par deux vaisseaux parallèles, une artère et une veine appliquées contre la colonne vertébrale, qui représentent l'aorte et la veine cave inférieure. Schéma des principales malformations. A leur extrémité inférieure, elles ont leurs divisions normales, à leur partie moyenne, elles assurent la circulation rénale ; à leur parité supérieure, après avoir traversé un diaphragme rudimentaire, elles se subdivisent en plusieurs — 190 — vaisseaux qui vont se perdre dans la masse de tissu cellulaire lâche qui remplit la cavité thoracique. Ces deux vaisseaux sont parfaitement cylindriques et ne présentent aucun renflement, aucun diverticule, rien qui puisse ressembler à un rudiment de cœur. Système nerveux. Le système nerveux central est représenté par la petite niasse ovale de ki grosseur d'un pois que nous avons trouvée au sommet du rachis. Le micros¬ cope binoculaire permet d'y voir des replis qui ont l'apparence de circon¬ volutions. Elle est constituée par une enveloppe fibreuse qui contient une masse de consistance caséeuse qui, à l'examen microscopique apparaît formée de cellules nerveuses multipolaires et de fibres nerveuses. Elle n'a aucune conne¬ xion avec la moelle épinière. Celle-ci paraît normale à partir de la colonne dorsale. Les filets nerveux émergent régulièrement par les trous de conjugaison. Nous avons recherché et trouvé de gros troncs, cubital, sciatique. Appareil respiratoire. Les poumons n'existent pas. A leur place, 011 ne trouve rien qui rappelle leur forme ou leur structure. Les deux gros vaisseaux après avoir traversé le diaphragme, se ramifient dans un tissu conjonctif lâche parsemé de corpus¬ cules bruns qui, au microscope, apparaissent formés de fines granulations. Ils se retrouvent partout où des organes sont atrophiés et sont probablement des résidus de destruction des globules sanguins. Appareil digestif. L'abdomen ouvert laisse voir à sa partie inférieure un intestin parfaitement conformé avec un anus perméable. En dévidant l'intestin, on voit successive¬ ment, les colons, la valvule iléo-cœcale et l'appendice puis l'intestin grêle, qui se termine à la partie supérieure par un cul-de-sac en doigt de gant, par foitement cylindrique sans aucune trace de renflement qui puisse simuler un estomac. Cette extrémité est libre et dépourvue de mésentère. La longueur totale de l'intestin est de 35 centimètres ; il est rempli d'une matière rosée pâteuse, 11e ressemblant pas au méconium, car elle n'est pas colorée par la bile, la foie ne s'aboucliant pas dans l'intéstin. La foie est volumineux, il occupe tout le fond de la cavité abdominale, à droite et à gauche. Ni vésicule ni gros canaux biliaires. En avant et au-dessous du foie, un petit organe glandulaire, le pancréas sans doute. Les reins sont très volumineux, fis présentent les vaisseaux normaux et les uretères qui aboutissent à la vessie. Les organes génitaux sont parfaitement conformés ; 011 y trouve les testicules, les corps caverneux, l'urètre. Tumeur céphalo-thoracique. La niasse de la tumeur est formée d'un tissu Jardacé épais qui est du tissu conjonctif hypertrophié. Elle n'est, pas homogène et présente de chaque côté une petite cavité pleine d'un liquide filant et d'une matière gélat.iniforme. Vu d'ensemble des formations emdodermiques (Testut). Ce schéma est joint à titre de renseignements pour montrer à quel point a commencé la malformation des organes de formations endodermiques. Placenta, — Ne présente rien de particulier. Les deux cordons s'y insèrent. — 191 — Conclusions Si nous vouions donner à ce monstre une place dans la classification de Geoffroy Saint-Hilaire, nous dirons : Monstre unitaire, omphalosite, hémiacé¬ phale. Unitaire, parce qu'il est formé d'un seul élément embryonnaire ; Omphalosite, parce que ne possédant qu'un système nerveux rudimentaire et pas de cœur, il ne pouvait se développer qu'avec le secours d'un frère ju¬ meau bien conformé qui venait assurer sa circulation. Hémiacéphale, parce que « la tète est représentée par une tumeur informe « avec quelques appendices ou replis cutanés simulant la bouche ou le nez » (Rabaud) . Pouvons-nous dans l'examen de ce monstre, retrouver sinon la cause, du moins le mécanisme de la déformation ? Parmi toutes les anomalies que nous avons énumérées, une surtout nous a frappé, car elle est la plus complète, la plus radicale, c'est l'absence de la colonne cervicale, de ses vaisseaux, de ses nerfs, son remplacement par du tissu fibreux. C'est la malformation première, celle qui a déterminé les autres. Elle est due elle-même à une bride amniotique, à une adhérence. « L'adhérence, pour ce qui la concerne, est toujours précédée ou suivie « d'une inflammation ; celle-ci a pour conséquence la destruction d'une région « plus ou moins étendue de l'embryon ou du fœtus et la constitution d'un ( lissu cicatriciel de remplacement » (Babaud). L'adhérence au niveau du cou ne constitue pas la monstruosité. Mais elle a détermine. Par l'oblitération et la destruction des vaisseaux, elle arrêtera la nutrition et par suite le développement du cerveau qui tombe en dégéné¬ rescence pendant que le tissu conjonctif sous cutané s'hypertrophie et que la plupart des organes restent à l'état rudimentaire. Ceux qui se développent le font d'autant mieux qu'ils sont plus près du second fœtus, le fœtus nourricier ; c'est pour cela que nous voyons les organes d autant mieux développés qu'ils sont plus près de l'ombilic. « sia^ -- - m s " Csv ssasista -." Sis -? : ': ""-' ! ils Êi ■ f® mm :-V . 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