Seuils, ghettos : une mise au point sociologique
Classe
Texte
Type de document
fre
Article
Titre
fre
Seuils, ghettos : une mise au point sociologique
Créateur(s)
Editeur(s)
fre
Éditeur inconnu
Date
1981
Lieu de création
fre
Paris
Langue
fre
fre
Format
fre
Fichier PDF
fre
465 Ko
Importance matérielle
fre
3 p.
Est une partie de
fre
Que faire aujourd'hui ? n°11-12
pages
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24-26
Source
Université Côte d'Azur. BU Saint-Jean d'Angély. Fonds Véronique De Rudder
Droits
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Droits réservés
Droits d’accès
Réservé aux chercheurs de l'UNS et de l'Urmis
Identifiant pérenne
Description
Interview de Véronique de Rudder pour le journal proche du PCF « Que Faire aujourd’hui ? ». Le journaliste qui l’interviewe lui donne l’occasion de faire le point sur les études sociologiques concernant deux notions en vogue en ce début des années 1980 : celle de seuil de tolérance et celle de ghetto. Ici, comme dans ses autres articles critiques de la notion de seuil de tolérance Véronique de Rudder fait le lien avec la notion de « tipping point » utilisée par des chercheurs américains, dans les années 1960 pour soutenir que dès que la population noire d’un territoire urbain donné, dépasse 10% de l’ensemble de la population du dit territoire, ceux-ci voient se restreindre leur mobilité (liberté de choix) résidentielle et se trouve, chemin faisant, ghettoïser*. Elle reprend tout d’abord la genèse de la saillance de la notion de seuil de tolérance en France comme elle le fait dans tous les articles précédents dédié à ce thème. Pour elle, la notion de seuil de tolérance s’origine dans celle de tipping point même si le sens donné est assez différent tout comme d’ailleurs son usage politique et idéologique. La notion de tipping point semble décrire une situation de fait dans un marché libérale du logement, alors que celle de seuil de tolérance répond à un usage avant tout idéologique et une manipulation politico-médiatique**.
Cette association qu’elle fait entre les deux notions est possiblement ce qui l’amène elle-même, puisqu’elle travaille sur le logement des populations immigrées et sur leur répartition résidentielle en corrélation avec les politiques de l’habitat, à travailler sur une autre notion, celle de ghetto, que l’on voit apparaître dans ses articles à partir de 1979 (p.57), 1980 (pp. 11-13 de la version de 1979 reprise en 80) - même si le terme est présent en conclusion de son article de 1975, il n’est pas vraiment traité comme tel. si, dit-elle « il n’existe pas en France, de ghetto au sens où l’on peut l’entendre dans les pays anglo-saxons » (p. 25) c’est à dire des zones urbaines où une minorité se trouverait numériquement majoritaire mais « ce que l’on rencontre, en revanche, ce sont des sortes de ghettos sociaux, où se trouvent concentrées les couches de la population dont la situation est la plus précaire (...) les organismes gestionnaires du logement social, qu’ils soient municipaux, préfectoraux, patronaux, pratiquent ainsi une politique de rentabilisation in extremis d’équipements qui ne pourraient être voués autrement qu’à la destruction ou à une réhabilitation totale. » (p. 25). Et c’est peut-être justement là un effet performatif de l’usage politico-médiatique de la notion de seuil de tolérance : « le notion de seuil à ne pas dépasser, si elle ne figure pas dans les textes officiels, est de celles qui sont le plus couramment admises et appliquées au sein des organismes gestionnaires » (pp. 25-26) La dernière partie de l’article reprend une critique qu’elle a déjà faite aux propos tenus par G. Marchais et l’attitude discriminatoire de certaines municipalités communistes vis-à-vis des immigrés (voir les autres articles de revues et de journaux de 1981) .
* Véronique de Rudder cite les études américaines dans son article « La tolérance s’arrête au seuil » dans sa version initiale de 1979, pp. 11-13. Il semble selon Mark Granovetter que cette expression a été créée par Morton Grodzins, qui a étudié les voisinages d’intégration américains au début des années 1960. L’idée a été répandue et consolidée par Thomas Schelling en 1971. Proposition à la base du modèle du seuil de Granovetter concernant le comportement collectif (lire sa note 2: “I have adapted the idea of behavioral thresholds from Schelling’s models of residential segregation (1971a, 1971b, 1972), where thresholds are for leaving one’s neighborhood, as a function of how many of one’s own color also do so. The present paper has Schelling’s aim of predicting equilibrium outcomes from distributions of thresholds but generalizes some features of the analysis and carries it in somewhat different directions. The model has some resemblance also to one known in psychology as « behavioral contagion » (for a review see Wheeler 1966.” (Ref : Granovetter, M. (1978). Threshold Models of Collective Behavior. American Journal of Sociology, 83(6), 1420-1443. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/2778111)
** Aujourd’hui, la notion de « tipping point » se trouve plus justement traduite par « seuil de basculement » notion dédiée à expliquer n’importe quel phénomène qui marque un renversement brusque et inexpliqué de tendances - analogie au mode de l’épidémie - que ce soit comme les exemples rapportés par Malcom Gladwell de la vente des chaussures Hush Puppies ou celle du déclin de la criminalité à New York dans les années 90 (ref : Gladwell M. (2000). The Tipping Point : How Little Things Can Make a Big Difference. Back Bay Books, 304p. traduit en français : Gladwell, M., (trad. Charron, D.) (2016). Le Point de bascule: Comment faire une grande différence avec de très petites choses. Flammarion. 268p.).
Cette association qu’elle fait entre les deux notions est possiblement ce qui l’amène elle-même, puisqu’elle travaille sur le logement des populations immigrées et sur leur répartition résidentielle en corrélation avec les politiques de l’habitat, à travailler sur une autre notion, celle de ghetto, que l’on voit apparaître dans ses articles à partir de 1979 (p.57), 1980 (pp. 11-13 de la version de 1979 reprise en 80) - même si le terme est présent en conclusion de son article de 1975, il n’est pas vraiment traité comme tel. si, dit-elle « il n’existe pas en France, de ghetto au sens où l’on peut l’entendre dans les pays anglo-saxons » (p. 25) c’est à dire des zones urbaines où une minorité se trouverait numériquement majoritaire mais « ce que l’on rencontre, en revanche, ce sont des sortes de ghettos sociaux, où se trouvent concentrées les couches de la population dont la situation est la plus précaire (...) les organismes gestionnaires du logement social, qu’ils soient municipaux, préfectoraux, patronaux, pratiquent ainsi une politique de rentabilisation in extremis d’équipements qui ne pourraient être voués autrement qu’à la destruction ou à une réhabilitation totale. » (p. 25). Et c’est peut-être justement là un effet performatif de l’usage politico-médiatique de la notion de seuil de tolérance : « le notion de seuil à ne pas dépasser, si elle ne figure pas dans les textes officiels, est de celles qui sont le plus couramment admises et appliquées au sein des organismes gestionnaires » (pp. 25-26) La dernière partie de l’article reprend une critique qu’elle a déjà faite aux propos tenus par G. Marchais et l’attitude discriminatoire de certaines municipalités communistes vis-à-vis des immigrés (voir les autres articles de revues et de journaux de 1981) .
* Véronique de Rudder cite les études américaines dans son article « La tolérance s’arrête au seuil » dans sa version initiale de 1979, pp. 11-13. Il semble selon Mark Granovetter que cette expression a été créée par Morton Grodzins, qui a étudié les voisinages d’intégration américains au début des années 1960. L’idée a été répandue et consolidée par Thomas Schelling en 1971. Proposition à la base du modèle du seuil de Granovetter concernant le comportement collectif (lire sa note 2: “I have adapted the idea of behavioral thresholds from Schelling’s models of residential segregation (1971a, 1971b, 1972), where thresholds are for leaving one’s neighborhood, as a function of how many of one’s own color also do so. The present paper has Schelling’s aim of predicting equilibrium outcomes from distributions of thresholds but generalizes some features of the analysis and carries it in somewhat different directions. The model has some resemblance also to one known in psychology as « behavioral contagion » (for a review see Wheeler 1966.” (Ref : Granovetter, M. (1978). Threshold Models of Collective Behavior. American Journal of Sociology, 83(6), 1420-1443. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/2778111)
** Aujourd’hui, la notion de « tipping point » se trouve plus justement traduite par « seuil de basculement » notion dédiée à expliquer n’importe quel phénomène qui marque un renversement brusque et inexpliqué de tendances - analogie au mode de l’épidémie - que ce soit comme les exemples rapportés par Malcom Gladwell de la vente des chaussures Hush Puppies ou celle du déclin de la criminalité à New York dans les années 90 (ref : Gladwell M. (2000). The Tipping Point : How Little Things Can Make a Big Difference. Back Bay Books, 304p. traduit en français : Gladwell, M., (trad. Charron, D.) (2016). Le Point de bascule: Comment faire une grande différence avec de très petites choses. Flammarion. 268p.).
interview