Conversion religieuse
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Description
Entre 1905 et 1915, c’est la décennie heureuse de la conversion dans laquelle convergent les parcours des convertis de la décennie précédente, ceux qui recherchent dans le retour à la foi le retour à l’ordre et ceux qui sont attirés par un idéal de foi en réaction au positivisme comme Charles Péguy, Ernest Psichari ou Jacques Maritain. L’activisme de quelques individus poussant leurs amis vers la foi catholique et par leurs publications littéraires ou journalistiques, faisant de la conversion un phénomène de mode journalistique et éditorial fait paraître la conversion comme l’expression de toute une génération. A ceux-ci s’ajoutent les convertis des premières années de la première Guerre Mondiale, ceux qui cherchent un sens face aux horreurs de la guerre dans la foi, comme Henri Ghéon. Religion du salut, le catholicisme répond ensuite à l’attente eschatologique de la Guerre, offre consolations aux interrogations sur la mort et l’achèvement des choses terrestres.
Dans les années suivantes jusqu’à la fin des années 1920, le phénomène semble s’essouffler, phénomène dont la cause peut se trouver dans cette génération perdue de convertis morts à la guerre, Charles Péguy, Ernest Psichari, qui ne diffuseront plus le phénomène et aux convertis de demain fauchés par la guerre. Mais le phénomène connaît un renouveau de moindre vigueur entre la fin des années 1920 et 1935, se fondant dans d’autres signes de la renaissance catholique française, comme le développement de l’Action française et la renaissance du mouvement missionnaire. Dans ces années-là, c’est Jacques Maritain qui établit le programme idéologique et résume l’esprit de la génération dans le titre de son livre « Antimoderne », autour de lui et de sa femme Raïssa, dans leur maison de Meudon, et de l’abbé Altermann, se regroupent les convertis Jacques et Isabelle Rivière, Jacques Copeau, Charles Du Bos, François Mauriac, Julien Green, Stanislas Fumet, Jean Cocteau, Pierre Reverdy.
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Relation(s)
L’Afrique du Nord et le Maroc jouent un rôle dans le parcours de conversion de personnages comme Hubert Lyautey, Charles de Foucauld ou Louis Massignon : leur découverte de la spiritualité est liée à la découverte du Maroc, pays où on trouve Dieu. Ce pays où ils sont confrontés à cette autre religion, l’islam, dont la foi est vive par rapport à la France sécularisée, où Allah est perpétuellement invoqué, exerce une attraction sur ces Français en recherche de spiritualité. Dans leur dégoût de la décadence française et de cette société divisée, ils sont confrontés à des croyants qui trouve dans leur foi le ciment de leur communauté, y trouvant un exemple pour refonder la société française. Ainsi, Massignon résumera-t-il cet apport du Maroc dans le phénomène de conversion français : « je dis que nous sommes plusieurs en France à avoir reçu au désert arabe cette sommation de l’islam qui est une grâce qui nous a fait retrouver Dieu en son Christ pour y adorer sa transcendance » (« Du “signe marial“ » (1948))
En France, dans le mouvement de conversions au catholicisme des XIXe et XXe siècles, surtout entre 1925 et 1935, les conversions au catholicisme touchent aussi des intellectuels d’origine juive : comme pour les catholiques, ceux-ci ne sont pas des croyants et ont été élevés dans des familles agnostiques et ils se dirigent vers la conversion par désillusion face à l’échec du positivisme et par quête de sens. Mais contrairement aux convertis d’origine catholique, ils ne peuvent pas se tourner vers la foi d’origine : souvent leur sentiment de judéité s’est développé moins dans leur famille qu’en réaction à l’antisémitisme et les injures subies dans leur jeunesse : ils cherchent donc à s’en éloigner, leur propre vision du judaïsme étant teintée de l’antisémitisme ambiant qu’ils subissent eux-mêmes ; ils cherchent une voie d’intégration, autant qu’une voie spirituelle. La conversion est souvent l’aboutissement d’un chemin d’adhésion à la communauté française, où ils refusent leur judaïsme de condition (et non de conviction) et font le choix total d’une appartenance nationale qui va jusqu'à l’adhésion religieuse. La conversion au catholicisme est le sacrifice suprême, après celui du sang à la guerre exigé par la nation, qui va permettre de se débarrasser de la judéité qui fait du juif un étranger à la nation. Mais l’évolution de l’antisémitisme dans les années 1920-1930 qui voit l'antisémitisme religieux devenir un antisémitisme de « race » confrontera ces convertis à la persistance du rejet. Spirituellement, leurs récits de conversion montrent que pour eux, le judaïsme est mort et dépourvu de spiritualité, et ils mettent souvent en avant l’attrait des rites sensibles du catholicisme qu’ils ont vu enfant puisqu’ils ont une présence forte dans l’espace public : ainsi Max Jacob se pose-t-il la question : « Pourquoi donc me suis-je senti attiré par la religion catholique plutôt que par […] la juive qui est ma religion naturelle ? […] La raison qui prévalut fut-elle l'habitude contractée de considérer Christ comme Dieu, dans le milieu chrétien qui fut en Bretagne celui de mon enfance ? Cette habitude n'avait été contrebalancée par aucune autre. Mes parents ne pratiquaient pas la religion juive [...]. Dans les grands chagrins dont ma vie est faite (brouille avec des parents, mépris universel, blâme universel, inconséquences, ingratitude ; brutalité, mépris involontaire pour des gens que j'estimais), je n'ai jamais eu l'idée d'aller me prosterner ailleurs que dans les églises catholiques ». (« Examen de la foi », dans « La Défense de Tartufe. Extases, remords, visions, prières, poèmes et méditations d’un Juif converti », rédigé en 1939, édité par Gallimard en 1964, page 158.). Dans leur parcours, la Vierge Marie a une place importante en tant que femme juive, de même que la figure du Christ « Roi des Juifs » qu’ils reconnaissant comme le Messie attendu par les Juifs. Ils sont aussi des cibles particulières des apologétiques en tant que Juifs : la conversion des Juifs est un objectif à atteindre de l’Eglise catholique, et deux convertis seront en particulier artisans de nombreuses conversions de Juifs, Stanislas Fumet, et Jacques Maritain, dont la femme Raïssa baptisée comme lui en 1906 est d’une famille juive russe émigrée en France, et qui organise avec elle en 1920 une messe en faveur des Juifs dans leur villa de Meudon, haut lieu de rencontre de convertis. Leurs actions dans la conversion de Juifs tient à l’héritage de leur mentor Léon Bloy, préconisant l’union éternelle des deux Testaments et continuant à voir dans le peuple juif le peuple élu de Dieu dont dépend le salut du monde. Dans cette logique, les convertis d’origine judaïque sont pour eux la meilleure part des juifs, et la conversion d’Israël à laquelle ils travaillent précède et annonce la fin du monde et sa renaissance. Pour ces convertis d’origine juive, la conversion au catholicisme n’est plus une trahison mais un accomplissement.
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