Revendications

Le premier point de revendication sur la réforme de l’enseignement autant chez les lycéens que chez les étudiants, c’est la liberté d’expression et la libre discussion, mais tout le monde ne l’entend pas de la même manière :

  • Pour la FNEF, l’étudiant, futur cadre de la nation doit pouvoir s’exprimer largement, et dialoguer avec les « autorités compétentes : élus, industriels, ministres » (communiqué 14 mai). La FNEF est plutôt partisane d’une réforme du système avec le gouvernement.
  • Pour les deux groupes de gauche, il s’agit de s’opposer à deux éléments de qu’ils appellent l’« Université bourgeoise » : l’exclusion du politique dans le contenu de l’enseignements et la prétendue neutralité du savoir, ce qui revient à dénoncer les conceptions dominantes en matière culturelle et scientifique et en faire un instrument de développement de la conscience politique des étudiants.

Au programme de l’UGEN-UNEF pour les élections de l’Assemblée constituante paritaire de la faculté de Lettres le 4 juin, on lit :

« La liberté d’expression ne signifie pas la liberté pour chacun de dire n’importe quoi, mais la liberté pour une organisation étudiante représentative d’exprimer ses opinions et propositions ».

 

Cette liberté revendiquée, elle ne peut s’établir selon les tracts gauchistes qu’en instaurant d’abord le Pouvoir étudiant. Face à une Université de classes, avec une hiérarchie très forte dans le corps enseignant et dans les relations enseignants-étudiants, dont le but est de former les futurs cadres d’un système bourgeois, les étudiants doivent prendre le pouvoir pour faire des facultés des foyers révolutionnaires. Dans cette optique révolutionnaire du Comité de grève, toute structure cherchant à fixer le mouvement en cours est elle aussi réactionnaire, aussi il s’opposera à toute tentative d’organisation des facultés en grève.

Pour ces groupes gauchistes, ce mouvement étudiant ne peut être qu’une contestation du régime et « il n’existe pas de problème spécifiquement étudiant mais des aspects étudiants de problèmes nationaux ».

 

A l’inverse, l’UNEF-UGEN défend l’idée de l’autonomie avec une participation réelle des étudiants dans le fonctionnement des facultés, via des structures pérennes et non-révolutionnaires. Elle revendique, elle, une représentation paritaire, où les membres de la communauté universitaire sont la source de la souveraineté : « un conseil académique avec représentation paritaire ; une Assemblée de Faculté tripartitre. La mise en place d’assemblées générales par section regroupant tous les enseignants, tous les étudiants, tous les chercheurs, tous les membres du personnel ». La majorité des étudiants suivra cette idée de l’autonomie des facultés, une autonomie fondée sur la régionalisation, comme l’indique un communiqué du 11 mai de l’AGEN :

« nous proposons des universités cogérées, autonomes dans un cadre régional »

 

Les revendications de nature pédagogique sont beaucoup moins marquées, les syndicats se contentent généralement de rappeler la triple vocation de l’Université : la formation théorique, la formation à la recherche, la formation professionnelle.

Pour l’UGEN, il s’agit tout de même d’offrir un enseignement plus adéquat avec la suppression du cours magistral, le développement du travail de recherche et de réflexion de l’étudiant plutôt que le bachotage, le développement du travail en groupe. Elle souhaite que la possibilité de changer de cursus soit améliorée grâce à un enseignement général de base commun plus important, tout en développant des enseignements diversifiés.

Le problème des débouchés de l’Université est un constat commun, mais avec des préconisations de solution diverses : pour l’UGEN, de meilleures information et orientation et le développement d’enseignements à visée professionnelle ; pour la FNEF, l’intensification des relations entre universités et entreprises.

Dans le développement du mouvement, la jonction avec les grèves ouvrières prend également une grande importance, le but étant pour les uns une révolution sociale complète, pour les autres, de faire admettre les étudiants comme des membres à part entière du corps politique.

Pour répondre à l’une des revendications, la liberté d’expression et d’affichage, le Bureau Universitaire de Liaison et d’Information est chargé de centraliser et de diffuser des informations à l’échelle nationale et locale. Un journal inter-facultés de tendance anarcho-gauchiste, l'Antécrible, est édité de manière éphémère (2 numéros).

Si dans un premier temps, les revendications sont les mêmes qu’au niveau national, contre l’intervention policière à la Sorbonne et l’arrestation et les condamnations prononcées contre les étudiants parisiens, une revendication locale va faire jour : la réintégration d’Alain Anne, responsable syndical sanctionné en janvier pour délit d’opinion, pour avoir soi-disant voulu créer une cellule du PCF à l’Ecole normale, et qui a été déplacé à Ajaccio. La sanction ne sera levée que fin juin quand le recteur autorise celui-ci à présenter l’examen de CAPES de 2ème année.