Hyacinthe

Classe

work

Forme de l'oeuvre (au sens FRBR)

fre Roman

Titre

fre Hyacinthe

Date de création originale

1937/1939

Langue(s)

fre

Identifiant pérenne

Description

Hyacinthe représente une certaine inflexion dans l’œuvre d’Henri Bosco qui le considère comme un centre de son œuvre, comme il l’exprime dans une lettre à Edmond Jaloux du 11 novembre 1945 : « Depuis [19]40, j’ai écrit cinq livres […] Tous ne ressemblent pas à Hyacinthe mais jamais l’esprit de Hyacinthe n’est absent. Deux d’entre eux cependant cherchent, suivant la même orientation, tantôt plus familièrement tantôt d’une façon encore plus austère, à atteindre le même pays ; et, pour lointain, pour inaccessible qu’il soit, le seul pays. » « Hyacinthe » qui se veut une suite de « L’Âne culotte », qui a offert une première reconnaissance d’importance à Henri Bosco, est écrit entre 1937 et 1939, et achevé un peu avant la guerre. Il est composé en 1940, mais n’est publié qu’en janvier 1941 par Gallimard. Il met plusieurs mois à arriver en zone libre puis en Afrique du Nord. Le contexte fait que son roman passe complètement inaperçu.
En 1941, Maurice Blanchot lit dans ce récit « beau et singulier », une « ébauche très importante d'une forme qui oblige le roman à rompre avec ses conventions », rapprochant l’écriture d’Henri Bosco du surréalisme, même si Blanchot regrette que Bosco ne soit pas allé plus loin de ce point de vue : « on ne peut dire que M. Bosco ait complètement réussi dans l'entreprise qu'il s'était donnée, car trop de souvenirs, de réminiscences, de desseins à priori l'ont empêché de suivre le cours de l'image et d'avancer par les seuls progrès de la métaphore. » Il analyse tout de même une distanciation par rapport à la logique linéaire et la vraisemblance psychologique et la force de l’image. Ainsi « Hyacinthe », commence-t-il par l’image d’une lampe, vue par le narrateur à la fenêtre de la Gineste et qui guide l’ensemble de ces pas sur le plateau Saint-Gabriel que ce soit pour la fuir ou la posséder.
Ce début qui oriente immédiatement le récit vers le songe, était précédé dans les brouillons d’Henri Bosco par un liminaire où Henri Bosco revient sur son intention : « il s'agit d'un témoignage. Nous l'avons publié en pensant qu'il serait précieux, peut-être, à ceux qui ont connu Constantin, Hyacinthe et le vieux Cyprien. […] le témoin qui les a rencontrés bien des années plus tard, nous les montre toujours hantés du même rêve, émus de la même passion.
Lui-même, pénétré de cette frénésie étrange, peu à peu entre dans leur aventure et peut-être dénoue leur drame.
Il s'agit en effet d'un drame : celui de la Terre et du Ciel.
Peut-on créer le Paradis sur cette terre, par simple amour de l'homme, et par les seuls charmes, si puissants soient-ils, de l'intelligence ? Le créer, sans le souffle de Dieu ? »
À la suite d’une demande d’une lectrice, Henri Bosco envisage donc d’écrire une suite à « L’Âne Culotte », et il souhaite concevoir un récit où Constantin et Hyacinthe doivent se retrouver dans l’Amour partagé. A son ami François Bonjean, il relate cette genèse du récit et son échec sur son idée initiale qui donnera « Hyacinthe » :
« Hyacinthe
1°) Je l'ai entrepris avec l'intention de donner une suite à L'Âne. Mon but était de réunir un jour Constantin et Hyacinthe qui, eux, par mutuel Amour, connaîtraient un paradis terrestre.
2°) Mais j'aime m'insérer au récit, user de la 1re personne. C'est mon moyen d 'atteindre à la poësie. Quand je dis : « il », je perds le contact, si je n'interpose pas « je » entre ce « il » et le lecteur. J'ai donc posté un personnage, un récitant, au seuil de ce livre. Il devait raconter l'histoire.
3°) Au lieu de la raconter, il l'a envahie, et il s'est substitué aux personnages. Malgré moi. C'est un cas de possession. […]
4°) Il y a donc dans Hyacinthe :
A) une rêverie effrénée - et qui, étant donné le protagoniste, ne peut qu'être effrénée.
B) mais 3 moments en émergent :
« Souvent l’âme n’est plus elle-même, elle devient ce qu’elle contemple »
« Alors je sentis ma misère »
« Envoie ton Souffle ! » […]
« 6°) Je connais les défauts du livre. Mais je me demande s'il pouvait naître autrement qu'avec toutes ces faiblesses. Je crois qu'il faut le prendre pour ce qu'il est : non pas un roman, mais le récit d'une exploration, intérieure, d'abord, supérieure, ensuite, au moi le plus profond de celui qui explore. » (Lettre à François Bonjean, 21 septembre 1941)
Ce narrateur, qui est donc, selon Henri Bosco, le fruit de l’emballement de son imagination, est celui qui prend en otage métaphoriquement Hyacinthe, comme Cyprien l’a enlevé physiquement à l’amour de Constantin. Trois ans après la parution de « L’Âne culotte », le personnage de Hyacinthe est une présence éthérée dont l’existence n’est pas avérée dans le monde physique. Le narrateur anonyme de « Hyacinthe », qui habite La Commanderie, est le voisin de Constantin Gloriot, installé à La Gineste où il attend Hyacinthe. Obsédé, pris de délire, il transcrit le récit de Constantin et reprend mot pour mot des passages de « L’Âne Culotte », se plaçant dans ses pas. Le narrateur revit l’enfance de Constantin : « je retirais d’une mémoire imaginaire toute une enfance que je ne me connaissais pas encore et que cependant je reconnaissais », une enfance mythique « pour calmer, par une fiction, l’ardeur sournoise de quelque vieux désir d’innocence et d’ivresse, descendu dans mon sang, depuis les jours de Paradis » (Hyacinthe, Gallimard, 1940, page 157). Si « L’Âne Culotte » montre un Paradis terrestre réalisé par la Terre, « Hyacinthe » renvoie au paradis de l’état de pureté et d’innocence de l’enfance. L’enfant est lui-même le paradis et le personnage de Hyacinthe, éternelle enfant, apporte la vision du paradis aux narrateurs adultes hantés par elle. Elle est celle qui a gardé le paradis en elle, contrairement à Constantin qui en cueillant dans « L’Âne Culotte » la branche d’amandier, a commis une faute et donc a perdu la pureté de l’enfance. Le narrateur s’approprie ce paradis et dans son rêve délirant, est comme Cyprien, livré aux forces ténébreuses de la Terre. Henri Bosco dit de « Hyacinthe » : « C'est le suc de mon cœur, l'œuvre où je me suis le plus abandonné à l'ivresse des forces telluriques ; une transe qui me comble et me vide » (cité par Sophie Pacifico-Le Guyader, « En Provence sur les pas d'Henri Bosco », p. 12)
Si « Hyacinthe » se voulait un éclaircissement à « L’Âne Culotte », le récit s’est transformé en « recherche d’une âme par l’attente et par la vision », une histoire qui n’a jamais de dénouement, car « il n’y a rien qui s’achève, et que derrière le mystère il y a toujours un autre mystère » (Jean-Pierre Cauvin, « Henri Bosco et la poétique du sacré », pages 235-236). Soucieux de dépasser le stade des manifestations et de se rapprocher « du point où les apparences se lient aux réalités qui les font naître » (Lettre à François Bonjean, 21 septembre 1941), Henri Bosco prête au narrateur de Hyacinthe son expérience de la contemplation, s’inspirant de Plotin (Ennéades, IV, 3, « Des difficultés relatives à l’âme ») réécrit dans le récit : « Souvent l’âme n’est plus elle-même, elle devient ce qu’elle contemple. » (Hyacinthe, page 108). Au-delà de la contemplation, la métensomatose de l’âme de Hyacinthe qui migre et voyage en-dehors de son corps est aussi une idée de la philosophie néo-platonicienne de Plotin.
L’écriture est le reflet d’un état d’âme : « [Hyacinthe] est mon livre clef et je l’ai écrit non point pour faire un livre, mais pour fixer par écrit à mon usage, un état d’âme, qui fut mien, et dont j’essaie de me dégager. Plus je vis plus je me persuade que l’œuvre d’un écrivain digne de ce nom est en quelque sorte le journal de ses progrès spirituels » (Lettre à Edmond Jaloux 9 juillet 1942). C’est le récit d’un cheminement intérieur du personnage reflétant celui de l’auteur et des reflets d’évènements ayant lieu dans des zones inaccessibles à la conscience ordinaire. Pour achever cette exploration et atteindre le Salut, Henri Bosco juge indispensable l’intervention d’une influence supérieure, le Saint Esprit. Bosco appelle ainsi Hyacinthe « le livre du Saint-Esprit » : des allusions parsème le parcours du narrateur, colombes, Pentecôte, et dans le dénouement où le narrateur sent un « petit souffle » sur sa joue (Hyacinthe, page 252). Le livre se clôt sur l’inscription de l’Hospitalet, traditionnelle invocation à l’Esprit dans l’Eglise catholique tirée du psaume 103 :
« Emitte spiritum tuum
Et creabuntur et renovabis
Faciem terrae
Alleluia ! »

Résumé

Le narrateur, habitant sur le plateau de Saint-Gabriel un mas nommé La Commanderie, est intrigué par une lumière brillant à la fenêtre de son voisin à la Gineste. Ce voisin n’est autre que Constantin Gloriot qui attend là le retour de Hyacinthe. S’éloignant de cette lumière qui l’obsède, le narrateur accomplit une descente aux enfers sur la Terre, glissant dans les étangs. Il y est sauvé par un Vieillard qui accompagne en fait Hyacinthe, échappée du domaine magique de Cyprien, Silvacane, et qui rôde autour de La Gineste sans y pénétrer. Le narrateur percevant le pas de Hyacinthe sur le plateau, pris par le faux amour qui le pousse à désirer posséder Hyacinthe comme Cyprien, finit par pénétrer dans la Gineste pour voler et éteindre la lampe de Constantin, ce qui fait fuir Constantin. Voulant usurper l’amour à son profit, le narrateur tenter de saisir Hyacinthe qui s’échappe à nouveau. En quête, le narrateur se rend à Silvacane, où il ne trouve que solitude et ennui. C’est lorsqu’il revient à la Commanderie dans un état d’esprit de pure attente qu’il sent passer sur sa joue le souffle de l’Esprit qui le pousse vers l’amour et l’absolu don de soi.

Table des matières

Le plateau de Saint-Gabriel
Les étangs
Le feu
Hyacinthe elle-même
Convalescence
Le retour de Hyacinthe
Le jardin
Lui

Collections

Relation(s)

Le personnage de Hyacinthe, né dans « L’Âne Culotte », est le cœur du cycle de Hyacinthe, qui se termine avec « Le Jardin de Hyacinthe », mais aussi celui du cycle de Pascalet, constitué de « L’enfant et la rivière », « Le Renard dans l’île », « Barboche », « Bargabot » et « Pascalet » (ou « La clef des champs ») et apparaît encore dans les deux récits pseudo-autobiographiques « Mon compagnon des songes » et « Tante Martine ». C’est dans le « Jardin de Hyacinthe » paru en 1945 qu’Henri Bosco élabore la vraie suite de L’Âne Culotte et l’histoire d’Hyacinthe et Constantin.

Cette expérience des mouvements profonds de l’âme peut être rapprochée de certaines idées de Guénon sur la connaissance par reflet ou l’état de rêve. Henri Bosco a peut-être trouvé dans ces idées guénoniennes une interprétation de ses « images mentales ». Dans un article paru dans Etudes traditionnelles en janvier 1936, « La prière et l’incantation », René Guénon évoque la perception de « certaines réalités d’ordre supérieur » sous des formes psychiques ou mentales, restant des phénomènes à dépasser pour accéder à la connaissance du Soi non plus par reflets mais par ses « rayons ». Et Henri Bosco de décrire à François Bonjean dans une lettre du 21 septembre 1941 que Hyacinthe est le « récit d’une exploration, intérieure d’abord, supérieure, ensuite, au moi le plus profond de celui qui explore […] Constantin [étant] le moi profond, entrevu aux confins du Soi », le « Soi » étant un concept guénonien de l’ordre de l’universel, face au « moi » individuel. Le personnage de Cyprien déclare d’ailleurs dans les dernières pages de Hyacinthe : « Il y a un être qui m’échappe, l’Être lui-même. On ne l’attire pas. Il vient. […] même si vieux et si près de la mort, je ne suis pas encore assez pauvre pour le recevoir. » (page 238). Il fait référence à l’idéal de pauvreté à atteindre, c’est-à-dire un détachement vis-à-vis de la manifestation pour atteindre le paradis céleste décrit par Guénon, la connaissance unifiée et l’être universel. Et c’est parce qu’il n’a pas atteint cette pauvreté spirituelle qu’il ne peut passer la « porte étroite » du symbolisme évangélique, c’est-à-dire la grotte portant une gravure que Henri Bosco décrit comme « une barque avec neuf passagers. A droite le disque de soleil. A gauche, la croix ansée et le quatre-de-chiffres » (page 26), composition similaire à une inscription inscrite par des caraques sur les murs du château de Lourmarin avant que Laurent-Vibert ne le fasse rénové. Guénon avait lui-même étudié les Bohémiens dans un article du « Voile d’Isis » d’octobre 1928, les rapprochant des corporations traditionnelles et insistant dans « Le Roi du monde » sur leur intérêt en tant que peuple nomade, renvoyant également à la figure du Juif errant, auquel la figure de Cyprien dans le cycle de Hyacinthe renvoie également. De même, le culte du Saint-Esprit d’Henri Bosco qu’on retrouve dans Hyacinthe est alimenté par le livre de René Guénon « Autorité spirituelle et pouvoir temporel ». Dans cet ouvrage, Guénon évoque les deux paradis terrestre et céleste, dont le second ne peut être atteint qu’avec l’action de l’intellect pur d’ordre universel et qui relie tous les états de l’être, nommé Buddhi par la tradition hindoue et qui est symbolisé par un rayon partant du soleil du Soi. Rayon dans lequel Henri Bosco retrouve l’Esprit Saint.

Ressources liées

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Notes et brouillons pour Hyacinthe Texte
Relation
Titre Libellé alternatif Classe
Bonjean, François (1884-1963) Relations Personne
L'enfant et la rivière Relation(s) work
Un rameau de la nuit Relation(s) work
L'Âne Culotte Relation(s) work
Le Jardin d'Hyacinthe Relation(s) work
Le Mas Théotime Relation(s) work
Sujet
Titre Libellé alternatif Classe
La lumière dans les récits Hyacinthe et Le Récif d’Henri Bosco Sujet(s) Texte
Notes pour Sylvius Sujet(s) Texte
[Sans titre] Sujet(s) Texte