Ce portrait montre peut-être le mandarin de premier degré Nguyễn Văn Tường (1824-1886), régent impérial en 1883-1884, vêtu de sa robe de cérémonie en brocard de satin de soie. Les mandarins, de hauts fonctionnaires, étaient recrutés par le biais de concours très difficiles, calqués sur le modèle chinois. Les candidats étaient interrogés notamment sur les classiques chinois, la composition littéraire et la rédaction d'actes publics ; ce système aboutit à la création d'une caste de fonctionnaires coupée des réalités et peu ouverte au changement, responsable en partie de la perte de l'indépendance du Viêt Nam.

Rien n'est laissé au hasard dans ce magnifique costume, dont chaque élément porte une signification précise. Au bas de la robe, au centre, des montagnes émergent des flots ondulants de la Mer du Bonheur, symboles taoïstes de force et de permanence. Sur les vagues, deux tortues, symboles de longévité ; leur souffle exhale une épée et un livre, emblèmes respectifs des mandarins militaires et civils. Au-dessus, des nuages figurent l’élément air. On ne les voit pas ici, mais des qilin reposent sur ces nuages, animaux mythologiques porteurs du disque céleste, symbole du bon gouvernement. Sur la poitrine et les épaules s’étale un grand dragon à quatre griffes. Deux phénix s’envolent sur le bout des manches. Le ceinturon est en bambou, orné de plaques recouvertes d’écailles et de feuilles d’or. La coiffe est elle aussi très travaillée, avec des ailettes et des ornements en or. Enfin, il tient dans les mains une plaquette d’ivoire.

Source de la description : texte de Frédéric Mantienne in Franchini, Philippe ; Ghesquière, Jérôme (dir.), Des photographes en Indochine. Tonkin, Annam, Cochinchine, Cambodge et Laos au XIXe siècle, Marval & Réunion des musées nationaux, 2001, p. 85.