Du mouvement des « enragés » à l’« enragement » de la majorité : le 13 mai
A Nice, le mouvement étudiant réagit à partir du 6 mai aux évènements de la Sorbonne. Le 10 mai, étudiants, enseignants et syndicats s’accordent pour organiser une manifestation commune le 14 mai sur les mots d’ordre d’amnistie des étudiants arrêtés et défense des libertés syndicales. Mais la nuit des barricades parisiennes va tout changer : c’est l’appel à la grève générale pour le 13 mai. C’est la première fois dans la Cinquième République qu’un mot d’ordre de grève générale de 24 h est lancée, le précédent, contre les évènements en Algérie était limité, de 5 min à 1 h.
Force ouvrière, qui n’avait pas participé à l’appel pour le 14 mai se rallie à l’appel. L’Union départementale de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), elle, rappelle
« son opposition à toute agitation comme à toute violence et son désir de voir s’engager entre tous les intéressés un dialogue constructif sur les problèmes à l’origine du malaise dans les universités, particulièrement celui de l’orientation des jeunes ».
Le débrayage touche plus de 80 % de la fonction publique, moins le secteur privé, où dans le bâtiment on n’atteint même pas 50 % de grévistes. Par contre, les manifestations sont un succès : à Nice, un cortège suivi d’un meeting rassemble 25 000 à 30 000 personnes ; une motion est votée au nom de la solidarité avec les étudiants, les enseignants et les travailleurs contre la répression policière, qui demande l’amnistie des étudiants arrêtés, la liberté syndicale et politique, des réformes démocratiques de l’enseignement, la transformation du système économique par et pour le peuple ; dans le cortège, on entend des slogans antigaullistes « Gouvernement populaire », « Dix ans ça suffit »… Des manifestations importantes ont également lieu à Cannes, Antibes, Grasse, Vence.
Dans Nice-Matin, Roger Bouzinac écrit le 12 mai :
« Il y avait au début du conflit quelques « enragés ». On a, à la suite de nombreuses maladresses, « enragé » la majorité. »
Si le 13 mai, la jonction est faite entre étudiants et travailleurs, dans le département, elle n’a pas de durée : le COG est profondément anti-syndicaliste et les gauchistes opposés à la société de consommation ne peuvent s’allier à un mouvement des travailleurs qui revendiquent les moyens de consommer. La CGT aura quand même des relations d’aîné avec l’UGEN-UNEF, des rapprochements se feront pour l’organisation de manifestations, mais sans plus.