Diplômé de l’Ecole des Chartes en 1913, Emile Dermenghem est attaché au service de presse du ministère des Affaires étrangères en 1917, et devient ainsi journaliste. Il devient rédacteur puis chef de rédaction au quotidien L’Information, jusqu’à sa disparition en 1938, tout en menant une carrière littéraire. Dès son premier ouvrage en 1917, « La vie affective d'Olivier Minterne » (Crès, 1917) apparaissent des préoccupations ésotériques. Suivirent « Melchisédech », suivi de « Symiamire », puis « Joseph de Maistre mystique », … En 1925, il est envoyé au Maroc couvrir en tant que journaliste la guerre du Rif. Il y est initié à Fez à l’Islam et à la culture marocaine, mystique et ésotérique et sa production littéraire s’oriente alors vers l’Islam, les problèmes politiques et sociaux du Maroc et la culture traditionnelle : en 1926 et 1928 il publie avec Mohammed el Fassi les « Contes fassis » et « Nouveaux contes fassis ». En 1929, il publie une biographie de Mahomet, bien accueillie dans les milieux lettrés musulmans et réédité en 1950. En 1931, il traduit avec son ami Abdelmalek Faraj, « L’éloge du vin » de Omar Ibn Al Faridh, édité avec un bel essai sur le soufisme et la mystique musulmane par son ami René Guénon.
En 1938, à la disparition du journal « L’information », il reprend son métier d’archiviste, d’abord avec un stage aux Archives départementales de Seine-et-Oise (Yvelines), puis est nommé archiviste départemental des Hautes-Alpes. Il n’en continue pas moins de publier des articles sur des questions de spiritualité locales et devient vice-président de la Société d’études des Hautes-Alpes.
En 1942, il est nommé conservateur en chef des Archives de la Délégation générale en Algérie. Au sein de la Bibliothèque du Gouvernement général, il développe d’importants fonds littéraires et islamiques et il assure la succession de Gabriel Esquer à la tête de la « Collection des documents inédits sur l'histoire de l'Algérie », ainsi qu'au Bureau de la Société historique algérienne, qui éditait depuis 1856 la Revue africaine. Il publie à nouveau de nombreux ouvrages d’études islamiques : la « Vie des saints musulmans » (Baconnier, 1942), les « Contes Kabyles » (Charlot, 1945), « Les plus beaux textes arabes » (La Colombe, 1951) ; « Le culte des saints dans l'Islam Maghrébin » (Gallimard, 1954) ; « Mahomet et la tradition islamique » (Éditions du Seuil, 1955) et « Le Pays ďAbel » (Gallimard, 1960), où il étudie les tribus nomades arabes. Il profite de ses inspections dans le pays pour mener des enquêtes sociologiques et ethnographiques, se créant un réseau d’informateurs le plaçant comme l’un des Européens les mieux au fait des évolutions du pays. Il est en parallèle très apprécié des islamologues et hauts fonctionnaires en charge des questions musulmanes et devient ami avec Louis Massignon. Ces contacts avec l’Islam le font pencher vers un syncrétisme islamo-chrétien, symbolisé par son attachement au pèlerinage commun des Sept Dormants.
La guerre d’Algérie et en particulier l’assaut du Gouvernement général et la destruction partielle de la bibliothèque heurte profondément cet homme convaincu de la possibilité de rapprochement des peuples et des religions et il quitte l’Algérie en mai 1962, se met en retraite qu’il vit mélancoliquement et malade en Seine-et-Marne.