A suivre ...
La crise universitaire : déclenchement
Après la Seconde Guerre mondiale, comme tous les pays belligérants, la France a vu sa natalité augmenter et dans les années 1960 les baby-boomers arrivent dans les lycées et universités. De plus, la scolarisation s’allonge. Pour pallier l’augmentation du nombre d’étudiants – le nombre d’étudiants passe de 240 000 en 1961 à près de 600 000 en 1968 – sont créées des campus suburbains en banlieues des grandes villes (comme le campus de Nanterre en région parisienne), et de nombreuses universités sont créées en région : l’Université de Nice – bien que des instituts dépendant de l’Université d’Aix-Marseille existaient déjà – est créée en 1965.
A cette crise structurelle, mal prise en compte par l’Etat, qui se contente de la réforme Fouchet décrétée le 22 juin 1966, sur les deux premiers cycles en lettres et sciences humaines, cursus particulièrement touché par l’accroissement du nombre d’étudiants, et qui fait l’unanimité contre elle, s’ajoute une crise du syndicalisme étudiant. L’UNEF (Union nationale des étudiants de France) qui compte en 1961 plus de 100 000 adhérents, en compte moins 30 000 en 1968. Il n’est donc plus reconnu comme interlocuteur par l’Etat qui ne discute plus avec les syndicats étudiants, alors même que sa commission internationale est très active et est en contact avec les mouvements italiens et allemands. C’est elle qui appelle au meeting des Six heures qui fit naître le Comité Viêt-Nam national en novembre 1966 et qui porte la dénonciation contre la guerre du Viêt-Nam et l’impérialisme. L’UNEF s’associe également fortement avec le syndicat de l’enseignement supérieur (SNE Sup). L’affaiblissement de l’UNEF favorise la prolifération de groupuscules de toutes les tendances politiques : Parti Socialiste Unifié (PSU) au sein de l’UNEF, Union des Etudiants Communistes (UEC), Comité de liaison des étudiants révolutionnaires (CLER) trotskiste, Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), anarchistes et situationnistes….
De la misère en milieu étudiant, considérée sous ses aspects économiques, politiques, psychologiques, sexuels et notamment intellectuels et quelques moyens d’y remédier
En novembre 1965, une brochure portant la signature « des membres de l’Internationale situationniste et des étudiants de Strasbourg », « De la misère en milieu étudiant, considérée sous ses aspects économiques, politiques, psychologiques, sexuels et notamment intellectuels et quelques moyens d’y remédier » fait scandale. Elle émane de l'Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg, affiliée à l'UNEF. Elle dénonce les conditions de vie des étudiants, et attaque les institutions bureaucratiques, du Parti Communiste à l'UNEF... Sa distribution dans certains campus, notamment à Nanterre, va mener à de premières actions, comme le 11 janvier 1967 à Strasbourg, la fermeture par des associations locales étudiants des bureaux d’aide psychologique universitaire, créés par la Mutuelle nationale des étudiants de France, organisme de la Sécurité sociale étudiante, considérée dans la brochure comme un instrument de contrôle.
L’occupation des résidences universitaires
L’époque est aussi marquée par la libéralisation sexuelle et des mœurs. A Nanterre, ce nouveau campus suburbain de la banlieue parisienne, la Cité universitaire accueillant 1 200 étudiants est le théâtre d’autres revendications : la libre circulation entre les bâtiments des filles et des garçons. Le 21 mars 1967, le bâtiment des filles est occupé :
« La troupe, essentiellement constituée de garçons, se met en marche vers les bâtiments C et D. Les portes sont forcées, le veilleur de nuit un peu bousculé, et l’on monte dans les étages. Jusque tard dans la nuit, coincées dans les couloirs du cinquième étage, une soixantaine d’occupants discutent, chantent, jouent de la guitare. Vers 6 heures du matin, arrivée de la police… qui renonce à donner l’assaut »
Jean-Pierre Duteuil, membre de la Liaison des Etudiants anarchistes. Cité par Christine Fauré, Mai 68 jour et nuit, Découvertes Gallimard, 1998, p. 34
Cet exemple est suivi dans le nombreuses cités universitaires dans toute la France. En plus du droit de visite entre garçons et filles, ce mouvement porte sur les règlements intérieurs mais aussi sur des revendications politiques sur la gestion étudiante des cités universitaires. Le 14 février 1968, l’UNEF et la FRUF (Fédération des résidents universitaires de France) lancent une campagne nationale pour l’abrogation des règlements intérieurs des cités universitaires. Le 23 février, le ministre de l’Education Alain Peyrefitte fait quelques concessions, qui ne suffisent pas aux yeux des étudiants. Le 2 mars, des manifestations ont lieu à Rennes et à Besançon, le 13 mars, le restaurant universitaire d’Antony (Hauts-de-Seine) se met en grève, les 15 et 16 de nouvelles manifestations ont lieu à Rennes et Saint-Etienne contre le règlement des résidences universitaires et le Plan Fouchet.
A suivre...