L'exclusion n'est pas le ghetto. Les immigrés dans les HLM
Classe
Texte
Type de document
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Tiré à part
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Article
Titre
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L'exclusion n'est pas le ghetto. Les immigrés dans les HLM
Créateur(s)
Editeur(s)
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CERAS
Date
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1983-01
Lieu de création
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Paris
Langue
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Format
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Fichier PDF
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637 Ko
Importance matérielle
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6 p.
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24 cm
Est une partie de
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Ces étrangers qui sont aussi la France
pages
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80-91
Source
Université Côte d'Azur. BU Saint-Jean d'Angély. Fonds Véronique De Rudder
Identique à
Droits
fre
Droits réservés
Droits d’accès
public
Identifiant pérenne
Description
Article paru dans la revue Projet, revue du Centre de recherche et d'action sociale (CERAS) fondé par les jésuites en 1907 et qui porte le projet de mettre en débat les questions politiques et sociales trop peu ou partiellement traitées ailleurs et qui sont identifiées par l’équipe, leurs partenaires, engagés sur le terrain social, les chercheurs du comité scientifique.
Réaction à l’émergence au début des années 1980 de la notion de ghettos pour décrire l’habitat immigré dans les discours journalistiques mais aussi par des chercheurs de l’INED Véronique De Rudder s’attache ici, comme dans les autres articles centrés sur ce thème du ghetto, à en dévoiler le jeu et la fonction. Première critique le terme n’est jamais explicité mais il fonctionne comme un stimulus sur les représentations les plus dramatiques. « Le terme n’a que le sens qu’on veut bien lui donner selon les circonstances. Il a surtout pour effet de faire choc » (p. 80). Mais c’est vouloir ignorer que la situation résidentielle des immigrés n’est que le résultat de la crise de l’habitat social. Le manque de logements sociaux a dans les années 60 amenés à des constructions de mauvaise qualité qui se dégradent trop vite, que la population déserte dès qu’elle le peut. Ceux qui sont condamnés à y rester sont les plus précaires – « le HLM s’est prolétarisé » (p. 82) – parmi lesquels les immigrés sont surreprésentés. La crise du logement social en France a produit ainsi une réaction en chaine: accélération des phénomènes de ségrégation, de prolétarisation dans les HLM où vivent Français et immigrés mais ces derniers y sont plus nombreux et, proportionnellement, encore plus mal lotis, situation qui, par transfert, a entrainé une dévalorisation des différences des seconds par rapport aux premiers. « Il ne peut y avoir problème, dans la différence, que dans la mesure où cette différence est affectée d'un jugement de valeur négatif » (p. 86). L’analyse du jeu qui est fait des différences est au cœur des travaux de Véronique De Rudder et soutiendra sa thèse sur le racisme comme phénomène social total. « On passe ainsi du constat de la différence (encore ne relève-t-on que certaines d'entre elles) à l'explication par la différence. Comme si toute différence était productrice de conflit, et, implicitement, comme si toute ressemblance menait au consensus » (p. 85). S’ensuit une analyse des potentiels conflits dans les cohabitations entre français et immigrés sont moins a analyser par le tamis de soi-disant différences de cultures que par celles des différences de perspectives résidentielles. Pour les Français le HLM est plus souvent un passage en attente d’un projet d’acquisition, pour les immigrés il est plutôt l’aboutissement d’une trajectoire dans la société hôte. Par ailleurs c’est moins les différences que la grande proximité socioprofessionnelles et économiques entre Français et immigrés qui est un facteur de tensions entre eux et du rejet des seconds par les premiers : « La cohabitation qui met ensemble des travailleurs menacés avec des travailleurs encore plus insécurisés, des exploités avec des surexploités, des dominés qui peuvent se croire dominants avec des dominés «tout court», prend pour ceux qui ont le statut le moins inférieur un contenu angoissant. Ils craignent d'être «ravalés» au même rang que les travailleurs immigrés, de subir à leur tour les mêmes conditions économiques et sociales de vie. La crispation identitaire, marqueuse de la moindre différence dans un ordre hiérarchique, est une réaction individuelle et collective à cette angoisse. » (p. 87). L’article se termine par une troisième section où Véronique De Rudder développe pour la première fois son analyse critique de la notion de "ghetto" soulevant au passage le paradoxe à invoquer à la fois le ghetto et les problèmes de cohabitation. Mais ce paradoxe n’est qu’apparent, « leur point commun réside dans l'opposition qu'elles contiennent non seulement à toute organisation autonome de minorités ethniques et culturelles, mais aussi à toute formation de solidarités actives entre Français et étrangers dans le domaine de leurs conditions d'habitat. Les habitants des HLM servent ici de pions dans des enjeux qui les dépassent et dont ils sont pour une bonne part exclus. » (p. 91). Pour la chercheure le HLM n’est pas assimilable au ghetto, il n’en a pas toutes les caractéristiques – qu’elle développera dans son article ultérieur « Vivent les ghettos ? » – même si on peut reconnaître une certaine concentration des immigrés dans certains ensembles. « Le HLM n'est pas un ghetto. Il n'en a ni l'homogénéité culturelle, ni l'hétérogénéité sociale. Il n'en a pas l'intense vie communautaire, l'organisation interne, et encore moins la capacité de résistance. Seules subsistent des caractéristiques citées la ségrégation socio-spatiale (encore ne constitue-t-il pas à proprement parler un habitat de relégation) et un certain contrôle social. » (p.89)
Réaction à l’émergence au début des années 1980 de la notion de ghettos pour décrire l’habitat immigré dans les discours journalistiques mais aussi par des chercheurs de l’INED Véronique De Rudder s’attache ici, comme dans les autres articles centrés sur ce thème du ghetto, à en dévoiler le jeu et la fonction. Première critique le terme n’est jamais explicité mais il fonctionne comme un stimulus sur les représentations les plus dramatiques. « Le terme n’a que le sens qu’on veut bien lui donner selon les circonstances. Il a surtout pour effet de faire choc » (p. 80). Mais c’est vouloir ignorer que la situation résidentielle des immigrés n’est que le résultat de la crise de l’habitat social. Le manque de logements sociaux a dans les années 60 amenés à des constructions de mauvaise qualité qui se dégradent trop vite, que la population déserte dès qu’elle le peut. Ceux qui sont condamnés à y rester sont les plus précaires – « le HLM s’est prolétarisé » (p. 82) – parmi lesquels les immigrés sont surreprésentés. La crise du logement social en France a produit ainsi une réaction en chaine: accélération des phénomènes de ségrégation, de prolétarisation dans les HLM où vivent Français et immigrés mais ces derniers y sont plus nombreux et, proportionnellement, encore plus mal lotis, situation qui, par transfert, a entrainé une dévalorisation des différences des seconds par rapport aux premiers. « Il ne peut y avoir problème, dans la différence, que dans la mesure où cette différence est affectée d'un jugement de valeur négatif » (p. 86). L’analyse du jeu qui est fait des différences est au cœur des travaux de Véronique De Rudder et soutiendra sa thèse sur le racisme comme phénomène social total. « On passe ainsi du constat de la différence (encore ne relève-t-on que certaines d'entre elles) à l'explication par la différence. Comme si toute différence était productrice de conflit, et, implicitement, comme si toute ressemblance menait au consensus » (p. 85). S’ensuit une analyse des potentiels conflits dans les cohabitations entre français et immigrés sont moins a analyser par le tamis de soi-disant différences de cultures que par celles des différences de perspectives résidentielles. Pour les Français le HLM est plus souvent un passage en attente d’un projet d’acquisition, pour les immigrés il est plutôt l’aboutissement d’une trajectoire dans la société hôte. Par ailleurs c’est moins les différences que la grande proximité socioprofessionnelles et économiques entre Français et immigrés qui est un facteur de tensions entre eux et du rejet des seconds par les premiers : « La cohabitation qui met ensemble des travailleurs menacés avec des travailleurs encore plus insécurisés, des exploités avec des surexploités, des dominés qui peuvent se croire dominants avec des dominés «tout court», prend pour ceux qui ont le statut le moins inférieur un contenu angoissant. Ils craignent d'être «ravalés» au même rang que les travailleurs immigrés, de subir à leur tour les mêmes conditions économiques et sociales de vie. La crispation identitaire, marqueuse de la moindre différence dans un ordre hiérarchique, est une réaction individuelle et collective à cette angoisse. » (p. 87). L’article se termine par une troisième section où Véronique De Rudder développe pour la première fois son analyse critique de la notion de "ghetto" soulevant au passage le paradoxe à invoquer à la fois le ghetto et les problèmes de cohabitation. Mais ce paradoxe n’est qu’apparent, « leur point commun réside dans l'opposition qu'elles contiennent non seulement à toute organisation autonome de minorités ethniques et culturelles, mais aussi à toute formation de solidarités actives entre Français et étrangers dans le domaine de leurs conditions d'habitat. Les habitants des HLM servent ici de pions dans des enjeux qui les dépassent et dont ils sont pour une bonne part exclus. » (p. 91). Pour la chercheure le HLM n’est pas assimilable au ghetto, il n’en a pas toutes les caractéristiques – qu’elle développera dans son article ultérieur « Vivent les ghettos ? » – même si on peut reconnaître une certaine concentration des immigrés dans certains ensembles. « Le HLM n'est pas un ghetto. Il n'en a ni l'homogénéité culturelle, ni l'hétérogénéité sociale. Il n'en a pas l'intense vie communautaire, l'organisation interne, et encore moins la capacité de résistance. Seules subsistent des caractéristiques citées la ségrégation socio-spatiale (encore ne constitue-t-il pas à proprement parler un habitat de relégation) et un certain contrôle social. » (p.89)
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