La révolution

Classe

Texte

Type de document

fre Livre

Titre

fre La révolution

Éditeur(s)

fre A. Lacroix Verboeckhoven

Date

Date de création originale

Langue(s)

fre

Couverture temporelle

fre 1789/1799

Couverture spatiale

Importance matérielle

fre 2 volumes
fre 24 cm

Source

fre Université Côte d'Azur. BU Lettres Arts Sciences Humaines. Collection Edgar Quinet

Cote

fre Res 240

Identique à

Droits

fre Domaine public

Identifiant pérenne

Description

Exilé en Suisse à partir de 1858, Edgar Quinet y prépare son ouvrage La Révolution, qui paraît en France en 1865, où la première édition est épuisée en six jours. Cet ouvrage est le fruit d’un long travail et le début de son élaboration intellectuelle peut être daté, sans aucun doute, grâce aux carnets de l’écrivain et au journal inédit d’Hermione Quinet (conservés à la BnF), de 1852 : paraît cette année-là la "Philosophie de l’Histoire de France". Doit suivre la "Philosophie de la Révolution française", achevée en 1855, mais non publiée. Il reprend ce texte en janvier 1862, s’appuyant sur et discutant les ouvrages de Philippe Buchez, Roux, Jules Michelet, Louis Blanc, le Moniteur, "La démocratie en Amérique" d’Alexis de Tocqueville qu’il lit et annote entre février et mai 1862. La rédaction définitive, terminée en octobre 1865, s’appuie sur les mémoires de l’ancien révolutionnaire Marc Antoine Baudot, un ami de sa famille à Charolles, qui fut d’une grande influence dans sa formation républicaine, qu’il vient de recevoir en legs en 1863.
Dès 1795, la conspiration de Babeuf marquait la naissance de la nostalgie de 1793 et de la Terreur, ouvrant une tradition hostile à la République des nantis et la prétention d’achever la Révolution par la République. L’héritage révolutionnaire en politique est très vite confronté à la question de l’énigme révolutionnaire et son sens. Pour les libéraux de 1820, Adolphe Thiers, François-Auguste Mignet, François Guizot, Augustin Thierry, 1789 c’est le passage de l’aristocratie à la démocratie et les institutions libres, et 1793 un épisode passager et déplorable dû à la lutte des classes, la dictature est une nécessité secondaire mais passagère. Et ainsi en 1830, pour ne pas faire à nouveau place à la dictature, ils choisissent Louis-Philippe et la monarchie constitutionnelle, s’inspirant de la révolution anglaise de 1688, voie médiane fondatrice d’un régime parlementaire modéré. Cette confiscation orléaniste de 1830 renforce dans l’historiographie de la Révolution le courant du jacobinisme qui fait de 1793 l’aboutissement véritable de la Révolution. Puis s’y projette 1848 et le ressenti de lutte des classes entre bourgeoisie (libérale) et peuple. Ainsi, Louis Blanc et Philippe Buchez célébrant 1793, y placent le culte de l’État dans tous ses aspects, élément s’exprimant aussi dans la monarchie absolue, État qui joue le rôle de garantie pour les masses populaires contre la bourgeoisie individualiste et capitaliste. Proche de Victor Cousin, qui est parmi les proches des hommes de la monarchie de Juillet, Edgar Quinet s'en éloigne, s'opposant au conservatisme de ce régime et évolue vers le camp républicain. Sa rupture avec la vision libérale de la Révolution se fait surtout via les rapports avec le catholicisme : si l’éclectisme cousinien, devenu philosophie officielle, réserve la religion à la sphère privée, c’est pour mieux imposer dans la sphère publique le monopole bourgeois, où la religion est instrumentalisée. Il veut à cette « philosophie de la Restauration » substitué une « philosophie de la Révolution », comme il commence à l’évoquer dans ses cours au Collège de France en 1845.
En 1865," La Révolution" dresse un bilan non manichéen de la Révolution et provoque une controverse importante dans l’histoire intellectuelle du parti républicain. A contre-pied de la justification circonstancielle donnée à la Terreur par les libéraux de la Restauration tel Adolphe Thiers et François-Auguste Mignet, ou de la sublimation de cette période par les historiens sous la Monarchie de Juillet, Armand Carrel, François-Vincent Raspail entre autres, il dresse un bilan négatif de l’héritage politique de la Révolution. Entre les partisans de la Révolution, glorifiant l’ensemble de la période et les détracteurs condamnant en bloc, il met les Républicains face à la mythologie et l’automystification. Pour lui, la Révolution a échoué politiquement comme le montre la naissance des deux Empires. Pour poursuivre l’œuvre républicaine et « répandre un esprit nouveau » pour une « démocratie nouvelle, libre et libérale », il faut comprendre ce qui a conduit la France de l’idéal démocratique de 1789 au despotisme bonapartiste.
Réfléchissant à l’échec de la démocratie, il est accusé de compromettre sa renaissance et d’aller contre le parti républicain en donnant des arguments à ses adversaires. L’affrontement autour de ce livre n’est donc pas le jeu de l’opposition entre contre-révolution et Révolution, mais bien un débat interne à l’intérieur du camp républicain, un conflit d’interprétation et d’idées au sein de la gauche. Ainsi, l’ouvrage remporte un beau succès chez les libéraux, mais moins dans la presse démocratique : Alphonse Peyrat, rédacteur en chef de "L’Avenir national", un néo-jacobin, publie une série d’articles contre l’ouvrage à partir du 17 novembre 1865, le décrivant comme bizarre, puéril, banal. Le 6 janvier 1866, Jules Ferry, jeune avocat et journaliste, réagit à Peyrat dans "Le Temps" : le jacobinisme est bien un danger extrémiste dont il faut s’éloigner pour éviter un nouvel échec, non pas nécessité de guerre, mais système transformant la terreur populaire et anarchique en principe de gouvernement pour abattre ses opposants, donc négation de la démocratie. Louis Blanc reprend les critiques de Peyrat dans une longue lettre au "Temps" du 21 février 1866. Edgar Quinet répond à la polémique en 1867 avec "La Critique de la Révolution", publiée en préface de la cinquième édition de "La Révolution", renforçant son idée que droit, justice et liberté doivent faire le programme du parti républicain. En opposition (implicite) à Philippe Buchez qui fait de la révolution la conséquence du catholicisme, il fait du christianisme dans sa composante réformée, hérétique, dissociée de l’Église romaine le ferment de l’individualisme moderne, redécouverte de la liberté spirituelle, et donc étape vers la liberté politique.
Par ce débat sur la Terreur, Quinet participe à la définition de la ligne de partage idéologique entre gauche et extrême gauche, faisant des républicains les héritiers de 1789 et pas de 1793, montrant la continuité de la Révolution malgré la tyrannie, créant un mythe permettant aux futurs fondateurs de la IIIe République, comme Jules Ferry, de se proclamer des lumières de la Révolution.

Résumé

La Révolution dresse une analyse critique de la tradition démocratique française dans l’objectif de comprendre l’origine de la faillite démocratique ayant permis le Second Empire. Deux grands thèmes sont abordés : le rapport entre Révolution et religion (en particulier le catholicisme) et les deux phases contradictoires, libéral et despotique de 1789 et 1793.
La Révolution française appartient pour Quinet à deux ordres de réalité : un processus de Révolution civile ou « matérielle et sociale », signe d’un progrès constant et irréversible, – c’est la conquête de l’égalité civile établissant de nouveaux avantages aux citoyens avec l’abolition de la propriété féodale et la vente des biens du clergé – ; et un autre processus bien distinct de l’ordre de la liberté politique, qui touche à la morale et à la religion et qui, lui, est toujours en cours et demande encore de nombreux combats. Dans ce processus, il s’agit de créer un nouveau rapport de l’homme à la liberté dans une nouvelle société politique et c’est là que la Révolution française a échoué. Pour résoudre le problème d’interprétation des historiens républicains Thierry, Guizot ou Mignet, Edgar Quinet séparent les deux ordres de réalités que sont l’ordre social et économique et l’ordre politique et religieux. Dans cette pensée, la religion est une valeur première de la civilisation morale et la source des progrès de l’humanité, mais aussi le conservatoire des traditions mortes, passé paralysant le présent. Le catholicisme c’est l’Église du Moyen âge, tandis que la révolution protestante a fait réapparaître le message originel de liberté. Chez Quinet, le religieux n’est pas rejeté dans la sphère individuelle, mais sous-tend le concept de politique : la révolution est l’évènement où affleure de manière nouvelle la religion dans la politique, c’est le message religieux qui ré-existe historiquement. Et le problème de la Révolution française comme analyser dans La Révolution, c’est sa nature spirituelle, son rapport au christianisme. Il oppose les pays où il juge que les croyances et institutions religieuses, protestantes, se sont cristallisées dans des révolutions politiques, l’Angleterre, les États-Unis, les Pays-Bas, et la France, monarchie catholique empêchant la transformation politique et donc où l’esprit nouveau devait se faire contre la religion. L’antériorité de la révolution protestante a permis la liberté politique en Angleterre, faisant office d’ancre, de point moral face aux conflits de partis. La Révolution française a échoué à renouveler la religion, pour l’amener vers le consensus, s’arrêtant à la tolérance et la liberté des cultes, laissant persister l’influence de cette Église catholique passéiste, sans penser le pluralisme confessionnel et le rapport à l’État.
L’autre question centrale est celle du pouvoir : la Révolution est le ressaisissement du peuple face à la monarchie absolue ; la Constituante a voulu fonder un nouveau pouvoir basé sur la liberté et la démocratie contre le pouvoir absolu. Mais le drame de la Révolution, c’est que dans le conflit entre Montagnard et Girondins s’est joué la lutte entre le retour du pouvoir absolu et la démocratie et que c’est le parti montagnard et jacobin qui ont gagné, reconstituant l’usage politique du pouvoir absolu. Face à la Terreur, expression du retour à l’absolutisme, Edgar Quinet récuse l’admiration rituelle traditionnelle du camp républicain, et son explication traditionnelle par la loi des circonstances. La Terreur n’est pas le résultat d’une situation exceptionnelle, mais le produit de la Révolution qui a choisi l’absolutisme, et elle est surtout condamnable par son absence de sens, sacrifiant des individus à l’État, poursuivant la raison d’État non justifiée de la monarchie absolue. Aucune logique supérieure, là où il aurait fallu institué une nouvelle morale religieuse, pour créer une civilisation de l’avenir. 1793 n’est qu’une résurgence de l’arbitraire royal, la Terreur est le retour de l’absolutisme au cœur de la révolution démocratique, ce qui s’explique par la culture de l’autorité et de soumission inculquée au peuple par l’Église catholique. La Révolution a renforcé l’acceptation de la servitude et la gauche républicaine a accepté le pouvoir arbitraire. Aux fameuses circonstances absolvant la Terreur chez les historiens libéraux de 1830, il substitue le poids à l’intérieur de la Révolution de la tradition cléricale et monarchique et la période la plus révolutionnaire devient la plus réactionnaire. La lecture d’Edgar Quinet, dans l’amertume de l’échec de la deuxième République et de l’exil, est donc très pessimiste.

Collections

Ressources liées

Filtrer par propriété

Est une partie de
Titre Libellé alternatif Classe
La révolution. Tome premier Texte
La révolution. Tome second Texte