Publié dans la collection « Présences », créée en 1931 et dirigée par Daniel-Rops, converti au catholicisme, qui a pour ligne éditorial des thématiques spirituelles chrétiennes et de conversion, cet ouvrage publie donc des textes d’auteurs catholiques sur les juifs. Il participe du débat dit de la « Question juive », concept apparu à l’époque des Lumières concernant l’aptitude des juifs à s’intégrer dans les nations, en défendant une vision philosémite mais orientée par la confession catholique des auteurs : pour la plupart, l’Eglise catholique est la réalisation d’Israël et l’héritière de Jérusalem, la question juive doit donc se résoudre par la conversion des juifs. Leur philosémitisme n’empêche pas des propos antisémites plus ou moins stéréotypés. On lit ainsi dans la contribution de Paul Claudel qui a pourtant publiquement protesté contre la persécution nazir en 1936 que « L’on voit partout des juifs au premier rang des partis de subversion sociale ou religieuse », et des remarques sur un soi-disant esprit négatif et destructeur des juifs. De même, René Schowb parle sévèrement de ses anciens coreligionnaires qui s’entête dans l’erreur religieuse et commence même son article (le dernier du volume) par un « Je n’aime pas les Juifs ». Jacques Maritain se démarque davantage dans « L’Impossible antisémitisme » argumentaire philosémite plus audacieux et offrant davantage de perspectives : Maritain examine la situation des Juifs de son temps et avance l’idée que le peuple juif a encore une mission à accomplir après la venue du Christ. Ce philosémitisme antilibéral de l’ouvrage se distingue néanmoins de l’antisémitisme de l'Eglise, car il en appelle à l’esprit chrétien de charité et de justice qui doit conduire toute action : « En vérité, un chrétien ne peut, sans se renier lui-même dans ce qu’il a de meilleur, être encore antisémite. […] Mais qu’on n’oublie pas, surtout, que la seule solution au problème n’est pas une solution politique ; qu’elle n’est pas ailleurs que dans la conversion. [Les antisémites] cherchent la solution laïque d’un problème qui ne relève que de la vérité chrétienne. Ils proposent la force où l’amour seul et la lumière ont droit. L’antisémitisme, sur le plan de la nature, est une solution insuffisante. Sur le plan chrétien, elle est monstrueuse. La seule issue pour un pays d’avoir enfin raison de ses Juifs, c’est d’être fidèle, lui-même, à sa propre mission, en redevenant profondément chrétien, [...] Et qu’il n’y a pas plus de salut pour un peuple que pour un individu hors des voies de la vie et de la vérité. » (pages 325-326).