La crise de l'habitat social ou la naissance des ghettos

Classe

Texte

Type de document

fre Tiré à part
fre Article

Titre

fre La crise de l'habitat social ou la naissance des ghettos

Editeur(s)

fre Etudes Sociales Nord-Africaines -- ESNA

Date

fre 1983

Lieu de création

fre Paris

Langue

fre fre

Format

fre Fichier PDF
fre 582 Ko

Importance matérielle

fre 10 p.

Est une partie de

fre Hommes et migrations, n° 1047

pages

fre 4-13

Source

Université Côte d'Azur. BU Saint-Jean d'Angély. Fonds Véronique De Rudder

Droits

fre Droits réservés

Droits d’accès

public

Identifiant pérenne

Description

Cette analyse sociologique de l’évolution du logement social en France met en évidence la prolétarisation de l’habitat social, ses conséquences et les logiques qui sous-tendent l’un et l’autre. Structuré en 4 parties (a. La crise de l’habitat social ; b. Les immigrés dans le logement social ; c. Qui cohabite avec qui ?; d. La question des ghettos) cet article publié dans la revue Hommes et Migrations, revient sur 3 enjeux déjà apparus dans les articles précédents :
Premièrement la ségrégation résidentielle comme conséquence des politiques du logement social en France depuis les années 60-70 : construction de HLM à bas coûts qui se dégradent rapidement et sont désertés par les couches les plus favorisées des classes populaires. Ces dernières sont remplacées par des catégories moins aisées encore ce qui amènent plus d’impayés puisque ce sont des populations économiquement très précaires. La conséquence des impayés est encore moins d’entretien des immeubles, une dégradation rapide, accélérant à leur tour le départ de ceux qui peuvent investir ailleurs (logements en ILN ; logements dans le secteur privé ; accession à la propriété) et l’orientation vers les logements vacants de plus précaires encore parmi lesquels les familles immigrées, qui sortent des cités de transit, sont surreprésentées. « On évoque parfois un "âge d'or" du grand ensemble pendant lequel coexistaient des populations de catégories socio-professionnelles et culturelles différentes. On oublie qu'en fait les problèmes de cohabitation sont nés avec lui, qui a toujours réuni des populations que rien ne prédisposait à vivre ensemble tant différaient leurs histoires, leurs destins sociaux, leurs aspirations. (…)Comme s'il suffisait de réduire la distance spatiale entre groupes sociaux pour que s'amenuise la distance sociale qui les sépare. L'histoire des grands ensembles démontre justement le contraire. Exprimé comme l'utopie démocratique à atteindre, le mythe du brassage social sert en fait l'exclusion des dominés, des "racisés", des minoritaires. Il sert de ségrégation résidentielle. » (p. 12).
Le second enjeu concerne les formes de cohabitation entre immigrés et autochtones. La réflexion de Véronique s’alimente des enquêtes en cours qu’elle mène avec Isabelle Taboadda-Leonetti et Michèle Guillon. Le conflit souvent survisibilisé par l’effet des média n’est qu’une des formes que peut prendre la cohabitation pluriethnique. Par ailleurs, les tensions et potentiels conflits s’ancrent dans la peur des autochtones d’être assimilés à plus défavorisés encore qu’eux-mêmes, à savoir les immigrés avec qui ils cohabitent et partagent déjà tant de similitudes. Et c’est dans ce contexte-là que les différences culturelles – que l’auteure ne nie pas – peuvent devenir le prétexte qui cristallise les tensions sans pour autant en être la cause ;
Enfin Véronique revient sur la notion de ghetto, comme l’un des épouvantails que la société française agite pour se faire peur avec l’immigration. Comme la notion de seuil de tolérance, la notion de ghetto a dangereusement médiatisée au tournant des années 80 comme si, à partir du moment où les Français ont compris que les immigrés ne sont pas uniquement des travailleurs qui viennent abattre la basse besogne avant de s’en retourner dans leur pays une fois un pécule amassé, mais qu’ils fondent famille en France, il fallait les empêcher de devenir « français » et les maintenir dans les marge du « nous », dans une altérité qu’il faut radicaliser et sans cesse réaffirmer. Il s’agit en fait de s’opposer à la formation de minorités ethniques et culturelles organisées. « Il ne s'agit pas de s'opposer à une France ségrégationniste et raciste, comme on le laisse entendre (même si la ségrégation pose aux classes dominantes autant de problèmes qu'elle en résout). L'enjeu est au contraire d'empêcher les immigrés de vivre à la fois ensemble et avec des nationaux. Ce n'est qu'en apparence que la dénonciation du ghetto et celle de la cohabitation conflictuelle sont contradictoires. Leur point commun réside dans l'objectif sous-jacent : s'opposer à toute possibilité, pour les étrangers, de former des minorités ethniques et culturelles organisées. » (pp. 12-13)
article