Véronique De Rudder répond à un entretien pour ce journal. Le chapeau donne l’angle d’attaque : « Bien plus qu’un seuil de tolérance théorique, c’est l’ancienneté de l’immigration, et son organisation en tant que force sociale, qui alimente les actuelles flambées de racisme en France. » Si Véronique De Rudder avait déjà abordé cet angle dans les articles précédents, c’était de façon moins frontale. Nous pouvons voir qu’en quelques mois son analyse sociologique du racisme se précise. De même que le parallèle avec le racisme existant du côté des Etats-Unis est approprié pour décrire le racisme de proximité quotidienne. « Il y a aussi "le racisme petit blanc". C’est-à-dire, pour un Blanc pauvre, disqualifié, la peur de perdre le dernier privilège qui lui reste, celui d’être blanc. » Les lieux de travail n’en sont plus exclus - d’ailleurs elle avait bien relevé dans les deux articles précédents sur le seuil de tolérance que cela n’était pas une question de nombre puisque 80% des ateliers pouvaient être des travailleurs immigrés. Il s’agissait de visibilité. Désormais c’est clair, le racisme gagnera aussi les lieux professionnels si les immigrés n’y restent pas subordonnés dans les plus bas emplois, et s’ils commencent de revendiquer d’être reconnus et mieux traités qu’ils ne le sont. Autrement dit s’ils s’écartent des lignes qui leurs sont fixées : « on ne supporte l’immigré sur son lieu de travail que pour autant qu’il est disqualifié ». Et parce que le journalisme lui en donne l’occasion, elle développe quelque peu son interprétation des ghettos que l’on avait vu poindre également depuis quelques articles : « L.C.: Comment expliquez-vous que les immigrés aient tendance à se regrouper? V.D.R.: Au départ, c’est une manière de résister à la domination en créant des structures d’entraide. C’est la nécessité de survie qui provoque la création des ghettos. Les immigrés en sont les acteurs surdéterminés par des conditions sociales. »

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