Fils de modestes propriétaires dans le Beaujolais, autodidacte, Marius Audin s’intéresse tout d’abord à la botanique et l’histoire naturelle de sa région natale : il rencontre à 16 ans le docteur Xavier Gillot, botaniste d’Autun qu’il accompagne lors de ses séjours d’herborisation dans le Beaujolais. En 1892, installé à Lyon, Marius Audin occupe un poste de commis-greffier puis greffier auprès du Tribunal de commerce, métier alimentaire qu’il exerce jusqu’en 1905, tout en poursuivant sa passion botaniste. Grâce à Xavier Gillot qui l’introduit à la Société botanique de Lyon, il y publie et fait des communications, qui le font remarquer par le conservateur de la Bibliothèque du Palais Saint-Pierre, le Dr Saint-Lager. Il devient secrétaire général de la Société botanique entre 1901 et 1903. Dans ces mêmes années, il commence des recherches bibliographiques sur le Beaujolais et publie un « Essai de bibliographie beaujolaise » en 1906.
En 1899, il rencontre au tribunal de commerce, Alexandre Rey, qui y est représentant de la Chambre syndicale des imprimeurs de Lyon et qui vient de créer un journal d’annonces judiciaires, la « Gazette judiciaire ». En 1904, Alexandre Rey nomme Marius Audin, qui entre ainsi dans le domaine de l’édition, à la direction de son journal. Dans les années suivantes, les publications de Marius Audin s’éloignent de la botanique et s’orientent vers des études historiques : une série d’articles sur des bibliographies beaujolaises dans le « Bulletin de la Société des sciences et des arts beaujolais » entre 1906 et 1908, des sujets artistiques avec des articles sur le sculpteur Lamoureux et le graveur Claude Séraucourt, … Il quitte la « Gazette judiciaire » en 1910 pour son concurrent « Les Petites affiches » édité et imprimé par P. Decléris. Après la guerre, il publie avec un autre érudit lyonnais, Eugène Vial, le « Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art du Lyonnais » (2 volumes en 1918 et 1919) et commence à collaborer avec l’éditeur Cumin et Masson, prenant la charge de la « Collection des Amis du Vieux Lyon » puis d’une série d’ouvrages sur le livre et le papier, dont en 1921, l’ouvrage de référence, « Le livre, sa technique, son architecture » qui connaît de nombreuses rééditions et versions. Dans ces mêmes années, il rencontre le peintre Pierre Combet-Descombes, avec qui il produit « Légendes et coutumes du Beaujolais » et « Du voyage de Lyon à Nostre Dame de l’Isle », des ouvrages calligraphiés par Marius Audin sur des décors de Combet-Descombes. Le travail chez Cumin et Masson et avec Pierre Combet-Descombes représente ces premières incursions dans l’imprimerie, tant dans le domaine de l’histoire que de la typographie. En 1918 encore, il entre dans l’activité d’imprimeur et éditeur, d’abord en lançant une revue mensuelle « Les lectures » qui lui permet de constituer un groupe de collaborateurs d’horizons différents, puis en créant à la fin de l’année, sa propre imprimerie et maison d’édition, la « Maison des Deux collines », nom inspiré par Henri Focillon, en référence aux collines dominant Lyon « celle qui prie » (Fourvière) et « celle qui travaille » (La Croix-Rousse), qui prend plus tard le nom d’Imprimerie Audin, installée rue Davout. L’objectif est double : participer au foisonnement artistique et intellectuel marquant l’Europe traumatisée par la guerre et renouer avec la tradition typographique des grands maîtres lyonnais de l’imprimerie des XVe et XVIe siècles. Il rachète le fonds de l’imprimerie Decléris avec le soutien financier d’un oncle puis de Robert Laurent-Vibert, puis en 1919, une machine à composer Monotype, et en 1922, chez Nebiolo, en Italie, un nouveau caractère pour la composition manuelle, l’Inkunabula, très peu utilisé en France, et qui devient l’emblème de la maison. Si l’imprimerie permet à Audin de gagner sa vie, la maison d’édition qui sort son premier volume le 31 décembre 1918 est un gouffre financier et ne maintient son activité que quelques années, puis sera ressuscité occasionnellement pour publier des projets financés par des amis de Marius Audin et prêtera son nom à des personnes et organisations ayant besoin d’une raison sociale pour des publications occasionnelles, s’appuyant sur l’imprimerie attachée pour essuyer le surcoût financier de la production d’ouvrages bibliophiliques. Il soutient également la Société de la gravure sur bois originale grâce à des contrats pour sa maison d’édition. Il œuvre beaucoup pour le renouveau de la gravure et du métier de typographe auquel il vient tardivement, mettant en avant notamment la parfaite adéquation entre la typographie et la xylographie, proche de l’imprimerie par l’analogie avec la fonte et la taille des caractères d’imprimerie.
Dès le début des années 1920, il acquiert une réputation régionale, et Louis Mion, directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de Grenoble l’invite à donner des conférences publiques sur l’art de la typographie ; il est bien connu du milieu des éditeurs parisiens puis à partir de 1923 à l’étranger, grâce à une exposition sur l’imprimeur lyonnais Louis Perrin (1799-1865) à l’Hôtel de Ville de Lyon, qui attire l’attention notamment des deux grands spécialistes anglo-saxons D. B. Updike et Stanley Morison, avec qui il monte plusieurs collaborations pour la publication de la « Bibliographie des éditions des de Tournes » et les « Livrets typographiques des fonderies françaises créées avant 1800 », et qui dira de lui : « J’ai fait un gros effort pour trouver un imprimeur comparable à Audin en France, sans succès. Il est curieux de constater qu’il n’y a pas en Europe plus d’imprimeurs capables de mettre en œuvre une connaissance de l’histoire de la lettre et un sens de la mise en page. » (David McKitterick, « Stanley Morison & D. B. Updike. Selected Corespondence. » Londres, Scolar Press, 1930, page 54). Il travaille en tant qu’imprimeur spécialisé dans les ouvrages de bibliophilie avec les Editions de la Sirène créée en 1917 par Paul Lafitte, avec René-Louis Doyon, avec les Editions du Sablier animées par René Arcos. En 1926, il monte un nouveau projet d’édition bibliophilique avec Mathieu Varille les « Editions de l’Antilope », où il collabore avec des amis graveurs et illustrateurs, Louis Bouquet, Pierre Cobet-Descombes, Juliette Raynaud, Ivy Jacquier, … mais le climat économique défavorable ne permet la publication que d’une dizaine de titres. Avec la crise économique et la fin des « Editions de l’Antilope », Marius Audin se tourne dans les années 1930 vers l’écriture de l’histoire du métier et de l’histoire du Beaujolais. Dans cette décennie d’activités d’imprimeurs des années 1920, il influence toute une génération d’éditeurs français, Georges Crès, Henri Jonquières, René Arcos, René-Louis Doyon par le « style Audin », synonyme d’une conception de la mise en page enracinée dans l’histoire mais aussi capable de provocations et de fantaisies, et par la diffusion de sa connaissance encyclopédique de l’histoire du métier d’imprimeur alimentée par ses propres recherches et ses contacts avec d’autres historiens, Stanley Morison, Raffaelo Bertieri, Alfred Cartier… Il publie de nombreuses recherches dans 175 articles dans les revues « Byblis », « Arts et métiers graphiques », « Papyrus », « Gutenberg-Jahrbuch », le « Bulletin des maîtres imprimeurs », opuscules et brochures sur des imprimeurs, techniques, caractères particuliers, ou ses livres, notamment « Le livre, sa technique, son architecture », qui connaît plusieurs versions et compléments, comme « Le livre, son illustration sa décoration », un « Essai sur les graveurs de vois au dix-huitième siècle », « L’Histoire de l’imprimerie par l’image », et sa « Somme typographique » prévue en 20 volumes, mais dont seuls 2 paraissent.