Du racisme doctrinaire au racisme ordinaire

Classe

Texte

Type de document

fre Tiré à part
fre Article

Titre

fre Du racisme doctrinaire au racisme ordinaire

Editeur(s)

fre Editions Regards

Date

fre 1985

Lieu de création

fre Paris

Langue

fre fre

Format

fre Fichier PDF
fre 909 Ko

Importance matérielle

fre 4 p.

Est une partie de

fre Révolution, hors série : dossier L'antiracisme

pages

fre 54-58

Source

Université Côte d'Azur. BU Saint-Jean d'Angély. Fonds Véronique De Rudder

Droits

fre Droits réservés

Droits d’accès

Réservé aux chercheurs de l'UNS et de l'Urmis

Identifiant pérenne

Description

article

Annotations

Ce texte paru dans le journal Révolution, revue marxiste à tendance internationaliste qui se présente comme défenseur des idées du marxisme dans la jeunesse et le mouvement ouvrier, tient une place importante dans la réflexion que Véronique De Rudder élabore depuis son travail sur le logement des Algériens, comme indicateur du racisme français à leur endroit. Le fait qu’elle publie dans une revue qui est plus politique qu’académique peut permettre deux hypothèses (pas forcément contradictoires d’ailleurs). La première est que les revues académiques ne sont peut-être pas prêtes et pas preneuses d’articles forts sur ce thème. La deuxième serait qu’elle « s’essaye » auprès d’un lectorat favorable parce qu’à gauche et internationaliste. Il reste que cet article court de 4 pages contient les points d’analyses essentiels qu’elle reprendra au fur et à mesure des publications à venir jusqu’à son décès. 1° le racisme ordinaire est quasi insaisissable ; 2° les modes d’expression du racisme doctrinaire sont différents de ceux du racisme ordinaire mais le deuxième a besoin du premier pour fonder la légitimité de son ancrage. Le racisme doctrinaire (peudo-scientifique) pose les différences de race en nature et les hiérarchise. Il lit l’histoire par le prisme des inégalités des races. Le racisme ordinaire lui s’exprime par des préjugés et des stéréotypes qui puisent dans la boite à penser que lui ont offert les théories raciales. Il s’exprime possiblement dans des discours ou/et des pratiques (discriminations directes ou indirectes ; violences ; mixophobie). Au final ce ne sont pas les différences qui sont significatives (elles sont innombrables) mais bien plutôt les valeurs positives ou négatives accordées aux marqueurs. Pour Véronique De Rudder comme pour Colette Guillaumin, à laquelle elle se réfère, la race est une catégorie sociale et, de ce fait, n’a lieu d’être que par racisme : « la race n’a de sens que raciste » (p.54). C’est sans doute dans cet article que Véronique de Rudde avance pour la première fois que le recours au "racial" est par définition raciste. Parce que le racisme doctrinaire soutient - implicitement ou explicitement - le racisme ordinaire, il ne peut y avoir de vision raciale de la société qui n’hériterait pas, ipso facto, de la vision raciste. « L'extériorité des groupes racisés ou ethnicisés n'est qu’un prétexte ou une invention. Mais les procès d'extériorisation qui les renvoie à des « origines » extérieures, et qui vise à les exclure de la participation égalitaire à la production économique, sociale, culturelle, nationale et symbolique de la société, lui, constitue la réalité même du rapport social raciste. » (p. 56). Les différences énoncées entre les races ne sont pas les causes du racisme. Elles sont les effets du racisme doctrinaire sans cesse réifiées et réactivées dans le racisme ordinaire. Elles sont le produit de la sélection sociale de certains attributs – qui n’ont pas de fondements objectifs – destinés à dire la réalité (construite). Le racisme fait la race et en fait une tare héréditaire (inconvertible), un naturel intergénérationnel. Avec la rectitude politique, la culture est venue dire la race quand cette notion est devenue proscrite ce que Véronique De Rudder taxe de « racisme rampant » (p. 57). Parmi les idées fortes de ce texte citons le deuxième trait qui pour elle caractérise le racisme ordinaire à savoir qu’il n’a de raison d’être que quand il s’agit d’exclure des inclus. Autrement dit, elle reprend l’idée qu’avaient déjà bien vu Max Weber et Gunnar Myrdal, le racisme quelle que soit sa forme d’expression vise à tenir à distance ceux qui s’approchent trop près des dominants . La notion de race a supplanté d’autres formes de mise à distance plus ou moins radicales dans la formation des Etats Nations des membres que les dominants veulent tenir à la marge. Si le racisme aujourd’hui « s’exprime surtout sous la forme de nationalisme xénophobe et chauvin, c’est aussi parce qu’il ne lui reste plus guère aujourd’hui d’autres moyens d’expression officielle. Il est interdit d'appeler à la discrimination ou de revendiquer quelque privilège au nom de la « race », de l'ethnie, de la couleur ou de la religion. (…) Mais cette forme nationaliste n'empêche pas l'amalgame avec la race, la culture, la religion, la civilisation. Il s’agit d’un national-racisme » (p.58).